République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1571-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et M. Pierre Vanek, Nicole Lavanchy pour une Genève "fer de lance" du cinéma romand
Rapport de majorité de M. Eric Bertinat (UDC)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Débat

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de majorité. La première chose qu'il faut remarquer, c'est que la proposition de nos anciens collègues, M. Vanek et Mme Lavanchy, est restée passablement de temps dans le pipeline de la commission. Puis, enfin, elle a été traitée, mais son sujet - bien qu'il se soit révélé assez intéressant, voire carrément intéressant - avait vraiment un côté obsolète, en ce sens que le département de M. Beer avait déjà empoigné le problème, vu le temps qui s'était écoulé, et déposé un projet qui devait créer une fondation ayant pour but de soutenir le cinéma romand - d'une manière générale, on peut dire qu'elle visait à concurrencer la place zurichoise en matière de cinéma - sans que la démarche, le projet de M. Beer, soit finalisée. La commission n'a donc pas voulu entrer davantage en matière sur la proposition, non pas qu'elle fût mauvaise ou critiquable en elle-même, mais parce que les commissaires gardaient à l'esprit que ce thème allait être traité par le département avec un nouveau projet et qu'il convenait donc d'attendre ce projet pour reprendre la discussion. Cette dernière, je le rappelle, a été fournie et détaillée, chacun a exprimé son point de vue, mais elle reste suspendue dans l'attente de la suite que le département entend donner à ce sujet.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Comme l'a signalé le rapporteur de majorité, les débats furent intéressants en commission, parce que la proposition de motion était elle-même intéressante. En effet, elle était bien rédigée, mais c'est vrai que, comme toujours, il y a un aspect rédhibitoire lorsque des noms de collègues de l'Alliance de gauche apparaissent: on a tendance à liquider les documents un peu trop rapidement. Toutefois, M. Bertinat a été correct dans la manière dont il a relaté les travaux.

Tout d'abord, j'aimerais dire que cette motion est toujours très importante: si nous regardons les chiffres qui nous ont été fournis pour un certain nombre de films faits à Genève - puisqu'il s'agit de constituer un fonds cinéma - sur 8,7 millions qui ont été investis pour ces films, il s'est avéré qu'à Genève il avait été dépensé 5,5 millions, et que le retour sur investissement avait été de 7,5 fois l'apport genevois en matière économique. Ce qui veut dire que ce projet est éminemment intéressant, non seulement pour le cinéma en tant qu'art, mais aussi pour le cinéma en tant qu'industrie. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il ne s'agit pas du tout d'un projet... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Oui, Monsieur le président, c'est très pénible de travailler dans ces conditions, vraiment très pénible !

Le président. S'il vous plaît, du côté des bancs de droite ! Monsieur Florey, s'il vous plaît !

M. Alberto Velasco. Je disais donc que ce n'est pas un projet totalement idéologique; c'est un projet industriel, cela concerne l'industrie du cinéma, et c'est aussi la raison pour laquelle les commissaires de gauche comme de droite s'y sont intéressés et, je dois le dire, n'ont pas mis en question les invites. Toutefois, ils considéraient que ces dernières étaient satisfaites. Or l'une des invites appelait à ce fameux fonds genevois du cinéma, le Fonds Regio, et ce que l'on nous a dit concrètement, c'est que le projet d'une fondation de cinéma à Genève était probablement très intéressant, mais qu'il était obsolète en tant que tel - c'est ce que M. Bertinat nous a indiqué tout à l'heure. Seulement, voilà: le jour où nous avons traité cette proposition en commission, le Conseil d'Etat n'était toujours pas venu avec un projet concret pour mettre en place ce fonds, bien que Genève apporte une aide à la hauteur de la Ville de Genève pour cette industrie, il faut le rappeler. Quoi qu'il en soit, le fonds en question n'était toujours pas là. A l'heure actuelle, je ne sais pas, Monsieur le président, si le Conseil d'Etat a établi ce fonds, ni ce qu'il en est de la politique du Fonds Regio ou ce qu'il en est advenu parce que, vu que cette motion déposée en 2004 a été traitée en commission il y a environ une année, de l'eau a coulé depuis. Mais peut-être que le conseiller d'Etat nous en dira plus tout à l'heure.

La raison pour laquelle nous, socialistes, avons estimé qu'il fallait suspendre l'entrée en matière de cette proposition de motion, c'est parce que nous voulions la conserver en attendant le rapport du Conseil d'Etat qui certifie que Genève, et notamment le Conseil d'Etat, s'est engagé à appuyer cette industrie. Cette dernière, je le souligne, rapporte non seulement à notre canton sept fois plus d'investissements qu'il n'en fait, mais elle crée aussi des postes de travail, amène une aura dans notre canton et a un lien avec la Romandie. Bref, il y a toute une série d'aspects qui font qu'elle mérite que nous nous y penchions tous. Et si nous ne voulions pas refuser l'entrée en matière, c'était parce que nous souhaitions garder la dernière invite en attendant le rapport du Conseil d'Etat. En effet, une fois ce rapport sur la table, nous aurions pris acte que le Conseil d'Etat s'est engagé à aller dans le sens de ce fonds et à appuyer cette industrie, et nous aurions alors, comme nos collègues, considéré que cette motion était obsolète. Mais voilà les raisons qui font que nous estimons aujourd'hui, n'ayant toujours pas de réponse claire de la part du Conseil d'Etat, que la dernière invite en tout cas est à prendre en considération.

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, encore une proposition de motion qui date de 2004 ! Il faut savoir que, en 2004, la commission de l'enseignement s'appelait «commission de l'enseignement et de l'éducation», mais pas encore «commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture». Par conséquent, cette motion n'a pas été étudiée par la commission de l'enseignement, ce qui paraîtrait logique, mais par la commission des finances. De plus, lorsqu'on la lit, on s'aperçoit que les préoccupations artistiques ne sont pas la première chose que l'on voit; ce sont davantage des préoccupations financières !

Du reste, on peut se poser des questions. «Pour une Genève fer de lance du cinéma romand»... Mais écoutez, il ne faut quand même pas rêver ! Si vous me disiez: «Genève, fer de lance du jubilé Calvin», moi je dirais: absolument d'accord ! Mais, «Genève, fer de lance du cinéma romand»... C'est quoi cette vision étriquée actuellement ? C'est du cantonalisme exacerbé, qui ne prend pas du tout en considération l'intercantonalisme ni la région. D'ailleurs, il est amusant de constater que, dans les annexes au rapport sur cette motion, il est écrit: «Danemark: une aide exemplaire au cinéma». Nulle part il n'est indiqué: «Copenhague: une aide exemplaire au cinéma» ! Donc, s'il vous plaît, arrêtons de dire «Genève fer de lance du cinéma», mais ayons une vision moins étriquée ! Pour cette raison, le groupe libéral n'entrera pas en matière sur cette proposition de motion.

M. Henry Rappaz (MCG). Comme le disait un célèbre producteur de films, le cinéma doit être du rêve, et les factures qui en découlent un cauchemar. Il avait vraiment raison ! Ainsi, depuis la création des frères Lumière et de leur cinématographe, le coût des films a toujours été la bête noire des créateurs. L'amélioration constante des moyens techniques, la disproportion du coût d'une production moyenne pour un film européen... Celui-ci est aujourd'hui budgété à 7,5 millions d'euros environ, contre 75 millions de dollars pour les Américains, alors que les superproductions suisses coûtent, elles, 1,5 million. La différence est significative !

Des fonds multiples existent - l'Etat, la Loterie, le Fonds Regio, MEDIA et autres - mais le problème réside dans le fait qu'il y a plus de demandeurs que de réelles possibilités d'accorder à tous l'aide nécessaire pour réaliser un film. Le cinéma aujourd'hui appartient à la cour des grands, mais réaliser un film, lorsqu'on n'accède pas aux subventions ni à l'aide traditionnelle, n'est pas forcément un échec, puisque les techniques vidéographiques se sont tellement améliorées que, avec une montagne d'énergie et de volonté, il reste possible à un jeune auteur de s'exprimer et de faire connaître son oeuvre à travers les festivals ou sur le net. J'ai personnellement réalisé plusieurs longs métrages sans aucune aide de Berne ni de l'Etat, et mon premier film, «L'aube ne s'est pas encore levée», fut projeté au cours du festival de Cannes et a récolté les honneurs qu'il méritait. On peut donc y arriver sans l'aide de l'Etat !

Pour terminer, lorsque j'entends que certains demandent à la Télévision romande d'augmenter son aide aux cinéastes, je crains que cette demande ne soit irréaliste, quand on sait que notre chaîne nationale ne cesse de régresser et envisage même de déplacer de Genève les informations du téléjournal pour faire des économies. Je crains donc que peu d'oreilles ne soient à l'écoute de notre organisme. En conclusion, j'abonde dans le sens de la dernière invite rédigée par les motionnaires, celle qui invite le Conseil d'Etat à rendre rapport rapidement à notre Grand Conseil sur la politique qu'il entend mener en matière de soutien au cinéma.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Pour le groupe démocrate-chrétien, il est important que le cinéma ait la place qu'il mérite, donc oui à un pôle pour une fondation de cinéma romand fort, et non à une micro-production genevoise ! En outre, il semble absolument essentiel d'attendre le projet de loi du Conseil d'Etat, raison pour laquelle nous nous abstiendrons, comme nous l'avons fait en commission.

Mme Virginie Keller (S). Quelques mots pour dire que, même si ce projet date du point de vue de ses détails, ses invites sont encore d'actualité, comme l'a dit le rapporteur de minorité Alberto Velasco, bien que le projet ait avancé depuis, et heureusement, car l'on sait aujourd'hui que la Ville et l'Etat travaillent conjointement avec les autres cantons romands pour la création d'une fondation romande du cinéma. Il serait du reste très intéressant que le président du département de l'instruction publique et de la culture puisse nous parler tout à l'heure de ce projet, comme il sera important que l'on puisse lui renvoyer cette proposition de motion afin qu'il nous fasse un rapport sur la question.

Mme Hagmann s'est moquée du canton de Genève, voire de la Ville de Genève, en disant que la culture, ce n'est pas à Copenhague que ça se fait, mais au point de vue fédéral... Je rappelle quand même que les partis de droite au niveau fédéral résistent énormément à introduire la question des budgets de création dans la loi fédérale, ils ne veulent rien savoir ! Or la loi fédérale, c'est bien aux cantons qu'elle donne la compétence des budgets culturels et, dans le cas du canton de Genève, on sait qu'historiquement ce sont même les communes qui ont été fer de lance de la création - et donc, Madame Hagmann, aussi fer de lance du cinéma !

Ces dernières années, on voit que le niveau des fonds cinéma a un tout petit peu augmenté; aujourd'hui, si l'on additionne grossièrement les fonds donnés par la Ville et l'Etat au cinéma indépendant et au Fonds Regio, on arrive à peu près à 3,5 millions. Or, quand on voit ce que le canton de Zurich a fait dernièrement en octroyant un capital de 20 millions dans une fondation de cinéma... Que pour le canton de Zurich, Madame Hagmann, non pas de manière intercantonale ! Un capital de 20 millions, que pour le canton de Zurich, plus 8 millions par année pour pouvoir aider le cinéma zurichois. Et l'on sait très bien que, depuis que cette fondation existe, une grande partie des projets de cinéma suisse vont se faire à Zurich, car ils ont posé comme condition à l'octroi des fonds de cette fondation de cinéma que les cinéastes dépensent une partie des fonds obtenus dans le canton de Zurich, ce qui évidemment ramène un certain nombre de recettes financières à ce canton. Et c'est bien pour cela que cette proposition de motion avait été renvoyée à l'époque à la commission des finances ! Du reste, elle aurait peut-être dû être renvoyée plutôt à la commission de l'économie, parce que c'était bien dans une conception économique du cinéma que cette motion s'inscrivait.

Les socialistes vous proposent de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat, de manière qu'il puisse rédiger un rapport sur la situation dans laquelle on se trouve par rapport au projet de fondation romande de cinéma, comme les libéraux, les démocrates-chrétiens et d'autres l'ont demandé. Mais même si c'est finalement un projet intercantonal qui verra le jour, il faudra quand même à un moment donné parler d'argent et voir combien nous pourrons mettre dans ce projet, quelles sommes nous aurons la volonté d'investir pour que les cinéastes romands puissent enfin travailler. On n'ose même pas l'espérer, mais ce serait bien qu'ils puissent travailler à la hauteur de ce qui se fait dans le cinéma suisse allemand.

Les socialistes vous recommandent donc de voter cette proposition de motion qui, même si elle date, reste d'actualité. Vous verrez d'ailleurs que, d'ici à quelques mois, on risque de reparler de ce projet, et c'est bien dans ces termes-là qu'on en parle encore aujourd'hui.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Les Verts souhaitent augmenter l'effort de l'Etat de Genève dans son soutien au cinéma genevois. En effet, quand on sait que, en moyenne, un long métrage coûte 3 ou 4 millions, alors que la Ville de Genève ne finance que pour 1,6 million et l'Etat, 1,5 million, par le biais de l'aide à la création, il y a de quoi faire. Quand on sait aussi, comme l'a dit ma préopinante, que le canton de Zurich réalise un effort beaucoup plus important que nous en matière de subventionnement au cinéma, eh bien, il faut augmenter le soutien de l'Etat de Genève au cinéma genevois. Il convient d'augmenter notre effort parce que, surtout en temps de crise, la place du cinéma est importante; en effet, le cinéma, c'est le rêve, c'est la culture, c'est la création, alors si vous souhaitez aller dans le sens du rêve, eh bien votez cette motion.

M. Pierre Weiss (L). Cette semaine, il s'est trouvé que, dans mes heures d'insomnie, j'ai regardé un film délicieux qui s'appelle «L'argent de poche». C'est un film de Truffaut qui remonte à un peu plus de trente ans et qui narre des histoires qui n'ont strictement rien à voir avec nos débats au Grand Conseil, mais c'est une leçon d'humanisme que je vous recommande au passage.

Cela dit, c'est un peu à cela quand même que doivent se résumer certains de nos débats, y compris celui sur la proposition de motion que nous traitons ce soir. Toutefois, si «L'argent de poche» est hautement louable, cette motion est tout autant critiquable, pour six raisons que je vais rapidement vous rappeler.

D'abord, il s'agit de ne pas encombrer l'ordre du jour de notre Grand Conseil puisque, avec son efficacité coutumière, le Conseil d'Etat nous a annoncé un projet de loi sur l'objet en question. Allons donc à l'essentiel, attendons le projet de loi et ne nous encombrons pas de cette motion remontant à des années lumière et provenant d'un groupe aujourd'hui disparu - et que certains ne pleurent pas.

Deuxièmement, il faut prendre en considération les effets d'échelle: tout à l'heure nous parlions de Copenhague, mais moi je parlerai d'un quartier de Copenhague, Genève étant à peine, avec son canton, un quartier de Copenhague. Je crois que, effectivement, il faut travailler au moins sur le plan romand, voire avec la région Rhône-Alpes, pour pouvoir espérer une action efficace en matière de politique culturelle dans le domaine du cinéma. Les moyens importants ont été rappelés par l'un de nos collègues qui s'y connaît en cinéma et en spectateurs, et je crois que, en effet, pour espérer avoir des spectateurs, il faut faire des films de qualité, et les moyens dont on dispose à Genève ne sont pas toujours suffisants à cet égard.

La troisième raison est que la Ville elle-même a augmenté les moyens mis à disposition et que, de ce point de vue là, sachant ce qui se fait à la Ville, on devrait être rassurés. Mais non !

Et c'est la quatrième raison de refuser cette proposition de motion: on y trouve une logique perverse dans la première invite. En effet, que nous dit-elle ? Elle nous dit que, si un partenaire augmente, l'autre doit augmenter de la même façon. Au fond, c'est une logique de poker: quand on veut voir, il faut mettre le même montant sur la table. Mais que se passerait-il alors si l'un des partenaires baissait ? Par hypothèse, la Ville ? Certes, c'est une pure hypothèse, la Ville ne diminue jamais ses subventions, mais enfin, si l'un des partenaires baissait, est-ce que l'autre devrait en faire autant ? Vous savez fort bien que cela nous a conduits dans une impasse lorsqu'il s'est agi de discuter de la FAD, et cela nous conduirait dans une autre impasse aujourd'hui, parce que l'on ne peut pas calquer les décisions d'une instance, d'un acteur institutionnel - en l'occurrence l'Etat - sur les décisions prises par un autre acteur institutionnel - à savoir la Ville. Chacun a le droit de mener de façon indépendante son action en la matière, et je dirai même que chacun devrait la mener sans que l'autre ne s'en mêle.

Il doit y avoir un partage des compétences - et c'est la cinquième raison - chacun devant faire ce qu'il croit pouvoir faire; en l'occurrence, je crois que la Ville peut encore moins faire que le canton, mais cela, c'est une autre histoire, je ne veux pas me prononcer sur les grandes compétences de la Ville en matière culturelle.

Enfin, et c'est la dernière raison, s'il s'agit de proposer quelque chose dans le domaine de la création cinématographique, il s'agit aussi de savoir, dans une économie de rareté, où prendre les moyens disponibles. En effet, je n'ai jamais entendu les motionnaires proposer de diminuer les dépenses faites ailleurs, que ce soit dans le domaine de la culture, des infrastructures, du social ou d'autres activités étatiques. Non ! Il n'y a nulle proposition, mais la technique budgétaire par millefeuilles est une mauvaise technique.

En conclusion, oui au cinéma, oui à la création culturelle en matière cinématographique, mais pas d'une façon désordonnée - j'allais dire déstructurée - telle que proposée dans cette motion et défendue par l'un de nos collègues, par ailleurs fort sympathique, M. Velasco.

M. Frédéric Hohl (R). Nous sommes tous d'accord: oui au cinéma ! On a tous envie de rêver, bien évidemment, mais le cinéma est un art créatif coûteux. Qu'il soit subventionné ou pas, on le sait, c'est également un générateur d'emplois très important dans les pays ou cantons où les films sont tournés.

Par le passé, il y a eu un projet de fondation genevoise, à l'instar de Zurich, qui possède une fondation zurichoise pouvant accueillir des films, avec l'obligation de les tourner dans ce canton.

Aujourd'hui, on sait que les magistrats de la Ville et de l'Etat, MM. Mugny et Beer, travaillent ensemble, de concert, alors cette proposition de motion n'a absolument rien à faire dans ce débat puisqu'ils collaborent déjà et qu'ils travaillent à nous proposer quelque chose.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons donc pas accepter cette proposition de motion.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, j'aimerais dire à Mme Hagmann: et pourquoi pas ? Pourquoi pas prétendre ou vouloir être le fer de lance ? Moi je trouve que l'un des points sympathiques chez les libéraux, c'est leur ambition; ils disent tout le temps que Genève manque d'ambition, etc., alors pour une fois que certains affichent leur ambition, vous devriez plutôt les féliciter ! Mais non, vous les critiquez ! Ensuite, s'agissant du Danemark, Madame, je lis dans les annexes au rapport que le ministère de la culture a alloué un montant de 71,5 millions en 2001. Donc oui, effectivement, ce pays a une politique publique en matière de cinéma, comme tous les pays d'ailleurs, ainsi que toutes les régions.

Monsieur Weiss, vous nous avez donné six raisons de refuser cette proposition de motion, et j'ai trouvé la première intéressante. Vous dites qu'il ne faut pas encombrer notre parlement de sujets qui vont faire l'objet d'un rapport du Conseil d'Etat. C'est intéressant ! En effet, l'autre jour la commission judiciaire traitait une motion radicale, et le Conseil d'Etat nous a dit qu'il allait nous rendre un rapport qui répondait pratiquement à la motion des radicaux. J'ai donc demandé que cette motion soit retirée, en attendant le rapport, et l'on m'a dit non. Alors pourquoi ce qui est vrai pour les radicaux ne le serait pas pour les autres ? (Commentaires.) C'est comme ça... C'est ce que l'on appelle le diktat de la majorité, c'est-à-dire le non-respect des minoritaires: je fais comme je veux lorsqu'il s'agit de moi, mais lorsqu'il s'agit des autres, pas question ! Pourtant, le respect de la minorité est une marque essentielle de la démocratie dans cette république. Alors moi je considère que soit on donne l'exemple et on retire les motions lorsqu'elles vont faire l'objet d'un rapport qui répond à sa proposition, et à ce moment-là on exige des autres qu'ils en fassent de même... Mais si ce n'est pas le cas, il faut aussi respecter les groupes qui préfèrent attendre le rapport du Conseil d'Etat pour retirer une motion.

Ensuite, je tiens à dire, chers collègues, que j'ai connu personnellement la famille de M. Soutter, grand cinéaste genevois, et j'ai eu vent de la façon dont il a dû débuter et dans quelles conditions financières. C'était l'enfer ! Ce sont quelques mécènes qui lui ont permis de se faire connaître à l'époque. Mais enfin, combien d'autres auraient pu créer des films, combien d'autres auraient pu se faire remarquer s'il y avait eu à l'époque une structure de fonds comme celle que nous demandons aujourd'hui ?! C'est la question que l'on doit se poser ! Qu'avons-nous loupé à l'époque ?

Mesdames et Messieurs les députés, vous avez tous dit que vous êtes d'accord pour un fonds régional; mais c'est ce que demande la motion ! C'est ce que réclame la deuxième invite: un soutien au Fonds Regio visé par la décision de la CIIP du 12 décembre 2002. La motion ne fait que dire au Conseil d'Etat: «Il serait intéressant d'avoir un fonds non seulement genevois, mais peut-être régional. Donnez-nous une information à ce sujet et l'affaire est classée !» C'est simplement cela ! Et c'est la raison pour laquelle nous demandons au Conseil d'Etat si ce fonds existe, et s'il n'existe pas, à quel moment il sera mis en place et quand le projet sera là. S'il n'existe pas encore, on laisse la motion en attente, jusqu'à ce que le Conseil d'Etat nous réponde. En revanche, s'il existe, si tout est fait, alors on peut discuter.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous conseille de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, afin que nous ayons la chance et la possibilité d'être informés de ce qui se passe aujourd'hui à ce sujet, et de ce que font le Conseil d'Etat et les autres collectivités publiques au niveau romand en matière de cinéma. Mais si nous ne renvoyons pas cette motion au Conseil d'Etat, nous ne serons pas assurés d'avoir ces informations !

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous voilà effectivement en train de parler de culture, et je pense que c'est une excellente chose. Nous le faisons à travers une motion qui traite du cinéma, un sujet qui est particulièrement d'actualité. Il l'est d'abord en ce sens qu'il représente un enjeu important aujourd'hui, particulièrement au titre de la diversité culturelle puisque, nous le savons, le cinéma, européen en particulier, qui prend ancrage dans des cultures déterminées, est souvent menacé par l'industrie du film qui, quelle que soit sa valeur artistique, repose sur des moyens financiers qui n'ont bien souvent rien à voir avec un certain nombre de films que nos pays, respectivement nos Etats ou nos cantons, sont capables de soutenir.

J'aimerais également en profiter pour dire que le cinéma suisse s'interroge tout particulièrement sur son devenir, notamment à la lecture des chiffres qui, comme vous le savez, ont traduit pour 2007-2008 une baisse relative sensible en termes de part des films suisses vus en salle. Peut-être est-ce dû parfois tout simplement au hasard de quelques productions qui attirent beaucoup de monde mais, en tous les cas, le trend de 2008 est évidemment peu encourageant et a invité l'ensemble des grands acteurs - si j'ose dire - du cinéma à s'interroger sur son devenir, sur sa destinée et sur les moyens de soutenir cet art.

Au Festival de Locarno, un certain nombre d'acteurs ont eu l'occasion de discuter, d'échanger et de se poser des questions sur la bonne manière de soutenir le cinéma suisse à la lecture de ces chiffres. J'aimerais relever notamment le rôle de Monsieur Cinéma au niveau de la Confédération, M. Bideau, que j'ai du reste rencontré à Locarno en présence de M. Jauslin, directeur de l'Office fédéral de la culture, pour parler de cinéma. J'ai également eu l'opportunité de rencontrer les responsables du projet de fondation romande du cinéma et, à cette occasion, nous avons convenu de ce qui suit.

Il est majeur aujourd'hui que le cinéma suisse évolue du point de vue de son financement, et tout particulièrement de son support en matière financière, dans une répartition des rôles claire entre la Confédération et les cantons: à partir d'un certain montant, pour les fictions et les documentaires, il y a une intervention de la Confédération et, au-dessous, c'est aux instances plutôt cantonales de faire des choix. Et même si 50% de la production romande émanent de Genève, nous sommes obligés de constater qu'un soutien cantonal - qui plus est, dans un certain nombre de cas, municipal - est décalé du point de vue de l'importance des enjeux de la survie du cinéma suisse, et tout particulièrement d'un cinéma qui colle à sa langue, c'est-à-dire à l'expression francophone, et c'est le cas à travers le défi de la fondation romande du cinéma.

C'est pourquoi je m'engage, avec les autorités des autres cantons romands également, à explorer des pistes avec celles et ceux qui promeuvent le soutien de la fondation romande du cinéma et à faire émerger un projet digne de ce nom, qui amènera tôt ou tard les autorités municipales et cantonales à mettre ensemble leurs moyens, très probablement en proposant à leurs cénacles respectifs un certain nombre d'améliorations. J'aimerais dire que, en ce sens-là, la motion colle tout à fait à l'actualité mais que, avec ou sans motion, grâce notamment à l'intitulé de la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture, qui s'intéresse donc maintenant aussi à la culture, nous aurons également l'occasion d'en parler très largement. D'autant plus largement que les Assises du RAAC - Rassemblement des artistes et acteurs culturels - qui font le point sur la politique culturelle, ont eu l'occasion de le faire par domaine et s'interrogent aussi sur la part du cinéma dans notre canton.

Enfin, j'aimerais vous dire que la réflexion sur le cinéma - et je terminerai par là, pour ne pas être trop long, excusez-moi, Monsieur le président ! - doit également se faire avec la question des archives du cinéma, le patrimoine, la transmission, le rôle de la cinémathèque, le rôle de nos archives au CAC, et il faut également le voir en lien avec les festivals. Nous avons beaucoup de festivals, toutefois j'allais dire qu'il n'y a pas un festival majeur en Suisse romande, mais un certain nombre de festivals de qualité qui sont soutenus. Il faut en outre avoir une réflexion sur la lisibilité de ces festivals, mais également sur la formation du cinéma puisque, nous le savons, nous avons des centres de compétence à Lausanne grâce à l'ECAL, ainsi qu'à la Haute école d'art et de design de Genève. Nous avons ainsi quatre pans pour soutenir le cinéma, et j'aurai prochainement l'occasion de venir vous trouver pour vous rendre un rapport sur le développement qui, je l'espère, s'inscrira dans un débat plus large sur la culture.

Mise aux voix, la proposition de motion 1571 est rejetée par 46 non contre 31 oui.