République et canton de Genève

Grand Conseil

R 558
Proposition de résolution de Mmes et MM. Alain Meylan, Jacques Jeannerat, Beatriz de Candolle, Patricia Läser, Ivan Slatkine, Louis Serex, Jean-Marc Odier, Michel Ducret, Charles Selleger, Frédéric Hohl, René Desbaillets, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Daniel Zaugg, Christiane Favre, Claudine Gachet, Guy Mettan, Michel Forni, Philippe Guénat, François Gillet Pour un engagement ferme et déterminé du Conseil d'Etat en faveur de l'inscription de la traversée du Lac Léman à l'agenda fédéral

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, cet objet est en catégorie II et le Bureau a décidé que chaque groupe pouvait s'exprimer cinq minutes. Monsieur Jeannerat, je vous donne la parole.

M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit pas ce soir de refaire - une fois de plus - le débat pour savoir s'il est nécessaire ou pas de réaliser une traversée du lac, étant donné que nous avons dans cette salle, il y a quelques mois, rivé ce principe en octroyant au Conseil d'Etat un crédit d'étude de 3,5 millions pour étudier ce projet. Ce que nous devons définir maintenant, c'est la façon dont cette traversée devra être financée. (Brouhaha.) En effet, un contournement Est autoroutier de Genève - donc une traversée du lac - doit se réaliser au travers d'un nouveau tronçon autoroutier, ce qui passe, par conséquent, par l'arrêté fédéral qui fixe - qui fixe ! - le réseau des routes nationales. Cet arrêté fédéral date du 21 juin 1960. (Brouhaha.) Un conseiller national genevois...

Le président. Un instant, Monsieur le député ! Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît, un peu de silence !

M. Jacques Jeannerat. Merci, Monsieur le président. Un conseiller national genevois a interpellé le Conseil fédéral pour savoir si le contournement autoroutier pouvait se faire via le fonds d'infrastructure pour le trafic d'agglomération... Le Conseil fédéral a été clair: la réponse a été négative.

Il s'agit donc ce soir, par cette résolution, de demander formellement, lors de la prochaine procédure de consultation visant à revoir cet arrêté fédéral du 21 juin 1960, l'inscription de la traversée du lac Léman ! Si tel est le cas, c'est la Confédération qui assumera l'intégralité des coûts.

Au niveau fédéral, le projet genevois se trouvera en concurrence avec d'autres projets autoroutiers, notamment le contournement de Winterthur, le contournement Sud de Berne, ou encore le contournement de Lucerne. Par conséquent, la concurrence entre les cantons est vive...

C'est la raison pour laquelle je vous propose de renvoyer directement cette résolution, ce soir, au Conseil d'Etat. Je vous en remercie.

M. Alain Meylan (L). Il faut effectivement donner un message très clair au Conseil fédéral et à la Confédération pour disposer enfin de cette traversée du lac, qui aura des effets positifs. Principalement au niveau de la sécurité, car elle offrira une alternative aux déplacements nord-sud des migrants, aux déplacements individuels et au développement des transports publics au centre-ville, au titre de la complémentarité.

Petit clin d'oeil par rapport au débat actuel sur la fumée... Certains nous ont reproché de ne pas respecter la volonté du peuple, qui a voté, à 80%, l'interdiction de la fumée. Eh bien, je vous rappelle que le peuple a aussi voulu, à 80%, la traversée du lac, et cela, il y a vingt ans !

Il est donc grand temps de faire preuve d'énergie et de réaliser cette traversée du lac à Genève. Deux milliards vont être dépensés pour le CEVA; la capacité d'investissement pour les transports publics va peut-être être augmentée de 300 à 500 millions; beaucoup de choses ont été faites pour les transports publics: c'est véritablement le moment d'effectuer un acte fort en termes de complémentarité !

Alors, votons cette résolution ! Votons-la tous ensemble pour que Genève puisse se doter rapidement et rationnellement d'un projet d'investissement important pour les infrastructures. Donc, je le répète: votons cette résolution avec énergie et à l'unanimité !

Mme Elisabeth Chatelain (S). Je vais intervenir plus calmement. Je ne vais pas le faire en musique, bien que nous soyons en pleine préparation de la Revue des députés, mais sous forme de litanie...

Pétition 1540, pour une réalisation rapide de la traversée de la rade: renvoyée au Conseil d'Etat en juin 2006; résolution 498, pour la réalisation de la traversée sous la rade: renvoyée au Conseil d'Etat en juin 2006; résolution 513, inscription dans le fonds d'infrastructure pour le trafic d'agglomération: renvoyée au Conseil d'Etat en février 2007; projet de loi 10015, demandant 3,5 millions pour un crédit d'étude pour la réalisation d'une traversée urbaine sous-lacustre: adopté en mai 2007; résolution 529, inscription de la traversée du lac dans le projet d'agglomération franco-valdo genevois: renvoyée au Conseil d'Etat en juin 2007.

Par ailleurs, il y a une légère dissonance: en effet, les mêmes qui proposent cette résolution ont renvoyé au Conseil d'Etat, pour qu'il le refasse, le rapport 694 sur le plan directeur du réseau routier 2007-2010, alors que, dans ce plan, il s'engageait à entamer les études nécessaires à l'inscription de cet ouvrage dans la planification fédérale.

Je prends un petit extrait de la «Feuille d'avis officielle» du mois de juillet 2008: M. Muller dit que le projet est aujourd'hui concrètement engagé; le Grand Conseil genevois a adopté un crédit d'étude de 3,5 millions de francs au mois de janvier dernier, et, surtout, la Confédération soutient activement et financièrement ce qu'elle considère enfin comme un grand projet romand et qu'elle place parmi ses priorités en termes d'investissement et de développement des infrastructures routières; il est tout simplement inenvisageable de ne pas intégrer une telle proposition au plan du développement, etc.

Au point 4, il y a un gros couac... Dans les chansons, il y en a toujours un ! Tout à l'heure, il nous a été reproché de ne pas avoir confiance en le Conseil d'Etat; là, il semble que c'est vous qui n'avez pas confiance en lui, et ses engagements sont très clairs: on parle de ce projet depuis belle lurette et il est inscrit au niveau fédéral. Tout y est ! Pour nous, les socialistes, votre rengaine est vraiment lassante, d'autant plus que ce sujet ne nous semble pas prioritaire, en tant qu'infrastructure, sans une réflexion approfondie sur l'aménagement du territoire.

Par conséquent, nous refuserons cette résolution. (Applaudissements.)

M. Hugo Zbinden (Ve). J'irai un peu dans la même direction que Mme Chatelain... Si vous cliquez sur le site du Grand Conseil, puis sur le Mémorial et que vous tapez le mot «traversée» dans le moteur de recherche, vous trouverez trois cent quatre-vingt-quatre entrées ! On peut dire que l'on a assez parlé de cette traversée. (Commentaires.)

L'obstination avec laquelle certains milieux ne veulent pas se rendre à l'évidence et insistent en nous bombardant de projets relatifs à cette traversée, me fait penser au philosophe grec, Zénon, célèbre pour ses paradoxes... Par exemple, le paradoxe de la tortue et d'Achille: Achille poursuit la tortue et, évidemment, il va beaucoup plus vite qu'elle. Mais si Achille se trouve à un point A et la tortue à un point B, le temps qu'Achille arrive au point B, eh bien, la tortue est déjà parvenue au point C ! Et le temps qu'Achille arrive au point C, la tortue a atteint le point D... (Commentaires.) Donc, pour finir, Achille n'arrive jamais à rattraper la tortue ! (Brouhaha.)

Une voix. Le tort tue !

M. Hugo Zbinden. Je pense qu'il doit aussi y avoir un «effet Zénon» en politique. Plus vous essayez, en déposant des résolutions, des motions, de forcer le destin pour arriver à un objectif, moins vous l'atteindrez.

Sur le fond, il y a quand même un changement: depuis des années, on tente de nous faire croire qu'il va falloir faire face à une augmentation énorme du trafic - on parle de 40% de plus, en 2020. Or, les résultats d'un microrecensement sur la mobilité, qui ont été donnés au début de la semaine, montrent un changement très net de tendance. Pour la première fois, il semble que la mobilité a diminué: les ménages sans voiture sont plus nombreux qu'avant; les jeunes sans permis aussi; le nombre de kilomètres parcourus, en moyenne et par jour, ont diminué d'environ 10%, tous modes de déplacement confondus. Pour ce qui est de la circulation automobile, la baisse est de 20%.

Alors je suis désolé, mais ce projet de traversée du lac est de moins en moins défendable ! Nous refuserons donc cette résolution. (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Je ne poursuivrai pas sur le ton de la Revue des députés... Vous m'en voyez désolé !

Il est vrai que nous parlons depuis longtemps de traversée: la traversée de la rade, d'abord, la traversée du lac, ensuite. Mais nous parlons aussi depuis longtemps du tram, du CEVA... J'observe d'ailleurs avec satisfaction que toutes les associations concernées ont pu éviter des recours concernant le TCOB et qu'il pourra se réaliser, car nous nous sommes, vous le savez, engagés à poursuivre le développement du réseau de trams à Genève.

Je vous rappelle que notre parti - comme d'autres - est favorable à la complémentarité des moyens de transport. Mesdames et Messieurs les députés, c'est dans cette optique que cette résolution vous est présentée aujourd'hui.

Le Conseil d'Etat - cela a été rappelé - dans le cadre d'un rapport fort complet, a clairement exprimé sa préférence pour la traversée lacustre, c'est-à-dire pour un contournement autoroutier. Nous en avons pris acte. C'est une vision d'avenir; c'est une vision, Monsieur Zbinden, qui va bien au-delà du centre-ville, où, effectivement - et c'est peut-être une bonne chose - le trafic automobile semble diminuer. Mais il faudrait être naïf pour croire que le trafic à la périphérie de notre centre-ville puisse diminuer dans le futur, avec le développement prévisible de notre agglomération. Il est donc indispensable, même dans une optique d'aménagement du territoire, que cette traversée soit réalisée dans un avenir raisonnable.

Pour cette raison, même si le Conseil d'Etat s'est engagé dans cette voie, il lui est nécessaire d'avoir l'appui de notre parlement pour aller de l'avant, pour obtenir les financements de Berne et pour faire inscrire cette traversée comme il se doit. Nous vous demandons donc de la soutenir.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Zaugg. Vous avez trois minutes trente, Monsieur le député.

M. Daniel Zaugg (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Zbinden vient de nous le rappeler: lundi dernier, nous avons appris que les habitudes en termes de mobilité se modifiaient, puisque, pour la première fois, la part de l'automobile était en diminution. Cette diminution se fait principalement au profit de la marche à pied et, dans une moindre mesure, des transports publics. C'est une bonne nouvelle ! Une bonne nouvelle qui ne manquera pas de réjouir M. le conseiller d'Etat Unger en charge de la santé... Elle a également réjoui M. le conseiller d'Etat Cramer, qui a immédiatement annoncé dans la foulée qu'il allait s'attaquer au stationnement en centre-ville pour en diminuer la capacité et qu'il allait davantage développer la mobilité douce et les transports publics.

Ces bonnes nouvelles masquent malheureusement une réalité dont on a moins parlé dans la presse: la réalité mise en évidence par le nouveau schéma de cohérence lémanique des transports, qui a été élaboré par le Conseil du Léman - un organe de coordination transfrontalière, qui regroupe les cantons de Genève, Valais et Vaud, ainsi que les départements français de l'Ain et de la Haute-Savoie.

De ce schéma, je ne retiendrai que deux éléments: la saturation de l'autoroute A1 Genève-Lausanne - que le Conseil fédéral lui-même considère comme très grave à l'heure actuelle - et les perspectives de croissance démographique et leurs corollaires évidents en matière d'augmentation programmée du trafic. On le voit, la marche à pied ne résoudra pas tout, du moins pas à l'échelon régional ! Quant aux transports publics, ils ne représentent qu'une partie de la réponse !

Par conséquent, au-delà des dogmes, il importe, comme le fait Zurich, qui est si souvent citée en exemple, de se battre au niveau fédéral pour obtenir les financements nécessaires pour la traversée du lac et l'élargissement de l'autoroute A1.

Cette résolution n'a donc rien de superfétatoire, comme l'a laissé entendre mon estimée collègue de la commission des transports, Mme Chatelain, puisqu'elle ne demande rien d'autre qu'un engagement du Conseil d'Etat à se préoccuper activement de cette problématique.

Permettez-moi, pour conclure, de rappeler que le Grand Conseil a voté en janvier dernier à une large majorité le projet de loi 10015, qui ouvre un crédit d'étude de 3,5 millions sur trois ans pour la réalisation d'une traversée lacustre de Genève. Il serait intéressant que le Conseil d'Etat puisse nous éclairer sur l'avancement de ces études.

Dans le prolongement de cette logique, je vous remercie donc de réserver un accueil favorable à la résolution 558. (Applaudissements.)

M. Eric Ischi (UDC). Lorsque l'on parle de véhicules automobiles, j'entends très fréquemment en commission - je suis membre de la commission des transports - des députés des différents partis dire qu'ils ne sont pas opposés à la voiture, mais ils font tout pour l'éliminer à certains d'endroits... Je peux comprendre qu'il faille éviter l'engorgement du centre-ville par les véhicules automobiles c'est une bonne chose.

Il n'est pas étonnant que cette résolution soit présentée: la traversée du lac, c'est un serpent de mer ! Mme Chatelain nous a rappelé tous les objets déposés à ce sujet... Rien de surprenant ! Cela fait peut-être trente ans, voire plus, que l'on parle de ce projet et que rien n'a été réalisé ! Cette résolution n'a donc vraiment rien d'étonnant.

Nous avons auditionné, à la commission des transports, un professeur de l'université, grand spécialiste de la mobilité. A la fin de son exposé, il a déclaré - et je précise que personne n'est intervenu ensuite: «Tant que Genève n'aura pas réalisé un périphérique avec une traversée du lac, aucune solution valable ne pourra être trouvée pour résoudre le problème de la circulation automobile dans votre cité !» Tout le monde a entendu ces propos et, je le répète, personne ne les a contestés.

Alors, je vous en prie, soutenez cette résolution, parce que, quelle que soit votre position au sujet de la voiture, dans cinquante ans, il y en aura certainement davantage. (Applaudissements.)

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Cette résolution a le mérite de me permettre de vous donner quelques informations sur l'avancement de ce dossier.

Vous l'avez rappelé, vous avez voté - il y a très peu de temps, au fond - un crédit d'étude de 3,5 millions pour que l'administration puisse engager des études - tout précisément - sur le futur tracé de cette traversée, sur son impact sur l'environnement, sur les questions d'aménagement et de mobilité qu'un tel ouvrage soulève immanquablement. Ces travaux sont en cours. Cela prend du temps, certes. Je peux donc bien comprendre votre impatience, surtout si l'on considère que le scrutin populaire positif est intervenu il y a de nombreuses années déjà.

Une autre information vous intéressera: nous collaborons avec l'Office fédéral des routes, qui est extrêmement intéressé par ce projet, puisqu'il l'a placé dans le trio de tête de tous les projets routiers présentés par les cantons à la fin de l'année dernière. Vous l'aurez compris, nous avons annoncé ce projet routier à la Confédération, lors d'une présentation à la Conférence des directeurs des travaux publics, et l'Office fédéral des routes nous a très clairement montré que ce projet l'intéressait.

En quoi ce projet intéresse-t-il tout particulièrement l'Office fédéral des routes ? Parce que celui-ci a entrepris d'éliminer les goulets d'étranglement du réseau routier ! En effet l'Office fédéral des routes a pris conscience du fait que notre autoroute de contournement, telle qu'elle existe aujourd'hui, est peu efficace: il y a des bouchons à plusieurs moments de la journée, en tout cas le matin et le soir, voire, même, à certains moments au milieu de la journée. Et, en tant que propriétaire et exploitant des autoroutes, l'Office fédéral des routes ne peut pas tolérer une situation aussi peu reluisante et il doit tout de suite commencer à envisager des mesures d'amélioration, voire de substitution.

Quelles sont les mesures d'amélioration qui sont privilégiées ? C'est, en particulier, l'élargissement des routes encombrées. Vous conviendrez qu'il n'est quasiment pas possible d'élargir l'autoroute de contournement, étant donné ses caractéristiques: je pense à ses tunnels, ses ponts, ses tranchées couvertes... Comment voulez-vous élargir une telle voie ? L'alternative, eh bien, c'est un contournement; c'est l'ouverture d'une nouvelle voie, telle que nous vous la proposons: c'est-à-dire la traversée du lac sur un tracé nouveau, choisi par le Conseil d'Etat. Mais ce tracé autoroutier relève de la compétence de la Confédération, qui en assurera le financement. Quoi qu'il en soit, une partie du financement et une partie des décisions reviendront, bien évidemment, au canton de Genève, et c'est dans ce contexte-là que nous aurons l'occasion d'en reparler ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la résolution 558.

Mise aux voix, la résolution 558 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 40 oui contre 19 non.

Résolution 558