République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10196-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner les parcelles 916 et 1370, plan 50 de la commune de Carouge, soit un immeuble commercial sis rue Alexandre-Gavard 28
Rapport de majorité de M. Eric Stauffer (MCG)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

La présidente. Je passe le micro au rapporteur de majorité. (Quelques instants s'écoulent.) Monsieur Stauffer, vous avez la parole !

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Ah ! Excusez-moi, Madame la présidente ! (Rires.)

Tout à l'heure, nous nous sommes battus pour que l'immeuble dont il était question soit affecté à des logements pour les étudiants. Celui dont nous parlons maintenant est un bâtiment de l'Etat, qui abritait la caisse de chômage. Il s'agit donc plutôt d'un immeuble commercial et sa conversion à une autre affectation serait préjudiciable à notre économie. Nous savons que c'est une grande banque qui en a fait l'acquisition pour son développement. Comme les banques sont, selon moi, des acteurs économiques importants pour notre canton, nous ne suivrons pas la gauche pour cette fois, parce que nous pensons qu'il est plus opportun et intelligent que cette zone reste une surface commerciale plutôt que de la changer d'affectation.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je crois que, parmi les dossiers de la Fondation de valorisation, cette affaire dépasse toutes les bornes de l'invraisemblable. Nous avons ici un immeuble situé dans le secteur la Praille-Acacias-Vernets, c'est-à-dire en plein dans le périmètre du masterplan prévoyant la réalisation d'un nouveau quartier dans cette zone, avec des enjeux de spéculation immobilière déjà importants aujourd'hui. On a ici des parcelles et des immeubles qui sont aux mains de la Fondation de valorisation, et que se passe-t-il ? Au lieu de garder la maîtrise publique de ces parcelles pour pouvoir les utiliser dans le cadre du développement de ce plan, la Fondation de valorisation les vend à un acteur privé ! D'ailleurs, je remercie M. Stauffer de l'avoir précisé, ces parcelles ont été cédées à une banque privée, comme si ce type d'établissement n'avait pas les moyens de construire d'autres locaux ! La banque est pourtant un des rares secteurs économiques qui a les moyens de le faire ! C'est donc totalement scandaleux. Et c'est encore plus scandaleux que, dans ce dossier, nous allons perdre 11 millions de francs, alors même que l'Etat loue actuellement des locaux dans cet immeuble, sis rue Alexandre-Gavard 28, où se trouve l'office cantonal de l'emploi. Cela représente un loyer annuel de 400 000 F, que l'Etat de Genève paie depuis des années ! Si l'on compte les travaux effectués par l'office cantonal de l'emploi, cela représente même un montant de 550 000 F par année payés par l'Etat pour louer des locaux qui appartiennent aujourd'hui à la Fondation de valorisation. Et pourtant, quand la fondation décide de mettre ce bien en vente, l'Etat ne veut même pas l'acheter... C'est tout simplement incroyable !

Aujourd'hui, cet immeuble accueille des activités mixtes, du tertiaire, à des loyers s'élevant aux alentours de 200 F annuels le mètre carré. Ce sont donc des locaux tout à fait abordables pour de nombreuses petites entreprises - c'est, par exemple, le cas de la mienne - ces loyers conviennent très bien aux petites boîtes, et pourtant on va y mettre une banque privée ! Alors qu'on sait qu'un établissement de ce type qui aménage des locaux paie des loyers au-delà de 400 F le mètre carré par an ! Cela revient donc à accorder un cadeau à des banquiers privés qui sont déjà pleins aux as.

En même temps - et c'est là que c'est franchement insupportable - l'Etat loue des locaux commerciaux à 400 F le mètre carré. J'ai retrouvé un exemple, qu'on peut voir dans le Mémorial du Grand Conseil: il s'agit du PL 9335, qui date de janvier 2005 - cela fait donc un certain temps déjà - concernant des locaux loués pour le CTI, c'est-à-dire l'informatique, à la rue du Grand-Pré. Que s'était-il passé à l'époque ? Le Conseil d'Etat avait signé un bail de vingt ans avec une entreprise privée pour des locaux à 420 F le mètre carré, c'est-à-dire un loyer annuel de - écoutez-bien ! - 3 500 000 F, pour des locaux loués à un privé ! Alors même que, de l'autre côté, on a des immeubles qui sont déjà loués à 60% par l'Etat, à des prix deux fois moindres, et qui plus est dans un secteur stratégique ! Mais comment est-ce possible ?! C'est tout simplement incroyable !

Et c'est d'autant plus choquant qu'on bute une nouvelle fois sur les incohérences de la politique publique. La Fondation de valorisation exerce son rôle, c'est-à-dire qu'elle essaie de vendre au plus offrant, et le Conseil d'Etat fait sa mijaurée en disant que c'est trop cher et que ça ne va pas, alors qu'en fait il a tout le pouvoir dans ce dossier ! C'est totalement incroyable ! Et de toute façon, ce sont les contribuables qui vont payer ces 11 millions de perte.

Ce qui est aussi complètement scandaleux, c'est que cet immeuble a été acheté à 7 700 000 F par la Fondation de valorisation lors d'une vente aux enchères, qui a ensuite fait son travail et demandé à l'Etat s'il voulait le racheter. Et ce dernier, trois mois plus tard, répond qu'il le lui rachète, mais 7 millions ! C'est-à-dire 700 000 F de moins ! Comment voulez-vous faire des négociations sérieuses lorsqu'on propose 700 000 F de moins trois mois plus tard ?! Il y a donc ici un manque de cohérence, de dialogue et de concertation entre la Fondation de valorisation et le Conseil d'Etat, qui a pour conséquence que des biens situés dans des secteurs stratégiques de notre canton partent en mains privées, de personnes qui ont largement les moyens de construire d'autres locaux. C'est donc totalement scandaleux !

Par ailleurs, je suis particulièrement choqué que ce soit M. Stauffer qui ait rédigé le rapport de majorité. C'est peut-être dû au fait qu'il a de nouvelles activités dans le secteur immobilier ? Je ne peux pas savoir si cela fait changer tout à coup le point de vue sur certains sujets mais, fondamentalement, comment est-ce possible d'accepter cette vente, qui se fait au détriment des commerçants et des petits artisans ? On a besoin de locaux à 200 F le mètre carré par an ! Et les banques privées n'ont qu'à s'offrir des immeubles à 400 F annuels le mètre carré ! Il n'y a pas de problème, qu'elles le fassent ! Mais ne bradons pas le bien qui sert à la collectivité !

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, c'est très clair: je vous invite à refuser ce projet de loi dans les plus brefs délais.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne peux qu'aller dans le sens du rapporteur de minorité. C'est vraiment surréaliste ! L'Etat est en train d'étudier un plan d'aménagement de la zone la Praille-Acacias-Vernets. Cette parcelle est située à proximité du secteur des Tours, c'est-à-dire dans le coin le plus cher de ce périmètre. En outre, l'Etat est locataire de cet immeuble, qui abrite l'office cantonal de l'emploi. On a besoin de ce bâtiment, qu'on loue à un très bon prix, et on va le vendre à un privé pour qu'il nous fixe un loyer plus cher ?! Mais il faut vraiment être stupide ! Pourquoi vendre un objet dont on a besoin, qui n'est pas cher, et qui est situé dans un secteur stratégique ? Je comprends tout à fait la banque Pictet ! Elle fait son boulot, elle va investir dans un endroit tout à fait stratégique. Elle travaille très bien, je n'ai rien à lui reprocher ! Mais l'Etat, quel manque de réflexion !

De plus, on apprend que l'Etat a mandaté ses caisses de pension pour acheter cet immeuble... Mais mes cheveux se dressent sur la tête ! La CIA n'a pas offert, comme l'a prétendu M. Deneys, 7 millions: mais 5 millions ! C'est-à-dire qu'elle envisage d'acheter seulement lorsque le rendement est d'environ 10 ou 12%, parce qu'avant ce n'est pas très rentable. Non mais, attendez ! La banque Pictet achète actuellement avec un rendement de 5% un immeuble dont les loyers s'élèvent seulement à 200 F le mètre carré. Mais on pourrait facilement «doubler» ce montant, et ce serait encore tout à fait louable ! Donc, dans ce sens-là, c'est vraiment une erreur stratégique fondamentale de ne pas garder cet immeuble. En effet, il est situé dans le meilleur endroit du secteur la Praille-Acacias et, en plus, on l'utilise déjà. Alors franchement, c'est vraiment la pire des stupidités de le vendre. J'espère que nous serons suivis !

Mme Fabienne Gautier (L). A lire le rapport de minorité de notre collègue M. Deneys, je comprends tout à fait son étonnement de constater que les loyers actuels des locaux loués par l'Etat dans cet immeuble d'Alexandre-Gavard sont nettement inférieurs aux prix du marché. Vous avez tout à fait raison, Monsieur Deneys ! Je comprends aussi parfaitement qu'il souhaite que l'Etat acquière cet immeuble parce qu'effectivement cela peut être intéressant. Mais est-ce vraiment raisonnable ? En effet, je crois que le but de l'Etat n'est pas celui-ci. Son objectif est de créer une cité administrative... (Brouhaha.) ...ce qui signifie mettre toute l'administration de l'Etat sous le même toit. Et cette cité administrative, Monsieur Deneys, rendra service à la population mais aussi à l'Etat, car, au lieu d'être éparpillé de gauche et de droite comme c'est le cas actuellement... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) En effet, l'Etat n'occupe que 60% de cet immeuble ! Il n'y a qu'une partie de l'office cantonal de l'emploi qui se trouve à l'intérieur de ce bâtiment, le reste de cet office étant réparti dans au moins quatre ou cinq autres endroits du canton. Ne trouvez-vous pas, Monsieur Deneys, que, puisque nous avons le secteur de la Praille-Acacias-Vernets à disposition, celui-ci serait l'endroit idéal pour créer une cité administrative ? Il y a peut-être une volonté de l'Etat par rapport à cela - il pourra nous le dire - parce qu'il n'y aurait pas meilleure rationalisation que de travailler tous sous le même toit, d'abord pour la population, qui n'aurait plus besoin de se rendre que dans un seul endroit, et ensuite pour la gestion des deniers de l'Etat. Croyez-vous que c'est bien gérer les deniers publics que de courir toute la journée à droite et à gauche pour se rendre d'un service à l'autre ? Croyez-vous vraiment que c'est une bonne gestion des deniers de l'Etat ? Moi j'en doute. C'est pour cela que je suis favorable à la vente de cet immeuble, qui ne constitue qu'une toute petite partie de l'administration, puisqu'il n'abrite que 60% d'un service... (Commentaires.) ...Oui, ce n'est même pas 60% du service qui se trouve dans cet immeuble, Monsieur Deneys ! Alors je ne trouve pas que c'est une bonne gestion que d'acheter cet immeuble et je défendrai la cité administrative pour le bien de la population et de la gestion des deniers publics. Nous soutiendrons donc la vente de cet immeuble, Monsieur Deneys.

M. Alberto Velasco (S). Je crois qu'aujourd'hui les députés de la commission des travaux et ceux des finances doivent s'interroger, parce que nous avons reçu à plusieurs reprises des rapports montrant l'état locatif de l'Etat de Genève. Et ce ne sont pas des centaines de milliers mais des dizaines de millions de francs que l'Etat genevois paie en état locatif pour ces locaux... (Remarque.) ...que ce soit à des privés ou à d'autres ! Plusieurs fois, j'ai entendu des députés - de gauche et de droite, attention, tous partis confondus, ce qui montre leur grand intérêt pour les deniers de l'Etat - demander s'il ne serait pas plus intéressant de construire que de payer de tels loyers ! Oui, ne serait-il pas plus intéressant d'acquérir un immeuble que de verser ces loyers ? Si l'on prend comme exemple le vieil Hôtel de Police, qui abrite le département de l'aménagement, c'est un bâtiment pour lequel l'Etat paie des loyers depuis vingt ou trente ans ! Il est hyper amorti puisque, chaque année, ce sont des centaines de milliers de francs qui sont déboursés pour l'occuper. Voilà donc un objet que l'Etat a pratiquement déjà payé par ses locations. Rien qu'en s'acquittant du prix de la location, il aurait pu acquérir cet immeuble ! Mais non, l'Etat ne l'achète pas ! On ne comprend donc plus rien, Mesdames et Messieurs les députés ! Plus rien ! Et ce n'est pas une question de gauche ou de droite, non, c'est une question de logique financière, une logique des intérêts des deniers publics ! Vous êtes les premiers à parler des deniers publics, à nous dire qu'il faut amortir la dette et qu'il faut faire des économies, alors voilà le moyen d'en faire ! Achetons cet immeuble, qui est déjà occupé à moitié par l'Etat, aménageons-y d'autres services de l'administration et dépensons moins en location. Voilà aussi comment on réduit la dette de l'Etat ! Mais non, la fondation va vendre à perte à une banque cet objet financé par des deniers publics, banque qui aurait pu, j'en suis sûr, payer davantage, parce qu'elle en a vraiment les moyens, tout comme les autres établissements de ce type !

Mesdames et Messieurs les députés, concernant ce troisième objet de discussion, je le dis et le répète, ce n'est même pas une question de gauche ou de droite; c'est vrai que parfois des sujets nous divisent pour des raisons idéologiques, mais là, non. Et je dois même avouer que, bien souvent, mes collègues d'en face partagent les mêmes réflexions que moi ! Alors je ne comprends pas. Je crois qu'il doit y avoir un problème avec les fonctionnaires et les personnes de la Fondation de valorisation, problème auquel s'ajoute la volonté politique de certaines commissions, comme celles des travaux et des finances, d'acheter des objets dans lesquels on peut loger des services de l'Etat - parce que cela coûte beaucoup moins cher que ces locations, qui se chiffrent par dizaines de millions de francs, Monsieur Stauffer. Des dizaines de millions ! Il y a un immeuble situé derrière la gare, pour lequel on paie un loyer annuel de 2 700 000 F et qui était occupé à l'époque par le CTI; 2 700 000 F ! En cinq ans, le propriétaire l'amortissait ! On s'est d'ailleurs tous demandé pourquoi l'Etat ne l'a pas acheté, et j'attends toujours la réponse ! Cela fait six ans !

Alors oui, cette histoire est à la limite du scandale ! En tout cas nous, socialistes, allons nous poser la question de savoir s'il ne faut pas lancer un référendum contre ces objets.

Une voix. Bravo, Alberto !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je signale qu'il est 18h55 et que nous irons jusqu'au bout de ce projet de loi, pour ensuite reprendre nos travaux à 20h30 avec une prestation de serment. Je passe la parole à Mme Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je serai très brève. Voilà un moment que l'on parle dans cet hémicycle de la vente et de l'achat d'un immeuble, de ce que cela peut rapporter à l'Etat, à des banquiers, à des privés, etc. Mais je crois qu'il faut qu'on aille plus loin. On est en train d'imaginer à Genève tout un nouveau quartier dans la zone de la Praille-Acacias-Vernets. Qu'on y veuille ou non des tours, peu importe, ce sera un quartier complètement nouveau, où l'on sait qu'il y aura un nombre certain d'habitations et, donc, d'habitants.

Puis, on a l'opportunité, non pas seulement de placer les pions de l'Etat, mais de se pencher sur l'étude d'une surface qui pourra plus tard être un espace collectif à disposition des habitants, destiné à ce qu'on appelle une vie collective ou de quartier. Et là on hésite, on veut le vendre à des privés pour que cela soit rentable. Très bien ! On peut toujours travailler sur le court terme, mais ce n'est pas très politique ni positif pour ceux qui viendront s'installer là-bas, par exemple des familles, et c'est la raison pour laquelle je soutiens la position de M. Deneys et que je refuserai cette vente.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. J'aurais déjà une petite réponse. Si M. le député Velasco attend des explications concernant les 2 700 000 F payés par le CTI pour le bâtiment qu'il occupait derrière la gare, qu'il demande à son conseiller d'Etat, qui était à l'époque en charge des constructions, à savoir M. Laurent Moutinot. Si je ne m'abuse, il est également socialiste, donc c'est à lui qu'il faudrait demander une réponse. Et comme je l'ai déjà dit, on ne construit pas des logements à coups de règlements, mais avec une pelle et une pioche. Bref !

Il y a deux institutions en Suisse auxquelles il ne faut pas toucher, ce sont la banque et la fiscalité. C'est ce qui a fait le succès de la Suisse ! Et si aujourd'hui une banque - dont j'avais tu le nom, mais que Mme la députée Verte a divulgué et que je ne répéterai pas - ayant son siège juste à côté de ces parcelles a besoin de s'étendre, cela représente aussi des centaines d'emplois et, également, beaucoup d'impôts pour le Canton et la République de Genève. Il faut donc savoir un peu ce que l'on se veut !

Il y aura certainement, dans la zone de développement de la Praille et des Acacias, des logements bon marché, d'autres un peu plus onéreux, ainsi que des surfaces commerciales, et tout cela fait partie d'un plan de mixité. Et le fait qu'une banque ait pris part à cette vente aux enchères... J'aimerais d'ailleurs souligner que la fondation avait mis cet objet en vente à 9 700 000 F, qu'elle a reçu sept offres qui atteignaient ou dépassaient ce prix, et que cette banque a misé 11 250 000 F. Malgré cela, on a une perte de 49%. Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs de la gauche, socialistes et Verts: qui a octroyé des crédits à 25 millions pour cet immeuble ? Qui dirigeait la BCG à l'époque ? Eh oui, il faudrait peut-être le demander à une certaine conseillère fédérale, qui siégeait au conseil d'administration ! Alors, voyez-vous, le MCG n'a pas de leçons à recevoir sur la gestion ou sur ses prises de position, parce qu'encore une fois je crois que, s'il y a eu une flambée des prix des loyers à Genève, vous en êtes, vous, les socialistes, bien responsables avec la débâcle de la Banque cantonale de Genève... (Brouhaha.) ...puisque vous avez contribué à financer tous ces excès...

La présidente. Monsieur le député, revenez au débat, je vous prie ! (Brouhaha.) Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Et je rassure également M. Deneys, qui faisait allusion à mes nouvelles fonctions professionnelles. Non, je n'ai pas changé mon fusil d'épaule, j'ai un job, je le respecte. Et Genève est ainsi faite qu'elle comporte des logements bon marché et d'autres plus cher. Et c'est cette mixité que nous allons défendre, Monsieur le député !

Donc, dans ce cas-là, puisqu'on sait que cette zone va se développer et qu'il y aura des surfaces pour les petites et moyennes entreprises, qui sont quand même, je le rappelle, les premiers employeurs du canton, cela ne nous pose, à nous, MCG, aucun problème que cette banque, qui a son siège à quelques centaines de mètres de ces parcelles, puisse étendre son activité et la renforcer. En effet, le jour où ces grandes institutions, ces grandes banques qui ont fait la fierté de notre pays s'en iront, nous verrons, Mesdames et Messieurs de la gauche, qui paiera le plus d'impôts à Genève et comment vous pourrez en séance plénière dépenser l'argent que vous n'aurez plus perçu grâce aux impôts !

Je conclurai en disant que, à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je remarque cette larme au coin de l'oeil de M. Cuendet, cette satisfaction bancaire et cette émotion, c'est merveilleux ! Merci, Monsieur Stauffer, la banque est ravie de votre discours, c'est fantastique !

Mais je pense qu'il faut être un peu sérieux dans ce dossier. Les socialistes sont bien entendu en faveur de la présence des activités bancaires à Genève et souhaitent que ces dernières puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Mais il n'empêche que ce n'est pas à la collectivité publique d'en payer le prix, car c'est précisément un secteur économique qui a de grands moyens !

Nous, socialistes, ce qui nous intéresse dans le secteur de la Praille-Acacias, c'est de maintenir et de garantir la mixité des activités. Alors pourquoi voudriez-vous supprimer un immeuble assez vétuste, dont les loyers s'élèvent à 210 F le mètre carré, pour le remplacer par des activités bancaires à 400 F le mètre carré ? C'est tout simplement irrationnel, même s'il y aura peut-être un jour de nouveaux locaux !

En l'occurrence, chaque fois qu'une banque s'étend, cela ferme des petites entreprises, parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer le loyer. Et j'en sais quelque chose, Monsieur Stauffer !

J'aimerais revenir plus sérieusement aux arguments avancés tout à l'heure par Mme Gautier, qui, je dois le dire, m'étonnent un peu, parce qu'il me semblait qu'elle était bien plus avisée au niveau de la gestion privée de ses affaires immobilières. Elle nous dit qu'il faut vendre, mais soyons sérieux !

L'Etat loue aujourd'hui des locaux à 200 F le mètre carré et, en échange, en loue ailleurs d'autres à 400 F pour la même surface... Quelle est la meilleure affaire ? Celle à 200 ou à 400 F ?! Il faut réfléchir longtemps pour savoir, de 200 ou 400 F, ce qui est plus intéressant ! Tic-tac, tic-tac ! Vous allez revenir en deuxième semaine ? Vous avez gagné ! C'est 200 F ! Bravo ! Il faut louer à 200 F et non à 400 F: merveilleux ! Alors l'Etat va vendre ces locaux à 200 F le mètre carré, pour aller en louer à 400 F: excellente affaire commerciale !

Mme Gautier nous dit qu'il faut vendre ce bien... Mais on va perdre 11 millions ! L'Etat propose un prix s'élevant à 7 millions et on a un différentiel de 4 millions. Ne pouvons-nous pas arriver à trouver un terrain d'entente pour que la collectivité rachète cet objet ?

Un autre petit calcul élémentaire: le prix d'achat est de 11 millions. L'Etat paie 550 000 F... (Brouhaha.) Bon, personne ne s'intéresse au calcul, je vois ! L'Etat paie 550 000 F par année, ce qui fait que, en vingt ans, il amortirait son acquisition à ce prix de 11 millions. C'est totalement incroyable de renoncer à une opération immobilière qui s'amortit en vingt ans ! Et je ne vois pas pourquoi Mme Gautier, qui connaît bien le monde de l'immobilier, ne pourrait pas imaginer que l'Etat revende ce bien par la suite. Vous pourriez l'acquérir aujourd'hui, pour un prix compris entre 7 et 11 millions, et le revendre dans quelques années ! En effet, on sait très bien que les prix vont monter dans ce secteur et la banque privée, elle, n'est pas folle, contrairement à certains dans cette salle ! Parce que, franchement, on ne peut pas louper de telles occasions ! Et je suis sûr que si Mme Gautier voulait conclure une affaire privée, elle n'hésiterait pas à la faire pour elle-même, et moi de même ! Et puis, la réponse...

La présidente. Merci, Monsieur le député...

M. Roger Deneys. Non, Madame la présidente ! Quant à l'argument de la cité administrative, je suis désolé, n'est pas sérieux. C'est un projet peut-être intéressant - ce n'est même pas certain - mais qui est à long terme, et ce n'est pas en renonçant aujourd'hui à cette acquisition qu'on va empêcher la réalisation d'une future cité administrative. Ça, c'est du bla-bla pour ne pas conclure cette affaire ! C'est totalement scandaleux ! Et j'invite le Conseil d'Etat à ne pas demander le troisième débat. Je suis désolé, mais vous devriez réfléchir, nous sommes en plein dans le quartier stratégique de la Praille-Acacias, on ne peut donc pas brader des biens maintenant, alors que ce secteur n'est pas encore complètement défini. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. S'est encore inscrit M. Stauffer, et le Bureau décide de clore la liste. Je rappelle que nos débats ne sont plus visibles sur Léman Bleu puisque, à 19h, ils cessent la diffusion de nos séances. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de majorité. Vous savez, votre humour ne fait rire que vous ! Et si certains députés ici... (Protestations.) ...s'expriment parce qu'ils sont diffusés ou non sur Léman Bleu, nous, au MCG, nous disons... (Exclamations.) ...ce que nous avons à dire. Il y a effectivement des démonstrations qui sont dignes du jardin d'enfants, mais les quatre heures, les cocolets, c'est passé ! Vous irez prendre votre goûter après; pour l'instant, on travaille !

Pour en revenir au sujet, Monsieur Deneys, rapporteur de minorité, vous fustigez le Conseil d'Etat et l'implorez de faire l'acquisition de ce bien. Mais, rappelez-moi, parce qu'il est peut-être temps qu'on change les cartes au Conseil d'Etat, vous n'en avez pas quatre sur sept, de conseillers d'Etat de gauche ? (Remarques. Brouhaha.) Qu'y a-t-il tout à coup ? Il ne se passe plus rien ?! On n'a pas reçu d'offre à la commission de contrôle de l'Etat, ils ont fait la sourde oreille. La liste est close, Monsieur Deneys ! Eh oui ! A moins que les règles soient différentes pour le MCG et le groupe socialiste !

Fort de ce principe, si le Conseil d'Etat avait dit ce soir qu'il allait acheter ces locaux, le groupe MCG aurait pu réévaluer la situation, mais le gouvernement a fait la carpe. Comme à son habitude, vous me direz ! Mais c'est vous qui êtes majoritaires au Conseil d'Etat, donc vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-mêmes, Mesdames et Messieurs socialistes et Verts ! En ce qui nous concerne, nous maintenons notre position, et comme je vous l'ai dit, il y a deux principes auxquels on ne touche pas en Suisse, ce sont le secret bancaire et la fiscalité.

La présidente. Nous allons maintenant voter la prise en considération de ce projet de loi...

Une voix. Appel nominal ! (Appuyé.)

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10196 est adopté en premier débat par 47 oui contre 27 non et 2 abstentions.

Appel nominal

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.

Troisième débat

La présidente. Le troisième débat est-il demandé ? (Brouhaha.)

Des voix. Oui !

Des voix. Non ! (Chahut.)

La présidente. Oui, il l'est !

La loi 10196 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10196 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui contre 26 non et 2 abstentions.

Loi 10196