République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9819-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de MM. Yves Nidegger, Pierre Schifferli, André Reymond, Gilbert Catelain, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Olivier Wasmer modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Incompatibilité avec le mandat de député-e de certaines fonctions dans la fonction publique et le grand Etat)
PL 9820-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Yves Nidegger, Pierre Schifferli, André Reymond, Gilbert Catelain, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Olivier Wasmer modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Incompatibilité avec le mandat de député-e de certaines fonctions dans la fonction publique et le grand Etat)

Premier débat

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques mots pour rappeler l'enjeu principal de ces deux projets de lois. Les signataires proposent de rendre incompatible avec le mandat de député les fonctions de cadre supérieur de la fonction publique ou des établissements publics autonomes et celles de membres de la fonction publique soumis par un serment particulier à une obligation d'obéissance au Conseil d'Etat. L'objectif déclaré par l'auteur de ces projets de lois lors de son audition devant la commission est «d'avoir un parlement composé de 100 personnes pouvant se prononcer sur tous les sujets».

Dans sa grande sagesse et dans sa large majorité, la commission a estimé que l'incompatibilité de ses deux catégories de fonction ne se justifiait pas.

Si chacun des députés devait être libre de tous liens d'intérêt, il serait certainement difficile de trouver dans notre canton 100 personnes répondant à ces conditions. Par ailleurs, l'article 24 de la loi portant règlement du Grand Conseil exige des députés qu'ils se récusent ou s'abstiennent lorsqu'ils ont un intérêt particulier à l'objet débattu. Le respect de cet article ainsi que le sens de la déontologie de chacun doivent suffire à éviter toute situation ambiguë.

Ainsi, au nom de la majorité de la commission, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter ce projet de loi.

M. Yves Nidegger (UDC). Les chaussettes m'en tombent ! Vous ne pouvez pas vous en rendre compte parce qu'il y a des meubles qui protègent la partie inférieure de nos anatomies, mais les chaussettes m'en sont tombées ! Je ne vois pas que l'on puisse refuser l'entrée en matière sur un sujet aussi important que la séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif au sens large et le pouvoir législatif ! Ce n'est tout simplement pas une réponse politiquement responsable à la question posée !

Car la commission n'a pas débattu de cette question pour décider de l'écarter, elle a simplement refusé le débat... (L'orateur est interpellé.) Un refus d'entrer en matière, c'est un refus du débat et de la discussion ! Ce n'est pas un traitement de la question ! Après avoir posé les questions qui se posaient, après avoir entendu différentes opinions, le vote - c'est l'unique vote qui est intervenu dans cette affaire - consistait à refuser l'entrée en matière. Cela ne tient pas !

Cela ne tient pas, parce qu'en ce moment même - et certains en ressentent clairement l'inconfort et le malaise - se discute en commission la question, par exemple, de la réduction du nombre de membres des conseils d'administration de certains établissements autonomes et, précisément, il se trouve que dans cette commission siègent et prennent la parole des membres des mêmes conseils d'administration d'établissements autonomes.

Une voix. Comme dans ton parti !

M. Yves Nidegger. Par exemple ! Et également d'autres !

Parce qu'également, à l'heure où l'on parle de transfert d'actifs entre l'Etat, d'une part, et les établissements autonomes, d'autre part, il est des députés qui siègent du côté vendeur - l'Etat - pour statuer sur le juste prix et, dans le même temps, du côté acheteur en tant que membres de la direction générale d'un établissement vers lequel certains actifs sont transférés. Parce que l'apparition de membres de la police genevoise dans nos rangs a créé un certain malaise et un trouble chez plusieurs d'entre nous ! Parce qu'enfin l'actualité fédérale: les chambres viennent de prendre une décision assez claire en décidant qu'à partir de 2007 il ne serait plus possible, plus compatible, d'être à la fois député fédéral et de siéger dans un organisme soit propriété de l'Etat fédéral à plus de 50%, soit subventionné même à plus de 50% pour ces recettes. Je constate par ailleurs que le 95% de la population de ce canton qui a voté le 24 septembre a été très clair. La séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif - c'était la question posée - est demandée par la population de manière écrasante, alors même qu'il s'agissait de questions beaucoup moins importantes que celles qui sont soulevées aujourd'hui, puisqu'il s'agissait d'éradiquer des rangs de ce parlement des personnes qui auraient eu à titre très subsidiaire et très partiel des fonctions de juges suppléants ou même de juges prud'hommes.

Je constate donc que le débat est parfaitement ouvert et possible lorsqu'il s'agit de séparation des pouvoirs entre les pouvoirs législatifs et judiciaires. D'ailleurs, ces deux pouvoirs se voient périodiquement et discutent de la question. Ici, la discussion est tout simplement refusée lorsqu'il s'agit de parler de séparation des pouvoirs entre le pouvoirs législatif et le pouvoir exécutif au sens large. Et si elle est refusée, c'est précisément parce qu'il existe une collusion; c'est même la preuve de cette collusion !

Alors, en plénum, ce Grand Conseil devrait entrer en matière sur cette question, à moins qu'il décide de renvoyer ce projet de loi à une commission qui déciderait, elle, de faire son travail, ce que la commission des droits politiques a refusé de faire. Cela pourrait être la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Je vous remercie de m'avoir entendu.

M. Pierre Weiss (L). Le projet de loi qui nous est soumis, Mesdames et Messieurs les députés, au fond, présente une grande vertu et souffre d'un défaut rédhibitoire. Le défaut rédhibitoire dont il souffre, et je commencerai par là, c'est la formulation de l'alinéa 1, lettre f de l'article 74 de la constitution genevoise (A2 00) concernant les «membres de la fonction publique soumis par un serment particulier à une obligation d'obéissance envers le Conseil d'Etat». On ne sait pas très bien de quoi il s'agit, mais s'il s'agit des gendarmes, autant dire les choses clairement. En l'état, ce projet ne nous semble pas présenter les garanties requises de clarté et de ce point de vue-là nous pensons qu'il est préférable de refuser ce projet, en raison de l'absence de clarté de cet alinéa.

Mais il y a l'autre face de la médaille, qui, selon nous, a été insuffisamment considérée puisque, précisément, il n'y a pas eu d'entrée en matière et que le débat n'a pas pu se faire. Il conviendrait qu'il se fasse sur la lettre qui précède ce que je viens de rappeler à propos des membres soumis à un serment particulier, à savoir des cadres supérieurs de ce que l'on pourrait appeler le grand Etat. Il y a un principe qui nous guide tous dans notre action, c'est celui de la recherche de l'égalité de traitement. Et, dans la situation actuelle, il y a une inégalité de traitement flagrante entre le petit et le grand Etat. Les cadres supérieurs du petit Etat sont soumis à un certain nombre de restrictions, restrictions constitutionnelles les empêchant d'être membres de cette auguste chambre. En revanche, en ce qui concerne les cadres de ce qu'il est convenu d'appeler le grand Etat, je ne dirai pas le «maxi Etat» pour parler d'institutions autonomes telles l'Aéroport, les SIG, ou les TPG. Eh bien, pour eux, il n'y a aucune restriction au droit de siéger dans ce parlement. Et cela, de notre point de vue, mérite une réflexion plus approfondie, précisément parce que nous sommes tous, à gauche comme à droite et au centre de ce parlement, attachés à l'égalité de traitement.

Aussi, pour cette raison, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je demande que ce projet soit renvoyé en commission.

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'opposera à ce renvoi en commission, pour une raison qui est relativement simple. Si je partage en totalité les réflexions qui ont été faites par M. Weiss, il nous semble qu'il n'est pas opportun de voter un projet de loi qui traite d'une loi particulière en le dénaturant totalement et en le modifiant dans le cadre d'une problématique qui est autre et qui n'est pas celle qui a été soulevée par les auteurs du projet de loi.

Il nous semble qu'il conviendrait de déposer un nouveau projet de loi qui poserait cette problématique. Je serais prêt, Monsieur Weiss, si vous le déposez, à vous soutenir, le cas échéant, dans cette démarche, parce que je pense qu'il y a un problème d'égalité de traitement entre le petit et le grand Etat. Maintenant, le groupe démocrate-chrétien vous demandera de ne pas voter l'entrée en matière de ce projet de loi.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments qui ont été mis en avant par les auteurs du projet de loi, par l'UDC. Qu'est ce qu'on nous dit ?

On nous dit d'abord que le débat a été escamoté et puis qu'on n'a pas débattu de cette question. Je crois qu'en page 1 du rapport, on voit qu'il a été consacré deux séances de deux heures au traitement de ce projet de loi. Quatre heures ont donc été consacrées à l'examen de ce projet de loi. Si pendant quatre heures on débat d'un projet de loi, il me semble que l'on ne peut pas nous faire le grief d'avoir escamoté le débat.

On nous parle ensuite de mélange des genres et on nous explique que pendant les débats portant sur la gouvernance, qui ont lieu en ce moment à la commission des droits politiques, il se passe des choses pas très bien parce qu'il y a des députés administrateurs qui prétendent y donner des leçons.

Vous avez raison, Monsieur Nidegger, quand vous dites cela ! Mais ce que vous oubliez de dire c'est que le député concerné est membre de votre parti et très franchement, là, à mon avis, vous avez perdu une occasion de vous taire !

Ensuite, je crois qu'il faut dire les choses tout à fait clairement, ce projet de loi est un projet anti policiers du MCG. C'est ça, la réalité ! Eh bien oui ! Il faut le dire extrêmement clairement, vous n'étiez pas extrêmement contents de vos camarades du MCG et vous avez déposé ce projet de loi pour les ennuyer. Que vous en parliez et que vous vous disputiez comme des chiffonniers dans la salle des pas perdus, ça vous regarde, mais ici nous n'avons pas de temps à perdre avec ce type de querelles !

Raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien vous demande de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, la liste est close. Elle comprend Mme le rapporteur, Mme Fehlmann Rielle, le conseiller d'Etat, Mme Michèle Ducret, M. Yves Nidegger.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste s'opposera au renvoi en commission de ce projet de loi, tout comme il s'oppose à ce projet de loi lui-même. D'ailleurs, sur plusieurs aspects, ce projet de loi enfonce des portes ouvertes, parce qu'il y a déjà incompatibilité de la fonction de député avec la fonction de haut cadre de l'administration.

En ce qui concerne l'incompatibilité qui est voulue entre des députés et les membres de conseils d'administration d'établissements autonomes de droit public, là, on est en pleine discussion à la commission des droits politiques sur les différents projets de lois libéraux sur la gouvernance. Donc, je ne vois pas ce que viendrait faire maintenant ce projet de loi sectoriel, alors qu'on est déjà en train d'étudier un projet plus global.

Au passage, je pourrais dire à l'UDC, qui voudrait nous donner des leçons, qu'elle pourrait aussi bien balayer devant sa porte. Parce qu'elle pourrait déjà faire sortir des conseils d'administration les membres de l'UDC qui sont députés !

Enfin, je pense que, sur la question de l'incompatibilité des députés membres de la police, M. Weiss a dit juste. Il faudrait dire vraiment de qui il s'agit. Puis on pourrait effectivement trouver une incompatibilité avec d'autres représentants d'autres corporations, comme celles des médecins, comme celle des architectes, comme celle des avocats. Il ne resterait donc plus grand monde dans ce parlement ! Alors, nous vous demandons de refuser ce projet de loi !

Mme Michèle Ducret (R). Le groupe radical s'oppose naturellement au renvoi en commission, parce qu'il estime que le travail a été fait correctement. Il y a eu quatre auditions, je trouve que ça fait déjà un joli nombre de personnes qui ont pu se prononcer, à commencer par l'auteur de ces deux projets de lois.

Ensuite de cela, la commission a eu la fâcheuse impression que ces projets de lois étaient dirigés contre une seule catégorie de députés pour des raisons qui nous échappent à moitié et qui nous semblent peu honorables.

Enfin, je vous le rappelle, le peuple a voté pour supprimer les incompatibilités qui existaient il y a encore quelques années. Le peuple a aussi voté pour ces députés-là qui ont clairement affiché leurs appartenances professionnelles. Cela n'a pas été fait de façon cachée. Nous ne voyons pas d'irrégularité et j'estime que la commission a fait son travail très correctement .

Par conséquent, je ne vois aucune raison pour que le projet de loi retourne en commission.

M. Yves Nidegger (UDC). Effectivement, un renvoi en commission des droits politiques, qui manifestement ne veut pas en entendre parler, serait inutile. Raison pour laquelle j'ai proposé un retour dans la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat, qui se montrera peut-être digne de la tâche qu'on veut lui confier. (Rires et commentaires.) Actuellement, la loi n'interdit pas aux députés de siéger à la haute direction des établissements autonomes, raison pour laquelle ce qui se passe n'est pas dénoncé par les auteurs du projet de loi comme illégal, mais simplement comme inapproprié !

La loi peut être ou doit être changée, tout simplement parce que l'Etat n'est pas celui qu'il était il y a 40 ou 50 ans. L'Etat est devenu un très grand Etat et la conception de la séparation des pouvoirs qui pouvait prévaloir à l'époque n'est pas celle qui peut prévaloir aujourd'hui. Il s'agit d'affiner les choses. Il y a quelques temps, lorsque nous nous sommes prononcés pour une séparation stricte avec le pouvoir judiciaire, c'était par conscience de cette évolution ! Il serait absolument pathologique, voire schizophrène que le même parlement, lorsqu'il s'agit d'une autre interaction entre deux pouvoirs, se comporte différemment.

S'agissant de l'article 24, je crois que ceux qui en ont parlé n'y ont pas compris grand-chose. Il s'agit d'un article qui vise, comme pour les juges, à se récuser lorsque l'on est trop proche du litige. Il ne s'agit pas du tout d'une question qui touche à l'incompatibilité ! L'incompatibilité est quelque chose de fondamental, qui interdit à une personne d'être dans deux pouvoirs à la fois, lorsqu'un pouvoir doit en contrôler un autre. L'article 24 parle simplement des cas où, tout en étant parfaitement compatible, la fonction exercée demande une retenue de la part de la personne élue parce qu'elle a pour des raisons personnelles un lien trop proche avec le sujet. Essayez donc de ne pas confondre les deux questions !

Maintenant, je prends acte de la volonté de M. Pétroz de travailler positivement sur la première partie du projet de loi. Je prends acte de la décision des libéraux de le faire également. Je dis simplement que lorsqu'un projet de loi paraît imparfait aux yeux de certains, eh bien, le traitement adéquat, c'est d'entrer en matière, de l'envoyer en commission et de le rendre parfait grâce à une longue discussion entre tous les groupes.

Un projet de loi qui soulève une question aussi importante que celle qui est posée ici ne peut pas être traité par l'autisme politique. Je demande donc une fois encore le renvoi en commission, mais à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Si j'écoute M. Nidegger, la commission n'a pas fait son travail et les personnes qui ont lu les projets de lois ne les ont pas compris. J'ai une vision un peu différente des choses. Je pense que la commission a parfaitement fait son travail - comme l'ont rappelé plusieurs de mes collègues - puisque pas moins de quatre auditions ont été faites et qu'un débat a eu lieu. Les personnes ont compris le sujet mais ne souhaitent pas prononcer cette incompatibilité.

Sur le premier point - l'inégalité entre le petit et le grand Etat - il faut bien distinguer ce que l'on appelle le grand Etat: ce sont des établissements publics autonomes. Le mot autonome prend tout son sens dans le fait que ce sont des établissements qui sont séparés de l'Etat et qui se chargent de domaines très sectoriels, que ce soit l'énergie ou la santé. On peut tout à fait imaginer qu'une personne qui est cadre dans un de ces établissements s'abstienne sur les domaines qui le concernent.

Pour le deuxième point, qui est celui des policiers - puisqu'on peut dire les choses clairement je pense - on parle de nouveaux députés qui gêneraient les autres. Je crois qu'il faut garder ces propos pour vous, Monsieur Nidegger ! On ne peut pas parler au nom du parlement en disant ça !

Je vous renvoie aux annexes du rapport où, tout d'abord, on trouve le texte du serment que les fonctionnaires de police prêtent. Ce serment n'est pas prêté envers le Conseil d'Etat. Les fonctionnaires de police jurent ou promettent solennellement d'être fidèles à la République et canton de Genève, ce qui est déjà bien différent. Je vous renvoie également à la deuxième annexe du rapport, le «Code européen d'éthique de la police », qui spécifie à la lettre D, Droits des personnels de polices, que ceux-ci doivent en général «bénéficier des mêmes droits civils et politiques que les autres citoyens. Des restrictions à ces droits ne sont possibles que si elles sont nécessaires à l'exercice des fonctions de la police dans une société démocratique ...».

Je ne crois pas qu'à Genève la paix civile soit en danger au point que l'on doive interdire aux gendarmes de siéger dans notre parlement.

Je vous invite donc à refuser ce renvoi en commission et à refuser par la même occasion ces deux projets de lois.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Tous les combats républicains sont allés dans le sens de donner le droit d'éligibilité à ceux qui sous l'ancien régime ne l'avaient pas. Je vous rappelle qu'au début même de notre République, l'éligibilité était liée à la fortune et qu'il a fallu un certain nombre de combats pour que cela cesse. A partir de là, Mesdames et Messieurs les députés, vous devez avoir le plus grand souci de ce que l'éligibilité soit garantie au plus grand nombre.

Je vois dans ces deux projets de lois des risques majeurs à ce qu'il y soit porté atteinte. Etant admis que l'éligibilité de tous est un principe, au demeurant garanti par la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, se pose en deuxième stade la question de l'incompatibilité. L'incompatibilité, c'est elle qui permet à l'Etat de fonctionner. C'est elle qui permet d'éviter que quelqu'un soit à la fois juge et gouvernant, député et juge, député et gouvernant. Ce genre de confusions, dans un système de séparation des pouvoirs, n'est pas admissible.

Or ce qui nous est proposé aujourd'hui ne touche en rien à ces principes fondamentaux. Les vrais problèmes que touchent ce projet de loi ne doivent pas être traités ni au niveau de l'éligibilité, ni au niveau de l'incompatibilité. Ils doivent être traités soit au niveau de la récusation - ce que votre règlement appelle l'obligation de s'abstenir - qui est une forme de récusation, soit au niveau même des règles de déontologie du parlement.

Parce que ce qui est choquant, ce n'est pas qu'un architecte soit député, mais c'est qu'il siège à la commission des travaux. Ce n'est pas qu'un gendarme soit député, mais qu'il aille visiter les violons en tant que membre de la commission des visiteurs officiels. Et ce genre de situations doivent effectivement être évitées pour éviter le mélange des genres. Pas en s'en prenant à l'éligibilité, mais en s'en prenant à l'obligation de s'abstenir, dont le champ devrait être précisé. Ce qui ferait - autre hypothèse - qu'un membre du conseil d'administration des transports publics genevois ne devrait probablement pas siéger à la commission des transports. Mais je ne vois pas en quoi cette personne ne pourrait pas être députée et s'occuper des mille et un autres problèmes bien assez nombreux dont votre parlement a à traiter.

Par conséquent, pour des raisons de principes extrêmement fermes, le Conseil d'Etat vous demande de refuser ces deux projets et de reprendre en commission - non pas par un renvoi, parce qu'on ne peut pas mettre un emplâtre sur une jambe de bois - la question de ce fameux article 24 - invoqué, il faut bien le dire, un peu à tort et à travers, mais plus souvent à tort qu'à travers - et de trouver un système qui garantisse effectivement qu'il n'y ait pas de risques de dérapages.

Le président. Nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission, mais l'une d'entre elles pose un problème. C'est celle proposée par M. Nidegger. La loi nous impose de renvoyer à la commission des droits politiques tout ce qui concerne la modification de notre règlement et je ne pense pas que nous puissions y déroger. J'en déduis donc que vous retirez votre demande de renvoi à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat comme vous l'avez annoncé et nous restons avec la seule demande de M. Weiss de renvoi à la commission des droits politiques.

M. Pierre Weiss (L). Je demande l'appel nominal.

Le président. La demande d'appel nominal pour le deuxième projet de loi, le PL 9820 est-elle soutenue ?

Des voix. Oui !

Le président. Bien, nous procédons au vote !

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9819 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 47 non contre 26 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi  9819 est rejeté en premier débat par 60 non contre 10 oui et 4 abstentions.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9820 est rejeté en premier débat par 58 non contre 8 oui et 7 abstentions.

Appel nominal