République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées. Vous pouvez vous asseoir.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer, Robert Cramer, David Hiler et François Longchamp, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Christophe Aumeunier, Luc Barthassat, Gabrielle Falquet, Sophie Fischer, Renaud Gautier, Antonio Hodgers, Eric Ischi, Virginie Keller Lopez et Pierre Schifferli, députés.

Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue M. le député Pierre-Louis Portier. (Applaudissements.) Je salue également la présence à la tribune d'un de nos anciens collègues dont on me dit de manière répétée - et c'est sans doute vrai - qu'il est le père spirituel de notre nouveau collègue, M. Claude Blanc. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Le président. L'interpellation urgente écrite de M. Christian Brunier sur le cachet de Charles Aznavour lors de la prestation de serment du Conseil d'Etat (IUE 332) est retirée par son auteur.

E 1440
Prestation de serment de M. DUCROT Jean-Claude, nouveau député, remplaçant M. PORTIER Pierre-Louis, député démissionnaire

Le président. M. Jean-Claude Ducrot est assermenté. (Applaudissements.)

E 1441
Tirage au sort d'un membre titulaire de la commission de grâce, en remplacement de M. PORTIER Pierre-Louis, député démissionnaire

Le président. Nous devons tirer au sort un membre titulaire de la commission de grâce, en remplacement de M. Pierre-Louis Portier, député démissionnaire. Ma main innocente plonge dans l'urne à la recherche - vaine - d'un bulletin. Est tiré au sort: M. Guillaume Barazzone (PDC). (Applaudissements. Rires.)

Une voix. Bienvenue au club !

Le président. Monsieur le député Barazzone, vous avez de la chance ! D'abord, c'est une chance que d'être tiré au sort. De l'être le vendredi 13, c'en est une deuxième. De l'être par moi, c'en est une troisième. (Rires.) Et de l'être à un mois de la fin de l'année de législature, avec l'impossibilité d'être tiré au sort l'année prochaine, c'en est une quatrième ! (Rires et applaudissements.) Mme le premier vice-président, qui préside la commission de grâce, compte absolument sur votre présence à la prochaine séance. (Rires.)

M. Christian Luscher. Deux heures de «time-sheet» en moins ! C'est pas malin ! (Rires.)

PL 9802-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Michèle Künzler, Christian Bavarel, Morgane Gauthier, Emilie Flamand, Antonio Hodgers modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil (B 1 01) (Commission des investissements)
Rapport de majorité de Mme Catherine Baud (Ve)
Rapport de minorité de M. Olivier Jornot (L)

Premier débat

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de majorité. La réorganisation des commissions est dans l'air du temps. La commission des droits politiques a été saisie de deux projets de lois sur ce sujet. L'un concerne une refonte complète du nombre et des attributions des commissions et l'autre, celui qui nous intéresse aujourd'hui, le projet de loi 9802, traite de la commission des investissements. Et c'est bien là la spécificité de ce projet de loi dont j'aimerais vous dire deux mots.

Il ne s'agit ni de créer une nouvelle commission ni d'en supprimer une. Il ne s'agit pas non plus d'un changement de nom qui serait une mesure sémantique. Il ne s'agit pas non plus d'un tour de passe-passe - comme se plaît à le dire le rapporteur de minorité - qui ne serait qu'une mesure cosmétique.

Il s'agit en fait d'une mesure de bon sens qui va transférer avec cohérence à l'actuelle commission des travaux une partie de l'activité de la commission des finances, qui s'y trouve rattachée suite à une évolution «historique» mais n'a plus lieu d'y être aujourd'hui. Et pourquoi?

Plusieurs raisons à cela. D'abord, l'existence même d'une sous-commission chargée des investissements informatiques émanant de la commission des finances est une construction artificielle peu compatible avec une répartition claire des activités. En effet, je vous pose la question: en quoi un domaine technique aurait-il plus de raisons qu'un autre d'être rattaché à la commission des finances ?

Ensuite, avec la répartition actuelle, il se crée une séparation entre la construction et l'informatique. Cela n'a plus de sens aujourd'hui car, du câblage informatique à la mise en place des terminaux, l'informatique est indissociable des bâtiments et de la commission des investissements. La commission des investissements serait beaucoup plus à même d'assurer un suivi de ces projets, jusqu'à la livraison finale des éléments intérieurs.

Enfin, cette logique est corroborée par l'existence même du département des constructions et des technologies de l'information.

Donc, cette vision globale ne résout certes pas tous les problèmes d'encombrement de la commission des finances, mais elle a le mérite de la simplicité, de la cohérence et, surtout, de la rapidité pour sa mise en place. L'absence de coût de l'opération n'est pas à négliger. Cela entre de surcroît dans la volonté du Conseil d'Etat de revoir la typologie des investissements pour qu'il y ait plus de «grands travaux» - de projets figurant sous l'intitulé «grands travaux» - afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble et un meilleur suivi des objectifs financiers.

C'est donc pour ces raisons que je vous propose d'adopter ce projet de loi qui peut aisément et rapidement entrer en vigueur sans problèmes particuliers.

Le président. Je donne la parole à M. Olivier Jornot, rapporteur de minorité, en espérant qu'il nous parlera un peu de poésie.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de minorité. Ce projet de loi part d'une excellente intention: celle d'apporter un peu de rationalité dans le traitement des investissements, ce qui, il faut bien le dire, n'est pas la vertu première du système que nous vivons aujourd'hui. Il s'agit donc de changer le nom de la commission des travaux en commission des investissements et de former le voeu que cela attire un certain nombre de projets d'investissements dans cette commission. Ce projet de loi, derrière ses bonnes intentions, pose deux difficultés majeures.

La première, c'est un problème de charrue et de boeufs, si vous me passez l'expression. C'est à dire qu'au moment même où la commission des droits politiques s'interroge sur une réforme en profondeur du système des commissions de ce Grand Conseil, il y aurait tout d'un coup une précipitation extraordinaire à changer le libellé d'une commission, au lieu de s'intéresser au problème fondamental qui est celui du nombre des commissions et de leur cahier des charges.

A côté de ce problème de charrue et de boeufs, il y a un autre problème, qui est un problème de lorgnette. La lorgnette, dont vous savez qu'il faut l'utiliser par le bon bout pour qu'elle fonctionne. Sous l'angle de la politique des investissements, ce projet de loi ne s'attaque pas à la véritable problématique qui fait que notre Grand Conseil est assez largement déresponsabilisé en matière d'investissements. J'aimerais maintenant reprendre chacun de ces deux éléments.

S'agissant tout d'abord de la problématique des investissements, il est vrai qu'il y aurait en apparence - je dis bien en apparence - une certaine cohérence à se dire que l'on enverrait en commission des investissements tous les projets liés à l'informatique. Encore qu'une bonne partie de l'informatique, précisément celle qui est liée aux réseaux et câblages, est de toute façon renvoyée dans cette commission par le biais des crédits pour la construction des bâtiments. Il y aurait donc une certaine cohérence à transférer l'informatique à la commission des investissements, puisque cela correspondrait au cahier des charges du département des constructions et des technologies de l'information, certes.

Mais cette réflexion est en réalité à courte vue. Elle est à courte vue parce qu'elle ignore le régime des investissements tel qu'il découle aujourd'hui de la LGAF, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, mais encore plus largement, hélas, de la pratique. Et cette pratique, elle fait que l'on distingue en effet entre trois catégories de grands investissements: les grands travaux, qui font l'objet d'une loi spécifique; le train annuel de lois d'investissements, qui tend à devenir de plus en plus insignifiant chaque année, depuis que la commission des finances a demandé que l'on renonce à cet instrument; et puis, surtout, la loi budgétaire annuelle et la quantité énorme d'investissements qu'elle contient et qui sont votés, donc, par une simple loi de la commission des finances.

En principe, Mesdames et Messieurs, chaque nouvel investissement d'un montant supérieur à 125 000 F - donc un seuil très bas - doit faire l'objet d'un projet de loi en tant qu'entrant dans la catégorie des grands travaux. Mais la réalité, c'est que, dans le cas des renouvellements, un investissement, quel que soit son montant, échappe à l'obligation de déposer un projet de loi. Il tombe dans la loi budgétaire annuelle, et cela, que l'investissement initial ait été ou non voté sous la forme d'un projet de loi de grands travaux.

Ce Grand Conseil doit être conscient que plus de la moitié des investissements lui échappent depuis plusieurs années, non pas totalement, certes, mais ils lui échappent parce qu'ils entrent uniquement dans la loi budgétaire annuelle.

Alors, Mesdames et Messieurs, parlons de l'informatique, qui est censée être la raison pour laquelle il s'agirait de transformer la mission de la commission des travaux et d'en faire une commission des investissements. Si l'on examine la situation de l'informatique, cela signifierait que lorsqu'il y a des investissements initiaux dans le domaine de l'informatique ils seraient examinés par la commission des investissements. Les renouvellements seraient examinés par la commission des finances, par le biais de la loi budgétaire annuelle. Je vous laisse imaginer la cohérence de ce système. On ne parle pas ici de clopinettes, j'ai mentionné quelques exemples dans le rapport de minorité. On parle pour le budget 2006 de 30 millions, des 30 millions de renouvellement de matériel informatique votés par le biais de la loi budgétaire annuelle. Cela signifie qu'il y a une cohérence - nouvelle certes - mais que cette cohérence nouvelle se fait au détriment de la cohérence de l'examen des investissements informatiques qui, aujourd'hui, on le rappellera, fait l'objet d'un examen par la sous-commission informatique de la commission des finances.

A cela s'ajoute, toujours dans ce même domaine, le fait que personne n'a été capable de donner en commission la moindre indication sur l'ampleur des investissements qui passeraient d'une commission à l'autre par ce biais-là. Cela c'est le premier problème, celui de la lorgnette.

Pour le problème de la charrue et des boeufs, je serai beaucoup plus rapide. Je crois qu'il est assez aisé de comprendre que, alors que la commission des droits politiques examine le projet de loi 9800, qui vise à un réexamen complet du nombre, de l'intitulé et de la compétence des commissions, il est pour le moins étrange de vouloir changer uniquement le libellé et la mission d'une commission par le biais de ce projet de loi, qui part d'une bonne intention, mais est totalement précipité.

Mesdames et Messieurs les députés, en résumé, tout cela sera à reprendre le moment venu, au moment où l'on fera le réexamen complet des missions des commissions de ce parlement et où l'on examinera ce qui a été annoncé en commission, à savoir un projet de loi du Conseil d'Etat qui remanierait la LGAF et apporterait un éclairage plus démocratique et plus de contrôle à notre parlement sur les investissements. En l'état, je vous recommande de rejeter ce projet de loi. C'est la recommandation que je vous fais, à moins que quelqu'un dans cette salle recommande de retourner ce projet de loi en commission pour qu'il attende tout simplement que les autres évoluent au même rythme.

M. Philippe Guénat (UDC). Durant les débats en commission, en tant que représentant UDC, j'ai été confus et perplexe devant ce projet. Ne maîtrisant pas tous les tenants et aboutissants de ce projet de loi 9802, j'ai au moment du vote décidé de m'abstenir pour mieux travailler et m'informer plus. Aujourd'hui, c'est fait !

Ce changement de nom est cosmétique et dangereux car laissant la porte ouverte à beaucoup d'interprétations. Des conflits de compétence sans fin avec d'autres commissions vont surgir. De plus, par ce changement de nom, une grande partie des investissements passeront outre le contrôle du Grand Conseil. En cette période de déficit massif, nous groupe UDC, ne pouvons cautionner tel projet. Par conséquent, Monsieur le président, le groupe UDC votera non au projet de loi 9802. Désolé !

Mme Morgane Gauthier (Ve). Il ne s'agit pas aujourd'hui d'un changement cosmétique, tel que vous voulez bien le présenter, Messieurs ! Il s'agit d'un projet de loi qui est simple dans ses objectifs ainsi que dans son application. Il s'agit de regrouper le traitement de tous les projets de lois touchant les investissements dans une seule commission.

Aujourd'hui, le système que nous connaissons partage l'examen des demandes de crédits d'investissements en deux commissions: la commission des finances et la commission des travaux, qui sont les deux seules commissions à avoir des compétences budgétaires. Ce que nous proposons, à part la modification du nom de la commission, c'est de regrouper les traitements dans la même commission, pour qu'ils soient soumis aux mêmes députés. C'est un sens pratique qui nous a inspirés. Par exemple, lorsque le Grand Conseil vote un crédit pour la construction d'un bâtiment, la commission qui examine cela n'est pas saisie pour se prononcer sur ce qui se retrouve à l'intérieur de ce bâtiment, que ce soit du mobilier ou de l'équipement informatique. Il nous est dès lors apparu plus rationnel de regrouper cet examen pour avoir une vision complète des coûts - une vision globale.

En plus, la commission des travaux a demandé à avoir systématiquement, en annexe des projets de lois d'investissements, des préavis techniques du centre des technologies de l'information, en plus des préavis financiers. Donc, la commission des travaux, concrètement, demande déjà quel va être l'impact de l'informatique pour ces bâtiments. Toutefois, cet impact-là n'est pas du tout suivi par la commission qui reprendra les investissements mobiliers.

Certaines et certains arguent que la commission des finances traite spécifiquement de l'organisation de l'Etat - prérogative que la commission des travaux n'a pas - et que la commission des finances serait donc plus à même de traiter des investissements mobiliers ou informatiques. Cet argument nous paraît infondé. En effet, aujourd'hui, quasiment tous les projets de lois déposés impliquent soit une augmentation des coûts, soit une rationalisation des activités: par exemple, en regroupant des services, en améliorant l'efficience ou encore en améliorant les traitements d'une problématique. En soumettant à la commission des travaux des projets comme le déménagement de l'office cantonal de la population, point inscrit à son ordre du jour, la commission des travaux, de fait, s'occupe de tout cela, examinant les opportunités des crédits.

Concernant la problématique de la loi budgétaire annuelle, qui est une réelle problématique soulevée par le rapporteur de minorité, il est vrai que cette LBA échappe en grande partie au Grand Conseil. Nous constatons, à la lecture des rapports issus des travaux de la commission, qu'une réponse est apportée à cette question: le Conseil d'Etat est saisi du problème, il apportera une modification de la LGAF prochainement. C'est ce qui a été écrit, il me semble que cela figure aussi dans votre rapport de minorité, Monsieur Jornot. Donc, la problématique de la LBA est aujourd'hui traitée.

Deuxième chose, sur la problématique des budgets «grands travaux» et de la loi budgétaire annuelle: regardez comment fonctionne la commission des finances ! Elle prend un après-midi et traite de tout cela, de tout le département, entre trois et cinq heures. Expliquez-moi comment on peut durant ce laps de temps faire le tour de tous les investissements sérieusement, en ayant vu tous les points. La commission des travaux, elle, ne siège pas cinq ou sept heures par semaine. Elle siège deux heures par semaine, mais elle a largement le temps d'examiner tout cela et de faire un rapport - peut-être à la commission des finances... (Brouhaha.) ...peut-être faudrait-il passer par ce biais-là ? Il faut en tout cas prendre le temps d'examiner tout cela, dans les fondements et non pas en surface en rajoutant simplement éventuellement des coupes linéaires de 10% ou de 5%. Parce qu'effectivement, de temps en temps, la commission des finances, ce sont des marchands de tapis qui discutent: «Ah, ben non, moi je t'enlève 1%. -Et moi, 2% ! -Et toi, 10% !». Pour éviter tout cela et pour qu'un travail soit fait un peu plus en profondeur sur ce sujet-là - je ne parle évidemment pas de toutes les prérogatives de la commission des finances - pourquoi ne pas passer par la commission des travaux, qui donnerait un préavis à la commission des finances ?

De façon plus générale, la commission des travaux doit également poursuivre sa réflexion sur son fonctionnement. Il est évident que le travail de la commission des travaux doit être rationalisé. Les députés doivent pouvoir suivre les projets le plus tôt possible pour, par exemple, traiter de l'opportunité d'un crédit, avant de le recevoir tout ficelé, une fois que le concours d'architecture a eu lieu. La commission réfléchit et travaille à tout cela depuis le début de la législature, mais, pour le groupe des Verts, cela ne remet pas en cause ce projet de loi.

C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous enjoignons de voter un projet de loi simple et pragmatique. Votez le projet de loi tel qu'issu de la commission des travaux ! (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien a décidé de laisser la liberté de vote à ses membres sur cet objet . En ce qui me concerne, ainsi que mon excellente collègue Mme Hirsch Aellen, nous avons soutenu ce projet de loi en commission parce que nous estimons qu'il est pragmatique et plein de bon sens, comme l'a très bien exposé Mme Morgane Gauthier.

Effectivement, il y a une réalité qui est que la commission des finances a énormément de travail. Elle le fait bien mais, même quand on fait bien son travail, même en siégeant 5 heures tous les mercredis, voire plus si entente, sans mauvais jeu de mots, on n'arrive pas forcément à s'occuper d'ordres du jour totalement surchargés. Par conséquent, cette commission des investissements, qu'il s'agit de créer en transformant le nom de la commission des travaux, répond uniquement à des motifs pratiques qui ont pour but de désengorger la commission des finances d'une partie de son ordre du jour, de manière à lui donner les moyens de mieux travailler et de confier à la commission des travaux qui serait renommée «commission des investissements» le choix et la prérogative de s'occuper de toute la problématique des investissements. Cela nous paraît être une formule cohérente, une formule qui est empreinte de bon sens, raison pour laquelle Mme Hirsch Aellen et moi vous recommandons de voter cet excellent projet de loi... (Commentaires.) Et puis, bien évidemment, les autres députés feront aussi preuve de bon sens et voteront différemment et nous verrons bien qui gagnera !

M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical ne partage pas le point de vue qui vient d'être exprimé. Il soutiendra par contre le rapport de minorité et les deux principaux arguments du rapporteur Jornot, qui parle effectivement du problème qu'il y a entre les investissements, les grands travaux et la loi budgétaire annuelle.

J'aimerais dire que ce projet de loi n'apporte aucun avantage au fonctionnement du Grand Conseil. Au contraire, il présente

bien des inconvénients. Je reprends, dans les auditions qui ont été faites par cette commission, les propos du professeur Sciarini, qui disait qu'il ne devait pas y avoir de corrélation entre... (Brouhaha.) ...le département rapporteur et la commission qui traite le projet de loi. En l'occurrence, il n'est pas normal que cette commission soit dans le département de M. Muller; il serait beaucoup plus normal qu'il y ait une commission spécifique du département qui traite sur le fond...

Une voix. C'est ce qu'on propose ! (Commentaires.)

M. Jean-Marc Odier. ...et que la dépense soit ensuite traitée par la commission des finances. (Brouhaha.) Voilà !

Ensuite, je relève encore que le groupe des Verts insiste vraiment pour faire passer ce projet de loi. Je remarque que les auteurs du projet de loi, ce sont les membres du groupe des Verts dans son ensemble. Le rapporteur de la majorité est une députée Verte.

Mme Michèle Künzler. On a de la suite dans les idées !

M. Jean-Marc Odier. La présidente de la commission des travaux et de la - peut-être - future commission des investissements est Verte, chers collègues ! (Brouhaha.) Et à qui sert ce travail ? Au Conseil d'Etat, je crois, puisqu'auparavant le CTI faisait partie du département des finances de M. Hiler. En fonction du changement de département, le CTI est passé dans le département de M. Muller et le Conseil d'Etat pense maintenant qu'il est opportun de faire transférer les investissements informatiques dans un autre département. Mais ce n'est pas parce que le Conseil d'Etat s'organise d'une certaine manière que le Grand Conseil doit le suivre ! Voilà ! (Brouhaha.)

En commission informatique, M. Muller nous a dit que les dépenses générales pour l'informatique avaient augmenté de 25 millions de francs entre 1999 et ces dernières années. Uniquement les dépenses générales ! On ne parle pas des postes et on ne parle pas non plus des amortissements et des intérêts. Or le problème avec les investissements informatiques, ce n'est pas seulement, Madame Gauthier, de voter une enveloppe budgétaire d'investissements, c'est de savoir si le budget de fonctionnement pourra supporter les frais engendrés par ces investissements. Et ça, ce n'est pas la commission des travaux qui l'étudie, c'est la commission des finances qui le fait, pendant sept semaines, département par département.

Donc, le problème se situe bien plus au niveau de l'impact sur le budget de fonctionnement, raison pour laquelle je pense qu'il ne faut pas voter ce projet de loi et j'enjoins aux personnes qui sont peut-être hésitantes de se joindre à mon opinion. (Rires et applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Je crois qu'il faut aussi rendre hommage aux Verts, qui ont pour habitude d'être favorables à une réforme de l'Etat. Je crois que nombreux sont sur les bancs de ce Grand Conseil les députés qui sont eux aussi favorables à une réforme de l'Etat et du fonctionnement du Grand Conseil en particulier. Il me semble que ce projet de loi part d'une excellente intention ! Il part d'une excellente intention et il aboutit à un résultat qui n'est malheureusement pas à la hauteur. Pourquoi ?

Tout simplement parce que s'il faut réformer le fonctionnement de l'Etat et réformer celui de ce Grand Conseil, il faut que cette réforme se fasse dans une inspiration et dans un souffle global. Malheureusement, ici, ce qui est constaté, c'est que l'on prend les choses par le petit bout de la lorgnette, comme on le disait auparavant. On se concentre uniquement sur la commission des finances et ses rapports avec les investissements en proposant de transférer une de ses compétences à cette commission des investissements. La chose est tellement vraie qu'elle apparaît, lorsque les conséquences financières sont rappelées dans le rapport par son auteur, qui nous dit que le but du présent projet de loi est d'éviter de créer des dépenses supplémentaires, qui ne manqueraient pas de survenir avec le maintien des commissions d'Etat puisque des séances complémentaires pourraient se tenir afin de procéder à la coordination des décisions. Je crois que le but n'est pas suffisamment élevé, n'est pas suffisamment motivant pour réussir à nous convaincre.

En fait, on peut se demander si au lieu du but qui est avoué il n'y a pas un but latent - je ne dis pas un but caché, mais un but latent - qui aurait pour traduction de vouloir procéder à un rééquilibrage du poids des commissions. Je ne dis pas qu'il y a de la jalousie de telle ou telle commission ! Ce sentiment ne saurait exister dans notre Grand Conseil, mais on pourrait le soupçonner et c'est pour éviter que l'on puisse donner raison à ce soupçon qu'il convient de voter contre ce projet de loi.

J'ajoute au passage tous les arguments qui ont été donnés par le rapporteur de minorité contre le découplage du travail que fait d'habitude la commission des finances - notamment son excellente sous-commission des investissements présidée récemment par notre ami Alberto Velasco avec efficacité et compétence - pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que cette commission ne laisse s'accumuler aucun objet, qu'elle les traite avec célérité, que les décisions sont prises avec conscience des enjeux, que des questions pertinentes sont posées et que les décisions qui sont prises sont prises dans l'intérêt de cette république, avec un esprit critique, bien entendu.

Au fond, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons affaire à un projet de loi qui pour le moment est déconnecté des affaires et de la réalité du fonctionnement de notre Grand Conseil.

C'est la raison pour laquelle je propose que nous votions négativement, c'est en tout cas la position qu'aura le groupe libéral sur ce projet qui aurait mérité mieux, mais pour cela nous aurons à revoir la question du fonctionnement de notre Grand Conseil et de l'état de toutes les commissions. D'autres, d'ailleurs, pourraient le cas échéant elles aussi être redimensionnées ou restructurées.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi et les arguments qui sont bien étayés dans le rapport de la majorité.

C'est en effet un peu une anticipation des réformes qui ont commencé à être discutées dans la commission des droits politiques, dans le sens d'un regroupement des commissions. C'est aussi une forme de rationalisation, puisqu'il risque d'entraîner une diminution du nombre de ces commissions. C'est une anticipation de cette réforme et il me semble que certains de la commission des finances qui s'y opposent défendent un pré carré plutôt que de voir les choses plus globalement.

Cela permettrait aussi de soulager la commission des finances, quand on sait qu'elle est surchargée puisqu'elle est bien occupée à étudier le budget et les comptes. Elle s'occupe également des investissements, pour l'instant, ainsi que de projets de lois indépendants. Donc, je crois qu'elle est largement suroccupée et ce projet de loi contribuerait à la désengorger. Cela va aussi dans le sens d'une certaine cohérence puisqu'il y a eu un regroupement et une réorganisation des départements avec la création du DCTI. Il faut tenir compte de cette restructuration à la suite de l'élection du Conseil d'Etat. Pour toutes ces raisons, nous vous disons d'accepter ce projet de loi, qui va dans le bon sens et anticipe simplement les futures réformes actuellement en discussion.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de minorité. Apparemment, il y en avait dans cette salle qui hésitaient. C'est l'un des enseignements de ce débat. A entendre ceux qui se sont exprimés aujourd'hui, j'ai pour ma part été confirmé dans ma position dubitative, voire franchement négative par rapport à ce projet de loi.

A M. Odier, je voudrais dire que je ne sache pas que le Conseil d'Etat soit favorable à ce projet de loi, lui qui d'habitude prend tant de distance par rapport aux basses questions d'organisation de notre Grand Conseil.

Plus sérieusement, à Mme Gauthier, j'aimerais dire qu'elle a évoqué à un moment donné un système de préavis en proposant que la commission des investissements et la commission des finances travaillent main dans la main, préavisant l'une pour l'autre... J'aimerais bien vous rappeler que cela fait des années que le système des préavis a été abandonné dans ce Grand Conseil. On peut peut-être envisager de le ressusciter, mais en attendant il s'agit simplement - hélas peut-être - de trancher entre deux commissions et non d'imaginer qu'elles pourraient travailler l'une à la suite de l'autre.

Mesdames et Messieurs, nous avons affaire, avec la question de la réorganisation des commissions et avec la question de la réorganisation de tout le travail qui se fait dans les coulisses de ce parlement, à un problème extrêmement sérieux qu'il s'agit de ne pas perturber par ce projet de loi partiel, qui porte sur un aspect extrêmement sectoriel de l'ensemble. Je prends pour ma part l'engagement, si ce projet de loi est rejeté, de reprendre la problématique en commission des droits politiques, dans le cadre de la réorganisation globale des commissions.

Il s'agit, en définitive, de ne pas remplacer une cohérence par une autre ou plutôt de ne pas remplacer une incohérence par une autre. Il ne s'agit pas non plus de faire croire que la commission des travaux serait aujourd'hui une commission croupion. Il s'agit, en définitive, de refuser ce projet de loi.

Le président. Vous avez terminé ? Je vous remercie. Je constate qu'un nouvel intervenant s'est inscrit en la personne de M. Losio à qui j'ai donné la parole avant de la donner au rapporteur de majorité. Car telle est la règle du jeu: on n'intervient normalement plus après les rapporteurs. Donc, si vous avez quelque chose à ajouter, Monsieur Losio, vous pouvez le faire maintenant, sinon ce sera trop tard.

M. Pierre Losio (Ve). Je constate, après avoir écouté mes différents préopinants, qu'une fois de plus, les Verts sont les initiateurs d'une proposition qui mérite réflexion. Mais, bien entendu, ce n'est jamais le moment ! Alors que cette proposition est simplement une proposition de bon sens. Au moment où on voit notamment le département de M. Longchamp - puisque nous l'avons entendu l'autre jour à la commission des finances - essayer de procéder à des désenchevêtrements de subventions, au moment où on essaie de simplifier le travail, je ne vois pas pourquoi la commission des finances serait appelée à se prononcer sur un crédit d'étude, qu'ensuite ce crédit retourne à la commission des travaux et qu'en fin de compte ce soit de nouveau la commission des finances qui fasse le bouclement. Je ne comprends pas très bien cette mécanique qui consiste à compliquer les choses.

Pourquoi est-ce que la commission des travaux n'aurait pas dans sa sagesse et dans son ardeur au travail la compétence d'évaluer quels seraient les coûts de fonctionnement de tel ou tel investissement ? Pourquoi cette commission n'aurait-elle pas cette capacité de faire ce travail qui devrait être de manière régalienne confié à la commission des finances ? Je ne comprends pas cette vision un peu étriquée de cette commission des finances super partes, qui aurait à décider de tout alors que la commission des travaux pourrait très bien se prononcer sur les bouclements - puisque ce sont ses membres qui ont voté les investissements - et sur les investissements et encore prendre en compte les «dégâts collatéraux» qui pourraient survenir en matière de fonctionnement. Je ne comprends pas qu'on puisse concevoir que des collègues de la commission des travaux n'aient pas cette capacité d'apprécier les coûts induits en matière de fonctionnement.

Il me semble simplement que la proposition que nous faisons ce soir est une proposition de bon sens: il n'y a pas d'à priori par rapport à telle ou telle commission. Nous considérons que la commission des travaux a des ressources qui nous permettent d'apprécier et les coûts d'investissements et les coûts de fonctionnement induits. C'est pour cela que, par souci de simplification de notre travail, je vous invite à soutenir ce projet, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, la liste est close. M. Claude Marcet prendra encore la parole avant le rapporteur de majorité.

M. Claude Marcet (UDC). Je crois honnêtement qu'il y a peut-être un petit problème de compréhension pour certains. Il ne faut pas comparer investissement et financement. Il est juste que le financement soit étudié dans une commission de travaux, dès lors qu'effectivement il doit y avoir une compréhension parfaite à ce niveau-là de l'entier des travaux et des financements. Il serait par contre totalement inenvisageable que l'on distraie d'une commission des finances la totalité du contrôle d'une partie de l'activité comptable et financière de l'Etat. Parce qu'après les investissements, on va dire qu'on va faire une commission qui va s'occuper uniquement de l'actif, qu'on va faire une commission qui va s'occuper du passif, ou une commission des charges et une commission des produits. A partir de ce moment on perd la totalité de la vision effective de ce que j'appelle la gestion financière de cet Etat.

Donc, laissons à la commission des finances l'entier du contrôle des investissements, au sens de contrôle et, peut-être, laissons à la commission des travaux les questions de financement lié aux travaux et le contrôle de ce financement. Mais ne scindons pas en deux ce que la commission des finances devra récupérer après si, manifestement, il y a des dérapages au niveau de la commission des travaux.

Donc, je pense qu'à ce niveau-là du rapport nous devons refuser ce projet de loi, quitte à reprendre ultérieurement ce travail pour véritablement définir ce que la commission des travaux peut faire en matière de financement et en rapport avec la commission des finances. Actuellement, c'est prématuré.

Le président. Merci, la parole est finalement à Mme le rapporteur de majorité. Monsieur Marcet, vous avez redemandé la parole, mais sans doute par erreur. De toute façon, la liste était close.

Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais d'abord rappeler que ce projet de loi vise la simplicité. Je ne suis pas convaincue en entendant les différentes interventions que nous avons eues, notamment la dernière, que, finalement, ça allait dans ce sens-là.

Bref, je voulais dire que les Verts sont tout à fait d'accord de s'atteler à cette tâche: étudier le nombre, la répartition et les attributions des commissions. Mais il est certain que si l'on peut déjà faire en quelque sorte un genre de ménage et arriver à simplifier les choses avant d'attaquer le fond du problème, ce sera beaucoup plus simple. (Brouhaha.)

Il paraît tout à fait évident que cette sous-commission chargée de l'informatique au sein de la commission des finances fait un travail tout à fait intéressant et tout à fait sérieux, mais je ne vois vraiment pas pourquoi l'informatique serait rattachée aux finances plus qu'un autre aspect technique des investissements de l'Etat. En l'occurrence, il est beaucoup plus logique que les investissements informatiques soient rattachés aux investissements de construction et que cette commission travaille de manière coordonnée et cohérente.

En conséquence, ce projet de loi a le mérite d'être simple et je pense que c'est en commençant petit à petit - par des étapes claires et simples - qu'on pourra arriver ensuite à modifier de manière solide et durable le travail des autres commissions.

Mis aux voix, le projet de loi 9802 est rejeté en premier débat par 46 non contre 34 oui et 6 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, votre agitation au moment du vote et dans la dernière partie du débat montrent deux choses: la première c'est que vous n'êtes pas à votre affaire et la deuxième c'est qu'un débat de 40 minutes sur un sujet aussi segmentaire est un peu trop long et que ce n'était pas nécessaire.

PL 9819-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de MM. Yves Nidegger, Pierre Schifferli, André Reymond, Gilbert Catelain, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Olivier Wasmer modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (Incompatibilité avec le mandat de député-e de certaines fonctions dans la fonction publique et le grand Etat)
PL 9820-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Yves Nidegger, Pierre Schifferli, André Reymond, Gilbert Catelain, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Olivier Wasmer modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Incompatibilité avec le mandat de député-e de certaines fonctions dans la fonction publique et le grand Etat)

Premier débat

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques mots pour rappeler l'enjeu principal de ces deux projets de lois. Les signataires proposent de rendre incompatible avec le mandat de député les fonctions de cadre supérieur de la fonction publique ou des établissements publics autonomes et celles de membres de la fonction publique soumis par un serment particulier à une obligation d'obéissance au Conseil d'Etat. L'objectif déclaré par l'auteur de ces projets de lois lors de son audition devant la commission est «d'avoir un parlement composé de 100 personnes pouvant se prononcer sur tous les sujets».

Dans sa grande sagesse et dans sa large majorité, la commission a estimé que l'incompatibilité de ses deux catégories de fonction ne se justifiait pas.

Si chacun des députés devait être libre de tous liens d'intérêt, il serait certainement difficile de trouver dans notre canton 100 personnes répondant à ces conditions. Par ailleurs, l'article 24 de la loi portant règlement du Grand Conseil exige des députés qu'ils se récusent ou s'abstiennent lorsqu'ils ont un intérêt particulier à l'objet débattu. Le respect de cet article ainsi que le sens de la déontologie de chacun doivent suffire à éviter toute situation ambiguë.

Ainsi, au nom de la majorité de la commission, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter ce projet de loi.

M. Yves Nidegger (UDC). Les chaussettes m'en tombent ! Vous ne pouvez pas vous en rendre compte parce qu'il y a des meubles qui protègent la partie inférieure de nos anatomies, mais les chaussettes m'en sont tombées ! Je ne vois pas que l'on puisse refuser l'entrée en matière sur un sujet aussi important que la séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif au sens large et le pouvoir législatif ! Ce n'est tout simplement pas une réponse politiquement responsable à la question posée !

Car la commission n'a pas débattu de cette question pour décider de l'écarter, elle a simplement refusé le débat... (L'orateur est interpellé.) Un refus d'entrer en matière, c'est un refus du débat et de la discussion ! Ce n'est pas un traitement de la question ! Après avoir posé les questions qui se posaient, après avoir entendu différentes opinions, le vote - c'est l'unique vote qui est intervenu dans cette affaire - consistait à refuser l'entrée en matière. Cela ne tient pas !

Cela ne tient pas, parce qu'en ce moment même - et certains en ressentent clairement l'inconfort et le malaise - se discute en commission la question, par exemple, de la réduction du nombre de membres des conseils d'administration de certains établissements autonomes et, précisément, il se trouve que dans cette commission siègent et prennent la parole des membres des mêmes conseils d'administration d'établissements autonomes.

Une voix. Comme dans ton parti !

M. Yves Nidegger. Par exemple ! Et également d'autres !

Parce qu'également, à l'heure où l'on parle de transfert d'actifs entre l'Etat, d'une part, et les établissements autonomes, d'autre part, il est des députés qui siègent du côté vendeur - l'Etat - pour statuer sur le juste prix et, dans le même temps, du côté acheteur en tant que membres de la direction générale d'un établissement vers lequel certains actifs sont transférés. Parce que l'apparition de membres de la police genevoise dans nos rangs a créé un certain malaise et un trouble chez plusieurs d'entre nous ! Parce qu'enfin l'actualité fédérale: les chambres viennent de prendre une décision assez claire en décidant qu'à partir de 2007 il ne serait plus possible, plus compatible, d'être à la fois député fédéral et de siéger dans un organisme soit propriété de l'Etat fédéral à plus de 50%, soit subventionné même à plus de 50% pour ces recettes. Je constate par ailleurs que le 95% de la population de ce canton qui a voté le 24 septembre a été très clair. La séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif - c'était la question posée - est demandée par la population de manière écrasante, alors même qu'il s'agissait de questions beaucoup moins importantes que celles qui sont soulevées aujourd'hui, puisqu'il s'agissait d'éradiquer des rangs de ce parlement des personnes qui auraient eu à titre très subsidiaire et très partiel des fonctions de juges suppléants ou même de juges prud'hommes.

Je constate donc que le débat est parfaitement ouvert et possible lorsqu'il s'agit de séparation des pouvoirs entre les pouvoirs législatifs et judiciaires. D'ailleurs, ces deux pouvoirs se voient périodiquement et discutent de la question. Ici, la discussion est tout simplement refusée lorsqu'il s'agit de parler de séparation des pouvoirs entre le pouvoirs législatif et le pouvoir exécutif au sens large. Et si elle est refusée, c'est précisément parce qu'il existe une collusion; c'est même la preuve de cette collusion !

Alors, en plénum, ce Grand Conseil devrait entrer en matière sur cette question, à moins qu'il décide de renvoyer ce projet de loi à une commission qui déciderait, elle, de faire son travail, ce que la commission des droits politiques a refusé de faire. Cela pourrait être la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Je vous remercie de m'avoir entendu.

M. Pierre Weiss (L). Le projet de loi qui nous est soumis, Mesdames et Messieurs les députés, au fond, présente une grande vertu et souffre d'un défaut rédhibitoire. Le défaut rédhibitoire dont il souffre, et je commencerai par là, c'est la formulation de l'alinéa 1, lettre f de l'article 74 de la constitution genevoise (A2 00) concernant les «membres de la fonction publique soumis par un serment particulier à une obligation d'obéissance envers le Conseil d'Etat». On ne sait pas très bien de quoi il s'agit, mais s'il s'agit des gendarmes, autant dire les choses clairement. En l'état, ce projet ne nous semble pas présenter les garanties requises de clarté et de ce point de vue-là nous pensons qu'il est préférable de refuser ce projet, en raison de l'absence de clarté de cet alinéa.

Mais il y a l'autre face de la médaille, qui, selon nous, a été insuffisamment considérée puisque, précisément, il n'y a pas eu d'entrée en matière et que le débat n'a pas pu se faire. Il conviendrait qu'il se fasse sur la lettre qui précède ce que je viens de rappeler à propos des membres soumis à un serment particulier, à savoir des cadres supérieurs de ce que l'on pourrait appeler le grand Etat. Il y a un principe qui nous guide tous dans notre action, c'est celui de la recherche de l'égalité de traitement. Et, dans la situation actuelle, il y a une inégalité de traitement flagrante entre le petit et le grand Etat. Les cadres supérieurs du petit Etat sont soumis à un certain nombre de restrictions, restrictions constitutionnelles les empêchant d'être membres de cette auguste chambre. En revanche, en ce qui concerne les cadres de ce qu'il est convenu d'appeler le grand Etat, je ne dirai pas le «maxi Etat» pour parler d'institutions autonomes telles l'Aéroport, les SIG, ou les TPG. Eh bien, pour eux, il n'y a aucune restriction au droit de siéger dans ce parlement. Et cela, de notre point de vue, mérite une réflexion plus approfondie, précisément parce que nous sommes tous, à gauche comme à droite et au centre de ce parlement, attachés à l'égalité de traitement.

Aussi, pour cette raison, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je demande que ce projet soit renvoyé en commission.

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'opposera à ce renvoi en commission, pour une raison qui est relativement simple. Si je partage en totalité les réflexions qui ont été faites par M. Weiss, il nous semble qu'il n'est pas opportun de voter un projet de loi qui traite d'une loi particulière en le dénaturant totalement et en le modifiant dans le cadre d'une problématique qui est autre et qui n'est pas celle qui a été soulevée par les auteurs du projet de loi.

Il nous semble qu'il conviendrait de déposer un nouveau projet de loi qui poserait cette problématique. Je serais prêt, Monsieur Weiss, si vous le déposez, à vous soutenir, le cas échéant, dans cette démarche, parce que je pense qu'il y a un problème d'égalité de traitement entre le petit et le grand Etat. Maintenant, le groupe démocrate-chrétien vous demandera de ne pas voter l'entrée en matière de ce projet de loi.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments qui ont été mis en avant par les auteurs du projet de loi, par l'UDC. Qu'est ce qu'on nous dit ?

On nous dit d'abord que le débat a été escamoté et puis qu'on n'a pas débattu de cette question. Je crois qu'en page 1 du rapport, on voit qu'il a été consacré deux séances de deux heures au traitement de ce projet de loi. Quatre heures ont donc été consacrées à l'examen de ce projet de loi. Si pendant quatre heures on débat d'un projet de loi, il me semble que l'on ne peut pas nous faire le grief d'avoir escamoté le débat.

On nous parle ensuite de mélange des genres et on nous explique que pendant les débats portant sur la gouvernance, qui ont lieu en ce moment à la commission des droits politiques, il se passe des choses pas très bien parce qu'il y a des députés administrateurs qui prétendent y donner des leçons.

Vous avez raison, Monsieur Nidegger, quand vous dites cela ! Mais ce que vous oubliez de dire c'est que le député concerné est membre de votre parti et très franchement, là, à mon avis, vous avez perdu une occasion de vous taire !

Ensuite, je crois qu'il faut dire les choses tout à fait clairement, ce projet de loi est un projet anti policiers du MCG. C'est ça, la réalité ! Eh bien oui ! Il faut le dire extrêmement clairement, vous n'étiez pas extrêmement contents de vos camarades du MCG et vous avez déposé ce projet de loi pour les ennuyer. Que vous en parliez et que vous vous disputiez comme des chiffonniers dans la salle des pas perdus, ça vous regarde, mais ici nous n'avons pas de temps à perdre avec ce type de querelles !

Raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien vous demande de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, la liste est close. Elle comprend Mme le rapporteur, Mme Fehlmann Rielle, le conseiller d'Etat, Mme Michèle Ducret, M. Yves Nidegger.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste s'opposera au renvoi en commission de ce projet de loi, tout comme il s'oppose à ce projet de loi lui-même. D'ailleurs, sur plusieurs aspects, ce projet de loi enfonce des portes ouvertes, parce qu'il y a déjà incompatibilité de la fonction de député avec la fonction de haut cadre de l'administration.

En ce qui concerne l'incompatibilité qui est voulue entre des députés et les membres de conseils d'administration d'établissements autonomes de droit public, là, on est en pleine discussion à la commission des droits politiques sur les différents projets de lois libéraux sur la gouvernance. Donc, je ne vois pas ce que viendrait faire maintenant ce projet de loi sectoriel, alors qu'on est déjà en train d'étudier un projet plus global.

Au passage, je pourrais dire à l'UDC, qui voudrait nous donner des leçons, qu'elle pourrait aussi bien balayer devant sa porte. Parce qu'elle pourrait déjà faire sortir des conseils d'administration les membres de l'UDC qui sont députés !

Enfin, je pense que, sur la question de l'incompatibilité des députés membres de la police, M. Weiss a dit juste. Il faudrait dire vraiment de qui il s'agit. Puis on pourrait effectivement trouver une incompatibilité avec d'autres représentants d'autres corporations, comme celles des médecins, comme celle des architectes, comme celle des avocats. Il ne resterait donc plus grand monde dans ce parlement ! Alors, nous vous demandons de refuser ce projet de loi !

Mme Michèle Ducret (R). Le groupe radical s'oppose naturellement au renvoi en commission, parce qu'il estime que le travail a été fait correctement. Il y a eu quatre auditions, je trouve que ça fait déjà un joli nombre de personnes qui ont pu se prononcer, à commencer par l'auteur de ces deux projets de lois.

Ensuite de cela, la commission a eu la fâcheuse impression que ces projets de lois étaient dirigés contre une seule catégorie de députés pour des raisons qui nous échappent à moitié et qui nous semblent peu honorables.

Enfin, je vous le rappelle, le peuple a voté pour supprimer les incompatibilités qui existaient il y a encore quelques années. Le peuple a aussi voté pour ces députés-là qui ont clairement affiché leurs appartenances professionnelles. Cela n'a pas été fait de façon cachée. Nous ne voyons pas d'irrégularité et j'estime que la commission a fait son travail très correctement .

Par conséquent, je ne vois aucune raison pour que le projet de loi retourne en commission.

M. Yves Nidegger (UDC). Effectivement, un renvoi en commission des droits politiques, qui manifestement ne veut pas en entendre parler, serait inutile. Raison pour laquelle j'ai proposé un retour dans la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat, qui se montrera peut-être digne de la tâche qu'on veut lui confier. (Rires et commentaires.) Actuellement, la loi n'interdit pas aux députés de siéger à la haute direction des établissements autonomes, raison pour laquelle ce qui se passe n'est pas dénoncé par les auteurs du projet de loi comme illégal, mais simplement comme inapproprié !

La loi peut être ou doit être changée, tout simplement parce que l'Etat n'est pas celui qu'il était il y a 40 ou 50 ans. L'Etat est devenu un très grand Etat et la conception de la séparation des pouvoirs qui pouvait prévaloir à l'époque n'est pas celle qui peut prévaloir aujourd'hui. Il s'agit d'affiner les choses. Il y a quelques temps, lorsque nous nous sommes prononcés pour une séparation stricte avec le pouvoir judiciaire, c'était par conscience de cette évolution ! Il serait absolument pathologique, voire schizophrène que le même parlement, lorsqu'il s'agit d'une autre interaction entre deux pouvoirs, se comporte différemment.

S'agissant de l'article 24, je crois que ceux qui en ont parlé n'y ont pas compris grand-chose. Il s'agit d'un article qui vise, comme pour les juges, à se récuser lorsque l'on est trop proche du litige. Il ne s'agit pas du tout d'une question qui touche à l'incompatibilité ! L'incompatibilité est quelque chose de fondamental, qui interdit à une personne d'être dans deux pouvoirs à la fois, lorsqu'un pouvoir doit en contrôler un autre. L'article 24 parle simplement des cas où, tout en étant parfaitement compatible, la fonction exercée demande une retenue de la part de la personne élue parce qu'elle a pour des raisons personnelles un lien trop proche avec le sujet. Essayez donc de ne pas confondre les deux questions !

Maintenant, je prends acte de la volonté de M. Pétroz de travailler positivement sur la première partie du projet de loi. Je prends acte de la décision des libéraux de le faire également. Je dis simplement que lorsqu'un projet de loi paraît imparfait aux yeux de certains, eh bien, le traitement adéquat, c'est d'entrer en matière, de l'envoyer en commission et de le rendre parfait grâce à une longue discussion entre tous les groupes.

Un projet de loi qui soulève une question aussi importante que celle qui est posée ici ne peut pas être traité par l'autisme politique. Je demande donc une fois encore le renvoi en commission, mais à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse. Si j'écoute M. Nidegger, la commission n'a pas fait son travail et les personnes qui ont lu les projets de lois ne les ont pas compris. J'ai une vision un peu différente des choses. Je pense que la commission a parfaitement fait son travail - comme l'ont rappelé plusieurs de mes collègues - puisque pas moins de quatre auditions ont été faites et qu'un débat a eu lieu. Les personnes ont compris le sujet mais ne souhaitent pas prononcer cette incompatibilité.

Sur le premier point - l'inégalité entre le petit et le grand Etat - il faut bien distinguer ce que l'on appelle le grand Etat: ce sont des établissements publics autonomes. Le mot autonome prend tout son sens dans le fait que ce sont des établissements qui sont séparés de l'Etat et qui se chargent de domaines très sectoriels, que ce soit l'énergie ou la santé. On peut tout à fait imaginer qu'une personne qui est cadre dans un de ces établissements s'abstienne sur les domaines qui le concernent.

Pour le deuxième point, qui est celui des policiers - puisqu'on peut dire les choses clairement je pense - on parle de nouveaux députés qui gêneraient les autres. Je crois qu'il faut garder ces propos pour vous, Monsieur Nidegger ! On ne peut pas parler au nom du parlement en disant ça !

Je vous renvoie aux annexes du rapport où, tout d'abord, on trouve le texte du serment que les fonctionnaires de police prêtent. Ce serment n'est pas prêté envers le Conseil d'Etat. Les fonctionnaires de police jurent ou promettent solennellement d'être fidèles à la République et canton de Genève, ce qui est déjà bien différent. Je vous renvoie également à la deuxième annexe du rapport, le «Code européen d'éthique de la police », qui spécifie à la lettre D, Droits des personnels de polices, que ceux-ci doivent en général «bénéficier des mêmes droits civils et politiques que les autres citoyens. Des restrictions à ces droits ne sont possibles que si elles sont nécessaires à l'exercice des fonctions de la police dans une société démocratique ...».

Je ne crois pas qu'à Genève la paix civile soit en danger au point que l'on doive interdire aux gendarmes de siéger dans notre parlement.

Je vous invite donc à refuser ce renvoi en commission et à refuser par la même occasion ces deux projets de lois.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Tous les combats républicains sont allés dans le sens de donner le droit d'éligibilité à ceux qui sous l'ancien régime ne l'avaient pas. Je vous rappelle qu'au début même de notre République, l'éligibilité était liée à la fortune et qu'il a fallu un certain nombre de combats pour que cela cesse. A partir de là, Mesdames et Messieurs les députés, vous devez avoir le plus grand souci de ce que l'éligibilité soit garantie au plus grand nombre.

Je vois dans ces deux projets de lois des risques majeurs à ce qu'il y soit porté atteinte. Etant admis que l'éligibilité de tous est un principe, au demeurant garanti par la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, se pose en deuxième stade la question de l'incompatibilité. L'incompatibilité, c'est elle qui permet à l'Etat de fonctionner. C'est elle qui permet d'éviter que quelqu'un soit à la fois juge et gouvernant, député et juge, député et gouvernant. Ce genre de confusions, dans un système de séparation des pouvoirs, n'est pas admissible.

Or ce qui nous est proposé aujourd'hui ne touche en rien à ces principes fondamentaux. Les vrais problèmes que touchent ce projet de loi ne doivent pas être traités ni au niveau de l'éligibilité, ni au niveau de l'incompatibilité. Ils doivent être traités soit au niveau de la récusation - ce que votre règlement appelle l'obligation de s'abstenir - qui est une forme de récusation, soit au niveau même des règles de déontologie du parlement.

Parce que ce qui est choquant, ce n'est pas qu'un architecte soit député, mais c'est qu'il siège à la commission des travaux. Ce n'est pas qu'un gendarme soit député, mais qu'il aille visiter les violons en tant que membre de la commission des visiteurs officiels. Et ce genre de situations doivent effectivement être évitées pour éviter le mélange des genres. Pas en s'en prenant à l'éligibilité, mais en s'en prenant à l'obligation de s'abstenir, dont le champ devrait être précisé. Ce qui ferait - autre hypothèse - qu'un membre du conseil d'administration des transports publics genevois ne devrait probablement pas siéger à la commission des transports. Mais je ne vois pas en quoi cette personne ne pourrait pas être députée et s'occuper des mille et un autres problèmes bien assez nombreux dont votre parlement a à traiter.

Par conséquent, pour des raisons de principes extrêmement fermes, le Conseil d'Etat vous demande de refuser ces deux projets et de reprendre en commission - non pas par un renvoi, parce qu'on ne peut pas mettre un emplâtre sur une jambe de bois - la question de ce fameux article 24 - invoqué, il faut bien le dire, un peu à tort et à travers, mais plus souvent à tort qu'à travers - et de trouver un système qui garantisse effectivement qu'il n'y ait pas de risques de dérapages.

Le président. Nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission, mais l'une d'entre elles pose un problème. C'est celle proposée par M. Nidegger. La loi nous impose de renvoyer à la commission des droits politiques tout ce qui concerne la modification de notre règlement et je ne pense pas que nous puissions y déroger. J'en déduis donc que vous retirez votre demande de renvoi à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat comme vous l'avez annoncé et nous restons avec la seule demande de M. Weiss de renvoi à la commission des droits politiques.

M. Pierre Weiss (L). Je demande l'appel nominal.

Le président. La demande d'appel nominal pour le deuxième projet de loi, le PL 9820 est-elle soutenue ?

Des voix. Oui !

Le président. Bien, nous procédons au vote !

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9819 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 47 non contre 26 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi  9819 est rejeté en premier débat par 60 non contre 10 oui et 4 abstentions.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9820 est rejeté en premier débat par 58 non contre 8 oui et 7 abstentions.

Appel nominal

M 1683
Proposition de motion de Mme et MM. Henry Rappaz, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Eric Stauffer, Claude Jeanneret, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny : Amnistie générale pour les contrevenants en matière d'infraction de stationnement relative aux zones bleues, parcomètres et cases de livraisons

Débat

Le président. La parole est à M. Eric Stauffer et, au rythme où ça va, nous n'allons pas tarder à clore cette liste. Voilà, elle est close ! Avec M. Eric Stauffer, Mme Emery-Torracinta, M. Brunier, M. Pétroz, Mme Künzler, Mme Ducret. Cela s'arrête là ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, dix personnes pour une motion de ce genre-là, ce n'est pas raisonnable ! Vous m'en serez reconnaissants quand six personnes auront parlé et que nous nous arrêterons là !

M. Eric Stauffer (MCG). Dix personnes pour une motion de ce genre-là ? Mais c'est une motion importante, Monsieur le président ! Ce sont des élus du peuple qui l'ont déposée ! Oserai-je vous le rappeler ? Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président et Monsieur le conseiller d'Etat, le problème des contraventions - des amendes - ne réside pas dans le fait que nos concitoyens ont la volonté... Monsieur le président, il y a un niveau de bruit assez élevé...

Le président. Oui, Monsieur le député, c'est la démonstration de votre audace et la cause de mon raisonnement sur la capacité d'attention de ce parlement...

M. Eric Stauffer. Oserai-je rappeler qu'il y a une buvette pour les députés que cela n'intéresserait pas ! Je pense qu'il y a bon nombre de nos concitoyens que cela intéresse ! Je disais donc que le problème des contraventions et des amendes d'ordre n'est pas que nos concitoyens ont la volonté de commettre des incivilités. Tout simplement, il n'existe aujourd'hui pas les infrastructures nécessaires en termes de places de parking. A cela s'ajoutent plus de 50 000 véhicules quotidiens qui assaillent notre canton: ce sont les pendulaires. Il nous faut miser sur une relance générale par rapport aux effets pervers qu'a induits l'exagération qu'il y a eue sur les amendes d'ordre, notamment par la Ville de Genève. Je devrais vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est ce présent Grand Conseil qui a transféré aux municipalités le droit de verbaliser nos concitoyens. Le conseil municipal, notamment en la personne de M. Ferrazino, y a vu non pas un moyen de faire de la prévention pour la sécurité routière, mais une manne financière. Il a utilisé à outrance le système des agents de sécurité municipaux pour remplir les caisses de la Ville et, certainement, pour financer l'immeuble du 25, rue du Stand.

Cela étant dit, pourquoi le Mouvement Citoyens Genevois demande-t-il une amnistie générale ? Eh bien, parce que justement cette exagération des amendes de stationnement n'est tout simplement pas tolérable. Que, de surcroît, l'équité de traitement n'a jamais été respectée entre les Genevois et les travailleurs qui viennent quotidiennement à Genève, je veux parler ici des frontaliers. Et j'en veux pour preuve la une de la «Tribune de Genève» du mois d'avril qui dit: «Frontaliers et Genevois inégaux devant la loi.» Alors, nous avons voulu, Mesdames et Messieurs les députés, savoir de quoi il retournait. Eh bien, nous avons, à ce titre, adressé une interpellation urgente écrite à M. le conseiller d'Etat ici présent puisque nous avons obtenu des chiffres qui faisaient état de 120 000 amendes de stationnement converties en contraventions qui n'ont pas été payées par des ressortissants et des contrevenants étrangers. Spécifiquement, les plaques «74» et «01», des départements de la Haute-Savoie et de l'Ain. Les chiffres que nous avons avancés sont des chiffres qui sont tout à fait corrects, puisque ce sont des chiffres que nous avons obtenus de manière officielle, non pas de l'Etat - vous vous en doutiez bien - mais de la Ville de Genève.

Alors, nous avons interpellé le Conseil d'Etat pour savoir comment cela fonctionnait en matière de recouvrement pour nos amis français. Eh bien, le conseiller d'Etat a répondu la chose suivante: «L'explosion du nombre des amendes d'ordre infligées par les agents municipaux de la Ville de Genève au cours de ces dernières années a occasionné une surcharge du service des contraventions dont le nouveau système informatique commencera à être opérationnel au cours du second semestre de l'année 2006.» Je vous rassure, il ne fonctionne toujours pas ! «Un certain nombre d'affaires ont été atteintes par la prescription et elles ne concernent pas exclusivement des conducteurs frontaliers.» C'est vrai, il y a des Roumains, des Allemands, des Belges, des Espagnols et des Italiens ! Mais, rassurez-vous, il n'y a aucun Suisse, parce que si un Suisse ne paie pas ses contraventions on viendra chez lui saisir ses meubles, son salaire et, si ça ne suffit pas, il finira à Champ-Dollon. Cela, c'est ce qu'on appelle respecter la loi au pied de la lettre !

Ah oui, il va falloir qu'on parle aussi de cette interpellation urgente écrite. Quand j'ai dit que nous avions déposé une motion et à la date du dépôt de motion, il y a des milliers de codes informatiques qui ont été envoyés par le service des contraventions à la Ville de Genève pour détruire les fiches-souche, parce qu'évidemment le chiffre de 120 000 amendes est parfaitement scandaleux ! Parce que ça représente une vingtaine de millions de francs. Je le souligne et je le dis en face de lui. Le conseiller d'Etat n'a jamais répondu - jamais ! - au député que je suis. Alors que c'est un texte parlementaire ! Par contre, permettez-moi de faire une parenthèse, parce que, dans la «Tribune de Genève», le conseiller d'Etat répond ! Imaginez-vous le paradoxe ? Nous, députés, élus de la République posons une question avec les instruments qu'on nous donne, mais on répond plutôt aux journalistes. Et qu'est-ce qu'il est dit ? Que dit le département des institutions ? Quand, nous, avançons le chiffre de 120 000, le département des institutions dit à la Tribune de Genève qu'il n'a pas trouvé l'origine de ce chiffre et que, quoi qu'il en soit, le système informatique du service des contraventions ne permet pas de produire de telles statistiques. Extraordinaire ! Hein ? Auriez-vous peur, Monsieur le conseiller d'Etat, de dire à la population combien d'amendes de frontaliers ne sont pas réglées et tombent en prescription chaque mois ? Pourquoi ne le dites-vous pas ? Il aurait été plus simple de répondre à l'IUE que le système informatique ne permet tout simplement pas de savoir où on en est avec les contraventions. Ce qui laisse évidemment présager, Monsieur le conseiller d'Etat, que le système et la gestion du service des contraventions sont plutôt chaotiques. Néanmoins, et c'est pour cela qu'elle est importante, Mesdames et Messieurs les députés, cette amnistie ne s'adressera pas seulement à nos résidents, mais à tout le monde, frontaliers compris. Pourquoi ? Parce qu'une partie des frontaliers sont d'honnêtes travailleurs qui paient leurs contraventions. (Brouhaha.) Bien sûr ! Bien sûr !

Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Oui, Monsieur le président, mais c'est un sujet important, alors je me permettrai d'y revenir puisque je suis l'auteur de la motion. Comme le prévoit le règlement, l'auteur d'une motion peut intervenir plus d'une fois quand la liste est close. Je suis désolé, c'est un sujet important. Il est important que ce parlement se rende compte que cette amnistie ne s'adresse pas à des automobilistes qui seraient des contrevenants malintentionnés, mais que c'est la situation qui a provoqué ceci. Cette amnistie est équitable pour tout le monde, puisqu'elle veut absoudre tout le monde. Et cela déchargera aussi le département de M. Moutinot puisqu'apparemment - et je n'en ai pas terminé, Monsieur le président - il y a quelques lacunes au service des contraventions, dues aussi à la surcharge causée par la Ville de Genève. Je conclus ici, Monsieur le président, mais je vous demanderai de pouvoir réintervenir une fois brièvement.

Le président. Monsieur le député, je vérifierai dans le règlement. A mon sens, la liste est close, mais vous avez pu parler huit minutes, ce qui me paraît largement suffisant. Tout le monde vous a très bien compris.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ne parlerai certainement pas huit minutes, quant à moi. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire part de mon étonnement. Mon étonnement face à un parti politique qui, session après session, pourfend les fraudeurs réels ou supposés de la République ! Voilà qu'il nous présente une motion qui, à mon sens, pourrait être comprise comme un encouragement à la fraude !

Une voix. Oui !

Mme Anne Emery-Torracinta. Un parti qui, session après session, se plaint des coûts engendrés pour le contribuable par la Banque cantonale et la Fondation de valorisation des actifs de celle-ci.

Que nous propose ce parti ? Une motion qui engendrera des pertes pour les contribuables ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande où est la cohérence ? Où est la cohérence, également, quand nous avons déjà eu l'occasion de discuter une motion du MCG sur ce même sujet ? J'ai ici le Mémorial. A plusieurs reprises, M. Stauffer, qui défendait cette motion, demandait qu'on applique la loi. Que nous propose-t-on aujourd'hui ? De renier la loi ! Sur vos pupitres, vous avez trouvé hier encore une motion, toujours sur le même sujet, mais avec une autre solution. Je vous demande là également: où est la cohérence ?

Cela dit, je vous ferai quand même la grâce, Madame et Messieurs les députés du MCG, de constater qu'il y a dans votre motion de réels problèmes. Effectivement, vous abordez la circulation routière, le fonctionnement de l'administration, la surpopulation carcérale, le commerce de proximité, la précarité - sujet cher aux socialistes - et les frontaliers. Mais, dans cet inventaire à la Prévert, permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de ne retenir qu'une chose: une fois de plus, le MCG désigne les frontaliers comme les seuls responsables des malheurs de la République ! Le groupe socialiste ne pourra donc soutenir une motion aussi populiste et avec de tels relents xénophobes. (Applaudissements et huées.)

M. Christian Brunier (S). J'aimerais juste compléter l'excellente intervention d'Anne Emery-Torracinta pour intervenir sur les invites et les considérants de cette motion.

En préambule, je rappelle au MCG que lorsque les autorités - qu'elles soient législatives ou exécutives - font un appel à l'amnistie, c'est, d'une certaine façon, une validation de la tricherie. Nous ne pouvons pas appeler à l'amnistie de gens qui ont violé la loi ! Je pense que ce n'est absolument pas le rôle de l'Etat, le rôle des autorités, et lorsque l'on veut valoriser l'Etat, lorsque l'on veut valoriser les institutions, on ne peut pas agir de la sorte.

Maintenant, prenons vos considérants. Première chose: vous dites que la politique que vous appelez de répression, qui est à vrai dire un contrôle des stationnements, n'a pas porté ses fruits en matière de zone bleue. Vous savez ce que vous êtes en train de dire, Mesdames, Messieurs du MCG ? Vous êtes en train de dire que des citoyens, des commerçants ou des entreprises qui habitent les quartiers de la ville de Genève ont payé leur macaron pour rien. Je vous rappelle qu'au début des zones bleues, avant qu'il y ait un contrôle sérieux, ces personnes qui avaient payé leur macaron ne trouvaient pas de places de parking. Ce parlement, dans une grande majorité, a demandé qu'il y ait un contrôle des stationnements simplement pour que les gens qui payaient leurs places puissent en bénéficier. Aujourd'hui, cette politique porte ses fruits - enfin ! - et c'est la moindre des choses par rapport aux personnes qui ont payé leur macaron.

Deuxième considérant, c'est de dire que finalement on ne fait rien pour empêcher les frontaliers de venir en voiture au centre-ville. Mais, Mesdames et Messieurs du MCG, la loi sur les zones bleues, c'était justement pour ça. Si aujourd'hui il y a moins de frontaliers qui viennent au centre-ville en voiture, c'est parce qu'une bonne partie des places sont en zone bleue. Ce n'était pas une loi pour repousser les frontaliers comme vous le faites aujourd'hui avec un arrière-goût de xénophobie, c'était tout simplement une incitation au transfert modal, pour empêcher les voitures de venir de manière excessive en ville de Genève. Le parti socialiste a proposé un projet de loi pour étendre les zones bleues aux communes environnant la ville de Genève, parce qu'aujourd'hui nous avons reporté le problème: les frontaliers qui ne se parquent plus en ville de Genève se parquent dans les communes avoisinantes. Au MCG, Mesdames et Messieurs, vous avez refusé ce projet de loi, vous avez en fait attiré les voitures de frontaliers dans les zones qui environnent la ville de Genève ! Vous avez fait le contraire de la motion que vous déposez aujourd'hui.

Vous dites aussi que les contrevenants étrangers ne sont pas poursuivis. Vous revenez avec ça ! Nous l'avons dit dans un autre débat: ils ne sont pas assez poursuivis ! C'est vrai qu'il faut corriger cette politique et les frontaliers doivent être poursuivis comme les Suisses. Il y a un manque de volontarisme et on l'a reconnu, mais ce n'est pas parce qu'il y a un manque de volontarisme qu'il faut amnistier tout le monde ! Je crois que c'est le plus mauvais des procédés. Il faut agir sur les maux.

Finalement, comparer les problèmes de stationnement avec la surpopulation de Champ-Dollon, je m'excuse mais, heureusement, personne ne finit à Champ-Dollon parce qu'il a été collé en zone bleue. Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger !

Le dernier argument est plus que lamentable: vous dites que le fait de contrôler les zones bleues, le fait de coller les gens qui se parquent en stationnement interdit, notamment sur les places de livraison est nuisible au commerce. C'est tout le contraire ! Plus les gens bougent dans les zones bleues, plus les gens bougent dans les zones de parking, plus le commerce est favorisé. En fait, votre motion va à l'encontre même des intérêts économiques et nous appelons évidemment à voter contre cette motion qui est xénophobe et qui est contraire aux objectifs que vous visez !

M. Pascal Pétroz (PDC). Cette motion nous est présentée comme demandant une amnistie générale. C'est ce qui est écrit et tout à l'heure, lors de la présentation de cette motion par son auteur, il a demandé une absolution. Alors, permettez au représentant du parti démocrate-chrétien que je suis de dire que demander une absolution, c'est totalement blasphématoire.

Maintenant, pour replacer le débat dans un cercle un petit peu plus serein et un peu plus approprié, cette motion n'a pas de sens pour toute une série de raisons.

Premièrement, il s'agit d'une motion. Une motion, c'est quoi ? C'est un instrument permettant de demander quelque chose au Conseil d'Etat, sans aucun effet obligatoire. Donc, on peut voter toutes les motions que vous voulez, Monsieur Stauffer, le Conseil d'Etat, après, il les prend, il les met au panier, ou, s'il décide de les exécuter... (Brouhaha.) ...s'il décide de les exécuter, il n'a pas besoin de vous pour le faire. La seule obligation du Conseil d'Etat est de répondre dans les six mois par un rapport. Déjà, première remarque, l'instrument juridique utilisé est donc totalement inapproprié.

Deuxième remarque, vous demandez une amnistie générale qui s'applique également aux frontaliers, vous l'avez aussi dit tout à l'heure. Alors-là, à l'instar de Mme Emery-Torracinta, j'ai un petit peu de la peine à comprendre la cohérence du discours. Si le MCG commence à se poser en défenseur des frontaliers, je me dis qu'on vit quand même dans un drôle de canton !

Autre considération, votre motion ne demande ni plus ni moins à ce parlement que de ne pas appliquer la loi. Cela, c'est totalement inacceptable, sur un plan institutionnel. On ouvre la boîte de Pandore comme ça et on décide de ne plus appliquer la loi dans un certain nombre de domaines. Cela va aller jusqu'à où ? C'est totalement impossible, totalement inadéquat et totalement inapplicable. La loi est la même pour tous, elle doit être respectée et vous, aujourd'hui, vous nous demandez de procéder à une amnistie pour les contrevenants en matière de circulation. Demain, peut-être, viendrez-vous nous demander une amnistie pour les violeurs et les meurtriers. Nous ne pouvons pas accepter cela. Raison pour laquelle il y a lieu de refuser sèchement cette motion ! (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). Je serai assez brève. Cette motion est vraiment inadéquate. Nous sommes ici un pouvoir législatif qui promeut des lois ! Nous avons à faire respecter les lois ! Mais elles s'appliquent à tout le monde ! Est-ce que ces infractions ont été commises ? Oui ! Elles ont été sanctionnées et c'est normal, il n'y a pas à amnistier des personnes qui ont fait une erreur ! Personne n'est obligé de mal parquer sa voiture ! Personne n'est obligé de commettre une infraction ! Celui qui la fait, il assume ! Il faut arrêter, on peut très bien ne pas commettre d'infractions ! Et si on en fait, on assume et on paie. Quand à l'inégalité de traitement, je pense simplement qu'il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité. Et ça, c'est un bon principe à respecter.

Pour la dernière petite incohérence que Mme Emery-Torracinta n'a pas relevée, hier, nous étions justement saisis en grâce de cas où des personnes avaient quelques 60 ou 100 amendes. Eh bien, vous ne les avez pas grâciées du tout ! Donc, à un moment donné, il faut être cohérent, même dans les petites choses. Si vous n'êtes même pas cohérent pour les choses minuscules, quand serez vous cohérents ? (Applaudissements.)

Une voix. T'as droit à un schnaps !

M. Michel Ducret (R). Tout à l'heure, M. Stauffer parlait d'exagération dans l'application de la loi. Cela n'existe pas ! Il s'agit de lois votées par les parlements communaux, cantonaux et fédéraux. Mesdames et Messieurs, il n'y a pas exagération, puisqu'il y a simplement infraction. M. Brunier l'a fait avant, mais je rappelle que le but de la zone bleue, c'est précisément de diminuer le nombre des pendulaires en ville, de faire qu'il n'y ait plus de pendulaires en ville, qu'ils soient frontaliers ou non, d'ailleurs.

Je rappelle simplement ici que le taux de rotation dans les places de parcage à durée limitée à Genève était auparavant de quatre à six fois moins élevé que dans les autres villes de Suisse. N'est-ce pas ? Et que ceci était extrêmement défavorable au commerce urbain. Eh bien, c'est une manière, Mesdames et Messieurs, de favoriser le commerce urbain que de faire respecter les limitations de durée du stationnement, rien de plus ! Et les Genevois doivent en prendre l'habitude, que ça leur plaise ou non. C'est une chose qui est claire.

Cette motion fleure le populisme le plus crasse. D'une part, on prétend vouloir faire des lois, on se fait élire dans ce parlement pour venir faire des lois et d'autre part, on ne voudrait pas qu'elles soient respectées. C'est d'autant plus drôle et piquant lorsque l'on considère que le groupe de M. Stauffer comprend trois représentants des forces de l'ordre dans ses rangs. D'ailleurs, ils peuvent se dispenser de mettre des p.-v. dorénavant, puisqu'ils considèrent que la loi n'a pas à être appliquée !

La seule réponse acceptable, Mesdames et Messieurs, au problème posé par M. Stauffer dans sa motion, c'est qu'il y a peut-être bien des lois à changer ! Qu'il fasse la proposition de changer ces lois, mais il ne faut certainement pas passer par une amnistie pour des broutilles, qui, en plus, sont avérées ! Les gens doivent changer leurs habitudes de vie. C'est en fait une amnistie qui servirait à quoi, sinon à fêter l'arrivée de M. Stauffer sur les bancs du Grand Conseil ? Et ma foi, où ça commence à puer un tout petit peu, c'est lorsqu'on commence à fustiger le «non-Suisse». Alors là, elle sent un peu moins bon, la motion ! Mais finalement, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, cette motion n'a d'autre but que de faire du battage dans la presse et un peu de bruit dans cette arène autour de M. Stauffer  ! Mesdames et Messieurs, maintenant que c'est fait: sourdine ! (Applaudissements.)

M. Alain Meylan (L). Il est vrai que cette motion est exagérée, il est vrai qu'elle sent la démagogie, qu'elle sent le détournement du système et on ne peut pas l'accepter. Le parti libéral la refusera. On est dans un Etat de droit et on doit accepter les lois que l'on vote et les conséquences qui sont celles du non-respect de ces lois. En les contestant, on se demande ce qu'un groupe fait dans cette enceinte, dans la mesure où on est là pour voter, pour légiférer. Au moindre petit écueil, on vient à contester ces lois. Cela, c'est le premier pas et c'est la première intervention que je veux faire pour dire que le parti libéral ne peut pas accepter cette motion.

Il n'en demeure pas moins que «Etat de droit» veut dire effectivement état de droit et égalité de traitement face à la loi. Je dois dire qu'à certains égards l'ambiance qui est sous-jacente à cette motion est un petit peu désagréable, puisque l'on voit quand même dans certaines mesures, dans certaines actions du contrôle, un arbitraire. Cela, on ne peut pas non plus l'accepter. On ne peut pas accepter que certaines catégories d'utilisateurs de voitures ou de scooters soient pénalisées alors que d'autres ne le sont pas. Je peux vous le dire que ça arrive fréquemment, tous les jours, pratiquement tous les jours. Je vous cite un seul exemple, c'est la petite rue qui est devant l'hôtel des Bergues, je l'ai testé moi-même. On se fait arrêter pour une faute et on est amendé: d'accord, pas de problème ! D'autres font la même faute, mais ne sont pas arrêtés. Cela, l'arbitraire, on ne peut pas l'admettre dans un Etat de droit.

Je trouve que cette motion, dans ce sens, donne un signal d'alarme. Dans cette république, on doit aussi accepter que des gens travaillent et circulent, qu'ils participent à la vie économique et à la richesse économique de notre canton. On ne doit pas par là même empêcher ce développement par le fait d'une attitude un peu larvée, toujours un peu cachée: on le voit dans la diminution du nombre de places de parking au centre-ville et ailleurs. Cette manière de faire, avec les contrôles imposés, empêche la gestion de la circulation et empêche la gestion de la complémentarité des moyens de transports et de l'activité économique.

C'est dans ce sens-là uniquement que j'aimerais attirer votre attention, parce que, pour le reste, à la limite, comme l'a dit notre président, cette motion ne nécessite pas dix prises de positions ou dix prises de parole.

A ce titre-là, je crois qu'il faut être attentif pour éviter, Mesdames et Messieurs des groupes qui viennent de s'exprimer, ce genre de motions démagogiques que le groupe libéral refusera. Mais attention à ne pas exagérer !

Le président. Monsieur Stauffer, la parole n'est pas accordée une deuxième fois lorsque la liste est close, même aux auteurs de l'objet traité. En revanche, vous m'avez fait remarquer que l'on vous reprochait de violer la loi et de tenir des propos xénophobes. C'est une mise en cause, je vous autorise à y répondre brièvement.

M. Eric Stauffer (MCG). Certains d'entre vous nous traitent de xénophobes parce qu'on parle des frontaliers. Mais rappelez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que vos électeurs, nos électeurs, nous regardent et nous, nous ne sommes pas xénophobes. Nous disons bienvenue à tout le monde, mais venez habiter ici ! Donc, nous voulons protéger tous les résidents genevois ! Maintenant, les profiteurs et ceux qui ne paient pas leurs contraventions en France, c'est un autre problème ! C'est déjà la première chose sur laquelle je voulais répondre et le Mouvement Citoyens Genevois n'est en aucun cas un mouvement xénophobe.

Des voix. Non ?!

M. Eric Stauffer. Pour preuve, il y a beaucoup de double-nationaux parmi les députés. Cependant, nous, évidemment, avons la préoccupation de défendre, encore une fois, les résidents genevois, chose que, peut-être, vous avez oubliée.

Ensuite, on nous a reproché de vouloir violer la loi. J'ai tout entendu, demain on proposerait une amnistie pour les violeurs et je ne sais quoi d'autre ! Mais comment osez-vous, Monsieur le député Pétroz, comparer un criminel - un violeur - avec quelqu'un qui se serait mal parqué sur une zone bleue ? Parce que si vous aviez lu notre amnistie, Monsieur Pétroz, on parle exclusivement des zones bleues-parcomètres. Etaient exclues de l'amnistie les lignes jaunes et les places pour handicapés. Comment avez-vous l'outrecuidance de dire que nous transgressons la loi ? Monsieur Pétroz, d'autre part...

Le président. Monsieur Stauffer, une minute et demie s'est écoulée. Cela suffit, pour une mise au point.

M. Eric Stauffer. Je terminerai, Monsieur le président, en disant que nous ne transgressons pas la loi, puisque que, justement, dans la loi qui porte règlement de notre Grand Conseil, nous avons la faculté, Mesdames et Messieurs, de prononcer des amnisties partielles ou totales. Alors, Messieurs les avocats, je vous renvoie au règlement et lisez bien les articles de loi avant de parler...

Le président. Merci, Monsieur le député ! N'abusez pas du temps de parole que je vous ai octroyé ! Monsieur le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il a été dit un certain nombre de choses particulièrement fausses et particulièrement désagréables. Monsieur le député Stauffer, vous avez dit que vos chiffres étaient démontrés par le courrier du Département fédéral de justice et police annexé à la proposition de motion. Il se trouve que ledit courrier dit ceci: «N'étant pas en mesure de confirmer ou d'infirmer les chiffres que vous avancez, je me contente de vous donner un bref aperçu des tâches du CCPD ...» Autrement dit, vous faites dire au Département fédéral de justice et police à l'appui de vos propos le contraire de ce qu'il écrit. Il est vrai que l'annexe à la proposition de motion est assez mal photocopiée et que j'ai eu quelque peine à la déchiffrer.

Deuxième élément, vous tentez de prouver ce que vous exposez en prenant comme preuve vos propres propos d'il y a trois ou six mois. Il est assez difficile d'attacher la moindre crédibilité à ce type d'argumentation !

Troisième élément, vous dites au sujet du service des contraventions qu'il est géré de manière archaïque. Je n'accepte pas ce qualificatif ! Il est exact que c'est un service qui est en situation d'extrême difficulté. Il est exact que c'est un service qui est en situation de surcharge. Par contre, les cadres et les collaborateurs de ce service sont des gens qui travaillent d'arrache-pied, notamment pour arriver à ce que le fameux système informatique Mikado - qui est en retard, Monsieur le député - entre en fonction le plus rapidement possible. Mais vous ne pouvez pas, parce que ce système informatique est en retard, dire que ce service est géré de manière archaïque. C'est faire insulte à Mme Cardot-Vouga et c'est faire insulte à ses collaborateurs !

M. Eric Stauffer. Déposez une plainte pénale !

M. Laurent Moutinot. Mais non, Monsieur, vous tomberez tout seul ! Il n'y aura pas besoin de plainte pénale. (Rires.)

Je dois malheureusement faire une remarque à M. Meylan pour le prier de me préciser quelque chose. Monsieur Meylan, vous avez dit que, dans la petite rue vers le quai des Bergues, dans certains cas, des personnes sont arrêtées et d'autres pas et que cela est fait de manière arbitraire. J'ai une question: cela est-il le fait de la police genevoise, oui ou non ?

M. Alain Meylan. Non, des ASM !

M. Laurent Moutinot. Je vous remercie. S'il s'était agi de la police genevoise, ce que je n'aurais voulu croire, il va de soi que des procédures disciplinaires auraient été ouvertes.

En ce qui concerne la demande d'amnistie, Monsieur le député, c'est assez habile mais assez curieux. Vous demandez au Conseil d'Etat de prononcer l'amnistie. Or, vous savez que ce n'est pas le Conseil d'Etat qui est compétent en droit genevois pour prononcer une amnistie.

Donc, le Conseil d'Etat ne peut que vous inviter à refuser cette motion et j'irai même jusqu'à dire que si nous avions la compétence de prononcer une amnistie, nous ne le ferions pas, pour les raisons de principe qui ont été développées par la plupart des intervenants. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de motion 1683 est rejetée par 65 non contre 6 oui et 3 abstentions.

M 1693
Proposition de motion de MM. Philippe Guénat, Gilbert Catelain, Eric Bertinat, Eric Ischi, Olivier Wasmer pour un équipement adéquat et indispensable des services de l'Office cantonal de la population chargés de délivrer des autorisations de séjour et d'établissement

Débat

M. Philippe Guénat (UDC). Que demande cette motion 1693 ? Tout simplement un peu de sérieux et de rigueur dans la qualité des documents demandés pour l'octroi d'une autorisation de séjour dans notre canton. Car, Monsieur le président et chers collègues, aujourd'hui, un requérant à l'octroi d'une autorisation de séjour ou d'établissement n'a ni l'obligation de se présenter personnellement au guichet, ni celle de présenter des documents originaux. Donc, il le fait par courrier et il envoie des photocopies. Vous savez tous combien il est facile de modifier ou de forger des faux documents et de les photocopier ensuite. Tenant compte de la taille de notre canton ainsi que de son excellent réseau TPG, il est aisé de se déplacer. Une autorisation de séjour et tous les avantages en découlant valent bien la peine d'y consacrer quelques heures.

Cette motion, comme vous l'avez lue, demande que le requérant prenne un rendez-vous préalablement et se présente personnellement au guichet. Vous trouverez dans l'exposé des motifs toute une série de mesures afin de rendre cette formalité rapide, efficace et conviviale.

Sur une note personnelle, j'aimerais vous dire que j'ai vécu en Afrique du Sud, dans trois différents pays au Moyen-Orient et en Asie, dans deux différents pays. Et, à chaque fois, j'ai dû me présenter personnellement, j'ai dû présenter les originaux de mes papiers et ensuite un examen médical complet a été fait sur moi, avant l'octroi de toute autorisation quelle qu'elle soit.

Une voix. Bravo !

M. Philippe Guénat. Oui, je suis encore vivant ! Je vous demande, Monsieur le président, de bien vouloir renvoyer cette motion 1693 en commission des finances. Merci.

Mme Mathilde Captyn (Ve). La proposition de motion de l'UDC demande au Conseil d'Etat de durcir la procédure de l'office cantonal de la population concernant les demandes d'autorisation de séjour et d'établissement des ressortissants étrangers.

Je me permets de citer une partie des mots presque poétiques de l'UDC. Ils m'ont amusée, peut-être vous feront-ils rire. Je cite au bas de la page 5 de la présente motion: «Peut-on un instant supposer que celui qui sait trop les taches indélébiles de son casier judiciaire sur tout projet dans son existence à venir, divulgue, candide, tous les renseignements nécessaires à retrouver son identité et son glorieux passé comme on offre des verges pour se faire battre?» (Commentaires.)

Je comprends donc que pour ne pas trop changer ses bonnes habitudes, l'UDC souhaite que l'Etat s'attaque aux personnes qui abusent de l'office cantonal de la population, ceux qui trichent. Je leur rend hommage pour cette petite, éternelle et récurrente préoccupation. On sait pourtant qu'il s'agit d'un nombre restreint de cas; on sait aussi que le service de l'office cantonal de la population est d'une manière générale en voie d'amélioration. Nous avons d'ailleurs voté à l'instant le crédit d'investissement pour son déménagement. Enfin, on sait que les demandes y sont traitées de manière plus efficiente que par le passé. Qui sait, pour ceux qui ont lu la motion très précise de l'UDC, l'administration va peut-être même se doter d'un «Docubox dragon with IR980 NM", en d'autres termes - il vaut mieux - un appareil de détection de faux. Etant entendu que la grande majorité des demandes d'autorisations de séjour et d'établissement sont faites à Genève par des ressortissants des pays limitrophes à la Suisse, je comprends aussi que l'UDC craint ses voisins - pire, ce parti préjuge la malhonnêteté des étrangers.

L'acceptation, le 24 septembre, de la loi fédérale sur les étrangers et de la loi sur l'asile, par environ 29% des résidents suisses - détail non sans importance - a déjà réaffirmé la malheureuse volonté par trop majoritaire d'avoir deux régimes, deux statuts au sein d'une même communauté. Ce double régime est dorénavant bien assis. Nous avons donc déjà d'un côté les "j'y vis" et de l'autre côté les "j'y vivote". Je ne vais pas m'étendre plus longtemps là-dessus. Nous vous engageons simplement, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser l'envoi de cette motion au Conseil d'Etat. Je souhaite aussi rendre le Conseil d'Etat attentif au principe fondamental de l'égalité de traitement que doivent appliquer les administrations publiques genevoises à l'égard de tous ces résidents, indépendamment de leur statut. (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien soutiendra la demande de renvoi en commission qui a été formulée tout à l'heure. A une petite exception près, qui est que nous souhaitons que cette motion soit envoyée en commission de contrôle de gestion, dans la mesure où nous estimons qu'il s'agit d'une question relative à la gestion de l'office cantonal de la population, de sa gestion concrète. Ce n'est donc pas à la commission des finances, dont l'ordre du jour est surchargé, nous l'avons vu tout à l'heure, de traiter de cette question. Monsieur le président, dans votre grande sagesse, je vous demanderai de mettre aux voix successivement les deux commissions choisies.

Nous nous réjouissons de traiter de cette motion en commission pour qu'on puisse déjà répondre à la question fondamentale qui a été posée tout à l'heure par Mme Captyn, qui est de savoir qu'est ce que c'est que ce fameux «Docubox Dragon» et j'en passe. Est-ce que c'est un scanner ? Est-ce que c'est un synthétiseur ? Est-ce que c'est un nouveau modèle d'écran plat ? En tout cas, tout cela nous intéresse au plus haut point et nous nous réjouissons d'en débattre en commission. Je crois que l'intérêt principal de débattre de cette motion en commission est de pouvoir vous démontrer, Mesdames et Messieurs les auteurs de cette motion, que ce que vous estimez être un problème, que vous dénoncez à longueur d'année comme étant quelque chose de scandaleux, n'est en réalité pas un vrai problème. Ce que vous faites dire aux faits dans le cadre de cette motion n'est en réalité qu'une exploitation politique qui vous arrange. Et le travail sérieux que nous ferons en commission permettra de le démontrer. Nous vous l'expliquerons en commission et ça nous permettra à tous de sortir de ce débat en ayant appris quelque chose.

M. François Thion (S). Les socialistes s'opposeront au renvoi en commission, comme ils s'opposeront à cette motion de l'UDC - sur les étrangers une fois de plus. J'aimerais d'abord préciser que l'office cantonal de la population ne travaille pas avec les requérants d'asile, puisque tous les dossiers des requérants d'asile sont traités par l'Office fédéral des migrations et que les requérants d'asile, chaque fois qu'il y a un renouvellement d'autorisation de séjour, doivent se présenter personnellement au guichet. Cela ne les concerne donc pas.

Ensuite, la plupart des dossiers qui concernent les étrangers sont relatifs aux milliers d'Européens qui travaillent et qui habitent à Genève. Je vois mal que l'on fasse venir ces milliers de personnes devant les guichets, parce qu'il n'y a pas le personnel pour. Il faut ajouter aussi les internationaux qui doivent renouveler régulièrement des autorisations de séjour à Genève.

Je pense donc que cela poserait un véritable problème quant au peu de personnel qu'il y a déjà à l'heure actuelle à l'office cantonal de la population.

En ce qui concerne l'authenticité des passeports ou des papiers officiels, la réponse est simple. L'office cantonal de la population, quand il y a doute, fait appel à la police pour lui demander des passeports ou des papiers officiels. Je crois qu'il n'y a pas de problèmes et je crois que votre motion est inutile.

Comparer maintenant l'office cantonal de la population avec le service des automobiles pose un problème. Vous proposez que l'on prenne rendez-vous par Internet. On a affaire à des êtres humains et pas à une visite de contrôle technique pour une voiture. Je m'étonne que vous osiez faire cette comparaison.

Moi, je dirai que le message de l'UDC est un peu contradictoire: en même temps, vous ne votez pas les budgets, vous êtes toujours contre un Etat que vous qualifiez de tentaculaire, vous nous rappelez sans arrêt le problème de la dette de l'Etat de Genève et tout d'un coup, là, vous nous proposez des dépenses que certainement vous n'avez pas calculées pour embaucher du personnel, pour «contrôler» des Européens qui travaillent ici à Genève.

Pour conclure, j'aimerais rappeler ici l'excellence du travail de l'office cantonal de la population et préciser que, contrairement à ce que vous dites dans l'exposé des motifs, non, il n'y a pas de distribution automatique des autorisations de séjour à l'office cantonal de la population ! Non, il n'y a pas d'hypocrisie complice de la part de l'administration ! Non, il n'y a pas de bradage des étapes et des procédures en ce qui concerne le séjour des étrangers !

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes vous demandent naturellement de refuser cette motion et de refuser son renvoi en commission. (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). S'il y a effectivement un secteur de l'Etat où les ressources en personnel n'ont pas évolué en fonction des tâches à accomplir, c'est bien l'office cantonal de la population. Je crois que si on avait procédé de la même manière au niveau du département de l'instruction publique il y aurait certainement beaucoup moins de professeurs et beaucoup moins de cycles et d'écoles, ce que les bancs d'en face n'accepteraient évidemment pas.

Je vous citerai une, voire deux anecdotes. Il y a quelques années, à Genève, une femme qui a annoncé à son mari qu'elle allait divorcer a été coupée en morceaux. Des morceaux de peau de 4 cm carrés. L'assassin a été condamné et aurait dû purger six ou sept ans de prison. Parce que cette personne était défendue par un très bon avocat de la place, on a considéré qu'effectivement dans son pays d'origine il était tout à fait normal d'agir de la sorte, ce qui a permis d'atténuer la peine. Or, entre-temps, cette personne avait fui le pays et trouvé asile sous une fausse identité au Canada. Au bout d'un certain nombre d'années, cette personne a demandé la nationalité canadienne. Les services de l'immigration canadiens ont fait un boulot sérieux et ils ont pris les empreintes de cette personne. Dans la demande pour obtenir la nationalité canadienne, cette personne a dû indiquer dans quels pays elle avait séjourné. Elle a indiqué qu'elle avait séjourné en Suisse et le Canada a transmis les empreintes digitales à la police fédérale. La comparaison des empreintes a permis de découvrir la vraie identité de cette personne, qui a ainsi pu être extradée et purger sa peine de prison en Suisse.

Aujourd'hui, il ne faut pas se leurrer, énormément de personnes circulent et séjournent dans différents pays sous une fausse identité. Pas seulement en Suisse, dans tous les pays. Les chiffres en la matière sont impressionnants, puisque le peu de contrôles qui sont faits permettent de déterminer que des milliers de personnes séjournent ou circulent au sein de ce pays avec de faux documents. En principe, quand vous circulez avec de faux documents, ce n'est pas parce que vous êtes blanc comme neige, c'est parce que vous avez quelque chose à cacher.

Je peux vous citer un autre exemple, celui d'une personne qui, effectivement, a obtenu un permis de séjour grâce au travail sérieux de l'office cantonal de la population - dirigé par un membre du parti des Verts, mais plus pour longtemps, il est vrai. Finalement, cette personne s'est mariée à une ressortissante établie dans le canton de Genève. A l'occasion d'un contrôle une fois où elle n'avait pas de documents sur elle, ses empreintes digitales ont révélé que, sous sa vraie identité, elle devait être expulsée de Suisse pendant 15 ans pour des délits importants. Mais non, cette personne a pu, grâce à sa fausse identité, obtenir un permis de séjour de l'office cantonal de la population, se marier et résider normalement ici. Cela a été soumis à l'office cantonal de la population, mais, quelques mois plus tard, elle a de nouveau été contrôlée et elle était toujours en séjour dans ce canton !

Les faits montrent qu'il y a effectivement des permis de séjour qui sont délivrés par l'office cantonal de la population sur la base de faux documents. Ce ne sont pas les fonctionnaires de l'office cantonal de la population qui sont en cause dans cette affaire, parce qu'ils aimeraient pouvoir dépister ce genre d'abus. Seulement, l'office cantonal de la population n'est pas équipé pour le faire. Je rappelle que dans nos prestations de serment nous promettons aussi de respecter nos engagements vis-à-vis de la Confédération. Nous sommes aussi là pour faire en sorte que la loi soit appliquée correctement dans ce canton. Tout ce que demande cette motion, c'est de permettre à l'office cantonal de la population de travailler avec les bons outils.

Ce que fait l'office cantonal de la population, c'est ce qui était valable il y a vingt ans quand il n'était pas possible de dépister ce genre d'abus. Parce qu'à l'oeil nu, la plupart du temps, vous ne pouvez pas avoir de soupçon sur un document; vous ne pouvez pas déterminer à l'oeil nu si le document présenté a été volé si vous ne connaissez pas le numéro caché et son emplacement dans un document.

La seule chose que nous demandons, c'est de permettre une vérification de la correspondance entre la personne et le document qu'elle présente, et de travailler sur la base de documents authentiques et originaux. Ce qui est la moindre des choses. Comme on l'a dit dans l'exposé des motifs, une autorisation de séjour n'est pas valable seulement pour le canton de Genève, mais pour l'ensemble du pays. Donc, nous prenons un engagement vis-à-vis des autres cantons. Ce n'est pas un contrat d'assurance-vie, c'est un acte important, c'est une tâche régalienne de l'Etat et, dans les tâches régaliennes de l'Etat, l'UDC a toujours maintenu qu'il fallait donner à l'Etat les moyens d'agir et, d'ailleurs, je rappelle que lors du vote du budget 2005 nous avons proposé l'amendement qui permettait à l'office cantonal de la population de bénéficier de cinq collaborateurs supplémentaires.

Je propose effectivement le renvoi en commission, mais il y a probablement une erreur à ce sujet parce qu'il me semblerait plus logique que la motion soit renvoyée à la commission judiciaire, qui est plus apte à traiter ce genre de questions. Là, nous verrons qu'il est important pour les fonctionnaires de l'Etat de pouvoir travailler dans des conditions normales, avec des outils qui sont actuels. Ce ne sont pas des outils qui coûtent extrêmement cher mais ils permettraient de donner une légitimité au travail qui est fait par l'OCP. Cela permettrait aussi de donner plus de confiance à la population quant au travail qui est fait par l'OCP et, dans ce cadre-là, je crois qu'il n'y a aucun procès à faire. Ce n'est pas l'objet de ce débat et je rappelle que cela ne concerne pas l'ensemble des permis de séjour.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Gilbert Catelain. Cela concerne les autorisations de séjour qui sont délivrées à des personnes qui viennent dans notre pays et qui doivent présenter un certain nombre de pièces pour étayer leur dossier de demande. En ce qui concerne les internationaux, je rappelle qu'ils ne sont pas gérés par l'office cantonal de la population, mais par la mission suisse. C'est donc tout un groupe de personnes qui est déjà exclu de cette motion. Je vous propose simplement de soutenir le renvoi en commission.

M. Christian Luscher (L). Je crois que beaucoup de choses ont déjà été dites. Je vais tenter de m'en tenir au principe de célérité auquel vous êtes tant attaché, Monsieur le président, pour dire d'abord ceci. Effectivement, cette motion traite d'un problème sérieux, mais un problème qui, en grande partie, relève du droit fédéral. Et puis, si nous devions appliquer votre motion au pied de la lettre, nous devrions, en nous attachant au principe de non-discrimination, traiter les Suisses de la même façon. Je ne crois pas que l'on puisse exiger de nos ressortissants confédérés qu'ils se présentent personnellement à l'office cantonal de la population. Je vous laisse imaginer tous les problèmes administratifs auxquels cet office serait soumis.

Cela étant, nous ne sommes pas, nous les libéraux, opposés au principe que cette motion soit renvoyée en commission. A juste titre, Monsieur Catelain, vous avez mentionné le fait que cette motion ne relevait pas de la commission de contrôle de gestion. Ne soyons pas hypocrites, ce serait un enterrement de première classe que de l'envoyer en commission de contrôle de gestion. De toute évidence, ce problème relève de la commission judiciaire. Je sollicite en conséquence que, si cette motion est renvoyée en commission, comme cela semble ressortir d'un consensus quasi général, elle le soit en commission judiciaire.

Le président. Merci de votre célérité, Monsieur le député. Je donne à présent la parole à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. A la lecture, cette motion m'apparaissait comme particulièrement malvenue, ne serait-ce que parce que vous avez voté à de multiples reprises des demandes de simplifier le travail de l'office cantonal de la population, d'alléger les procédures, de les faire par courrier, voire «online». Dans cette motion: retour en arrière de 180 degrés !

Toutefois, en écoutant attentivement M. Catelain, M. Pétroz et M. Luscher, il me semble que l'on peut sortir deux trois choses intéressantes, à condition toutefois de ne pas tout mélanger. Parce qu'au départ, Monsieur le député Catelain, il faut tenir compte du rôle des gardes-frontière sur lequel il faudra bien s'interroger à propos de l'identification des gens - qui franchissent au départ une frontière - quelquefois ouverte, il est vrai. Ensuite, il y a la police, dont vous reconnaissez qu'elle a, elle aussi, un rôle à jouer. L'office cantonal de la population intervient en dernier lieu, au niveau administratif. Je ne suis pas convaincu que l'effort devrait être porté là plutôt qu'ailleurs.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre la vérification des documents - l'exigence des originaux le cas échéant, qui est quelque chose de légitime - avec l'exigence d'une présence physique de tout le monde aux guichets. Parce que de cette façon on provoquera des embouteillages assez hallucinants, d'autant plus que pour éviter l'accusation de xénophobie vous avez indiqué «tout requérant». «Tout requérant» cela pourrait aussi être un citoyen suisse souhaitant épouser une étrangère et qui présenterait ses papiers dans ce but. Donc là, on n'est pas extrêmement bien cadrés.

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, s'il s'agit de lutter contre ce qui est effectivement un risque en matière de sécurité, c'est-à-dire le fait que, sur la base de faux papiers, un certain nombre de gens obtiennent un vrai permis, je suis évidemment totalement d'accord. Sous cet angle-là, je pense que l'on peut étudier cette motion en commission. Par contre, l'idée de faire venir tout le monde à Onex est farfelue. Même en doublant la ligne de tram, on n'y arrivera pas !

Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission, l'une à la commission de contrôle de gestion, l'autre à la commission judiciaire. Est-ce que les deux demandes sont maintenues ? Merci, Monsieur Guénat ! M. Guénat vient de retirer sa demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1693 à la commission judiciaire est adopté par 46 oui contre 23 non et 3 abstentions.

M 1707
Proposition de motion de Mmes et MM. Frédéric Hohl, Gabriel Barrillier, Michel Ducret, Hugues Hiltpold, Patricia Läser, Jean-Marc Odier, Michèle Ducret, Jacques Follonier, Pierre Kunz, Jacques Jeannerat, Marie-Françoise de Tassigny visant à étendre la durée et le champ d'application d'une mesure d'exclusion de zone

Débat

M. Frédéric Hohl (R). Afin de faciliter le travail de la police et de lutter contre le trafic de drogue, le groupe radical a déposé cette motion... (Sonnerie de téléphone portable.) C'est lequel qui sonne ? C'est pas le mien en tout cas !

Une voix. C'est ton pacemaker !

M. Frédéric Hohl. Au dernier Grand Conseil, nous avons déposé un rapport de la commission des pétitions contre le trafic de drogue aux Eaux-Vives. Cette motion va exactement dans le même sens. Aujourd'hui, en Suisse, à la suite d'une arrestation où d'une condamnation, une personne en situation illégale peut être interdite de zone. Par exemple, le bord du lac, le centre-ville, ou la proximité de la gare. Dans l'ensemble de la Suisse, cette interdiction est portée à douze mois au maximum. A Genève, c'est six mois. Nous invitons donc le Conseil d'Etat à harmoniser cette durée d'exclusion à douze mois et à redéfinir le cercle des infractions pouvant conduire à cette exclusion. Le groupe radical vous propose le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien demande le renvoi de cette motion en commission judiciaire pour qu'elle puisse être étudiée avec sérénité, parce qu'elle pose un certain nombre de problèmes juridiques assez sérieux.

En effet, il nous est demandé ici par nos amis radicaux de dire le contraire de ce que la loi fédérale nous dit, de par des dispositions cantonales. Je le sais bien, puisque j'ai été juge pendant sept ans à la commission de recours de la police des étrangers. J'ai appliqué moi-même ces mesures d'assignation territoriale pendant de nombreuses années. La loi fédérale règle exclusivement la matière; la loi fédérale dit que c'est six mois et pas un de plus ! Donc, demander de passer à douze mois, ce n'est tout simplement pas possible.

Ensuite de cela, la loi fédérale définit aussi dans quels cas cette mesure peut être prononcée. La loi fédérale parle de troubles à l'ordre public et le trouble à l'ordre public ne concerne pas uniquement les problèmes d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, mais tout comportement contraire au droit qui présente un certain caractère de gravité.

Autrement dit, la commission cantonale de recours de police des étrangers a confirmé des décisions d'assignation territoriale prises à l'encontre de ressortissants étrangers qui avaient commis soit un brigandage, soit un certain nombre de vols portant sur des montants importants ou présentant un caractère répétitif tel que nous sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agissait d'un trouble à l'ordre public. En réalité, dans les faits, votre demande d'extension de la notion de trouble à l'ordre public existe déjà dans l'application concrète du droit. Donc, c'est quelque chose qui va tout à fait dans votre sens et c'est tout à fait positif.

Maintenant, nous estimons que cette motion ne doit pas être refusée telle quelle, d'une part parce qu'elle est présentée par nos amis et comme ce sont nos amis, on n'a pas envie de leur faire de la peine... (Commentaires.)

Et puis, d'autre part, il y a quand même des questions importantes et pertinentes qui sont soulevées par cette motion et cela mérite que nous en parlions. Raison pour laquelle nous demandons le renvoi de cette motion en commission judiciaire.

M. Eric Stauffer (MCG). Nous trouvons absolument incroyable que le parti radical doive déposer une motion pour, je dirais, casser le trafic de drogue à Genève !

M. Roger Deneys. Sur le renvoi en commission !

M. Eric Stauffer. Oui, c'est au sujet du renvoi en commission ! On va s'y opposer, Monsieur Deneys. Mais nous aimerions demander: est-ce que de leurs voitures, de leurs résidences, depuis la tour Baudet, ceux qui nous gouvernent n'entendent pas la rumeur de mécontentement qui enfle dans la rue ? (Huées.) Le trafic de drogue, Messieurs, est un problème sérieux à Genève et nos concitoyens, comme l'a très bien relevé le parti radical, ne constatent pas de changements ! Au contraire, il y a une aggravation de ce fléau qui envahit Genève. Est-ce que, Messieurs les conseillers d'Etat, vous êtes tellement complimentés par les gens qui vous entourent et qui ne vous disent que ce que vous avez envie d'entendre ? Parce qu'encore une fois, nous ne constatons aucun changement. Vous ne lisez pas la presse, vous n'écoutez pas la radio...

Le président. Sur le renvoi en commission, je vous prie !

M. Eric Stauffer. Oui, le renvoi en commission, Monsieur le président. Encore une fois, c'est un sujet qui est important parce que le MCG...

Le président. Tout est important dans cette salle ! Je vous demande de vous exprimer sur le renvoi en commission !

M. Eric Stauffer. Oui, tout est important mais, Monsieur le président, le renvoi en commission est une absurdité ! Pourquoi ? Parce qu'il faut avoir une tolérance zéro en matière de trafic de drogue. Il faut sévir ! Il faut sévir durement ! Il faut expulser ceux qui sont expulsables et il faut soigner les toxicomanes qui sont les premières victimes de ces trafiquants de la mort. Il n'y a aucune tolérance à avoir à ce niveau-là !

M. François Thion (S). La motion pose effectivement un problème extrêmement grave. Si je prends la parole ici, c'est parce qu'à la commission des pétitions on a eu plusieurs pétitions qui concernent notamment le quartier des Eaux-Vives et aussi les propriétaires de bateau, qui en ont ras-le-bol de voir ces trafiquants dans leurs rues. Il faut quand même voir que la zone d'exclusion qui touche la gare et le centre-ville a eu pour résultat de transférer ce trafic de drogue vers d'autres quartiers et j'ai l'impression qu'avec cette zone d'exclusion, on n'a de loin pas résolu tous les problèmes. La présence des trafiquants perturbe gravement la vie des habitants. En tout particulier celles des personnes âgées, qui se plaignent; les enfants sont également embêtés par ce trafic, ainsi que leurs mères et pères.

Les plaintes sont extrêmement nombreuses et on nous dit très souvent qu'il est fait appel à la police qui passe de temps en temps. Ce sont des choses dont on a souvent parlé, ici, dans cette enceinte. On sait que le problème de la police, c'est qu'elle n'a pas les effectifs suffisants. Alors qu'on cherche à engager et à former des policiers, cette profession n'est plus considérée comme vraiment attrayante. On a eu l'occasion d'en parler, il y a à l'heure actuelle beaucoup de policiers qui démissionnent et on a beaucoup de peine à les remplacer.

Alors, moi, j'aimerais aussi dire une chose par rapport à cette motion à propos des requérants d'asile. Chaque fois, on montre les requérants d'asile du doigt en disant que ce sont eux qui trafiquent...

Le président. Monsieur le député, je vous rappelle que nous discutons du renvoi en commission.

M. François Thion. Oui, Oui. J'y viens. Chaque fois, on nous dit que les requérants d'asile sont des trafiquants de stupéfiants. Certes, il y a beaucoup d'étrangers - on le sait, on le voit - mais tous ne sont pas des requérants d'asile. Il faut faire très attention: réfugié ou requérant d'asile n'égale pas dealer. Il faut faire très attention avec ça !

Nous, socialistes, sommes ouverts et prêts à discuter de cette motion. Simplement, on vous propose un amendement sur l'invite. Avant d'aller trop loin, il faut déjà réfléchir et voir quels sont les impacts des mesures d'exclusion à l'heure actuelle. Est-ce qu'elles ont donné un résultat positif ? Après, on pourra discuter du reste.

Le président. La parole est à M. Jornot. Madame Pürro, vous ne pouvez pas vous exprimer parce que nous sommes en débat sur le renvoi en commission.

M. Olivier Jornot (L). Exceptionnellement, j'aimerais d'abord m'exprimer à propos de la demande d'amendement qui porte sur une évaluation des mesures d'«exclusion de zone». On appelle tout d'un coup ces mesures ainsi alors qu'on a jusqu'à maintenant toujours parlé de mesures d'«assignation territoriale».

J'aimerais simplement rappeler aux auteurs de cet amendement que la commission de gestion du Conseil National a rendu un rapport le 24 août 2005, qui porte précisément sur l'application et l'effet des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. Cette commission a notamment étudié le cas du canton de Genève et la question des mesures d'assignation territoriale. Elle a abouti à la conclusion de l'efficacité des mesures d'assignation territoriale. C'est en page 2524 de la «Feuille fédérale», où ce rapport a été publié. Il n'est donc pas nécessaire, une année plus tard, de demander qu'on étudie cela, alors même que les autorités fédérales ont déjà étudié ces effets.

Maintenant, en ce qui concerne la motion proprement dite et la question de son renvoi en commission, je dois vous avouer qu'il y a deux points de cette motion qui me laissent perplexe.

Le premier point concerne ce qui est dit à propos de la matière, pour la raison que l'on ne pourrait utiliser l'assignation territoriale qu'en matière de stupéfiants. C'est inexact, cela a sauf erreur été rappelé tout à l'heure par M. Pétroz. Aussi bien dans la loi fédérale actuelle que dans celle qui vient d'être approuvée par le peuple, c'est tout ce qui concerne la sécurité et l'ordre public qui est considéré, notamment en vue de lutter contre le trafic de stupéfiants. Il n'y a donc pas d'objet quant à cet aspect-là.

Quant au deuxième aspect, qui est celui de la durée, il est exact que la loi cantonale d'application prévoit que l'assignation territoriale est prononcée pour six mois, mais elle prévoit aussi, Mesdames et Messieurs les auteurs de la motion, que la commission cantonale de recours de police des étrangers peut prolonger la mesure de six mois en six mois. Autrement dit, il n'y a aucune limitation de durée qui existe en tant que telle dans notre loi cantonale.

Cela me conduit à la conclusion suivante. Je ne comprends pas le sens exact de cette motion, mais quand je ne comprends pas, j'aimerais comprendre. Et pour comprendre, il faut étudier... Pour étudier, je vous propose donc d'accepter le renvoi en commission.

Des voix. Oh !

Une voix. Il aurait même pu être avocat !

M. Frédéric Hohl (R). Nous comprenons les vues de chacun. Comme vous le savez, la population est vraiment très impatiente avec ce genre de sujets et nous gardons notre opinion que cette motion devrait partir directement au Conseil d'Etat pour être traitée.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, si vous décidez de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, la réponse sera celle que vient de vous faire M. Jornot. Par conséquent, vous aurez la réponse dans un délai bien plus court que six mois. Il vous sera répondu que, par le biais de la prolongation, nous ne sommes pas en dysharmonie avec les délais pratiqués dans le reste de la Suisse et que l'extension des infractions est contenue dans la loi genevoise actuelle. L'exclusion de zone concerne celui qui trouble ou menace la sécurité et l'ordre public, et vise notamment à lutter contre le trafic des stupéfiants. La réponse, vous l'obtiendriez, et je peux donc accepter cette motion dans ce sens-là.

Si vous souhaitez aller en commission, la vraie question, qui est peut-être posée là derrière, c'est celle du périmètre adéquat à donner à une zone d'exclusion. Parce qu'évidemment, idéalement, la zone d'exclusion devrait couvrir tout le canton pour qu'il ne s'y trouve personne qui soit délinquant ou qui ne devrait pas y être. Or, il y a aussi une question d'efficacité de la police: on peut avoir un système de zones d'exclusion tant qu'il reste gérable et que celui qui pénètre dans une zone où il est interdit a de fortes chances de s'y faire attraper. Si on étend la zone d'exclusion aux trois quarts du territoire cantonal, la mesure perd singulièrement de son efficacité.

Si vous souhaitez discuter de ce genre de questions, sans aucune ironie, c'est possible. Mais il faut faire le travail de manière sérieuse, pour éviter que la création d'une zone d'exclusion n'ait comme conséquence le report des nuisances sur le quartier d'à côté, ce qui ne serait pas tolérable. C'est un débat extrêmement intéressant, compliqué et technique.

Ce que dit à ce jour la police, si j'ai bien compris, c'est que lorsque l'on crée une zone d'exclusion il s'opère un report partiel des troubles, report évidemment dommageable pour le quartier qui le subit. Mais, pour partie, effectivement, de par le fait qu'on leur rend la vie difficile, un certain nombre de dealers quittent le territoire. Donc, c'est positif. Toutefois, l'essentiel de l'effet de la création d'une zone d'exclusion, malheureusement, c'est de provoquer un report des nuisances.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est effectivement une problématique que le département, le Conseil d'Etat et la police considèrent avec le plus grand sérieux, parce qu'elle est nuisible et dangereuse et que c'est une situation inadmissible. Je ne peux pas laisser dire qu'on ne fait rien ou qu'on sous-estime les choses. Je suis prêt, soit à en discuter en commission, soit à vous répondre directement si vous envoyez cette motion au Conseil d'Etat.

Et puis, Monsieur Stauffer, je viens de lire un texte intéressant qui dit ceci: «Est-ce que de leurs voitures, de leurs bureaux de la tour Baudet et de leurs résidences, ceux qui nous gouvernent n'entendent pas la rumeur de mécontentement qui enfle de la rue ?» C'est tiré de l'interpellation urgente écrite 337. Je vous ai reproché tout à l'heure de citer vous-même vos propres textes à l'appui de vos thèses. En voilà la preuve ! (Applaudissements.)

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1707 à la commission judiciaire est rejeté par 39 non contre 31 oui.

Le président. Nous allons maintenant donner la parole à Mme Pürro, qui l'avait demandée sur le fond, puis nous procéderons au vote de l'amendement éventuel. Ensuite, nous déciderons du renvoi ou non au Conseil d'Etat.

Mme Véronique Pürro (S). Je crois que, quand on parle d'«exclusion de zone», il s'agit du vocabulaire usuellement admis pour cette mesure d'«assignation territoriale». C'est plus compréhensible pour tous. C'est bien exact, Monsieur Jornot ?

Je crois que le mérite de cette motion, c'est de poser le problème. Par contre, je ne suis pas certaine que la mesure d'assignation territoriale soit de nature à réduire la problématique. Je ne suis pas certaine, contrairement aux motionnaires, que l'objectif de prévenir le trafic de la drogue soit atteint par ce type de mesures et M. Moutinot a laissé entendre qu'on pouvait s'interroger sur son efficacité.

J'encourage vivement tous ceux qui veulent donner des leçons sur les problèmes de drogue - que tous dans cette enceinte nous reconnaissons - à nous présenter enfin des solutions. J'ai rarement vu ceux qui dénoncent faire des propositions constructives qui contribueraient à régler un problème aussi important que celui dont nous parlons maintenant.

S'agissant de l'amendement, j'ai bien entendu M. Jornot nous citer des rapports fédéraux, mais j'ai également entendu M. Moutinot nous répondre que et la police et le Conseil d'Etat s'interrogeaient, discutaient et souhaitaient évaluer la situation. L'intérêt pour une mesure, c'est d'évaluer si elle est efficace. A entendre ce qui vient d'être dit par le gouvernement et à ce qu'observent non seulement les habitants mais aussi la gendarmerie, les services sociaux et les différents services de proximité qui interviennent sur le terrain, on a effectivement pu, en toute logique, observer que la création de zones d'exclusion a reporté le problème sur d'autres quartiers. M. Moutinot l'a très justement indiqué. Alors, je crois que là est notre intérêt, de savoir si on a ou non gagné quelque chose avec cette mesure, avant de la modifier, de l'étendre, de la réduire ou de la supprimer.

C'est la raison de l'amendement: plutôt que de partir du principe que la mesure est bonne, qu'elle a un impact positif, évaluons-la, quitte à ce que nous allions dans un deuxième temps dans une direction ou dans une autre.

Voilà la raison pour laquelle je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cet amendement, avant de renvoyer la motion au Conseil d'Etat. Cet amendement concorde avec ce que vient de nous dire le président du département concerné et cela lui permettrait de nous donner toutes les indications nécessaires pour ensuite prendre la bonne décision.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que l'usage veut qu'on s'arrête après le Conseil d'Etat. M. Stauffer a demandé la parole, ce qui m'étonne peu, M. Pétroz aussi, ce qui m'étonne plus. Je vais la leur donner, mais je vous propose d'en rester là.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Il me semblait que, lorsqu'un renvoi en commission était refusé, on revenait sur le débat de fond. Je n'ai pas pu m'exprimer sur le débat de fond puisqu'il y avait un renvoi en commission, préalablement. Il me semble que nous respectons totalement le règlement. Cela étant, Monsieur le président et Monsieur le président du département des institutions, c'est vrai que j'ai lu mon texte. C'est un texte que j'ai écrit dans une IUE que je vous ai envoyée et qui est intitulée, puisque vous ne l'avez pas dit: «drogue et inaction du gouvernement, les préaux transformés en commerce de la mort dès la nuit tombée». Nous et nos concitoyens nous réjouissons de votre réponse. Donc, c'était parfaitement adéquat que je reprenne ce texte qui est justement dans l'actualité de la motion déposée par le parti radical.

Cela étant dit, encore une fois, le renvoi en commission a été refusé et je m'en réjouis. J'espère que cette motion va vous être renvoyée, Monsieur le président du département des institutions. J'espère qu'au lieu de répondre tout de suite, vous agirez sur le terrain, parce que c'est ce que nos concitoyens veulent. Ils veulent cesser d'entendre des belles paroles, ne plus voir tous les jours des dealers dans les rues au bord du lac et ne plus retrouver dans des préaux d'écoles primaires des seringues avec lesquelles des enfants se blessent. C'est ça que nos concitoyens veulent ! Et c'est pour cela que, normalement, ils vous ont élu.

Je vous demande donc de respecter l'ensemble de vos concitoyens et d'agir avec fermeté sur le problème de la drogue. Il n'y a pas à faire de l'esprit sur la drogue, il y a juste à agir !

M. Pascal Pétroz (PDC). Vous avez raison, Monsieur le président du Grand Conseil. Il n'est pas d'usage de s'exprimer après le Conseil d'Etat, mais cela n'a pas été le cas puisque vous avez, après l'excellente intervention du conseiller d'Etat en charge des institutions, fait voter sur la demande de renvoi en commission. Celle-ci ayant été rejetée, le débat se poursuit. Raison pour laquelle nous sommes habilités à parler.

Sur l'amendement, celui-ci mérite d'être soutenu parce qu'il est plein de bon sens. En réalité, il ne s'agit pas ici, dans cette enceinte, de changer une loi qui est une loi fédérale et pour laquelle nous n'avons aucune compétence, mais bien de savoir si les mesures d'assignation territoriale sont efficaces ou pas et de pouvoir en débattre. Cet amendement, qui vise précisément cela, est excellent et mérite d'être soutenu.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je crois que je voulais dire pour partie la même chose que mon préopinant. Par contre, par rapport à M. Stauffer, j'aimerais juste lui dire qu'effectivement ce qu'il demande, c'est une discussion complète sur le problème de la drogue.

Avec la présente motion, tel n'est pas le cas. On parle des quatre piliers de la politique nationale. Si on veut en rester au texte de loi, je crois que l'amendement qu'on a proposé est ciblé sur un des outils de la répression. Ce n'est même pas de la répression dont on parle, mais seulement d'un de ses outils. Effectivement, je pense que c'est important de faire cette étude pour mesurer l'efficacité de cet outil et savoir s'il faut tout axer là-dessus.

Ce que vous relevez, c'est la peur et les difficultés des habitants. Ce n'est pas uniquement par les sanctions, telles qu'elles sont abordées ici, qu'on pourra résoudre ce problème.

Le président. Monsieur Stauffer. (Huées.) C'est la troisième fois, donc la dernière !

M. Eric Stauffer (MCG). Ce sera la dernière, Monsieur le président ! Chère collègue, c'est vrai, vous avez raison de dire qu'il faudrait justement développer tout le problème de la drogue, mais chaque pierre qui sera apportée à cet édifice pour endiguer ce fléau sera une bonne chose. Voilà, Monsieur le président, je n'ai pas été très long et je tenais à remercier Mme Schneider Hausser parce que c'est une des premières fois qu'elle prend la parole et ça méritait d'être soulevé.

Le président. Je soumets à vos suffrages l'amendement consistant à supprimer les deux anciennes invites et à les remplacer par l'invite suivante: « à présenter au Grand Conseil un rapport sur l'impact des mesures d’exclusion de zone».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 27 non et 1 abstention.

Mise aux voix, la motion 1707 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 27 non et 1 abstention.

Motion 1707

Le président. J'invite le Bureau à me rejoindre à la salle Bogueret et je lève la séance.

La séance est levée à 23h.