République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9330-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'étude de 1'275'060F en vue de rénover et d'agrandir partiellement la prison de Champ-Dollon à Puplinge
RD 437-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant la prise en charge des patients dans le département de psychiatrie des HUG
M 1599
Proposition de motion de Mmes et MM. Claude Aubert, Janine Berberat, Blaise Bourrit, Alain Charbonnier, Laurence Fehlmann Rielle, Jeannine De Haller, Jocelyne Haller, Philippe Glatz, Guy Mettan, Marie-Françoise De Tassigny, Jacques Follonier, Anne Mahrer, Ariane Wisard-Blum, Gilbert Catelain pour la création d'un ou d'établissement(s) approprié(s) pour l'exécution des mesures ordonnées en application de l'article 43 CPS ou de privation de liberté à des fins d'assistance
RD 558
Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (3e année de la législature 2001 - 2005)
Rapport de Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC)

Premier débat

M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur de majorité. Je traite du projet de loi 9330-A qui concerne l'agrandissement de Champ-Dollon. Je voulais juste rappeler la situation où se trouve actuellement la prison de Champ-Dollon. Elle compte aujourd'hui près de 480 détenus alors qu'elle a été conçue pour en accueillir 270, avec un seuil critique admis à 370 par M. Pedrazzini, expert en la matière. Ce crédit d'étude, Mesdames et Messieurs les députés, prévoit d'agrandir le bâtiment actuel de Champ-Dollon en y adjoignant un étage, à savoir 70 cellules supplémentaires.

En commission, nous avons eu un large débat sur la question plus générale d'un bâtiment pour les personnes condamnées selon les article 43 et 45 CPS, que Genève se doit de réaliser depuis plusieurs décennies déjà. Nous avons également eu un débat général sur le taux élevé de détentions en préventive que le canton de Genève connaît en comparaison avec d'autres cantons similaires, comme Zurich. Une partie de la commission avait estimé nécessaire de procéder à une audition de Mme Spoerri et du Procureur général, mais la majorité de la commission a estimé que ces auditions n'étaient pas nécessaires. D'une part, parce que M. Moutinot représentait le Conseil d'Etat, il était donc parfaitement en mesure de répondre sur le fond du projet de loi et sur l'urgence que celui-ci revêtait et, d'autre part, parce qu'il n'incombait pas à la commission des travaux de traiter de la problématique de la détention préventive, car cette question générale était étudiée par la commission des visiteurs.

S'agissant du bâtiment, concernant l'article 43 CPS, la commission des visiteurs a régulièrement demandé - comme on peut le voir dans le rapport de minorité - que ce bâtiment soit réalisé. Je vous rappelle que, depuis plusieurs années, les différents rapports de cette commission ont été votés à l'unanimité de ce Grand Conseil; cela veut bien dire que notre Conseil cautionne la réalisation rapide de ce bâtiment. Je voudrais également préciser que le Conseil d'Etat nous a confirmé que ce bâtiment serait réalisé beaucoup plus rapidement que ce qu'il aurait dû être, en l'occurrence pour ces prochains mois.

S'agissant de la détention préventive, qui sera l'un des arguments du rapport de minorité, je crois qu'il ne nous appartient pas, à nous, législateurs, de commenter les chiffres qui proviennent directement du pouvoir judiciaire, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Cela étant, la commission des visiteurs auditionnera M. Zappelli pour obtenir une explication sur ce point.

En guise de conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je demande à ce parlement de voter ce crédit d'étude et de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission comme demandé dans le rapport de minorité, car il en va de la sécurité de notre institution.

La présidente. Pour remplacer Mme Nussbaumer, je demande à M. Hiler de faire un commentaire en tant que rapporteur de minorité.

M. David Hiler (Ve), rapporteur de minorité ad interim. En réalité, la commission des travaux a bel et bien commis une erreur d'appréciation. Ce n'est pas parce que l'on est la commission des travaux que l'on ne peut pas se pencher sur le problème de la surpopulation de la prison de Champ-Dollon.

On va faire un peu d'arithmétique, si vous le voulez bien. Aujourd'hui, la prison de Champ-Dollon contient 460 personnes - en pointe - pour une capacité de 270 personnes; ce sont des chiffres fournis par le département. Cette situation n'est admissible ni pour le justiciable, ni pour les gardiens, ni pour la police, empêchée de faire son travail. Là-dessus, on est tous d'accord.

Pourquoi la prison est-elle à ce point chargée ? Premier élément - sur lequel tout le monde est d'accord - c'est qu'un certain nombre de personnes ne devraient pas s'y trouver, mais elles s'y trouvent: les personnes tombant sous le coup de l'article 43 du Code pénal suisse, la présence de femmes dans un bâtiment qu'il faut séparer - ce qui signifie 50 places mal utilisées - et enfin, la présence de mineurs. La première priorité, et je ne pense pas que Mme Spoerri soit d'un avis contraire, c'est de régler le problème de l'article 43 qui date, comme le rappelle à juste titre le rapport de la commission des visiteurs, de 1937 ! Il y a une base légale depuis 1937 ! Personne ne s'en est occupé et, de ce point de vue, pour éclaircir aussi certains problèmes, il ne s'agit pas de faire des reproches à Mme Spoerri, car elle est, depuis 40 ans, la première responsable de ce dicastère qui veut bien s'occuper de l'article 43 ! Et la déclaration que nous avons reçue aujourd'hui, l'engagement de présenter un projet de loi avant l'été - il est en consultation - est quelque chose que nous accueillons avec satisfaction. Mais reste l'autre problème, et il n'est pas vrai qu'on peut l'évacuer au nom de la séparation des pouvoirs !

Mesdames et Messieurs les députés, si nous avions le même rapport entre la détention préventive et le nombre de condamnations que le canton de Zurich, nous n'aurions pas besoin d'agrandir cette prison. Nous avons un taux de 50 % de personnes condamnées qui ont fait de la préventives. Et nous avons aussi un taux de près de 50 % de personnes devant purger une peine avec sursis qui ont fait de la préventive à Genève ! Tout le code pénal est fondé sur un principe de gradation. Cette gradation exprime le fait que l'on sait que la prison n'est pas un endroit particulièrement recommandable pour se construire un avenir. On essaie donc de donner une chance, car on sait que la prison est criminogène. Que faisons-nous à Genève ? On envoie dans une prison, qui n'est certes pas un pénitencier mais une prison surchargée, les 50% des gens qui auront une peine avec sursis.

Est-ce que cela n'est pas un sujet politique ? Oui, c'est un sujet politique ! C'est d'autant plus un sujet politique que cela coûte cher, non pas dans le bâtiment, mais dans les frais que nous encourons. Ce que nous demandons et ce que nous avons demandé à la commission, et que celle-ci peut - à mon avis - raisonnablement refuser, c'est un débat sur cette question. Je vous ai donné les taux de Zurich, mais, quand j'ai vu les chiffres, je me suis dit: «Non, Zurich ne doit pas être un bon exemple, car nous sommes un canton frontalier et nous avons un tourisme du banditisme». Mais Bâle-Ville présente le même chiffre que Zurich ! Je ne sais pas si vous avez l'impression qu'on badine avec la justice dans les cantons dits «primitifs», mais en Appenzell, à Uri, Schwytz ou Unterwald, ce sont moins de 10% des personnes condamnées qui font de la préventive ! Et nous n'aurions pas le droit de nous adresser au Procureur général, au Collège des juges, pour leur dire: «Etes-vous sûrs d'utiliser vraiment les critères - très restrictifs pour la prison préventive - prévus par le code pénal et est-ce que des habitudes ne se seraient pas prises ?» Et le pire, Mesdames et Messieurs les députés - et ce dont n'a pas voulu discuter la commission - c'est que l'écart s'aggrave ! En 1995, on n'était pas si loin du taux affiché par Zurich, mais nous sommes passés de 43% à 50% - je le cite de mémoire - alors que son taux est descendu de 33% à 25%. On ne peut pas occulter ce débat !

Cela ne signifie pas que nous n'ayons pas besoin des 100 places supplémentaires. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, si vous essayez aujourd'hui de mettre un couvercle sur cette question, qu'il faut bien appeler «une pratique abusive de la détention préventive», si vous laissez courir la tendance naturelle observable depuis 1995, eh bien, le temps d'avoir construit cette prison, vous serez exactement dans la même situation ! La prison, lorsqu'elle sera agrandie, sera déjà trop petite ! M. Pedrazzini nous dira alors qu'il manque à nouveau 100 places - et il aura raison... N'est-ce pas, Monsieur Pedrazzini ? Ce débat ne doit donc pas être occulté, il faut demander des explications au Palais de Justice.

Nous ne disons pas, non plus, que cette pratique ne s'explique pas, qu'elle n'a pas de bons motifs: nous disons simplement que, depuis plusieurs mois que le débat est ouvert, personne n'a été capable de nous expliquer pourquoi on avait un taux de détentions préventives deux fois supérieur à celui du canton de Zurich par rapport aux nombre de condamnations !

Alors, je regarde M. Unger, qui nous a dit: «Vous comprenez, dans le domaine social, il faut se remettre aux normes suisses». D'accord, vous l'avez fait. Je suis donc surpris que dans le domaine pénitentiaire on ne s'y remette pas, car les économies seraient autrement plus substantielles que dans d'autres domaines. Je vous le dis, le problème financier n'est pas celui du bâtiment ! Le problème est d'avoir deux fois trop de monde dans une prison, ce qui nécessite un encadrement deux fois plus grand, et c'est cela qui coûte extrêmement cher ! Peut-être que le Palais nous donnera des explications, mais vous avouerez qu'au moment de voter 20 millions il aurait été bon de connaître les raisons qui expliquent le besoin d'une nouvelle prison: essentiellement parce que nous avons un taux de détention préventive plus élevé !

Le rapport de Mme Nussbaumer est très synthétique, il donne tous ces éléments. Il faut des lunettes pour lire les chiffres, mais vous les avez - les lunettes et les chiffres. Et je m'adresse à vous, Monsieur Hiltpold: vous allez nous dire pourquoi nous avons un taux de détention préventive plus important. Parce que ce n'est pas vrai que une pure question de juges. Nous avons le droit de nous exprimer - pas d'ordonner - et nous déterminons les moyens mis à disposition de la justice. D'après le système même de la séparation des pouvoirs !

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons avoir un débat sérieux, et c'est bien pour cela que j'ai indiqué que celui-ci n'a rien de politicien. Mme Spoerri - rendons-lui cet hommage - a pris le taureau par les cornes sur tous les dossiers, depuis trois ans qu'elle est à la tête de ce département qui comportait un certain nombre d'autres problèmes. Je dis tout de suite pour M. Lescaze que je ne vise pas M. Ramseyer, parce que d'autres éminents magistrats avant lui ne se sont pas plus souciés d'un certain nombre de ces problèmes.

Donc, merci à Mme Spoerri d'avoir donné un calendrier. Nous vérifierons, c'est notre rôle, qu'il soit respecté à l'avenir. Mais nous attendons le Conseil d'Etat, les avocats et les députés de ce Grand Conseil sur la question de la détention préventive abusive. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC), rapporteuse. En tant que rapporteure de la commission des visiteurs officiels de l'année 2004, je tiens d'abord à remercier le DJPS, sa présidente: Mme Spoerri, la police et M. Rechsteiner, la direction du service pénitentiaire et M. Franziskakis, pour leur précieuse contribution aux travaux de la commission.

En préambule, cette commission des visiteurs est la plus ancienne du parlement genevois et elle traite d'un sujet grave, les conditions de détention. Alors, permettez-moi de pousser un coup de gueule, Madame la présidente ! Je ne suis pas coutumière du fait, mais je vais m'adresser à certains des députés ici présents qui continuent de ricaner sur les activités de la commission des visiteurs. Il est inadmissible de réduire cette commission à une commission secondaire composée de commissaires qui, à vos yeux, se promènent... Il est extrêmement important de savoir que chaque membre de la commission remplit sa mission avec énormément de respect et de considération pour les professionnels qu'ils rencontrent, je crois que M. Hiltpold et d'autres personnes présentes peuvent attester du sérieux et de l'excellent travail effectué dans des conditions parfois très difficiles.

Toujours en préambule, je tiens à relever encore combien, depuis trois ans que je siège dans cette commission, j'ai été témoin du respect et de l'humanisme dont tous les membres de cette commission - tous partis confondus - ont fait preuve face à un sujet délicat comme la détention de personnes qui portent atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Je remercie tous mes collègues de la commission de m'avoir apporté leur précieux concours à la rédaction de ce rapport. Je crois que nous pouvons être tous d'accord pour dire que c'est à la qualité de ses prisons que l'on mesure l'évolution d'une société réellement démocratique. Bien sûr, le thème de la détention est un sujet délicat, peu porteur politiquement et peu « vendable» en période de restrictions budgétaires. Nous avons toujours le risque de voir des partis extrêmes stigmatiser des délinquants pour construire des projets de société basés sur l'exclusion.

Ce rapport rappelle les points forts des travaux de la commission et relève, par exemple, que certaines réparations et améliorations des locaux ont été effectuées grâce aux interventions de la commission des visiteurs. Donc, encore un coup de gueule pour dire que cette commission n'est pas une commission alibi. Elle est extrêmement sérieuse et respectueuse de ses prérogatives.

La commission a porté son attention en priorité sur les conditions de détention des mineurs. Elle s'est intéressée à l'agrandissement de la Clairière et à la présence de gardiens, mesure qui fut indispensable, à un moment donné, pour rétablir le calme et la sécurité, des jeunes comme du personnel. Elle s'est aussi intéressée aux conditions de détention des jeunes filles à Riant-Parc et à l'étude d'une convention concordataire romande sur la détention des mineurs.

La commission a également porté toute son attention sur les conditions d'internement des personnes condamnées sur la base de l'article 43 du Code pénal suisse, et c'est une nécessité absolue de construire un établissement approprié pour des personnes qui ont besoin de traitement et qui peuvent être dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres.

Quant à la surpopulation carcérale, l'agrandissement de Champ-Dollon est, bien sûr, lié à la détention préventive, mais c'est une prison pour la détention préventive. Or nous avons pu, à la commission des visiteurs, constater qu'il y a aussi des exécutions de peines à Champ-Dollon, car il n'y a pas de place dans les établissements pénitentiaires concordataires. C'est un effet dominos qu'on ne peut pas réduire en disant simplement : «S'il n'y avait pas autant de détentions préventives». Bien sûr, il y a sûrement des moyens de faire autrement, mais on ne pourrait pas non plus justifier d'un coup de baguette magique qu'il n'est pas nécessaire de construire une extension à la prison de Champ-Dollon. L'effet dominos existe également parce que les autres lieux du concordat romand sont pleins et ne peuvent pas absorber les exécutions de peine.

En conclusion, la commission des visiteurs fait son travail au plus près de sa conscience, en étant simultanément attentive aux conditions de détention et aux conditions de travail des professionnels du pénitentiaire et de la police.

Madame la présidente, chers collègues, je vous recommande la lecture de ce rapport où sont relevés les points qui nous tiennent à coeur et, pour un sujet aussi grave, la commission vous recommande à l'unanimité d'accepter ce rapport.

La présidente. Je vous propose de clore la liste des intervenants. La voici: Mmes et MM. Bernard Lescaze, Roger Deneys, Alberto Velasco, Rémy Pagani, Esther Alder, Loly Bolay, Renaud Gautier, Jacques Baud, Hugues Hiltpold et Anne-marie Von Arx-Vernon.

Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse. Si je suis aujourd'hui à cette table, c'est plus par le fait que les travaux sur le RD 437 ont abouti à la rédaction de cette proposition de motion sur la création d'établissements spécialisés pour les articles 43 et 44, que pour la question de la santé mentale qui était, à l'origine, l'objet des travaux de la commission de la santé.

Je me suis déjà confondue en excuses pour le retard que j'ai apporté au dépôt de ce rapport, alors je n'insisterai pas plus, n'étant pas portée à l'autoflagellation. Je n'irai donc pas plus loin, d'autant moins que de l'eau a coulé sous les ponts depuis le dépôt de ce rapport et son traitement aujourd'hui.

En revanche, s'il est une chose que je souhaite faire ce soir, c'est rendre hommage à M. Albert Rodrik, car il a été le principal instigateur de cette motion. Le retard que j'ai apporté au dépôt de cette motion a eu pour conséquence qu'il n'a pas pu la signer, mais le mérite lui en revient et cela devait être dit.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon rapport, si ce n'est d'insister sur deux point qui me paraissent essentiels, sur la motion et son objet, bien évidemment, mais c'est une préoccupation directement liée aux deux autres objets traités ce soir, notamment la création d'établissements spécialisés pour l'incarcération des personnes faisant l'objet de mesures selon les articles 43 CPS et 397a CCS. Mais j'aimerais aussi insister - et c'est important - sur le fait que l'on axe toute cette discussion sur la question pénitentiaire, et cela risque d'occulter la préoccupation relative à la santé mentale. La réforme de la psychiatrie qui a fait l'objet de RD 437 est un élément important qui a emporté l'adhésion de toute une série de partenaires et d'acteurs, et ils l'ont manifestée au moment voulu.

Simplement, il apparaît que cette réforme n'a pas été menée à son terme et qu'un certain nombre d'éléments ne sont pas encore réalisés. Aujourd'hui, les foyers qui devaient faire partie intégrante du dispositif mis en place font encore défaut, et c'est un problème important parce que le besoin s'en fait quotidiennement sentir, de même que le besoin de mieux travailler l'articulation entre le service d'accueil, les urgences psychiatriques et les autres éléments du dispositif de prise en charge de la psychiatrie. Je crois qu'il était important d'insister sur ces éléments.

Pour conclure, et puisque l'occasion m'est donnée d'être à cette table et d'avoir la parole, j'aimerais dire que si, effectivement, ne se trouvaient pas à Champ-Dollon un certain nombre de gens devant être placés ailleurs, la question de la surpopulation se poserait en d'autres termes. Cela sous-entend que la question d'un agrandissement de Champ-Dollon doit être étudiée avant que l'on n'y adhère de manière inconditionnelle. Et en cela, j'approuve particulièrement les propos de M. Hiler.

M. Bernard Lescaze (R). La tournure que prend ce débat est certes intéressante, mais il me paraît regrettable de ne pas discuter le rapport des visiteurs de prison en soi, et peut-être pourrait-on lier la motion sur l'internement avec le projet de crédit d'étude. Je me bornerai donc à parler essentiellement du projet de crédit d'étude, car les arguments de Mme Stéphanie Nussbaumer sont tout à fait justes. Personnellement, j'ai regretté auprès de mon groupe qu'on ne l'ait pas davantage écoutée à la commission des travaux. Mais, je sais comment se passe parfois l'étude de certains projets à la commission des travaux et je me garderai de blâmer mes collègues à ce sujet.

Les statistiques fournies et qu'on ne peut mettre en doute, puisque ce sont des statistiques de l'Office fédéral de la statistique - bien que, semble-t-il, des rumeurs de l'Office pénitentiaire les mettent en doute - sont proprement étonnantes. Pas effarantes: étonnantes. Cela dit, je dois me distancer un peu du ton polémique du rapporteur remplaçant de minorité. La séparation des pouvoirs existe malgré tout. On peut demander des explications aux magistrats de l'ordre judiciaire, mais ils jugent en toute conscience et sérénité. Il y a effectivement un problème par rapport à d'autres pratiques judiciaires dans d'autres cantons, mais ni ce législatif ni le Conseil d'Etat ne pourront y trouver remède. Peut-être que l'Université, la faculté de droit, les nombreux pénalistes, et aussi les avocats qui siègent dans ce Grand Conseil, pourraient y remédier dans leur pratique ordinaire, quoiqu'on ne les ait pour l'instant pas beaucoup entendus sur ce sujet délicat.

D'où ma grande interrogation ! Je suis parfaitement convaincu que, malheureusement, nous sommes dans une société où les établissements de détention, les établissements fermés ou semi-fermés, sont à l'heure actuelle insuffisants. La preuve est que le rapport de Mme Haller et la motion de la commission se concluent par la demande d'entreprendre sans délai l'étude et la réalisation de deux quartiers carcéraux, plus un programme cohérent pour un établissement des condamnés de l'article 43 du Code pénal suisse. De même, on insiste beaucoup pour la création d'une prison pour femmes. Mme Nussbaumer a raison de dire que le fait de maintenir des femmes dans l'actuel bâtiment de Champ-Dollon provoque une perte d'efficacité et d'efficience, puisque 80 cellules restent inoccupées pour 30 femmes détenues en raison des circulations nécessaires.

C'est un procédé inhabituel de recevoir, après l'étude d'une commission, une note du Conseil d'Etat. Cependant, je tiens à rendre hommage à la note de Mme Spoerri, car elle assume avec courage quelque chose. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment le Conseil d'Etat, appuyé certainement par son administration, a choisi d'avoir ces priorités. Là est le vrai débat ! Pourquoi commencer par l'agrandissement de Champ-Dollon, au lieu de réaliser cet établissement que l'on attend, sinon depuis 1937, au moins depuis la réelle entrée en vigueur du Code pénal suisse, c'est-à-dire en 1942 ? Pourquoi ne commence-t-on pas par la prison pour femmes ? Cela libérerait des cellules à Champ-Dollon. Ensuite, quand la justice se plaint de manquer de moyens financiers, on peut rappeler qu'un mois de détention à Champ-Dollon coûte, par détenu, l'équivalent d'une année d'un étudiant en Sciences commerciales, ou l'équivalent de plus d'une année d'élève à l'école primaire - pour reprendre un débat de tout à l'heure... (Rires.)Il y a ici une véritable interrogation ! Je ne comprends pas comment on en est arrivé à ce choix, parce qu'on ne va pas pouvoir tout faire à la fois, tout de suite !

Alors, je souhaite beaucoup entendre de la part du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement - quel logement en ces circonstances ! - quelles sont ses priorités, si elles lui sont commandées par le DJPS et dans quel délai on pense pouvoir construire les autres établissements qui, à mes yeux, s'imposent comme prioritaires. Je ne demande pas du tout le renvoi du crédit en commission, car c'est un crédit d'étude, mais, au moment de la réalisation, je souhaiterais que les autres crédits d'étude aient été votés et les études entreprises, puisqu'il s'agit d'établissements sans doute un peu plus petits. Si l'on n'arrive pas à tout financer, il faudra faire un choix. Et le choix que je souhaiterais que notre parlement puisse effectuer à ce moment, c'est de commencer par l'établissement d'internement, nécessaire d'ailleurs à une bonne partie de la Suisse romande, puis de réaliser la prison pour femmes.

M. Roger Deneys (S). En introduction, je dirai tout d'abord que je regrette - comme c'est souvent le cas - que vous ayez clos la liste des intervenants aussi tôt, parce que si M. Lescaze n'est pas d'accord avec mes propos, il ne pourra même pas rétorquer, alors que nous pourrions à plusieurs occasions essayer d'alimenter le débat avec des intervenants qui connaissent leurs dossiers.

A part cela, les socialistes ont eu l'occasion de se poser les mêmes questions que celles exposées dans le rapport de minorité concernant les conditions d'incarcération à la prison de Champ-Dollon. En commission, nous avons voté ce crédit d'étude car - Monsieur Hiler, il faut le rappeler - il s'agit d'un crédit d'étude de 1,2 million et non d'un crédit de construction de 20 millions. Et à ce stade, les socialistes - en tout cas pour une partie d'entre eux - sont favorables à ce crédit d'étude.

En fait, nous sommes partagés entre deux enjeux que tout le monde reconnaît ici. C'est-à-dire de savoir si, d'une part, il faut assurer des conditions de vie décentes, et conformes aux conventions en vigueur, à la Déclaration des Droits de l'Homme, aux détenus qui se trouvent actuellement à Champ-Dollon. Une fois de plus, faut-il rappeler que la prison avait été construite pour 260 détenus, alors qu'il y en a actuellement plus de 400 - on a eu un pic à 460 - et que la moyenne tourne autour de 370 ? Cette prison est en surpopulation constante et la moindre des choses serait de permettre aux détenus de vivre - survivre - dans des conditions acceptables, et il semble normal aux socialistes d'assurer cela.

Le problème, relevé en partie par le rapport de minorité, est la question de «l'appel d'air» éventuel que créerait cet agrandissement de Champ-Dollon. Si nous agrandissons Champ-Dollon pour y mettre 70 cellules supplémentaires, soit une centaine de détenus en plus, qu'est-ce qui nous garantit qu'après la construction de ces nouvelles places, soit dans deux, trois ou quatre ans, on ne se retrouve pas exactement face au même phénomène ? Les socialistes ne sont donc pas complètement rassurés, notamment en raison de la politique menée par le DJPS et par le Procureur. S'il s'agit de poursuivre et d'incarcérer à tire-larigot les petits délinquant pour les placer à Champ-Dollon, on risque d'avoir toujours des problèmes de surpopulation... Mais est-ce la bonne solution pour ces problèmes de petite délinquance ? Nous n'en sommes pas certains. Et cela demande au moins, aussi, des études plus approfondies. Dans ce sens, une partie des socialistes souhaite s'abstenir et ne votera pas le crédit en question.

En ce qui me concerne, j'étais en commission des travaux et je suis absolument favorable à ce crédit d'étude, d'une part parce que c'est un crédit d'étude et que j'espère qu'il apportera des réponses aux questions posées ici. Par ailleurs, j'ajouterai que Mme Nussbaumer avait bien raison d'insister sur la nécessité d'auditionner le pouvoir judiciaire et Mme Spoerri. En l'occurrence, une partie des questions qu'elle se posait trouve réponse dans le document que nous a remis Mme Spoerri, que je remercie. Mais Mme Nussbaumer aurait pu intégrer ce dernier directement au rapport en auditionnant la cheffe du département, cela aurait été agréable.

Pour le reste, une partie des socialistes soutiendra ce crédit d'étude, notamment parce qu'il permet de donner des conditions de vie décentes aux détenus dans la situation actuelle. Car, il faut le rappeler, le but de ce crédit d'étude est d'agrandir l'établissement parce qu'il y a surpopulation ! Ce n'est pas de créer des places supplémentaires pour accueillir des nouveaux détenus. Je pense qu'il est important d'avoir cela en tête. Mais, pour voter le crédit de construction à son terme, il est important que nous ayons les garanties que les détenus qui ne devraient pas être à Champ-Dollon trouvent des places ailleurs.

D'autre part, je regrette que le rapport de majorité - et pourtant j'aime beaucoup les textes de M. Hiltpold - ne mentionne pas davantage le fait que les travaux concernent non seulement le nombre de cellules supplémentaires, mais également des équipements annexes; je pense à l'accueil des familles et aux parloirs familiaux, à tous ces équipements qui permettent aux détenus d'avoir un minimum de contact décent avec l'extérieur. Et si, au moment de voter le crédit final, les socialistes sont opposés à l'agrandissement de Champ-Dollon, en tout cas ils seront toujours en faveur de ces crédits pour l'accueil des familles de détenus.

M. Alberto Velasco (S). En principe, mon intervention devrait s'orienter vers le rapport de la commission des visiteurs... Tout comme M. Lescaze, je regrette qu'on ait mêlé ces deux débats. Etant moi-même commissaire à la commission des travaux, j'ai assisté à ce débat très important sur la prison de Champ-Dollon et, par conséquent, je ne peux m'empêcher d'avoir un avis là-dessus, surtout que le problème de Champ-Dollon est repris dans notre rapport de la commission des visiteurs, parmi les recommandations.

Il y a un fait troublant. Quand Mme Nussbaumer est venue avec ces chiffres à la commission des travaux, je dois reconnaître qu'aucun d'entre nous n'avait ces chiffres, ni à la commission des visiteurs, ni à la commission des travaux, ni, je pense, dans ce Grand Conseil. Pour la première fois, les députés voyaient les chiffres que Mme Nussbaumer mettait sur la table. Nous avons été déstabilisés. Je faisais partie des députés favorables à la construction de cet étage supplémentaire, puisque les conditions dans la prison sont d'une promiscuité désastreuse. Cinq ou six jeunes vivent dans des cellules prévues normalement pour deux personnes... J'ai moi-même effectué une visite et, effectivement, il y avait quatre, cinq ou six jeunes de 15 ou 16 ans dans une cellule. Ce n'est pas normal.

Mais quand on a vu les chiffres, on s'est posé la question de savoir ce qu'il se passera en construisant un étage supplémentaire: les pratiques actuelles de la justice genevoise vont-elles se poursuivre ? C'était le premier point.

Aujourd'hui, nous avons eu un débat avec Mme Spoerri et il en est ressorti qu'à Genève les conditions changent et deviennent difficiles. Le chef de la police a donné une conférence de presse et, effectivement, on doit tous se poser la question - tous les députés ici présents et ceux de la commission des visiteurs - de savoir si nos institutions et nos établissements sont adaptés à la situation actuelle, et qui va se développer à Genève, concernant les problèmes d'immigration et d'autres. Et la construction d'un étage supplémentaire à Champ-Dollon ne me semble pas répondre aux situations qui se présenteront à l'avenir. Par conséquent, je m'abstiendrai sur ce vote.

S'agissant du rapport de la commission des visiteurs, j'ai un certain nombre de remarques à faire. A propos de Riant-Parc, la commission relève année après année que cette prison n'est pas adaptée à l'usage qui en est fait: on y place toujours des personnes et l'on nous dit qu'il y aura une solution plus tard avec la prison des femmes. Je sais qu'une de mes collègues a suggéré de placer des femmes à Champ-Dollon plutôt que de les détenir à Riant-Parc, parce que les conditions à Champ-Dollon seraient plus acceptables.

J'aimerais aussi dire quelque chose sur CLAplus, la prison pour les jeunes. Ma première remarque est qu'il y a eu un retard préjudiciable. La deuxième est la suivante - là, je m'adresse au Conseil d'Etat: vous avez eu l'occasion de visiter des prisons en Valais... J'ai été étonné de voir que des nouvelles constructions, de nouvelles architectures très intéressantes, donnaient une certaine vie à la prison. Mais j'ai malheureusement constaté que la prison CLAplus était presque identique à la précédente - c'est moi qui avais fait le rapport, il y a quatre ans - et c'est bien dommage, car on aurait dû en profiter pour apporter à CLAplus de nouveaux éléments ou des expériences des autres cantons. C'est pourquoi j'aimerais qu'à l'avenir les départements et les responsables voient ce qui se réalise ailleurs et qu'ils en tiennent compte au moment d'investir.

Un autre élément n'a pas été retenu dans notre rapport, mais j'aimerais en dire quelques mots. Etant donné les conditions de détention au QCH, le quartier cellulaire de l'Hôpital, les détenus ne peuvent pas faire de promenade à cause de la disposition des locaux. Je pense qu'il faudra aussi revoir cela et proposer des solutions.

Par ailleurs, la commission des visiteurs se rend aussi dans les locaux de la police; en ce qui concerne le Vieil Hôtel de Police, il mérite qu'on s'y attaque parce que les conditions de travail du personnel de la police ne sont pas acceptables. Il fallait donc le signaler, car, si l'on veut de bonnes conditions pour les détenus, celles des personnes qui y travaillent doivent également être acceptables.

Pour terminer, j'aimerais ajouter un mot sur la médecine pénitentiaire. Actuellement, dans ce qu'on appelle les violons, il est prodigué une certaine médecine aux détenus. Or nous avons constaté que les détenus doivent parfois attendre quelques heures et que, parfois aussi, la police est obligée d'aller chercher elle-même les médicaments et de les payer de sa poche. Il est donc urgent que l'on étudie la possibilité d'étendre la médecine pénitentiaire à l'ensemble des lieux de détention de ce canton.

Pour terminer, j'aimerais dire que je regrette...

La présidente. Monsieur le député, il faudra terminer !

M. Alberto Velasco. Je regrette que notre commission ait été «atomisée» par notre règlement. C'est une commission dont la composition était agréable et très studieuse, avec des députés expérimentés. Malheureusement, si cette commission venait à être «atomisée» chaque année, son efficacité s'en ressentirait. J'espère donc que la commission judiciaire fera le nécessaire pour que le projet de loi sur lequel elle planche se concrétise en temps utile.

M. Rémy Pagani (AdG). Je voudrais m'associer aux remarques de Mme Von Arx-Vernon en ce qui concerne l'utilité de la commission des visiteurs. On a tort de penser qu'il s'agit d'une commission annexe, car c'est bien le contraire ! Cela fait partie de notre rôle de député: il y a des choses qui nous font plaisir - la représentation, les débats polémiques - mais on a aussi la responsabilité de s'occuper de celles qui ne font pas plaisir, c'est-à-dire de la détention, et il faut assumer cette responsabilité. Dans ce sens, la commission des visiteurs de prisons remplit ce rôle, et il est important de la soutenir parce que cela fait aussi partie de notre responsabilité de député.

Cela étant, je ne reviendrai pas sur les arguments de M. Hiler concernant ses interrogations, car je les fais totalement miennes. D'ailleurs, en tant que président de la commission des travaux, je me suis associé à Mme Nussbaumer pour la soutenir dans sa réflexion et je prendrai aussi - une fois n'est pas coutume - l'argumentation de M. Lescaze pour dire à quel point je suis entièrement d'accord avec ses interrogations aussi.

J'aimerais dire quelque chose de plus que M. Hiler qui, pour être succinct, a traité uniquement de la préventive. Je crois que l'on a tort de se limiter, il faudrait prendre en compte l'ensemble des catégories de populations qui se trouvent aujourd'hui à Champ-Dollon. On s'est rendu à Champ-Dollon et l'on a bien vu: il y a une augmentation de la démographie à Genève, il devrait donc y avoir, théoriquement, une augmentation du nombre de prisons, cela paraît évident; on a constaté que la prison avait besoin de lieux d'accueil pour les familles - c'est évident aussi; il faut changer l'ensemble des blocs cuisine, car ils sont vétustes.

Mais un problème subsiste: plusieurs populations se côtoient alors qu'elles n'ont rien à faire ensemble. prenons la première d'entre elles: il s'agit de personnes comme vous et moi... Peut-être qu'un jour vous prenez votre voiture et vous commettez un excès de vitesse; on contrôle votre alcoolémie, et vous passez un jour voire deux à Champ-Dollon alors que vous n'avez - à mon avis - rien à y faire, puisque - et j'ai entendu Mme Spoerri à ce propos - on a ouvert des postes de police qui fonctionnent 24h sur 24. D'ailleurs, à l'Alliance de gauche, nous avons proposé que deux postes de police soient ouverts 24h sur 24, et c'est pourquoi cette population devrait «atterrir» dans ces derniers.

Deuxième population, celle de la préventive. Effectivement, un certain nombre de personnes placées en préventive le sont, à mon avis, abusivement - je ne reviendrai pas sur l'argumentation de M. Hiler, je trouve qu'il a totalement raison.

Il y a d'autres catégories de la population qui n'ont rien à faire à Champ-Dollon, par exemple les jeunes. Nous avons fait un effort considérable pour que la Clairière soit agrandie, mais malheureusement, et nous le rappelons régulièrement, deux foyers de semi-liberté ont été fermés dans les années 90 pour réaliser des économies budgétaires... Et il est nécessaire aujourd'hui d'ouvrir deux nouveaux foyers semi-fermés ou semi-ouverts, c'est selon, pour faire diminuer le nombre de détentions à la Clairière ou à Champ-Dollon ! Les jeunes sont une population qui n'a rien à faire à Champ-Dollon ! Nous ne cesserons de le répéter: la promiscuité de jeunes adolescents avec des malfrats, souvent des professionnels, n'est pas acceptable ! Même s'il s'agit d'une promiscuité très bien contrôlée, toujours est-il qu'il y a dans ces milieux une sorte d'émulation chez les jeunes, notamment de passer à Champ-Dollon, «comme les grands», et c'est inadmissible, Mesdames et Messieurs les députés !

Une autre catégorie de population qui n'a rien à faire à Champ-Dollon - depuis 1935, comme l'a dit M. Lescaze - ce sont les personnes concernées par les articles 43 et 45, qui demandent un investissement extrêmement lourd. Comme certains gardiens se forment «sur le tas», ils n'ont pas forcément les connaissances nécessaires quant à l'application de cet article 43. Là, Madame Spoerri, vous avez une responsabilité très précise, celle de ne pas avoir donné la priorité à ce projet, qui traîne dans les tiroirs du département depuis des années, pour sortir cette population de Champ-Dollon.

Mais il y a encore une cinquième population, ce sont les personnes - hommes ou femmes - condamnées et qui font recours - car elles restent à Champ-Dollon le temps que dure ce dernier. Et ces personnes, non plus, n'ont rien à faire dans une prison préventive !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, Madame la présidente, tant que nous n'aurons pas - et nous l'avons dit à la commission - une réelle politique qui traite de manière spécifique et aussi de manière globale l'ensemble de ces problèmes, nous ne ferons que mettre un emplâtre sur une jambe de bois ! Et c'est laisser perdurer le système, sans s'attaquer aux véritables problèmes, notamment à ceux que je viens de citer.

Bien que l'on ait reçu - et je vous en remercie - une lettre, parce que vous vous rendez bien compte que ce projet de loi ne va pas forcément passer au sein de notre Grand Conseil, je trouve plus judicieux de renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux, pour que nous puissions au moins auditionner le pouvoir judiciaire - en votre présence, Madame la présidente ! - et lui demander des explications sur l'ensemble de la politique qu'il entend mener par rapport à Champ-Dollon. Et il faudra auditionner non seulement le pouvoir judiciaire mais également la police ! Car j'ai lu dans le journal de ce matin que M. Rechsteiner disait - et c'est inacceptable : «On évite d'intervenir...». De la part d'un policier, je trouve cela un peu spécial.

A mon avis, la seule chose sensée est - puisqu'il s'agit d'un crédit d'étude - de renvoyer ce projet en commission, pour auditionner les personnes et pour avoir un programme de construction raisonnable et raisonné qui tienne compte des problèmes de l'ensemble des populations en détention. C'est pourquoi je vous recommande, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux.

Mme Esther Alder (Ve). Beaucoup de choses ont été dites, et l'on se rend bien compte que le problème...

La présidente. Attendez, Madame la députée, une question m'est posée... Le renvoi en commission a déjà été suggéré dans le rapport de minorité, et c'est la première chose que je ferai voter quand on aura entendu tous les députés. Je vous redonne la parole.

Mme Esther Alder. J'interviendrai surtout sur le rapport général de la commission des visiteurs. Beaucoup de choses ont été dites et l'on se rend bien compte qu'une multitude de problèmes vont nous occuper ces prochains temps, notamment les articles 43 et 45 et la détention des mineurs.

J'aimerais rendre attentif ce parlement à la question des mineures détenues à la maison d'arrêt pour femmes de Riant-Parc. Il faut savoir que cet établissement est parfaitement inadapté à l'accueil de mineures et qu'il ne répond en rien aux droits les plus élémentaires en matière de droit pour les enfants: les filles ne bénéficient quasiment d'aucune prise en charge éducative, les locaux sont tout à fait inadaptés, les promenades se font sur un minuscule balcon grillagé et, le reste du temps, ces mineures sont confinées dans leurs quartiers où sont également servis leurs repas. Aucune activité structurée ne leur est proposée. D'ailleurs, le personnel dévolu à la maison d'arrêt de Riant-Parc est formé à la surveillance d'adultes et non de mineures, il ne dispose donc d'aucune formation en matière d'éducation. Tout cela pour dire à quel point la situation est préoccupante et grave, et à quel point une solution doit être trouvée rapidement.

La construction de la CLAplus ne résoudra en rien la situation de ces jeunes filles, puisque seulement 13 places seront à disposition. Il faut savoir que déjà à Champ-Dollon, on compte parfois plus de 20 mineurs; si l'on compte ceux de Riant-Parc, on réalise bien qu'il manquera des structures appropriées pour ces jeunes.

Pour ce qui est de la Clairière, les Verts constatent que le personnel éducatif est de plus en plus dépassé par la prise en charge de mineurs délinquants. La volonté du personnel d'être assisté de surveillants de Champ-Dollon le démontre, mais cela révèle également une certaine démission face aux jeunes et, pour nous, éduquer implique aussi savoir apporter des limites. Donc, nous restons dubitatifs lorsque nous lisons dans le rapport du juge Zermatten que, par la présence de surveillants de Champ-Dollon, les éducateurs se sentent renforcés dans leur tâche.

Pour terminer, nous demandons impérativement - et comme le recommande le rapport - que les gardiens de Champ-Dollon soient formés à la surveillance de mineurs et que les éducateurs de la Clairière reçoivent une formation supplémentaire, peut-être une spécialisation en éducation en milieu fermé. Un réel projet pédagogique doit être mis en place à l'attention des mineurs détenus. Pour le reste, nous partageons les conclusions du rapport de la commission des visiteurs.

Mme Loly Bolay (S). Vous nous avez demandé, Madame la présidente, de nous exprimer sur le renvoi en commission. Le parti socialiste n'est pas opposé au renvoi, toutefois il se pose la question de savoir s'il est vraiment pertinent de renvoyer ce projet de loi à la commission des travaux, puisqu'il ne s'agit que d'un crédit d'étude. Et l'on pourrait très bien poser ces questions avec le projet de loi sur la construction.

Des questions de fond ont été soulevées par le rapport de minorité et par M. Hiler, notamment sur la préventive et sur les mineurs; c'est pourquoi, lorsque l'on débattra de ce problème, je me demande s'il ne serait pas possible de s'attaquer également aux causes et que la commission judiciaire, spécialiste de ces problématiques, puisse participer à ces travaux.

J'ajouterai juste un mot: ce crédit d'étude n'envisage pas seulement l'agrandissement mais aussi la rénovation - certains d'entre vous en ont parlé. Or il y a aussi l'agrandissement des ateliers, et je rappelle qu'à l'heure actuelle il y a seulement 140 ateliers pour 460 détenus. Et l'on sait que les ateliers sont des éléments d'apaisement et de réinsertion. Alors, on se trouve véritablement face à un problème urgent ! Nous devons donc avoir un débat sur les questions posées par le rapport de minorité et suite aux remarques de M. Hiler qui sont extrêmement pertinentes. Il me semble que nous l'avons déjà dit lors de nos discussions en commission: ce n'est peut-être pas le moment, lorsqu'on traite de ce crédit d'étude, d'aborder ces questions-là. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés... J'aimerais juste ajouter qu'il y a aussi l'agrandissement de la cuisine pour les puddings - cela, c'était pour M. Gros.

M. Renaud Gautier (L). Une société se juge aussi à la manière dont elle dispose ou met de côté celles et ceux qu'elle condamne. A ce titre, Genève ne fait certainement pas figure d'exemple. Néanmoins, si l'on peut être d'accord avec le rapport de notre collègue Nussbaumer, si bien défendu par M. Hiler, on ne peut aussi que constater que plusieurs des intervenants précédents ont se sont donné de superbes tapes sur le groin ou ont fait de superbes autogoals... Car je ne vois pas comment l'on peut demander de repousser cette décision tout en convenant qu'il y a urgence.

De deux choses l'une, soit nous sommes dans une situation particulièrement tendue et dangereuse, soit... Je voudrais l'on rappelle ici - comme l'a fait Mme Spoerri dans la lettre qu'elle nous a transmise - qu'actuellement la situation à Champ-Dollon frise tous les jours une catastrophe majeure. On ne peut donc pas reporter ce que l'on a différé - comme l'a rappelé tout à l'heure M. Hiler - pendant plus de cinquante ans, c'est-à-dire une décision qui aurait du être prise dans ce parlement il y a une dizaine d'années au minimum ! Il faut donc aller de l'avant avec ce crédit d'étude, tout en relevant que la problématique de l'augmentation des places de détention à Champ-Dollon ne résout pas le problème des articles 43 et 45, et que c'est au canton de Genève qu'a été dévolue cette mission. Le canton doit répondre à cette question et ne peut plus la différer.

Je voudrais rappeler qu'un groupe de travail a été initié par Madame la présidente, auquel participaient plusieurs membres de ce parlement - et moi aussi - pour commencer à étudier cette problématique. Mais il n'est plus temps d'attendre ! Il faut accepter ce crédit d'étude; il faut accepter la problématique de l'augmentation des zones de détention à Champ-Dollon; il faut accepter l'urgence par rapport aux détenus psychiatrisés. Parallèlement à cela, il faut s'intéresser aux raisons pour lesquelles le taux de détentions en préventive est si élevé à Genève.

Je voulais aussi répondre à mon vis-à-vis. Vous vous offusquiez tout à l'heure du fait qu'une personne faisant recours reste à Champ-Dollon; mais c'est absolument évident ! Une personne qui demande la révision de son jugement a été condamnée, il paraît donc logique que celle-ci soit détenue là où l'enquête ou le recours a lieu.

Troisième point qu'il faudra aussi considérer un jour ou l'autre. Champ-Dollon est une prison préventive, on ne devrait donc pas y purger sa peine. Mais, si certains détenus purgent leur peine à Champ-Dollon, ou le commencent, c'est que dans le principe du pipeline qui prévaut, il n'y a pas de place dans les autres lieux de détention... Ne me dites pas que ce n'est pas vrai ! La commission des visiteurs se rend chaque année sur l'ensemble des lieux de détention du concordat romand, elle peut ici témoigner du fait qu'il n'y a pas de place ! Les délais d'attente - si l'on peut s'exprimer ainsi - dans des lieux comme Yverdon ou ailleurs, tournent actuellement autour d'un an ! On remplace un détenu genevois pour autant qu'un autre détenu genevois sorte, car il n'y a plus de place. Nous avons donc un effort à fournir, maintenant et ici, à Genève, en ce qui concerne la prison préventive de Champ-Dollon et les articles 43 et 45. De plus, nous devons réfléchir aux questions posées par notre collègue Nussbaumer sur le taux. Mais, pour l'amour du Ciel, ne reportons pas une fois de plus ce crédit d'étude alors que l'entier de ce parlement reconnaît l'urgence et la nécessité d'aller de l'avant !

M. Jacques Baud (UDC). Je vais essayer d'être le plus bref possible. Premièrement, en ce qui concerne le rapport de la commission des visiteurs. Je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de l'accepter. Et pas seulement de l'accepter, mais de le lire ! C'est votre devoir. C'est là tout un pan de notre société que certains ne veulent pas voir - cela leur ferait beaucoup de bien.

Deuxième chose: on s'est rendu compte qu'à Champ-Dollon il n'était pas possible de détenir les personnes concernées par les articles 43 et 45. Cette prison n'est pas conçue pour des détenus qui ont des problèmes psychiatriques... (Brouhaha.)Puis-je parler, s'il vous plaît ? (La présidente agite la cloche.)On s'est également rendu compte que Belle-Idée n'a pas une vocation carcérale: il nous faut donc étudier un autre système d'établissement. Nous sommes allés à Rotterdam pour, justement, voir ce genre d'établissement, qui nous a paru intéressant - lisez notre rapport ! En l'occurrence, je pense qu'il faudra étudier la question avec les cantons romands, parce que cela coûte très cher, parce que c'est compliqué et que nous devons réaliser cela ensemble. Il faudra aussi voir les choses d'une façon plus précise.

Quant à Champ-Dollon: danger ! Danger permanent ! Danger pour les gardiens! Une surpopulation effroyable ! A chaque minute, il peut y avoir une émeute ! Des gardiens peuvent être blessés ! Alors, je ne veux plus entendre des âneries disant qu'il faut reporter en commission l'agrandissement de Champ-Dollon. C'est urgent !

Et malgré ce qu'a dit M. Hiler quant au déplacement hors de Champ-Dollon des femmes et des personnes concernées par les articles 43 et 45, je vous ferai remarquer qu'il manquerait toujours 100 places ! On est en augmentation constante des délits, on est en augmentation constante de population, ce qui accroît aussi les possibilités de délinquance. Donc, je vous propose de voter ce projet de loi et ce projet d'étude pour Champ-Dollon.

Mme Morgane Gauthier (Ve). A midi, à la commission des visiteurs, nous avions déjà reçu la note déposée sur chacune de vos places. Dans cette note, il est dit que le Conseil d'Etat a désigné comme priorité la construction de l'établissement pour les personnes détenues en vertu de l'article 43 du Code pénal suisse. Ce que nous attendons ce soir, c'est l'engagement ferme de ce qui a été dit à midi. De cette manière, nous pourrions nous abstenir sur le projet de loi et refuser le renvoi en commission.

Le deuxième élément de mon intervention est de relever qu'à la commission des visiteurs, sous la présidence de Mme Berberat, des discussions sur la problématique de la préventive à Champ-Dollon ont été agendées. C'est pourquoi nous attendons des réponses et ne comptons pas laisser ces questions de côté.

En revanche, si nous avons aujourd'hui ou demain l'engagement du Conseil d'Etat que ce projet de loi est à l'étude et qu'il sera déposé avant l'été, nous nous engageons également à poursuivre les travaux sur la préventive et à déposer les travaux de toutes nos commissions afin qu'il y ait un vrai débat au sein de ce parlement et que tous les députés soient au courant de ce qui se passe. Mais maintenant, nous attendons vraiment les réponses du Conseil d'Etat ! Je vous en remercie.

La présidente. Pour ce soir, nous terminons ici nos débats. Nous poursuivrons cette discussion demain à 17h, avec les rapporteurs sur ces projets.

Je vous rappelle toutefois que notre séance de 15h sera consacrée aux extraits.

Fin du débat sur les prisons: Session 05 (février 2005) - Séance 27 du 18.02.2005