République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9173-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Carouge (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public à Drize - Grange-Collomb)

Suite du deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de nos débats. Nous en étions restés au projet de loi 9173-A, point 81 de notre ordre du jour. Nous avons voté le premier débat avant la pause, et nous en étions à l'article 2 dans le cadre de notre deuxième débat. Madame Michèle Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). Merci, Monsieur le président. J'interviens un peu à brûle-pourpoint... Car je ne suis pas certaine de l'incidence de cet amendement... Je me demande en effet si, en le votant, on ne supprime pas tout simplement la zone de développement, ce qui aurait pour conséquence de revenir à la zone de fond... J'aimerais bien avoir quelques explications à ce sujet. Et il faudrait aussi savoir si cette clause ne figure pas déjà dans le contrat de vente, parce qu'on ne peut pas se prononcer sur un amendement qui serait en quelque sorte déjà inclus dans le contrat de vente et qui supprimerait la zone de développement. Il me semble important de savoir ce qu'il en est.

Le président. A ce stade du débat, une question se pose... En principe, la parole doit être donnée au conseiller d'Etat en charge du département concerné à la fin du débat, après tous les intervenants. Mais si M. le conseiller d'Etat Moutinot donnait des explications tout de suite, je me demande si cela ne permettrait pas d'écourter notre discussion... C'est à votre convenance, Monsieur le conseiller d'Etat... (M. Laurent Moutinot approuve.)Bien, vous avez la parole.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce dossier a une longue histoire - M. Grobet la connaît d'ailleurs en grande partie mieux que moi...

L'accord sur les fameux 20 000 m2 de plancher dans cette zone, qui figurent à cet article 2, a été conclu dans les années 70-80. A partir de là, chaque fois qu'il y a eu des modifications dans ce périmètre, les propriétaires, à qui l'on avait reconnu ce droit, ont évidemment souhaité qu'il soit conservé.

Aujourd'hui, l'amendement de M. Grobet présente un risque majeur et évident: c'est que les propriétaires s'estiment floués et qu'ils fassent, par conséquent, tout ce qui est en leur pouvoir pour recourir contre cette loi et autres autorisations... Inutile de dire qu'on est parti pour une bagarre sans fin !

Par contre, je ne suis pas absolument certain que ces 20 000 m2 seront construits un jour... Pourquoi ? Parce que vous avez eu la sagesse de voter en son temps une loi qui nous oblige à examiner les grandes parcelles du canton pour déterminer leur utilisation. Et nous sommes manifestement dans un tel cas. Il était probablement adéquat de dire, dans les années 70, qu'il ne fallait pas construire plus de 20 000 m2 de surface de plancher à cet endroit. Mais, aujourd'hui, alors que ce terrain se trouve quasiment au coeur de la ville, il n'est pas pensable de construire avec une densité qui avoisine 0,35 - elle était à l'origine de 0,2 sur l'ensemble de la parcelle - ou un peu plus avec les amputations... Cela me paraît un gaspillage énorme !

Un jour, forcément, la question se posera pour savoir si nous devons laisser aller les normes de la zone de fond, zone villas, à cet endroit - ce qui me paraîtrait hallucinant - si la zone 4 est adéquate, avec une garantie de 20 000 m2 maximum - ce qui me paraîtrait du gaspillage - ou s'il n'y aurait pas lieu de densifier beaucoup plus massivement cette zone.

Et puis, il faut aussi tenir compte du fait que la commune de Carouge est demandeuse - pour différents équipements publics, dont une piscine, sauf erreur - de terrains et qu'il n'y en a plus dans cette ville, sauf, probablement, à cet endroit-là.

Je vous demande donc de rejeter l'amendement de M. Grobet qui propose de supprimer l'article 2. Car la volonté qui semble se dégager des auteurs ou des supporters de cet amendement, c'est, en quelque sorte, de faire payer au propriétaire le prix trop élevé qu'il a obtenu dans la négociation avec l'Etat. Cela paraît difficile d'admettre cela dans un processus d'aménagement, puisque le problème que nous allons rencontrer un jour où l'autre, c'est que nous devrons déterminer quelle affectation il faudra donner à cet immense terrain nu, situé près de la ville. Et on ne s'acheminera probablement pas vers une proposition de ce genre.

Pour l'instant, les propriétaires ne sont en effet pas désireux de développer... Si on voulait les y contraindre, il faudrait recourir à un plan localisé de quartier et, ensuite, les exproprier, car ils ne construiront pas... Je pense que M. Muller serait tout à fait d'accord de suivre une aussi intéressante proposition... Mais, dans l'immédiat, il faut rejeter cet amendement - la suppression de l'article 2 - pour ne pas mettre en péril la construction du cycle, tout en préservant forcément l'avenir, parce que cette zone ne va pas se développer sans qu'on le sache. J'insiste, cela ne prétérite en rien l'avenir et cela garantit la construction du cycle.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat, de ces explications. Monsieur Mark Muller, vous avez la parole.

M. Mark Muller (L). M. Grobet propose un amendement consistant à supprimer l'article 2 du projet de loi, un article dont la portée est de conserver les mètres carrés de plancher autorisés dans ce périmètre et de les reporter sur la partie du terrain qu'on ne déclasse pas, qui reste en zone 4 et qui ne fait pas l'objet du projet de construction.

Je vois un certain nombre de problèmes à cette proposition - proposition, d'ailleurs, pour laquelle j'ai de la sympathie de prime abord, parce que je trouve effectivement que les propriétaires du terrain en question sont extrêmement bien servis par le prix qui a été payé par l'Etat.

Une voix. Et alors !

M. Mark Muller. On ne connaît pas encore le prix exact, mais, quoi qu'il en soit, il est le résultat d'une transaction qui, en tant que telle, n'est pas critiquable. Alors, bien sûr, on pourrait avoir une réaction un peu épidermique et vouloir punir les propriétaires en retirant des avantages qui leur sont concédés par le biais de ce projet de loi... Mais, ce qui me gêne beaucoup, dans cette proposition, c'est qu'on revient sur la parole donnée...

Le rapport de majorité nous apprend en effet que l'on se trouve au bout d'un très long processus de négociation entre toute une série d'intervenants: le département, les propriétaires - évidemment - mais, aussi, la Société d'Art Public et différentes commissions de l'Etat. Le fruit de ces négociations, c'est la vente du terrain à un certain prix et le report des droits à bâtir relatifs à ce périmètre sur le solde du terrain toujours en mains de ces mêmes propriétaires. En supprimant une partie de ce qui a fait la consistance de cet accord, même si ce n'est pas nous qui avons donné notre parole, nous violons la parole donnée, dans la mesure où nous représentons tout de même l'Etat, au même titre que le département. Et à leur place, si l'Etat ne respectait pas sa parole, je me demanderais si je n'ai pas droit à des dommages et intérêts... Je le répète, ce n'est pas nous qui l'avons donnée... Peut-être est-ce M. Moutinot ?

A ce propos, j'aimerais bien recevoir quelques explications sur la teneur de la convention qui a été conclue avec ces propriétaires, sur le report des droits à bâtir, si cela leur a été promis et de quelle manière... Et, enfin, si nous ne respectons pas cet engagement, quels pourraient être leurs droits... Ne pourraient-ils pas se retourner contre l'Etat et réclamer encore quelques millions de plus, qui viendraient s'ajouter à ceux qu'ils ont déjà obtenus ?

La portée de l'amendement de M. Grobet est, à mon avis, pour le moins incertaine de ce point de vue. Je pense qu'il serait particulièrement hasardeux de le soutenir, même si, je le répète, on peut avoir des hésitations sur le fond.

Je vous suggère donc de ne pas suivre l'amendement de M. Grobet et de voter ce déclassement - qui soulève un certain nombre de questions, et auxquelles nous n'aurons malheureusement pas les moyens de répondre. C'est un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir en raison de l'urgence de construire ce cycle. Si ce projet de loi devait être renvoyé en commission - ce qui est une possibilité - la construction de cet ouvrage en serait retardée d'autant.

Je vous invite donc à refuser cet amendement et à adopter ce projet de loi.

M. Bernard Lescaze (R). Nous voici devant un cas quelque peu délicat. En effet, personne ne nie la nécessité de construire ce cycle d'orientation, bien que, peut-être, on eut pu prévoir une planification un peu plus avancée. Personne ne nie qu'il faut le faire à cet endroit. D'autre part, les parties de l'Entente sont favorables à la construction de logements. Donc, tout naturellement, nous devrions refuser l'amendement proposé par l'Alliance de gauche.

Or, après mûre délibération, une fraction importante du groupe radical est favorable au vote de cet amendement. Pourquoi ? Parce que la situation juridique n'est pas tout à fait celle que nous décrit M. Muller. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Certes, le propriétaire a vendu ses terrains. Je ne sais pas ce qu'il faut penser du prix: en tout cas, il avait un bon avocat. Et puis, ma foi, l'Etat a négocié. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle ce terrain nous appartient, et le conseiller d'Etat en charge du département de l'aménagement a confirmé que la somme avait été versée au vendeur.

Sur ce, j'imagine, à voir l'acharnement avec lequel le conseiller d'Etat défend le maintien de l'article 2, que le contrat de vente prévoit expressément le report des droits à bâtir. Et c'est là que nous nous trouvons devant un second problème juridique. Et je ne suis absolument pas d'accord avec mon collègue Muller - que j'ai vu beaucoup plus sévère en d'autres circonstances à l'égard du Conseil d'Etat !

En effet, le Grand Conseil a des prérogatives et le Conseil d'Etat a les siennes. Il avait les siennes: il pouvait dépenser la somme, puisque nous lui avons alloué un montant, voté régulièrement, destiné à l'acquisition de terrains. Et il ne doit justifier les sommes dépensées qu'à la fin de l'exercice budgétaire. De ce point de vue, les prérogatives du Conseil d'Etat ont été respectées. Mais c'est nous qui devons voter les nôtres ! Et je ne suis pas du tout d'accord - mon groupe non plus - que les prérogatives du Grand Conseil soient tout simplement violées et qu'on vienne nous dire maintenant que la parole de l'Etat est engagée... Erreur ! On eût pu faire une promesse de vente... On eût pu faire une clause sous condition... Peut-être, d'ailleurs, est-ce le cas et va-t-on nous le dire ! Toujours est-il que, pour l'instant, ça n'a pas l'air d'être le cas, mais, nous, Grand Conseil, nous n'allons pas renoncer à nos prérogatives.

Ce n'est pas la première fois, Monsieur le député Muller, que le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement oublie les prérogatives du Grand Conseil ! Je crois me souvenir que, lors de la construction de Genève-Plage, on avait accepté l'ouverture du chantier avant même d'accorder le droit de superficie... D'ailleurs, les députés Verts avaient été très vifs à ce sujet. Cela a entraîné l'interruption des travaux et des indemnités. (L'orateur est interpellé par M. Muller.)Dans ce cas-là, Monsieur Muller, vous devriez aussi avoir à l'esprit les besoins de l'Etat et le respect de nos prérogatives ! (L'orateur est interpellé par M. Muller.)Vous êtes député, je suis député, et je ne suis pas au gouvernement. J'assume donc entièrement, pour ma part, Monsieur le président, les prérogatives qui sont les nôtres.

Il est vrai que le propriétaire pourra peut-être - et même sans doute - se retourner à un moment donné contre l'Etat en disant que le contrat qu'il a signé est inexécutable. De toute façon, la partie collège peut être construite. Alors, de deux choses l'une: ou les indemnités sont moins importantes que ce à quoi on s'engage - d'après les calculs de M. Pagani et d'autres, je ne veux pas discuter sur ce point - à dire d'experts, et nous aurons fait une bonne affaire, ou les indemnités sont égales au montant calculé par l'Etat et ses juristes - c'est très possible, je ne discute pas - et, à ce moment-là, il suffira au Conseil d'Etat de nous soumettre un nouveau projet de loi pour reporter les droits à bâtir.

C'est cela, l'ordre logique que le Grand Conseil doit suivre, Monsieur le président ! Nous ne voulons plus être sans arrêt mis devant le fait accompli ! Lorsque M. le député Muller s'indigne de certaines décisions en matière financière, il a raison, mais il devrait montrer la même indignation en matière immobilière.

C'est parce que les prérogatives de ce Grand Conseil n'ont pas été respectées - et uniquement pour cela - que cet article 2 doit être supprimé.

Nous réaffirmons que nous sommes favorables à la construction du cycle d'orientation, sur le terrain dont nous sommes maintenant propriétaires, et favorables, dans le cadre d'une politique générale du logement - qui n'est pas toujours suivie, à gauche ou à droite - à la construction de logements, mais à des conditions bien précises, sur les parcelles que conserve l'actuel propriétaire.

M. Jacques Baud (UDC). J'aimerais d'abord rappeler la chose suivante: en l'occurrence, il s'agit d'un plan d'aménagement que nous avons accepté, de la construction d'une école que nous avons voulue, et l'Etat a fait tout ce qu'il pouvait pour cela. Que cela n'ait pas été fait selon les règlements tels qu'on les conçoit au Grand Conseil, c'est possible, puisque des erreurs ont été commises ! Mais, d'un autre côté, cette façon de faire nous a peut-être évité une montagne de recours, c'est-à-dire un prolongement des délais pour la réalisation de cette construction.

Il ne faudrait certes pas que le département de l'aménagement prenne l'habitude de passer par-dessus le Grand Conseil: nous avons des prérogatives, et elles doivent être respectées. C'est évident !

Toutefois, dans le cas présent, il me semble que les jeux sont faits. Cette école doit être construite, et toute autre vision des choses ne ferait que retarder le chantier. Nous voterons donc ce projet de loi, et nous refuserons l'amendement proposé par M. Grobet. Nous ne pouvons pas faire autrement, même si je suis d'accord, sur le fond, avec M. Grobet. Il a raison ! (Rires.)C'est vrai ! (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)Quoi qu'il en soit, nous devons aller de l'avant. Nous avons trop traîné dans trop de dossiers ! Cela va nous coûter un saladier, si nous reculons encore ! Cela va nous coûter des millions ! On ne va plus en finir !

Je le répète, allons de l'avant, votons ce projet de loi et finissons-en avec ces «recourites» et toutes ces histoires ! On n'en finit plus ! La population, nos élèves, attendent que nous construisions cette école !

M. Christian Grobet (AdG). J'ai toujours de la peine à accepter que le parlement soit mis sous pression et que des arguments aussi faux que ceux que M. Baud vient de développer soient avancés... Que je sache - M. Moutinot pourra nous dire si tel est le cas... - nous n'avons même pas encore été saisis du crédit d'étude de ce collège. En tout cas, le crédit de construction n'a pas été voté. Monsieur Baud, quand vous dites qu'on risque de retarder la construction de cette école - à laquelle tout le monde est bien entendu attaché - si l'article 2 est supprimé, c'est totalement faux ! Le chantier ne peut pas être ouvert ! Je crois qu'il n'y a même pas d'autorisation de construire... Il n'y a rien ! Alors, comment pouvez-vous prétendre aujourd'hui que l'on ne peut plus attendre, que nous n'avons pas le temps de nous pencher sur ce problème, que cela va retarder ce projet pour lequel il n'y a encore ni crédit de construction accordé ni d'autorisation de construire délivrée ! En ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord de débattre sur des arguments de ce type ! C'est le premier point.

Deuxième point. Je pense, puisque nous apprenons ce soir que la parcelle en question a été vendue, Monsieur Moutinot, que le projet de loi doit même être corrigé - mais, ça, c'est vos affaires - parce que, dans l'article 2 dont je propose la suppression, vous visez trois parcelles dont les numéros ne «collent» plus, si la vente a effectivement eu lieu ! Alors, il faut savoir si vous voulez voter un projet de loi dont un des articles comporte des numéros de parcelles, qui n'existent forcément plus, puisque, lorsqu'une parcelle est divisée, deux numéros nouveaux sont inscrits au Registre foncier. Cela m'est déjà arrivé en d'autres circonstances de faire remarquer qu'il faut éviter de voter des projets de lois qui comportent des erreurs... Je n'en mettrai pas ma main à couper, mais je pense que les numéros des parcelles sont faux, dans la mesure où la vente a eu lieu.

J'en viens maintenant au fond du problème. J'ai ressorti le plan de zone en question... La loi, qui a été votée le 20 décembre 1991 par le Grand Conseil, prévoit, pour cette zone 4A de développement - il n'est pas question de la supprimer, Madame Künzler: je pense que vous me ferez crédit, en tant qu'ancien chef du département des travaux publics, je sais de quoi je parle sur ce point... (Exclamations.)- en son article 1, alinéa 2, que les parcelles en cause bénéficieraient de 20 000 m2 de surface de plancher... J'ai cru comprendre que la surface de cette zone est de 80 000 m2, ce qui veut dire que l'indice accordé est de 0,25.

Que nous propose-t-on aujourd'hui avec le projet de loi qui nous est soumis ? On nous dit qu'une parcelle de 20 000 m2 a été achetée au prix de 500 F le mètre carré - si j'ai bien compris - que ce prix correspond à la valeur de la zone villas. M. Koechlin, qui est un excellent expert, sait qu'une zone de développement 4A, avec un taux d'utilisation de 0,25 ne vaut pas 500 F le mètre carré ! Vous le savez ! Donc, à ce prix-là, on a déjà payé trop cher... Mais ce n'est encore pas le plus grave... En effet, on conserve les 20 000 m2 de surface de plancher, qui avaient été consentis en 1991, sur le terrain résiduel de 60 000 m2: c'est-à-dire qu'on accorde un taux de 0,35 sur la valeur résiduelle !

M. Pagani a raison de dire que le propriétaire a gagné deux fois ! Il a vendu son terrain 500 F le m2, à une valeur - je regrette de devoir vous le dire, Monsieur Moutinot - qui est au-dessus des normes appliquées par votre office financier du logement dans les zones de logement. Vous n'êtes pas à 500 F le m2 dans les zones de logement ! Et, en plus, on lui fait un cadeau en reportant ses droits à bâtir ! J'en suis d'autant plus déçu que, lorsque je suis arrivé au Conseil d'Etat, M. Vernet avait mis en place une règle selon laquelle on ne procédait plus à des reports de droits à bâtir dans les opérations foncières. Et je croyais que le Conseil d'Etat n'appliquait plus cette manière faire qui est détestable et qui avait été supprimée par mon prédécesseur. Aujourd'hui, ce propriétaire touche donc des deux côtés avec ce processus de report de droits à bâtir.

M. Muller pose la question suivante et M. Lescaze aussi: quelles sont les conditions auxquelles les terrains ont été acquis ? Je n'ose pas croire, Monsieur Muller - je ne sais pas où il est... - que l'acte de vente ait traité cette question... En effet, même si l'Etat est acquéreur d'un terrain, l'acte de vente se fait sous l'égide du droit privé, et on ne peut pas attribuer des droits à bâtir dans un acte de vente ! La seule autorité compétente pour accorder des droits à bâtir supplémentaires - parce que c'est de cela qu'il s'agit: puisqu'on est en train de passer de 0,25 à 0,35 ou 0,40 - c'est effectivement le Grand Conseil. Il est le seul habilité à augmenter le taux d'utilisation du sol !

Alors, puisqu'il y a doute - je regrette, mais nous n'avions pas connaissance de tous ces éléments, lorsque le débat a été proposé, et peut-être ai-je suggéré trop vite de renvoyer ce projet de loi en commission - et puisque chacun a l'air si pressé - même s'il n'y a aucune urgence - je propose le report de ce projet de loi à la prochaine séance, ce qui n'implique pas son renvoi en commission. Cela permettra à la commission de l'aménagement de voir les documents. Dans une affaire qui porte sur des millions, où des droits à bâtir sont reportés, je trouve, Monsieur Muller, qu'il ne faut pas se précipiter et prendre une décision la tête dans le sac, sans voir les documents ! Moi, je ne suis pas d'accord, vous pouvez faire ce que vous voulez, mais la moindre des choses, puisque vous avez une inquiétude, c'est effectivement de vérifier ce qui a été signé !

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Christian Grobet. Je demande, par conséquent, le report de cet objet à la prochaine séance du Grand Conseil, ce qui permettra à la commission de l'aménagement d'examiner les documents, de reprendre la loi de 1991 - je ne sais pas si vous l'avez examinée en commission ou pas - et je demande également qu'on nous rende un rapport indiquant très exactement de quoi il retourne. Si l'Etat n'a effectivement plus de droits, nous en prendrons acte, mais je ne vois pas comment, dans un acte sous seing privé relevant du code civil, on pourrait attribuer des droits à bâtir !

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous proposez effectivement un ajournement à terme en application de l'article 78... J'ai eu de la chance, mon règlement était ouvert à la bonne page, et je peux faire le professeur... Il s'agit donc de l'article 78, alinéa 1, lettre b). Pour la proposition d'ajournement à terme, le statut est exactement le même que pour la demande de renvoi en commission: un député par groupe peut s'exprimer. Monsieur Mark Muller, pour le groupe libéral, vous avez la parole.

M. Mark Muller (L). Comme M. Grobet, je n'aime pas voter la tête dans le sac, et, comme lui, je regrette amèrement de prendre connaissance d'un certain nombre d'informations importantes pour ce dossier en séance plénière.

Si nous étions défavorables au renvoi en commission, qui a généralement pour effet de faire perdre de nombreux mois à un dossier, nous sommes par contre favorables à la proposition de M. Grobet de reporter la suite du débat au mois prochain pour permettre à la commission de l'aménagement de prendre connaissance de la teneur de la convention et de la loi de 1991. C'est une bonne suggestion, et nous la suivrons.

Le président. Merci, Monsieur le député. Puisque cette proposition semble rencontrer l'adhésion de ce Conseil, je ne suis pas tout à fait certain qu'il soit utile de donner la parole aux cinq intervenants inscrits... (Exclamations.)D'accord, d'accord ! Je pose simplement la question ! J'essaye de faire au mieux pour l'avancement de nos travaux ! Je vous vois protester, Monsieur Lescaze, mais ce n'est pas vous qui aurez la parole, puisqu'un seul intervenant par groupe peut s'exprimer... Et c'est M. Ducret ! (M. Ducret répond que c'est une erreur.)C'est une erreur Monsieur Ducret ? Alors, vous avez la parole, Monsieur Lescaze.

M. Bernard Lescaze (R). J'ai appuyé sur le bouton de demande de parole de M. Ducret avec mon coude... (Brouhaha.)

Cela étant, le groupe radical est naturellement favorable à ce report, qui nous semble une sage décision. Il faudra effectivement que la commission de l'aménagement examine attentivement les pièces, parce que - je le répète au nom de mon groupe - nous ne pouvons pas passer, comme cela, sur les prérogatives du Grand Conseil. En même temps, cet examen aura probablement pour effet d'éclairer tout le monde et sur l'urgence de procéder au report des droits à bâtir et sur l'état d'avancement du projet du cycle d'orientation de Drize. Car, en effet, moi-même, comme M. Grobet, et contrairement à M. Baud, nous n'avons pas vu passer de demande de crédit pour la construction de ce bâtiment. Et il ne faudrait pas non plus mettre la charrue devant les boeufs, à moins qu'on ne prenne les députés pour des boeufs ! (Rires et exclamations.)

Le président. Voilà, voilà, voilà ! (Le président agite la cloche.)

M. René Desbaillets. Moi, je préfère être un taureau !

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Tout ira bien... Nous allons arriver à voter cette proposition dans un délai raisonnable... Je précise que je me vois contraint d'effacer de notre liste les députés Koechlin et Vaucher, puisque M. Muller s'est d'ores et déjà exprimé sur l'ajournement à terme pour le groupe libéral. Monsieur Gilbert Catelain, vous avez la parole.

M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, il ne s'agit pas de prendre les députés pour des boeufs, ni pour des beaux... (Rires et exclamations.)

Une voix. Des Baud ?

M. Gilbert Catelain. Dans le cas d'espèce, nous avons été sensibles à l'argumentation du groupe de l'Alliance de gauche qui me paraît sage. Quoi qu'il en soit, nous sommes frustrés par la démarche du département, car, même si elle peut être légitimée par de bonnes intentions, elle nous semble quand même discutable sur le fond. Nous ne cautionnons pas ce genre de pratique. De toute manière, le département aurait pu nous soumettre ce soir, en urgence, avec ce projet de loi, un autre projet de loi concernant le déclassement de zone pour le transfert de surface à bâtir, ce qui n'a pas été le cas.

Nous soutenons donc la proposition de l'Alliance de gauche.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole. Si vous pouviez dire rapidement que vous êtes d'accord avec la proposition de votre collègue de parti, cela m'arrangerait ! Cela nous permettrait d'avancer, car nous avons encore de nombreux points à traiter en urgence.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je serai bref, Monsieur le président. Je me plais à reconnaître que le bon sens prévaut enfin dans ce parlement... En effet, certaines interrogations posées dans mon rapport de minorité ont trouvé réponse ce soir... La vérité, si j'ose dire, jaillit du fond de la marmite... (Rires.)

Le président. Je croyais que c'était de la bouche des enfants, Monsieur le rapporteur !

M. Rémy Pagani. Cela étant, j'aimerais rappeler une chose avant de demander des précisions au chef du département. Le fond du problème est le suivant: on nous a dit que ce terrain avait été proposé à 1000 F le m2 au départ et qu'on était arrivé à 500 F à force de négociations. Mais on s'aperçoit aujourd'hui concrètement - pour ma part, je m'en étais déjà rendu compte, comme vous avez pu le voir dans mon rapport et dans le débat - que ce terrain a, en fait, été acheté 1000 F le m2, puisque le report des droits à bâtir permet de compenser la perte que ce propriétaire aurait subie, le cas échéant.

J'invite donc les membres de ce parlement à reporter ce débat, à terme. Et puis, je pose à nouveau formellement au chef du département, M. Moutinot, les questions que je lui ai posées, et qu'il a bien esquivées ce soir, il faut le dire. A savoir: à quel prix au mètre carré a-t-il acheté ce terrain - si ça se trouve, il l'a peut-être acheté plus cher que 500 F le m2... - et quand la transaction a-t-elle eu lieu ? Par ailleurs, je lui demande qu'en commission il nous fournisse l'acte de vente, pour que nous puissions en examiner les termes. Cela me paraîtrait la moindre des politesses vis-à-vis de ce parlement, ne serait-ce que pour faire oublier le camouflet qu'il lui a infligé ce soir !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez dit que la vérité jaillissait du fond de la marmite... La question qui va se poser est de savoir qui est la marmite dans cette assemblée !

Monsieur Pierre-Louis Portier, pour le parti démocrate-chrétien, vous avez la parole.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Le groupe PDC, avant de donner son accord à l'ajournement de ce débat, souhaiterait entendre le chef du département. Je suis malheureusement obligé de m'exprimer avant M. Moutinot... Nous prendrons notre décision définitive après son intervention.

Le président. Merci, Monsieur le député. M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot va vous répondre.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il va de soi que je ne m'oppose pas à l'ajournement de ce projet de loi. Je voudrais tout de même répondre aux arguments qui ont été avancés.

Premier point: l'urgence. Il est exact que vous n'avez pas voté le crédit de construction. Mais il est non moins exact que, dans le processus de construction de ce cycle, nous avons besoin d'une autorisation de construire, autorisation de construire que je ne peux pas délivrer pour une zone inadéquate... L'autorisation de construire, de surcroît, est sujette à recours. Si elle n'est pas délivrée à très bref délai, le tout sera donc retardé. Voilà pour l'urgence. Nous prenons simplement le risque que ce processus dure un mois de plus.

Deuxième point: Monsieur Lescaze, vous me reprochez de violer les prérogatives du Grand Conseil... Je n'ai jamais eu une idée pareille ! Invraisemblable ! Un projet de loi vous est soumis: vous pouvez l'accepter ou le refuser ! C'est aussi simple que cela.

Pour ce qui est du fond, nous sommes - pour le reste de la parcelle, qui appartient toujours aux consorts en question - en zone 4 de développement... Un seul d'entre vous peut-il imaginer qu'on y construise moins de 20 000 m2 de surface de plancher ? Personne ! Personne ! Je ne vois donc pas où est le problème.

Le vrai problème, que j'admets volontiers - j'ai entendu les remarques fort heureusement convergentes de M. Grobet et de M. Muller - c'est que, lorsqu'il s'agit de faire valoir la clause d'utilité publique, lorsqu'il s'agit de préempter, je n'ai pas vraiment le sentiment d'avoir le soutien du Grand Conseil... Alors, moi, je souhaite que ces questions, qui sont de vraies questions - elles ont été posées par M. Pagani - soient abordées sous forme de discussion à la commission des finances. Nous pourrons ainsi nous mettre d'accord et savoir qui soutient l'utilité publique quand le Conseil d'Etat la demande, qui est d'accord de voter les crédits pour permettre d'exercer le droit de préemption et sur la base de quel prix maximum les négociations doivent être entreprises. Je suis totalement ouvert à une telle discussion.

Mais ne prenez pas ce projet en otage ! L'acte de vente a été signé, comme l'a rappelé M. Grobet, en droit privé. Je pense pouvoir justifier qu'on a fait du bon travail et que ce prix est correct. On peut penser que c'est trop cher ou trop bon marché... Dont acte !

Voilà comment je réponds aux questions que vous m'avez posées. L'urgence, c'est de délivrer l'autorisation de construire. Les prérogatives du Grand Conseil sont respectées. Et que ceux qui veulent moins de 20 000 m2 de plancher à cet endroit me le disent !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition d'ajournement à terme formulée par M. le député Grobet. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, l'ajournement à terme du projet de loi 9173-A est adopté par 64 oui contre 4 non et 4 abstentions.

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons nos travaux, avec le point 93 de notre ordre du jour.