République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes Martine Brunschwig Graf et Micheline Spoerri, conseillères d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anita Cuénod, René Ecuyer, Pierre Froidevaux, Michel Halpérin, André Hediger, David Hiler, Philippe Glatz, Christian Luscher, Blaise Matthey, Alain-Dominique Mauris, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

PL 9173-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Carouge (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public à Drize - Grange-Collomb)

Suite du deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de nos débats. Nous en étions restés au projet de loi 9173-A, point 81 de notre ordre du jour. Nous avons voté le premier débat avant la pause, et nous en étions à l'article 2 dans le cadre de notre deuxième débat. Madame Michèle Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). Merci, Monsieur le président. J'interviens un peu à brûle-pourpoint... Car je ne suis pas certaine de l'incidence de cet amendement... Je me demande en effet si, en le votant, on ne supprime pas tout simplement la zone de développement, ce qui aurait pour conséquence de revenir à la zone de fond... J'aimerais bien avoir quelques explications à ce sujet. Et il faudrait aussi savoir si cette clause ne figure pas déjà dans le contrat de vente, parce qu'on ne peut pas se prononcer sur un amendement qui serait en quelque sorte déjà inclus dans le contrat de vente et qui supprimerait la zone de développement. Il me semble important de savoir ce qu'il en est.

Le président. A ce stade du débat, une question se pose... En principe, la parole doit être donnée au conseiller d'Etat en charge du département concerné à la fin du débat, après tous les intervenants. Mais si M. le conseiller d'Etat Moutinot donnait des explications tout de suite, je me demande si cela ne permettrait pas d'écourter notre discussion... C'est à votre convenance, Monsieur le conseiller d'Etat... (M. Laurent Moutinot approuve.)Bien, vous avez la parole.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce dossier a une longue histoire - M. Grobet la connaît d'ailleurs en grande partie mieux que moi...

L'accord sur les fameux 20 000 m2 de plancher dans cette zone, qui figurent à cet article 2, a été conclu dans les années 70-80. A partir de là, chaque fois qu'il y a eu des modifications dans ce périmètre, les propriétaires, à qui l'on avait reconnu ce droit, ont évidemment souhaité qu'il soit conservé.

Aujourd'hui, l'amendement de M. Grobet présente un risque majeur et évident: c'est que les propriétaires s'estiment floués et qu'ils fassent, par conséquent, tout ce qui est en leur pouvoir pour recourir contre cette loi et autres autorisations... Inutile de dire qu'on est parti pour une bagarre sans fin !

Par contre, je ne suis pas absolument certain que ces 20 000 m2 seront construits un jour... Pourquoi ? Parce que vous avez eu la sagesse de voter en son temps une loi qui nous oblige à examiner les grandes parcelles du canton pour déterminer leur utilisation. Et nous sommes manifestement dans un tel cas. Il était probablement adéquat de dire, dans les années 70, qu'il ne fallait pas construire plus de 20 000 m2 de surface de plancher à cet endroit. Mais, aujourd'hui, alors que ce terrain se trouve quasiment au coeur de la ville, il n'est pas pensable de construire avec une densité qui avoisine 0,35 - elle était à l'origine de 0,2 sur l'ensemble de la parcelle - ou un peu plus avec les amputations... Cela me paraît un gaspillage énorme !

Un jour, forcément, la question se posera pour savoir si nous devons laisser aller les normes de la zone de fond, zone villas, à cet endroit - ce qui me paraîtrait hallucinant - si la zone 4 est adéquate, avec une garantie de 20 000 m2 maximum - ce qui me paraîtrait du gaspillage - ou s'il n'y aurait pas lieu de densifier beaucoup plus massivement cette zone.

Et puis, il faut aussi tenir compte du fait que la commune de Carouge est demandeuse - pour différents équipements publics, dont une piscine, sauf erreur - de terrains et qu'il n'y en a plus dans cette ville, sauf, probablement, à cet endroit-là.

Je vous demande donc de rejeter l'amendement de M. Grobet qui propose de supprimer l'article 2. Car la volonté qui semble se dégager des auteurs ou des supporters de cet amendement, c'est, en quelque sorte, de faire payer au propriétaire le prix trop élevé qu'il a obtenu dans la négociation avec l'Etat. Cela paraît difficile d'admettre cela dans un processus d'aménagement, puisque le problème que nous allons rencontrer un jour où l'autre, c'est que nous devrons déterminer quelle affectation il faudra donner à cet immense terrain nu, situé près de la ville. Et on ne s'acheminera probablement pas vers une proposition de ce genre.

Pour l'instant, les propriétaires ne sont en effet pas désireux de développer... Si on voulait les y contraindre, il faudrait recourir à un plan localisé de quartier et, ensuite, les exproprier, car ils ne construiront pas... Je pense que M. Muller serait tout à fait d'accord de suivre une aussi intéressante proposition... Mais, dans l'immédiat, il faut rejeter cet amendement - la suppression de l'article 2 - pour ne pas mettre en péril la construction du cycle, tout en préservant forcément l'avenir, parce que cette zone ne va pas se développer sans qu'on le sache. J'insiste, cela ne prétérite en rien l'avenir et cela garantit la construction du cycle.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat, de ces explications. Monsieur Mark Muller, vous avez la parole.

M. Mark Muller (L). M. Grobet propose un amendement consistant à supprimer l'article 2 du projet de loi, un article dont la portée est de conserver les mètres carrés de plancher autorisés dans ce périmètre et de les reporter sur la partie du terrain qu'on ne déclasse pas, qui reste en zone 4 et qui ne fait pas l'objet du projet de construction.

Je vois un certain nombre de problèmes à cette proposition - proposition, d'ailleurs, pour laquelle j'ai de la sympathie de prime abord, parce que je trouve effectivement que les propriétaires du terrain en question sont extrêmement bien servis par le prix qui a été payé par l'Etat.

Une voix. Et alors !

M. Mark Muller. On ne connaît pas encore le prix exact, mais, quoi qu'il en soit, il est le résultat d'une transaction qui, en tant que telle, n'est pas critiquable. Alors, bien sûr, on pourrait avoir une réaction un peu épidermique et vouloir punir les propriétaires en retirant des avantages qui leur sont concédés par le biais de ce projet de loi... Mais, ce qui me gêne beaucoup, dans cette proposition, c'est qu'on revient sur la parole donnée...

Le rapport de majorité nous apprend en effet que l'on se trouve au bout d'un très long processus de négociation entre toute une série d'intervenants: le département, les propriétaires - évidemment - mais, aussi, la Société d'Art Public et différentes commissions de l'Etat. Le fruit de ces négociations, c'est la vente du terrain à un certain prix et le report des droits à bâtir relatifs à ce périmètre sur le solde du terrain toujours en mains de ces mêmes propriétaires. En supprimant une partie de ce qui a fait la consistance de cet accord, même si ce n'est pas nous qui avons donné notre parole, nous violons la parole donnée, dans la mesure où nous représentons tout de même l'Etat, au même titre que le département. Et à leur place, si l'Etat ne respectait pas sa parole, je me demanderais si je n'ai pas droit à des dommages et intérêts... Je le répète, ce n'est pas nous qui l'avons donnée... Peut-être est-ce M. Moutinot ?

A ce propos, j'aimerais bien recevoir quelques explications sur la teneur de la convention qui a été conclue avec ces propriétaires, sur le report des droits à bâtir, si cela leur a été promis et de quelle manière... Et, enfin, si nous ne respectons pas cet engagement, quels pourraient être leurs droits... Ne pourraient-ils pas se retourner contre l'Etat et réclamer encore quelques millions de plus, qui viendraient s'ajouter à ceux qu'ils ont déjà obtenus ?

La portée de l'amendement de M. Grobet est, à mon avis, pour le moins incertaine de ce point de vue. Je pense qu'il serait particulièrement hasardeux de le soutenir, même si, je le répète, on peut avoir des hésitations sur le fond.

Je vous suggère donc de ne pas suivre l'amendement de M. Grobet et de voter ce déclassement - qui soulève un certain nombre de questions, et auxquelles nous n'aurons malheureusement pas les moyens de répondre. C'est un luxe que nous ne pouvons pas nous offrir en raison de l'urgence de construire ce cycle. Si ce projet de loi devait être renvoyé en commission - ce qui est une possibilité - la construction de cet ouvrage en serait retardée d'autant.

Je vous invite donc à refuser cet amendement et à adopter ce projet de loi.

M. Bernard Lescaze (R). Nous voici devant un cas quelque peu délicat. En effet, personne ne nie la nécessité de construire ce cycle d'orientation, bien que, peut-être, on eut pu prévoir une planification un peu plus avancée. Personne ne nie qu'il faut le faire à cet endroit. D'autre part, les parties de l'Entente sont favorables à la construction de logements. Donc, tout naturellement, nous devrions refuser l'amendement proposé par l'Alliance de gauche.

Or, après mûre délibération, une fraction importante du groupe radical est favorable au vote de cet amendement. Pourquoi ? Parce que la situation juridique n'est pas tout à fait celle que nous décrit M. Muller. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Certes, le propriétaire a vendu ses terrains. Je ne sais pas ce qu'il faut penser du prix: en tout cas, il avait un bon avocat. Et puis, ma foi, l'Etat a négocié. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle ce terrain nous appartient, et le conseiller d'Etat en charge du département de l'aménagement a confirmé que la somme avait été versée au vendeur.

Sur ce, j'imagine, à voir l'acharnement avec lequel le conseiller d'Etat défend le maintien de l'article 2, que le contrat de vente prévoit expressément le report des droits à bâtir. Et c'est là que nous nous trouvons devant un second problème juridique. Et je ne suis absolument pas d'accord avec mon collègue Muller - que j'ai vu beaucoup plus sévère en d'autres circonstances à l'égard du Conseil d'Etat !

En effet, le Grand Conseil a des prérogatives et le Conseil d'Etat a les siennes. Il avait les siennes: il pouvait dépenser la somme, puisque nous lui avons alloué un montant, voté régulièrement, destiné à l'acquisition de terrains. Et il ne doit justifier les sommes dépensées qu'à la fin de l'exercice budgétaire. De ce point de vue, les prérogatives du Conseil d'Etat ont été respectées. Mais c'est nous qui devons voter les nôtres ! Et je ne suis pas du tout d'accord - mon groupe non plus - que les prérogatives du Grand Conseil soient tout simplement violées et qu'on vienne nous dire maintenant que la parole de l'Etat est engagée... Erreur ! On eût pu faire une promesse de vente... On eût pu faire une clause sous condition... Peut-être, d'ailleurs, est-ce le cas et va-t-on nous le dire ! Toujours est-il que, pour l'instant, ça n'a pas l'air d'être le cas, mais, nous, Grand Conseil, nous n'allons pas renoncer à nos prérogatives.

Ce n'est pas la première fois, Monsieur le député Muller, que le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement oublie les prérogatives du Grand Conseil ! Je crois me souvenir que, lors de la construction de Genève-Plage, on avait accepté l'ouverture du chantier avant même d'accorder le droit de superficie... D'ailleurs, les députés Verts avaient été très vifs à ce sujet. Cela a entraîné l'interruption des travaux et des indemnités. (L'orateur est interpellé par M. Muller.)Dans ce cas-là, Monsieur Muller, vous devriez aussi avoir à l'esprit les besoins de l'Etat et le respect de nos prérogatives ! (L'orateur est interpellé par M. Muller.)Vous êtes député, je suis député, et je ne suis pas au gouvernement. J'assume donc entièrement, pour ma part, Monsieur le président, les prérogatives qui sont les nôtres.

Il est vrai que le propriétaire pourra peut-être - et même sans doute - se retourner à un moment donné contre l'Etat en disant que le contrat qu'il a signé est inexécutable. De toute façon, la partie collège peut être construite. Alors, de deux choses l'une: ou les indemnités sont moins importantes que ce à quoi on s'engage - d'après les calculs de M. Pagani et d'autres, je ne veux pas discuter sur ce point - à dire d'experts, et nous aurons fait une bonne affaire, ou les indemnités sont égales au montant calculé par l'Etat et ses juristes - c'est très possible, je ne discute pas - et, à ce moment-là, il suffira au Conseil d'Etat de nous soumettre un nouveau projet de loi pour reporter les droits à bâtir.

C'est cela, l'ordre logique que le Grand Conseil doit suivre, Monsieur le président ! Nous ne voulons plus être sans arrêt mis devant le fait accompli ! Lorsque M. le député Muller s'indigne de certaines décisions en matière financière, il a raison, mais il devrait montrer la même indignation en matière immobilière.

C'est parce que les prérogatives de ce Grand Conseil n'ont pas été respectées - et uniquement pour cela - que cet article 2 doit être supprimé.

Nous réaffirmons que nous sommes favorables à la construction du cycle d'orientation, sur le terrain dont nous sommes maintenant propriétaires, et favorables, dans le cadre d'une politique générale du logement - qui n'est pas toujours suivie, à gauche ou à droite - à la construction de logements, mais à des conditions bien précises, sur les parcelles que conserve l'actuel propriétaire.

M. Jacques Baud (UDC). J'aimerais d'abord rappeler la chose suivante: en l'occurrence, il s'agit d'un plan d'aménagement que nous avons accepté, de la construction d'une école que nous avons voulue, et l'Etat a fait tout ce qu'il pouvait pour cela. Que cela n'ait pas été fait selon les règlements tels qu'on les conçoit au Grand Conseil, c'est possible, puisque des erreurs ont été commises ! Mais, d'un autre côté, cette façon de faire nous a peut-être évité une montagne de recours, c'est-à-dire un prolongement des délais pour la réalisation de cette construction.

Il ne faudrait certes pas que le département de l'aménagement prenne l'habitude de passer par-dessus le Grand Conseil: nous avons des prérogatives, et elles doivent être respectées. C'est évident !

Toutefois, dans le cas présent, il me semble que les jeux sont faits. Cette école doit être construite, et toute autre vision des choses ne ferait que retarder le chantier. Nous voterons donc ce projet de loi, et nous refuserons l'amendement proposé par M. Grobet. Nous ne pouvons pas faire autrement, même si je suis d'accord, sur le fond, avec M. Grobet. Il a raison ! (Rires.)C'est vrai ! (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)Quoi qu'il en soit, nous devons aller de l'avant. Nous avons trop traîné dans trop de dossiers ! Cela va nous coûter un saladier, si nous reculons encore ! Cela va nous coûter des millions ! On ne va plus en finir !

Je le répète, allons de l'avant, votons ce projet de loi et finissons-en avec ces «recourites» et toutes ces histoires ! On n'en finit plus ! La population, nos élèves, attendent que nous construisions cette école !

M. Christian Grobet (AdG). J'ai toujours de la peine à accepter que le parlement soit mis sous pression et que des arguments aussi faux que ceux que M. Baud vient de développer soient avancés... Que je sache - M. Moutinot pourra nous dire si tel est le cas... - nous n'avons même pas encore été saisis du crédit d'étude de ce collège. En tout cas, le crédit de construction n'a pas été voté. Monsieur Baud, quand vous dites qu'on risque de retarder la construction de cette école - à laquelle tout le monde est bien entendu attaché - si l'article 2 est supprimé, c'est totalement faux ! Le chantier ne peut pas être ouvert ! Je crois qu'il n'y a même pas d'autorisation de construire... Il n'y a rien ! Alors, comment pouvez-vous prétendre aujourd'hui que l'on ne peut plus attendre, que nous n'avons pas le temps de nous pencher sur ce problème, que cela va retarder ce projet pour lequel il n'y a encore ni crédit de construction accordé ni d'autorisation de construire délivrée ! En ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord de débattre sur des arguments de ce type ! C'est le premier point.

Deuxième point. Je pense, puisque nous apprenons ce soir que la parcelle en question a été vendue, Monsieur Moutinot, que le projet de loi doit même être corrigé - mais, ça, c'est vos affaires - parce que, dans l'article 2 dont je propose la suppression, vous visez trois parcelles dont les numéros ne «collent» plus, si la vente a effectivement eu lieu ! Alors, il faut savoir si vous voulez voter un projet de loi dont un des articles comporte des numéros de parcelles, qui n'existent forcément plus, puisque, lorsqu'une parcelle est divisée, deux numéros nouveaux sont inscrits au Registre foncier. Cela m'est déjà arrivé en d'autres circonstances de faire remarquer qu'il faut éviter de voter des projets de lois qui comportent des erreurs... Je n'en mettrai pas ma main à couper, mais je pense que les numéros des parcelles sont faux, dans la mesure où la vente a eu lieu.

J'en viens maintenant au fond du problème. J'ai ressorti le plan de zone en question... La loi, qui a été votée le 20 décembre 1991 par le Grand Conseil, prévoit, pour cette zone 4A de développement - il n'est pas question de la supprimer, Madame Künzler: je pense que vous me ferez crédit, en tant qu'ancien chef du département des travaux publics, je sais de quoi je parle sur ce point... (Exclamations.)- en son article 1, alinéa 2, que les parcelles en cause bénéficieraient de 20 000 m2 de surface de plancher... J'ai cru comprendre que la surface de cette zone est de 80 000 m2, ce qui veut dire que l'indice accordé est de 0,25.

Que nous propose-t-on aujourd'hui avec le projet de loi qui nous est soumis ? On nous dit qu'une parcelle de 20 000 m2 a été achetée au prix de 500 F le mètre carré - si j'ai bien compris - que ce prix correspond à la valeur de la zone villas. M. Koechlin, qui est un excellent expert, sait qu'une zone de développement 4A, avec un taux d'utilisation de 0,25 ne vaut pas 500 F le mètre carré ! Vous le savez ! Donc, à ce prix-là, on a déjà payé trop cher... Mais ce n'est encore pas le plus grave... En effet, on conserve les 20 000 m2 de surface de plancher, qui avaient été consentis en 1991, sur le terrain résiduel de 60 000 m2: c'est-à-dire qu'on accorde un taux de 0,35 sur la valeur résiduelle !

M. Pagani a raison de dire que le propriétaire a gagné deux fois ! Il a vendu son terrain 500 F le m2, à une valeur - je regrette de devoir vous le dire, Monsieur Moutinot - qui est au-dessus des normes appliquées par votre office financier du logement dans les zones de logement. Vous n'êtes pas à 500 F le m2 dans les zones de logement ! Et, en plus, on lui fait un cadeau en reportant ses droits à bâtir ! J'en suis d'autant plus déçu que, lorsque je suis arrivé au Conseil d'Etat, M. Vernet avait mis en place une règle selon laquelle on ne procédait plus à des reports de droits à bâtir dans les opérations foncières. Et je croyais que le Conseil d'Etat n'appliquait plus cette manière faire qui est détestable et qui avait été supprimée par mon prédécesseur. Aujourd'hui, ce propriétaire touche donc des deux côtés avec ce processus de report de droits à bâtir.

M. Muller pose la question suivante et M. Lescaze aussi: quelles sont les conditions auxquelles les terrains ont été acquis ? Je n'ose pas croire, Monsieur Muller - je ne sais pas où il est... - que l'acte de vente ait traité cette question... En effet, même si l'Etat est acquéreur d'un terrain, l'acte de vente se fait sous l'égide du droit privé, et on ne peut pas attribuer des droits à bâtir dans un acte de vente ! La seule autorité compétente pour accorder des droits à bâtir supplémentaires - parce que c'est de cela qu'il s'agit: puisqu'on est en train de passer de 0,25 à 0,35 ou 0,40 - c'est effectivement le Grand Conseil. Il est le seul habilité à augmenter le taux d'utilisation du sol !

Alors, puisqu'il y a doute - je regrette, mais nous n'avions pas connaissance de tous ces éléments, lorsque le débat a été proposé, et peut-être ai-je suggéré trop vite de renvoyer ce projet de loi en commission - et puisque chacun a l'air si pressé - même s'il n'y a aucune urgence - je propose le report de ce projet de loi à la prochaine séance, ce qui n'implique pas son renvoi en commission. Cela permettra à la commission de l'aménagement de voir les documents. Dans une affaire qui porte sur des millions, où des droits à bâtir sont reportés, je trouve, Monsieur Muller, qu'il ne faut pas se précipiter et prendre une décision la tête dans le sac, sans voir les documents ! Moi, je ne suis pas d'accord, vous pouvez faire ce que vous voulez, mais la moindre des choses, puisque vous avez une inquiétude, c'est effectivement de vérifier ce qui a été signé !

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Christian Grobet. Je demande, par conséquent, le report de cet objet à la prochaine séance du Grand Conseil, ce qui permettra à la commission de l'aménagement d'examiner les documents, de reprendre la loi de 1991 - je ne sais pas si vous l'avez examinée en commission ou pas - et je demande également qu'on nous rende un rapport indiquant très exactement de quoi il retourne. Si l'Etat n'a effectivement plus de droits, nous en prendrons acte, mais je ne vois pas comment, dans un acte sous seing privé relevant du code civil, on pourrait attribuer des droits à bâtir !

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous proposez effectivement un ajournement à terme en application de l'article 78... J'ai eu de la chance, mon règlement était ouvert à la bonne page, et je peux faire le professeur... Il s'agit donc de l'article 78, alinéa 1, lettre b). Pour la proposition d'ajournement à terme, le statut est exactement le même que pour la demande de renvoi en commission: un député par groupe peut s'exprimer. Monsieur Mark Muller, pour le groupe libéral, vous avez la parole.

M. Mark Muller (L). Comme M. Grobet, je n'aime pas voter la tête dans le sac, et, comme lui, je regrette amèrement de prendre connaissance d'un certain nombre d'informations importantes pour ce dossier en séance plénière.

Si nous étions défavorables au renvoi en commission, qui a généralement pour effet de faire perdre de nombreux mois à un dossier, nous sommes par contre favorables à la proposition de M. Grobet de reporter la suite du débat au mois prochain pour permettre à la commission de l'aménagement de prendre connaissance de la teneur de la convention et de la loi de 1991. C'est une bonne suggestion, et nous la suivrons.

Le président. Merci, Monsieur le député. Puisque cette proposition semble rencontrer l'adhésion de ce Conseil, je ne suis pas tout à fait certain qu'il soit utile de donner la parole aux cinq intervenants inscrits... (Exclamations.)D'accord, d'accord ! Je pose simplement la question ! J'essaye de faire au mieux pour l'avancement de nos travaux ! Je vous vois protester, Monsieur Lescaze, mais ce n'est pas vous qui aurez la parole, puisqu'un seul intervenant par groupe peut s'exprimer... Et c'est M. Ducret ! (M. Ducret répond que c'est une erreur.)C'est une erreur Monsieur Ducret ? Alors, vous avez la parole, Monsieur Lescaze.

M. Bernard Lescaze (R). J'ai appuyé sur le bouton de demande de parole de M. Ducret avec mon coude... (Brouhaha.)

Cela étant, le groupe radical est naturellement favorable à ce report, qui nous semble une sage décision. Il faudra effectivement que la commission de l'aménagement examine attentivement les pièces, parce que - je le répète au nom de mon groupe - nous ne pouvons pas passer, comme cela, sur les prérogatives du Grand Conseil. En même temps, cet examen aura probablement pour effet d'éclairer tout le monde et sur l'urgence de procéder au report des droits à bâtir et sur l'état d'avancement du projet du cycle d'orientation de Drize. Car, en effet, moi-même, comme M. Grobet, et contrairement à M. Baud, nous n'avons pas vu passer de demande de crédit pour la construction de ce bâtiment. Et il ne faudrait pas non plus mettre la charrue devant les boeufs, à moins qu'on ne prenne les députés pour des boeufs ! (Rires et exclamations.)

Le président. Voilà, voilà, voilà ! (Le président agite la cloche.)

M. René Desbaillets. Moi, je préfère être un taureau !

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Tout ira bien... Nous allons arriver à voter cette proposition dans un délai raisonnable... Je précise que je me vois contraint d'effacer de notre liste les députés Koechlin et Vaucher, puisque M. Muller s'est d'ores et déjà exprimé sur l'ajournement à terme pour le groupe libéral. Monsieur Gilbert Catelain, vous avez la parole.

M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, il ne s'agit pas de prendre les députés pour des boeufs, ni pour des beaux... (Rires et exclamations.)

Une voix. Des Baud ?

M. Gilbert Catelain. Dans le cas d'espèce, nous avons été sensibles à l'argumentation du groupe de l'Alliance de gauche qui me paraît sage. Quoi qu'il en soit, nous sommes frustrés par la démarche du département, car, même si elle peut être légitimée par de bonnes intentions, elle nous semble quand même discutable sur le fond. Nous ne cautionnons pas ce genre de pratique. De toute manière, le département aurait pu nous soumettre ce soir, en urgence, avec ce projet de loi, un autre projet de loi concernant le déclassement de zone pour le transfert de surface à bâtir, ce qui n'a pas été le cas.

Nous soutenons donc la proposition de l'Alliance de gauche.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole. Si vous pouviez dire rapidement que vous êtes d'accord avec la proposition de votre collègue de parti, cela m'arrangerait ! Cela nous permettrait d'avancer, car nous avons encore de nombreux points à traiter en urgence.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je serai bref, Monsieur le président. Je me plais à reconnaître que le bon sens prévaut enfin dans ce parlement... En effet, certaines interrogations posées dans mon rapport de minorité ont trouvé réponse ce soir... La vérité, si j'ose dire, jaillit du fond de la marmite... (Rires.)

Le président. Je croyais que c'était de la bouche des enfants, Monsieur le rapporteur !

M. Rémy Pagani. Cela étant, j'aimerais rappeler une chose avant de demander des précisions au chef du département. Le fond du problème est le suivant: on nous a dit que ce terrain avait été proposé à 1000 F le m2 au départ et qu'on était arrivé à 500 F à force de négociations. Mais on s'aperçoit aujourd'hui concrètement - pour ma part, je m'en étais déjà rendu compte, comme vous avez pu le voir dans mon rapport et dans le débat - que ce terrain a, en fait, été acheté 1000 F le m2, puisque le report des droits à bâtir permet de compenser la perte que ce propriétaire aurait subie, le cas échéant.

J'invite donc les membres de ce parlement à reporter ce débat, à terme. Et puis, je pose à nouveau formellement au chef du département, M. Moutinot, les questions que je lui ai posées, et qu'il a bien esquivées ce soir, il faut le dire. A savoir: à quel prix au mètre carré a-t-il acheté ce terrain - si ça se trouve, il l'a peut-être acheté plus cher que 500 F le m2... - et quand la transaction a-t-elle eu lieu ? Par ailleurs, je lui demande qu'en commission il nous fournisse l'acte de vente, pour que nous puissions en examiner les termes. Cela me paraîtrait la moindre des politesses vis-à-vis de ce parlement, ne serait-ce que pour faire oublier le camouflet qu'il lui a infligé ce soir !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez dit que la vérité jaillissait du fond de la marmite... La question qui va se poser est de savoir qui est la marmite dans cette assemblée !

Monsieur Pierre-Louis Portier, pour le parti démocrate-chrétien, vous avez la parole.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Le groupe PDC, avant de donner son accord à l'ajournement de ce débat, souhaiterait entendre le chef du département. Je suis malheureusement obligé de m'exprimer avant M. Moutinot... Nous prendrons notre décision définitive après son intervention.

Le président. Merci, Monsieur le député. M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot va vous répondre.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il va de soi que je ne m'oppose pas à l'ajournement de ce projet de loi. Je voudrais tout de même répondre aux arguments qui ont été avancés.

Premier point: l'urgence. Il est exact que vous n'avez pas voté le crédit de construction. Mais il est non moins exact que, dans le processus de construction de ce cycle, nous avons besoin d'une autorisation de construire, autorisation de construire que je ne peux pas délivrer pour une zone inadéquate... L'autorisation de construire, de surcroît, est sujette à recours. Si elle n'est pas délivrée à très bref délai, le tout sera donc retardé. Voilà pour l'urgence. Nous prenons simplement le risque que ce processus dure un mois de plus.

Deuxième point: Monsieur Lescaze, vous me reprochez de violer les prérogatives du Grand Conseil... Je n'ai jamais eu une idée pareille ! Invraisemblable ! Un projet de loi vous est soumis: vous pouvez l'accepter ou le refuser ! C'est aussi simple que cela.

Pour ce qui est du fond, nous sommes - pour le reste de la parcelle, qui appartient toujours aux consorts en question - en zone 4 de développement... Un seul d'entre vous peut-il imaginer qu'on y construise moins de 20 000 m2 de surface de plancher ? Personne ! Personne ! Je ne vois donc pas où est le problème.

Le vrai problème, que j'admets volontiers - j'ai entendu les remarques fort heureusement convergentes de M. Grobet et de M. Muller - c'est que, lorsqu'il s'agit de faire valoir la clause d'utilité publique, lorsqu'il s'agit de préempter, je n'ai pas vraiment le sentiment d'avoir le soutien du Grand Conseil... Alors, moi, je souhaite que ces questions, qui sont de vraies questions - elles ont été posées par M. Pagani - soient abordées sous forme de discussion à la commission des finances. Nous pourrons ainsi nous mettre d'accord et savoir qui soutient l'utilité publique quand le Conseil d'Etat la demande, qui est d'accord de voter les crédits pour permettre d'exercer le droit de préemption et sur la base de quel prix maximum les négociations doivent être entreprises. Je suis totalement ouvert à une telle discussion.

Mais ne prenez pas ce projet en otage ! L'acte de vente a été signé, comme l'a rappelé M. Grobet, en droit privé. Je pense pouvoir justifier qu'on a fait du bon travail et que ce prix est correct. On peut penser que c'est trop cher ou trop bon marché... Dont acte !

Voilà comment je réponds aux questions que vous m'avez posées. L'urgence, c'est de délivrer l'autorisation de construire. Les prérogatives du Grand Conseil sont respectées. Et que ceux qui veulent moins de 20 000 m2 de plancher à cet endroit me le disent !

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition d'ajournement à terme formulée par M. le député Grobet. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, l'ajournement à terme du projet de loi 9173-A est adopté par 64 oui contre 4 non et 4 abstentions.

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons nos travaux, avec le point 93 de notre ordre du jour.

RD 513
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil communiquant l'opposition formée le 14 juillet 2003 par la Ville d'Onex au projet de plan localisé de quartier n° 29220-527, situé le long de la rue des Bossons et du chemin de la Pralée
R 479
Proposition de résolution du Conseil d'Etat concernant l'opposition formée le 14 juillet 2003 par la Ville d'Onex au projet de plan localisé de quartier n° 29220-527, situé le long de la rue des Bossons et du chemin de la Pralée

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour que les choses soient claires, je précise que nous nous sommes mis d'accord hier, lors de notre séance Bureau - chefs de groupe, pour que l'urgence sur cet objet soit acceptée sans long débat, puisque l'objectif est de renvoyer cet objet en commission.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ayant beaucoup appris du débat précédent, je m'exprime tout de suite pour essayer de clarifier un certain nombre de choses. Vous avez la compétence de trancher lorsqu'il y a une opposition entre le Conseil d'Etat et une commune sur l'adoption d'un plan localisé de quartier. A partir du moment où la commune d'Onex a fait valoir son opposition, il va de soi que j'ai été en contact constant avec elle. Nous ne sommes peut-être pas à bout touchant sur l'ensemble des éléments qui doivent être pris en compte, néanmoins des pas importants ont été faits pour une solution qui puisse satisfaire la Ville d'Onex.

Par conséquent - et sans déborder sur les prérogatives du Grand Conseil, Monsieur Lescaze - je me permets seulement de suggérer d'éviter un débat et de renvoyer cet objet à la commission de l'aménagement, parce que c'est de la discussion et de l'audition de la commune que pourra naître une décision sérieuse.

J'ajoute que les terrains sont actuellement tous en main publique ou parapublique. Ils sont en effet propriété soit de la Fondation pour le logement coopératif et l'habitat bon marché, soit de la CIA. C'est quasi un arbitrage entre collectivités publiques sur lequel il conviendra de se pencher. Je pense que nous y arriverons de manière raisonnable et je vous donne ces informations d'entrée de cause pour éviter que de fâcheuses hypothèses, inexactes, ne viennent interférer dans vos débats !

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez fait une demande de renvoi en commission, je suppose qu'il s'agit de la commission de l'aménagement... (M. Laurent Moutinot acquiesce.)C'est le cas.

M. Pierre Guérini (S). Monsieur le président, c'est le groupe socialiste qui avait demandé que soient retirés des extraits ce projet de résolution et ce rapport. La seule chose que je voulais dire, c'est que j'allais demander le renvoi en commission. M. le conseiller d'Etat a pris les devants et l'a fait, mais, en tant que député, je demande formellement le renvoi en commission. (Exclamations.)

Le président. M. Guérini a été bref, Mesdames et Messieurs les députés ! Vos exclamations sont inopportunes, il faut le relever...

Je mets aux voix le renvoi en commission de l'aménagement de ces deux objets.

Mis aux voix, le rapport divers 513 et la proposition de résolution 479 sont renvoyés à la commission d'aménagement du canton.

M 1600
Proposition de motion de Mmes Marie-Paule Blanchard-Queloz, Jeannine De Haller: La sécurité des écoliers et des piétons remise en cause dans les zones 30 km/h

Débat

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Le texte de cette proposition de motion a été déposé sur vos places hier, Mesdames et Messieurs les députés.

Nous remercions le Grand Conseil d'avoir accepté l'urgence pour cette motion. Le but de cette motion n'est pas de lancer le débat, je tiens quand même à le rappeler, sur l'opportunité des zones à 30km/h en ville. Il y a cependant un problème très concret dans le quartier Cluse-Roseraie. M. Meylan opine, il est d'accord avec moi, c'est magnifique...

Ce quartier est devenu une zone limitée à 30km/h. L'office cantonal des transports a pris la décision, sans autre aménagement, de supprimer les passages piétons dans cette zone.

Cela pose un problème. Je vous rappelle que c'est une zone où il y a une école, un hôpital, des transports sanitaires urgents, beaucoup d'ambulances. Pourtant, tout autour du boulevard de la Cluse, il n'y a plus aucun passage piéton.

30km/h paraît certes être une vitesse raisonnable pour autant qu'elle soit respectée. Cela suffit toutefois largement pour mettre en péril la vie des enfants qui ne savent tout simplement plus où traverser. Ils n'ont plus la sécurité d'un passage piéton. Je rappelle que certains automobilistes ne s'arrêtent même pas aux passages piétons.

Le but de cette limitation de vitesse n'est pas atteint si on ne met pas en même temps en place des mesures pour assurer la sécurité. Que s'est-il passé dans ce cas-là ?

Le Conseil d'Etat n'a pas voulu réagir à la décision de l'office des transports et de la circulation. Il renvoie à la Ville de Genève la responsabilité de faire un recours administratif. Je rappelle que la suppression de ces passages piétons n'est pas une décision de la Ville de Genève.

Ce que demande cette motion, c'est que le Conseil d'Etat intervienne auprès de l'office des transports et de la circulation pour qu'il rétablisse et maintienne ces passages piétons. D'ailleurs, d'après les informations dont nous disposons, deux passages piétons auraient été remis à la rue de Carouge vu le danger couru par les piétons.

Nous aurions aimé que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, car la situation est urgente et il ne faudrait pas attendre qu'il y ait un accident. Après on dira que nous n'avons rien fait. Nous ne nous opposerons toutefois pas à un renvoi en commission si certains le souhaitent.

M. Roger Deneys (S). Le groupe socialiste soutient évidemment le traitement en urgence de cet objet, dans la mesure où la réalisation de zones limitées à 30km/h est une mesure particulièrement raisonnable compte tenu de la circulation intense qu'il y a dans certains quartiers. Il est vrai que le fait que la réalisation de ces zones se fasse sans concertation entre la Ville et le canton pose problème.

C'est un problème urgent, en effet, puisque cette zone 30km/h est en vigueur depuis quelques jours. Il est vrai que ce n'est pas si simple de décréter qu'on passe à 30km/h alors que sur certains axes on enregistre des vitesses supérieures, je pense notamment au boulevard de la Cluse, devant l'hôpital et la maternité. Des mesures doivent en effet être prises.

La réalisation immédiate de certains passages pour piétons demandée dans cette motion fait cependant qu'elle n'est pas si urgente que cela. C'est pourquoi nous demandons son renvoi à la commission des transports pour une étude plus approfondie. Ce n'est en effet pas seulement cette zone 30km/h qui pose problème, mais plutôt la problématique de la réalisation de ces zones en concertation entre la Ville et le canton. La question qui se pose est celle des mesures à prendre en matière non seulement d'aménagement, mais aussi de mesures de police qui sont, c'est bien connu, totalement insuffisantes pour que ces zones soient respectées.

Mme Anne Mahrer (Ve). Les Verts soutiendront la proposition de renvoi, ce sera l'occasion de débattre des zones 30 et d'en débattre d'une manière approfondie. Pour l'instant, il est exact que des passages de sécurité ont été remis, mais ceci évidemment n'est pas suffisant. Ce sont des ouvrages de modération qu'il faut. Il s'agit aussi de contrôles policiers, actuellement inexistant, qu'il faut instaurer.

Nous vous remercions donc de soutenir le renvoi en commission.

M. Alain Meylan (L). Nous avons l'occasion de parler de ces zones à 30km/h sur le fond. Il y a pas mal de débats depuis pas mal d'années dans cette République sur ce sujet. L'occasion nous est donnée ici d'y apporter une attention particulière.

Ces zones à 30km/h sont tout de même largement inscrites dans la loi fédérale sur la circulation routière. Celle-ci donne quelques compétences à ceux qui veulent les mettre en place, mais aussi certaines contraintes quant à leur application sur le terrain. L'un de ces contraintes, on l'a vu dans certains quartiers, c'est le rétablissement de la priorité à droite et la suppression de nombreux, voire de tous les passages pour piétons.

Je rejoins M. Deneys quant il regrette le manque de concertation. Il n'y a souvent pas de concertation et notamment pas de concertation économique quant à l'effet de ces zones 30 sur l'activité économique et professionnelle nécessaire à notre Ville. Sur ce point, je rejoins donc totalement M. Deneys. Et, vu la situation économique, il y a absolument besoin que l'on se penche aussi sur ces effets-là quand on prend des décisions en matière de circulation.

Je rejoins également ma préopinante sur la proposition de renvoi. Non sans toutefois avoir proposé un amendement des invites de ce texte. Cet amendement vise à ajouter l'invite suivante : «à décréter un moratoire sur les zones à 30km/h».

Avec cette invite supplémentaire, nous pourrons débattre totalement librement et démocratiquement en commission des transports. Nous voulons un débat de fond sur ces zones à 30km/h.

J'aimerais informer également ce Grand Conseil de l'existence des kits écoles. Ceux-ci limitent la vitesse à 40km/h et donnent une sécurité avec des passages pour piétons et toute une structure et une signalisation qui permettent de sécuriser des endroits. Ces kits écoles sont des zones à 40km/h. Il est dès lors paradoxal d'avoir des zones à 30km/h pour lesquelles la sécurité est moins importante vu l'absence de signalisation. C'est un paradoxe. Le débat est là : soit on veut de la sécurité avec les moyens que nous donne la législation fédérale, ou bien on veut des zones 30 peut-être un peu plus conviviales avec les problèmes qui vont avec. Tout le monde doit se responsabiliser, que l'on soit utilisateur de voitures, de scooters ou des trottoirs, de même que les gens qui appellent à une mobilité douce.

Nous demandons donc le renvoi en commission avec la proposition d'une invite supplémentaire qui va vous être distribuée.

La présidente. Monsieur le député, l'amendement que vous proposez sera traité en commission des transports si le renvoi est accepté.

M. Jean Spielmann (AdG). Très rapidement, un autre problème est survenu en ce qui concerne la circulation, c'est celui de la mixité entre un passage piétons et une ligne de tram. Nous avons très souvent discuté des zones à 30km/h et de la suppression des passages piétons dans le cadre de ces zones. On a peu parlé en revanche du problème que constitue le traçage de passages piétons à travers les lignes de tram. Or, il faut savoir qu'il y a eu récemment un accident grave. Le tram était sur un passage piéton et il est clair que le piéton n'est pas prioritaire par rapport au tram, même sur le passage piéton. Ceux qui ont placé ce passage piéton sur une ligne de tram ont aussi une part de responsabilité.

Je pense qu'à partir du moment où on examine le problème des passages piétons dans les zones 30, je trouverais intelligent qu'on examine aussi les conditions dans lesquels on peut ou pas tracer des passages piétons à travers les lignes de tram.

M. Roger Deneys (S). Je croyais que je ne pouvais plus m'exprimer étant donné que nous sommes en procédure de renvoi.

Je voulais simplement dire à M. Meylan que je trouvais que son amendement méritait un traitement en commission. Décréter ici un moratoire, par rapport à cet objet qui ne se réalise pas dans des conditions idéales, c'est un peu dommage. Je propose d'étudier cela sagement en commission. Toutes les communes méritent des zones 30. M. Weiss, il y a quelques mois a proposé qu'on fasse des efforts pour Chancy en disant qu'il y avait des risques d'accidents graves. C'est le cas de toutes les communes, de tous les quartiers. Je propose donc qu'on étudie cela tranquillement en commission, mais la question n'est pas de décréter un moratoire a priori. Il faut regarder en détail comment cela se réalise.

M. Hugues Hiltpold (R). Il va sans dire que le groupe radical soutiendra bien évidemment le renvoi en commission. La problématique soulevée par cette motion est intéressante. Elle mérite d'être approfondie, mais pas ce soir en plénière.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de soutenir le renvoi en commission.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le département en charge, qui n'est pas le mien mais celui de mon collègue Robert Cramer, se réjouit du débat que vous aurez en commission des transports. Je peux vous dire également, pour rassurer les motionnaires sur le périmètre précis de la Roseraie, qu'une décision est envoyée ce jour concernant des mesures immédiates de sécurité dans l'attente de mesures définitives.

Je ne vous en donne pas le détail, non pas par cachotterie, mais plutôt parce qu'il me paraît légitime que le destinataire de la décision, la Ville de Genève en l'occurrence, en prenne connaissance en la recevant et non pas en lisant la «Tribune».

Le président. M. le député Jeannerat a demandé la parole. Nous sommes en procédure de renvoi en commission. (Exclamations.)Ah, c'est une erreur ? Je sais que M. Serex a pour habitude d'appuyer par inadvertance sur son propre bouton de demande de parole. S'il commence à appuyer également sur les boutons des autres députés, cela deviendra un peu difficile. (Brouhaha.)Qu'est-ce qu'il y a Loulou, tu veux qu'on aille discuter dehors ? Bon. (Rires.)

Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission des transports.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1600 à la commission des transports est adopté par 71 oui (unanimité des votants).

Le président. Je précise que l'amendement qui a été déposé tout à l'heure suivra la motion à la commission des transports.

IN 122-C
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier l'initiative populaire 122 " J'y vis, J'y vote: l'aînée " Droits de vote et d'éligibilité communaux des résidents étrangers
IN 123-C
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier l'initiative populaire 123 " J'y vis, J'y vote: la cadette " Droit de vote communal des résidents étrangers

Débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, permettez que je commence par une note personnelle basée sur le texte que j'ai rédigé sous la rubrique «assimilation ou intégration» de mon rapport. Je dis dans ce texte que la naturalisation est pour l'étranger une rupture profonde, plus que symbolique, assimilatrice. Contrairement à ses enfants, souvent entièrement scolarisés dans leur pays d'accueil, il n'est généralement pas prêt à s'y soumettre, même s'il est établi chez nous depuis des lustres. Si j'ai indiqué cela, c'est principalement parce que j'habite un petit immeuble, dans lequel je suis entouré par deux familles. Dans l'une, le père est écossais et sa femme allemande. Dans l'autre, le père est hollandais et sa femme allemande. Les premiers ont trois garçons et les seconds deux filles. Les cinq enfants ont depuis bien longtemps demandé leur naturalisation. Les parents n'ont jamais été capables de franchir le pas parce qu'il s'agissait effectivement pour eux d'une rupture culturelle trop profonde. Pourtant, ils auraient aimé, depuis longtemps, participer à la vie de la commune de Laconnex dans laquelle j'habite. Ils en ont toujours, jusqu'ici, été empêchés.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je pense très sincèrement que nous devons adopter, donner notre appui formel aux deux initiatives qui vous sont soumises. (Applaudissements.)

M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je rebondis simplement sur les derniers propos de M. Kunz. Il dit dans son rapport que «l'acte juridique qu'est la naturalisation ne saurait être certes comparé, surtout en Suisse - Merci Monsieur Kunz ! - à une manifestation impérialiste des citoyens, pourtant, à l'évidence, il s'agit pour l'étranger d'une rupture profonde plus que symbolique, assimilatrice.»

J'aimerais quand même vous dire, Monsieur le député Pierre Kunz - vous devez le savoir - qu'un étranger qui demande à être naturalisé suisse conserve la plupart du temps son passeport d'origine. Ce qui fait que, dans le fond, l'assimilation par le biais de la naturalisation que vous regrettez n'est que très relative.

M. Patrice Plojoux (L), rapporteur de première minorité. Pour le parti libéral, l'intégration dont on parle ne passe pas simplement par le droit de vote. Pour nous, le droit de vote est au contraire l'aboutissement de l'intégration d'une personne étrangère qui habite chez nous.

Pour nous, en définitive, le droit de vote, qui peut être obtenu simplement par la demande de naturalisation, est une manière d'obtenir la totalité des droits et des devoirs des étrangers qui désirent simplement être pleinement intégrés. Saucissonner cette naturalisation en donnant le droit de vote et les devoirs ensuite, ou d'autres choses ensuite, est une mauvaise voie. L'intégration, dans notre esprit, passe par une demande de naturalisation facilitée - les libéraux sont favorables à ces procédures facilitées. Pour nous, le droit de vote ne peut pas être donné gratuitement. Il faut que la personne qui est en face le veuille et le demande. La manière de le demander est la demande de naturalisation à l'issue de laquelle la personne qui le désire obtiendra l'ensemble des devoirs et des droits d'un citoyen, c'est-à-dire le droit de vote, mais également les devoirs d'un citoyen.

M. Antonio Hodgers (Ve). Je crois qu'il faut, en préambule, répondre à la légitime question de savoir pourquoi nous revenons sur ce sujet après qu'il a déjà été soumis à la votation populaire le 4 mars 2001. Il est vrai que le délai est court pour revenir devant le peuple avec un objet qu'il a déjà refusé. Il y a plusieurs raisons. Tout d'abord, le résultat du 4 mars 2001, un vote très serré : 48% de oui et 52% de non, plusieurs communes dont la Ville de Genève ont accepté le texte. Il y a donc une incertitude au niveau de la population qui justifie que la question revienne assez vite.

Deux ans après le vote de 2001, la «Tribune de Genève» et l'association «J'y vis - J'y vote» avaient réalisé une enquête auprès de tous les élus municipaux, près de mille élus de notre canton. Le résultat montre non seulement une très large acceptation - environ 2/3 des élus - du principe du droit de vote et d'éligibilité au niveau communal, mais surtout une évolution significative par rapport à l'enquête sur le même sujet menée par le Conseil d'Etat quatre ans plus tôt.

Je crois que les éléments les plus importants sont les votes qui sont intervenus en Suisse romande. Depuis 150 ans, Neuchâtel avait accordé le droit de vote aux résidents étrangers. Depuis sa constitution, le canton du Jura a fait de même. Plus récemment, le canton de Vaud a introduit le droit de vote et d'éligibilité au niveau communal, de même que le canton de Fribourg. Genève se targue souvent d'être la ville multiculturelle par excellence, la ville internationale, etc. Eh bien, Genève est en queue de peloton sur ce sujet; avec le Valais canton traditionnellement plus conservateur.

L'ensemble de ces éléments nouveaux justifient que l'on demande au peuple de se prononcer une nouvelle fois sur ces questions.

Dans un précédent débat que nous avons eu ici, M. Halpérin, notamment, avait évoqué la notion de citoyenneté. Il posait l'équation simple : citoyenneté égale nationalité et inversement. Je crois que cette notion est juste, mais dépassée. Cette vision de la citoyenneté est celle du XIXe siècle. Aujourd'hui, la citoyenneté n'est pas seulement un état passif lié à la possession d'un document. C'est un état actif, un état d'intérêt vis-à-vis de la collectivité. C'est cette vision de la citoyenneté qui doit prévaloir dans cette société qui bouge, dans cette société cosmopolite, dans cette société d'immigration, même si cela déplaît à certains partis.

Un autre argument important, c'est l'égalité des droits et des devoirs. C'est un argument considérable qui est souvent d'ailleurs évoqué sur les bancs de l'UDC. Je pose la question : au niveau communal, quels sont les devoirs qu'ont les Suisses que les étrangers n'auraient pas ? Aucun. Pourtant, ils n'ont pas tous les droits.

Dans son rapport, M. Kunz a très bien décrit l'enjeu de l'intégration et je tiens à l'en féliciter. Il est clair en effet que partager les responsabilités oblige et implique un respect réciproque des gens qui partagent ces responsabilités. Dans le climat de défiance qui guette notre société, il est important de renforcer la cohésion entre les habitants.

Je conclurai par cette question légitime : qu'est-ce que les citoyens suisses ont à gagner à accorder les droits politiques aux étrangers ? Il faut être clair là-dessus. Nous ne sommes pas là, l'association «J'y vis - J'y vote» n'est pas là pour défendre le droit des étrangers. Les étrangers de ce canton ont des droits civils qu'ils peuvent très bien défendre eux-mêmes. Ce que nous défendons, c'est une vision de la démocratie, une vision du «vivre ensemble» au niveau communal. C'est cela qui importe et c'est là que les citoyens suisses ont à gagner. Cette initiative sera un renforcement de la vie communale qui en a bien besoin. Ceux d'entre vous qui font de la politique au niveau municipal - à part peut-être en Ville de Genève - savent combien il est difficile de recruter, d'avoir assez de gens sur les listes. On voit qu'il y a un désintérêt des citoyens suisses par rapport à la démocratie communale. Elargir le cercle des gens qui pourraient s'intéresser ne peut qu'enrichir le débat démocratique.

Pour ces raisons, je demande à ce parlement d'approuver ces deux initiatives et d'aller dans la rue le moment venu expliquer aux gens - qui ont parfois des doutes légitimes, des craintes, des peurs, le plus souvent irrationnelles - pourquoi ces textes sont importants pour l'avenir de notre République. (Applaudissements.)

M. Pierre Schifferli (UDC). Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas soutenir ces deux initiatives. Si vous le faisiez néanmoins vous ne seriez manifestement pas en phase avec les décisions déjà rendues par le peuple à deux reprises. A deux reprises en effet, le peuple genevois a rejeté ce genre de proposition.

Alors même que les délais qui sont indiqués en première page du rapport nous rappellent qu'il faut prendre une décision au plus tard le 5 mars 2005, je m'étonne qu'il faille débattre aujourd'hui, en urgence, de ce projet. Est-ce qu'il s'agit d'une urgence purement idéologique, qu'on veut nous imposer ? Manifestement, elle va à l'encontre des intérêts des citoyens suisses. En dépit de cela, on veut nous imposer encore une fois des solutions déjà rejetées à deux reprises.

De quoi s'agit-il ? Pour l'initiative 122 l'aînée, il s'agit d'accorder les droits politiques complets en matière communale aux ressortissants étrangers ayant leur domicile légal en Suisse depuis huit ans et résidant dans la commune depuis trois mois au moins. Il faut d'abord savoir que la question du domicile relève non seulement du droit administratif, mais également et surtout du droit civil. En d'autres termes, des personnes dont la situation ne serait pas totalement régulière du point de vue du droit administratif pourraient plaider avoir leur domicile en Suisse. L'inverse se produit d'ailleurs de temps en temps comme lorsque le Tribunal de première instance statue que, nonobstant un permis d'établissement ou de séjour, une personne n'a pas son domicile en Suisse.

Ce qui est le plus étonnant, le plus inquiétant, c'est qu'on veut nous obliger à accepter ce projet au nom de l'intégration. Si on examine ce texte, on se rend compte qu'au niveau suisse on demande un délai de résidence de huit ans, mais trois mois suffisent pour la résidence dans la commune. Il n'y a aucune exigence de durée minimale de résidence dans la commune alors qu'il s'agit - c'est là l'objet de cette initiative - d'accorder le droit de vote au niveau communal. Cela paraît totalement illogique. Il est en effet paradoxal de ne pas vouloir tenir compte d'un délai minimal de résidence et d'intégration dans une commune au moment où il s'agit d'octroyer le droit de vote dans celle-ci.

Je dois dire que j'ai été convaincu par les arguments de MM. Plojoux et Pagan, même si le rapport de M. Kunz était fort intéressant. Les arguments des deux rapporteurs de minorité m'apparaissent beaucoup plus fondés, notamment lorsque M. Plojoux indique qu'être citoyen c'est appartenir à une cité. Il me paraît erroné, du point de vue du principe, de vouloir saucissonner la citoyenneté en accordant le droit de vote au niveau communal, mais pas au niveau cantonal. On crée ainsi plusieurs catégories de citoyens et cette façon de décoller la notion de citoyen de celle de nation me paraît fondamentalement erronée. L'octroi du droit de vote est la conséquence normale du droit de citoyenneté qui lui-même découle normalement et fondamentalement de la nationalité.

Il y a un élément qui a été relevé par M. Plojoux dans son rapport : c'est le problème de la réciprocité. A cela s'ajoute qu'on imagine mal, comme M. Plojoux l'indique, qu'un maire, un conseiller municipal ou un conseiller administratif étranger puisse émettre un préavis de naturalisation alors qu'il n'est lui-même pas suisse et n'a pas voulu le devenir. Il y a là une contradiction. Cela créerait des situations totalement absurdes et paradoxales.

Ce qui me paraît aussi curieux dans cette double démarche qui nous est proposée, c'est qu'il est indiqué, dans les deux textes, que si les deux textes sont acceptés, c'est forcément l'initiative aînée - celle qui accorde également le droit d'éligibilité - qui serait considérée comme acceptée. Elle pourrait cependant avoir recueilli moins de voix que l'autre et pourtant, elle serait acceptée. Il me semble en l'occurrence qu'il y a un problème essentiel du point de vue du respect des droits démocratiques. Je ne comprends pas comment ce Grand Conseil pourrait accepter une telle démarche. Deux initiatives nous sont proposées, l'une recueille plus de voix que l'autre, mais c'est la deuxième, celle qui a recueilli le moins de voix qui serait acceptée et qui entrerait en vigueur.

Du point de vue juridique, je pense que ces initiatives violent l'unité de la matière. Il s'agit d'une manoeuvre politicienne que je trouve un peu étrange, insolite, pour ne pas dire indigne.

M. Hugues Hiltpold (R). En guise de préambule, je voudrais rappeler que les droits politiques ont toujours suscité de vifs débats dans les sociétés qui en débattaient, souvent pour des causes qui, aujourd'hui, sont considérées comme allant parfaitement de soi.

Je pense notamment aux droits civiques de la population afro-américaine qui n'a obtenu l'entier de ses droits politiques que dans les années septante. Je pense également aux femmes suisses qui n'ont pu voter, à Genève, qu'à partir de 1960 et sur le plan fédéral en qu'1971. Qui, Mesdames et Messieurs les députés, remettrait en cause de tels acquis ? Personne.

Le débat de ce soir devrait se placer dans cette perspective d'avenir. Je vous invite tous à vous poser la question de savoir si la proposition qui nous est faite, pour audacieuse qu'elle paraisse aujourd'hui, ne sera pas tout simplement une évidence dans trente ou quarante ans. Le groupe radical, Mesdames et Messieurs les députés, en est convaincu. Il est convaincu que la Genève de demain se fera en intégrant et en responsabilisant les résidents étrangers, de même que la Genève d'hier s'est faite avec d'illustres étrangers.

Il est également convaincu que c'est à l'échelon communal que s'établiront les relations entre les élus et les personnes résidantes, tout comme il est convaincu qu'il faut faire une distinction essentielle entre la naturalisation qui est une démarche toute personnelle d'adhésion à un système de valeur et à une histoire, d'une part, et, d'autre part, la résidence au sein d'une collectivité qui est une démarche issue de la collectivité même. C'est cette dernière en effet qui offre une possibilité d'expression à son résident.

Le groupe radical vous invite tous, Mesdames et Messieurs les députés, à faire preuve de vision pour la Genève de demain. Nous vous demandons de voter l'initiative qui permet d'octroyer les droits politiques complets aux étrangers qui résident depuis plus de huit ans dans leur commune. (Applaudissements.)

M. Georges Letellier (UDC). Sur le principe, l'IN 123 «J'y vis - J'y vote» est du même acabit que le projet de loi sur le recrutement des permis C dans la police. Ces deux projets ont pour objectif de favoriser et d'accélérer l'intégration des étrangers sur notre territoire.

Ne vous y trompez pas, ces initiateurs «patricides» ont une idée fixe : accélérer l'intégration étrangère, très souvent sous le couvert des droits de l'homme. Humanistes, détenteurs de la vérité universelle, leur dessein sur le long terme est de niveler les droits et de niveler les valeurs civiques et démocratiques du citoyen, pour que celui-ci se conforme mieux au moule universaliste mondialiste.

Que les étrangers qui vivent et travaillent sur notre sol respectent d'abord la loi en demandant la nationalité afin de prouver leur attachement à notre pays et à ses institutions. Dans notre démocratie, il ne suffit pas de revendiquer et d'exiger des droits en permanence. Il faut aussi être capable d'assumer ses devoirs. Avoir des droits sans devoirs, c'est la porte ouverte à la désintégration sociale, n'en déplaise aux initiateurs de ces deux projets.

Nous refusons fermement ce continuel chantage à l'intégration forcée. Nous le combattrons. Nous rejetons les soeurs jumelles, l'aînée comme la cadette. (Rires.)

La présidente. C'est une curieuse vision de la famille...

M. Georges Letellier. Je ne me suis pas trompé, j'insiste et je maintiens ! Le précédent projet de loi sur ce sujet - dont le rapporteur était M. Hodgers - défendait les mêmes causes que M. Kunz aujourd'hui. C'est blanc bonnet et bonnet blanc ! J'ai peut-être fait un peu d'humour, mais si vous ne le comprenez pas, ce n'est pas de ma faute...

M. Alain Charbonnier (S). J'aimerais d'abord répondre à M. Schifferli sur le souci qu'il a par rapport au fait que l'on revient devant le peuple avec les mêmes objets. Je rappellerais simplement que si le droit de vote des femmes n'avait pas été soumis plusieurs fois au corps électoral, il n'y aurait pas de femmes dans notre enceinte aujourd'hui. Il a fallu revenir plusieurs fois sur le sujet.

Dimanche, nous allons voter sur l'assurance-maternité, cet objet est déjà passé en votation à plusieurs reprises. Nous avons une telle assurance à Genève, heureusement, mais ce n'est pas le cas dans d'autres cantons. C'est vrai, on revient plusieurs fois devant le peuple, on remet l'ouvrage sur le métier. Je ne crois pas qu'on puisse nous le reprocher.

Sur la question du vote des étrangers, je rappelle qu'il y a eu un premier rejet en 1993 par 71,3% des votants. En 2001, le projet a été rejeté par 52% des votants. En fait, Monsieur Schifferli, vous avez peur, vous avez très peur que l'année prochaine, en 2005, on parvienne à réunir une majorité sur ce thème.

Les socialistes soutiennent évidemment les deux initiatives. Nous avons toutefois une nette préférence pour l'aînée puisqu'elle accorde les deux droits politiques essentiels : le droit de vote et d'éligibilité. Pour nous, ce sont deux droits qui sont difficilement divisibles. Nous soutenons l'initiative cadette par esprit de consensus et par volonté de faire avancer le sujet par la politique des petits pas. Donner les droits politiques aux étrangers au niveau communal après huit ans de résidence en Suisse, ce n'est pas rien.

Pour nous, les droits politiques n'égalent pas l'intégration. Nous ne sommes pas complètement stupides pour penser qu'il suffit d'avoir des droits politiques pour être intégré. Après huit ans de vie en Suisse, on peut cependant s'apercevoir que les gens sont, le plus souvent, intégrés - cela se vérifie au niveau des naturalisations : peu de demandes sont refusées dans notre canton. La plupart du temps, ces gens ont des enfants qui vont à l'école avec nos enfants. Mardi dernier, j'étais à une soirée de parents à l'école de notre fille aînée, nous étions peut-être trois ou quatre parents suisses sur vingt-sept. Le reste de la classe était des personnes étrangères ce qui n'a posé aucun problème. Les personnes présentes sont intégrées, de même que leurs enfants. Des enfants étrangers viennent jouer avec nos enfants, ils parlent français comme nous, comme vous et cela ne pose aucun problème.

Souvent, en discutant avec les personnes étrangères, on s'aperçoit qu'ils ont une conscience politique égale voire supérieure à la nôtre. Ce sont des gens qui s'intéressent à la politique et qui viennent souvent de pays où la culture politique est plus présente. Ce sont des gens de milieux aisés ou pas, ce n'est pas une question de gauche ou de droite, mais ils s'intéressent à la politique.

Je viens de la commune de Vernier où il y a, d'après les derniers chiffres, plus de 45% de personnes étrangères, c'est-à-dire que sur 30 000 habitants on se retrouve avec 12 000 électeurs et 31 personnes au Conseil municipal. La légitimité de ces gens est plutôt problématique.

Au niveau suisse, cela n'a pas encore été dit bien que cela figure dans le rapport de majorité, il y a d'autres cantons qui nous précèdent et depuis de nombreuses années déjà. Neuchâtel accorde le droit de vote et d'éligibilité également au niveau cantonal. Vaud et Fribourg viennent de l'accorder au niveau communal. Le Jura et Appenzell Rhodes-Extérieures l'ont fait également. Nous ne sommes donc pas les premiers et, au niveau romand, on pourra même dire que nous serons les derniers à octroyer des droits politiques aux personnes étrangères au niveau communal.

Pour les libéraux et l'UDC, si les étrangers veulent des droits politiques, ils doivent demander la naturalisation. C'est facile à dire, je trouve. Comme l'a dit M. Kunz, en donnant l'exemple de voisins qu'il connaît - je crois que nous avons tous des exemples à donner - ce n'est pas une démarche aussi simple. Demander à des gens qui émigrent, s'intègrent totalement, travaillent, ont des amis de toutes nationalités ici, de se naturaliser en échange de droits politiques; cela n'a aucun sens pour le parti socialiste.

Pour l'UDC, en revanche, cela semble avoir un sens. Par moment cependant, la position de ce parti est un peu contradictoire : vous n'êtes pas les champions de la naturalisation facilitée. Dernièrement, nous est parvenu par la poste un brûlot - et je suis encore gentil - qui indique que les musulmans seraient bientôt en majorité. Voilà, votre souci. (L'orateur est interpellé.)N'est-ce pas Monsieur Letellier ? Je vous l'offre si vous le voulez, Monsieur. Moi, je n'en ai plus besoin. Je voulais seulement l'utiliser ce soir...

Ah, M. Brunier veut le déchirer.

Pour l'UDC, il ne faut pas accorder le droit de vote aux étrangers, parce que ceux-ci doivent se naturaliser. Pourtant, quand on veut faciliter la naturalisation, l'UDC ne veut pas en entendre parler non plus au prétexte qu'ils seraient majoritaires dans notre pays. Nous trouvons cette position scandaleuse pour ne pas dire plus. J'espère que le peuple comprendra que ce qui est marqué dans ce tout ménage, que même les journaux n'ont pas voulu publier, ne vaut rien. Ce tract n'est qu'une incitation à la haine. J'espère que quelqu'un aura le courage - il faudrait y réfléchir parmi nous - d'aller plus loin au niveau judiciaire pour régler cette affaire devant les tribunaux.

Nous soutenons évidemment ces deux initiatives avec une large préférence pour l'aînée.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Nous avons treize personnes inscrites. Ce débat suscite les passions, semble-t-il. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits, Mmes et MM. les députés : Jean-Michel Gros, Pierre Guérini, Gilbert Catelain, Loly Bolay, Pierre Weiss, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Antonio Hodgers, François Thion, Christian Grobet, Guy Mettan, Georges Letellier, Antoine Droin, et les trois rapporteurs. La liste est close, de manière que nous puissions voter avant une heure du matin.

M. Jean-Michel Gros (L). Je m'étonne qu'autant d'orateurs soient inscrits pour ce sujet. On peut le dire, le débat a été fait. Il a été largement fait. C'est d'ailleurs pourquoi la commission des droits politiques n'a siégé qu'une seule séance pour traiter de ces initiatives. Ce débat a en effet eu lieu lors du débat sur le projet de loi constitutionnel en l'an 2000, lors de la campagne pour la votation populaire en 2001, lors des débats préliminaires sur ces initiatives l'année dernière. On peut dire que nous avons fait le tour de la question, d'ailleurs, je ne crois pas avoir entendu un argument nouveau par rapport à ce que nous avons pu lire dans toutes les publications.

Je voudrais, puisque cela se fait, rappeler très brièvement les raisons de l'opposition du groupe libéral.

Premièrement, la naturalisation ne nous paraît pas être un acte obsolète ou un argument facile comme l'a dit M. Charbonnier. L'obtention de la citoyenneté n'est pas un moyen d'intégration, mais le couronnement de l'intégration. Nous pensons toujours que cette volonté d'appartenir à une cité, d'en reconnaître pleinement sa juridiction et d'en accepter tous les droits et les devoirs, doit demeurer la voie privilégiée vers la pleine citoyenneté.

Les libéraux veulent, encore et toujours, faciliter cette démarche et là, Monsieur Charbonnier, vous ne pourrez pas nous accuser d'incohérence. Les libéraux ont été d'accord de supprimer la taxe sur les naturalisations. Ils combattent en faveur de la naturalisation facilitée des deuxième et troisième générations en vue de la votation de dimanche prochain.

L'octroi du droit de vote communal nous semble être une sorte de nationalité light. «Nous donnons certains droits parce que vous payez des impôts, parce que vous êtes établis ici.» Ce n'est pas cela, Monsieur Hodgers, la citoyenneté ! Ce n'est pas le fait d'être actif à la société de football, d'habiter simplement ici et de payer des impôts. Le droit de vote accordé aux contribuables pour qu'ils puissent savoir ce qu'on en fait, c'est le vote censitaire. A ce moment-là on peut en venir à un modèle de vote qui prévaut dans les sociétés anonymes. «Si on vous accorde ces quelques droits, vous n'aurez pas besoin de faire ce pas supplémentaire vers la pleine citoyenneté.»

Nous ne sommes pas d'accord avec cette notion de nationalité light. Nous encourageons plutôt nos amis étrangers à faire le pas en leur facilitant la tâche au maximum.

J'évoquerai encore un argument. Le principe de réciprocité ne nous paraît pas non plus totalement ringard. Là aussi, les libéraux se sont engagés en faveur de l'adhésion à l'Espace économique européen, en faveur des négociations bilatérales I et II, tous actes internationaux qui insistent non seulement sur la non-discrimination, mais également sur la réciprocité. Que le droit de vote puisse faire partie des prochaines négociations bilatérales, pourquoi pas. Mais accorder ce droit sans que nos concitoyens puissent exercer le même droit sans leur pays de résidence, nous semble injuste.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, pour ces motifs brièvement exposés - il y en aura d'autres que nous exposerons pendant la campagne, bien entendu - nous refuserons cette citoyenneté au rabais. Le groupe libéral demandera au peuple de voter non.

Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente

M. Pierre Guérini (S). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à souligner la qualité du rapport de majorité sur cette problématique.

Si les libéraux n'avaient pas fait un rapport de minorité, contrairement à ce qu'a dit M. Jean-Michel Gros, nous ne verrions pas autant de députés prendre la parole.

Les étrangers nous apportent une vision nouvelle. Mon collègue Charbonnier a rappelé un certain nombre de cantons qui ont déjà accordé le droit de vote et d'éligibilité, parmi lesquels Appenzell Rhodes-Extérieures. Dieu sait si la Suisse dite primitive est conservatrice. Si eux-mêmes, accordent ces droits, je ne vois pas Genève la libérale - au sens de la liberté - ne pas en faire autant.

M.  Gros dit qu'il ne faut pas tenir compte du fait que les étrangers payent leurs impôts. Cela n'est pas vrai : les étrangers payent leurs impôts et n'ont aucune possibilité de se prononcer sur leur affectation.

Que les étrangers soient là depuis quinze jours ou depuis huit ou dix ans, ils sont soumis à nos lois et s'y soumettent. Au plan communal, ils ne peuvent pas modifier les lois puisque les communes ont une action délibérative et non pas législative. A partir de là, je ne vois pas quels sont les risques. Où est le problème ? Nulle part.

Certaines personnes étrangères, surtout celles qui sont là depuis 20 ou 25 ans, n'ont pas voulu faire le pas de la naturalisation, pour des raisons personnelles, pour différentes raisons. Ce sont des raisons respectables. On ne peut pas dire, parce que ces personnes ne veulent pas la nationalité suisse, que ce sont des citoyens de deuxième zone.

Parmi eux, il y a des personnes âgées. Les travailleurs étrangers ont aussi des accidents de travail. Ce sont des gens qui ont participé au développement de la vie suisse et au développement de tout ce qui fait la fortune actuelle de notre canton. Ils prennent aussi des risques et ils ont aussi le droit de donner leur avis. C'est une vision nouvelle.

A partir de toutes ces considérations, où est le problème ? Il n'est nulle part. Acceptons ces initiatives. Faisons preuve de modernité ! On parle d'Europe, on parle de mondialisation. Eh bien la mondialisation commence par accepter ses étrangers et par leur donner ne serait-ce qu'une petite voix au niveau communal.

M. Gilbert Catelain (UDC). J'ai participé en commission au débat sur cette initiative et j'ai effectivement été consterné du peu de temps qui y était consacré. En l'espace d'une séance de commission, nous avons pris une position sur un sujet aussi essentiel. Nous avons consacré moins de temps au débat sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers qu'à l'acquisition du terrain par M. Moutinot en violation du règlement du Grand Conseil. C'est aussi déconcertant que l'inculture d'un député socialiste qui assimile le canton d'Appenzell à la Suisse primitive, ce qui est manifestement faux. (L'orateur est interpellé.)

Je ne vous ai pas interrompu.

Ce projet est néanmoins intéressant et il mérite un débat. Pourtant, à mon avis, ce débat n'aurait pas dû avoir lieu dans l'urgence, à des fins électorales. Je relève d'ailleurs qu'on a fait un faux procès à l'UDC en prétendant qu'elle serait contre les naturalisations. Je rappelle à ceux qui manquent de culture historique que l'UDC a soutenu en 1994 le projet de naturalisation facilitée. L'UDC est contre le projet actuel, parce que ce projet va certainement trop loin. L'affiche que vous montrez n'est pas celle de l'UDC de Genève... (Brouhaha.)Comme chez vous, il y a des gens de gauche et de droite. Il y a des gens qui ont des idées qui sont les leurs. D'ailleurs, il ne m'appartient pas de me prononcer sur un projet qui ne porte pas le logo de l'UDC Genève. Ne faites pas d'assimilation, cela ressemble à certaines pratiques qui ont prévalu dans certains pays qui ont vécu sous une dictature de gauche et où l'information était manipulée. (Commentaires.)

Je rappelle encore que la loi fédérale en vigueur dans ce pays, notamment au niveau de la naturalisation, a été présentée, pendant toute la campagne, comme un élément majeur pour l'intégration. On nous dit que la loi actuelle a permis la naturalisation de 250 000 personnes.

Pour en revenir aux initiatives qui nous occupent, je rappellerai que leur défaut majeur est l'absence de critère. Il aurait valu la peine de remettre en cause l'ensemble de la question. Quels sont les critères que nous devons remplir pour avoir le droit de vote sur le plan communal ? Imaginons une personne qui, à la rigueur, ne parlerait pas français et aurait vécu huit ans dans le canton d'Appenzell où la culture est totalement différente de celle du canton de Genève. Est-il vraiment logique qu'au bout de trois mois sans avoir une seule connaissance de la langue française, une telle personne puisse voter sur le plan communal et être élue au conseil administratif ?

Pourquoi créer différentes catégories de citoyens ?

Imaginons maintenant un ressortissant français qui, pour des raisons X ou Y n'a pas pu se domicilier sur Genève et qui travaille depuis trente ans dans le canton de Genève. Une partie de ses impôts finance la politique et les infrastructures communales. Il a une activité sociale sur la commune. Pourquoi cette personne n'aurait-elle pas le droit de vote sur le plan communal ?

On peut remettre tout en cause et ce débat aurait mérité qu'on l'élargisse quelque peu.

J'ai l'impression que nous sommes dans l'esprit du temps. Nous sommes dans une société de consommation où, comme le disait l'association ARLE dans un débat sur une motion de la gauche sur les violences scolaires, on prend un cours ou pas parce qu'il nous intéresse ou non.

Dans le domaine de la nationalité, c'est pareil. Je prends le droit de vote parce qu'il m'intéresse, mais pas la nationalité parce que ça me pose des problèmes...

Je crois que c'est comme le mariage. Quand on se marie on prend un ensemble pour le meilleur et pour le pire. (Brouhaha.)Alors on a créé le PACS, c'est la même culture. (L'orateur est interpellé.)Tais-toi !

On crée ici une sous-nationalité qui créera effectivement des disparités au sein de la population. On peut même imaginer, avec ce projet d'initiative, qu'on arriverait à l'aberration suivante. Quelqu'un qui, pour une raison ou une autre, n'aurait pas pu obtenir la naturalisation malgré une demande de sa part pourrait être élu dans un conseil municipal alors que sa demande de naturalisation aurait été refusée.

Il me semble que dans ce projet, il y a quand même quelques points faibles suffisamment importants qui militent pour le rejet d'un projet finalement très mal ficelé.

Nous rejetterons donc les deux initiatives.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons eu ce débat ici même il n'y a pas si longtemps. Je suis étonnée de voir la position de certains groupes.

J'aimerais tout d'abord revenir sur une remarque du rapporteur de majorité, dont je le remercie. M. Kunz a dit, en une phrase, tout ce que cela signifie pour des personnes étrangères de refuser sa propre nationalité pour obtenir la nationalité suisse. C'était le cas pour l'Espagne il n'y a pas si longtemps que ça.

Ce n'est pas évident de prendre une nationalité qui n'est pas la sienne. Quand on le fait, on se dépouille. On jette nos racines à la poubelle, même si on est très attaché au pays où l'on vit comme certains d'entre nous sommes très attachés à la Suisse. Ce n'est pas évident de renoncer à sa propre nationalité et d'en reprendre une nouvelle.

C'est toute notre histoire que nous amenons avec notre nationalité. C'est nos racines. Cela, c'est extrêmement important.

J'ai parlé tout à l'heure de certains partis qui ont un petit peu changé de discours. Je pensais au parti libéral. A l'époque, Mesdames et Messieurs, vous étiez beaucoup plus ouverts et vous étiez d'accord sur la question du droit de vote. Vous l'étiez moins, il est vrai sur le droit d'éligibilité. On vous a dit tout à l'heure que les cantons de Neuchâtel, de Vaud, d'Appenzell Rhodes-Intérieures ont accordé aux étrangers le droit de vote et, certains, même le droit d'éligibilité. Comment vous qui êtes les chantres de l'esprit de Genève, de l'esprit d'ouverture, de l'esprit de tolérance, pouvez-vous vous opposer à cette mesure ? Comment pouvez-vous concilier votre fierté de la Genève internationale avec votre position sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers ? La grande majorité des gens qui font la Genève internationale sont étrangers. Vous tenez un double discours, Mesdames et Messieurs, et, pardonnez-moi de vous le dire, ce soir vous me décevez profondément. (Applaudissements.)

Quant à vous, Monsieur Schifferli, je ne discuterai pas du fond avec vous. Je ne veux même pas parler de vos insultes contre les réfugiés. Elles sont pour moi inacceptables. Je vous dirai seulement une chose : vous dites que ces initiatives ne répondent pas à l'unité de la matière. Eh bien pourtant, en commission législative, Monsieur Schifferli, votre collègue M. Pagan était d'avis que ces deux initiatives étaient conformes tant à l'unité de la matière qu'à l'unité de la forme. Monsieur Pagan, vous vous êtes abstenu, mais vous ne vous êtes pas opposé à cela. C'est donc que ces initiatives - et tout le monde l'a dit - sont recevables.

Mesdames et Messieurs les députés, Genève ne serait pas ce qu'elle est sans les étrangers. Ces étrangers que vous décriez, vous l'UDC, ont construit nos routes, nos maisons, vous servent dans les restaurants. Vos femmes de ménage sont étrangères. Ces étrangers-là méritent qu'on leur accorde notre reconnaissance. Ils méritent qu'on leur donne le droit de participer au moins aux votations communales. C'est pour cela que je vous demande d'accepter ces initiatives. (Applaudissements.)

M. Pierre Schifferli (UDC). Mme Bolay a indiqué que je m'en serais pris aux réfugiés. Je n'ai pas le souvenir d'avoir mentionné le terme de réfugié dans mon exposé.

Si, Madame, vous voulez savoir ce qu'il en est des réfugiés, je vous dirais que j'ai dans ma famille un certain nombre de personnes qui sont réfugiées du Viêt-nam. Mon épouse d'abord qui est venue ici et qui a été naturalisée avant notre mariage. Elle a fui le régime communiste. Elle a fui le marxisme-léninisme, comme des millions d'autres Vietnamiens. Ma belle-mère, mes quatre belles-soeurs ont été des boat people.

Je n'ai pas le souvenir d'avoir attaqué les réfugiés, Madame Bolay. Alors, ne dites pas des choses absurdes !

Ces réfugiés-là, voyez-vous, ils ont demandé la naturalisation suisse. Le jour où ils ont reçu leur passeport, ils ont été très fiers de recevoir le passeport suisse et d'exercer leur droit de vote.

Ils ont été heureux d'être accueillis dans un pays démocratique et non communiste. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Mme Bolay a demandé pourquoi les libéraux, qui sont effectivement fiers de l'esprit de Genève, sont néanmoins opposés à ces deux initiatives jumelles, cadette et aînée. Pour une raison simple, Madame. Une société aussi multiculturelle que Genève, une Genève aussi internationale que celle que nous connaissons a besoin de règles simples et claires. Ses citoyens ont besoin de vivre dans un monde compréhensible.

J'aimerais illustrer quelques arguments fallacieux qui ont été utilisés ce soir. Je ne ferai pas d'humour sur le fait que peut-être certains étrangers qui vivent ici depuis plus de huit ans mais qui ne paient pas d'impôts pourraient, selon le discours que nous avons entendu ce soir, ne pas mériter le droit de vote et d'éligibilité.

Je m'exprimerai plutôt sur un autre argument, plus sérieux. L'assimilation de l'extension du droit de vote aux femmes avec la question du vote des étrangers. Lorsque le droit de vote, qui était l'apanage des seuls hommes, a été étendu aux femmes par un vote populaire, on l'a étendu aux femmes suisses. Lorsque l'âge de la majorité civique a été abaissé de 20 à 18 ans, on a accordé le droit de vote à des citoyens eux aussi suisses.

Aujourd'hui, ce que vous voulez nous faire croire, c'est que si l'on est suisse on a le droit de vote et que si l'on est étranger on a également le droit de vote. Non. Les étrangers ont le droit d'être naturalisés. Ils ont le droit de l'être, comme le veulent les libéraux, avec le plus de facilité possible, sans les obstacles financiers qui ont existé un temps. Voilà une forme censitaire de naturalisation contre lequel, avec l'esprit de Genève qui nous caractérise, nous nous étions élevés.

Nous ne voulons pas en revanche un système où l'on amalgame tout, où l'on vit dans un brouillard, où les citoyens ne comprennent plus le type de société qui est le leur. Il est question de transformer cette société en salami, parce qu'après avoir accordé le droit de vote sur le plan communal on le demandera sur le plan cantonal. Dans quelle vie, dans quel monde voulons-nous vivre où l'on ne connaît plus nos limites ? (Brouhaha. Applaudissement sur les bancs du parti libéral et de l'UDC.)

Mesdames et Messieurs les députés, je crois que sur cette question la position que nous avons est claire. Mon collègue Gros l'a rappelée tout à l'heure. C'est parce que nous voterons deux fois «oui» dimanche que nous voterons deux fois «non» aux initiatives qui nous sont proposées ici. Je prends le pari que ces deux initiatives seront beaucoup plus fortement repoussées que les précédents essais l'ont été. (Applaudissements.)

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). J'espère que nos collègues députés neuchâtelois, vaudois et appenzellois des Rhodes-Intérieures n'auront pas entendu les commentaires de M. Weiss, sinon ils pourraient s'imaginer vaguement inférieurs à nous ! Ce serait dommage parce qu'ils nous ont donné un bel exemple. (Applaudissements.)

Pour le parti démocrate-chrétien, cette initiative dite cadette est une chance pour la santé de notre démocratie. Etre citoyen c'est appartenir à une cité ! Etre citoyen c'est partager les droits et les devoirs de toute personne vivant au sein d'une commune. Il n'y a pas besoin d'être naturalisé suisse ou d'être né suisse pour avoir des droits et des devoirs. Nous sommes tous concernés par ces notions de droit et de devoir. Qu'y aurait-t-il à craindre des citoyens, même étrangers, qui désirent s'engager pour exprimer leur volonté de servir au sein d'un système politique que nous estimons tous si exemplaire ? On devrait les remercier de s'y intéresser. Qu'y a-t-il à craindre ?

Mesdames et Messieurs les députés, vous savez tous que Genève est devenue prospère grâce à l'apport de citoyens qui n'étaient pas forcément genevois au départ. Nous pouvons être fiers aujourd'hui que des citoyens qui continuent à contribuer à notre rayonnement, à notre économie, à notre culture, s'intéressent à notre vie politique. C'est quelque chose pour laquelle nous devrions vraiment être reconnaissants.

De quoi avons-nous peur ? Arrêtons de brandir la peur ! Arrêtons de brandir la peur des étrangers, pour cacher des intentions nauséabondes et très dangereuses pour notre démocratie.

Pour le PDC, il est normal, naturel, évident, logique, pragmatique, progressiste et sensé que des étrangers intégrés ici puissent bénéficier des droits qui entraînent obligatoirement des devoirs. Arrêtons d'opposer droits et devoirs.

C'est pourquoi le PDC vous invite à soutenir, pour le moment, la cadette afin de donner un signe clair de la force de notre démocratie. N'ayons pas peur. (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers (Ve). Je me permets d'intervenir une nouvelle fois dans ce débat pour apporter peut-être quelques réponses à certaines questions qui ont surgi.

La question peut-être la plus importante est celle de la prétendue opposition entre naturalisation et droits politiques communaux. Si un individu veut participer à la vie de ce pays, s'intéresser à la vie de son quartier, on peut se demander pourquoi il ne demande pas la nationalité suisse. C'est une excellente question et nous devons répondre qu'il faut favoriser la naturalisation.

L'enjeu, en fait, n'est pas là. D'une part, contrairement à ce que certains croient, la naturalisation n'est pas le couronnement de l'intégration. Mesdames et Messieurs libéraux et UDC qui répétez sans cesse cet argument, sachez que c'est un mythe.

Récemment, lors d'un débat à la radio, un jeune UDC a fait un parallèle entre naturalisation et permis de conduire. Il relevait qu'on apprend d'abord à conduire et qu'ensuite on obtient le permis qui est le couronnement du fait que l'on sait conduire. On sait très bien, Mesdames et Messieurs les députés, qu'on passe le permis de conduire avec des connaissances minimales certes, mais que l'apprentissage se fait surtout sur la route et avec la conduite. C'est l'expérience qui permet d'acquérir ces connaissances. Il en va de même de la naturalisation.

Je suis surpris que vous connaissiez peu de naturalisés. Dans mon entourage, les gens qui se sont naturalisés ne s'intéressaient pas à la politique jusqu'à ce qu'ils reçoivent leur passeport. L'acquisition de nouveaux droits produit un intérêt pour la politique. Ils reçoivent chez eux le matériel de vote et doivent se prononcer sur les questions qui leur sont soumises. Ce phénomène fait qu'ils vont commencer à lire la presse, à s'intéresser à nos travaux pour comprendre et pour pouvoir utiliser ces nouveaux droits. Il est évident que la naturalisation est une étape importante du processus d'intégration et elle ne doit pas être bradée. Elle n'est cependant pas l'aboutissement du processus d'intégration.

Les initiatives «J'y vis, j'y vote» prennent le problème sous un angle plus collectif. Que celui qui veut devenir suisse le fasse, mais le problème n'est pas seulement individuel. Il est collectif, c'est un problème de démocratie.

Prenons l'exemple de Meyrin qui compte près de 50% d'étrangers. Il y a eu 30% de participation aux dernières élections municipales. Si on enlève les moins de 18 ans, c'est 13% de la population meyrinoise qui a élu ses autorités. On n'est pas loin des taux du suffrage censitaire. C'est là que réside le déficit démocratique et c'est à ce problème que nous répondons à travers ces initiatives.

En ce qui concerne la double nationalité, M. Pagan et d'autres relevaient que la Suisse avait renoncé à demander aux ressortissants étrangers de perdre leur nationalité pour acquérir la nationalité suisse. Certains pays interdisent toutefois la double nationalité : c'était le cas de l'Espagne il y a peu, c'est encore, à ma connaissance, le cas de l'Allemagne.

Monsieur Pagan, vous avez une vision très administrative de la nationalité. Ceux pour qui le passeport est simplement un bout de papier administratif, cela leur sera égal d'en avoir un ou deux. Mais M. Kunz l'a très bien démontré par son témoignage : ceux pour qui la nationalité est un attachement symbolique et affectif vivent très fortement la cérémonie de naturalisation. En effet, dans naturalisation, il y a le mot «nature» et quand on est naturalisé, on change de nature. Cette portée symbolique et affective de la nationalité fait que, même si on ne perd pas son bout de papier d'origine, devenir Suisse peut constituer un sentiment de renoncement, au moins symbolique, à sa nationalité d'origine. C'est pour cela, comme M. Kunz l'a très bien dit, que les étrangers de la première génération ont de la peine à faire cette demande de naturalisation.

Brièvement, en ce qui concerne l'argument de la réciprocité, on en a beaucoup parlé lors de la précédente campagne, et le résultat, le 4 mars 2001, c'est que l'arrondissement électoral qui a enregistré le plus de votes en faveur du projet de loi du Conseil d'Etat était les Suisses de l'étranger avec 66%. Votre position sur la réciprocité, Mesdames et Messieurs les libéraux, c'est du provincialisme, c'est la position du petit parti libéral qui ne ressemble en rien à celui qu'on a connu par le passé. Qu'est-ce que ça veut dire que ce discours : «Que les autres donnent d'abord des droits aux Suisses et ensuite nous donnerons...»

Nous voyons une Genève plus ouverte, plus progressiste et surtout en avant sur ce genre de questions.

M. Plojoux a envisagé un cas, celui d'un magistrat ou d'un élu étranger qui serait amené à se prononcer sur la naturalisation d'un étranger qui voudrait devenir suisse. Monsieur Plojoux, vous savez très bien qu'un élu n'a pas toujours la qualité de ceux qu'il est appelé à nommer. Tout à l'heure nous avons reçu la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire alors que la plupart d'entre nous n'ont aucune qualité pour siéger là où nous avons nommé ces gens. Il y a une dissociation entre la qualité propre et la qualité des gens que nous sommes appelés à nommer. Et je vous prends au mot, Monsieur, si les conseillers municipaux devaient posséder les qualités nécessaires pour juger quelqu'un qui veut être naturalisé, alors il faudrait exclure les Suisses de naissance, car seuls les étrangers naturalisés sont passés par cette étape-là.

En ce qui concerne, enfin, le système du vote en cascade inauguré par ces deux initiatives soeurs - et non pas jumelles, Monsieur Letellier. Si on part du principe que qui veut le plus veut le moins, on peut conclure que ceux qui votent pour l'aînée sont d'accord avec la cadette. Si la cadette enregistrait un score favorable de 70% et l'aînée un score de 60%, il y aurait trois camps : 30% qui ne veulent rien du tout, 10% qui veulent le droit de vote sans éligibilité et 60% qui veulent les droits complets. Il est donc normal et logique que l'aînée entre en vigueur.

Monsieur Weiss, vous voulez des règles simples et claires, un monde compréhensible : quoi de plus simple que de dire que ceux qui vivent dans notre ville et qui la construisent participent à la gestion de celle-ci. Quoi de plus évident ? Le reste de la Suisse romande le fait, certains cantons depuis longtemps, et il se trouve encore des libéraux pour s'y opposer ici. Vraiment, le parti libéral n'est plus ce qu'il était.

M. François Thion (S). J'ai lu avec intérêt le rapport de majorité. Monsieur Kunz, je crois que c'est la première fois que je vous applaudis depuis que je siège ici. Je vous félicite.

J'ai lu également le rapport de minorité du parti libéral. Je dois dire que je n'ai pas été vraiment étonné. Le parti libéral a une vision de la démocratie assez restrictive : non seulement il s'oppose au droit de vote des étrangers en matière communale, mais il s'est aussi opposé au droit d'éligibilité des fonctionnaires au Grand Conseil. Vous ne voudriez pas que je sois là, je comprends votre réaction.

J'ai lu le rapport de minorité de l'UDC. Je n'ai pas non plus été étonné que l'UDC soit contre le droit de vote et d'éligibilité des étrangers en matière communale. La position est constante. D'ailleurs, l'UDC est aussi contre les projets actuels de naturalisation facilitée. Cela ne m'étonne pas non plus.

En fait, l'UDC a toujours été quelque part contre les étrangers. Elle utilise cette - je ne dirais pas haine - mais xénophobie pour engranger des voix. Sur tout ce qui touche à l'immigration, l'UDC organise à mon avis une désinformation systématique. L'UDC manipule l'information... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Les publicités, les affiches, les encarts dans les journaux sont ignobles. Je veux vous dire, très sérieusement, que le message que vous voulez faire passer - si ce n'est pas vous, ce sont vos amis bien proches - sur les musulmans est erroné. Le musulman terroriste, le musulman intégriste, le musulman inapte à la modernité, cette image me dégoûte, je la trouve scandaleuse. Voilà un peu ce que je voulais vous dire. Je ne suis pas étonné de vos positions, mais franchement elles me dégoûtent.

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais dire à M. Weiss ainsi qu'aux représentants de l'UDC que je suis aussi attaché qu'eux à ma citoyenneté suisse. J'y suis très attaché. J'ai une autre nationalité d'origine et depuis que je suis citoyen suisse, je n'ai pas voulu renouveler le passeport de cet autre Etat parce que précisément, je suis très attaché à ce qui est mon pays.

C'est précisément parce que je suis attaché à mon pays que je comprends totalement que d'autres personnes qui résident ici restent attachées aux leurs. Je comprends donc qu'elles n'aient pas envie de devenir des citoyens suisses et d'entreprendre une démarche qui pourrait leur apparaître en quelque sorte comme un abandon de leur origine à laquelle elles sont très attachées.

Ce qui est paradoxal, c'est qu'on constate que ceux qui restent attachés à leur nationalité d'origine parmi les étrangers qui vivent à Genève sont souvent les plus proches de nous : des ressortissants français, des ressortissants italiens ou espagnols. Ce sont souvent ceux qui viennent des pays les plus éloignés qui ont hâte de devenir suisses. Je trouve que l'on doit respecter des gens qui vivent chez nous et qui contribuent à la prospérité du canton. Ils contribuent surtout à ce climat assez extraordinaire que nous vantons : cette Genève multiculturelle, cette Genève ouverte qui est extraordinaire. Les gens qui viennent ici sont toujours frappés à quel point Genève est ouverte à des gens de tous les horizons.

A partir de là, je trouve qu'il y a un respect à avoir à l'égard de celles et ceux qui vivent depuis de très nombreuses années dans notre canton. L'autre soir, j'étais à la poste de Montbrillant et j'ai parlé avec un Italien dont la femme est suisse. Il est là depuis vingt ans et on voit qu'il est totalement intégré. Voilà quelqu'un qui reste attaché à sa nationalité italienne et qui ne peut même pas se prononcer sur des questions qui le touchent directement dans sa commune.

Je pense que cette situation n'est pas normale. Nous devons faire preuve d'ouverture et ce droit de vote au niveau communal, accordé après un certain nombre d'années de résidence, est un droit minimum que nous devons accorder. C'est dans l'intérêt de tout le monde de pouvoir associer le plus possible nos concitoyens, au sens large du terme, à la gestion de nos affaires.

C'est la raison pour laquelle, bien entendu, l'intégralité des députés de l'Alliance de gauche est favorable aux deux initiatives.

J'aimerais toutefois, à titre personnel, faire une proposition. J'étais de ceux qui, lors du premier débat, considéraient qu'on devait se contenter du droit de vote. Je suis persuadé que si nous avions voté uniquement sur le droit de vote communal, l'initiative ayant échoué de très peu, je pense que ce droit aurait été acquis. Le problème du droit d'éligibilité - j'y suis favorable sur le plan communal - est un problème plus délicat. Ce que je crains - et j'espère que M. Weiss se trompe - c'est qu'en mettant simultanément au vote ces deux initiatives, on risque d'avoir plus de voix négatives qu'on pourrait le penser. J'ai toujours été pour la politique des petits pas, en matière de droits civiques comme en d'autres domaines. Je trouve, Monsieur le président du Conseil d'Etat, que vous devriez réfléchir à faire voter d'abord sur l'initiative du droit de vote et ensuite, plus tard, sur la deuxième initiative. C'était une très bonne idée de lancer les deux initiatives, mais ce serait dramatique que nous perdions une deuxième fois sur une question sur laquelle il serait possible de l'emporter. J'ai l'impression, avec les personnes qui se sont ralliées à l'initiative cadette, qu'un vote favorable est possible sur cette dernière. Je ne voudrais pas que cette initiative échoue, parce qu'on voudrait faire simultanément le second pas qui pourrait être le pas de trop.

M. Guy Mettan (PDC). Beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne voudrais pas prolonger inutilement le débat. Il se trouve que je suis membre du comité d'initiative et j'aimerais rappeler deux arguments qui n'ont pas encore été tellement mentionnés ce soir qui m'ont fait adhérer à ces comités d'initiatives.

Si je suis favorable sur le principe à ces deux initiatives, c'est d'abord par pragmatisme. J'ai simplement constaté, au cours de ma vie de citoyen, que les étrangers à qui on accordait le droit de vote ou qu'on intégrait dans notre communauté devenaient très rapidement plus suisses que les autres suisses. Dès lors, Messieurs de l'UDC, je ne comprends pas votre résistance. Vous avez chez vous, dans vos propres rangs, des exemples parlant - je pense à M. Freysinger, mais il y en a des tas d'autres - de gens qui étaient étrangers et qui, dès qu'on leur a donné l'occasion de devenir suisses, ont même voté pour votre parti parce qu'ils sont devenus plus Suisses que les Suisses. Alors de quoi avez-vous peur ? Monsieur Letellier, vous êtes vous-mêmes un exemple de cela. Je ne comprends donc pas votre résistance.

Nous avons, dans notre législation, deux façons d'intégrer les étrangers. La naturalisation facilitée d'une part et le droit de vote dont on parle maintenant. Vous êtes, Messieurs de l'UDC, opposés aux deux choses, alors même que vous savez vous-mêmes que nombre d'étrangers deviennent suisses parce qu'ils se sentent intégrés, ils se trouvent bien dans notre pays et très rapidement, ils adoptent nos valeurs à 120% plutôt qu'à 100%. Dès lors, vous n'avez pas de crainte à avoir et je ne comprends pas vos réticences à ce sujet. C'est le pragmatisme qui parle.

J'aimerais encore dire une chose. Qui dans ce parlement aurait pu être élu comme député si, à un moment donné, dans l'histoire de sa famille, des gens n'avaient pas accepté une naturalisation facilitée ou une intégration ? Nous sommes tous des étrangers et des descendants d'étrangers et c'est grâce à l'ouverture d'esprit de nos ancêtres que nous sommes aujourd'hui éligibles dans ce parlement. Je ne vois donc pas pourquoi, aujourd'hui, en 2004, nous devrions être plus rétrogrades que nos ancêtres.

La deuxième raison, c'est que j'ai l'intime conviction que le code de la nationalité en vigueur est devenu obsolète. En effet, dans un monde qui est de plus en plus ouvert, de plus en plus globalisé, nous assistons à l'émergence d'une double citoyenneté : une citoyenneté nationale, locale, et une citoyenneté mondiale, universelle.

Nous, comme citoyens, nous avons besoin de ces deux nationalités. Moi, je me sens citoyen de Genève, de ma commune et je me sens citoyen du monde. Alors pourquoi une ville qui se prétend internationale comme Genève refuserait-elle cette double citoyenneté ? Là je me tourne vers nos amis libéraux : votre parti défend la globalisation et refuse cette double citoyenneté ! Il me semble que si nous nous prétendons internationaux, nous devrions ouvrir une brèche en faveur de cette double citoyenneté et admettre qu'on peut être à la fois pleinement citoyen de notre ville et de notre canton et citoyen du monde.

En accordant le droit de vote et le droit d'éligibilité, nous ouvrons cette brèche et nous permettons enfin de ne plus exclure 38% de la population de la participation à notre vie politique.

M. Antoine Droin (S). Ce soir, j'aimerais apporter peut-être un autre regard, surtout par rapport aux deux partis qui sont particulièrement opposés à ces deux initiatives. On a beaucoup entendu de choses ce soir, mais personne n'a parlé de la question de l'ethnocentrisme.

Je pense que trop souvent le regard que l'on pose sur l'autre fait référence à ce qu'on est soi-même et ne prend pas en compte le regard que l'autre peut avoir sur lui-même et celui qu'il peut porter sur notre civilisation. Il me semble que quelquefois, il est important, primordial, qu'on puisse se mettre aussi dans la peau des autres et arrêter de juger à partir de son aspect «bon Suisse».

J'ai entendu ce soir que les initiatives iraient à l'encontre des intérêts de la Suisse. Qu'est-ce que c'est que les intérêts de la Suisse ? En quoi être étranger serait synonyme d'être contre les intérêts de la Suisse ? J'avoue très franchement que je ne comprends pas. Est-ce qu'être suisse c'est être un super-citoyen ? Est-ce que c'est être en-dessus d'un citoyen de n'importe où ?

On a entendu également que la naturalisation est le couronnement de l'intégration. Nous pourrions tous et toutes faire un exemple d'humilité en ne prenant les autres que pour ce qu'ils sont comme hommes et comme femmes en cessant de les traiter d'étranger et de l'exclure pour cela. Les choses iraient bien mieux sans doute.

Je rejoins les propos de M. Mettan : qu'est-ce que la Suisse aujourd'hui dans un monde qui s'universalise, dans une Europe qui est de plus en plus ouverte ? Le monde de demain, ce n'est justement pas l'ethnocentrisme dont je parlais tout à l'heure, mais c'est bien une citoyenneté universelle et je pense que les deux initiatives vont dans ce sens. C'est pourquoi je vous demande de les accepter.

M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de deuxième minorité. J'aurais souhaité, Madame la présidente, pouvoir répondre, le cas échéant, aux propos de M. Pierre Kunz. (Brouhaha.)Peut-être ma connaissance de la loi portant règlement du Grand Conseil est-elle insuffisante... C'est le privilège de M. le rapporteur de majorité de conclure. Bien.

J'aimerais simplement résumer les débats : nous sommes en présence de deux écoles qui s'affrontent. L'une, représentée par l'UDC et le parti libéral, pense que les droits politiques au niveau communal font partie intégrante de la nationalité suisse. Nous devons donc faciliter en quelque sorte l'accession à la nationalité suisse en dehors de laquelle il n'est pas possible d'avoir une activité politique dans notre pays. Cela me paraît absolument normal, cela n'a rien de révolutionnaire. Ce n'est pas du tout dirigé contre les étrangers, c'est simplement conforme à notre ordre juridique actuel. Je me permets à ce sujet de vous renvoyer à l'article 3 de la loi sur l'exercice des droits politiques qui dispose précisément que l'activité politique au niveau communal est réservée aux ressortissants suisses.

Il y a l'autre école qui dit qu'il faut être plus libre, plus généreux, plus ouvert, etc. Je comprends que des gens aient cet avis-là et le défendent. Je ne suis simplement pas d'accord avec eux, ils ne sont pas d'accord avec moi. Il appartiendra au peuple souverain de trancher. Je crois qu'à un moment donné il n'est plus possible de dialoguer, d'échanger, parce que les positions sont clairement établies et on ne peut rien faire pour rapprocher ces deux blocs-là. De notre côté, il y a une question de principe qui est absolument incontournable.

Il n'y a pas de peur de l'UDC vis-à-vis des étrangers. Il n'y a pas de résistance de l'UDC vis-à-vis des étrangers. Je suis même un tout petit peu étonné de la manière dont les étrangers sont traités dans cette enceinte... On parle toujours d'intégration, on parle d'assimilation, mais, dans le fond, les étrangers qui viennent chez nous, on ne leur demande que de respecter notre ordre public et les autres, Suisses comme étrangers. C'est tout. A part cela, on ne veut les contraindre en rien. S'ils ne veulent pas s'intégrer, c'est leur affaire et cela fait partie de leur liberté. Ils ne veulent pas s'assimiler, c'est leur affaire, cela fait partie de leur liberté. Ils ne veulent pas demander le bénéfice de la naturalisation suisse, c'est leur affaire et leur liberté. Je crois qu'il faut savoir aussi respecter l'étranger dans tout ce qu'il a d'original et d'irremplaçable. C'est cela que je voulais vous dire.

Moi, Monsieur Mettan, je suis comme vous un citoyen du monde, mais j'aimerais simplement rappeler que cette notion n'est pas une notion juridique ou politique. Elle vient en droite ligne du philosophe Socrate qui disait qu'avec la recherche de la philosophie, de la sagesse, nous pouvons tous être citoyens du monde parce que, Dieu merci, les vérités fondamentales, transcendantales, unissent tous les peuples du monde quel que soit le régime politique auquel ils appartiennent.

M. Patrice Plojoux (L), rapporteur de première minorité. M. Guérini nous disait tout à l'heure que si une personne ne désire pas acquérir la nationalité, alors qu'elle le peut, il n'y a pas de raison que cette personne devienne un citoyen de deuxième zone. Nous sommes de ceux qui pensons au contraire que le titre de citoyen n'est pas gratuit, parce que ce qui est gratuit, c'est le cas de le dire, est sans valeur. Le titre de citoyen doit faire l'objet d'un désir mutuel et d'une volonté manifestée de celui qui désire l'obtenir.

En ce qui concerne les audaces dont nous devrions faire preuve aujourd'hui, Monsieur Hiltpold, en accordant le droit de vote aux étrangers, il me semble que cela nous ramène à la question de la réciprocité. Parlons de réciprocité justement. Etre citoyen du monde, c'est effectivement un beau projet, mais de nombreux Suisses de l'étranger aimeraient également obtenir les droits que l'on veut donner aux étrangers chez nous. Or, en accordant ces droits, on s'enlève tout moyen de négocier, dans le futur, pour obtenir cette réciprocité. J'aimerais rappeler qu'en Europe ce n'est pas loin donc et beaucoup parmi vous sont de ceux qui aimeraient que la Suisse rejoigne l'Europe, un citoyen étranger ne peut pas être membre d'un exécutif communal, maire ou adjoint, et ce même s'il est européen. C'est le cas en France par exemple. En Europe toujours, le citoyen européen peut effectivement obtenir le droit de vote dans un autre pays, mais il doit choisir le lieu où il veut voter. Il ne peut pas voter dans deux lieux à la fois, il doit donc abandonner un autre lieu. Je crois que ce sont aussi des arguments importants. Ce sont des éléments qu'il ne faut pas galvauder en vue de négociations que nous aurons dans le futur. Il faut permettre à nos négociateurs d'avoir ces arguments en main lorsqu'ils devront s'en saisir.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je crois que la parole appartiendra maintenant aux citoyens lors de la prochaine votation. Ils auront l'occasion de revenir sur ces arguments.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Ce débat a mis en évidence le grand malentendu qui règne au sujet de la citoyenneté. Ce malentendu règne particulièrement dans notre pays qui commence si lentement et aujourd'hui seulement à s'ouvrir à un monde qui change, évolue et grandit si vite.

Etre citoyen, écrit M. Plojoux dans son rapport, c'est appartenir à une cité. Eh bien, Monsieur Plojoux, c'est exactement ce que je pense et ce que pensent les initiants. Pourtant, et c'est la confusion à éviter, la citoyenneté, la qualité de membre de la cité, n'équivaut pas, en tant que telle, à l'appartenance à une nation. Il s'agit de deux échelles très différentes : d'une part l'échelle de la vie quotidienne, de la vie des gens, et, d'autre part, celle du passeport celle de l'appartenance à une nation construite à coup d'actes législatifs dans les meilleurs cas et à coups de fusils dans les autres.

Or, nous avons intérêt, nous avons même besoin, d'une participation accrue des étrangers à la vie de nos communautés, de nos villages, de nos quartiers. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Plojoux, Monsieur Pagan, adopter ces initiatives ce n'est certainement pas faire preuve de générosité, ce n'est certainement pas faire preuve d'humanitarisme, c'est agir dans l'intérêt bien compris de Genève et de son avenir.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je commencerai par un clin d'oeil historique et patriotique. Vous savez tous que nous ancêtres qui vivaient dans cette région étaient les Allobroges. Vous êtes probablement moins nombreux à savoir qu'en gaulois «allobroge» signifie «peuple venu d'ailleurs». S'il y avait, à Genève, autant d'étrangers que le montrent les statistiques, il y a fort longtemps que notre République aurait connu des problèmes extrêmement difficiles. La réalité, nous la connaissons tous, c'est que bon nombre de ces étrangers de passeport sont en réalité des Genevois de résidence, de coeur. Ils travaillent chez nous et contribuent, financièrement, culturellement, au rayonnement de notre cité. S'il y a avait 38% d'étrangers à Genève, c'est-à-dire de gens qui sont complètement à côté de ce qu'est Genève, ce serait totalement invivable. Le fait est qu'il existe cette catégorie d'habitants de ce pays qu'on appelait à Athènes des métèques. Ils étaient là depuis longtemps, ils participaient depuis longtemps, mais ils n'avaient aucun droit démocratique.

Pourquoi sommes-nous dans cette situation et comment pouvons-nous en sortir ? Principalement - et c'est un point sur lequel je me félicite d'une unanimité incluant l'UDC - c'est l'extrême nécessité, sur un territoire limité, de faire les efforts nécessaires pour que la population soit intégrée, qu'elle ait une cohérence, qu'elle ait une capacité à vivre ensemble.

A partir de là, il y a évidemment plusieurs méthodes - Monsieur le président du Conseil d'Etat vous me pardonnerez - il y a les excellents travaux du bureau de l'intégration. De façon plus large et institutionnelle, au début, au milieu ou à la fin de l'intégration, on peut en discuter, il y a la naturalisation. Elle est plus ou moins rapide et facile, plus ou moins conditionnée, on peut aussi en discuter.

L'histoire montre que ceux qui étaient étrangers à Genève, encore étrangers ou déjà devenus suisses, sont parmi ceux qui ont fait énormément pour le rayonnement de notre cité.

Le droit de vote aux étrangers selon les conditions des deux initiatives, ce n'est certes pas la panacée. J'aurais, pour des raisons philosophiques, toutes sortes d'objections à ce système. Pourtant, comme le Conseil d'Etat qui soutient massivement ce projet, je suis arrivé à la conclusion que c'était un des éléments qui permet effectivement d'exister à cette situation très curieuse de Genève, à ce multiculturalisme dont beaucoup ont vanté les qualités. Nous devons développer notre capacité d'intégration et, de ce point de vue, l'octroi du droit de vote aux étrangers comme le droit d'éligibilité, tel que proposés par l'une ou l'autre des deux initiatives, vont dans le sens des intérêts de la République en favorisant la cohésion de sa population. (Applaudissements.)

Le président. Je vais vous donner quelques précisions sur la procédure de vote qui est réglée par l'article 121 alinéa 2 de notre règlement : «Le débat se conclut par un vote sur l'acceptation ou le refus de l'initiative. En cas de refus, le Grand Conseil décide immédiatement de préparer ou non un contre-projet qui peut, le cas échéant, être approuvé lors de la même séance.» Nous allons donc procéder à un vote ou deux selon le résultat du premier. Je vais vous faire voter successivement sur l'IN 122, puis sur l'IN 123. Nous voterons tout d'abord sur l'acceptation de l'initiative 122. Si elle est acceptée, nous passerons au vote sur l'IN 123. Si elle n'est pas acceptée, je vous ferai voter sur le principe du contreprojet. En principe, ce contreprojet devrait être élaboré par la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil qui s'est chargée de l'examen au fond de cette question.

Je vous vois perplexe, Monsieur Grobet, ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'article 121 alinéa 2. En ce qui concerne les problèmes juridiques, je vous regarde toujours parce que, quand vous êtes perplexe, c'est en général mauvais signe... En l'occurrence, j'ai bien lu le règlement.

Je mets aux voix l'initiative 122. (Brouhaha.)L'appel nominal est demandé et largement soutenu.

Mise aux voix à l'appel nominal, l'initiative 122 est acceptée par 45 oui contre 28 non et 2 abstentions.

Appel nominal

Le président. Je mets aux voix l'initiative 123. L'appel nominal est également demandé et soutenu.

Mise aux voix à l'appel nominal, l'initiative 123 est acceptée par 49 oui contre 22 non et 4 abstentions.

Appel nominal

Le président. Vu l'heure tardive, je lève la séance et vous souhaite un bon retour dans vos foyers.

La séance est levée à 23h15.