République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9076
Projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2004 (D 3 70)
PL 9077
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 30)

Préconsultation

M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais en premier lieu remercier Mme Brunschwig Graf - même si parfois j'ai des opinions qui sont différentes des siennes - d'avoir eu le courage, l'honnêteté intellectuelle et même plus de présenter ce qui nous a manqué depuis longtemps, c'est-à-dire un budget qui reflète relativement bien la vérité.

Ce budget permet enfin de réaliser que la situation financière de l'Etat de Genève est désastreuse. Cela, l'UDC l'a clamé depuis deux ans, mais vox clamantis in desertoje ne fais pas d'erreur dans cette citation grâce à mon collègue Weiss.

Il est vain d'espérer rapidement un retour à des années de haute conjoncture comme nous en avons connu récemment. Elles ne permettraient d'ailleurs que d'assurer un équilibre précaire et peu marqué de nos finances cantonales qui n'ont laissé apparaître, pendant quelques années, que des bonis qu'il faut bien qualifier de maigrichons.

Au rythme que nous avons connu depuis trois ou quatre ans - à la condition que les soldes positifs enregistrés aient été réels, ce qui n'est pas certain - l'Etat de Genève en avait pour des décennies avant de sortir du tunnel financier. Une solution sérieuse, qui attaque le mal à la racine, passe par une réorganisation en profondeur de l'appareil étatique. Ce n'est pas en effet en modifiant quelques données du côté des recettes et des dépenses que l'on remettra les choses d'aplomb. Tout au plus trompera-t-on une fois de plus les contribuables. Le problème présente un grand caractère d'urgence, de sorte que le gouvernement et derrière lui l'appareil étatique doivent s'atteler à la tâche sans perdre une minute. Nous ne pouvons pas attendre 2005. L'UDC estime par conséquent que l'exécutif doit remettre l'ouvrage sur le métier et, pour reprendre ses propres termes, passer de l'esprit d'expansion à l'esprit de rigueur dès lundi prochain.

Pour le surplus, et ceci à l'adresse de la gauche, c'est se payer de mots qu'attribuer ces résultats aux diminutions d'impôts votées ces derniers mois. La plus importante d'entre elles d'ailleurs remonte à deux ou trois ans et a été votée par le peuple: il convient de ne pas l'oublier. Si l'on veut sortir Genève du marasme, il faudra cesser de chasser les hauts revenus, poussés à l'exode financier. Ce système ne fait qu'augmenter le chômage.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Plus d'un demi-milliard de déficit; près d'un milliard d'insuffisance de financement avec une aggravation équivalente de la dette de notre canton. Voilà le projet de budget 2004 tel qu'établi par notre Conseil d'Etat. Les socialistes tiennent à dire que ce projet est tout simplement inacceptable en l'état. L'augmentation des dépenses se limite à 1,8% par rapport au budget 2003: elle est principalement due à l'augmentation des besoins de la population et non pas à l'augmentation des prestations de l'Etat à son égard. Nous ne pouvons souscrire à un tel résultat. Le problème se situe au niveau des ressources de l'Etat et tout particulièrement de la diminution des recettes fiscales. Nous ne pouvons que constater les dégâts causés par l'acharnement de la droite à proposer des baisses d'impôts. Les socialistes n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme face au travail de sape - parce que c'est de cela qu'il s'agit - de la droite majoritaire. Celle-ci prétendant avec une belle assurance que la diminution de 12% des impôts cantonaux allait amener plus de recettes par l'affluence massive de contribuables fortunés. Cette prévision s'avère aujourd'hui totalement farfelue. Je tiens à rappeler que l'impact de l'IN 111 entre 1999 et 2002 est de l'ordre d'un milliard de pertes de recettes fiscales; pour être précise, ce sont 1 116 900 000 F d'insuffisance de recettes engendrée par cette initiative. Nous l'avions répété à l'époque sans effet et les chiffres nous donnent hélas raison aujourd'hui. Le canton n'a plus les moyens de financer les prestations à la population: voilà le résultat de vos agissements, Mesdames et Messieurs les députés de droite. Vous avez proposé une réduction d'impôt à la population en prétendant qu'il n'y aurait pas de diminution des prestations. Vous avez même prétendu que les recettes allaient augmenter en raison de la venue de contribuables fortunés. Au mieux, vous vous êtes trompés lourdement par ignorance crasse; au pire, vous avez affirmé des contre-vérités en toute connaissance de cause. C'est donc à vous, aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, de faire des propositions concrètes de réduction de prestations, voire d'augmentation de recettes afin de limiter les dégâts.

Les socialistes s'opposent fermement à toute réduction des prestations sociales à la population ainsi qu'au non-respect des engagements salariaux à l'égard du personnel de l'Etat. En conclusion, nous voterons l'entrée en matière et nous étudierons toute autre proposition visant à réduire le déficit. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Odier (R). Permettez-moi de revenir à fin 2001, au début de l'examen du budget 2002. Je reprends une brochure qui nous avait été délivrée alors par le département des finances était dirigé par Mme Calmy-Rey. Le titre de cette brochure est: «Le système genevois de redressement des finances publiques, une méthode et des résultats». En conclusion, on lit, sous la plume de Mme Calmy-Rey: « A l'issue de cette législature, je crois vraiment que le Conseil d'Etat s'est donné les moyens d'une politique budgétaire durable.»

Aujourd'hui on nous annonce 550 millions de déficit. Le Conseil d'Etat annonce également qu'il crée une délégation aux finances. Certes, il hérite d'une situation dont il ne cache pas l'ampleur du caractère désastreux. Nous ne pouvons que le féliciter de montrer la réalité des chiffres. Ce qui nous étonne, c'est qu'il n'ait rien vu venir et qu'il n'ait pas créé cette délégation aux finances avant. M. Weiss a d'ailleurs posé cette question et le président du Conseil d'Etat l'a esquivée en prétendant qu'il ne la comprenait pas.

Mesdames et Messieurs, ce budget est inacceptable et le groupe radical n'entrera pas en matière!

La diminution des recettes était prévisible: moins 265 millions. De 1991 à 1997, soit en sept ans, les recettes ont augmenté de 450 millions. Deux ans plus tard, elles avaient augmenté d'un milliard. Il s'agissait là - c'était clair - d'une hausse purement conjoncturelle. Nous l'avions dit et nous avions demandé au Conseil d'Etat d'être extrêmement prudent; de ne pas intégrer dans le budget des charges stables, des postes et d'affecter les résultats positifs à la diminution de la dette.

L'augmentation des charges - 336 millions cette année - est notamment constituée par 4% d'augmentation des charges de personnel alors qu'il n'y a pas d'inflation. 4% d'augmentation des charges de personnel y compris le personnel temporaire! Cela tient en deux lignes dans le budget. 90 millions de dépenses générales, soit une augmentation de 26%. Les subventions, elles, augmentent encore jusqu'à 70 millions.

Il y a effectivement un problème de report des charges de la Confédération sur les cantons. Il nous faudra résoudre ce problème d'une manière ou d'une autre. Nous devrons cependant forcément réduire les charges.

Je rappelle cette épée de Damoclès qui est le taux d'intérêt. Actuellement, nous avons un taux stable. Pour ces prochaines années en revanche, on entend dire que ce taux serait plutôt à la hausse. 1% de hausse pèsera 100 millions sur nos dépenses.

Comment allons-nous agir? Pouvons-nous travailler ce budget à la commission des finances? Nous répondons que non. Tout simplement parce que les quinze députés de cette commission n'ont pas les moyens matériels de procéder à cet examen. Ce sont des députés de milice! Ils ne peuvent pas avoir les mêmes informations que le Conseil d'Etat et que les collaborateurs de celui-ci qui sont des professionnels. C'est le budget du Conseil d'Etat et il doit venir avec des propositions. Ceux qui pensent que l'on pourrait travailler en sens inverse sont tout simplement naïfs ou s'opposent à la réduction des dépenses. D'ailleurs ce soir encore on nous a demandé l'urgence pour un projet de loi qui n'est pas urgent compte tenu des problèmes financiers de l'Etat. Il s'agit du projet de subvention pour le MAMCO, pour lequel nous pensons qu'il est surtout urgent d'attendre. (Brouhaha.)

Nous attendons du Conseil d'Etat qu'il vienne devant ce parlement avec des propositions d'économies et de modifications législatives. A ce moment-là, les partis pourront se prononcer sur ces propositions et le débat de fond pourra avoir lieu. M. Hiler nous demande un débat de fond; nous, ce que nous désirons, c'est que le Conseil d'Etat vienne avec des propositions après quoi nous aurons un débat de fond. Il faudra forcément réfléchir au rôle de l'Etat et limiter les dépenses aux tâches essentielles de celui-ci.

Des voix. Lesquelles?

Une voix. Les tâches d'autorité. (Vif brouhaha.)

M. Jean-Marc Odier. J'aimerais dire encore que ceux qui entrent en matière sur le budget tel qu'il nous est présenté aujourd'hui endossent une lourde responsabilité face à la dégradation des finances et face au report des charges sur les générations futures. Ces gens entrent en matière sur un déficit de 550 millions, mais ils ne nous donnent pas de piste pour le réduire. (Hilarité sur les bancs de l'Alternative. Brouhaha.)L'an prochain ne sera pas meilleur, car nous rentrons dans un cycle de baisse des recettes. Si nous ne prenons pas, aujourd'hui, les mesures pour réduire les charges et tendre à un équilibre, nous aurons, d'année en année, un milliard supplémentaire de déficit et d'endettement.

Ne pas entrer en matière sur ce budget, c'est marquer notre volonté politique de façon extrêmement ferme. Nous voulons que le Conseil d'Etat la remarque et qu'il revienne devant ce parlement avec des propositions dont nous débattrons sur le fond. C'est la seule manière de réduire les dépenses pour équilibrer les comptes. (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Au préalable, à l'attention de M. Odier, je précise qu'il n'y a pas de vote d'entrée en matière sur le budget puisqu'elle est obligatoire. Ce budget retournera donc en commission. Celle-ci l'examinera et prendra sa décision.

Au reste, nous avons eu, nous aussi, une réaction très forte au moment de la présentation de ce budget, parce qu'effectivement il y a une série de problèmes politiques qui sont à l'origine de ce budget. Vous ne pouvez pas ignorer, Mesdames et Messieurs, que dans notre société il y a une augmentation des charges - 5000 personnes de plus - il y a les augmentations nécessaires et utiles au développement de notre société dans toute une série de domaines: la formation, la santé, les prestations sociales, le logement, les transports ou la sécurité. Toutes ces charges ne cessent d'augmenter. La vraie question que nous devons nous poser, c'est de savoir si ces charges sont nécessaires et utiles à la population. Si la réponse est oui, eh bien, il nous faut trouver les moyens financiers et les moyens d'organiser le travail pour répondre à ces besoins.

Je vous entends bien, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, nous dire qu'il y a des problèmes avec le budget et qu'il y a un déficit. Evidemment! Regardez la situation politique dans d'autres cantons et au niveau de la Confédération, Mesdames et Messieurs! Monsieur Odier, vous l'avez mentionné justement: la Confédération reporte de nombreuses charges sur les cantons. M. Villiger s'en va aujourd'hui avec 122 milliards de dette. Sa politique a consisté en des cadeaux fiscaux aux riches, en la réduction du droit de timbre tandis que les impôts pressuraient les petits revenus. C'est exactement la politique que vous conduisez depuis quelque temps ici.

Il y a des lois, Mesdames et Messieurs, et le Conseil d'Etat est obligé de les appliquer. C'est un peu simple de voter des lois qui devraient, selon vos théories, grâce aux baisses d'impôts, grâce aux réductions des recettes, augmenter l'activité économique du canton et réduire le chômage. On voit que partout où cette doctrine est appliquée, c'est exactement le contraire qui se passe. Le résultat de votre politique, ce sont des difficultés économiques pour les PME, l'augmentation du chômage, des difficultés financières pour une grande partie de la population. Cette politique qui échoue partout, vous entendez, Mesdames et Messieurs de l'Entente et de l'UDC, continuer à l'appliquer dans ce canton. Nous ne sommes pas d'accord avec cette position et nous la combattrons par tous les moyens politiques.

Il ne suffit pas, Mesdames et Messieurs les députés, de demander au Conseil d'Etat de présenter un meilleur budget: il faut modifier les lois, car la plupart des dépenses sont affectées par le biais de lois que vous ne pouvez pas modifier sans proposer des projets de lois. Or, vous n'avez pas la volonté politique de le faire, puisque vous demandez au Conseil d'Etat de revenir avec un autre budget. Vous savez très bien que cette alternative est mauvaise et qu'elle n'apportera aucune solution.

Pour nous, nous considérons qu'il y a effectivement des besoins à satisfaire et qu'il faut y répondre. Il y a de l'argent dans ce canton, de l'argent qui permet de répondre aux besoins en matière de santé, de prestations sociales et de formation. Il nous faut aller dans cette direction. Cette crise est une crise des recettes et non pas des dépenses. C'est dans cette optique-là que nous corrigerons ce budget. Nous sommes convaincus que la correction de ce budget doit être effectuée par ceux qui sont responsables des lois et de la mise en place de la politique de ce canton, c'est-à-dire par le Grand Conseil.

On ne peut pas chibrer au Conseil d'Etat! En fait, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous voulez renvoyer ce budget à vos amis politiques qui n'ont pas été capables de présenter autre chose que le budget qui nous a été transmis. Je ne vois pas à quoi cela vous amène. C'est une démission politique de votre part! Vous refusez vos responsabilités! Ceux qui, en commission, renverront ce budget au Conseil d'Etat auront refusé de prendre leurs responsabilités politiques, et ce seront les mêmes qui ont mis en place la politique qui conduit au déficit que nous connaissons. C'est cette politique-là qu'il faut corriger. Sans corriger votre politique, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, nous n'arriverons pas à avoir un budget équilibré.

Je terminerai simplement en vous demandant à tous, Mesdames et Messieurs les députés, de bien regarder ce tableau. (M. Spielmann présente un document.)Si vous regardez attentivement ce tableau, vous verrez qu'avec une majorité de gauche au Grand Conseil, on a réussi à inverser complètement la tendance déficitaire. (Hilarité sur les bancs de l'Entente et de l'UDC.)Aujourd'hui on replonge dans le déficit et cela, c'est le fruit de votre politique.

M. Philippe Glatz (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il m'appartient de vous exposer ici, ce soir, la position claire et sans ambiguïté du groupe démocrate-chrétien. Celui-ci estime que ce budget 2004 doit être renvoyé au Conseil d'Etat. (Rumeur.)Il s'agit pour nous d'exprimer un signe fort aux autorités exécutives afin de leur faire savoir que nous ne sommes pas prêts, d'année en année, à accepter sans autre - et je pèse mes mots - un déficit d'une telle ampleur. Je n'y reviendrai pas, les préopinants ont déjà largement décrit les structures de ce budget.

Selon le groupe démocrate-chrétien, ce budget doit être renvoyé au Conseil d'Etat également pour être un peu retravaillé. Nous savons tous dans cette enceinte qu'il sera difficile pour notre autorité exécutive de nous présenter d'ici le mois de décembre un budget modifié à un point tel qu'il n'y apparaîtrait plus aucun déficit. En effet, le budget de l'Etat est la résultante, principalement, d'un grand nombre d'obligations et de contraintes auxquelles l'autorité exécutive ne peut se soustraire. Lorsqu'elle élabore ce budget, elle doit se référer aux lois que nous, Mesdames et Messieurs les députés, avons votées. Ces lois imposent à l'exécutif de remplir certaines missions. Par conséquent, et nous le savons, il sera difficile de nous présenter un budget équilibré d'ici le mois de décembre.

Le groupe démocrate-chrétien ne fait pas du déficit un épouvantail. Il demande cependant que, si le Grand Conseil doit accepter un déficit, celui-ci doit être accompagné de mesures concrètes... préparées par l'exécutif. (Exclamations.)Ces mesures concrètes nous permettrons de nous projeter positivement dans l'avenir, plutôt que de se laisser aller à surfer sur la vague comme vous en avez l'habitude, Monsieur Brunier. Nous devons être assurés qu'un tel budget ne pourra pas se reproduire en 2005 et en 2006. Ce n'est qu'à cette condition que le groupe démocrate-chrétien pourrait éventuellement revenir sur la position qu'il exprime ce soir. Il exigera que l'on nous présente un projet - en quelque sorte un discours de Saint-Pierre en milieu de législature - afin que nous sachions où nous allons dans les années qui viennent. En effet, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser ainsi aller les choses comme le souhaiterait M. Brunier. En conséquence, nous vous demanderons, demain, une fois que la commission des finances se sera prononcée, de renvoyer ce projet de budget au Conseil d'Etat.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts estiment qu'il faut entrer en matière sur ce budget et que la procédure normale soit suivie.

Après la série «Que fait la police?» on pourrait intituler les épisodes de ces derniers temps «Mais que fait la droite?». Ce serait une sorte de petite ronde: on baisse les impôts; une mauvaise conjoncture économique arrive; horreur! le déficit! on diminue les prestations; on obtient un budget plus ou moins équilibré; on baisse les impôts; et ainsi de suite. C'est un peu enfantin, mais c'est bien ce qui se met en place aujourd'hui.

Que se passe-t-il en commission fiscale et que s'est-il passé ces derniers temps? L'initiative libérale visant une baisse d'impôt de 12% a coûté 340 millions de recettes par année, comme l'a dit Mme Grobet-Wellner. Qu'y a-t-il encore devant nous? Quel projet passera encore devant le peuple? L'initiative sur la suppression des droits de succession qui nous coûtera un minimum de 70 millions de francs, voire plus si le jugement sur les forfaits est cassé. Il reste encore de nombreux projets de lois en suspens devant la commission fiscale pour lesquels les baisses de recettes s'élèvent à environ 200 millions. Cela sans parler des reports de charges de la Confédération, sans parler du refus de la majorité, ce soir même, d'examiner le référendum cantonal sur le paquet fiscal fédéral qui amènera une baisse des recettes fiscales de 110 millions par année. Quand l'économie faiblit, l'Etat, qui se doit d'assumer des tâches, voit revenir les déficits. Nous voulons un Etat pérenne qui assume ses tâches.

Que font l'Entente et l'UDC? Elles n'osent même pas assumer devant la population leurs propositions et surtout les conséquences de celles-ci. Quelles sont les prestations à supprimer, Mesdames et Messieurs? Avons-nous eu des réponses ce soir? Aucune. Est-ce plutôt l'aide aux personnes âgées; les subventions aux hôpitaux; les subventions aux TPG? A qui et où? Dites-nous cela, Mesdames et Messieurs! Voulez-vous toucher au statut de la fonction publique?

Des voix. Oui! Oui! (Brouhaha.)

Mme Morgane Gauthier. Voulez-vous toucher aux EMS? Quels sont les domaines prioritaires? Quels sont les critères qui détermineront les coupes? A toutes ces questions, nous n'avons pas eu de réponses. Il y a deux ans que vous avez la majorité et il y a deux ans que nous attendons votre programme, que nous attendons que vous nous disiez simplement ce que vous voulez faire. Votre solution miracle cette année: renvoyer le budget au Conseil d'Etat pour que celui-ci revoit sa copie.

Vous savez pourtant comme nous, Mesdames et Messieurs, qu'un budget est élaboré pendant de longs mois et se construit par un long consensus.

Les dépenses sont en majorité liées aux lois. Que font l'Entente et l'UDC depuis deux ans? Quelles sont leurs propositions de modifications législatives pour diminuer les dépenses? Aucune. Les seules propositions de lois que nous avons visent à diminuer les recettes fiscales!

Quelles sont les raisons de cette situation me direz-vous? Si vous vous attaquiez aux prestations, Mesdames et Messieurs, auriez-vous peur que le peuple ne vous suive pas et descende dans la rue pour dire qu'il n'est pas d'accord? La conclusion, c'est que vous n'assumez pas vos responsabilités et vous «refilez la patate chaude» au Conseil d'Etat en espérant que ce dernier fasse le sale travail à votre place.

Ce que les Verts demandent ce soir, c'est que la procédure normale d'examen du budget soit suivie et qu'un examen attentif et rigoureux soit fait en commission. Sur certaines propositions, nous pourrions éventuellement suivre la majorité, mais nous attendons depuis deux ans des propositions concrètes. Nous attendons que la majorité fasse des choix et assume ses positions. Nous demandons que notre Grand Conseil, qui est l'organe législatif de ce canton, qui est là pour proposer et voter des lois, fasse son travail. C'est ce que nous vous demandons de faire sereinement dès demain. (Vifs applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Je crois que s'il suffisait d'augmenter les impôts pour équilibrer les comptes, le mieux serait que l'Alternative lance une initiative en ce sens. Je me réjouirais que le peuple la rejette illico.

Ce budget, d'autres l'ont dit avant moi, est désastreux et par son déficit et par l'endettement qu'il prévoit. Un peu d'histoire ne sera probablement pas de trop ici. Pendant les années 1991 à 1997, les charges ont augmenté d'environ 500 millions. Cela correspondait à environ 2% d'augmentation par an. De 1997 à 2003, les charges ont augmenté de 4% par an. Pendant les trois dernières années, elles ont augmenté de 6% par an. Si les charges n'avaient augmenté, depuis 1997, que de 2 ou de 2,5% par an, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Nous pourrions croire les propos rappelés tout à l'heure par M. Odier.

Il s'agit donc de tirer profit du passé et de rappeler les méthodes utilisées alors. L'explosion des charges vient d'un certain nombre d'automatismes légaux indifférenciés. Il est temps d'y mettre fin. Cette crise est en effet davantage une crise des charges qu'une crise des recettes, qui malgré l'initiative libérale sur les 12% de réductions d'impôts - initiative plébiscitée par le peuple - sont restées stables. Cette réduction des impôts non seulement a été acceptée par le peuple, mais aurait dû inciter le Conseil d'Etat à un certain nombre de réflexions sur les priorités et sur des réformes structurelles. Je regrette que ces réflexions n'aient pas eu lieu. Au début 2003, alors qu'une proposition visant à reprendre le budget 2003 avait été justement repoussée, on nous avait promis une réflexion de fond pour le budget 2004. Je regrette également que cette promesse n'ait pas été tenue. Au passage, je regrette de même que l'audit, plébiscité par le peuple ne soit pas davantage mis en oeuvre. Il y a donc une absence de réflexion sur les priorités en situation de contrainte; cette dernière étant issue de la volonté du peuple.

Pour prendre deux points qui figurent dans ce budget et qui font état d'une priorité exprimée par le Conseil d'Etat, nous disons oui à l'engagement de nouveaux collaborateurs pour le département de l'instruction publique, car la formation est une mission prioritaire de cet Etat; nous disons également oui aux engagements pour la sécurité des citoyens. Ces engagements doivent pourtant se faire à budget constant, autrement dit sans qu'il y ait augmentation globale du nombre des employés de l'Etat. 2,5% par an - c'est ce qui est demandé - c'est évidemment inférieur à la rotation du personnel. (L'orateur est interpellé.)Monsieur Velasco, permettez-moi de finir!

Le Conseil d'Etat demande un certain nombre de suggestions de notre part. Admettons que des premières réponses puissent lui être fournies, par exemple demain soir. Je signale simplement ici qu'un certain nombre de projets de lois ont été déposés par la majorité. Ils concernent par exemple les subventions ou la loi sur le chômage. D'autres attendent, comme le revenu déterminant en matière sociale - je ne comprends d'ailleurs pas que ce projet n'ait pas encore pu être traité par ce Grand Conseil. A ces propositions s'ajouteront d'autres projets de lois que nous ne manquerons pas de déposer, visant une modernisation du statut de la fonction publique. Je note au passage que le peuple genevois avait accepté une telle loi au plan fédéral. En l'absence d'une réflexion de fond, nous proposerons aussi un frein à l'endettement et un frein aux dépenses.

Le parti libéral et ses députés attendent donc du Conseil d'Etat un programme d'assainissement structurel. Il est quand même étonnant que les Conseils d'Etat de Lucerne, de Zurich et de Berne aient proposé des mesures d'assainissement; que le Conseil d'Etat de Lucerne ait restructuré son administration; que celui de Zurich ait proposé 144 mesures visant à dégager 2,7 milliards d'ici à 2007; que le Conseil d'Etat de Berne ait proposé 400 mesures acceptées par 120 voix contre 60 par le Grand Conseil visant à réduire l'endettement de 100 millions par an. Berne, rappelons-le, est endetté pour le même montant que Genève, soit 11 milliards environ. Pourquoi n'a-t-on encore rien entrepris à Genève? C'est une question qu'il faut poser au Conseil d'Etat et c'est la raison pour laquelle nous n'entrons pas en matière sur ce budget et nous le renvoyons au Conseil d'Etat.

Nous avons un objectif: diminuer le déficit d'environ 250 millions pour cette année. Nous sommes bien conscients qu'il n'est pas possible, d'un coup d'un seul, de réorienter le paquebot étatique. Les choses doivent se faire progressivement, mais il y a manifestement une insuffisance de réflexion de fond. C'est celle-là que nous attendons. Il sera aussi possible de réduire un certain nombre de réalisation de la Fondation de valorisation afin de permettre une baisse de l'endettement de l'Etat. Je crois que, de cette façon, nous aurons pu, d'ici à la fin de 2004, réaliser ce retour progressif vers une meilleure fortune de l'Etat. Au passage, nous aurons diminué, dans une situation délicate, le coût de nos emprunts.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur.

M. Pierre Weiss. En conclusion, la vérité nue est parfois cruelle. Je rends hommage ici, et mes collègues libéraux se joignent à moi, à Martine Brunschwig Graf pour avoir présenté une addition honnête. Avec le poids des chiffres et le choc des graphiques, elle a illustré qu'il y avait une diminution de la détérioration de la marge de l'Etat. Il s'agit maintenant d'aller vers une amélioration réelle de celle-ci.

D'accord donc pour la rigueur si elle commence en 2004. Pour le moment, nous n'en voyons pas suffisamment la trace.

Voici maintenant une proposition, puisque le Conseil d'Etat en demande: on pourrait, sur le plan formel, imaginer qu'une commission mixte soit créée qui regroupe un député par parti, membre de la commission des finances, et le Conseil d'Etat... (Brouhaha.)...afin de suggérer des mesures. Mais je vois à vos réactions ironiques, Mesdames et Messieurs, que vous ne croyez pas que la commission des finances en soit capable. Je retire donc illico ma proposition. Elle aurait permis pourtant d'améliorer notre situation cantonale et d'avoir un budget 2004 que nous pourrions accepter au mois de décembre. Au lieu de cela, nous devrons peut-être commencer l'année 2004 avec des douzièmes provisionnels.

Voilà la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui après la perte de maîtrise qui s'est produite ces cinq dernières années à l'Etat de Genève en ce qui concerne ses finances. (Brouhaha.)Il est temps de reprendre les rênes du char étatique en main. C'est ce que le parti libéral propose.

Le président. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf qui dispose de dix minutes selon l'article 72 de notre règlement.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire en préambule - quelles que soient les opinions des uns et des autres - que le fait d'avoir mis sur la table ce que chacun est prêt à reconnaître de la situation d'aujourd'hui devrait peut-être encourager l'ensemble de ce parlement à se poser la question de savoir comment on sort d'une telle situation.

554 millions de déficit, c'est le signe d'une difficulté, d'une détérioration, d'un endettement et, somme toute, vis-à-vis des marchés financiers, d'une évaluation qui pourrait se révéler beaucoup plus difficile et beaucoup moins avantageuse. C'est pour moi un sujet de préoccupation important parce qu'au-delà de toutes les disputes politiques il y a, pour l'Etat de Genève - en terme d'endettement comme en terme de liberté de manoeuvre pour les dépenses futures - un souci: le souci de ne pas être rattrapé par la machine infernale des intérêts à assumer; des amortissements qui augmentent et en définitive - quelles que soient les opinions dans ce parlement sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire - le souci de ne pas se voir ligoter petit à petit. Chacun d'entre nous devrait donc se demander: que peut-on faire?

Ce budget, quoi qu'on en pense, Mesdames et Messieurs les députés, a demandé un effort au Conseil d'Etat. Vous l'aurez constaté dans la croissance des subventions qui n'a jamais été aussi faible depuis longtemps; dans celle des charges de personnel dont vous avez vu qu'une partie est consacrée à la prise en compte des chômeurs et des occupations temporaires. Cette dernière augmentation n'est pas négligeable dans la progression des dépenses de personnel. On constate peut-être moins les efforts du Conseil d'Etat dans les dépenses générales, j'y reviendrai tout à l'heure.

Au-delà de cela, il y a eu, au Conseil d'Etat, un débat et une réflexion, une prise en considération des réalités. Je dirais au passage que nous vivons dans un canton où les débats politiques - tous partis confondus - ne s'enclenchent jamais avant qu'on ait le problème sous les yeux, et encore de façon particulièrement marquée. Et aujourd'hui, si le Conseil d'Etat a déposé un budget - ce qu'il est obligé de faire avant le 15 septembre - et qu'il a précisément déposé ce budget-ci, c'est qu'il en a débattu assez longuement. Si le Conseil d'Etat a formé une délégation aux finances, ce n'est pas par une volonté cosmétique, mais pour montrer que les mesures à prendre n'étaient pas l'affaire simplement de celle qui est responsable des finances. Lorsque j'ai dit dans la presse l'autre jour que, pour que le budget 2004 soit différent, il aurait fallu s'y prendre en novembre de l'année dernière; lorsque nous avons décidé de prendre des mesures pour 2005 et 2006 au mois de novembre de cette année déjà, c'est parce qu'il est vrai qu'on ne manoeuvre pas un bateau comme l'Etat de la même façon qu'un frêle esquif, même si parfois j'ai l'impression qu'il en est un. Ce n'est pas cosmétique quand nous disons que nous prenons les choses en main et que nous entendons prendre des mesures en profondeur.

C'est pourtant aussi totalement irréaliste de penser que l'on peut diminuer ce budget de 250 millions cette année. Je dis cela clairement.

S'agissant des crises de recettes ou de dépenses, il n'est pas normal d'augmenter les dépenses de 6% par année. Ce n'est pas normal, parce que cela présuppose que l'on puisse augmenter les recettes de 6% par année. Si cela s'est produit dans une période de très haute conjoncture, nous savons les uns et les autres que, même avec un bon rythme conjoncturel et à part quelques surprises, les recettes ne peuvent pas suivre l'évolution des dépenses à ce rythme. Même si c'était possible, l'augmentation des charges dues à la Fondation de valorisation qui nous plombe la dette chaque année quoi qu'il arrive, oblige à dégager une marge de manoeuvre qui nous permette réellement, petit à petit, de réduire la dette. Cette marge de manoeuvre ne peut exister si les dépenses croissent de 6%, même en admettant que les recettes croissent au même rythme et dans la même proportion. C'est la raison pour laquelle j'ai dit, en présentant le budget, que ce n'était pas possible de continuer à ce rythme-là. Si nous avions suivi une croissance de 2,5% depuis l'an 2000 aujourd'hui, nous aurions 500 millions de moins et pratiquement pas de déficit!

C'est pourquoi je vous mets en garde, les uns et les autres, contre les anathèmes et contre la volonté de savoir à qui est la faute. Je n'ai pas entendu, dans ce Grand Conseil, à la veille des élections cantonales de 2001 beaucoup de gens déplorer la diminution d'impôts de 12%! Il est vrai aussi que le Conseil d'Etat a pris à son compte, alors même qu'il y était opposé, la diminution des recettes fiscales. Il a pris à son compte le fait qu'on a pu rétablir les finances, comme cela a été écrit, et en même temps baisser les recettes...

Aujourd'hui, le peuple a voté. J'étais de ceux qui s'opposaient à cette baisse et j'ai pris des risques vis-à-vis de mon propre parti; mais aujourd'hui je dis que ce n'est pas la solution de se lancer des anathèmes de ce genre-là. Je dis aussi autre chose à l'intention de la droite du parlement, comme je l'ai fait en commission des finances: il ne serait pas raisonnable de poursuivre, à la commission fiscale, les travaux sur des projets de lois visant des diminutions de recettes de 100 à 150 millions. Ce n'est pas plus raisonnable que de croire qu'on peut rajouter les 300 millions de baisse acceptés en votation populaire. Là réside une partie de nos débats et une partie des accords que nous devons rechercher.

Au-delà de cela, Mesdames et Messieurs les députés, vous choisirez en commission, puisque vous l'avez convoquée demain, ce que vous entendez faire; mais il y a une chose qui me paraît importante à vous dire: il est hors de question pour le Conseil d'Etat de recevoir un budget en retour sans savoir ce que vous entendez faire dans les grandes lignes avec le budget. Des deux côtés!

Je dis aussi à la gauche qu'il n'est pas plus simple de rejeter sur la droite la nécessité de réfléchir aux recettes qui n'existent plus; qu'il n'est raisonnable pour la droite de penser qu'on puisse prendre des mesures sans indiquer des pistes. Nous avons dit que nous étions disposés à prendre des mesures. Nous avons dit que nous étions disposés à faire un travail en profondeur. Nous ne sommes toutefois pas disposés à travailler le budget 2004 à la hache.

Pour le budget 2003, il y a eu une forme d'incantation: chacun a voulu croire que le boni était de 80 millions. L'incantation a été très largement partagée tous partis confondus, à l'exception de certaines interventions. Je vous le dis très clairement: les félicitations de tous bords qui sont venues à ce moment-là, chacun les a partagées d'une façon ou d'une autre. Alors aujourd'hui, il ne faut pas se lancer des horions à travers le parlement; il faut prendre sérieusement des mesures. S'engager dans les mesures, ce n'est pas les donner dans les détails; ce n'est pas travailler rubrique après rubrique et croire qu'on va apporter quelque chose. C'est dire assez clairement quels sont les domaines auxquels on veut s'attaquer. Ces domaines-là sont difficiles. Ils sont pleins de risques, mais ils doivent au moins être évoqués. Autrement, il règne toujours les mêmes phantasmes à l'intérieur du parlement. J'exigerai tout de même, au nom du Conseil d'Etat, que dans le débat que vous avez prévu d'avoir ou que vous envisagez d'avoir, vous ne vous contentiez pas d'évoquer des chiffres, mais que vous soyez clairs sur ce que vous souhaitez faire.

Je terminerai cette intervention en répétant ce que j'ai dit au moment de présenter le budget en commission: nous devons passer de l'esprit d'expansion à l'esprit de rigueur. Cela ne demande pas seulement une rigueur financière, mais aussi une rigueur intellectuelle. Celle-ci nous interdit, je l'ai dit, de faire de la cosmétique. Elle nous interdit d'accepter une fois une règle et d'en demander une autre à un autre moment. Elle nous interdit aussi de croire que le miracle se produira éternellement par le biais de la conjoncture. Elle nous interdit enfin de croire que le miracle se produira dans la division du parlement. Vous avez, Mesdames et Messieurs, un travail à faire qui va au-delà de ce débat. Vous avez, les uns et les autres, la capacité d'y réfléchir, d'y travailler. Si nous voulons des finances publiques durables, je ne pense pas, Mesdames et Messieurs les députés, que nous trouverons la solution en se rejetant la faute. On trouvera cette solution si tous les partis font preuve d'un certain courage politique. Pour sa part, le Conseil d'Etat entend assumer ce courage-là. Il le fera dans la durée et c'est dans cet esprit qu'il a déposé ce budget et qu'il entend travailler pour les budgets suivants.

Ces projets sont renvoyés à la commission des finances