République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 466
Rapport annuel de la Commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève (Année 2002)

Débat

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais vous rappeler, alors que nous commençons les discussions concernant ce rapport annuel, qu'il manquait une annexe à ce rapport. Elle vous a été distribuée en complément lors d'une pleinière, il s'agit d'une note du service du Grand Conseil datée du 24 janvier 2003. Cette annexe faisait état de la situation au 30 septembre 2002 des différents objets gérés par la Fondation de valorisation. Il s'agit par ailleurs d'un rapport qui a été soumis et adopté à l'unanimité par la commission de contrôle de la Fondation de valorisation.

J'aimerais toutefois faire quelques commentaires concernant ce que nous avons pu observer à l'intérieur de cette commission. Comme vous le savez, notre commission est chargée de contrôler la gestion de la Fondation de valorisation et de donner un avis sur la réalisation d'un certain nombre d'objets, dont vous trouverez la liste dans le rapport - biens, fonds et propriétés, que ce soient des débiteurs ou des sociétés de portage. Or nous avons pu constater combien le gouffre est énorme, d'une part, et combien la gestion des responsables de la Banque cantonale de Genève a été désastreuse, d'autre part, d'autant que les pertes estimées se situent entre 50 et 55 %. L'Etat a fourni une provision de 2,7 milliards, or 300 millions du budget 2002 ont été consacrés à l'amortissement des pertes dues à cette gestion de la Banque cantonale de Genève.

Ce qui m'a surpris, et que j'ai pu constater au moment de la préparation de mon rapport, c'est qu'en 1999, au moment de l'examen des comptes, il y avait entre 800 et 900 millions de provisions, et la Commission fédérale des banques, estimant que ces dernières n'étaient pas suffisantes, avait demandé 500 millions supplémentaires, ce qui nous fait une somme de 1,4 milliard - somme qui est restée dans la banque. Or lorsqu'on a vu que la situation était beaucoup plus grave qu'on ne le pensait, on est passé par le biais de la création de la Fondation de valorisation et le transfert de 5 milliards et 60 millions de créances. Lorsqu'il y a eu transfert de créances, il n'y a pas eu, en même temps, le transfert des provisions constituées à la BCGe - 1,4 additionnés aux 2,7 fournis par l'Etat donnent un total de provisions supérieur à 4 milliards. Comment se fait-il donc que, pendant des années, la Banque cantonale genevoise ait pu prétendre que les provisions étaient suffisantes et qu'il n'ait fallu, d'après la Commission fédérale des banques, que 500 millions supplémentaires pour régler les problèmes ? Tout simplement - cela crève les yeux quand on voit tout cela, et le Conseil d'Etat a d'ailleurs lui-même déposé une plainte - la conclusion que j'en tire, et je ne suis pas le seul, c'est que les comptes de la Banque cantonale ont été truqués pendant très longtemps!

Concernant les réalisations, le travail de la commission de contrôle s'est accéléré et intensifié parce que nous sommes entrés dans une phase où le marché immobilier s'est davantage développé; notre commission, qui se réunissait une fois toutes les deux deux semaines, parfois un peu plus, a fini non seulement par tenir une séance chaque semaine mais aussi des séances extraordinaires. En effet, les choses prennent une tournure accélérée au niveau des projets de réalisation des différents objets.

Les pertes que nous avons constatées restent toujours de l'ordre de 50 à 55%, malgré une timide reprise du marché immobilier. Jusqu'à présent, on a constaté que très peu d'objets ont été réalisés avec un bénéfice et que, lorsqu'il y en avait un, ce n'était quasiment rien... D'autres objets, par exemple, ont occasionné des pertes qui pouvaient atteindre 70%, même 90% - voire 100% pour certains objets.

Je pourrai répondre à d'autres questions, Monsieur le président, mais voilà ce que j'avais à dire en introduction.

M. Jean Spielmann (AdG). Je crois qu'il est utile, dans le cadre du débat ayant trait à la Banque cantonale, de rappeler quelques éléments.

Dans ce Grand Conseil, et bien avant de prendre connaissance de la situation réelle de la Banque cantonale, nous avons exigé des comptes, nous sommes intervenus par le biais de projets de lois, par la demande d'une commission d'enquête, refusée trois mois avant que la Commission fédérale des banques n'ait commencé à tirer la sonnette d'alarme... Demande de mise en place d'une commission d'enquête refusée par tous les partis du Grand Conseil!

Quand nous avons tiré cette sonnette d'alarme et sommes intervenus à réitérées reprises - le Mémorial en fait foi - pour dénoncer les différentes malversations opérées au sein de la BCGe, nous avons été accusés d'inventer des histoires, de susciter des affaires politiques sans fondement et de dénoncer des personnes sans preuves. Nous pouvons constater aujourd'hui que, si on avait écouté notre demande de commission d'enquête il y trois ans, nous aurions pu éviter une grande partie de la débâcle financière actuelle et permettre le refinancement à un moment où il était encore possible!

De plus, lorsque nous avons demandé la mise en place de la commission d'enquête, il aurait été aussi possible de limiter les dégâts en prenant des mesures. Or qu'avons-nous entendu en réponse à toutes nos interventions? On nous a accusés de susciter un climat politique insupportable et, même, dans ce Grand Conseil, de dénigrer la Banque et de la mettre en danger! Voyez-vous? C'est nous, en dénonçant les scandales - que vous tous reconnaissez aujourd'hui et qui conduisent le Conseil d'Etat de notre République à déposer plainte - qui aurions mis en danger la banque...

Or le pire de tout cela, c'est que vous, sur les bancs d'en face, vous saviez que vous étiez en train de piller la Banque cantonale! Vous saviez, Mesdames et Messieurs, ce qui se passait! Vous nous avez menti et vous nous avez insultés quand vous avez refusé de prendre les mesures nécessaires! Il a fallu que la Commission fédérale des banques commence à mettre son nez dans cette affaire pour que, petit à petit, les choses commencent à prendre une autre tournure.

Je vous rappelle aussi qu'au moment du vote, au moment de la fusion et au moment de la décision de créer de cette Banque cantonale, nous étions intervenus avec de multiples propositions de modifications et d'amendements pour permettre, justement, aux autorités publiques, au Canton et à la population d'avoir leur mot à dire, d'intervenir dans la création de cette banque et de la placer dans des traces différentes de celles laissées par des gens peu scrupuleux à la tête de cet établissement.

Voilà la situation! Et les citoyens genevois la connaissent aujourd'hui puisqu'à peu près 20% de leurs impôts vont servir à rembourser l'argent que vous, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, avez contribué à voler dans la Banque cantonale! Vous êtes complices de cette situation. Vous nous avez insultés, vous avez refusé nos propositions, vous avez fait la sourde oreille et, volontairement, vous avez voulu cacher l'état dans lequel vous avez mis la Banque cantonale! Alors, évidemment que la situation est particulièrement douloureuse aujourd'hui, on le voit par les différents exercices auxquels nous nous livrons pour tenter de sauver ce qui peut l'être encore! Mais la population doit savoir quelle a été votre gestion, de même qu'elle doit connaître les insultes et colibets que vous nous avez adressés lorsque nous avons tenté, dans ce Grand Conseil, de dénoncer des événements que nous soupçonnions. Et il faut qu'un jour ou l'autre ces choses soient dites!

Mesdames et Messieurs, soyez plus à l'écoute et vous aurez moins de problèmes! Mais c'est vrai que votre souci principal est de cacher et de protéger ceux qui pillent les deniers de la République...

M. Claude Marcet (UDC). Suite à ce que vient de dire M. Spielmann, je répondrai premièrement, et sous forme de boutade, que ce ne sont pas les impôts de ceux qui occupent les bancs d'en face qui paient actuellement la casse de la Banque cantonale... (Rires.)

Deuxièmement, Monsieur Spielmann, quand vous dites qu'il y a eu un certain nombre de dérives au niveau de la gestion, je me permettrai de rappeler qu'il y a aussi un certain nombre d'administrateurs qui se trouvent sur les bancs d'en face qui faisaient partie, également à ce moment-là, des organes dirigeants. Et je vous rappelle qu'au niveau du droit, il y a suffisamment d'avocats ici qui vous le confirmeront, la responsabilité du Conseil d'administration est primaire!

Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Le groupe socialiste tient à remercier M. Souhail Mouhanna de la peine qu'il s'est donné afin de rendre l'activité de la commission visible et de donner une forme de publicité appréciable au travail de la Fondation.

Un rapport annuel représente pour nous l'occasion de prendre de la distance vis-à-vis de la dimension opérationnelle, qui nous réunit chaque semaine, et de nous retourner sur ce que nous venons d'accomplir. L'attente résultant de ces contrôles n'a pas été beaucoup explorée: c'est pourtant une commission de contrôle, si l'on se réfère à son intitulé. D'après la loi cantonale, la commission de contrôle de la Fondation de valorisation cumule deux formes de surveillance, c'est dire qu'elle dispose d'un mandat étendu: elle est non seulement chargée, a posteriori, d'apprécier la gestion de la Fondation, mais elle est aussi chargée de donner des avis éclairés sur le cours des affaires.

Quelle est la réalité de l'activité de cette commission de contrôle de la Fondation, quels sont ses moyens? Pour les socialistes, il est important que les conditions de contrôle soient transparentes, afin que ni le Grand Conseil ni les contribuables ne se fassent une image biaisée de ce qu'est ce contrôle parlementaire.

La commission prend connaissance de tableaux, reçoit des fiches, évoque les tendances du marché, qui sont commentées; les représentants de la Fondation nous expliquent les mécanismes de transfert de ces créances. Et si la commission s'intéresse à des cas d'espèces, c'est surtout pour le poids qu'ils peuvent avoir en qualité de précédents sur le fonctionnement des affaires ou sur la formation de propositions ou d'avis éventuels. Notez d'ailleurs que ce ne sont que des avis car ces derniers ne contraignent en rien la Fondation, qui reste maîtresse des décisions!

Dans quelles conditions la commission de contrôle de la Fondation de la Banque cantonale peut-elle se forger des avis ? Mesdames et Messieurs les députés qui ne siégez pas dans cette commission, la commission de contrôle de la Fondation de valorisation n'a pas d'appuis techniques, n'a pas de ligne budgétaire, ce même pour des mandats ponctuels. Cela n'a pas manqué d'amener certains autres députés à affirmer qu'il suffisait de subvenir à ces moyens !

Il n'empêche que les prix des terrains, les estimations de valeur vénale, l'évolution des loyers sont autant d'exemples de paramètres essentiels sur lesquels nous préavisons à la seule lueur de nos consciences et des informations fournies par la Fondation. D'ailleurs, l'effet de chambre d'enregistrement est tellement installé que Mme Künzler peut commencer à préparer ses rapports sur les prochains projets de loi, avant même qu'on les ait abordés en commission.

Une autre question consiste dans le fait de demander ce que la commission de contrôle de la Fondation peut attendre de la Fondation. Dans la doctrine juridique suisse, chez Sailer en particulier, les domaines du contrôle parlementaire qui impliquent une protection de la sphère privée, comme la banque ou la justice, n'empêchent pas l'accès à l'information. Le parlement a le droit d'exiger des éléments, même si ces derniers peuvent être rendus anonymes ou encore faire l'objet d'un rapport spécial si cela est jugé nécessaire. Or, dans l'état actuel des choses, Mesdames et Messieurs les députés, la Fondation ne se transporte bien évidemment pas en commission avec les dossiers. Elle fait circuler les expertises immobilières pendant la présentation des dossiers, elle les récupère et elle repart avec, avant que nous ne délibérions. Par conséquent, si nous avons un doute, une question ou un objet d'évaluation, c'est à choix: ou bien renoncer, ou bien reporter ceci à une séance ultérieure et porter le poids du différé des décisions.

Notez que ce fonctionnement n'a pas que des désavantages: avant l'arrivée des membres de la Fondation, à midi et demie, on n'a que les fiches à lire - comme celles qui figurent au rapport de M. Mouhanna - ce qui nous laisse beaucoup plus de temps pour manger nos sandwichs ou mâchonner notre salade... Dans cette situation, cependant, même si nous bénéficions d'un appui scientifique, même si nous avions des mandataires, ils n'auraient pas beaucoup de documents à se mettre sous la dent, vous en conviendrez.

L'activité de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation est écartelée entre deux courants contradictoires. D'une part celui de la loi, qui déclare explicitement la gestion de la Fondation et la marche des affaires comme champs de contrôle, d'autre part une réalité bien étroite de surveillance parlementaire se traduisant par un survol poli et courtois, chose très tentante pour les miliciens débordés que nous sommes. Dans cette perspective, la fonction de contrôle démocratique devient extrêmement accessoire, de sorte que, vu l'importance d'une valorisation optimale du fait qu'on ne puisse pas confondre l'activité de la Fondation avec celle de la banque, il est temps que nous nous penchions sur les moyens dont nous disposons dans cette opération. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je n'interviendrai que sur l'objet de la Banque cantonale, il est normal que cette question soit évoquée lorsqu'on parle de la Fondation qui doit maintenant réparer les dégâts commis.

J'aimerais répondre, avec bienveillance, à M. Marcet - parce que M. Marcet a été l'une des rares personnes, du côté de la droite, qui a dénoncé à l'époque les falsifications commises par la BCGe - que pour nous il n'y a pas deux catégories de contribuables. Il est possible que les gens que nous représentons - je constate d'ailleurs que vous admettez implicitement représenter les grosses fortunes, puisque vous avez l'air de dire que les contribuables qui payent peu sont dans nos rangs et non dans les vôtres... Quoiqu'il en soit, c'est vrai que nous avons tendance à défendre les petits contribuables, mais sachez, Monsieur Marcet, vous qui êtes un expert comptable, que les impôts étant calculés proportionnellement, le taux d'effort pour un petit contribuable, dans le cadre d'une opération de sauvetage de la Banque, est identique au taux d'effort d'un gros contribuable. Essayons donc de ne pas distinguer deux catégories de contribuables parce que ces derniers sont tous à la même enseigne!

Je voudrais simplement vous donner raison, Monsieur Marcet. Il est vrai que, prima facie, c'est le conseil d'administration qui est responsable de la gestion d'une société, et plus particulièrement d'une banque, mais ce conseil d'administration était un organe croupion qui ne pouvait pas exercer correctement ses fonctions, puisque ses membres ne pouvaient consulter les documents concernant les dossiers discutés que deux heures au plus tôt avant chaque séance. J'ose espérer que la situation a changé depuis lors. Quoique je constate, Madame la conseillère d'Etat, que la Banque cantonale continue à entretenir ce climat de faux secrets, puisqu'une collectivité publique, grande actionnaire de la banque, ne peut même pas obtenir une copie du procès-verbal de l'assemblée générale des actionnaires et qu'il faut se rendre à la banque pour consulter ce document. Mais j'ose espérer que ce n'est qu'une exception. Il subsiste donc un culte du secret à l'égard de documents qui n'ont rien de secret! Voilà le drame, Monsieur Marcet!

Je terminerai en rappelant que, du temps de la Banque hypothécaire, un membre du conseil d'administration - et je suis d'autant plus à l'aise pour le dire qu'il ne provenait pas de nos bancs car nous n'occupions qu'un petit srapontin au Conseil d'administration... Il s'agissait d'un autre strapontin, concédé aux Verts et occupé par un excellent représentant de ces derniers, qui, lorsqu'il s'est permis d'émettre des remarques sur le mauvais fonctionnement de cette banque, qui n'avaient rien à voir avec le secret bancaire, a fait, vous vous en souviendrez certainement, l'objet d'une plainte pénale déposée par la direction de la Banque hypothécaire auprès du Procureur général! Il faut savoir qu'il y a un certain nombre d'administrateurs qui tremblaient à l'idée de pouvoir dire quoi que ce soit quand un «gros» avocat, au sens propre et au sens figuré, menaçait d'une plainte pénale pour violation du secret bancaire!

Je crois qu'il faut un peu relativiser. Sont responsables ceux qui dirigeaient effectivement la banque, soit le comité de banque, le président et le directeur général!

D'ailleurs - et M. Spielmann a eu raison de le souligner - quand les organes n'exécutent pas correctement leur travail, ce que tout le monde savait en l'occurrence, il appartient au pouvoir politique, c'est-à-dire au Conseil d'Etat et au Grand Conseil, de prendre ses responsabilités. Or malheureusement, et c'est là le grand défaut de cette affaire, les véritables autorités de surveillance que sont le Conseil d'Etat et le Grand Conseil n'ont pas voulu, à l'époque, assumer leurs responsabilités!

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de majorité. Je rappelle que ce rapport couvrait la période échéant au 30 septembre 2002. Puisque Mme Gobet-Winiger a bien voulu donner des éléments d'information très importants, ce dont je la remercie d'ailleurs, il faut toutefois compléter ses informations en signalant que plusieurs choses ont surgi depuis le 30 septembre 2002. Par exemple au niveau de la compétence de la commission de contrôle de la Fondation, notamment de saisir l'Inspection cantonale des finances, entre autres, dans le cadre de ses investigations portant sur la gestion de la Fondation et la réalisation d'objets immobiliers.

Comme vous le savez, l'Inspection cantonale des finances ne peut être saisie soit que par le Conseil d'Etat ou par le Grand Conseil, soit par l'une des deux commissions, celle des finances ou celle de contrôle de gestion. La seule commission de contrôle extérieure à ces entités est la commission de contrôle de la Fondation, mais qui n'a pas les moyens de ce contrôle lorsqu'il s'agit d'aller plus loin dans les investigations.

Je signale que nous avons transmis à la commission de contrôle de gestion une demande pour que l'ICF intervienne dans un dossier. La commission de contrôle de gestion s'est étonnée de la requête; pour notre part, nous nous étions demandé si les commissions parlementaires pouvaient saisir, à travers la commission de contrôle de gestion et la commission des finances, la direction cantonale des finances. La question, d'ordre institutionnel, reste posée, et nous ne manquerons pas de nous présenter devant vous pour examiner comment résoudre ce gendre de problèmes lorsqu'ils surviennent.

J'aimerais enfin dire qu'il y a eu plusieurs interventions, qui me donnent envie de répliquer à mon tour, mais je me considère actuellement comme le rapporteur général de la commission de contrôle et je m'impose une certaine réserve pour ce motif.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne reviendrai pas sur les affres qu'a connues la Banque cantonale, mal gérée s'il en est. En tant que simples citoyens, on se sent en droit de poser des questions quant à la gestion effectuée, notamment lorsqu'on constate le montant des gages, s'élevant à 10 ou 20% de la somme prêtée. Nous maintenons malheureusement le cap des pertes autour des 50%; cependant il y a une bonne nouvelle, nous voyons une nette amélioration dans la gestion et une diminution dans les frais bancaires puisque ces derniers diminuent.

Les frais de fonctionnement n'augmentent pas mais la question reste posée de savoir qui, de l'Etat ou de la Banque, les paiera, puisque certains d'entre nous souhaitent que l'Etat paie, en plus, les frais de fonctionnement de cette Fondation. Quant au fonctionnement, c'est toujours difficile, mais je tiens à rappeler que la Fondation de valorisation est responsable de la gestion: elle dispose d'un comité élu, également responsable du contrôle financier établi, et qui a été bien fait. Si nous avons besoin de renseignements, il nous suffit soit de passer à la Fondation de valorisation pour étudier le dossier, soit de consulter les éléments statistiques. Il est vrai que la charge de député étant ce qu'elle est, il est parfois difficile d'examiner les problèmes à fond. Je pense toutefois que le travail effectué est correct; d'ailleurs, bien peu d'acquéreurs entendent payer au-delà du prix, c'est-à-dire que la plupart des dossiers sont bien vendus et non pas en-dessous du prix. Je ne dois faire état que d'un seul regret: celui que l'Etat soit si peu acquéreur des biens dont il pourrait faire des logements sociaux par l'intermédiaire de la Fondation. Au lieu de cela, l'Etat tergiverse, et, contrairement à ce qu'affirmait la droite, il n'y a pas d'étatisation du sol: seuls deux ou trois immeubles sont l'objet d'un achat potentiel. Achetons donc plus d'immeubles, puisque c'est non seulement l'occasion de produire des immeubles HBM à bon prix mais aussi de faire quelque chose de positif de cette débâcle!

M. Claude Marcet (UDC). Monsieur le président, je voudrais répondre à M. Grobet. Je vous prie de m'excuser si ma boutade vous a choqué, je faisais simplement référence à l'excellente publication de la Chambre de commerce, à Genève, selon laquelle 50 000 contribuables ne payaient pas du tout d'impôt, alors qu'une petite part de contribuables s'acquittaient de la majorité des impôts de ce canton.

Vous êtes un avocat compétent, et reconnu comme tel, c'est pourquoi, lorsque vous parlez d'«administrateurs croupions» ou d'administrateurs qui ne pouvaient pas faire leur travail, vous n'êtes pas sans savoir que, de jurisprudence constante du Tribunal fédéral, nul ne peut se prévaloir de sa méconnaissance des faits ou de son incompétence afin de restreindre, voire éliminer sa responsabilité, dans le cadre de la débâcle d'une entreprise. Cela signifie qu'avant d'attaquer Atag, à savoir l'organe de révision de la Banque cantonale, le Conseil d'Etat aurait dû préalablement attaquer la totalité des administrateurs antérieurs de la banque pour leur incapacité à avoir pu ou su gérer.

J'aimerais revenir sur une remarque très pertinente émise par Mme Künzler, qui a dit que, d'après la loi, la Banque cantonale est responsable de la couverture de la totalité des frais de fonctionnement de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale. Cependant, ceci équivaut bien évidemment à ce que, pour la banque, cela soit un engagement conditionnel figurant à son pied de bilan, sans quoi, dès lors que l'on sait que l'annexe aux comptes fait partie intégrante des comptes annuels, cela équivaut ni plus ni moins qu'à un faux dans les titres. Si un petit actionnaire venait à acquérir une action de la Banque cantonale et qu'on lui apprenne que la totalité de ce qu'il pouvait espérer comme plus-value sur ses titres n'équivaudra qu'à un petit dividende, le reste devant financer les pertes de la Fondation de valorisation des actifs, ce petit actionnaire se demandera si, à la lecture du bilan, il n'a pas été trompé. Je vous rappelle que l'annexe aux comptes fait partie des comptes annuels et que, dans cette annexe, la totalité des engagements conditionnels, même s'ils n'ont pas besoin de faire l'objet de la constitution d'une provision pour risque dès lors que le risque n'est pas avéré, doivent malgré tout être présents dans ladite annexe, de manière que le lecteur des comptes puisse avoir l'entier de l'information les concernant.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, je souhaiterais adresser nos remerciements à M. Mouhanna, qui a non seulement exécuté un excellent rapport mais qui, de plus, préside fort bien cette commission. Par ailleurs, je souscris entièrement aux interrogations de ma collègue Me Gobet Winiger sur le sens que cette commission de contrôle devrait avoir à terme.

Même si c'est le résultat d'une fâcheuse affaire financière, je ne pense pas qu'il y ait lieu de refaire ici le procès de la Banque cantonale, il paraît que certains juges s'en chargent de temps à autre. Cependant, je pense que les questions posées quant à l'évolution du rôle et du sens de notre commission par notre collègue mériterait une réponse. Si cette commission ressent le besoin de bénéficier de quelques appuis d'ordre scientifique, c'est probablement le signe qu'elle n'est pas toujours convaincue de la qualité des informations qui lui sont transmises.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Monsieur le président, je ne peux pas continuer de m'abstenir d'intervenir lorsque j'entends les propos de M. Marcet. Parce qu'il ne faut pas que l'on profite du fait que je suis rapporteur. J'aimerais dire à M. Marcet que sa boutade en appelle une autre de ma part: si j'ai bien compris, Monsieur Marcet, puisque la gauche représente des gens économiquement faibles dans l'ensemble, alors ne vous occupez pas du fait que, à l'autre bord, les gens puissent se voler entre eux!

Puisque ce sont les impôts qui doivent compenser les pertes de la Banque cantonale, vous avez fait la remarque que, en tout cas, ce n'est pas à vous, assis sur les bancs d'en face, de payer ces impôts-là. Je trouve que cette déclaration ne correspond pas à ce que vous dites en général - et vous dites beaucoup de choses censées mais, cette fois-ci, cela ne me semble pas correct.

Concernant les interrogations relatives au rôle de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, je crois que notre Grand Conseil devra, à un moment ou à un autre, revoir la loi portant sur le règlement du Grand Conseil afin que la commission de contrôle puisse bénéficier de moyens adéquats.

Depuis le 30 septembre, une intervention a eu lieu de la part de notre commission sous forme d'une lettre au Conseil d'Etat portant sur les éléments que M. Marcet a relevés tout à l'heure, à savoir les engagements de la banque, conformément aux textes qui ont régi le règlement de l'affaire des découverts de la Banque cantonale et du transferts des créances. La commission est active, mais il est évident qu'elle manque de moyens. Ces derniers devront être discutés au sein de Grand Conseil.

Enfin, je tiens à remercier Mme Künzler pour la prise en charge d'un grand nombre de rapports concernant des projets de lois relatifs aux réalisations qui vous sont soumises.

Le président. Je donne la parole à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf. Monsieur Marcet, pour la dernière fois, laissez parler Mme Martine Brunschwig Graf. Votre comportement, qui est télévisé, n'est pas acceptable!

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, heureusement que nous touchons à la fin des objets du département des finances car j'ai constaté qu'ils suscitaient ce matin une animation particulièrement vive au Grand Conseil! Je pense que vous serez soulagés de me voir disparaître dans un moment. Pour l'heure...

Des voix. Non !

Mme Martine Brunschwig Graf. Merci! C'est exactement ce que je souhaitais entendre pour que ma journée soit embellie... (Rires.)Mesdames et Messieurs les députés, plus sérieusement, j'aimerais pouvoir remercier le rapporteur, le président et les membres de la commission, ainsi que la rapporteuse régulière des projets de loi de la Fondation de valorisation. Ils font, tout au long de l'année, un travail dont ils ont relevé les aspects difficiles et parfois ingrats.

Je partage l'avis de celles et ceux qui souhaitent discuter, au sein de la commission, de sa mission et des moyens de l'assurer, mais je voudrais tout de même vous rappeler un élément à l'issue de ces débats.

Nous avons mis sur pied une fondation pour laquelle nous donnons des moyens importants, puisque les frais de fonctionnement sont pris en charge actuellement par l'Etat et font l'objet d'avances remboursables, si possible, par la Banque cantonale. Et nous ne pouvons pas envisager que la commission refasse la totalité du travail qui incombe à la Fondation, vous le savez les uns et les autres.

En revanche, il s'agit de se mettre d'accord sur les informations qui pourraient être utiles aux commissaires, leur permettant ainsi d'avoir le sentiment d'effectuer leur travail au mieux de leur conscience et de ce que leur mandat exigent d'eux. Le travail de la Fondation ainsi que sa responsabilité sont assez considérables, puisqu'il s'agit de limiter au maximum les pertes engagées à l'époque par les actions de la Banque cantonale.

Si nous voulons réussir cette opération, il conviendra, comme vous l'avez fait jusqu'ici, d'éviter de politiser les débats qui se sont engagés autour de cette opération. Il faut que nous nous engagions à ne pas utiliser ce débat comme le lieu et le prétexte d'une tribune politique, parce que cela reviendrait à endommager les actions entreprises jusqu'à maintenant, dont on peut d'ailleurs dire qu'elles se déroulent en moyenne de façon satisfaisante. Notre espoir consiste en ce que la provision placée dans les comptes de l'Etat en 2000 soit inférieure, à l'arrivée, à ce qui a été prévu au départ.

Le débat porte sur le fait de savoir qui doit payer les frais de fonctionnement de la Fondation de valorisation ainsi que sur ce qu'il faut inscrire dans les comptes et dans le bilan de la Banque. Ces questions ont fait l'objet d'une convention qui prévoit que, si la Banque est en mesure de le faire, elle remboursera les avances, après avoir indemnisé les actionnaires. Cette précaution constitue justement ce qui ne fait pas obligation à la Banque, et la Commission fédérale vient de le confirmer. Je rappelle à cet effet que la Commission fédérale ne souhaite pas que ces éléments soient inscrits au bilan. Ceci est un fait, non une supposition, Monsieur Marcet, et nous pourrons en discuter encore une fois, si vous le souhaitez, sur la base des éléments que vous recevrez.

J'aimerais, pour conclure, remercier à nouveau chacun pour le travail accompli en rappelant que la banque a considérablement assaini en termes de contrôle ses organes et son mode de travail, qu'il y a toujours lieu de vérifier que les organes fassent le leur, et que c'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat entend contribuer au travail accompli.

Le président. Il est pris acte de rapport.