République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 429-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat sur les évitements de localités
Rapport de majorité de M. Jacques Jeannerat (R)
Rapport de minorité de Mme Anita Frei (Ve)

Débat

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. La majorité de la commission des transports a relevé avec satisfaction que les cinq projets de traversées de localités sont qualifiés par le Conseil d'Etat de réalisables sur le plan technique. Cette majorité a toutefois relevé que le projet le plus long à réaliser (soit la traversée du Grand-Saconnex) est prioritaire pour le Conseil d'Etat, alors que le projet le plus rapidement réalisable (soit la traversée de Vésenaz) est quasiment à bout touchant, puisque la commission des travaux a voté le crédit de construction il y a quelques semaines. Or, les cinq projets sont importants pour la majorité de la commission. Ils devraient donc tous être réalisés à terme. Leur réalisation va d'ailleurs dans le sens de la volonté des Genevois, qui ont souhaité l'inscription du principe de la complémentarité des transports dans la Constitution au mois de juin dernier.

L'amélioration de la traversée de ces localités non seulement bénéficiera à ceux qui doivent circuler rapidement pour des questions professionnelles, mais permettra de surcroît aux TPG d'être plus performants et donc plus attractifs. Je vous recommande donc de voter ce rapport, comme la majorité de la commission vous le propose.

Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. De nombreuses critiques sont à énoncer sur le rapport émanant du Conseil d'Etat. En premier lieu, si l'étude multicritère n'est certes pas mauvaise en soi, les solutions sont problématiques car la question est tout simplement mal posée: l'étude compare en effet des projets disparates dans le but d'établir des priorités. Les conditions générales reprises dans le rapport du Conseil d'Etat sont pleines de bon sens dans la mesure où elles considèrent que les projets répondant à des intérêts géographiquement élargis et ayant des impacts significatifs sur le trafic en général doivent être prioritaires par rapport à des projets répondant à des intérêts locaux et sans impact prépondérant sur le trafic général. Or, cela me semble être la moindre des choses lorsqu'on parle de deniers publics ! C'est faire preuve d'un minimum de bon sens !

Construire des tunnels et des nouvelles routes est un acte lourd de conséquences, dont les inconvénients sont loin d'être négligeables. Ainsi, les tunnels posent d'énormes problèmes de sécurité, comme l'a prouvé l'actualité de ces dernières années. Il faut en outre tenir compte des impacts urbanistiques causés, par exemple, par les trémies d'accès. Il ne faut pas non plus oublier que les voitures finissent toujours pas sortir du tunnel; il s'agit donc d'un emplâtre sur une jambe de bois. Pour finir, le coût de tels projets s'avère toujours élevé, et cela pour des retours sur investissements relativement faibles. C'est ainsi que la traversée de Vésenaz n'offrirait qu'un soulagement très local, ne concernant que quelques trois cents personnes, alors que la situation resterait identique tant en amont qu'en aval. Ces millions que certains sont prêts à investir pour résoudre ponctuellement - et non durablement - les problèmes réels que connaît la rive gauche sont investis au mauvais endroit d'après la minorité de la commission. L'alternative la plus intéressante nous semble être la mise en place d'une desserte performante par les bus sur la rive gauche.

Construire des tunnels est par ailleurs un non-sens dans l'optique de la complémentarité des modes de transports, car les tunnels sont de véritables aspirateurs à voitures; de telles constructions suppriment également toute volonté du report modal. Nous attendons en conclusion une véritable conception générale des déplacements qui permette de résoudre les problèmes que Genève connaît en matière de circulation et d'offrir une mobilité respectueuse de l'environnement et de la qualité de vie de chacun. Dans l'attente de cette conception générale, je vous invite à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.

Le président. L'interpellation de M. Velasco ayant été reportée, nous traitons actuellement le dernier point à notre ordre du jour. Nous le terminerons cependant ce soir.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste s'est opposé aux conclusions du rapport de majorité, car il n'est absolument pas favorable à ces différentes propositions d'évitements de localités. L'on peut certes comprendre, sur le plan local, que des habitants souhaitent ces ouvrages pour leur confort immédiat. Nous ne sommes cependant pas du tout convaincus que ces ouvrages puissent apporter une solution aux problèmes de circulation; plutôt que de dissuader les automobilistes, ils créeront au contraire de nouveaux afflux de voitures. L'on nous propose donc une fuite en avant, ce qui nous semble être tout à fait contraire au principe du développement durable. Une telle logique devrait également impliquer la fermeture de plusieurs rues de la ville de Genève, car les habitants de la ville subissent des nuisances pires que ceux d'autres communes plus rurales ou des communes qui proposent précisément ces évitements de localités. Les ouvrages projetés sont de surcroît lourds de conséquences pour l'environnement. Il s'agit par ailleurs d'investissements coûteux d'une efficacité minime à l'échelon du canton.

Comme nous l'avons dit à maintes reprises, la solution aux problèmes du trafic routier passe par une meilleure performance des transports collectifs et par des parkings d'échange attractifs. Nous rejoignons donc les conclusions du rapport de minorité: il manque un concept global des déplacements. Ce n'est en effet pas une somme de solutions sectorielles qui permettra de résoudre le trafic à Genève. Nous vous demandons par conséquent de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.

M. Christian Grobet (AdG). La députation de l'Alliance de gauche est également totalement opposée aux conclusions de la majorité de la commission des transports, et tout particulièrement aux propos tenus par M. Jeannerat, qui justifie ces nouvelles réalisations routières en faisant valoir qu'il faut, au nom de la complémentarité, donner davantage d'espace au trafic automobile pour faire face à l'augmentation de ce dernier.

Je tiens en premier lieu à faire part de mon effarement devant le manque total de responsabilité de l'Occident quant au développement du trafic automobile, à la pollution qui en résulte et au problème terrifiant du réchauffement du climat. Nous devons définitivement comprendre que nous ne pouvons plus continuer dans la voie dans laquelle nous nous sommes engagés, car nous faisons totalement fausse route. C'est ainsi que certains citoyens à Lully (aux malheurs desquels je compatis du reste) s'étonnent de constater que la Suisse commence à être confrontée à des problèmes semblables à ceux d'autres pays.

Or, il faut savoir qu'une île du Pacifique est appelée à disparaître prochainement et que, comme l'a montré la publication récente d'une carte dans la presse, de nombreuses côtes vont être submergées par des marées. Le problème du réchauffement climatique est donc véritablement dramatique et il est réellement temps d'agir! Une partie énorme de la banquise de l'Antarctique (plus grande que le Luxembourg) s'est détachée il y a quelques mois, les températures augmentent chaque année, les glaciers régressent et la pluie devient de plus en plus abondante, mais l'on persiste à ignorer ces problèmes ! Venir avec des discours tels que ceux entendus aujourd'hui n'est donc pas seulement contraire au développement durable - que chacun se gargarise à évoquer sur tous les bancs - mais cela contribue à mettre en péril l'avenir de notre humanité. Cela était un sujet sur lequel je voulais insister, car il s'agit du point le plus important de mon intervention - tout le reste n'étant que verbiage. Je poursuivrai néanmoins dans le verbiage. (Huées. Rires.)

Vos cinq projets sont aussi mauvais les uns que les autres. Comme la rapporteuse de minorité l'a indiqué, ces tunnels ne résoudront aucun problème de circulation, car ils ne feront qu'accélérer la circulation...

Une voix. Et il y a les gamins !

M. Christian Grobet. On y reviendra, aux gamins. Si l'on veut réellement protéger le public, il faut mettre en place dans les localités des mesures efficaces de ralentissement du trafic que vous refusez de prendre, et non construire des tunnels routiers qui sont, comme je l'ai appris lorsque j'étais au département des travaux publics, les éléments les plus dangereux. Oui, tu peux rigoler, Bernard ! On a eu toutes les peines du monde à faire admettre à la Berne fédérale les tunnels autoroutiers à Genève, et je dois avouer que je n'aurais jamais imaginé la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc ni, au vu de toutes les mesures de sécurité prises, les accidents qui se sont produits dans le tunnel de Vernier et où on a frôlé le pire. La réalité, c'est que les tunnels routiers - et vous le savez ! - sont des ouvrages particulièrement dangereux. Or, vous voulez créer ces ouvrages dangereux pour gagner au maximum une ou deux minutes sur le temps de déplacement des voitures, temps qui sera perdu un kilomètre plus loin lorsque les voitures seront arrêtées à l'entrée de la ville ! Vous nous demandez donc de réaliser des ouvrages absurdes !

Je constate que la circulation en ville devient absolument impossible tant il y a de voitures. Tout à l'heure, en venant de la gare, j'étais assis dans le tram à côté de deux dames d'un certain âge qui regardaient par la fenêtre au moment de traverser le pont de la Coulouvrenière et qui notaient que l'ampleur du trafic était partout la même. Si vous continuez ainsi, il sera impossible de se déplacer à Genève dans cinq ans ! Vous avez vingt ans de retard, car toutes les villes modernes ont compris que la seule alternative consiste en un développement des transports publics si l'on veut, d'une part, pouvoir se déplacer et, d'autre part, éviter de suffoquer sous les gaz des voitures et de subir le bruit. Je vous rappelle à cet égard que 300 kilomètres de routes genevoises dépassent les valeurs limites de l'ordonnance fédérale sur le bruit.

Le président. Il vous reste 30 secondes.

M. Christian Grobet. Oui. Je conclurai ainsi, car je reprendrai la parole une dernière fois. (Brouhaha.)J'entends en effet dire très clairement ce que je pense du soutien par le Conseil d'Etat d'un projet absurde et coûteux, soit le contournement du Grand-Saconnex, alors que l'on se propose de ramener le tram jusqu'au Grand-Saconnex et de mettre en place un parking d'échange. J'approuve à cet égard Mme Fehlmann Rielle, qui estime que c'est cette politique que l'on doit mener. Voulez-vous vraiment que l'on investisse 100 millions dans un tram ainsi que 100 millions dans un tunnel qui enlèvera au tram une bonne partie de son intérêt ? Je ne comprends pas le Conseil d'Etat, qui me semble être complètement à côté de tous les objectifs fixés par le plan directeur des transports. (Huées.)J'en ai fini pour le moment. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous n'êtes d'ailleurs pas obligé, si vous voulez faire gagner du temps, d'utiliser tout votre temps de parole.

M. Alain Meylan (L). M. Jeannerat a fort bien résumé l'objectif de ce rapport, qui conclut très justement à la faisabilité de TOUS les projets, et c'est bien là que réside l'intérêt de ce projet. C'est pourquoi le groupe libéral soutiendra ce projet et en prendra acte avec plaisir.

Ce rapport a tout d'abord réussi à démontrer la faisabilité de ces projets sur le plan technique, et ceci par des éléments objectifs, c'est-à-dire par une pondération des éléments tant qualitatifs que quantitatifs relatifs à l'économie, à l'environnement, à la sécurité et à la qualité de vie, que d'aucuns semblent oublier lorsqu'il s'agit de prévoir dans les localités ces risques majeurs. Ce rapport tout à fait cohérent fixe certes certaines échelles, les cinq projets n'étant pas tous comparables; ils ont cependant tous été pondérés par rapport à des objectifs et par un bureau tout à fait neutre en la matière.

Il faut absolument soutenir ces projets et réaliser, dans la mesure du possible, les objectifs fixés dans les différentes localités. Quant aux discours tenus ce soir sur l'absurdité de développer de tels projets, je ne suis pas certain que les habitants de Chancy seront très satisfaits d'entendre que certains députés du banc d'en face considèrent que la sécurité n'est pas à l'ordre du jour, ou que la qualité de vie ne doit pas être prise en compte. Quant à la complémentarité des moyens de transports, lorsque le sujet est abordé j'entends fréquemment les députés des bancs d'en face prétendre qu'ils soutiennent cette complémentarité, mais lorsqu'il s'agit de soutenir des éléments la favorisant à Meyrin, au Grand-Saconnex et pourquoi pas à Vésenaz, cela n'est plus le cas. Or, vous avez tous voté, Mesdames et Messieurs les députés, une résolution avec le plan directeur des transports publics qui cherche à donner un concept général des déplacements basé sur la complémentarité. Nous n'avons malheureusement pas pu en discuter dans le cadre de nos travaux sur le contrat de prestation des TPG, mais M. Cramer nous a assuré qu'il viendrait prochainement devant notre commission et devant notre parlement pour nous faire une proposition raisonnable et cohérente.

En conclusion, le groupe libéral soutient pleinement cette résolution et en prendra acte avec plaisir.

Le président. Nous avons encore plusieurs orateurs inscrits: MM. Dethurens, Odier, Bavarel, Grobet, Rodrik, Pagani et Jeannerat. Mme la rapporteuse de minorité va, je pense, également s'inscrire. Si vous êtes d'accord, je vous propose de clore la liste. La parole est à M. Jean-Marc Odier. Essayez d'être concis.

M. Hubert Dethurens . Vous m'aviez donné la parole !

Le président. Excusez-moi, Monsieur Dethurens ! A force de lire la liste, je vous avais omis ! J'en suis désolé. La parole est à vous.

M. Hubert Dethurens (PDC). J'essaierai d'être bref, mais j'en ai tout de même pour un petit moment ! Avant de ressortir l'arche de Noé que nous propose M. Grobet, je tiens à dire que je suis entièrement d'accord avec lui quant au réchauffement de la planète. J'ai cependant appris que les voitures consomment plus d'essence dans les bouchons qu'en roulant, ce qui est contradictoire avec ses propos.

Je souhaite pour ma part recentrer le débat: ce rapport porte sur l'étude de cinq possibilités d'évitements de localités. Je n'ai nulle part lu dans le rapport d'administration que ces possibilités sont bonnes ou mauvaises, car l'administration s'est limitée à nous faire cinq études. Nous en avons ensuite fait l'usage que nous en avons voulu. Le vote en commission était d'ailleurs intéressant, car l'on ne savait pas si l'on votait pour ou contre.

Je prends maintenant le rapport de minorité de Mme Frei. Je souhaite dire à M. Cramer qu'il a des collaborateurs qui sont... ne disons pas nuls mais presque, selon la phrase suivante dudit rapport: «Soulignons tout de même que tous les acteurs de cette évaluation sont des membres de l'administration publique, ce qui oriente et limite sérieusement les résultats». J'espère donc, Monsieur Cramer, que vous changerez les personnes chargées de la réalisation de ces rapports, puisqu'ils semblent être limités !

Concernant certaines solutions préconisées, notamment à Onex qui a renoncé à sa traversée, je dirai: pourquoi pas ? Cependant, prendre des mesures moins invasives, comme le propose le rapport de minorité, signifierait qu'il faille mettre des pots de fleurs sur la route de Chancy, qui est un axe prioritaire. Or, cela est inacceptable, la voie devant être laissée libre sur les grands axes. On prétend par ailleurs que le tunnel de Vésenaz ne serait utilisé que par 300 personnes. Or, j'ai lu dans une étude qu'il serait utilisé par 18 000 véhicules par jour, et j'estime quant à moi à 30 000 le nombre de ses usagers quotidiens. Il ne s'agit donc de loin pas d'une utilisation purement locale.

J'en viens maintenant à Meyrin. M. Grobet nous dit qu'il est scandaleux de développer un tunnel à Meyrin et qu'il vaudrait mieux y développer une voie de tram. Vous avez certes raison; cependant, l'étude indique que le tram n'absorbera pas le supplément de trafic qui sera engendré d'ici dix ans. Ce n'est donc pas une, mais quatre voies de tram qu'il faudrait mettre les unes à côté des autres ! Je rejoins pour ma part M. Meylan sur la question de la complémentarité: nous demandons non seulement le développement d'une voie de tram, mais également l'amélioration du trafic des véhicules privés.

Que vous le vouliez ou non, l'augmentation de voitures aura lieu. Faites donc plutôt une loi interdisant les voitures, mais ne nous ennuyez pas avec l'arche de Noé !

M. Jean-Marc Odier (R). Si le Conseil d'Etat n'avait rien voulu faire, il n'aurait pas agi autrement: cette étude - fort intéressante - date en effet de fin 2001; cela fait donc bientôt une année que cet objet traîne à l'ordre du jour. De plus, la priorité est accordée à l'objet le plus controversé et ayant le moins de chance d'aboutir, soit la route interquartiers. Le projet qui aurait pu être démarré rapidement n'est en revanche pas soutenu.

Lorsqu'on évalue à quelques 40 % l'augmentation des déplacements pour les années à venir, il me semble que tous les modes de transports devraient être développés, et ceci sans les opposer les uns aux autres. Or, depuis deux mois, la commission des transports travaille sur le plan directeur des TPG et son contrat de prestation de 160 millions, qui arrivera en urgence au Grand Conseil; en revanche, l'étude n'a absolument pas été travaillée en commission. C'est pourquoi je propose, tout comme Mme la rapporteuse de minorité, d'adopter une conception générale des déplacements. Depuis des années, Genève mène en effet une politique du coup par coup. C'est ainsi que nous avons voté dernièrement le projet de loi 8148, qui déléguait certaines compétences aux communes et qui constituait un véritable morcellement de la vision d'ensemble que l'on devrait avoir; cela s'avère donc contradictoire. Je conclurai en répétant qu'une vision d'ensemble est absolument indispensable. Cette conception devrait en outre englober non seulement ces cinq projets, mais également la traversée de la rade. J'invite dès lors M. Cramer et les autres conseillers d'Etat à avancer non seulement sur les transports publics, mais également sur un plan directeur des transports individuels. (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Je voulais rappeler à M. Dethurens - il n'est plus présent, mais il doit m'entendre depuis la buvette - qu'il s'agit des 300 habitants de Vésenaz (Manifestation dans la salle.)et non de 30 000 automobilistes qui auraient l'immense plaisir d'aller rouler en braille dans un tunnel. Cela dit, j'ai l'impression que la solution que l'on nous propose, soit mettre des voitures dans un tunnel, ressemble aux habitudes ménagères que nous les hommes - malheureusement majoritaires dans ce parlement - avons de mettre la poussière sous les tapis lorsque nous faisons le ménage. (Huées.)Or, je ne suis pas certain que cela soit la méthode la plus appropriée.

Le président. Messieurs les députés, écoutez l'orateur !

M. Christian Bavarel. La poussière est toujours présente, ainsi que les voitures. Nous avons bel et bien un problème de surplus de voitures... (L'orateur est interpellé.)Et bien entendu un surplus de poussière aussi... Nous avons donc un problème de surplus de voitures, dû à cette circulation qui nous pollue. Il s'agit donc de s'interroger aujourd'hui sur la manière de diminuer la circulation afin que nous puissions tous accéder à la mobilité; la mobilité nous concerne en effet tous, et les solutions préconisées ici ne peuvent pas nous satisfaire.

Je suis extrêmement satisfait de constater ce soir que M. Grobet a finalement compris les problèmes qui se posent... (Commentaires.)...et que l'Alliance de gauche nous soutient sur ce point. Je rappellerai que tout est faisable, mais que tout n'est pas forcément nécessaire. C'est pourquoi nous vous demanderons de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède pour la seconde fois la parole à M. le député Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Je dirai tout de suite à M. Bavarel, que j'apprécie beaucoup mais que je ne connais que depuis qu'il siège dans cette enceinte, que lui non plus ne me connaît pas depuis très longtemps, sans quoi il n'aurait pas dit les sottises qu'il vient de déclarer ! ( Chahut. )Sottises sur moi - je m'empresse de le préciser - pas sur le fond du dossier.

Je voulais revenir sur les cinq projets qui nous sont proposés, et ceci afin de souligner leur absurdité. En effet, les auteurs du projet de loi savent pertinemment que leur projet ne résoudra aucun problème de circulation. Vous avez invoqué comme argument principal la nécessité de réduire les nuisances dans la traversée des villages par des routes d'importance cantonale. Or, votre rapport est totalement dépassé, et l'était déjà il y a vingt ans, puisque j'ai eu connaissance de ces projets routiers lorsque j'étais au département des travaux publics. Je relève d'ailleurs que la commune d'Onex, qui insistait beaucoup pour que l'on mette la route de Chancy en tranchée couverte pour la traversée d'Onex, a finalement compris qu'il s'agissait d'une absurdité et a renoncé à ce projet.

Tous les projets discutés ici sont des demandes sectorielles de communes, demandes qui ne revêtent aucun intérêt cantonal: ce sont en effet des communes qui souhaitent réaliser ces ouvrages, et ceci pour des raisons soi-disant environnementales. Certaines d'entre elles ont finalement compris qu'un tel projet ne tenait pas la route - c'est le cas de le dire ! - et Onex a ainsi renoncé à son projet. Versoix a également renoncé à sa traversée, alors que j'ai reçu pendant plusieurs mois des bouchons dans ma boîte aux lettres pour me motiver en faveur de cette traversée, aujourd'hui abandonnée. Je constate également que la commune de Lancy a eu l'intelligence de renoncer à son projet.

L'on reste donc sur des projets dépassés. L'on nous dit par exemple que le projet de Vésenaz va améliorer la situation. Or, d'après ce que j'ai lu, l'autorisation de construire aurait été annulée par la commission de recours car, selon cette dernière, cette traversée ne diminuerait pas les nuisances, mais les aggraverait. Cela n'est du reste pas difficile à comprendre, puisque le fait d'entrer et de ressortir d'un tunnel provoque un bruit considérable de la part des automobiles. L'on voit donc aujourd'hui que ce projet soi-disant environnemental ne fait que dégrader la situation.

Le contournement de Chancy, qui était une affaire purement locale, n'a aucun intérêt cantonal. Quant à la traversée de Vésenaz, vous savez aussi bien que moi, Mesdames et Messieurs les députés qui vous dites favorables au développement de la complémentarité, qu'un tunnel risque de remettre en cause la réalisation d'une ligne de tram, qui devrait se faire depuis le Port-Noir jusqu'au-delà de Vésenaz: le tram ne pourra en effet passer ni par le tunnel, ni en dessus. (Chahut. Le président agite la cloche.) La réalisation de ce tunnel ne fait donc qu'empêcher la prolongation du tram.

La situation est la même à Meyrin: ce tunnel empêchera le tram ou des transports ferroviaires d'aller jusqu'à Saint-Genis. La dernière absurdité est celle du Grand-Saconnex, où la création d'un aspirateur de voitures ira à l'encontre de la volonté de créer une ligne de tram jusqu'au Grand-Saconnex avec un parking d'échange. En ce qui concerne la route du Grand-Saconnex, vous verrez, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Etat, qu'il y aura un référendum et vous verrez ce que la population décidera sur un ouvrage coûtant plus de 100 millions et impliquant de multiples dommages.

Il est donc vraiment temps, Mesdames et Messieurs les représentants de la droite, de revoir votre copie et d'arrêter de mettre en avant de tels projets en les justifiant par l'amélioration qu'ils procureront à quelques bordiers (car les villages de Vésenaz et de Meyrin ont peu d'habitants). Si vous étiez cohérents, vous devriez faire des tunnels partout en ville pour supprimer toutes les nuisances, car ces dernières y sont bien plus fortes que dans la traversée de Vésenaz ou de Meyrin. Vous voulez favoriser une catégorie de citoyens du canton par des investissements particulièrement coûteux; en revanche, vous vous fichez comme de l'an 40 des habitants de la ville, qui subissent toutes les nuisances de la circulation routière !

Le président. Merci Monsieur. Vous avez parlé durant six minutes, je tiens à le dire pour les bancs d'en face qui s'inquiétaient.

M. Albert Rodrik (S). J'ai écouté avec beaucoup de profit tous les grands ingénieurs de la circulation qui se trouvent dans l'Entente. Je tiens à leur dire que leur définition de la complémentarité des transports est en réalité une supplémentarité des transports privés. Ce canton est rongé par un cancer qui s'appelle «un véhicule pour moins de deux habitants»; or, vous voulez traiter ce cancer avec des tunnels, qui ne sont que ce que l'on appelait autrefois des cataplasmes à la moutarde des sinapismes, qui plus est fort onéreux. Vous ne nous proposez pas une complémentarité, mais la primauté du véhicule automobile partout et toujours ! Ne nous bourrez pas la tasse ! (Applaudissements.) (Huées.)

Le président. La parole est à M. Pagani, puis aux deux rapporteurs, enfin à M. Robert Cramer. Je vous rappelle que la liste est close.

M. Rémy Pagani (AdG). Je constate que ce débat se limite uniquement aux voitures, car un certain magistrat a, à une période donnée, supprimé tous les trams en ville pour laisser la place aux voitures. Donner la priorité aux voitures ne résout malheureusement rien. Je discutais il y a une dizaine d'années avec un ingénieur de la circulation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui faisait remarquer que le véritable problème à Genève résidait dans la configuration géographique de la ville, qui obligeait à la traverser de ponts. Or, selon cet ingénieur, à moins de boucher le Rhône et l'Arve, le problème des transports ne peut pas être résolu ainsi. Nous avons pour notre part développé une autre stratégie depuis plusieurs années, stratégie qui consiste à mettre le doigt sur le mal essentiel de cette ville, soit le déséquilibre entre l'emploi et le logement. Nous avons constaté depuis plusieurs années l'impossibilité de se loger au centre, et ceci en raison de visées spéculatives au centre. Toute une série de personnes ont dès lors été éjectées à la périphérie de la ville, y compris les frontaliers, car le terrain coûtait nettement moins cher et n'était pas suffisamment rentable pour y mettre des bureaux. C'est pourquoi nous nous activons depuis trente ans à combattre ce déséquilibre. Je rappellerai une seule statistique: Genève est la seule ville en Suisse, voire en Europe, à avoir regagné une population au centre-ville. Aussi longtemps que nous n'aurons pas résolu le problème du maintien d'un équilibre plus ou moins convenable entre les emplois et le logement, tant au centre-ville qu'à la périphérie, nous ne pourrons pas maîtriser la question de la circulation, car les 33 000 frontaliers et les 15 000 personnes qui viennent du canton de Vaud continueront de se déplacer en voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.

Ceci étant dit, pour ne prendre que le projet de Chancy, lorsque je vois qu'il s'agit au grand maximum de réguler le trafic pour 16 000 véhicules, j'invite les députés de l'Entente à se rendre à la rue des Deux-Ponts ou au boulevard du Pont-d'Arve, où pas moins de 50 000 à 70 000 voitures circulent quotidiennement. Vous devriez également voir la quantité impressionnante d'enfants traverser ces deux routes le matin. Je trouve dès lors un peu facile de faire du projet de Vésenaz un projet prioritaire alors que d'autres sites dans ce canton (notamment les deux axes que j'ai mentionnés) nécessitent une priorité absolue. Vous trahissez de surcroît vos électeurs, car vous savez que ce projet ne sera pas réalisé avant six ou sept ans, puisque aucun financement fédéral n'est acquis aujourd'hui. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Il est par ailleurs impossible de construire aujourd'hui la traversée de Vésenaz à cause de la pollution qui s'ensuivra car, comme l'a rappelé Christian Grobet, elle ne correspond pas aux normes OPR; cette traversée est donc plus polluante qu'autre chose. Ainsi, vous savez fort bien que, tant en raison du financement fédéral que du respect des normes de pollution OPR, la traversée ne peut être réalisée pour l'instant. Vous allez cependant adresser un recours au Tribunal fédéral et prendre de nombreuses mesures afin d'adapter Vésenaz aux normes qui ont été votées au niveau fédéral. Vous avez également voté en commission cette traversée de Vésenaz, qui faisait partie de votre programme politique. Je trouve pour ma part une telle procédure plutôt cavalière, car elle équivaut à respecter les engagements pris tout en sachant pertinemment que ce projet ne pourra pas être réalisé avant six ans. La gauche ou le Conseil d'Etat se voient ainsi accusés de s'opposer à la traversée de Vésenaz, alors que tel n'est pas le cas. Votre position est donc incohérente, et vous n'abordez pas le véritable problème que constitue le déséquilibre entre l'emploi et le logement - déséquilibre que vous avez maintenu envers et contre tout.

M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs de la minorité, cessez d'être dogmatiques et soyez réalistes: l'amélioration de la traversée des cinq localités dont il est question dans ce rapport ne constitue ni une fuite en avant, ni une réponse à la demande sectorielle de certaines communes; il ne s'agit pas non plus de la primauté des véhicules privés, et encore moins de gagner une ou deux minutes pour traverser le Grand-Saconnex, comme l'a dit M. Grobet.

Vous êtes en faveur du développement des transports publics. Or, le cas du Grand-Saconnex constitue la meilleure illustration de la manière d'améliorer les transports publics. Vous savez fort bien qu'il est impossible de faire monter le tram jusqu'au Grand-Saconnex et à Palexpo dans l'état actuel de circulation de la route de Ferney: un certain nombre de voitures descendent en effet le long de cette route étroite pour se rendre dans le secteur de l'ONU et d'autres organisations internationales. Dès lors, si l'on veut absolument développer les transports publics, comme vous le demandez, il faut impérativement pouvoir traverser de façon plus efficace ces localités. Le Grand-Saconnex est donc l'exemple parfait du développement d'une complémentarité, avec un tunnel pour les véhicules privés et un tram en surface, qui amène les gens du centre-ville au Grand-Saconnex et à la zone d'activité de Palexpo.

Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Je n'aurai besoin que de quelques secondes pour conclure. La Suisse s'est engagée à réduire ses émissions de CO2 d'ici 2010; or, nous ne nous engageons pas du tout dans cette voie. Il faudra prendre nos responsabilités un jour. Je vous rappelle par ailleurs que si quasiment tous les partis politiques présents dans cette enceinte ont inclus le développement durable dans leur programme électoral, peu d'actions concrètes sont prises en faveur du développement durable. Le respect de ce dernier impliquerait que l'on ne prenne pas acte de ce rapport et qu'on le renvoie au Conseil d'Etat.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Votre président m'interrogeait tout à l'heure sur le sens qu'il y avait à prendre la parole dans un débat portant sur un rapport. Il me disait que, le Conseil d'Etat s'étant exprimé par la voie de son rapport, celui-ci ne devrait pas faire l'objet d'un débat d'une telle dimension. Si votre président avait peut-être raison quant au principe, cela n'a assurément pas été le cas quant aux faits !

Si l'on observe les conclusions des rapports de majorité et de minorité, l'on constate que la majorité invite les députés à prendre acte de ce rapport, tandis que la minorité demande le renvoi du rapport au Conseil d'Etat afin que ce dernier réalise un plan directeur. Or, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en train de jeter les bases de ce plan directeur, et cela dans le prolongement du projet de loi portant sur la hiérarchisation du réseau routier - projet de loi qui n'a par ailleurs pas encore été renvoyé en commission. J'ai toutefois annoncé à la commission des transports, dans le cadre de ce projet de loi, que j'avais demandé au conseil des déplacements de réfléchir à un certain nombre d'amendements sur la façon même d'organiser la hiérarchie du réseau routier ainsi que sur quelques autres questions, parmi lesquelles la réalisation en matière de réseau routier du pendant des planifications en matière de transports publics. La nécessité d'une plus grande transparence dans la façon dont nous organisons et nous planifions le réseau routier est ressentie par chacune et chacun. Cette organisation devrait ainsi faire l'objet d'un débat, débat dans le cadre duquel un certain nombre d'options pourront être présentées et validées.

Je suis conscient que le rapport qui vous a été fourni par le Conseil d'Etat sur les évitements de routes ne représente qu'un très faible pas dans la direction de cette planification indispensable. J'espère très vivement être en mesure de vous soumettre les principes selon lesquels cette planification sera faite au plus tard lors du premier trimestre de l'année prochaine.

Un dernier mot pour rappeler qu'un rapport n'est qu'un rapport; tous les projets qui sont contenus dans ce rapport devront faire l'objet de deux projets de loi, portant respectivement sur le crédit d'étude et sur le projet lui-même. Tous ces projets seront ensuite soumis à la discussion de ce parlement, au référendum - comme l'a rappelé le député Grobet - ainsi qu'à toutes les voies de recours pouvant être exercées contre des autorisations de construire. Le présent débat me semble donc bien complet pour des objets dont nous aurons assurément l'occasion de reparler, et à plusieurs reprises.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport par 45 oui contre 24 non et 1 abstention.