République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1489
Proposition de motion de M. John Dupraz demandant l'étude de la création d'une direction des affaires fédérales

Débat

M. John Dupraz (R). Je crois que tout est dit dans l'exposé des motifs. Je n'ai par conséquent pas grand-chose à rajouter à l'appui de cette motion, si ce n'est que c'est à Berne que l'on change les choses (ce n'est pas moi, mais Mme Calmy-Rey qui le dit). Cette motion va dans ce sens, puisqu'elle propose la mise en place d'un auxiliaire pour le Conseil d'Etat et pour Genève afin que nous soyons mieux défendus et que nous obtenions de meilleures décisions de Berne pour notre canton. (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien trouve cette motion très intéressante, car Genève souffre de son éloignement par rapport à Berne, comme on le voit actuellement avec la future élection de Mme Calmy-Rey le 4 décembre prochain (élection que l'on espère réussie). Je crois que Genève a beaucoup d'efforts à faire pour se rapprocher de Berne. Cette motion allant dans cette direction, nous la soutenons et souhaitons que la commission des affaires communales, régionales et internationales s'en occupe.

Le président. La motion suscitant un vif intérêt, de nombreux orateurs se sont inscrits. Je passerai donc la parole à MM. Vanek, Bavarel et Iselin, puis à Mme Brunschwig Graf avant d'arrêter le débat. Monsieur Pierre Vanek, vous avez sept minutes!

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, interrompez-moi à six minutes pour que j'atterrisse en douceur dans le cadre du temps prévu ! Je serai bref, car je n'ai pas l'intention de perdre du temps, ni de vous en faire perdre.

M. Dupraz est l'auteur unique de cette motion pour la constitution d'un organisme de lobbying genevois en direction de Berne. C'est vrai que M. Dupraz est un spécialiste en matière de lobbying sur l'une des questions de la politique fédérale. Je rappellerai cependant que Genève dispose, en matière de représentation à Berne, d'une députation de onze conseillères et conseillers nationaux et de deux représentantes au Conseil des Etats. Ces représentations ont en outre le mérite d'être élues directement par le peuple; elles traduisent donc pour celui-ci - ou du moins pour la part du peuple qui jouit du droit de vote - un certain nombre de positions et de sensibilités politiques et sociales et défendent des intérêts qui ne sont pas forcément tous identiques.

Je suis par conséquent extrêmement sceptique lorsque l'on présente le canton de Genève comme devant défendre «ses» positions, se faire entendre et influencer les décisions à Berne. Notre Genève est en effet diverse et pleine de contradictions quant aux positions politiques relevant des affaires fédérales. Celles-ci ne sauraient être escamotées par l'idée que le canton de Genève ouvrirait en quelque sorte une ambassade à Berne pour être officiellement représentée auprès de nos autorités fédérales. Indépendamment des conseillers nationaux ou aux Etats que j'ai évoqués, les conseillers d'Etat nous représentent par ailleurs dans une série d'instances intercantonales et d'organismes fédéraux et répondent aux consultations qui sont adressées aux cantons. Genève est donc largement représentée en direction de Berne.

Dès lors, si en dépit de nos onze conseillers nationaux, de nos sept conseillers d'Etat et de nos deux conseillères aux Etats nous avons encore besoin de cette ambassade ad hoc que M. John Dupraz propose d'envoyer à Berne pour faire du «lobbying» - terme que je n'aime guère -, cela signifie que l'on est bien mal servi par les éminentes personnalités que j'ai évoquées, ou du moins par ceux et celles qui occupent ces postes. Il faudrait alors peut-être en changer... (Commentaires.)

Le président. Monsieur Dupraz, je vous prie de rester à votre place.

M. Pierre Vanek. C'est pourquoi je vous invite à rejeter cette motion, à ne pas la renvoyer au Conseil d'Etat et à ne pas perdre de temps en commission à se gratter la tête sur la manière de lui donner, le cas échéant, un sort plus honorable que le refus ce soir. Refusons-la, Mesdames et Messieurs, l'on gagnera ainsi du temps ! Et ce temps-là, les gens que j'ai cités pourront le consacrer à faire leur travail à Berne et en direction de nos autorités fédérales.

M. Christian Bavarel (Ve). La Suisse nous semble toute proche - il semblerait même que nous en fassions partie - c'est pourquoi les Verts vous demanderont de renvoyer cette motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

M. Robert Iselin (UDC). Il est certain - et cela est dit par quelqu'un qui appartient aux deux communautés - que les relations de Genève avec ce qu'on appelle Berne ne sont pas ce qu'elles devraient être. Il est également vrai que la députation constituée par les conseillers nationaux et les deux conseillères aux Etats n'est probablement pas suffisamment impliquée dans la vie bernoise pour assurer un bon contact. Bien que je ne sois pas toujours d'accord avec M. Dupraz, son idée me semble être excellente, dans la mesure où l'on ne développe pas à l'excès un service pléthorique et où l'on se contente d'envoyer à Berne une personne, ce qui me semble amplement suffisant. Cette personne devrait simplement comprendre la mentalité - je veux bien qu'elle vous paraisse étrange - de mes compatriotes. Cette personne pourrait en outre venir expliquer de temps en temps à Genève le fonctionnement de la Berne fédérale.

M. Christian Grobet (AdG). Cette motion doit pour le moins être renvoyée en commission si l'on veut entrer en matière, car il n'est guère sérieux d'envoyer une motion contenant une invite aussi vague demandant au Conseil d'Etat de créer une direction des affaires fédérales. L'on constate déjà que M. Iselin propose une autre version d'application de cette motion, puisqu'il conçoit un missi dominiciqui serait établi à Berne, une sorte d'ambassadeur qui interviendrait à gauche à droite et qui se rendrait de temps en temps à Genève. (Brouhaha.)

Je sais, cher collègue, que vous avez des relations outre-Sarine qui ont permis, semble-t-il, d'accélérer l'examen d'un dossier dans un cas particulier. Cependant, pour bien connaître non seulement la Suisse alémanique, mais aussi le fonctionnement du pays, j'imagine mal un fonctionnaire de l'Etat de Genève établi à Berne et faisant un certain nombre de démarches - et encore moins s'adonnant au lobbying ! Cette allusion me paraît d'ailleurs peu adéquate dans cette motion.

En définitive, que signifie la création d'une direction des affaires fédérales, sinon nommer quelques fonctionnaires de plus pour traiter des affaires politiques ? Or, je dis non à cela ! Je ne suis déjà pas convaincu de la nomination de différents délégués par le Conseil d'Etat pour les affaires régionales, les affaires internationales, etc. Je suis encore moins convaincu que la désignation d'un fonctionnaire, aussi bon soit-il, soit de nature à avoir véritablement l'influence que souhaite l'auteur de cette motion. C'est aux représentants politiques et au Conseil d'Etat en premier lieu qu'il incombe d'assurer cette tâche. Le Conseil d'Etat ayant pris la bonne habitude de ne plus avoir de représentant aux Chambres fédérales, il devrait disposer théoriquement de davantage de temps pour ses relations avec Berne.

Je tiens par ailleurs à souligner, en tant que conseiller national, que les dossiers fédéraux deviennent de plus en plus complexes. Imaginer dès lors, comme M. Iselin, qu'il puisse y avoir un Pic de la Mirandole capable d'intervenir sur tous les objets auprès de Berne, non seulement s'avère irréaliste, mais ne ferait que ridiculiser Genève. De plus, même si je ne suis pas toujours d'accord avec les recommandations du Conseil d'Etat, je constate qu'il prépare ses réponses avec grand soin dans le cadre des consultations, et ceci souvent sur des sujets délicats qui nécessitent l'appui de spécialistes. Je ne crois par conséquent pas que l'on puisse confier l'ensemble des tâches à une délégation.

J'aimerais revenir, Monsieur Dupraz, sur l'objet de mon intervention lors de la dernière ou avant-dernière séance du Grand Conseil. Nous avions suggéré dans le cadre d'un projet de loi - qui n'a guère suscité d'intérêt - de créer une sorte de commission avec des représentants des partis, afin de soutenir le Conseil d'Etat et pour que Genève soit plus présente sur certaines questions fédérales qui sont d'actualité. Je remercie à cet égard M. Lamprecht d'avoir donné suite à cette suggestion; en effet, bien que conviée au dernier moment - ce dont M. Lamprecht n'est nullement responsable - notre délégation a fait bonne figure. L'histoire du tri postal montre certes l'intervention décisive des syndicats; je persiste cependant à croire - et M. Lamprecht aura certainement pu le dire au Conseil d'Etat - au rôle non négligeable des interventions des délégations de cantons. Les parlementaires ont par ailleurs la possibilité de tenir un discours différent d'un conseiller d'Etat, ce dernier se devant de respecter certains usages. M. Gygi ne s'attendait en tout cas pas à une telle réception de la part de cette délégation.

En conclusion, si l'on veut faire évoluer la situation, il vaudrait mieux s'interroger sur les moyens d'être plus efficaces sur le plan politique, car le Conseil d'Etat fait fort bien son travail sur le plan technique. Le problème en tant que tel méritant d'être étudié, je suggère que cette motion soit renvoyée en commission. Il serait intéressant que le Conseil d'Etat soit auditionné à l'occasion de l'examen de cette motion, afin qu'il expose la manière dont se développent les relations entre Berne et Genève et les moyens de les améliorer.

Le président. La parole est à Mme Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, qui remplace M. Cramer.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je remplace tout le monde aujourd'hui ! En attendant que les objets du département de l'instruction publique arrivent à l'ordre du jour, vous me voyez fort occupée ! (Commentaires.)

J'aimerais dire deux choses au nom du Conseil d'Etat. En premier lieu, même si chacun possède sa propre idée quant à la solution à adopter, la motion a le mérite de s'interroger sur la façon dont le canton de Genève pourrait non seulement améliorer la défense de ses intérêts, mais également faire clairement entendre sa voix; le Conseil d'Etat en a d'ailleurs débattu à plusieurs reprises. Il n'est cependant pas certain que le terme «direction des affaires fédérales» exprime vraiment cela, pas plus que l'idée d'envoyer un ambassadeur sur place - ambassadeur qui viendrait régulièrement rendre compte à l'«Empire» qui l'a envoyé à Berne. Le Conseil d'Etat est prêt à recevoir la motion si vous en décidez ainsi, tout comme il est prêt à participer à des débats en commission si vous en jugez autrement.

J'aimerais souligner un deuxième élément qui permettrait à Genève de bénéficier au maximum des échanges avec la Confédération et qui nous paraît beaucoup plus important que d'envoyer une personne à Berne; cet élément a d'ailleurs déjà été esquissé dans cette assemblée. En préliminaire, je dirais que le canton de Genève souffre parfois d'un déficit d'image, déficit très souvent dû à notre propre comportement et à une certaine propension à définir Genève, avec ses quatre kilomètres de frontière, comme un canton si différent des autres cantons confédérés qu'il n'a pas à participer ni aux préoccupations, ni à la solidarité confédérales. Or, ceci constitue un obstacle majeur pour les personnes qui travaillent sur le plan fédéral. Les députés doivent accepter, comme certains l'ont dit, que les conseillers d'Etat aient une activité intercantonale et une présence fédérale (je ne parle pas de présence élective) importante. De nombreux dossiers intercantonaux ou en lien étroit avec la Confédération se traitent en effet à Berne, ce qui implique des conseillers d'Etat un engagement, du temps et des prises de responsabilités dans des organes intercantonaux et en lien avec la Confédération. Cela signifie également que vous acceptiez la présence des conseillers d'Etat dans ces organes ainsi que les aménagements nécessaires en termes de disponibilité puisque, comme vous l'aurez compris, l'on ne peut être partout à la fois. J'ajouterai que certains horaires de votre Grand Conseil et certaines de vos décisions ne sont pas nécessairement de nature à faciliter l'exécution de ces mandats.

Mesdames et Messieurs les députés, vous déciderez vous-mêmes du sort de cette motion. Cependant, dès lors que vous souhaitez la traiter en commission, nous vous recommandons de prendre en compte tous les aspects de la problématique. Ce n'est en effet pas un fonctionnaire - fut-il le meilleur - qui pourra obtenir des décisions de nature politique auprès du Conseil Fédéral; en revanche, des personnes bien habilitées peuvent parfois connaître des arcanes, des dispositions fédérales et des modes de subventionnement qui font parfois défaut à notre canton.

M. John Dupraz (R). Je remercie le Conseil d'Etat pour sa prise de position. Cette motion, Monsieur Grobet, est sans prétention. Je constate - et je n'accuse personne - qu'il y a un manquement entre Genève et Berne. Dès lors, comment faire pour être le plus efficace ? J'ai proposé cette solution à l'image de la direction des affaires extérieures. Il est vrai que si les conseillers d'Etat pouvaient se libérer pour être plus présents à Berne, cela serait certainement mieux. Cependant, je tiens à rappeler à M. Vanek, qui s'interroge sur ce que font les onze députés du Conseil National, que nous sommes des miliciens et que nous ne pouvons pas tout faire !

Cette motion a uniquement et modestement pour objectif de poser le problème et d'y trouver la meilleure solution possible. J'ai proposé d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat, car cela me semblait le plus rapide. Si elle est renvoyée en commission, cela engendrera des périphrases et des auditions qui n'amèneront aucun élément nouveau par rapport au rapport du Conseil d'Etat. C'est pourquoi il me semble plus efficace et plus direct d'envoyer ladite motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Le renvoi à la commission des affaires régionales ayant été demandé, je le mets aux voix en priorité, conformément à notre règlement.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires communales, régionales et internationales.