République et canton de Genève

Grand Conseil

No 6/I

Jeudi 15 février 2001,

nuit

La séance est ouverte à 20 h 30.

Assistent à la séance : MM. Carlo Lamprecht, président du Conseil d'Etat, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf et Robert Cramer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

RD 395
2. Hommage à M. Lucien Piccot, député de 1969 à 1981 (DC), décédé. ( )RD395

La présidente. Nous avons appris le décès de M. Lucien Piccot, ancien député. M. Piccot, né en 1916, fut élu en 1969 et siégea sur les bancs du parti démocrate-chrétien jusqu'en 1981. Pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer un instant de silence.

(L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)

3. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et M. Micheline Calmy-Rey et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Anne Briol, Nicole Castioni-Jaquet, Alexandra Gobet, Yvonne Humbert, Pierre Meyll et Walter Spinucci, députés.

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

E 1054-1
5. a) Prestation de serment de M. François Micheli, élu juge assesseur au Tribunal des baux et loyers. ( ) E1054-1
 Mémorial 2001 : Election, 679.
E 1059-1
b) Prestation de serment de M. François Chaix, élu juge à la Cour de justice. ( ) E1059-1
 Mémorial 2001 : Election, 679.

MM. François Micheli et François Chaix sont assermentés. (Applaudissements.)

 

M. René Koechlin (L). Madame la présidente, simplement une requête d'ordre. Je vous serai extrêmement reconnaissant, à vous et au Bureau, de faire en sorte que les huissiers fassent maintenir le silence dans la salle des Pas Perdus pendant les prestations de serment. Le bruit et les éclats de voix que l'on entend pendant ce genre de cérémonie sont inconvenants !

M. Claude Blanc. Surtout de la part de députés libéraux !

M. René Koechlin. Peu importe qui c'est !

La présidente. Vous avez raison, Monsieur le député ! On pourrait cependant attendre des députés, lorsqu'ils arrivent et que les portes sont ouvertes, qu'ils se montrent un peu moins bruyants. Mais nous y veillerons !

PL 8453
6. Projet de loi du Conseil d'Etat sur le revenu minimum de réinsertion et sur les contre-prestations des bénéficiaires. ( )PL8453

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 But

1 Afin de favoriser l'insertion sociale, les personnes qui sont sans ressources suffisantes ont droit à un revenu minimum cantonal de réinsertion, accompagné d'une contre-prestation.

2 Les prestations d'aide sociale qui garantissent le revenu minimum de réinsertion sont des prestations sociales à caractère non contributif, financées par l'impôt. Elles sont subsidiaires à toute autre prestation versée au demandeur et aux membres du groupe familial, en particulier aux prestations des assurances sociales et aux autres prestations sociales, fédérales, cantonales et communales.

3 L'Hospice général est l'organe d'exécution de la présente loi.

Art. 2 Bénéficiaires

1 A l'exclusion des personnes qui sont au bénéfice de l'assurance-vieillesse et survivants, des personnes qui sont au bénéfice de l'assurance-invalidité, des étudiants et des requérants d'asile, ont droit au revenu minimum cantonal de réinsertion les personnes majeures :

2 Le demandeur suisse doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, en qualité de contribuable, durant les 5 années précédant la demande prévue à l'article 10.

3 Le demandeur étranger, réfugié ou apatride, doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, en qualité de contribuable, durant les 10 années précédant la demande prévue à l'article 10.

4 En outre, le demandeur âgé de moins de 25 ans, qu'il soit suisse, étranger, réfugié ou apatride, doit observer un délai d'attente de 120 jours.

Art. 3 Revenu minimum cantonal de réinsertion

1 Le revenu minimum cantonal de réinsertion s'élève à 14 668 F par année s'il s'agit d'une personne célibataire, veuve, divorcée, séparée de corps ou de fait.

2 Dans le cas d'un groupe familial, ce montant est multiplié, par personne faisant ménage commun ou par enfant à charge, par :

3 Il peut être complété, dans les limites du barème de l'assistance publique, par des allocations ponctuelles destinées à prendre en charge certains frais, tels que les frais de vêtement, les frais de maladie ou les frais de formation professionnelle.

4 Le Conseil d'Etat indexe par règlement le revenu minimum cantonal de réinsertion au taux décidé par le Conseil fédéral pour les prestations complémentaires fédérales.

Art. 4 Conditions

Ont droit aux prestations d'aide sociale les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu annuel minimum cantonal de réinsertion applicable.

Art. 5 Revenu déterminant

1 Le revenu annuel déterminant comprend :

2 Sont assimilées aux ressources du demandeur :

3 Ne font pas partie du revenu déterminant :

Art. 6 Dépenses déductibles

1 Sont déduits du revenu :

2 Le Conseil d'Etat fixe par règlement les limites du loyer maximum et de la pension alimentaire prises en compte.

3 L'Hospice général et le service de l'assurance-maladie sont autorisés à demander à l'assureur-maladie du demandeur toute information au sujet des cotisations qu'il doit acquitter.

Art. 7 Fortune

1 Sous déduction des dettes dûment justifiées, sont notamment considérés comme fortune du demandeur les éléments suivants, évalués conformément à la législation fiscale genevoise :

2 Les diminutions et les exonérations prévues aux articles 7, lettre e, et 15 de la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP-III) - Impôt sur la fortune, du 22 septembre 2000 ne sont pas applicables.

3 Les biens dont le demandeur s'est dessaisi dans les 5 années qui précèdent le dépôt de la demande comptent comme s'ils lui appartenaient.

4 Est assimilée à la fortune du demandeur celle de son conjoint non séparé de corps ni de fait, celle des enfants à charge et celle du concubin.

5 Les biens grevés d'un usufruit ne sont pas considérés comme fortune ni pour le nu-propriétaire ni pour l'usufruitier.

6 Pour les immeubles ne servant pas d'habitation principale au demandeur ou les immeubles situés hors du canton ou à l'étranger, la valeur à prendre en compte est la valeur vénale.

Art. 8 Demeure personnelle

1 Sur demande de l'intéressé, l'Hospice général peut déterminer le montant des prestations sans tenir compte de l'immeuble ou de la partie d'immeuble qui lui sert de demeure permanente, à lui, à son conjoint et à ses enfants à charge pour autant que ce bien soit grevé d'une hypothèque au profit de l'Hospice général.

2 Peuvent être grevés de cette hypothèque les immeubles inscrits au nom du demandeur ou au nom de son conjoint non séparé de corps ni de fait.

3 Cette hypothèque prend rang après celles qui sont inscrites antérieurement. Elle profite des cases libres.

Art. 9 Périodes et dates de référence

1 Pour la fixation des prestations sont déterminantes :

2 En cas de modification importante de ressources ou de la fortune du bénéficiaire, la prestation est fixée conformément à la situation nouvelle.

Art. 10 Demande

1 Les prestations d'aide sociale prévues par la présente loi doivent faire l'objet d'une demande écrite de l'intéressé ou de son représentant légal, adressée à l'Hospice général.

2 La demande doit être accompagnée de toutes les pièces utiles concernant l'état-civil, le domicile, la résidence, les enfants à charge, les ressources et la fortune du demandeur ou des membres du groupe familial.

3 Le demandeur ou son représentant légal doit :

Art. 11 Obligation de renseigner

1 Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'Hospice général tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.

2 En outre, il doit signaler immédiatement à l'Hospice général les droits qui peuvent lui échoir par une part de succession, même non liquidée. La même obligation s'applique à tous les legs ou donations.

3 L'Hospice général peut suspendre ou supprimer le versement de la prestation lorsque le bénéficiaire refuse de fournir ou tarde à remettre les renseignements demandés.

Art. 12 Réexamen périodique

1 Les prestations d'aide sociale sont accordées pour une période de 12 mois au maximum, renouvelable.

2 Un bilan périodique est effectué par l'Hospice général, qui détermine le renouvellement des prestations.

3 Pendant la période d'aide, le bénéficiaire des prestations d'aide sociale doit poursuivre activement ses démarches afin de retrouver un travail et d'améliorer sa situation, notamment financière.

Art. 13 Exclusion du cumul

Les prestations d'aide sociale ne peuvent pas être cumulées avec :

Art. 14 Montant

1 Le montant annuel des prestations d'aide sociale correspond à la différence entre le revenu minimum cantonal annuel de réinsertion applicable et le revenu annuel déterminant du demandeur.

2 Le montant annuel se divise en 12 prestations mensuelles, qui sont versées au bénéficiaire par poste ou par virement bancaire.

Art. 15 Début et fin des prestations

1 Le droit à une prestation d'aide sociale prend naissance le premier jour du mois où la demande est déposée si toutes les conditions légales auxquelles il est subordonné sont remplies.

2 Le droit à une prestation d'aide sociale s'éteint à la fin du mois où l'une des conditions dont il dépend n'est plus remplie.

Art. 16 Modifications de calcul; prestations minimales

1 A chaque stade des calculs prévus par la présente loi, les fractions de franc sont arrondies au franc supérieur pour la fixation des prestations.

2 Les prestations mensuelles minimales s'élèvent à 50 F.

Art. 17 Incessibilité et insaisissabilité

Les prestations sont incessibles et insaisissables.

Art. 18 Paiement à un tiers

1 Lorsque le demandeur et son conjoint ou son concubin n'exercent pas d'activité lucrative, l'Hospice général peut payer le loyer en mains du bailleur.

2 De manière plus générale, lorsque l'ayant droit n'emploie pas les prestations pour son entretien et pour celui des personnes à sa charge ou s'il est prouvé qu'il n'est pas capable de les affecter à ce but, l'Hospice général verse les prestations à un tiers qualifié ayant envers l'ayant droit un devoir d'assistance ou s'occupant de ses affaires en permanence.

3 Les prestations versées à un tiers ne peuvent être compensées avec des créances à l'égard de l'ayant droit. Elles doivent être utilisées exclusivement pour l'entretien de l'ayant droit et des personnes à sa charge.

4 Le tiers qui reçoit les prestations doit faire rapport sur leur emploi à l'Hospice général.

5 Le conjoint est assimilé à un tiers.

Art. 19 Cession du droit ou obligation d'agir

L'attribution des prestations est subordonnée, au choix de l'Hospice général, à la condition :

Art. 20 Prestations perçues indûment

1 Les prestations sont considérées comme perçues indûment lorsqu'elles ont été versées sur la base de renseignements faux, inexacts ou incomplets, fournis par le demandeur ou par son représentant légal.

2 L'Hospice général réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation perçue indûment.

3 Toutefois, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu à remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation particulièrement difficile. Dans ce cas, il doit formuler une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement.

4 En particulier, l'Hospice général peut renoncer à demander le remboursement des prestations versées si, pour des motifs indépendants du bénéficiaire, une succession ou part de succession lui a été effectivement attribuée avec retard.

5 Les héritiers sont solidairement responsables, mais seulement jusqu'à concurrence du montant de la succession.

6 Les remboursements prévus à l'alinéa 2 peuvent être demandés par l'Hospice général dans les 5 années qui suivent le moment où il a eu connaissance du fait qui ouvre droit à remboursement, mais au plus tard 10 ans après la survenance de ce fait.

Art. 21 Mainmise

1 L'Hospice général peut bloquer par écrit en main de toutes personnes, de tous établissements et de toutes administrations publics, les fonds, les valeurs et tous autres biens meubles, appartenant à celui qui est personnellement ou solidairement responsable des sommes dues lorsqu'il y a lieu de craindre le non remboursement de prestations touchées indûment.

2 Tout paiement fait au mépris de cette défense n'est pas opposable à l'Hospice général et rend ceux qui l'ont fait solidairement responsables des sommes dues.

3 Si les prestations prévues par la présente loi ont été accordées dans l'attente de prestations d'une assurance sociale, l'Hospice général peut demander à celle-ci que les arriérés ou les indemnités journalières soient versées en ses mains jusqu'à concurrence des prestations qu'il a fournies durant la période d'attente.

Art. 22 Décès du bénéficiaire; aliénation de l'immeuble

1 Au décès d'une personne qui a bénéficié de l'application de l'article 8, l'Hospice général réclame à sa succession ou aux héritiers qui l'ont acceptée le remboursement des prestations versées dans la mesure où celles-ci ne l'ont été que grâce au jeu desdites dispositions.

2 Les héritiers sont solidairement responsables, mais seulement jusqu'à concurrence du montant de la succession.

3 Toutefois, sur les biens dont le conjoint survivant conserve la jouissance tout en demeurant personnellement au bénéfice de prestations, le remboursement ne peut être demandé qu'au décès dudit survivant.

4 Le remboursement des prestations versées est également exigible en cas d'aliénation de l'immeuble.

Art. 23 Compensation

Les créances de l'Hospice général découlant de la présente loi peuvent être compensées, à due concurrence, avec des prestations échues pour autant que le groupe familial dispose du minimum insaisissable fixé par l'autorité de surveillance des offices de poursuites et faillites.

Art. 24 Contre-prestation

1 Le bénéficiaire du revenu minimum de réinsertion s'engage à effectuer une contre-prestation, qu'elle soit d'utilité personnelle, sociale ou socioprofessionnelle.

2 La contre-prestation est un processus évolutif qui vise l'autonomie personnelle et financière du bénéficiaire ainsi que son intégration sociale. Elle exprime la volonté du bénéficiaire de participer activement à l'amélioration de sa situation en contrepartie des prestations financières auxquelles il a droit.

3 La contre-prestation fait l'objet d'un contrat écrit entre le bénéficiaire et l'Hospice général.

4 L'activité de formation professionnelle est assimilée à une contre-prestation.

5 Lorsque les contre-prestations s'effectuent dans le cadre de programmes collectifs, l'Hospice général organise l'encadrement des bénéficiaires.

Art. 25 Allocation d'insertion

Les personnes qui ont droit au revenu minimum cantonal de réinsertion versé par l'Hospice général peuvent également recevoir une allocation d'insertion, unique, d'un montant maximum de 10 000 F.

Art. 26 Destination de l'allocation

L'allocation d'insertion est destinée à financer, totalement ou partiellement, des projets, réalistes et réalisables, inscrits dans la durée et concernant la formation et le recyclage professionnel dans un but de réinsertion professionnelle et sociale.

Art. 27 Demande

1 L'intéressé présente par écrit une demande d'allocation d'insertion à l'Hospice général, accompagnée d'un descriptif et d'un budget détaillés du projet envisagé.

2 Les services sociaux ou d'autres organismes peuvent prêter leur concours à l'élaboration du projet et à sa réalisation.

Art. 28 Commission d'attribution

1 Les demandes d'allocation d'insertion sont examinées par une commission, nommée par le Conseil d'Etat, qui se compose :

2 Les décisions de la commission sont notifiées par l'Hospice général, qui est lié par l'avis et les montants déterminés par celle-ci.

Art. 29 Hospice général

1 L'Hospice général verse les prestations d'aide sociale et les allocations d'insertion.

2 Il procède à l'information la plus large possible auprès des intéressés.

Art. 30 Renseignements

1 Le demandeur ou le bénéficiaire de prestations doit immédiatement fournir à l'Hospice général tous les renseignements et toutes les pièces utiles au contrôle des éléments déterminants, y compris en levant le secret bancaire et le secret fiscal.

2 Les autorités administratives et judiciaires, les employeurs et les organismes s'occupant du demandeur et des membres du groupe familial sont tenus de fournir, gratuitement et à première requête, à l'Hospice général les renseignements et pièces nécessaires à l'application de la présente loi.

3 De même, l'Hospice général est tenu de fournir, gratuitement et à première requête, aux organismes chargés d'appliquer les législations fédérales et cantonales toute information relative aux prestations versées en vertu de la présente loi.

Art. 31 Secret

Les fonctionnaires, les employés et les auxiliaires chargés de l'application de la présente loi sont tenus de garder le secret à l'égard des tiers sur leurs constatations et observations.

Art. 32 Ressources

Les ressources nécessaires au versement des prestations prévues par la présente loi sont portées chaque année au budget de l'Hospice général.

Art. 33 Décisions de l'Hospice général

1 Toutes les décisions prises par l'Hospice général en application de la présente loi sont écrites et motivées. Elles mentionnent expressément dans quel délai, sous quelle forme et auprès de quelle autorité il peut être formé une réclamation ou un recours.

2 Les décisions de l'Hospice général sont rendues dans un délai de 60 jours au maximum à partir du dépôt de la demande, dûment remplie et documentée.

3 Si ce délai ne peut être respecté, l'Hospice général peut accorder des avances sur le revenu minimum de réinsertion, remboursables en cas de décision négative.

Art. 34 Réclamation

1 Si l'intéressé ou son représentant légal s'estime lésé par une décision de l'Hospice général, il peut former une réclamation, par écrit et dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision, auprès de la direction de l'Hospice général.

2 La décision sur réclamation de la direction de l'Hospice général est écrite et motivée.

Art. 35 Recours

Si l'intéressé ou son représentant légal s'estime lésé par une décision sur réclamation de la direction de l'Hospice général, il peut former un recours, par écrit et dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision sur réclamation auprès de la commission cantonale de recours en matière AVS-AI.

Art. 36 Force exécutoire

Est assimilée à un jugement exécutoire au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889, toute décision de l'Hospice général ou d'une autorité de recours quand elle n'est plus ou pas susceptible de réclamation ou de recours.

Art. 37 Contrôle

1 L'Hospice général procède, par sondage ou au besoin, à des enquêtes sur la situation financière du demandeur et des membres du groupe familial qui requièrent ou obtiennent des prestations au sens de la présente loi.

2 Le refus de laisser procéder à une enquête entraîne le refus ou la cessation immédiate des prestations.

Art. 38 Dispositions pénales

1 Celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, aura obtenu pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu d'une prestation au sens de la présente loi sera puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal suisse, des arrêts pour 3 mois au plus ou d'une amende de 20 000 F au plus. Les peines peuvent être cumulées.

2 Celui qui donne des renseignements inexacts ou refuse d'en donner, et celui qui s'oppose à un contrôle ou le rend impossible de toute manière, sera puni des arrêts pour 3 mois au plus ou d'une amende de 5 000 F au plus. Les peines peuvent être cumulées.

Art. 39 Tribunal compétent

Le Tribunal de police est compétent pour connaître des infractions prévues à l'article 38 de la présente loi.

Art. 40 Evaluation

1 Les effets de la présente loi sont évalués tous les 2 ans par une instance extérieure désignée par le Conseil d'Etat.

2 Le Conseil d'Etat présente au Grand Conseil un rapport communiquant les résultats de cette évaluation.

Art. 41 Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

Art. 42 Clause abrogatoire

La loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994, est abrogée.

Art. 43 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2002.

Art. 44 Disposition transitoire

Toute personne bénéficiaire du revenu minimum cantonal d'aide sociale destiné aux chômeurs en fin de droits à l'entrée en vigueur de la présente loi aura droit au revenu minimum cantonal de réinsertion s'il remplit toutes les conditions de la présente loi à l'exception de la durée de résidence effective dans le canton prévue à l'article 2.

Art. 45 Modifications à d'autres lois

1 La loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 29 mai 1997 (J 3 05), est modifiée comme suit :

Art. 20, lettre c (nouvelle teneur)

Art. 22, al. 6, 2e phrase (nouvelle teneur)

* * *

2 La loi sur l'assistance publique, du 19 septembre 1980 (J 4 05), est modifiée comme suit :

Art. 1, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ne sont pas au bénéfice du revenu minimum de réinsertion, mais qui sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables.

la réforme progressive de la politique sociale ;

les revenus minimaux sociaux ;

les prestations sociales à caractère financier ;

les caractéristiques principales du RMR ;

les principales critiques adressées au RMR ;

le projet de loi ;

les accords entre l'Union européenne et la Suisse ;

les coûts ;

conclusion.

en 1992, le Grand Conseil a voté la loi introduisant le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux 21.000 rentiers AVS-AI qui reçoivent les prestations de l'OCPA ;

en 1995, le Grand Conseil a voté la loi introduisant le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux chômeurs en fin de droit en échange d'une contre-prestation, qui est versée par l'Hospice général à 800 bénéficiaires environ ;

en 1998, le Grand Conseil a voté la loi relative aux établissements médico-sociaux (EMS), qui a supprimé les prestations d'assistance publique versées à 2.800 pensionnaires des EMS, les remplaçant par des subventions versées directement aux EMS.

le revenu minimum d'existence ;

les ayants droit (conditions personnelles et conditions économiques) ;

la contre-prestation d'utilité publique à laquelle le bénéficiaire doit s'engager.

les revenus sociaux de substitution ;

les revenus sociaux de compensation.

le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux rentiers AVS-AI : les prestations financières d'aide sociale versées par l'OCPA aux rentiers AVS-AI, qui répondent à des conditions personnelles et à des conditions économiques, garantissent un revenu minimum annuel de 22 500 F, loyer payé, cotisation d'assurance-maladie payée et abonnement TPG payé. Au 31 décembre 2000, 21 112 personnes et couples reçoivent des prestations de l'OCPA ;

le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux chômeurs en fin de droit (RMCAS) : les prestations financières d'aide sociale, versées par l'Hospice général aux chômeurs en fin de droit, qui répondent à des conditions personnelles et à des conditions économiques et qui effectuent en principe une contre-prestation, garantissent un revenu minimum annuel de 14 668 F, loyer payé et cotisation d'assurance-maladie payée. Au 31 décembre 2000, 772 chômeurs en fin de droit bénéficient du RMCAS. La dépense mensuelle moyenne par dossier est de 2 300 F. 64 % des bénéficiaires sont en activité ;

le revenu minimum garanti aux personnes bénéficiaires de l'assistance publique : les prestations financières d'assistance publique, versées par l'Hospice général aux personnes bénéficiaires de l'assistance publique, garantissent un revenu minimum annuel de 13 428 F, loyer payé et cotisation d'assurance-maladie payée. Au 31 décembre 2000, il y avait 2 933 dossiers d'aide financière représentant 5 462 personnes. La dépense mensuelle moyenne par dossier est de 1 700 F.

les prestations de prévoyance sociale, financées par des cotisations, qui sont acquises, imposables et exportables (rentes AVS-AI) ;

les prestations d'aide sociale, financées par l'impôt, qui sont acquises, imposables et non exportables (prestations complémentaires aux rentiers AVS-AI) ;

les prestations d'assistance publique, financées par l'impôt, qui sont remboursables, non imposables et non exportables (prestations d'assistance publique).

Assistance publique Aide sociale

Devoir de la société Droit individuel

Remboursable (théoriquement !) Non remboursable

Non imposable Imposable

Non exportable Non exportable

Sans contre-prestation Avec contre-prestation dans

  le secteur non-marchand

les requérants d'asile (qui bénéficient de prestations d'assistance publique, définies par la Confédération, qui en assure le financement) ;

les rentiers AVS-AI (dont la situation est réglée par la législation relative aux prestations complémentaires à l'AVS-AI) ;

les étudiants.

qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton ;

qui sont sans ressources suffisantes et qui s'engagent à effectuer une contre-prestation ;

qui répondent aux conditions personnelles posées par la loi (nationalité, qualité de contribuable, durée de séjour) ;

qui répondent aux conditions économiques posées par la loi.

l'incitation au « tourisme social » ;

le cumul des prestations sociales ;

l'incitation au travail à temps partiel ;

le risque de dumping salarial.

d'une part, que toutes les prestations sociales auxquelles le demandeur ou un membre de son groupe familial a droit sont prises en compte dans le calcul du revenu déterminant (art. 5, al. 1, lettre f) ;

d'autre part, que le demandeur ou un membre de son groupe familial - ou, pour eux, l'Hospice général - doit faire valoir les droits nés en leur faveur par le fait de l'âge, d'un accident, d'une maladie, d'un décès ou de toute autre cause, notamment d'une législation, fédérale ou cantonale, relative à des prestations sociales (art. 19).

l'article 5, alinéa 1, lettre h, prévoit que les ressources dont le demandeur ou un membre du groupe familial s'est dessaisi dans l'intention d'obtenir le RMR ou d'augmenter le montant de celui-ci, notamment en renonçant à un travail à plein temps, sont comptées dans le revenu déterminant ;

l'article 12, alinéa 3, prévoit que, pendant la période d'aide, le bénéficiaire du RMR doit poursuivre ses démarches afin de retrouver un travail.

qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton ;

qui sont sans ressources suffisantes ;

qui répondent aux autres conditions du projet de loi.

toutes les ressources effectives de l'intéressé et des membres de son groupe familial, qui sont définies aux articles 5 et 6 (revenus) et 7 (fortune) ;

toutes les ressources auxquelles l'intéressé et les membres de son groupe familial ont droit (art. 19).

la garantie d'un revenu minimum de réinsertion par des prestations sociales de comblement ;

la prise en charge du loyer des locataires ;

la prise en charge des cotisations des assurances sociales ;

la possibilité d'obtenir une allocation d'insertion.

la manière dont la demande doit être présentée (art. 10) ;

l'obligation de renseigner des bénéficiaires (art. 11) ;

le début et la fin des prestations (art. 15) ;

la durée des prestations (art. 12) ;

l'incessibilité et l'insaisissabilité des prestations (art. 17) ;

le versement des prestations à des tiers (art. 18) ;

la possibilité donnée à l'Hospice général d'agir au nom et pour le compte du bénéficiaire et des membres du groupe familial (art. 19) ;

la perception indue des prestations (art. 20) ;

les notions de mainmise (art. 21), de compensation (art. 23), de prescription (art. 20) et de force exécutoire (art. 36).

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Préconsultation

Mme Nelly Guichard (PDC). Sur le principe, le groupe démocrate-chrétien est favorable à un revenu minimum d'insertion qui consiste à passer d'une assistance publique à une aide sociale pour les personnes qui, bien malgré elles, se retrouvent en marge de notre société. Le RMCAS, instauré en 1995, permettant aux chômeurs en fin de droit de sortir d'un régime d'assistance par un droit à un revenu minimum, allait déjà dans cette direction et nous l'avons aussi soutenu. On a beaucoup crié au loup à cette époque, pensant que de nombreuses personnes allaient être tentées de se laisser couler, de se retrouver quasi volontairement hors du monde du travail qui est, je tiens à le rappeler ce soir, un des principaux facteurs d'intégration dans notre société. Or, malgré un taux de chômage particulièrement élevé à Genève et une conjoncture difficile, donc particulièrement défavorable aux plus vulnérables durant les années qui ont suivi l'introduction du RMCAS, le nombre des bénéficiaires n'a pas dépassé les limites des prévisions. Aujourd'hui, ce sont 772 dossiers qui ont été traités en 2000 et qui seraient susceptibles de passer du RMCAS au RMR.

Comme il faut être contribuable, depuis cinq ans à Genève pour les Suisses, dix ans pour les étrangers, ces conditions font que 25% des cas actuellement traités resteront à l'assistance, sachant que cela représente 2 933 dossiers d'assistance et 5 462 personnes. Pour ne pas laisser planer de doutes quant aux montants perçus, il convient de relever que les montants du RMR sont définis non pas au hasard dans notre canton, mais selon des barèmes intercantonaux de l'assistance publique qui s'échelonnent entre 1 700 et 2 300 F par mois.

A réitérées reprises, on nous a très clairement et fortement dit que l'opération serait neutre financièrement. Nous avons tout de même quelques doutes à ce propos. Nous voulons bien croire que la mesure ne sera pas suffisamment incitative pour avoir un effet d'appel d'air, une sorte d'encouragement à choisir le RMR plutôt qu'un travail que l'on n'apprécie guère. Par contre, venir nous dire que ces revenus sont imposables, c'est un leurre ! Nous savons pertinemment que 40 000 personnes, à Genève, ne payent pas d'impôts. Il nous paraît bien sûr logique que les bénéficiaires du RMR fassent partie de ce groupe.

Dans l'estimation des coûts, il faudra que le travail de commission permette de vérifier attentivement si les coûts de fonctionnement ont été pris en compte, car les contre-prestations, qui sont présentées comme des mesures conduisant un certain nombre de bénéficiaires vers la réinsertion, ce qui est très bien, nécessiteront forcément un encadrement important, surtout si l'on veut que tout ceci ne se cantonne pas seulement à de beaux discours et de la poudre aux yeux. Il faudra des gens motivés et compétents pour organiser et encadrer les personnes concernées par ces contre-prestations.

L'effet de l'entrée en vigueur des bilatérales et de la libre circulation des personnes n'obligera-t-il pas à modifier la clause qui concerne le temps de résidence des étrangers ? Quels seront alors les conséquences et les coûts de cette situation, dont il n'est pas du tout tenu compte dans la loi qui nous est présentée ce soir. Nous avons aussi quelques doutes sur la définition et le caractère un peu léger des contre-prestations, telles qu'elles ont été présentées au public. Est-ce que la lourde machine de l'Hospice général est assez proche du bénéficiaire ou faudra-t-il collaborer avec les centres d'action sociale et de santé pour être plus près du terrain, pour évaluer pragmatiquement et concrètement la situation ? A ce propos, nous estimons que le versement mensuel ne devrait pas être remis à des tiers, mais en main propre aux bénéficiaires.

Parmi toutes les mesures visant la réinsertion, nous pensons que la formation peut jouer un rôle important. Mais là aussi, pour qu'elle ait un sens et une chance quelconque d'être utile, il faut qu'elle soit bien ciblée. Cela paraît être une évidence. Et pourtant ! En matière de chômage, il y a eu pas mal de problèmes d'inadéquation à ce niveau-là. Aujourd'hui, on parle souvent de « coaching » à différents niveaux, mais particulièrement pour les jeunes en fin de formation. Peut-être qu'il y aurait aussi lieu d'avoir recours à cette forme d'appui. A notre avis, toutes les pistes méritent réflexion.

Comme vous l'aurez compris, si nous avons accepté le principe de l'aide sociale, ce n'est évidemment pas à n'importe quelle condition. Nous veillerons en commission à ce que nos propositions et nos interrogations, nos craintes aussi, soient prises en compte. (Applaudissements.) 

M. Dominique Hausser (S). Ça y est ! Un projet sur le RMR a enfin été déposé au Grand Conseil ! Combien de temps l'aura-t-on attendu ? Depuis le discours de Saint-Pierre au minimum et plus exactement depuis que les socialistes ont proposé un projet allant dans ce sens, projet qui n'avait alors débouché que sur le RMCAS.

Le projet de loi que nous soumet le Conseil d'Etat est presque une copie conforme du RMCAS. Bien que ce projet constitue un premier pas vers une sécurité sociale généralisée, bien qu'il exprime la volonté de faire du RMR un droit pour les habitantes et les habitants de ce canton - avec en particulier la suppression de l'obligation de rembourser, obligation qui demeure un élément de fait plus théorique que réel, car le retour à suffisamment bonne fortune pour rembourser l'assistance est rarissime dans la pratique - ce projet reste cependant, dans son concept - c'est annoncé dans l'exposé des motifs - le dernier élément de l'aide sociale. Dans sa réalisation, il reste un modèle d'assistance, avec un montant de base extrêmement bas, qui pourrait être complété par des allocations spécifiques pour le logement, pour l'assurance-maladie, pour la formation professionnelle, pour les vêtements. Responsabilisation partielle des individus, on le voit. Même si, selon l'exposé des motifs, ce projet concerne beaucoup de monde, une fraction importante de la population restera à l'assistance. Les délais d'attente liés à la résidence dans le canton, cinq ans pour les passeports rouges à croix blanche, dix ans pour les non-Suisses, excluront nombre de bénéficiaires potentiels sans qu'il ne soit certain que cette mesure ait une influence sur un tourisme social que l'on connaît aujourd'hui comme étant extrêmement limité.

L'obligation d'effectuer une contre-prestation est-elle vraiment réaliste ? Est-ce une proposition destinée à faire passer la pilule dans certains milieux particulièrement réfractaires au rôle social de l'Etat ? Ne fait-on pas confiance aux compétences des travailleurs sociaux qui assurent le suivi des personnes en situation précaire pour inscrire dans la loi que la contre-prestation peut être d'utilité personnelle, d'utilité sociale ? Que signifie « une contre-prestation d'utilité socio-professionnelle dans le secteur non marchand »  ? L'expérience du RMCAS n'a-t-elle pas montré la difficulté de définir ce type d'activité et de proposer des tâches dignes et respectueuses des bénéficiaires ? Le bénéficiaire signera un contrat de contre-prestations. S'il refuse ou s'il ne remplit pas ce contrat, il sera sanctionné par la suppression des prestations financières, comme le précise l'exposé des motifs en page 27. Ce qui amène à douter de l'interprétation des articles 37 et 38. Doit-on considérer alors que l'on se trouve face à une loi qui autorise la camisole de force, contre-prestation d'utilité personnelle, ou le travail forcé, contre-prestation d'utilité professionnelle ? Ce n'est pas de l'extrémisme de la part de la gauche que de vouloir un véritable revenu minimum, comme se plaisent à le dire les partis de l'Entente à propos de toutes les décisions prises par la majorité parlementaire. C'est tout simplement la volonté de voir appliquer un droit respectueux de la dignité de la personne.

Mesdames et Messieurs les députés, il y aura du travail en commission pour que l'assistance n'ait pas encore de beaux jours devant elle avec ce RMAR - revenu minimum aussi réduit ! Mesdames et Messieurs les députés, c'est à votre responsabilité citoyenne que j'en appelle pour que le travail de la commission permette d'aboutir à un véritable revenu minimum.

Mme Esther Alder (Ve). Les Verts sont satisfaits de voir que ce projet de loi sur le RMR soit, après une longue attente, enfin déposé. Nous remercions le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond pour sa ténacité.

Sans entrer dans les détails des diverses appellations du revenu minimum, les Verts ont toujours été acquis à cette idée. Aujourd'hui, avec le RMR, l'assistance disparaîtra quasiment du vocabulaire genevois. Ce changement est fondamental, car le droit à un revenu n'est plus une dette envers l'Etat. Surtout, la notion de droit effacera le sentiment d'humiliation ressenti par beaucoup d'assistés à devoir demander en quelque sorte l'aumône.

Plus précisément, par rapport au projet de loi lui-même, nous aimerions d'ores et déjà faire quelques commentaires. En premier lieu, nous ne pouvons pas accepter la discrimination qui est faite entre Confédérés et étrangers par rapport aux conditions d'octroi. Nous pensons que seul devrait être retenu le critère de résidence dans le canton. Ce serait déjà une mesure concrète d'intégration vis-à-vis de la population étrangère. Sur la question des barèmes proposés, nous nous battrons pour que ce revenu minimum, à défaut d'être maximum, puisse permettre une vie digne et autonome. Enfin, sur la contre-prestation, les Verts souhaitent faire une interprétation très large de ce concept. Nous pensons qu'il est indispensable de tenir compte de la pluralité des prestataires du futur RMR. Pour les uns, il faudra fermement oeuvrer en faveur d'une requalification, Pour les autres, il s'agira de privilégier l'accompagnement socio-éducatif ou encore de permettre le maintien d'un lien social. Mais dans tous les cas, nous inscrivons la contre-prestation dans un esprit d'intégration sociale. Ce dont nous ne voulons pas, c'est d'une AI sociale. Car il faut le savoir, il n'y a rien de pire pour une personne que d'être inutile au monde, de n'être attendue nulle part, d'être définitivement considérée comme étant d'inutilité publique ! (Applaudissements.) 

M. Jean Rémy Roulet (L). 4,2% de taux de chômage en janvier 2001, c'était le taux de chômage du canton de Genève. Alors que la moyenne suisse se situait au-dessous des 2%. Il est tout à fait inadmissible que notre canton continue à être le plus mauvais élève de la Confédération sur ce plan-là, alors que des percées ont été faites socialement, notamment par l'introduction de l'assurance-maternité. Il faudra bien un jour que des experts nous démontrent qu'il n'y a aucun lien entre l'augmentation du taux de chômage, d'une part, et l'augmentation des prestations sociales, d'autre part, faute de quoi l'incompréhension entre population active et population assistée ne fera qu'augmenter. 4,2% de taux de chômage à Genève, cela représente environ 10 000 personnes sans emploi. Sans emploi, alors que certains secteurs économiques se trouvent face à un problème de pénurie de main-d'oeuvre, secteurs économiques qui, je vous le rappelle, ont quand même constitué la prospérité de ce canton au fil des siècles. Pensons donc à l'horlogerie, pensons donc au secteur bancaire ! Ajoutons à ces deux secteurs des secteurs plus contemporains, comme l'informatique, la téléphonie ou la télécommunication. De façon générale, tous les secteurs de notre économie cantonale souffrent d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Voilà pour le contexte économique dans lequel s'insère le revenu minimum de réinsertion genevois.

Le parti libéral a toujours pensé que l'individu trouvait dans le travail une façon de s'épanouir : sens des responsabilités, prise de risques, goût d'entreprendre, etc. La reconnaissance du travail bien fait pouvant prendre d'ailleurs plusieurs formes : gratitude des collègues, mais surtout salaire, honoraires, paye, revenu. Si d'aventure le travail est bien fait, mais mal payé, notre société peut alors compter sur deux facteurs régulateurs indispensables. Premièrement, le marché du travail, deuxièmement, l'organisation syndicale, pour autant que celle-ci comprenne les enjeux économiques des entreprises, ce qui est le cas à Genève, nous le pensons, pour la plupart des syndicats.

Avec le RMR, le Conseil d'Etat admet donc qu'un revenu, qu'il soit minimum de réinsertion ou revenu tout court, contribue à l'épanouissement individuel. Mais le Conseil d'Etat nie l'existence du marché de l'emploi avec ses principaux mécanismes régulateurs. Ceci, notre parti ne peut pas l'admettre. En effet, ce projet de loi contient 45 articles sur les montants du revenu minimum, sur les dépenses déductibles de ce revenu que sont le loyer, les cotisations aux assurances sociales de la Confédération, l'assurance-maladie obligatoire, l'assurance-maternité cantonale, les pensions alimentaires et pourquoi ne pas ajouter des frais de thalassothérapie, réflexologie ou balnéothérapie. Il ne consacre par contre qu'un seul article, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un seul article à la contre-prestation au RMR - c'est l'article 24 - contre-prestation, à savoir le travail à fournir pour bénéficier du RMR. Or, du travail à fournir, il y en a dans les quelque 20 000 entreprises du canton. Elles ne sont cependant aucunement associées à ce projet de loi. C'est ce que nous regrettons. Pire, elles pourraient même être victimes, par effet de dumping salarial, du présent RMR !

Autre argument de fond contre ce RMR, il s'agit d'un impôt négatif sur le revenu, qui consiste à subventionner des personnes qui n'atteignent pas un certain seuil de rémunération. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le très radical conseiller fédéral Pascal Couchepin... (Huées.) ...dans un quotidien économique paru au début du mois de janvier de cette année à propos du projet national de RMR. Sur le plan technique, notons enfin que le projet de loi actuel ne contient aucun élément de coût sérieux, ni d'analyse financière. C'est ce qu'a soulevé notre collègue Nelly Guichard.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'opposera en l'état à ce projet de loi et exigera, lors de son traitement en commission, que les considérations macro-économiques, micro-économiques et financières soient mieux prises en compte. 

M. Bernard Lescaze (R). Le débat de préconsultation a notamment pour but de poser les principes sur lesquels s'appuie la décision des groupes politiques face à un projet de loi. C'est pourquoi le groupe radical déclare d'emblée qu'il est favorable à ce revenu minimum de réinsertion. Nous sommes d'accord, sur un seul point, avec le préopinant, à savoir, mais il ne s'est peut-être pas rendu compte de l'ironie de son propos, qu'un revenu contribue à l'épanouissement individuel. Effectivement, ce revenu minimum de réinsertion doit permettre de contribuer à l'épanouissement personnel de ceux qui, pour des raisons diverses, n'ont pas pu avoir d'autres revenus.

Ce projet de loi, annoncé dans le discours de Saint-Pierre par la majorité du Conseil d'Etat, la majorité de l'Entente, mais certainement avec les conseillers d'Etat de l'Alternative, est un bon projet. Il se situe, pour nous radicaux, dans la droite ligne d'une philosophie politique et sociale que nous appliquons, contrairement à d'autres, depuis 150 ans. Nous avons effectivement favorisé au siècle dernier, sur le plan genevois d'abord, l'assurance-maladie obligatoire, qui s'est ensuite étendue à tout le pays. Je ne vous rappellerai pas le rôle prépondérant que nous avons joué à la fin des années 30 en faveur de l'extension des conventions collectives de travail. Je pense bien que le préopinant immédiat, par ses fonctions actuelles dans l'économie genevoise, est favorable aux conventions collectives. Puis, le groupe radical s'est montré favorable, dans ce parlement, à la démocratisation des études. Il a même lancé une initiative à ce sujet. Plus récemment, il a favorisé un certain nombre de mesures sociales. Aujourd'hui, le couronnement de ces mesures en faveur des défavorisés arrive avec ce revenu minimum de réinsertion.

J'ai entendu tout à l'heure de nombreuses critiques techniques. Il appartient aux commissions, à la commission sociale notamment, de les examiner. Sur un plan philosophique, on peut effectivement être surpris de la distinction purement temporelle qui est faite entre Suisses et étrangers, mais il faut malgré tout se rendre compte qu'il est possible, à l'heure actuelle, que l'on ne puisse pas charger trop le bateau face à certains de nos concitoyens qui pourraient se juger, à tort, discriminés par un tel projet. On peut aussi regretter, non pas qu'il s'agisse d'un « revenu minimum aussi réduit », c'est vraiment une phrase malheureuse, mais on peut regretter que ce projet n'aille pas franchement plus loin. Les temps ne sont cependant pas mûrs, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez bien, pour aller vers ce qui serait vraiment la dernière mesure, à savoir un revenu minimum d'existence. Il n'est effectivement pas normal que des mères de famille monoparentale travaillent à plein temps pour un revenu insuffisant qui ne leur permette pas de vivre. Même ceux qui s'affirment aujourd'hui dans cette enceinte contre le revenu minimum de réinsertion ne peuvent pas s'élever contre.

La notion de compensation et de compensation dans le secteur non-marchand nous paraît une notion intelligente et utile pour tout le travail dans le monde associatif, mais une notion difficile à appliquer. Il faudra que l'ensemble des partenaires y mettent beaucoup de volonté. Toutefois, c'est cela seulement qui permettra probablement de rendre aux bénéficiaires une certaine dignité dans le monde du travail, qui n'est pas seulement un travail purement marchand ou financier. Je tiens à le répéter ici.

En conclusion, le groupe radical se félicite que le Conseil d'Etat ait eu le courage de tenir ses promesses, de déposer ce projet intelligent, novateur, et souhaite qu'il soit voté avant la fin de cette législature ! 

M. Gilles Godinat (AdG). Je demande la lecture de la pétition 1341 pour un véritable RMR que nous avons reçue aujourd'hui.

La présidente. Je demande au secrétaire de procéder à la lecture de cette pétition.

Secrétariat du Grand Conseil

Date de dépôt: 15 février 2001

PétitionPour un véritable RMR (Revenu Minimun de Réinsertion)

Mesdames etMessieurs les députés,

Le 28 août 2000, devant les cadres du Département de l'Action Sociale et de la Santé, le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond annonçait sous le titre " fin de l'assistance et le RMR " le dépôt imminent d'un projet de loi sur le Revenu Minimum de Réinsertion.

Considérant que le but essentiel du RMCAS : empêcher le passage à l'assistance publique des personnes arrivées en fin de droit de chômage, n'a été que partiellement atteint : l'exclusion du dispositif des étrangers ne totalisant pas 7 ans de séjour à Genève et des confédérés résidant moins de 3 ans à Genève, l'exclusion des chômeurs responsables de leur situation et des personnes ayant fait une demande à l'assurance-invalidité ou étant en arrêt maladie depuis plus d'une année, l'exclusion des personnes ayant refusé une contre-prestation ou ayant obtenu l'allocation financière d'insertion (jusqu'à 10.000.-) ou s'être mis à son compte, etc.

Considérant que la contre-prestation n'est souvent pas le fait d'un libre-choix du bénéficiaire du RMCAS, qu'elle résulte d'une logique de réinsertion à tout prix, qu'elle ne tient pas compte dans la majorité des situations des compétences acquises par l'intéressé et qu'elle représente une main-d'oeuvre gratuite indispensable pour les collectivités ou entreprises utilisatrices

Considérant que les prestations financières (en particulier pour la formation et la mise à son compte) et le suivi de la part des conseillers en emploi sont insuffisants et inadéquats

Les personnes soussignées, bénéficiaires du RMCAS, chômeurs, salariés ou indépendants et personnes solidaires, demandent que

Toutes les personnes au bénéfice d'un permis de séjour à Genève soient acceptées sans conditions

La contre-prestation soit remplacée par une activité librement choisie (formation de base ou nouvelle formation ou travail salarié rémunéré selon les usages en vigueur ou autre projet) et que l'activité comme indépendant soit considérée au même titre qu'un gain intermédiaire dans l'assurance-chômage fédéral

Le minimum vital soit fixé à FS 3.000 net par mois pour une personne seule et que le concept et le montant de l'allocation financière d'insertion soit revus

Un véritable accompagnement professionnel soit réalisé par des personnes ou associations indépendantes des administrations cantonales (Hospice Général, Office Cantonal de l'Emploi)

M. Gilles Godinat (AdG). Je crois que mes préopinants l'ont souligné, le RMR est un des éléments de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Les statistiques du service d'action sociale, que nous avons reçues tout récemment, donnent des éléments chiffrés sur la situation en 1999, les éléments les plus récents dont nous disposons. Je ne vais pas vous faire un exposé détaillé, mais juste vous rappeler quelques éléments fondamentaux pour la réflexion.

Les personnes à l'assistance ont doublé en dix ans. Le volume a passé de 4 232 en 1990 à 9 868 en 1999. Ces faits ne sont pas contestés. Si l'on considère l'ensemble des personnes bénéficiant de l'assistance et du RMCAS depuis 1995, on enregistre une augmentation de 142%. Le coût actuel s'élève à 80 millions pour la communauté. Il faut savoir que 48% des personnes bénéficiant de cet appui financier vivent seules. Elles sont surreprésentées par rapport à la population générale, sachant que 39% de la population - c'est déjà un très grand nombre - vit seule. Ces personnes sont généralement peu, voire très peu qualifiées professionnellement, ce qui pose évidemment des problèmes de réinsertion. Il faut savoir également qu'il y a, à l'assistance, beaucoup de compléments de salaires qui sont en augmentation, notamment des compléments de salaires partiels, et qui ont encore augmenté entre 1998 et 1999. L'augmentation des cas d'assistance pour les bas salaires, pour les situations d'endettement, pour les arriérés d'impôts et de loyers sont également en croissance. Voilà les faits !

Quant aux objectifs du RMR, il s'agit évidemment de réduire au maximum le régime des prestations d'assistance. Mais nous savons d'ores et déjà, avec le projet de loi, que 25% des personnes resteront au régime d'assistance. C'est intolérable pour nous ! Il faut vraiment aller vers la fin de l'assistance ! Le droit à l'aide sociale, comme objectif, est une valeur citoyenne. Il faut effectivement viser la réinsertion en misant sur l'utilité sociale, la revitalisation du bien social, voire la création du bien social. Tel est l'objectif fondamental du RMR.

Sur le plan des barèmes, ce qui nous frappe aujourd'hui, c'est que nous avons 21 000 bénéficiaires de l'OCPA, AVS, AI et 800 personnes environ au RMCAS. Si l'on compare les barèmes proposés, on voit que l'on est à 22 500 F par an pour l'OCPA. On nous propose un RMR à 14 668 F par année, c'est-à-dire 8 000 F de moins, ce que j'ai personnellement de la peine à comprendre. Je ne vois pas pourquoi des personnes vivant une situation sociale particulière, qui doivent s'alimenter, qui doivent effectuer un certain nombre de dépenses comme les personnes au bénéfice de l'OCPA, devraient se contenter d'un revenu inférieur. J'aimerais que l'on m'explique la raison de ce décalage. Si nous ajustons le système, avec le régime OCPA, pour l'ensemble des bénéficiaires, on aurait une dépense supplémentaire de 20 millions environ. J'attends des explications en commission pour savoir pourquoi nous aurions des sous-catégories de revenu minimum.

La problématique de la formation professionnelle. Si l'on voulait étendre la réflexion, on pourrait imaginer aller vers un revenu d'allocation un peu plus universel. Je suis personnellement opposé à une rente sociale sans compensation et sans condition, mais on pourrait émettre l'idée de développer par exemple une aide à la formation professionnelle qui ferait partie d'un revenu minimum. Lorsqu'on observe un certain nombre de personnes en formation, qui doivent fournir des efforts et qui ne bénéficient pas d'allocations, qui doivent travailler à côté de leurs études ou des personnes qui, après avoir arrêté leurs études, reprennent et font des efforts considérables sans appui financier, je trouve que ce n'est franchement pas acceptable sur le plan social. Il faudrait donc lier, dans la réflexion, les aides à la formation au revenu minimum.

Enfin, problème majeur. Quelques allusions ont été faites aux salaires. Il est assez délicat de la part de vos rangs d'orienter le débat au niveau des salaires, lorsqu'on sait que les salaires minimums sont parfois d'une indécence insoutenable. Certaines études nous montrent - on dispose aujourd'hui de chiffres - qu'il y a un minimum nécessaire pour une alimentation saine. Je suis inquiet de voir que certains salaires mensuels ne permettent pas à des familles de s'alimenter normalement. Lorsqu'on importe en plus, pour des raisons de coût de main-d'oeuvre, des travailleurs d'Asie dans des conditions d'exploitation et de surexploitation aussi indécentes, je m'insurge et je trouve que les revendications fondamentales sur le salaire minimum constituent la priorité des priorités dans ce pays. La lutte contre la pauvreté, Mesdames et Messieurs, est indissociable d'une lutte contre l'exploitation ! (Applaudissements.) 

M. Guy-Olivier Segond. Deux mots tout d'abord en guise d'introduction avant de répondre aux principales remarques qui ont été faites au cours de ce débat et qui seront traitées de façon plus détaillée par la commission des affaires sociales.

Au cours de ces dix dernières années, le Conseil d'Etat et le Grand Conseil se sont engagés ensemble dans une importante réforme de la politique sociale genevoise, qui s'est caractérisée par la suppression progressive du régime séculaire de l'assistance publique et par l'introduction progressive des différents revenus minimaux d'aide sociale cantonale.

M. Hausser a fait part tout à l'heure de sa satisfaction : « Enfin, le RMR vint ! » Mais, Monsieur le député, vous savez comme moi que l'administration a une capacité d'absorption de l'innovation qui fait que l'on doit s'assurer, dans une réforme de cette ampleur, du bon fonctionnement de la première étape avant d'engager la deuxième, puis la troisième et enfin la quatrième qui nous occupe aujourd'hui.

Vous constaterez qu'une logique d'environ trois ans a été retenue : en 1992, le Grand Conseil a introduit la notion de revenu minimum cantonal pour les rentiers AVS/AI - 21 000 rentiers. L'OCPA a dû absorber cette modification profonde, non seulement dans son administration, mais aussi dans sa gestion du personnel et des programmes informatiques. Lorsque cela fonctionnait bien, le Grand Conseil a voté, en 1995, trois ans après, la loi introduisant le RMCAS, le revenu minimum cantonal d'aide sociale aux chômeurs en fin de droit - à l'époque un millier, aujourd'hui un peu plus de 700. C'est l'Hospice général qui a dû revoir son organisation, la gestion de son personnel et les systèmes informatiques. En 1998, trois ans après, le Grand Conseil a voté la loi supprimant l'assistance publique pour les pensionnaires des EMS : également, l'OCPA a dû modifier son système de fonctionnement, avec la surveillance et la mise en ordre des EMS.

En bonne logique, trois ans après, en 2001, le projet de loi du RMR, qui se fonde aujourd'hui sur six ans d'expérience de l'Hospice général, tant en matière de gestion du personnel que de gestion des programmes de contre-prestations, arrive !

Le RMR, vous l'avez bien compris, se caractérise non par ses montants, - qui sont identiques à ceux de l'assistance publique d'aujourd'hui - mais par le fait qu'il remplace un système passif, celui de l'assistance publique, où, en simplifiant, on se limite à donner de l'argent aux bénéficiaires de la prestation, par un système dynamique, où le bénéficiaire reçoit la même somme d'argent, mais où il s'engage à accomplir une contre-prestation.

Je regrette, Monsieur le député Roulet, que vous n'ayez pas mieux lu les annexes du projet de loi : la première prise de position du Conseil d'Etat sur le RMR, est une lettre du gouvernement monocolore - qui avait quand même quelques qualités ! - qui écrivit au Conseil fédéral, le 8 novembre 1995, en définissant les principes du RMR, sous la plume de l'un de vos conseillers d'Etat, M. Olivier Vodoz !

Il y a, au coeur du débat, la notion de la contre-prestation. Il faut être clair à ce sujet : le principe est bien expliqué dans l'exposé des motifs et détaillé dans une note annexe. La contre-prestation du RMR ne pourra pas être identique ou analogue à celle du RMCAS : comme Mme Alder l'a bien relevé, elle doit tenir compte de la pluralité des situations des bénéficiaires de l'assistance publique, qui n'est pas la même que celle que connaissent les chômeurs en fin de droit au bénéfice du RMCAS. C'est notamment, vous l'avez lu dans l'exposé des motifs, toute l'idée de l'aide à la formation, au perfectionnement et au recyclage, évoquée tout à l'heure par M. Godinat.

Y a-t-il, Monsieur le député Roulet, un risque de dumping salarial ? C'est bien la première fois que j'entends dans la bouche d'un représentant de l'économie que ce sont les prestations sociales qui définissent le niveau des salaires ! Aujourd'hui, il y a déjà plusieurs centaines de cas de personnes salariées dans des entreprises genevoises, mais au bénéfice de l'assistance publique : la rémunération qui leur est accordée se trouve être inférieure aux barèmes d'assistance publique. Vous pourrez le constater en détail dans la brochure jaune des statistiques de l'Hospice général. Ce dernier n'a pas constaté, au cours de ces dernières années, une tendance de l'économie privée à transférer ces charges sur l'Hospice général. Et il n'y a aucune raison de penser que le RMR, dont les prestations sont identiques à celles de l'assistance publique, provoque une baisse des salaires comme vous l'avez laissé entendre. Le marché du travail, vous le savez bien, n'est pas gouverné par les conditions d'octroi des prestations sociales, mais par un ensemble d'acteurs représentant des employeurs et des employés, par des mécanismes - les conventions collectives, les normes usuelles de la branche, les statuts du personnel, toutes choses qui ont encore été garanties par les mesures d'accompagnement liées aux accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse. Vous pouvez formuler d'autres critiques, Monsieur le député Roulet, mais ce risque-là n'est pas vraiment réel !

Dans les différentes remarques émises, les points importants seront discutés en commission : la question de l'égalité de traitement entre Suisses et étrangers sera, d'une certaine manière, limitée, réglée lorsque les accords bilatéraux entreront en vigueur, s'ils entrent en vigueur. Quant à la question des montants, il n'y a pas besoin d'avoir fait vingt ans de politique pour comprendre que certains pensent qu'ils sont trop élevés et que d'autres pensent qu'ils sont trop bas. Le projet du Conseil d'Etat n'a probablement pas tous les défauts qu'on lui prête ! Il y a d'autres questions plus techniques qui ont été traitées dans l'exposé des motifs, comme les dépenses de fonctionnement ou comme les effets des accords bilatéraux, qui ne sont pas ceux que l'on croit ou que l'on vous dépeint.

Pour le reste, je pense que la commission des affaires sociales aura tout loisir, sous la présidence de l'excellent M. Godinat, de procéder aux auditions et aux analyses détaillées de cet important projet de loi. 

La présidente. Ce projet de loi est renvoyé à la commission des affaires sociales.

M. Michel Halpérin (L). Je propose que ce projet de loi soit renvoyé à la commission des affaires sociales et à la commission de l'économie afin de gagner du temps. La commission des affaires sociales n'est pas équipée pour répondre aux questions économiques que nous avons soulevées. Nous gagnerons du temps si les deux commissions examinent en même temps ce projet, plutôt que de lui faire faire la navette entre les deux.

La présidente. Le Bureau et les chefs de groupe se sont mis d'accord tout à l'heure pour renvoyer ce projet de loi à la commission des affaires sociales. Si vous ouvrez le débat maintenant...

M. Albert Rodrik (S). La commission des affaires sociales peut bénéficier des lumières de la commission de l'économie à tout moment. Rien cependant ne justifie, dans la structure de ce projet, un renvoi à la commission de l'économie. Ce d'autant que ce projet a été déposé dans une situation extrêmement étique, sans « h » n'est-ce pas ! Les affaires sociales suffiront donc amplement ! 

M. Bernard Clerc (AdG). Pour aller dans le sens de M. Halpérin, on devrait également envoyer ce projet de loi à la commission des finances, parce qu'il y a un impact financier, à la commission fiscale, parce que ce projet pose des questions de fiscalité, à la commission de l'enseignement, parce qu'il touche à des questions de formation ! Et bien d'autres commissions pourraient être intéressées...

Une voix. La commission des droits d'homme !

M. Bernard Clerc. Je crois que l'on va s'en tenir à la commission des affaires sociales !

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet simultanément aux commissions de l'économie et des affaires sociales est rejetée.

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales.

R 435
7. Proposition de résolution de Mmes et MM. Antonio Hodgers, Pierre Marti, Christian Brunier, Myriam Sormanni-Lonfat, David Hiler, Fabienne Bugnon, Pierre-Pascal Visseur, Bernard Lescaze, Françoise Schenk-Gottret, Nicole Castioni-Jaquet, Esther Alder, Véronique Pürro, Louiza Mottaz, Anita Frei, Albert Rodrik, Alain Etienne, Dominique Hausser, Jacqueline Cogne, Alain Charbonnier, Jean-François Courvoisier, Christine Sayegh, Alexandra Gobet, Laurence Fehlmann Rielle, Catherine Passaplan, Roger Beer, Janine Hagmann, Jeannine de Haller, Jean Rémy Roulet, Erica Deuber Ziegler, Etienne Membrez, Charles Beer, Jacques-Eric Richard, Philippe Glatz et Nelly Guichard sur la votation «Oui à l'Europe». ( )R435

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'enjeu du 4 mars 2001 est connu de tous. A la veille de ce scrutin majeur, la question n'est plus de savoir s'il est prématuré ou pas, mais si nous sommes pour l'entrée rapide de la Suisse à l'Union européenne ou pas.

Mesdames et Messieurs les députés, par le biais de cette résolution, réaffirmons notre attachement à l'Europe et appelons nos concitoyens à soutenir l'initiative « OUI à l'Europe ».

Débat

M. Antonio Hodgers (Ve). Je serai bref. L'échéance du 4 mars... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

La présidente. Monsieur le député Hodgers, attendez une toute petite minute ! Il y a vraiment trop de bruit.

M. Antonio Hodgers. Volontiers !

La présidente. Un petit peu de silence, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! Voilà, vous pouvez poursuivre, Monsieur Hodgers !

M. Antonio Hodgers. Merci, Madame la présidente ! L'échéance du 4 mars, première votation du XXIe siècle, est importante à plusieurs égards. Par le biais de plusieurs sujets, l'avenir et les structures de nos sociétés sont engagés. Parmi ces enjeux, l'ouverture des négociations avec l'Europe.

Il y a des orientations historiques qui sont inévitables. L'entrée de la Suisse dans l'Union européenne en est une. Alors, aujourd'hui, ce débat que nous propose cette votation n'est qu'une question de temps. Certains disent qu'il est trop tôt pour entrer dans cette Union européenne et que cette dernière n'est pas prête à accueillir la Suisse. Pourtant, Mesdames et Messieurs, nous sommes forcés d'admettre que ce n'est pas en étant absent d'une institution que celle-ci peut se modifier dans le sens que nous souhaitons. Je pense en effet que cette initiative a le mérite de remettre à l'ordre du jour de l'agenda fédéral un sujet qui ne devrait plus en sortir tant que nous n'aurons pas obtenu gain de cause. C'est pour cela qu'il est important de la soutenir.

Cette résolution n'a pas pour but de rouvrir le débat, mais de marquer le soutien de notre parlement à cette initiative. Car, Union ou pas, nous sommes européens ! 

M. Bernard Lescaze (R). Un slogan a conservé toute son actualité : « Si la Suisse est notre patrie, l'Europe est notre avenir. » En conséquence, même si cela dépasse quelque peu les compétences de notre Grand Conseil, il est bon et utile, à l'orée du XXIe siècle, à un moment où la Suisse se cherche et s'efforce de tracer, dans un brouillard relativement opaque, le chemin de son avenir, que ce Grand Conseil puisse se prononcer sur une initiative soumise au vote populaire. C'est une initiative très modérée, puisqu'elle demande simplement que le gouvernement de ce pays ouvre des négociations en faveur d'une adhésion éventuelle à l'Union européenne, puisqu'il est évident que c'est le peuple qui, dans notre démocratie, finira par avoir le dernier mot.

En conséquence, je n'allongerai pas et dirai qu'il est bon que ce Grand Conseil de Genève, ville ouverte s'il en est dans ce pays, non seulement sur des horizons très lointains, mais aussi sur des horizons proches qui sont ceux de l'Europe d'aujourd'hui, de l'Europe de demain qui a tendance à s'élargir, il est bon que ce Grand Conseil se prononce favorablement et manifeste ainsi sa volonté d'appartenance à notre continent. La Suisse ne peut plus rester isolée. Elle a vécu pendant quatre ou cinq siècles en marge de l'Europe. Elle en a d'ailleurs largement profité. Aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons, non seulement économiques, non seulement sécuritaires, non seulement financières, mais aussi pour des raisons éthiques, la Suisse doit trouver sa place dans l'Europe qui se construit. Il est évident qu'elle la trouvera davantage si elle commence à parler avec ses futurs partenaires que si elle se replie sur elle-même. C'est pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter cette résolution ! 

M. Albert Rodrik (S). Comme le disait dans son éditorial le rédacteur en chef de la « Tribune de Genève » au moment où commençait l'importante contribution de ce journal au débat en cours, « le 4 mars, ce n'est pas le grand soir. Le 5 mars, ce n'est pas les lendemains qui chantent. C'est le début d'une longue et ardue négociation que nous voulons que ce pays entame le plus rapidement possible. » Mais inversement, nous ne devons pas tomber dans l'erreur de 1992 en minimisant la portée du pas auquel est appelée la Suisse. Non, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes plus dans des négociations commerciales ! Non, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas en train de régler des problèmes techniques ! Nous voulons que la Suisse puisse, en commençant rapidement, préparer son avenir, prendre le chemin qui concrétise sa destinée historique et géographique. C'est à cela que nous appelons par une démarche, extrêmement modeste il est vrai, le 4 mars, mais importante sur le fond.

Aujourd'hui, nous devons simultanément rappeler la modestie de ce que demande cette initiative, mais aussi l'importance de la destinée de la Suisse dans cette Union européenne. Nous ne voulons pas, Mesdames et Messieurs, que nos enfants grandissent dans un hérisson ! Nous ne voulons pas, Mesdames et Messieurs, que nos enfants vivent dans le réduit national ! Nous voulons qu'il y ait une ouverture sur le monde ! Non, nous ne voulons plus d'une Suisse qui juge tout le monde à l'aune d'une supériorité qu'elle s'est elle-même attribuée, mais nous voulons qu'elle soit capable d'ouverture et de solidarité ! C'est pour cela que nous appelons le peuple de Genève à dire oui en sachant que c'est ainsi, comme nos ancêtres d'il y a 150 ans, que l'on prépare un avenir, non en le subissant, mais en étant un artisan actif de cet avenir !

Nous avons entendu beaucoup de choses dans cette campagne et en particulier un document très spécial qui nous est parvenu à l'en-tête de « Genève place financière ». Ne voulant pas créer de polémique ce soir, je ne qualifierai pas ce document. Mais nous estimons que l'intérêt de la Suisse passe avant un certain nombre de choses hypocritement baptisées « la sphère privée à protéger face au fisc ».

Il y va, Mesdames et Messieurs, de l'avenir de ce pays. Pour cela, ce Grand Conseil doit dire au peuple de Genève : « Il faut voter oui le 4 mars ! »

M. Armand Lombard (L). 1. Je n'arriverai évidemment pas à « ronfler » aussi haut que l'ont fait mes prédécesseurs. Je n'arriverai pas et je ne voudrai pas « rhétoricer » autant qu'ils l'ont fait. Je ne voudrai pas soulever des « ronflonflons » intolérables sur l'avenir glorieux de la Suisse dans l'Europe.

2. Je ne crois pas que ce soit au Grand Conseil de se prononcer sur de telles choses, non pas parce qu'elles sont trop importantes pour lui, mais je crois que nous avons suffisamment à faire pour gérer la République que de passer trop de temps sur un projet qui ne sera modifié en rien par cette résolution.

Nous n'allons bien entendu pas nous y opposer. Après tout, un petit mot dit comme cela vaut mieux que de ne rien dire. Toutefois, j'aimerais souligner une chose qui me surprend toujours. Nous voulons bien sûr dessiner le paysage de demain, créer la Suisse de demain, apprendre l'ouverture, apprendre à créer notre souveraineté dans le cadre d'une entité plus grande, être indépendants dans le cadre d'une entité plus grande, ce que nous n'avons pas appris jusqu'à présent en restant toujours farouchement enfermés chez nous. Ce qui m'étonne, c'est, dans l'approbation que nous allons donner à cette résolution qui débouchera, je le souhaite, sur un « Oui à l'Europe », la fermeture presque totale de ce Grand Conseil ou de chacun d'entre nous par rapport à la région, par rapport à la création d'une région romande, par rapport à toute discussion avec un autre canton. Lorsqu'on parle d'un canton, il s'agit toujours du canton de Vaud, mais on a aussi le droit de pousser jusqu'à Fribourg, à Neuchâtel, en Valais, au Jura et à Berne. Je trouve étonnant la peine que l'on a à trouver des approbations sur des projets communs entre ces cantons.

Quant aux envolées des uns et des autres - ce que mon cher collègue Rodrik vient de nous dire était remarquable - si seulement ces envolées pouvaient être un peu moins lyriques et un peu plus factuelles au niveau de la région ! 

M. Pierre Vanek (AdG). Nous appellerons à voter oui à cette initiative le 4 mars et nous voterons oui à cette résolution ce soir. Mais j'aimerais dire ici que notre oui n'a rien à voir avec celui des libéraux ou même de ces socialistes, qui s'identifient largement avec les choix économiques, sociaux et politiques actuels de l'Union européenne. Notre oui à l'Europe se veut d'abord un non au mythe trompeur de « l'Alleingang » helvétique se fondant sur l'illusion de la destinée «unique» d'un peuple respectueux de la paix sociale, de la concertation, à l'abri de ses certitudes dans son réduit national.

Cet « Alleingang » est en réalité un leurre que défend aujourd'hui une majorité de la droite patronale espérant conserver la position sans égale de la place industrielle et financière helvétique, partenaire privilégiée à la fois de l'Union européenne et des Etats-Unis. Le secret de cet « Alleingang » réside, Mesdames et Messieurs, dans l'intégration extrêmement poussée de la Suisse aux économies les plus puissantes de la planète. Dans ce sens, loin d'être un petit Etat introverti et provincial, le pays d'Heidi s'est déjà hissé aux avant-postes de la mondialisation économique. Ses banques, ses assurances, ses sociétés multinationales, sa diplomatie, ses « global-leaders », comme ceux que l'on a vus à Davos protégés par les blindés de la police genevoise, n'ont pas attendu Maastricht pour imposer la privatisation et la dérégulation de la production des biens et services, y compris des services publics. Aujourd'hui par exemple, la loi sur le marché de l'électricité que nous connaissons bien dans ce parlement et qui a été votée à Berne, va plus loin que les mesures annoncées par l'Union européenne. En même temps, les patrons de « Schweiz AG » n'ont pas attendu Schengen pour combiner l'importation massive, la discrimination institutionnelle et le contrôle policier de la main-d'oeuvre étrangère.

Appeler à dire non à l'Europe reviendrait donc, Mesdames et Messieurs, à plébisciter ce singulier cocktail de néoconservatisme et de néolibéralisme dont la Suisse a le secret. D'une part, le culte d'une exceptionnalité helvétique continuerait à barrer l'horizon à toute perspective de convergence des mouvements syndicaux, sociaux et citoyens de ce pays avec leurs homologues européens pour résister à la régression sociale et formuler des alternatives d'ensemble. D'autre part, porter le maillot jaune de la compétitivité continuerait à «justifier» les mesures de dérégulation, de libéralisation et de démantèlement social les plus brutales. C'est donc pour nous une voie sans issue.

Il faut donc voter oui à l'Europe le 4 mars, mais pas n'importe quel oui ! Vous avez beau ricaner, Mesdames et Messieurs les libéraux, notre oui est indissolublement lié à un projet de résistance à la mondialisation néolibérale et capitaliste, à laquelle les politiques de la Suisse et de l'Union européenne participent pleinement. Ce qui nous intéresse dans cette adhésion, c'est l'adhésion de la Suisse d'en bas à un mouvement de contestation sociale, féministe et écologiste de dimension européenne... (L'orateur est interpellé.) Eh oui, elle existe, cette Europe-là, Mesdames et Messieurs qui ricanez sur les bancs d'en face ! Elle existe aussi. Elle s'est par exemple manifestée contre le sommet de Nice en décembre dernier par une mobilisation syndicale sans précédent à l'échelle européenne. Ces mobilisations ont montré un chemin que nous entendons suivre et auquel nous entendons nous aussi nous associer ! 

M. Jacques Fritz (L). C'est en tant que membre du comité « Oui à l'Europe » que je souhaite m'exprimer. Permettez-moi tout d'abord de vous citer cette phrase : « Je dis oui à l'initiative parce que les réseaux économiques, politiques et sociaux gagneront en importance ces prochaines années en Europe. La Suisse ne doit pas rester à l'écart. » Signé : David de Pury, feu David de Pury. On dit souvent que certains milieux économiques sont contre cette initiative pour des raisons ou des prétextes difficiles à comprendre et à admettre. Feu David de Pury, en économiste éclairé, mais aussi et surtout en humaniste, avait compris qu'il n'y a pas d'autre issue intelligente pour notre pays.

Mesdames et Messieurs, c'est aujourd'hui qu'il faut négocier, tant il est vrai que notre patrie ne peut plus être un îlot au milieu de l'Europe. Les conséquences des décisions de l'Union européenne, tant au niveau politique qu'économique, par rapport à des normes, des standards, etc., sont visibles. Hors de l'Union européenne, la Suisse doit souvent, de toute manière, en reprendre les décisions. Nous devons en somme nous aligner par force. Est-ce vraiment conforme à notre vision de la démocratie ? Hors de l'Europe, les Suisses n'ont pas grand-chose à dire. Nous devons donc être présents au sein de l'Union européenne. Pour notre patrie, éprise de liberté et de paix, l'Union européenne est aussi un projet de paix. C'est pourquoi nous devons précisément y participer. Comme très ancienne démocratie, notre Confédération peut et doit être un modèle pour les futurs Etats unis d'Europe.

L'Union européenne nous reconnaît comme tel et nous attend. Mais attention ! Non pas comme un partenaire timoré, mais comme un membre à part entière jouant pleinement son rôle et prenant pleinement ses responsabilités. Alors, voulons-nous l'ouverture dès maintenant ? Dire oui à l'initiative sera un signal fort de notre détermination et de notre engagement vis-à-vis de l'Union européenne. Dire non, au contraire, sera un signal fortement négatif qui, à l'intérieur, fera le jeu des « Neinsager » et, à l'extérieur, jettera encore plus de doutes auprès des membres de l'Union européenne. Mais en somme, peut-on faire plus mal que maintenant ? Ne voit-on pas combien les bilatérales ont de la peine à démarrer ? Par notre attitude de « oui, mais », nous en portons sûrement une part de responsabilité. On ne nous aime pas pour nos beaux yeux, mais pour notre attitude ouverte envers l'Europe en construction.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs, je voudrais vous citer une autre phrase : « Vu de la cabine de la navette, l'idée qu'un petit morceau de ce petit continent veuille faire bande à part semble vraiment étrange. Les problèmes de notre époque - énergie, environnement, justice sociale - sont globaux et non pas locaux. Nous sommes écoutés et respectés à l'Agence spatiale européenne. Nous le serons en Europe. » Signé : Claude Nicollier !

Mesdames et Messieurs, des personnalités clairvoyantes comme David de Pury, Claude Nicollier et d'autres nous montrent le chemin. Prenons de la distance, prenons de la hauteur, donnons à cette initiative l'éclairage qu'il convient ! Votons oui à l'Europe ici et maintenant ! Le peuple suisse, et particulièrement notre jeunesse, à qui l'avenir appartient, saura ainsi que Genève est à l'avant-garde et qu'il avance avec lui ! 

M. John Dupraz (R). Il est vrai qu'il n'est pas évident pour un paysan de dire oui à l'Europe. C'est un dossier très délicat à négocier, mais je considère que plus nous attendrons, plus la Suisse attendra, plus il sera difficile de négocier sur des dossiers sensibles, non seulement sur le dossier agricole, sur le problème du secret bancaire, de l'évasion fiscale, de l'immigration, des dossiers complexes. Il faut savoir que l'Europe ne nous attend pas. Nous sommes demandeurs. Nous ne pouvons pas vouloir toujours régler nos problèmes par des négociations bilatérales ou améliorer l'acquis des bilatérales actuelles qui, je le rappelle et cela a été dit, n'ont pas encore été ratifiées par une majorité des pays membres de l'Union européenne - j'espère qu'ils les ratifieront, mais rien n'est sûr pour le moment.

Cette initiative est l'occasion de dire à nos voisins européens : « Oui, nous voulons négocier ! Oui, nous voulons entrer dans l'Union européenne ! » Je crois qu'il est plus facile de négocier maintenant, parce qu'il y a 15 pays, alors qu'il y en aura 25 ou 28, voire peut-être plus, dans quelques années. Plus nous attendrons, plus nous devrons faire des concessions et plus l'Europe se sera déjà construite. Même si ce qui a été décidé à Nice n'est pas génial, la construction européenne se poursuit. Les sièges attribués au parlement européen pour les candidats à l'adhésion ont été répartis. Les choses avancent donc. Je pense que la Suisse, par son esprit du compromis, sa faculté de faire vivre ensemble plusieurs ethnies et plusieurs religions est un modèle qui pourrait servir à la construction européenne, à une Europe fédéraliste, où chacun, dans sa région, décide ce qui relève du niveau régional, mais où chacun met en commun ses forces.

Une dernière remarque. J'ai l'intime conviction que nous avons plus d'intérêt à adhérer à l'Union européenne que de rester en dehors. Nous avons plus d'avantages à y aller qu'à rester en dehors. Mais cela, on ne peut pas le prouver !

En conclusion, j'aimerais dire que le plus grand succès de l'Union européenne - je regrette les propos de M. Vanek qui sont outranciers et péjoratifs vis-à-vis de cette construction - le plus grand succès de l'Europe, c'est la paix. C'est la plus grande période de leur histoire que les membres de cette Union vivent en paix. Lorsqu'on sait les dégâts et les malheurs humains, matériels, psychologiques, sociaux qu'engendrent les conflits que nous connaissons dans cette Europe, on ne peut qu'être favorable à cette Europe de paix. S'il n'y avait que cette raison d'adhérer à l'Europe, parce que la Suisse profite de cette situation de paix. Pour cette paix, il faudrait adhérer à l'Union européenne et il faudrait négocier tout de suite ! 

M. Jean-Pierre Gardiol (L). J'ai été très sensible aux propos tenus par les différents partis et me réjouis de voir que tout le monde prône ce soir l'adhésion à l'Europe...

Une voix. Négociations !

M. Jean-Pierre Gardiol. ...et pourtant, certains partis me semblent jouer un peu au poker menteur. En effet, lorsqu'on entend les Verts parler, par la voix de M. Hodgers, l'Alliance de gauche par la voix de M. Vanek, on peut être surpris de voir comment certains travaux se déroulent en commission. Un oui à l'Europe, Mesdames et Messieurs, un oui à l'adhésion nécessite des modifications de lois, cela nécessite des harmonisations de lois cantonales et de lois fédérales. Pour y arriver, nous examinons et votons souvent en commission des concordats intercantonaux. Que se passe-t-il alors ? Les mêmes partis qui font de grandes déclarations ce soir s'opposent ou s'abstiennent ! D'où mon étonnement, surtout à propos d'un récent concordat soumis à la commission des travaux à propos de l'entrave à la concurrence, concordat à propos duquel les Verts se sont abstenus et l'Alliance de gauche a voté contre. Permettez-moi donc de m'étonner du discours tenus par certains ce soir ! 

M. Carlo Lamprecht. Vous avez évoqué ce soir de nombreux arguments que le Conseil d'Etat a également analysés. Le Conseil d'Etat s'est prononcé à l'unanimité, dès le 13 décembre dernier, en faveur de l'initiative « Oui à l'Europe ». Parce que le projet de « Oui à l'Europe » est un projet de paix, parce que Genève est une ville de paix, parce que Genève est une ville ouverte sur le monde. C'est peut-être pour cela aussi que le gouvernement genevois est le seul gouvernement qui ait pris une telle position en Suisse, une position ferme et résolue d'adhérer à ce projet.

Vous l'avez dit, ce chemin sera encore long. Il ne faut pas croire que le dossier de la Suisse sera pris en charge en priorité. D'autres pays attendent, nous ne sommes pas les seuls. Nous ne sommes pas les seuls qui poussons la porte. Si le pays devait dire oui à l'Europe lors de la votation du mois de mars, il s'écoulera encore beaucoup d'années avant que la Suisse puisse y adhérer.

Il y a encore autre chose. Le gouvernement est conscient qu'il faudra négocier un certain nombre de dossiers afin de préserver un maximum de notre démocratie, pour faire aussi en sorte que notre économie ne soit pas pénalisée, pour faire aussi en sorte que l'Europe sociale puisse être construite ensemble.

C'est sur la base de ces arguments que le gouvernement vous encourage aujourd'hui. Il se réjouit de ce projet de résolution, car il permet à ce Grand Conseil de donner une position beaucoup plus élargie que celle du gouvernement par rapport à ce vote. Au nom du gouvernement, je vous demande de soutenir le oui à l'Europe et de soutenir ce projet de résolution ! 

Mise aux voix, cette résolution est adoptée à l'unanimité.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(435)sur la votation « OUI à l'Europe »

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

P 1240-B
8. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Non à un aéroport au rabais. ( -) P1240
 Mémorial 1999 : Rapport, 8840. Renvoi au Conseil d'Etat, 8854.

La pétition « non à un aéroport au rabais » (P 1240) a été déposée le 26 mars 1999 et a fait l'objet du rapport de la Commission des pétitions du 6 octobre 1999 (P 1240-A) qui a été renvoyé au Conseil d'Etat le 19 novembre 1999.

Débat

M. Christian Grobet (AdG). Nous avons pris note avec intérêt du rapport du Conseil d'Etat sur cette pétition. Celle-ci soulève un problème qui nous a préoccupés, celui de savoir si des compagnies aériennes, assurant de nouvelles liaisons à partir de Genève, bénéficient temporairement, pendant les premiers six mois ou la première année de leur présence, d'une réduction des taxes passagers et des taxes d'atterrissage et de bruit.

Si nous avons bien compris le rapport du Conseil d'Etat, Monsieur Lamprecht, où il est clairement fait mention d'une égalité de traitement totale, nous en déduisons, bien que ce ne soit pas expressément mentionné, que la compagnie aérienne visée par cette pétition n'a pas bénéficié de réductions de taxes temporaires.

Par contre, en ce qui concerne la troisième question, à savoir l'accès aux infrastructures, nous aimerions savoir quel est le loyer exact que paye cette compagnie d'aviation pour l'ancien aérogare de l'aéroport. A cet égard, il serait intéressant de connaître les loyers payés par les autres compagnies d'aviation pour le bâtiment IATA Swissair. Je vous rappelle, d'après le droit de superficie concédé à Swissair et IATA pour bénéficier des cinq étages en PPE réalisés au-dessus des installations de tri bagages, que le contrat prévoit une condition très stricte qui n'a pas été respectée. C'est un peu étonnant... Ne secouez pas la tête ! Je vous le dis ! Dans l'hypothèse donc où Swissair ou IATA n'utiliseraient pas la totalité des locaux du bâtiment, ils seraient autorisés à louer ceux-ci à des tierces personnes ou des sociétés poursuivant des activités liées à l'aviation. Or, il y a en tout cas eu, dans ce bâtiment, une société qui n'avait rien à voir avec l'aviation, si ce n'est que quelques-uns de ses journaux sont peut-être distribués à bord des avions. C'est le quotidien « Le Temps » qui s'était installé dans ce bâtiment en violation des règles du contrat de superficie. Je crois savoir qu'une autre société déploie actuellement dans ce bâtiment des activités qui n'ont rien à voir avec des activités aéronautiques. Par voie de conséquence, les compagnies d'aviation devraient, me semble-t-il, s'installer en priorité dans ce bâtiment-là. Je connais plus ou moins les loyers pratiqués dans ce bâtiment.

Il serait donc intéressant que vous répondiez à ces questions. En l'état, il n'y a pas de réponse précise au point 3 de la pétition. Quel est donc le montant du loyer que paye easyJet pour l'ancien bâtiment de l'aérogare et quels sont les loyers que payent un certain nombre de compagnies d'aviation situées dans le bâtiment IATA Swissair ? 

M. Carlo Lamprecht. Je demanderai à M. le député Grobet de me poser cette question par écrit. Nous répondrons à toutes les questions qu'il voudra bien nous poser, à propos du bâtiment de la IATA, des locations, etc. Vous pourrez ensuite vérifier.

Vous parlez d'égalité de traitement entre les compagnies d'aviation. Elles sont traitées aujourd'hui de la même manière. Si vous avez des questions plus précises à poser, je répète une fois de plus que nous y répondrons. Cela dit, vous soulevez dans cette enceinte une série de questions et vous faites part de suspicions. Je m'excuse, mais je ne peux pas répondre maintenant à tout cela ! Posez-moi donc des questions écrites et vous obtiendrez des réponses écrites que vous pourrez vérifier par la suite ! C'est tout ce que je peux vous dire ! Pour le reste, je maintiens ce rapport et je m'en tiens là à propos de l'aéroport international de Genève que vous visez à chaque fois. Je rappelle simplement que cet aéroport a réalisé cette année un bénéfice de plus de 40 millions, alors qu'il était de 10 millions il y a trois ans. Quant à la compagnie visée, que l'on imagine offrir de voler gratuitement et être implantée à l'aéroport international de Genève à des conditions extraordinaires, il faut savoir que cette compagnie a permis à elle seule d'accueillir 800 000 voyageurs de plus, si bien que le nombre de voyageurs et de passagers à l'aéroport international de Genève franchira bientôt le cap des 8 millions. Il y a là une progression extraordinaire.

Cet aéroport travaille bien, mais l'on cherche toujours à faire des procès d'intention à son sujet. Je rappelle également que cet aéroport a investi plus de 100 millions pour le confort des passagers. Je vous rappelle aussi que cet aéroport se porte bien, malgré les 50 millions qui ont été retenus l'année dernière !

Je veux donc bien répondre à vos questions, mais posez-les avec précision et par écrit ! Je me ferai alors un plaisir de vous répondre. !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le conseiller d'Etat, je ne peux pas accepter la façon avec laquelle vous esquivez des questions très précises, car ce sont effectivement des questions très précises que je vous ai posées ! Au lieu de dire, ce que je peux parfaitement comprendre, que vous n'êtes pas en mesure d'y répondre ce soir et que vous donnerez une réponse ultérieurement, vous esquivez le débat en disant que l'on fait des procès d'intention. Je ne fais aucun procès d'intention. Je souhaite simplement connaître le prix du loyer payé par easyJet. Je me félicite comme vous de l'apport de cette compagnie d'aviation à l'aéroport. Mais vu son chiffre d'affaire, il n'y a aucune raison qu'elle bénéficie d'un loyer inférieur. Ne déviez pas le manque de réponse en soulevant d'autres questions qui ne sont pas du tout en jeu ! Je ne mets pas du tout en cause les bénéfices réalisés par l'aéroport, ni le travail qui s'y fait. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

Une pétition a été déposée, non pas par nous, mais par des citoyens - je ne les connais pas - qui veulent des éclaircissements précis. Je soulève donc un problème très concret. Je relève du reste que l'on a l'impression que l'ancien aérogare, vu l'enseigne lumineuse d'easyJet sur le toit, est devenu le bâtiment d'easyJet. Je pense que ce n'est pas le cas.

Il n'est pas normal, lorsqu'une pétition demande des précisions, que l'on nous demande de poser une autre fois une question ordinaire. Je suggère simplement, Monsieur, que vous donniez, lors d'une prochaine séance du Grand Conseil, les indications sur cette question. 

M. Jacques Fritz (L). Je crois qu'il faut effectivement citer le nom de la compagnie en question. Il s'agit d'easyJet Switzerland. Je voudrais tout d'abord rappeler qu'il s'agit d'une compagnie d'aviation suisse au bénéfice d'une autorisation générale d'exploitation pour des vols commerciaux délivrée par l'office fédéral de l'aviation civile en bonne et due forme. D'autre part, elle répond pour cela à tous les critères opérationnels et techniques qui sont exigés pour toutes les compagnies aériennes faisant du vol commercial en Suisse. Par ailleurs, cette compagnie, comme le groupe Swissair, bénéficie du droit d'usage de l'aéroport de Genève.

Pour répondre à la première question - est-ce qu'easyJet Switzerland est une compagnie au rabais - bien sûr que non ! Il ne s'agit en aucune manière d'une compagnie au rabais, ni sur le plan technique, ni sur le plan commercial, ni bien sûr sur le plan de la sécurité. Depuis qu'elle est implantée à Genève - je voudrais reprendre les paroles de mon collègue Lombard - beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, puisque cette pétition date sauf erreur du 26 mars 1999. Figurez-vous, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que cette compagnie suisse a pris depuis 1999 la deuxième place en importance en terme de mouvements passagers et de mouvements avions sur notre aéroport. Je crois que l'on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une compagnie au rabais. Elle a une politique de marketing, que vous connaissez tous, puisqu'il s'agit simplement d'une nouvelle façon de voir les choses en terme de marketing. Vous commencez à remplir un avion avec des prix bas et les prix augmentent au fur et à mesure que vous le remplissez pour arriver finalement à des prix tout à fait compétitifs par rapport à des compagnies de ligne à l'horaire. Là aussi, il n'y a pas du tout de dumping des prix, ni de rabais.

Par contre, cette compagnie est devenue la deuxième compagnie à Genève. Elle a enregistré un peu plus de 800 000 passagers l'année passée - ce sera spécifié lors du rapport d'activité de notre aéroport au 31 mai de cette année - et apparaît en constante progression. Elle a généré de nombreux emplois, une activité absolument florissante pour notre aéroport.

Quant à l'aéroport lui-même, on craignait, dans cette pétition, que d'autres compagnies aériennes perdent des parts de trafic au profit de cette nouvelle compagnie aérienne. Ce n'est absolument pas le cas, puisque, à part le groupe Swissair - c'est dommage de devoir le dire, mais on espère que sa situation se rétablira un jour - donc à part le groupe Swissair dont la décroissance ne fait que se confirmer, due à son désengagement, toutes les autres compagnies aériennes à l'horaire sont en progression. Vous savez très bien, vous l'avez lu dans journaux, que nous avons enregistré une progression, une croissance passagers de plus 11% et une croissance mouvements de l'ordre de 7,5%. Ce qui est absolument confortable pour l'aéroport international de Genève.

Je ne peux bien sûr pas donner les chiffres demandés par notre collègue Grobet, mais je peux dire qu'il y a certainement égalité de traitement entre les compagnies aériennes, une égalité de traitement absolue. Si easyJet Switzerland se trouve actuellement dans des locaux de l'ancien aérogare, c'est en raison de la disponibilité actuelle des surfaces. Mais elle pourrait très bien se trouver dans l'aérogare principal. Je ne peux personnellement pas répondre à ces chiffres, puisque je ne suis pas un commercial, mais responsable des opérations et de la sécurité. Je peux en tout cas affirmer ceci. Première question : easyJet Switzerland n'est pas une compagnie au rabais. Deuxième point : dès lors, l'aéroport international de Genève n'est pas et ne risque pas de devenir un aéroport au rabais. 

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne voulais pas intervenir, parce que je trouvais que mon collègue Grobet avait suffisamment développés les questions de cette pétition. Mais il y a un certain nombre de choses, un peu grosses, que l'on ne peut quand même pas laisser dire. Notamment au niveau des bénéfices de l'aéroport. On nous parle de 50 millions et on nous dit que l'aéroport dégage des bénéfices. Il faut cependant le rappeler et le marteler : vous oubliez, Monsieur Fritz, que l'aéroport ne paye aucun loyer pour les locaux que l'Etat met à sa disposition. Il n'y a aucun loyer dans le budget prévu. Ces bénéfices sont donc fictifs et l'ont toujours été. C'est donc une aberration que de prétendre que l'aéroport dégage des bénéfices.

Deuxièmement, on nous dit qu'il n'y a pas de dumping de la part d'easyJet. C'est complètement faux ! Vous le savez très bien ou vous ne le savez peut-être pas, mais il ne faut pas croire que les passagers payent 50 F pour faire un aller-retour Genève-Nice et que personne ne paye la différence pour entretenir des avions qui coûtent une fortune en entretien. Que ce soit sur les loyers, que l'on ne connaît pas et pour lesquels une demande a été formulée par mon collègue Grobet, ou que ce soit sur la masse salariale, la facture doit être payée. On ne peut pas faire voler des avions comme s'il s'agissait d'avions en papier ! Il y a donc effectivement dumping salarial, puisque les salaires versés par easyJet sont alignés sur les salaires versés par son concurrent direct, Jet-Aviation, mais ne sont pas alignés sur Swissport. Il y a une différence d'environ 1 000 F entre le salaire d'un employé de Swissport, donc de SAir Group, et celui d'un employé d'easyJet qui est de 4 000 F. Et Swissair, par rapport au dumping pratiqué par JetAviation et easyJet, a attaqué et baissé la masse salariale de ses employés au milieu de l'année 95. Je trouve dès lors un peu fort de café de prétendre qu'il n'y a pas de dumping salarial. Cela se démontre très logiquement. C'est la seule entreprise qui progresse à l'aéroport, parce qu'elle a réussi à comprimer des coûts, avec une concurrence qui est à mon avis normale, et qu'elle bénéficie d'une amélioration technique qui lui profitera jusqu'à ce que les autres parviennent à ce niveau technique. Elle a réussi à comprimer ses coûts au niveau des loyers qu'elle paye, mais surtout au niveau de la masse salariale. Vous devriez donc étudier un peu mieux le dossier, Monsieur Fritz, avant de vous aventurer sur des terrains qui me semblent mouvants ! 

M. Claude Blanc (PDC). Puisque M. Pagani ne peut rien laisser passer, je ne vois pas pourquoi je laisserais passer quelque chose ! M. Pagani vient de parler des 40 millions de bénéfices de l'aéroport, en se demandant de quoi il s'agissait puisque l'aéroport ne paye pas de loyers. C'est bien cela qu'il a dit, n'est-ce pas ? Dans la discussion qui a lieu entre le département des finances et l'aéroport, on constate que Mme Calmy-Rey serait prête à remettre les actifs de l'aéroport à l'aéroport. Elle en veut, sauf erreur, 900 millions...

Une voix. 950 !

M. Claude Blanc. Enfin bref, quelque chose comme cela ! Ce qui est manifestement exagéré, parce que, ce faisant, Mme Calmy-Rey imposerait à l'aéroport de payer ce qu'il a déjà amorti sur ses actifs. Mais même en imaginant que les actifs actuels non amortis de l'aéroport valent, pour prendre un chiffre rond, un milliard, le bénéfice reversé par l'aéroport à l'Etat est tout à fait raisonnable. Il tient lieu de loyer pour une somme d'un milliard, alors qu'une grande partie de ce milliard a en réalité déjà été amortie par l'aéroport. En payant un loyer là-dessus, l'aéroport le payerait deux fois. Vous essayerez évidemment de triturer les chiffres pour arriver à autre chose. Tout ce que je peux vous dire, c'est que vous n'avez qu'une idée en tête, celle de ruiner l'aéroport et, en ruinant l'aéroport, de ruiner l'économie de ce canton et de cette région ! Vous n'avez que cela en tête ! Chaque fois que l'aéroport fait de bonnes affaires, vous pensez que c'est aux dépens de l'Etat. En réalité, chaque fois que l'aéroport fait de bonnes affaires, c'est en faveur de l'économie de cet Etat, c'est en faveur de toutes les entreprises qui y sont implantées ou qui s'y implantent, entreprises productrices de valeurs ajoutées et surtout génératrices de salaires et d'impôts. Mais cela, vous ne voulez pas le savoir ! Vous voulez dépenser, mais vous ne vous souciez pas de ceux qui remplissent les caisses, qui travaillent pour ce faire et qui apportent de la valeur ajoutée, des salaires et des impôts ! Vous êtes destructeur, mais ce n'est pas nouveau ! Vous voulez continuer à détruire, j'espère que cela ne va pas durer encore trop longtemps !

M. Nicolas Brunschwig (L). Il faut peut-être amener quelques précisions aux propos de M. Pagani. Celui-ci ne siège pas à la commission des finances. Nous pouvons dès lors tout à fait comprendre que les mécanismes financiers qui existent entre l'aéroport et l'Etat de Genève ne lui soient pas tout à fait connus. S'il est vrai que l'aéroport ne paye pas de loyer en tant que tel à l'Etat de Genève pour l'utilisation des locaux, l'aéroport assume l'ensemble des charges d'intérêt et l'ensemble des amortissements financés par l'Etat de Genève. Cela correspond de manière très comparable à une charge locative. L'aéroport assume donc les charges que cela a nécessité au niveau de l'Etat. C'est une opération neutre pour l'Etat, au niveau du patrimoine immobilier. L'aéroport assume les amortissements et les intérêts de ses propres investissements consentis depuis que l'aéroport est un établissement autonome, comme l'a voulu une majorité de ce Grand Conseil au moment où celui-ci prenait des décisions pleines de sagesse. Enfin, l'aéroport rétrocède à l'Etat de Genève la moitié des bénéfices que celui-ci réalise, qui sont d'ailleurs en progression extrêmement importante depuis quelques années et depuis que l'aéroport bénéficie d'une gestion autonome et fait preuve d'un dynamisme évident. L'aéroport est donc le meilleur investissement, je dirais même presque le seul investissement de l'Etat de Genève qui rapporte de l'argent. Le débat financier à ce sujet me semble donc être un mauvais débat ! 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

PL 7611-B
9. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. René Longet, Bernard Lescaze, Vesca Olsommer et Erica Deuber Ziegler sur le partenariat (E 1 27). ( -) PL7611
 Mémorial 1997 : Projet, 4685. Renvoi en commission, 4701.
 Mémorial 1999 : Rapport, 9001. Renvoi en commission, 9050.
Rapport de Mme Christine Sayegh (S), commission judiciaire

La Commission judiciaire s'est réunie les 28 septembre et 5 octobre 2000 sous la présidence de M. le député Michel Balestra pour traiter le projet de loi 7611-A renvoyé en commission lors de la séance plénière du 3 décembre 1999.

Le projet de loi sur le partenariat, déposé le 5 mai 1997, a pour but d'offrir à celles et ceux qui ont choisi de vivre à deux sans se marier, qu'ils soient de même sexe ou de sexe opposé, les aménagements législatifs nécessaires à l'épanouissement et à la protection de leur communauté et les mêmes avantages fiscaux qu'aux couples mariés (cf. exposé des motifs à l'appui du projet de loi).

Les auteurs du projet estiment qu'un souci élémentaire d'humanité exige que les partenaires puissent bénéficier des mêmes droits que les proches pour entourer leur compagnon ou leur compagne de vie en cas de maladie et dans tous les domaines où le droit cantonal ne se heurte pas à la compétence exclusive du droit fédéral.

La Commission judiciaire s'est donc penchée une première fois sur ce projet, a procédé aux auditions utiles et conclu après un débat très intense à la pertinence de régler par voie législative la possibilité pour un couple homosexuel d'officialiser son statut par une déclaration de partenariat. Les commissaires trouvèrent ainsi une unanimité dans un projet plus modeste se bornant « à affirmer par des moyens concrets mais limités le droit de chacun à vivre sa sexualité et sa vie affective comme il l'entend » ainsi que le résume, M. le député Michel Halpérin, dans son rapport de commission auquel il y a lieu de se référer. (cf. Mémorial 1999 pages 9001 et ss.).

Toutefois le projet de loi issu des travaux de la commission a suscité de nombreuses et très vives critiques de la part des milieux intéressés, certains le qualifiant de stérile, inutile voire hypocrite. Ce projet fut en conséquence renvoyé par une majorité de députés en commission le 3 décembre 1999.

Dans le courant du mois de mars 2000, un groupe de travail, constitué à l'initiative des partis de l'Alternative, a invité les associations concernées à se réunir pour tenter de trouver une formule compatible avec le droit fédéral et allant à la rencontre de leurs attentes. Le projet renvoyé en commission ainsi que le rapport y relatif servirent de base de réflexion pour l'élaboration d'un texte amendé et avalisé par les associations homosexuelles. Le projet résultant de cette consultation extraparlementaire a été présenté à la Commission judiciaire le 28 septembre 2000.

Le projet de loi issu des premiers travaux de la Commission judiciaire a été modifié sur les points suivants :

extension du projet de partenariat aux couples hétérosexuels ;

enregistrement de la déclaration de partenariat au choix chez le notaire ou à la Chancellerie d'Etat ;

précision des effets du certificat de partenariat ;

attribution à la Chancellerie d'Etat de la compétence de tenir le Registre cantonal du partenariat ;

impossibilité d'être témoin assermenté dans le procès d'une personne avec laquelle il y a un lien de partenariat et récusation du magistrat dans la même situation ;

octroi des mêmes droits aux partenaires qu'aux personnes mariées dans le cadre des dispositions applicables à la fonction publique .

Lors du premier tour de table, il s'avéra rapidement que le projet amendé ne faisait pas l'unanimité. L'extension du partenariat aux couples hétérosexuels, a été ressentie par certains députés comme une remise en cause de la cellule familiale. Il y a lieu de préciser que les auteurs du projet de loi initial avaient prévu le partenariat tant pour les couples homosexuels que hétérosexuels mais que des divergences étaient apparues entre les différentes associations auditionnées, divergences qui paraissent aujourd'hui aplanies.

Les débats s'étant poursuivis sur des questions plus spécifiques aux dispositions légales proposées, ils seront intégrés dans le commentaire article par article auquel le président suggéra avec raison de passer sans plus attendre.

Afin se simplifier la compréhension des amendements, les propositions résultant du groupe de travail sont en caractères gras et ceux présentés en commission en italique.

alinéa 1 : Deux personnes, qui souhaitent faire reconnaître leur vie commune et leur statut de couple, peuvent faire une déclaration de partenariat à la Chancellerie d'Etat ou devant un notaire exerçant dans le canton.

Accepté par 8 oui (3 AdG, 1 R, 1 L, 2 S, 1 Ve) et 5 non (2 DC, 1 R, 2 L).

Commentaire : les 3 modifications proposées permettent : 1) d'éviter d'enfermer les couples homosexuels dans un ghetto ; 2) de faire d'emblée référence au couple ; 3) de choisir d'enregistrer la déclaration de partenariat auprès d'un notaire, qui pourra donner des indications complémentaires le cas échéant en matière de droit successoral par exemple, et un service administratif cantonal, chargé, comme on le verra à l'article 5, de la tenue du Registre du partenariat.

Alinéa 2 : Il est donné acte aux partenaires de cette déclaration sous la forme d'un certificat de partenariat dont un exemplaire original est remis à chacun d'entre eux.

Accepté sans commentaire par 8 oui (3 AdG, 1 R, 1 L, 2 S, 1 Ve) et 5 non (2 DC, 1 R, 2 L).

Alinéa 3°: Le certificat atteste le caractère officiel du partenariat et le droit pour les partenaires d'être traités de manière identique à des personnes mariées dans leurs relations avec l'Administration publique, à l'exclusion de la taxation fiscale et de l'attribution de prestations sociales, à moins qu'une disposition de droit public n'en dispose autrement.

Accepté par 7 oui (3 AdG, 1 R, 2 S, 1 Ve) contre 6 non (2 DC, 3 L, 1 R). Commentaire : il s'agit d'un nouvel alinéa destiné à préciser la portée et les limites du certificat de partenariat. Cette formulation est un premier pas vers la reconnaissance des effets juridiques attachés au partenariat tout en respectant les compétences fédérales. Sur le plan fiscal, quelques députés craignent que les couples hétérosexuels utilisent de manière abusive la formule du partenariat au détriment du mariage pour faire des économies d'impôts. Cette crainte devrait être écartée grâce à cette porte entrouverte sur une modification législative dont l'application pourrait s'étendre aux personnes liées par une déclaration de partenariat. En matière de prestations sociales, l'application du principe de l'égalité de traitement entre les couples mariés et les partenaires doit passer par l'analyse préalable des prestations concernées afin de formuler des propositions concrètes, qui pourront alors faire l'objet d'adaptations législatives précises.

Cette déclaration ne peut être faite que par des personnes :

Accepté par 8 oui (3 AdG, 2 S, 1 R, 1 L, 1 Ve) contre 4 non (1 DC, 2 L, 1 R) et une abstention (DC).

Commentaire : le groupe de travail avait jugé utile d'ajouter une condition de rattachement au canton ce qui n'a pas suscité de critique en commission.

1 Le partenariat est prohibé :

2 L'adoption ne supprime pas l'empêchement résultant de la parenté qui existe entre l'adopté et ses descendants, d'une part, et sa famille naturelle, d'autre part.

Commentaire : Pas de modification avec le texte du premier rapport ; le président précise que cette disposition reste votée à l'unanimité puisque sa teneur est restée inchangée.

1 Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite à la Chancellerie d'Etat ou devant un notaire exerçant dans le canton.

Accepté sans commentaire par 7 oui (2 AdG, 1 L, 1 R, 2 S, 1 Ve) et 5 non (2 DC, 2 L, 1 R).

2 La déclaration de résiliation commune prend effet le même jour.

Accepté sans commentaire par 7 oui (2 AdG, 1 L, 1 R, 2 S, 1 Ve) et 5 non (2 DC, 2 L, 1 R).

3 En cas de déclaration de résiliation unilatérale, la Chancellerie d'Etat ou le notaire en avise le même jour l'autre partenaire. Le partenariat prend fin à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de la notification précitée à moins que la déclaration de résiliation ne soit retirée dans le même délai.

Accepté par 9 oui (2 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 3 non (1 DC, 2 L).

Commentaire : le texte voté à l'unanimité lors du premier traitement par la commission n'avait pas prévu les conditions mettant un terme au partenariat en cas de déclaration unilatérale. Le groupe de travail a souhaité les préciser dans la loi. Sur proposition d'un commissaire, la commission a renoncé à fixer, dans la loi, la manière d'aviser, laissant le choix à la Chancellerie et au notaire de décider en fonction des modes à leur disposition et de la situation. La commission a, suite à une seconde proposition, étendu à 60 jours le délai d'expiration du partenariat, initialement prévu à 20 jours voulant accorder un délai de réflexion, comme dans le nouveau droit du divorce.

Vote d'ensemble sur l'article 4 : 9 oui (2 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 3 non (1 DC, 2 L).

1 La Chancellerie d'Etat tient un registre cantonal du partenariat auquel les notaires doivent transmettre les déclarations d'enregistrement de partenariat et leur résiliation. Le registre est en outre soumis à la législation sur la protection des données.

Accepté sans commentaire par 9 oui (2 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 3 non (1 DC, 2 L).

2 La Chancellerie d'Etat radie d'office les partenariats qui ont pris fin en vertu d'un des motifs d'exclusion de l'article 3.

Accepté sans commentaire par 9 oui (2 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 3 non (1 DC, 2 L).

3 Le Registre cantonal du partenariat n'est pas accessible au public. Seuls les services concernés de l'Etat ou des communes y ont accès.

Accepté par 10 oui (3 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 4 non (1 DC, 1 R, 2 L).

Commentaire : après avoir évalué l'opportunité de limiter l'accès du registre, la majorité des commissaires ont admis que la solution minimale du texte initialement retenu n'était pas adéquate. La question avait d'ailleurs déjà été soulevée dans le premier rapport rappelant que « les commissaires n'avaient pas été pour autant insensibles au risque de voir ce registre être perçu comme une sorte d'index des homosexuels.(..) L'accès au registre devra donc être sévèrement limité. ».

Vote sur l'article dans son ensemble :10 oui (3 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 4 non (1 DC, 1 R, 2 L).

Alinéa 1 : Un partenaire ne peut être entendu qu'à titre de renseignement dans la procédure judiciaire dans le cadre de laquelle son partenaire est partie. Ils ou elles sont récusables comme magistrat.

Alinéa 2 : l'alinéa 1 est applicable par analogie aux procédures administratives.

Accepté par 10 oui (3 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) contre 4 non (1 DC, 1 R, 2 L).

Commentaire : cette disposition s'inspire directement de la loi en vigueur pour les parents et alliés qui ne peuvent pas être entendu en qualité de témoin mais seulement à titre de renseignement. La question s'est avant tout posée de savoir s'il y avait lieu d'ajouter un second alinéa, la procédure judiciaire n'englobant pas forcément la procédure administrative.

Les partenaires bénéficient des mêmes droits que les personnes mariées dans le cadre des dispositions applicables à la fonction publique, à l'exclusion des dispositions relatives aux caisses de retraite.

Accepté par 8 oui (3 AdG, 3 S, 2 Ve), 4 non (1 DC, 2 L, 1 R) et 2 abstentions (1 L, 1 R).

Commentaire : il s'agit de permettre les mêmes droits de congé par exemple lors du décès d'un des partenaires. L'extension de ce droit aux prestations des caisses de retraite a été écartée au motif qu'elle impliquerait une modification des statuts des caisses ce qui n'est pas du ressort de cette loi. Il apparaît néanmoins que les caisses de prévoyance règlent cette problématique dans la mesure où il est déjà possible à une personne non mariée de désigner un bénéficiaire de son choix. C'est pourquoi la commission a estimé utile de préciser que les dispositions relatives aux caisses de retraite n'étaient pas visées et voter un amendement en ce sens par 9 voix (3 AdG, 1 L, 3 S, 2 Ve) contre 4 (1 DC, 2 L, 1 R) et 2 abstentions (1 L, 1 R).

Il est perçu un émolument entre 100 et 200 francs lors de la délivrance de certificat et lors de sa résiliation.

Accepté par 11 oui (3 AdG, 2 L, 1 R, 3 S, 2 Ve), 2 non (1 DC, 1 R) et une abstention (L).

Commentaire : dans son premier rapport la commission avait émis le voeu que le Conseil d'Etat, lorsqu'il complétera le règlement sur les émoluments des notaires, fixe à un niveau raisonnable (100 F à 200 F) le montant des émoluments relatifs à l'enregistrement d'un partenarait ou sa résiliation. (Cf. rapport 7611-A, commentaire ad article 7). Une large majorité a jugé opportun d'ancrer cette fourchette dans la loi.

Le Conseil d'Etat édicte les mesures d'exécution et fixe le montant des émoluments.

Accepté sans commentaire par 10 oui (3 AdG, 1 L, 1 R, 2 Ve) et 4 non (1 DC, 2 L, 1 R).

VOTE FINAL SUR L'ENSEMBLE DU PROJET TEL QU'AMENDÉ :

9 OUI (2 AdG, 1 L, 1 R, 3 S, 2 Ve) et 4 NON (1 DC, 2 L, 1 R).

Cette nouvelle mouture n'a pas fait l'unanimité et les opposants ont ressenti un certain malaise, voyant dans ce projet, pour les uns, plutôt un combat pour obtenir des avantages financiers que la recherche d'une dignité, pour les autres un manque de protection des enfants en cas de rupture du couple partenaire. Outre le fait que la problématique des couples non mariés avec enfants est déjà réglée par le droit fédéral, le Conseil d'Etat, répondant au Conseil fédéral dans le cadre de procédure de consultation relative au rapport de l'Office fédéral de la justice sur la situation des couples homosexuels, est d'avis qu'il se justifie d'agir sur le plan législatif et de tenir compte dans une certaine mesure des dispositions prises dans de nombreux pays européens notamment dans le domaine des assurances sociales, de la fiscalité, du séjour et de l'établissement(cf. courrier du 15 décembre 1999, réf. 1999014686). Le droit fédéral limite les compétences cantonales mais ne les exclut pas. A l'occasion de l'examen de la disposition constitutionnelle bernoise garantissant la liberté de choisir une autre forme de vie en commun, le Conseil fédéral a reconnu aux cantons la compétence de légiférer pour protéger de toute discrimination certaines formes de vie commune hors du mariage. Le présent projet répond ainsi sur le plan cantonal à cette légitime revendication.

Au bénéfice de ces explications, la majorité de la Commission judiciaire vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi dans la teneur telle qu'amendée lors de ses derniers travaux.

ANNEXE, PL 7611

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes et MM. René Longet, Bernard Lescaze, Erica Deuber-Pauliet Vesca Olsommerdu Conseil d'Etat

Dépôt: 5 mai 1997

Disquette

PL 7611

PROJET DE LOI

sur le partenariat

(E 1 27)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Sont partenaires au sens de la présente loi 2 personnes reconnues comme tels par l'autorité compétente.

2 La reconnaissance est accordée sur requête commune de 2 personnes qui:

a)

sont majeures;

b)

sont capables de discernement;

c)

ne sont pas mariées, ni déjà partenaires au sens de la présente loi;

d)

sont domiciliées dans le canton ou s'apprêtent à y prendre domicile;

e)

s'engagent à faire ménage commun;

f)

se reconnaissent mutuellement le droit de partager la demeure commune et

g)

s'engagent à contribuer chacune dans la mesure de ses moyens aux besoins de leur ménage et à se prêter assistance et secours.

3 Les engagements doivent résulter d'un acte écrit. Cet acte peut être signé devant un officier d'état civil.

4 L'officier d'état civil du domicile genevois de l'un des requérants est compétent pour enregistrer les engagements et accorder la reconnaissance.

5 La commune délivre une attestation de partenariat sur demande de l'un des partenaires.

Art. 2

1 Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite devant l'officier d'état civil de leur domicile ou du lieu de leur ménage commun. L'officier constate la date de la déclaration de résiliation qui prend effet le même jour.

2 La commune est compétente pour révoquer la reconnaissance des partenaires dès lors que l'une de ses conditions fait défaut, notamment en cas d'absence prolongée de vie commune.

3 La suspension de la vie commune en vue de fréquenter une école ou motivée par le service militaire, le placement dans un hospice, un hôpital, une maison de détention ou toute autre institution ainsi que le transfert du ménage commun des partenaires hors du canton, ne constituent pas des motifs de révocation de la reconnaissance.

Art. 3

1 Les dispositions légales et réglementaires concernant les conjoints s'appliquent par analogie aux partenaires dans tous les domaines régis par le canton.

2 Le canton reconnaît le statut de partenaire de toute personne enregistrée comme tel ou au bénéfice d'un certificat de vie commune dans un autre canton ou pays.

Art. 4

1 A défaut de stipulation contraire les dispositions du code civil suisse concernant le régime de la séparation de biens (art. 247 à 251CCS) s'appliquent par analogie à la jouissance et à l'administration des biens des partenaires.

2 Le partenaire titulaire du bail ou propriétaire du logement commun ne devra sans le consentement exprès de l'autre partenaire ni résilier le bail, ni aliéner le logement commun, ni affecter par d'autres actes les droits dont dépend celui-ci. Les obligations envers le bailleur et les droits de celui-ci sont réservés.

3 Cette obligation cesse à l'expiration d'un délai de6 mois au moins après enregistrement officiel de la déclaration ou décision mettant fin au partenariat.

ANNEXE, PL 7611-A

Projet de loi(7611-A)

sur le partenariat

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

1 Un couple homosexuel dont l'un des membres au moins est domicilié dans le canton peut faire une déclaration de partenariat devant un notaire du canton.

2 Il est donné acte aux partenaires de cette déclaration sous la forme d'un certificat de partenariat qui leur est remis.

Article 2

Cette déclaration ne peut être faite que par des personnes qui :

Article 3

1 Le partenariat est prohibé :

2 L'adoption ne supprime pas l'empêchement résultant de la parenté qui existe entre l'adopté et ses descendants, d'une part, et sa famille naturelle, d'autre part.

Article 4

Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite devant un notaire du Canton. Ce dernier constate la date de la déclaration de résiliation qui prend effet le même jour.

Article 5

Il est tenu un registre cantonal du partenariat auquel les notaires doivent transmettre les déclarations d'enregistrement de partenariats et leur résiliation. Le registre est soumis à la loi sur les informations traitées par ordinateur du 17 décembre 1981.

Article 6

Il est perçu un émolument lors de la délivrance du certificat et lors de sa résiliation.

Article 7

Le Conseil d'Etat désigne le département chargé de la tenue du registre et fixe le montant des émoluments.

Premier débat

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Ce projet de loi sur le partenariat est un projet qui accorde à deux personnes de même sexe ou de sexe opposé, qui ont noué une relation durable, la possibilité de faire reconnaître leur statut de couple par l'enregistrement officiel de leur partenariat.

Ce projet de loi répond à une réalité sociale, à une situation que beaucoup de couples vivent et qui, si elle est tolérée, n'engendre pas moins des appréciations négatives, des jugements critiques fondés sur des valeurs conservatrices, n'admettant l'officialisation d'un couple que dans l'hétérosexualité et les liens du mariage. Le partenariat répond à une demande réelle venant plus particulièrement des couples homosexuels. Je vous rappelle que la pétition pour la reconnaissance des couples homosexuels, adressée en juin 1996 au Conseil national, était appuyée par 85 000 signatures. Par ailleurs et bien que le nombre des personnes homosexuelles en Suisse soit difficile à déterminer, il apparaîtrait selon certaines sources, dont les coordonnées n'ont malheureusement pas été mentionnées, mais parues dans le mensuel « Femmes en Suisse » de février 2000, que les personnes homosexuelles représenteraient environ 10% de la population. Même si ce chiffre dépasse peut-être la réalité, il n'en reste pas moins que la question n'est pas mineure et que l'identification sexuelle reste encore un sujet délicat à discuter. Ceci n'autorise pas pour autant une discrimination et il est de notre devoir de garantir la dignité de chacun et chacune dans la loi.

Notre parlement a pris conscience du problème et était prêt à accorder, par un vote unanime, le droit pour un couple homosexuel d'obtenir une reconnaissance officielle. Ce premier projet, comme je le rappelle dans le rapport, n'a pas trouvé un écho favorable auprès des associations homosexuelles. Une nouvelle mouture, élaborée avec les milieux intéressés, est soumise à votre examen ce soir, après avoir été avalisée par une majorité de la commission judiciaire.

Vous aurez remarqué que le partenariat ne reste ouvert qu'à des personnes majeures, capables de discernement, non mariées, ni déjà partenaires. Il s'agit donc de garder des cautèles analogues à celles que nous avions retenues lors de nos premiers travaux en commission. Le projet que nous allons voter instaure le système du partenariat tant pour les couples hétérosexuels qu'homosexuels dans les limites des compétences cantonales qui nous sont imposées. Je vous invite à l'accepter ! 

Mme Salika Wenger (AdG). Il aura fallu trois ans de travaux, ponctués de nombreux avatars, pour que cette loi voie enfin le jour et puisse être ratifiée par vous. Après avoir participé à ces travaux, je suis fière de le défendre ce soir, même s'il ne constitue qu'un très petit pas vers une égalité de traitement.

Pourquoi cette loi est-elle si importante ? Parce que le monde a changé et que certaines de nos institutions, aussi nobles et légitimes soient-elles, ne correspondent plus à elles seules à notre nouveau mode de vie. Les structures familiales ont beaucoup changé. Il n'est pas rare de voir aujourd'hui des enfants à multiples familles. En tant que législateur, nous nous devons de prendre en compte les aspirations d'une partie de la population de notre société et de créer un cadre légal permettant à ces nouvelles familles de fonctionner le mieux possible. La préoccupation du législateur doit être de partir de la réalité sans s'interroger d'un point de vue moral si une réforme de la législation favorise ou non l'union libre. L'Etat n'a pas à s'immiscer dans la vie privée des personnes. Son rôle est d'assurer l'égalité de toutes et tous devant la loi. Quel que soit le mode de vie de chaque individu, il n'y aurait donc pas lieu de faire une distinction particulière pour les couples homosexuels.

Pourtant, malgré cela, cette loi ne remet pas en question les institutions déjà existantes. J'en veux pour preuve le nombre de pays qui ont aujourd'hui adapté ce genre de lois en faveur des couples homos ou hétéros qui ne veulent ou ne peuvent pas se marier. Je parle du Danemark, de la Norvège, de la Hongrie, de la France, de l'Allemagne et je terminerai par le canton de Neuchâtel, dont le peuple a approuvé la constitution reconnaissant des modes de vie autres que le mariage. En France, même si la majorité des personnes qui ont « pacsé » sont des couples hétérosexuels, on observe dans le même temps une forte progression du mariage, car il y a dans le mariage une part sacrée et religieuse que ne comporte pas le partenariat, qui ne fait que combler une lacune juridique. Pourtant, toute idéologie, aussi humaniste et raisonnable soit-elle, lorsqu'elle est imposée dogmatiquement, se transforme inéluctablement en son contraire et, dès lors, devient une entrave totalitaire.

Nous connaissons tous la définition du totalitarisme. Tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire... (L'oratrice est interpellée.) Oui, Monsieur Blanc, je sais exactement de quoi je parle ! Or, il est interdit aux homosexuels de se marier et il est obligatoire, pour toutes les personnes qui veulent vivre ensemble, de se marier pour faire reconnaître leur relation dans la société. Qui, dans cette enceinte, aura l'audace d'aller jusqu'au bout de ce raisonnement et le courage politique de dire publiquement : si les homosexuels ne peuvent pas se marier, c'est qu'ils ou elles ne sont pas des personnes et qu'il ne peut exister, en dehors des liens du mariage, d'autres types de reconnaissance qui offrent une sécurité relationnelle assortie de droits et de devoirs à l'égard du conjoint ou du groupe.

Je sais que certaines députées et certains députés dans cette enceinte pourraient trouver gênant le fait que des personnes de même sexe puissent conclure un contrat de partenariat. Il y a comme une odeur d'homophobie. Et dans l'homophobie, j'ai toujours eu l'impression qu'il y avait une grande confusion entre identité sexuelle et rôle sexuel. Si être dominant, c'est imposer sa loi, ses valeurs, ses idées par la force, en niant à l'autre ou aux autres le droit d'être ou de penser différemment, j'aime infiniment être une femme et je n'en respecte que plus encore ceux qui ont fait le choix de casser cette dynamique. La liberté individuelle, ainsi que la liberté de choix, est un des concepts les plus importants et les plus largement défendus dans cette enceinte. Mais il semble que cela ne s'applique qu'au choix d'un shampooing ou d'une marque d'automobile. Car lorsqu'il s'agit d'un véritable choix de vie, nous sommes confrontés au dogmatisme le plus étroit et bien loin du discours moderniste libéral à l'égard de la responsabilité individuelle.

Avant de prendre une décision de vote, j'aimerais que chacun réfléchisse aux questions suivantes : ne serait-il pas légitime de laisser à chacun le choix de la qualité de son engagement à l'égard de son ou de sa partenaire ? Un bon partenariat conclu entre deux personnes adultes et responsables ne serait-il pas aussi respectable qu'un autre engagement plus contraignant ? Est-il possible, pour nous, d'envisager qu'une grande partie de la population soit traitée comme des citoyens de deuxième zone qui n'auraient que des devoirs sans en avoir les droits ?

Ce soir, Mesdames et Messieurs, je vous demande de voter cette loi et je demande le vote nominal ! (Applaudissements.) 

Mme Erica Deuber Ziegler (AdG). Comme co-dépositaire de ce PL 7611, je tiens à exprimer ma satisfaction de son lent, mais bon aboutissement au terme d'une deuxième étape de travaux au sein d'une commission judiciaire qui avait, dans un premier temps, cherché à le vider de son contenu.

Soyons clairs ! Je partage les propos que Mme Wenger vient de vous tenir : on fournit quelques aménagements législatifs nécessaires à fonder la communauté de couples de même sexe ou de sexes différents, mais cela ne va pas très loin, du moins pas aussi loin que l'on aurait pu le souhaiter sur le plan pratique. D'un côté un enregistrement légal de ces unions, de l'autre des droits sociaux qui leur sont attachés en matière de procédure judiciaire, de dispositions applicables à la fonction publique. C'est tout ce qu'il a été possible de proposer dans le cadre cantonal ! Le projet qui nous est soumis marque donc en effet un recul, mais je laisserai le soin à toutes celles et à tous ceux qui ont pris part aux débats de la commission d'expliquer les raisons qui se sont fait jour, eu égard aux limites du droit cantonal, mais aussi aux difficultés posées, notamment par l'adaptation législative précise qu'aurait nécessité l'élargissement du projet que nous souhaitions aux prestations sociales relevant de la compétence cantonale.

Mais je tiens alors à dire sur le fond que ce moment d'adoption de ce projet de loi sur le partenariat est à marquer d'une pierre blanche dans notre histoire genevoise. Il introduit à Genève, après des siècles d'ostracisme, la reconnaissance par la loi des couples homosexuels. Certes, nous ne sommes pas les premiers au monde, Salika Wenger l'a rappelé. Nous sommes quand même dans une sorte de peloton de tête et nous pouvons en être fiers. C'est la raison pour laquelle nous devrions être très nombreux à voter ce projet de loi. Nous espérons évidemment que la loi fédérale, sur la lancée des propositions de notre ancien collègue, l'ancien conseiller national Jean-Philippe Gros, voie le jour très rapidement pour compléter le dispositif en ce qui concerne tout ce qui relève de la compétence fédérale.

Laissez-moi encore vous dire ceci qui a trait à l'institution de l'union matrimoniale en général et du rapport que cette union entretient avec l'exclusion dont ont été victimes jusqu'à nos jours les couples homosexuels. Dans n'importe laquelle de nos trajectoires de vie, à nous tous dans ce parlement, nous avons été et nous sommes confrontés aux difficultés de vie des homosexuels : à l'école, à l'adolescence, pendant la formation, au travail dans le cercle familial, dans le réseau des amis, dans le voisinage. Impossible de ne pas en avoir été marqué chacun de nous. Marqué par tout ce qui s'y rattache, secrets murmurés, ragots, saisissement au moment de la découverte que telle personne, parfois déjà mariée, entretient en fait des relations homosexuelles, douleur des parents, rupture, drame. Nous avons tous été les témoins de ces parcours. Les choses s'améliorent certes grandement aujourd'hui, mais la génération à laquelle nous sommes très nombreux à appartenir ici, celle en gros de 1968, s'est dressée contre l'institution du mariage telle qu'elle fonctionnait encore dans les années 50-60. Cette institution de base de la famille, dans le cadre civil, juridique et religieux, fixée depuis le siècle passé, était alors l'unique cadre de gestion admis de l'amour, de la procréation, des relations sexuelles, d'une réparation éventuelle des transgressions commises hors du mariage, par l'amour-passion par exemple. Cette institution était étroitement contrôlée, marquée par des tabous en matière de mariage mixte, interreligieux ou interéthniques et était très difficile à dissoudre. Du même coup, la sexualité hors mariage renvoyait ses protagonistes au dévergondage, puisque le simple énoncé de relations sexuelles, sans la justification de la bénédiction nuptiale religieuse ou de l'enregistrement civil du mariage, n'évoquait rien d'autre que la sexualité toute crue, c'est-à-dire la sexualité dégoûtante. Vous avez tous, ces jours-ci, reçu dans vos boîtes à lettres des courriers ou des e-mails d'opposants à ce projet de loi que nous allons voter tout à l'heure. Vous vous rendez bien compte que ces sentiments existent encore dans une grande partie de l'opinion.

Tout cela a changé, mais il y a encore du travail. Il y a encore des pays où l'on tue, on emprisonne, on condamne les homosexuels. Les termes avec lesquels on les désigne sont encore couramment utilisés chez nous comme des insultes. Les familles dans lesquelles apparaît un enfant homosexuel - cette révélation peut avoir eu lieu à l'adolescence, mais elle peut aussi avoir lieu plus tard, parfois au moment de la mort, d'un malade du sida - continue de provoquer des chocs énormes, faits d'incompréhension, de culpabilité, de jugements, de détresse, de dépression, de suicide. La reconnaissance de la légalité des couples homosexuels et des couples de concubins constitue à mes yeux une urgence. Si elle en choque certains, c'est parce que le présent projet de loi met en cause certains des traits les plus traditionnellement détestables du mariage que j'ai cités tout à l'heure et de l'ostracisme dans lequel a été tenue la sexualité dans notre civilisation.

Nous devons voter ce projet pour les raisons suivantes. Premièrement, parce que nous sommes attachés à la Déclaration des droits humains et en particulier au principe de l'égalité civile. Deuxièmement, parce que nous voulons que soit mis un terme à la discrimination de droit en matière de cohabitation de deux personnes qui s'aiment et entretiennent des relations. Troisièmement, parce que le mariage, version XXe siècle, assure aux couples hétérogènes un dispositif de protection sociale, dont je vous passe l'énumération, mais dont il est absolument inéquitable que des catégories de couples soient exclues. Quatrièmement, parce que nous voulons que soit mis un terme aux souffrances des familles. Nous voulons que l'on se moque dans vingt ans de ces souffrances passées, ou plutôt du système qui les a infligées et qu'on les regarde comme des avatars barbares de la société du XXe siècle. Enfin, cinquièmement, parce que notre culture change, doit changer, pour accueillir l'autre dans nos conceptions éthiques, avec toutes ses différences, d'où nous ne voulons plus qu'elles fassent mal, qu'elles séparent au lieu d'unir, qu'elles poussent à l'exclusion au lieu d'inviter à la citoyenneté, qu'elles poussent à la guerre au lieu d'inviter à la paix.

Hétérosexuels et homosexuels ont toujours coexisté dans nos sociétés. Les uns, visibles, les autres cachés. Les uns donnant la norme, les autres subissant les préjugés découlant de la norme. Notre identité citoyenne, qui se métisse aujourd'hui sur tous les plans, s'enrichira de la reconnaissance du partenariat homosexuel et augmentera, j'en suis sûre, notre qualité de vie.

Mme Jacqueline Cogne (S). En complément de ce que viennent de dire mes préopinantes, je veux mettre l'accent sur le fait que ce projet de loi concerne aussi bien les couples homosexuels que les couples hétérosexuels. Nous vous demandons de voter ce projet de loi. Pourquoi ? Pour toutes les raisons évoquées dans le rapport bien sûr, mais aussi pour une autre raison, et non des moindres, le secret médical. L'article 1, alinéa 3 l'atteste, qui parle, dans ce nouveau projet de loi, de la relation normalisée des partenaires avec l'administration. Combien de fois n'a-t-on pas dû, pour des soins, faire sortir de la chambre d'un malade un compagnon ou une compagne sous prétexte qu'il ou elle n'est pas de la famille ? Mais surtout, combien de fois un compagnon ou une compagne de patient hospitalisé, vivant dans l'angoisse que l'on imagine, s'est vu éconduire lorsqu'il ou elle demandait des résultats médicaux, toujours sous prétexte qu'il n'était pas de la famille ? Quelle satisfaction pour ces gens de voir notre canton présenter enfin un projet de loi qui réglerait au moins ce problème !

Et puis, Mesdames et Messieurs, un petit clin d'oeil ! C'était hier la Saint-Valentin, la fête de tous les amoureux ! Alors, un geste pour tous ces couples homosexuels comme hétérosexuels vivant dans notre canton, un geste pour ces couples, disais-je, qui souhaitent ce « Pacs » depuis si longtemps. Ce serait vraiment bien ! (Applaudissements.) 

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Au moment de l'intervention de l'un des élus démocrates-chrétiens, la majorité de ce parlement pourrait s'attendre à une position très fermée à l'égard du projet de loi 7611, voire une critique point après point de tous ses aspects. Or, il n'en est rien ! En effet, s'agissant du premier projet issu des travaux de la commission judiciaire et malheureusement renvoyé en commission le 3 décembre 1999, nous étions prêts à lui réserver un accueil unanimement favorable. Nous étions à l'époque, comme encore aujourd'hui, tout à fait favorables à l'attribution aux couples homosexuels des mêmes droits que les proches pour entourer leurs partenaires dans tous les domaines où le droit cantonal ne se heurte pas aux dispositions du droit fédéral. Qui plus est, nous étions et restons tout à fait favorables à l'octroi, pour ces couples, de droits importants en matière de droit successoral ou fiscal, lesquels ne pourront malheureusement se régler qu'à la faveur d'une nouvelle loi fédérale, certes actuellement en discussion, mais non encore aboutie.

Ce préambule pour vous dire que le groupe démocrate-chrétien, sur ce sujet, n'a pas l'attitude d'un groupe à la vision figée qu'on lui prête souvent. Il a par contre la conviction qu'une fois encore, à la faveur de cette nécessaire évolution, l'actuelle majorité de ce Grand Conseil veut nous embarquer dans l'un de ses excès que nous ne lui connaissons que trop bien. Alors que tous ensemble, en décembre 1999, nous aurions pu voter des droits certes limités, mais au combien importants dans l'attente d'une nouvelle législation fédérale en faveur des couples homosexuels, vous avez renvoyé tout cela en commission, fait perdre plus d'un an aux principaux intéressés, pour ajouter des dispositions relatives aux couples non mariés. Ceci quand bien même l'association Dialogai avait déclaré lors de son audition qu'il serait « plus honnête, plus rigoureux et plus courageux de limiter ce projet aux couples du même sexe. En effet, les couples hétérosexuels ont, eux, la possibilité de se marier. » Pour nous, ces nouvelles dispositions visant à étendre ce projet de loi aux couples hétérosexuels ne sont pas les bienvenues. Non pas que nous contestions, par une vision passéiste, le droit de tous de vivre ensemble en dehors des liens du mariage. Bien au contraire, puisque plusieurs membres de notre groupe ont vécu ou vivent en union libre... (Exclamations.) Il ne nous apparaît pas opportun... (Brouhaha.) Si vous permettez, on vous a écoutés ! ...de créer sur le plan législatif les conditions d'un mariage bis ou d'une union différente.

Celles et ceux qui font le libre choix de vivre leur vie de couple hétérosexuel autrement que régie par les dispositions du mariage civil doivent le faire et le font, dans la plupart des cas, en étant conscients des avantages, mais aussi des désavantages d'un tel statut. Ils doivent savoir que l'institution du mariage, telle que nous la connaissons, leur apporte certes des devoirs et des obligations, mais également des avantages. Leur choix doit à nos yeux se limiter à ces deux alternatives. Nous ne cachons pas notre crainte de voir trop de couples faire une déclaration de partenariat en n'y voyant que les maigres avantages un peu bricolés et figurant dans le texte qui nous est soumis. Or, nous pensons que nous aurions tort d'encourager cette troisième voie, laquelle ne serait pour beaucoup qu'une solution de facilité. Un foyer familial, avec ou sans enfant, doit, si une volonté bien réelle d'engagement réciproque existe, se bâtir sur les dispositions les plus solides possibles. Celles-ci sont incontestablement celles prévues par le mariage civil. Le mariage prévoit évidemment, pour autant qu'il soit compris de tous de cette manière, un engagement de l'un vers l'autre fort et important. Celui du partenariat n'est qu'une démarche administrative et il peut y être mis fin par simple déclaration commune ou, c'est un maximum, de manière unilatérale par l'un des partenaires. Imaginez un peu avec quelle désinvolture l'un des partenaires pourra laisser tomber l'autre et, dans certains cas, avec quelle facilité une famille pourra éclater. Vous me rétorquerez que le taux des divorces démontre à l'envi combien est également fragile l'engagement du mariage. C'est vrai, mais nous ne pensons pas que l'encouragement à fonder un foyer sur des bases encore plus faibles et fragiles soit une bonne chose. Même si cela n'est pas assez souvent compris, c'est la qualité de l'engagement que nous devons promouvoir et non pas la facilité de l'oublier.

D'autres choses nous étonnent dans ce texte. Par exemple, l'article 1 indique que « deux personnes, qui souhaitent faire reconnaître leur vie commune, et leur statut de couple peuvent faire une déclaration, etc. ». Il est précisé à l'article 2, lettre d que « l'une d'entre elles au moins est domiciliée dans le canton. » Il faut donc nous expliquer comment l'on peut faire vie commune si l'une des deux personnes n'habite pas dans le canton !

En conclusion, vous aurez compris, Mesdames et Messieurs, que nous ne sommes d'accord avec vous que sur la nécessité de légiférer à propos des couples homosexuels, que nous ne sommes pas d'accord qu'avec un aspect de cette loi. Nous nous abstiendrons donc au moment du vote, à moins que par miracle, auquel nous avons encore la faiblesse de croire vous concernant, vous ne deveniez subitement plus raisonnables ! (Applaudissements.) 

M. Etienne Membrez (PDC). Personnellement et avec une pointe de nuance par rapport à mon collègue Portier, je ne partage pas l'avis de ceux qui veulent à tout prix et sans tarder ancrer le partenariat dans la législation genevoise. Il eût été pour le moins opportun de chercher à en savoir davantage sur l'avant-projet de la Confédération, de mieux connaître ses lignes de force, la part cantonale d'un partenariat ne pouvant être que complémentaire et donc n'être élaboré qu'après et non l'inverse, comme nous sommes en train de le faire maintenant. On a refusé tout net cette idée en commission, de sorte qu'il faut tout d'abord regretter cette précipitation sur laquelle ses auteurs pourraient bien être contraints de revenir un jour ou l'autre.

Quant au projet présenté aujourd'hui, il souffre à nos yeux d'un défaut majeur, à savoir qu'il s'applique aussi bien aux couples homosexuels qu'aux couples hétérosexuels. Si l'on peut tomber d'accord, en ce qui concerne les premiers, pour prévoir pour eux un aménagement bien spécifique, il n'en va pas de même pour les seconds. J'en veux pour preuve que le premier projet discuté devant ce parlement n'avait trait qu'aux couples homosexuels. Le projet de la Confédération est limité, que je sache, aux couples d'un même sexe. Et enfin, l'avis - mon collègue Portier vient de le rappeler - même des milieux homosexuels genevois qui, dans un premier temps du moins, nous ont demandé de distinguer les couples d'un même sexe des autres, ceux-ci ayant précisément la possibilité de se marier.

Vous l'aurez compris, dans notre opposition au partenariat pour les couples hétérosexuels, les concubins, il y a cette crainte, qu'on le veuille ou non, d'en faire pour eux une caricature de mariage, un mariage au rabais, que l'on conclue aussi facilement qu'il n'est défait, avec tous les risques que cela peut comporter, aussi bien pour le couple lui-même que pour la famille, les enfants et même la société. Il ne suffit effectivement pas de déclamer, dans de beaux discours, ce qu'est la famille, cette cellule de base de notre société, de la protéger dans notre constitution, de la soutenir dans notre législation. Encore ne faudrait-il pas mettre en péril la base même sur laquelle elle repose ! Le mariage. Or, prétendre suivre l'évolution naturelle d'une société, se réfugier derrière des arguties juridiques pour se donner bonne conscience, avec tous les autres motifs, soi-disant excellents, invoqués, rien ne justifie pour nous ce partenariat étendu si l'on a vraiment envie de créer les meilleures conditions possibles à l'éclosion d'une famille solide et durable.

Le sujet, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, est délicat. Je m'en voudrais d'user d'un ton moralisateur. Toutes les questions qu'il soulève doivent être abordées avec modestie, avec beaucoup d'humilité et de respect pour la liberté de chacun, notamment de se marier ou de décider de vivre en union libre. Mais en officialisant cette dernière, en la mettant en concurrence avec le mariage, comme une alternative, on ne fait qu'affaiblir encore plus ce dernier, déjà suffisamment mis à mal aujourd'hui.

C'est pourquoi je m'abstiendrai, avec le parti démocrate-chrétien, lors du vote d'ensemble de ce projet, en critiquant surtout le fait d'y avoir associé les couples hétérosexuels qui ont en tout temps la possibilité de se marier s'ils veulent changer de statut. Comme ils le font souvent, tôt ou tard aujourd'hui, au lieu de s'engager demain dans un partenariat sur lequel beaucoup s'accordent à reconnaître son manque de substance et surtout sa grande fragilité. 

M. Michel Halpérin (L). Lorsque l'on est porté par une idée claire, on aboutit à des résultats qui, normalement, le sont aussi. L'une des caractéristiques du débat que nous avons ce soir, c'est qu'il repose sur des intentions qui sont équivoques, ou trop nombreuses, ou bien pas assez clairement hiérarchisées dans la pensée même de ceux qui les ont conçues. Je rappelle que des quelques interventions que nous venons d'entendre et de l'exposé des motifs du projet de loi dans sa forme initiale, trois sujets différents étaient abordés, mais semble-t-il avec des intensités différentes. Le premier de ces sujets était la discrimination, que l'un d'entre vous a appelé homophobe tout à l'heure. Le deuxième de ces sujets, c'était la prise en compte d'un monde nouveau avec des moeurs nouvelles. Le troisième de ces sujets, que personne n'a mentionné très clairement ce soir, mais qui est tout de même assez présent dans un certain nombre d'esprits, c'était l'aboutissement, pour les couples partenaires, d'un certain nombre d'avantages à caractère social ou autre. Ce triple objectif présente malheureusement l'inconvénient de sa propre multiplicité.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lors de la première série de travaux qui avaient été conduits en commission, nous nous étions assez rapidement mis d'accord - je le souligne - unanimement pour privilégier l'un de ces sujets. Pourquoi ? D'abord parce que nous avions, à l'époque, fait oeuvre commune d'humilité. C'est assez rare dans cette enceinte pour mériter d'être rappelé. L'humilité consistait à se rendre compte que notre parlement, parce qu'il est cantonal et cantonal seulement, avait, sur un sujet comme celui-ci, des moyens particulièrement limités, puisque l'essentiel des problèmes qui touchent à la vie des couples relève par définition du Code civil et du droit fédéral. Nous nous étions donc rendu compte que ce qui était attendu de ce parlement n'était pas un acte législatif d'une portée pratique véritable et immédiate, ce qui permettait du même coup d'éluder le troisième volet, celui des avantages matériels, mais qu'il s'agissait en réalité de faire oeuvre symbolique, politique au sens propre du terme, pour faire avancer un certain nombre d'idées dont plusieurs d'entre vous se sont faits tout à l'heure les chantres. La première de ces idées était naturellement le principe de non-discrimination. Nous avons été unanimes. Je le rappelle ici parce que l'on aurait pu avoir le sentiment, à entendre les interventions de mes collègues Mme Wenger et Mme Deuber Ziegler tout à l'heure, qu'une césure s'était faite dans ce conseil entre ceux qui étaient favorables à la reconnaissance explicite d'un statut d'égalité pour les couples homosexuels et les autres. Ce n'était pas le cas, parce que les temps sont en effet révolus, Madame Deuber Ziegler, où il y avait un sentiment, un parfum, une fragrance de conservatisme à caractère dévot. Ce n'est pas de cela qu'il s'est agi à aucun moment de nos débats. Je voudrais souligner, contrairement à ce que vous avez fait tout à l'heure, toute la convergence dans nos enceintes, qu'il s'agisse de la commission judiciaire ou de ce Grand Conseil, sur la nécessité de mettre fin à ce qui nous paraissait des pratiques discriminatoires en tant que telles inacceptables. Voilà pourquoi nous nous étions mis d'accord pour considérer qu'un texte de loi, certes de portée matérielle limitée, mais consacrant la volonté politique des élus de ce canton d'affirmer avec une certaine fermeté et je dirais une certaine fierté qu'il n'y a pas de place dans ce canton pour la discrimination fondée sur des préférences ou des comportements sexuels, nous rassemblerait.

Ce projet était bon parce qu'il était clair. Il est reparti en commission et il est revenu, permettez-moi de le dire, dans un état que je trouve un peu navrant, parce que la confusion que je viens d'évoquer s'y retrouve intégralement. Que voit-on dans ce texte ? On voit d'abord que les couples homosexuels et hétérosexuels sont remis sur le même plan, alors que nous savons que les seconds ne sont pas discriminés, puisqu'ils ont la possibilité de se marier, et nous le savons si bien que Mme Deuber Ziegler ne nous a littéralement parlé tout à l'heure que du problème de la discrimination homosexuelle, parce que le reste n'est pas un problème.

Deuxièmement, nous nous attacherons, mais très brièvement rassurez-vous, au contenu de ce texte. Que dit-il ? Que l'on peut devenir partenaire en faisant une déclaration. Deuxièmement, que l'on devrait être traité par l'administration publique, si l'on est partenaire au terme de cette déclaration, comme si l'on était marié. Troisièmement, que l'on peut, si l'on veut mettre fin au partenariat, le faire soit unilatéralement, soit par accord commun. C'est l'essentiel du contenu de ce texte. Vous conviendrez avec moi, à propos de l'élément matériel qu'il n'a guère de portée. Mais par contre, cet effort de contenu matériel crée le début d'une confusion, puisque nous nous demandons, pour ceux qui réfléchissent en termes pratiques, ce que fera l'autorité cantonale lorsqu'elle devra l'appliquer, en étant tenue par notre texte de traiter les couples partenaires comme des couples mariés. Mais il y a une chose qui est assez étonnante dans les discours que j'ai entendus ce soir et qui, je crois, reflète bien les équivoques de ce texte. Vous nous avez fait, Mesdames, en particulier Mme Wenger, un très bel exposé sur le monde nouveau, sur l'esprit nouveau qui souffle sur ce monde, sur notre volonté de vivre notre sexualité comme nous l'entendons, qu'elle soit d'ailleurs homosexuelle ou hétérosexuelle. Et comment vous donner tort ? Curieusement, vous avez dit deux choses, Madame Wenger, qui me paraissent très inhabituelles dans votre façon de voir le monde. La première, comme il y a de nombreuses familles éclatées, vous avez appelé cela des familles plurielles, il faut que le législateur en prenne acte et sanctionne cet état de fait. On aurait pu se demander, parce que nous, législateur, avons quelques moyens de comparaison qui ne sont pas à la portée des couples ordinaires ou extraordinaires, s'il est bon pour des enfants de se développer et de s'épanouir dans un cadre fracturé ou s'il est meilleur pour eux de vivre dans un cadre stable. Que vous ne vous soyez pas posé la question m'étonne un peu. Il est vrai qu'elle n'est pas au coeur de ce débat où les enfants ne sont pas vraiment en jeu. Une autre question m'a surpris. Vous avez défini le rôle du législateur comme celui de la chambre d'enregistrement des moeurs nouvelles. Nous n'avons pas à faire un travail moral. Nous avons à faire un travail amoral - je n'ai pas dit immoral - un travail amoral puisque nous devons constater les choses, constater qu'un certain nombre de couples ne veulent pas se marier et donc en donner acte.

Qu'est-ce que le mariage ? Je ne vous infligerai pas une leçon de philosophie à ce sujet, parce que les libéraux sont assez d'accord avec vous tous pour estimer que le temps où le mariage était un sacrement, encore que Mme Wenger ait fait allusion au caractère sacré du mariage, ce temps-là est probablement révolu. De notre point de vue, le mariage est un contrat et le rôle de l'Etat, dans ce contrat, c'est d'en être le témoin et d'en fixer les bornes. Vous trouverez dans les dispositions, d'ailleurs pas très nombreuses, du Code civil qui traitent du mariage quelques éléments qui donnent un contenu à ce mariage. Par exemple le fait que les époux se doivent assistance et solidarité, par exemple le fait qu'ils ont des devoirs qui subsistent au-delà même du mariage, toujours au titre de la solidarité. Je ne vois rien de tel dans ce texte, qui ne donne aucun contenu au partenariat, sauf le fait de vouloir faire ménage commun et la possibilité de pouvoir défaire à tout instant ce ménage commun par une déclaration qui peut être unilatérale et qui, il faut en convenir, ressemble furieusement à une simple répudiation. Je demande à ce parlement s'il considère que son rôle d'enregistreur des moeurs contemporaines signifie que l'Etat doit accepter que l'on puisse se répudier mutuellement, s'il est normal et nécessaire que l'Etat crée un statut dans lequel l'inégalité soit consacrée, s'il est normal et nécessaire que l'on invente une formule particulière alors que l'objectif initial et avoué de ceux qui préfèrent le partenariat ou l'union libre au mariage, c'est la liberté. Je n'ai rien contre la liberté. Bien au contraire comme vous l'imaginez ! Mais je ne demande pas que ma liberté fasse l'objet d'un statut particulier. J'aime, je veux vivre avec, je n'aime plus, je quitte. Mais je ne demande pas à l'Etat de m'en donner quittance. Vous demandez à l'Etat de donner quittance de mon amour d'aujourd'hui et de me laisser la liberté de mon désamour de demain dans une circonstance qui, Madame Wenger, n'est pas amorale, mais immorale, parce que l'on ne protège pas le faible dans ce texte. Il n'y a pas de définition de la solidarité et il y a la faculté pour le plus fort de se débarrasser du plus faible. Qui est le plus fort en l'occurrence ? Celui qui n'aime plus. Qui est le plus faible ? Celui qui aime encore. Que la vie soit ainsi, j'en conviens. Que vous vous y résigniez, cela m'étonne. D'habitude, c'est dans nos rangs que l'on est réaliste. Mais que vous fassiez le choix, dans un contexte comme celui-ci, d'inventer un statut qui ait pour seul effet de créer un texte légal par lequel le législateur genevois se sera distingué en inventant un statut qui ne garantit aucune espèce de responsabilité, aucune espèce de devoir, pas vraiment des droits, sauf vis-à-vis de l'administration, tout cela au titre de l'égalité de traitement, et consacre en définitive la force sur la faiblesse, cela me paraît insupportable.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, considérant que ce projet, en tant qu'il voudrait se comparer aux compétences fédérales, serait prétentieux et inefficace et en tant qu'il voudrait se pencher simplement sur le destin de ceux qui nous appelaient à un acte symbolique fort, manque sa cible. Je vous demande sérieusement, parce que je crois que le parlement de cette République n'a pas simplement la faculté de faire ce qui lui passe par la tête, mais qu'il a aussi le devoir d'évoquer, d'indiquer, de baliser un certain nombre de pistes à l'intention de ceux de nos compatriotes que nos débats pourraient intéresser, je vous demande de faire le choix qui avait été celui de cette commission unanime, la commission judiciaire, l'an passé. Il faut déclarer la guerre à l'injustice et à l'exclusion et donc adopter l'amendement que j'ai déposé tout à l'heure, qui vise à limiter les effets de ce partenariat aux couples de même sexe. (Applaudissements.) 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore dix personnes inscrites. Je vous propose de clore ici la liste des orateurs.

Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Il est normal de s'adapter à notre temps et de respecter les minorités au nom de la tolérance et du respect de la différence. Il est normal d'adopter ce projet de loi sur le partenariat. L'ombre de Calvin est heureusement bien loin !

J'ai vu à l'époque un reportage à la télévision montrant que les couples homosexuels, au Danemark, peuvent se marier. J'avais notamment vu l'exemple de deux couples homosexuels qui avaient des enfants. Il s'agissait d'un couple de femmes et d'un couple d'hommes. Ces couples s'étaient arrangés pour faire des enfants entre eux. Il y avait donc un garçon et une fille... (Brouhaha.) Je vous cite l'exemple pour vous montrer que les statistiques ont prouvé que les enfants élevés par des couples homosexuels n'ont pas plus de risques de le devenir que les autres.

Une émission très intéressante a été diffusée hier soir, où, pour une fois, Christophe Dechavanne se tenait à peu près correctement. Il s'agissait d'un débat sur les personnes homosexuelles, les personnes transsexuelles, les gens qui changeaient de sexe. On a d'ailleurs cité un très joli nom : le syndrome de Benjamin. On a fait la différence entre les gens qui naissaient dans un corps physique tout en se sentant différent dans leur corps psychique. Prendre ce genre de décision n'est pas une chose facile. Comme prendre la décision de vouloir se mettre ensemble, de vouloir être reconnu et d'avoir les mêmes droits que les personnes mariées.

Je ne vois pas où se situe le problème. Je ne suis pas non plus d'accord lorsque j'entends les PDC dire que les couples hétérosexuels ont tout simplement la possibilité de se marier. Il n'y a pas que cette voie-là. Pourquoi ne jure-t-on que par le mariage ? On peut effectivement accepter de s'adapter à notre temps et d'accepter que ce projet puisse s'adapter à l'un et à l'autre. Qu'est-ce qui est important finalement ? C'est d'être heureux en n'étant pas dans la norme ou d'être malheureux en étant dans la norme ? Combien a-t-on connu de couples qui ont refoulé leurs instincts, qui se sont mariés, qui ont fait des enfants et qui ont quand même divorcé ? Où est la sécurité dans le mariage ? Supprimez le divorce si vous voulez renforcer le mariage, parce que je ne vois pas où se trouve la sécurité ! Que ce soit une simple déclaration de partenariat ou un mariage, un mariage se casse aussi. Le divorce coûte simplement un peu plus cher et fait travailler les avocats. Je ne vois pas où se situe la différence et les dégâts sont tout aussi importants... (Brouhaha.) Je n'ai pas tout à fait terminé !

Un problème se pose aussi dans le cas de couples non mariés lorsqu'il existe des biens immobiliers. Le partenaire se fait souvent congédier soit de son appartement soit de la maison que la famille récupère, sans parler d'autres aspects. Je ne veux pas répéter ici ce que certains ont dit à propos des dossiers médicaux.

Je parle en mon nom propre, puisque je ne représente plus que moi-même ! Je recommande donc que l'on accepte de voter ce projet de loi et je vous en remercie ! 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Les derniers cantons qui ont révisé leur constitution ont clairement inscrit dans celle-ci la reconnaissance du choix du mode de vie. Ainsi, ces cantons annoncent clairement qu'il existe d'autres formes de vie en commun que le mariage et que ce mode de vie délibérément choisi doit être reconnu. C'est la fin d'une hypocrisie manifeste.

Notre canton propose un pas supplémentaire grâce au projet que nous allons voter ce soir. Le choix du mode de vie autre que le mariage est reconnu et il fait l'objet d'une reconnaissance officielle dont découlent des droits analogues à ceux du mariage. Nous avions presque fait cette démarche il y a une année, puisque nous nous apprêtions à voter en décembre 1999 un projet de partenariat pour les couples homosexuels. Reconnaissance importante pour une population souvent marginalisée quand elle n'est pas mise à l'index. Les courriers que nous avons reçus depuis que ce projet a été déposé nous montrent que ce n'est pas terminé. Lors du débat de décembre 1999, certains, dont je faisais partie, avaient plaidé pour l'importance et l'urgence de la démarche, même si sa portée était surtout hautement symbolique. Une très légère majorité de ce Grand Conseil, puisque je vous rappelle qu'il s'agissait d'une voix, a estimé que ce projet de partenariat ne devait pas se limiter aux couples homosexuels et que le projet devait retourner en commission pour être élargi. Nous aurons perdu un peu plus d'une année, ce qui n'est peut-être pas grand-chose pour la plupart d'entre nous qui ne souffre pas d'exclusion. Aujourd'hui, le projet de partenariat revient. Il s'adresse aussi bien aux couples homosexuels qu'aux couples hétérosexuels. Il n'a rien d'un mariage bis. Il est vraiment et réellement la concrétisation de la reconnaissance d'un mode de vie à deux qui ne passe pas obligatoirement par le lien du mariage.

Je me rallie aujourd'hui à cette volonté, qui était d'ailleurs celle de la majorité de mon groupe politique il y a un an. Ce projet répond à la possibilité que les cantons ont de légiférer pour protéger toute discrimination envers d'autres formes de vie commune que le mariage. Il exclut toute dérive, puisqu'il prohibe clairement dans son article 3 toute forme de partenariat entre parents en ligne directe. Pour avoir lu très récemment un compte-rendu des débats de l'Assemblée nationale française au sujet du PACS, je puis vous dire que nous pouvons être fiers de la manière avec laquelle se sont déroulés les travaux en commission. J'espère que nous pourrons aussi être fiers de nos débats de ce soir !

Ici, en France ou ailleurs, les arguments des opposants sont toujours les mêmes. Ils sont intimement liés à l'évolution des moeurs que nous percevons chacun avec notre sensibilité propre et à notre rythme propre. En permettant aujourd'hui à des couples différents une reconnaissance officielle de leur lien, en mettant fin à des pratiques indignes d'exclusion, nous faisons un pas important.

Ce certificat, qui attestera le caractère officiel du partenariat, permettra aux couples qui l'auront enregistré d'être traités de manière identique aux couples mariés dans leurs relations avec l'administration fiscale cantonale, dans leurs relations avec le milieu médical et dans bien d'autres domaines encore. Certains domaines pourtant restent exclus, notamment ceux qui se heurtent à la compétence exclusive du droit fédéral. Espérons que les discussions actuellement en cours au sein du département fédéral de Mme Metzler permettront d'élargir les droits que nous voterons ce soir.

Pour toutes ces raisons et au nom du groupe des Verts, je vous recommande d'accueillir chaleureusement ce projet de loi ! (Applaudissements.) 

M. Jean-François Courvoisier (S). Je veux tout de suite dire que je ne prêche pas pour ma paroisse puisque j'ai toujours été marié. Quant à l'homosexualité, je ne pense pas avoir de tendances, puisque j'ai déjà beaucoup de peine à supporter un thermomètre ! (Brouhaha.) Mais je réclame pour ceux qui veulent vivre différemment de moi le même respect et les mêmes droits juridiques. C'est pour cela que je défendrai ce projet de loi.

A propos de la littérature que nous avons reçue parlant des couples homosexuels comme des relations anormales, depuis que le monde existe, nous ne faisons qu'essayer de lutter contre les grossesses non désirées par toutes les manières, naturelles ou non naturelles. Actuellement, nous obligeons nos compagnes à prendre des pilules néfastes à leur santé, car l'on sait très bien que la pilule anticonceptionnelle favorise les thromboses cérébrales. Les couples hétérosexuels ne sont donc pas plus normaux que les autres et nous devons tous avoir les mêmes droits de vie. 

M. Albert Rodrik (S). Prendre un petit peu de droit public cantonal aujourd'hui n'est pas à mépriser, sans oublier que ce que nous attendons réellement, c'est du droit privé fédéral et en particulier un Code civil qui reconnaisse que le mariage n'est le monopole d'aucune forme de couple en particulier, mais qu'il est ouvert à quiconque choisit la voie du mariage. En attendant ce progrès, nous tâtonnons dans un texte qui ne peut ne pas avoir de défaut.

Par rapport à la première version, je dois dire que l'on n'ancre pas un progrès social dans une loi en désignant une catégorie sociale en particulier et en indiquant qu'on leur fait une faveur. De ce point de vue là, la deuxième version a son mérite.

Enfin, je voudrais revenir aux remarques très pensées et réfléchies de M. Halpérin. Il a énuméré un certain nombre de défauts de ce texte et en particulier cette évocation de la répudiation. Mais il termine son intervention en déposant un amendement pour que ce texte soit réservé aux couples homosexuels. Alors, tous ces défauts rédhibitoires seraient tolérables quand le projet de loi ne s'appliquerait qu'aux couples homosexuels ? Mais quelle forme de justice est-ce ? (Applaudissements.)

Donc, Mesdames et Messieurs, humblement, je voterai oui au projet de loi qui sort de la commission ! (Applaudissements.) 

La présidente. Je prierai le public assis à la tribune de ne pas manifester, s'il vous plaît !

M. René Koechlin (L). Ce qui transparaît en filigrane et sans qu'on le dise formellement dans ce projet de loi, c'est la relation affective du couple, tant homosexuel qu'hétérosexuel. Permettez-moi une brève digression qui, après ce que je viens de dire n'en est pas vraiment une ! J'évoquerai ce qui ressort de la relation d'un couple de la culture d'origine chrétienne qui est la nôtre. C'est l'amour ! Nous n'en parlons pas souvent dans cette enceinte, de l'amour, bien qu'il soit l'un des fondements de notre éthique et peut-être de notre civilisation. Tagore, penseur hindou, en a dit : « L'amour, en tant que relation entre deux personnes, entre deux êtres humains, comporte successivement trois âges : l'âge de la passion, celui de l'affectivité ou de l'affection et celui de la tendresse. » La difficulté, pour un couple quel qu'il soit, c'est de passer de l'un à l'autre de ces âges. Lorsque l'un des membres franchit la limite de l'un à l'autre, sans l'autre, cela provoque des dissensions et parfois le divorce, s'il s'agit d'un couple marié. C'est aussi vrai pour un couple homosexuel. Le reste, finalement, n'est qu'accessoire, Mesdames et Messieurs.

Il y a des couples hétérosexuels, il y a des couples homosexuels. Lorsqu'il est question de légiférer, c'est pour régler une pratique. C'est de notre ressort. D'où ce projet de loi. Celui-ci n'a pas d'autre objectif que de régler une pratique, comme tous les projets de lois. Ensuite, pour le détail technique, dont je ne me suis en l'occurrence pas occupé, je me réfère à ce que certains préopinants ont dit et notamment à ce que mon voisin, M. Halpérin, a dit tout à l'heure à propos de ce projet de loi. En ce qui me concerne, je soutiendrai son amendement. De toute manière, ce qui me paraît important, c'est de régler cette pratique, parce que l'on ne peut pas continuer à cantonner un certain nombre de personnes dans une espèce d'illégalité qui n'a plus cours aujourd'hui.

En ce qui me concerne, pour le principe, je soutiens ce type de projet de loi. Mais par contre, pour le détail, je pense qu'il est important de ne pas commettre de bavure ou d'erreur, parce que le sujet, j'ai essayé de le dire tout à l'heure, est important, délicat. Il dépend essentiellement, toujours, de la qualité de la relation entre les personnes concernées. Aucune loi ne réglera malheureusement cela. 

M. Bernard Lescaze (R). Des flots d'éloquence sont répandus ce soir sur un projet extrêmement modeste, un projet extrêmement simple, mais un projet, on l'a vu, relativement délicat. Pour ma part, je n'aurai pas tendance à dire qu'il s'agit là d'une grande évolution, encore moins d'une révolution. Nous ne faisons qu'adapter modestement ce qui est possible pour nous à la dignité d'un certain nombre de femmes et d'hommes qui ont choisi de vivre ensemble, quel que soit leur sexe, et à qui nous donnons, modestement, la reconnaissance de notre société. C'est cela qui importe. Pour le reste, il est vrai que nous sommes limités par le droit fédéral et que nous ne pouvons pas leur offrir grand-chose d'autre. Ce que nous n'avons pas voulu en rejetant le projet en 1999, c'est que le projet sorti de la commission judiciaire sous l'influence d'un des plus brillants orateurs de ce parlement était très exactement contraire à celui qu'avaient proposé les initiants qui, déjà à ce moment-là, souhaitaient que le texte soit valable aussi bien pour les personnes de même sexe que pour celles de sexe opposé. Ce soir, nous assistons de nouveau, après le retour du projet, au même combat.

Nous constatons comme tout le monde que le mariage comme le partenariat ne sont en réalité que des contrats. Si l'un des préopinants a évoqué nos traditions judéo-chrétiennes, auxquelles, comme d'autres, je suis sensible, j'aimerais quand même lui rappeler que l'une des autres sources en la matière, la seconde grande source de notre civilisation, c'est quand même notre héritage gréco-romain. Celui-ci a, en matière d'union des couples, de toutes autres traditions que celles qui sont évoquées aujourd'hui. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, il faut clairement le dire, en Suisse, à Genève, nous connaissons ces deux traditions. Nous devons les respecter l'une et l'autre. Nous avons refusé et nous refuserons encore l'amendement visant à limiter le projet de partenariat aux seuls couples homosexuels parce que nous refusons les ghettos, parce que nous refusons la constitution d'un simple fichier homosexuel, étant donné la modicité des avantages qui seraient conférés par ce projet. En réalité, je crois qu'il s'agit bel et bien d'une question de génération, pas seulement au point de vue âge, mais essentiellement au point de vue des mentalités. Nous ne voyons rien d'extraordinaire dans ce projet. Il est simple. Il doit être possible aujourd'hui d'envisager, même du point de vue du droit, comme cela a été le cas par le passé, non seulement dans l'Antiquité, mais également au Moyen Age, des types d'unions diverses qui n'ont pas la même force. Je m'élève contre l'idée que le partenariat pourrait être un mariage au rabais. Ce n'est pas un contrat de mariage. C'est quelque chose de totalement différent. C'est simplement un contrat qui officialise d'une certaine manière l'union libre. C'est totalement différent. La simple égalité de traitement entre les êtres humains montre bien que ceci doit être possible et ouvert aussi bien aux couples homosexuels qu'aux couples hétérosexuels.

Enfin, il est vrai que celui qui aime encore dans un couple, quel qu'il soit, est toujours plus faible que celui qui n'aime plus. Mais c'est valable aussi bien avec le simple constat d'une séparation qu'avec un divorce long et douloureux. Ce n'est donc pas un argument relevant dans ce débat.

Notre groupe a trouvé qu'il ne s'agissait pas ici d'un problème politique, mais d'un problème qui touche à la conscience que chacun a de sa responsabilité. En conséquence, il a décidé que chacun voterait selon sa conscience. Je suis donc heureux de pouvoir dire que j'irai pour ma part jusqu'au bout de mes convictions et tout aussi heureux que d'autres, dans ce groupe, votent le contraire. Ce qui, pour moi, aujourd'hui, me paraît nécessaire et important, c'est qu'après tant de débats, alors même que nous sommes très en retard par rapport à d'autres pays, nous acceptions de voter ce partenariat pour toutes les personnes, femmes et hommes de ce canton. (Applaudissements.) 

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais revenir sur les propos de celui qui est, il faut bien le dire, le porte-parole de ceux qui demandent que le projet de loi qui nous est soumis ce soir soit modifié sur un point fondamental. Chaque fois que je vous écoute, Monsieur Halpérin, je suis presque fasciné par le caractère implacable de votre raisonnement ! Mais, très modestement, je suis un peu comme l'inspecteur Colombo et je me gratte chaque fois la tête : c'est drôle, il y a quand même quelque chose qui ne joue pas dans tout ce raisonnement ! (Rires.) Ici, je n'ai pas eu besoin de pousser mes réflexions bien loin, parce que M. Rodrik a très excellemment dit tout de suite ce qu'il en était. Mais vous me permettrez quand même, parce que j'ai un peu cette tendance d'inspecteur Colombo à vouloir gratter, de revenir sur les propos tenus par M. Halpérin.

Vous nous avez expliqué que l'on avait adopté en commission, voici une année, une loi donnant totale satisfaction et qu'il n'y avait aucune raison de la modifier. Mme Bugnon a eu raison de dire qu'il s'était écoulé une année. M. Membrez a constaté que l'on était actuellement en train d'adopter un texte dans la précipitation. A vrai dire, il ne s'agit pas de précipitation puisqu'une année s'est effectivement écoulée. Ce qui avait alors été adopté dans la précipitation, mais pour des raisons parfaitement compréhensibles, c'était précisément le projet soumis au Grand Conseil au mois de septembre de l'année dernière. Vous me permettrez donc de dire, Monsieur Halpérin, que ce projet dont vous vantez les mérites était un projet croupion.

Que proposait ce projet dont vous vantez les mérites ? (L'orateur est interpellé.) Je crois, Monsieur Blanc, que l'on peut, à ce stade, s'abstenir de ce genre de plaisanterie ! Ce projet de loi proposait simplement que les couples homosexuels qui le désiraient pouvaient se rendre devant un notaire, payé en espèces sonnantes et trébuchantes, pour faire une déclaration de vie commune, déclaration qui avait encore le privilège de figurer, comme M. Lescaze l'a rappelé, sur un registre des couples homosexuels. Rien que cette perspective d'avoir un type de couple sur un registre officiel me fait rappeler, Monsieur Halpérin, des choses qui me sont éminemment désagréables. Ce projet de loi ne prévoyait aucun avantage quelconque en contrepartie de cette simple déclaration. Lorsque vous avez dit tout à l'heure, Monsieur Halpérin, pour caricaturer le projet dont on débat ce soir, que les partenaires pouvaient mettre fin unilatéralement au contrat, ce qui correspondait pour vous à une simple répudiation, alors que dire du projet de loi dont vous vantiez les mérites ? Je vous rappelle, cher collègue, à propos de la répudiation à laquelle vous faites allusion, qu'un article prévoyait qu'un partenaire pouvait se représenter de nouveau devant le notaire et déclarer la rupture immédiate avec effet immédiat. Le projet de loi prévoit déjà, sur ce point-là, un progrès notable, à savoir que si l'un des partenaires veut annuler le contrat, l'autorité doit aviser l'autre partenaire et la fin du contrat ne peut pas prendre effet avant un délai de 60 jours au moins. Vous me direz qu'il ne s'agit pas d'une solution parfaite, mais elle corrige quand même les effets que vous étiez en train de décrire tout à l'heure en instaurant la confusion entre votre projet de loi et le nôtre.

Ce qui est surtout fondamental dans le nouveau projet de loi par rapport à l'autre projet, c'est qu'il indique le but de ce contrat. Vous avez raison de dire, Monsieur Koechlin, lorsqu'un couple vit ensemble, que ce soit dans le cadre du mariage ou hors du cadre du mariage, que l'on peut quand même espérer l'existence de relations affectives. Nous ne pouvons pas les régler par le droit, mais le droit permet néanmoins de prévoir les conséquences de l'acte que l'on conclut devant l'autorité. Les conséquences sont cette fois-ci très clairement énoncées dans la loi, certes dans les limites du droit cantonal, restreintes par rapport aux possibilités du droit fédéral, mais l'on dit ceci à l'alinéa 3, ce qui est nouveau et qui n'existait pas dans le projet de loi précédent : « Le certificat atteste le caractère officiel du partenariat et le droit pour les partenaires d'être traités de manière identique à des personnes mariées dans leurs relations avec l'administration publique, à l'exclusion de la taxation fiscale et l'attribution de prestations sociales. » Ceci est un point extrêmement fondamental. Tout à l'heure, Mme Cogne a rappelé à juste titre le problème des partenaires qui n'ont pas pu exercer la visite aux moments les plus difficiles où l'on est en train de perdre un compagnon, qu'il soit du même sexe ou d'un sexe opposé, et qui ne se sont pas vu reconnaître leurs droits à l'hôpital. Ce ne sera plus possible avec ce texte, parce que c'est officiel. Si vous avez un contrat de partenariat, vous devez être reconnus par toutes les autorités publiques, c'est-à-dire les autorités hospitalières, l'administration, si vous voulez avoir un appartement, si vous voulez avoir le bénéfice de l'exploitation familiale d'un petit commerce avec les horaires nocturnes privilégiés, etc. Il y a de multiples exemples, à ce sujet, de droit résultant de la législation cantonale.

M. Membrez, qui est un excellent juriste - je ne le vois plus - se trompe fondamentalement en disant que le contrat de partenariat de droit cantonal que nous allons ériger deviendra sans objet avec l'adoption du partenariat sur le plan fédéral, puisque le contrat de partenariat prévu sur le plan fédéral ne pourra pas imposer sur le plan cantonal des égalités de droit dans des prestations cantonales. Par voie de conséquence, il y aura de toute manière intérêt, en raison de notre système fédéral, avec la dualité du droit fédéral et du droit cantonal, à prévoir un contrat de partenariat cantonal. C'est là un point fondamental de cette nouvelle version du contrat. Nous avons bien fait de remettre l'ouvrage sur le métier pour l'améliorer. S'il est vrai que dans la précipitation et dans la volonté, que l'on peut comprendre, de disposer rapidement de ce statut de partenariat, certaines associations avaient, par l'intermédiaire d'une ou deux personnes seulement, donné un feu vert, lorsqu'elles se sont réunies en assemblée générale, avec un délai suffisant pour analyser le texte sorti de la commission, ces associations sont finalement arrivées à la conclusion que le texte ne donnait pas satisfaction.

Dernier point. En ce qui concerne le fait que nous avons souhaité que ce contrat soit ouvert aussi bien aux couples homosexuels qu'hétérosexuels, certains l'ont déjà expliqué, je ne serai pas conséquent pas long. Mais la position de l'Alliance de gauche est claire, comme celle évoquée tout à l'heure par M. Lescaze. Nous ne voulons pas, à travers cette loi qui vise à créer plus de justice, créer un ghetto. Nous nous y refusons. La situation des couples hétérosexuels non mariés est aussi comparable, peut-être de manière moins dramatique que celle des couples homosexuels. Mais j'ai eu connaissance sur le plan professionnel, vous aussi certainement, Monsieur Halpérin, j'ai eu connaissance de problèmes extrêmement délicats de couples non mariés - M. Lescaze se souviendra d'un couple que nous connaissions ensemble qui ne pouvait pas se marier. (Brouhaha.) Ce sont des faits de la vie qui sont souvent dramatiques ! Lorsque vous voyez des gens qui ont vécu pendant vingt ans ensemble et que la compagne ne peut pas assister, dans les derniers jours de sa vie, son compagnon, je trouve qu'il n'y a pas de quoi sourire ! C'est véritablement quelque chose de dramatique ! Ce sont des faits qui se sont produits et qui se produisent encore. Et ne dites pas que le problème des couples hétérosexuels non mariés n'est pas réglé. Il n'y a pas si longtemps encore, lorsque j'ai commencé à l'Asloca - les choses ont bien évolué depuis - il n'était guère possible pour des couples non mariés d'avoir un contrat de bail. C'était même interdit pour les logements sociaux. Parfaitement ! Au niveau des couples hétérosexuels, il y a donc également un besoin.

Lorsqu'on parle ici de liberté, c'est quand même extraordinaire, vous qui défendez la liberté contractuelle tous les jours, Monsieur Halpérin, de voir que vous voulez imposer aux couples hétérosexuels un seul type de contrat pour vivre ensemble, un contrat de mariage. Mais pourquoi les couples hétérosexuels ne pourraient-ils pas disposer d'un autre type de contrat ? Ce qui a été dit tout à l'heure est parfaitement vrai. Vous êtes en retard !

J'ai assisté voici quelques jours à une excellente, mais tardive émission de Mme Ockrent à la télévision. Une interview de M. Sarkozy y était présentée. Certains citoyens se sont étonnés, compte tenu de son opposition au PACS, qu'il s'oppose au régime favorisant les enfants adultérins. Il a honnêtement reconnu s'être trompé. Je peux vous dire qu'il y a, aujourd'hui en France, pays où il y a eu un débat à ce propos, unanimité en faveur du PACS, précisément parce que les Français ont eu l'intelligence d'étendre le PACS aussi bien aux couples homosexuels qu'hétérosexuels. Il y a, actuellement en France, trois fois plus de PACS parmi les couples hétérosexuels que parmi les couples homosexuels. Je peux encore vous dire qu'il répond à des besoins réels. J'ai assisté en France à des discussions à ce sujet. C'est rentré dans les moeurs à une vitesse stupéfiante. Vous verrez, Monsieur Halpérin, parce que je ne doute pas que cette loi sera votée, que le discours arriériste que vous tenez ce soir paraîtra vraiment d'une autre époque ! (Applaudissements.) 

M. Pierre Froidevaux (R). Monsieur Grobet, j'aimerais vous rejoindre sur l'unanimité. Je souhaiterais moi aussi que nous soyons unanimes ce soir à voter la loi sur le partenariat. Aussi, je vous engage à voter l'amendement proposé par Me Halpérin, qui permettra ainsi de nous unir tous derrière ce projet de loi. Si l'on doit parler du PACS qui comprend d'autres dispositions que la loi sur le partenariat à Genève, je ne crois pas que l'on puisse comparer ainsi aussi facilement.

Cette loi qui nous est proposée ce soir comprend une particularité, c'est d'avoir un partenariat qui se fait sous le sceau du secret et qui peut être répudiable en tout temps avec un délai de carence que nous avons réussi à imposer à 60 jours. Ceci est extrêmement important lorsque l'on évoque la construction d'un couple. On a dit que le mariage était un contrat. M. Halpérin nous l'a dit, M. Lescaze nous l'a dit et d'autres l'ont encore rappelé ici. Je crois qu'il s'agit plus qu'un contrat. C'est d'abord une construction. La construction d'un couple qui est aussi là pour assurer l'avenir de la société par la création des enfants. La liberté individuelle s'oppose à un moment donné au droit de l'enfant. Le droit de l'enfant a besoin d'avoir une reconnaissance, l'enfant a besoin de connaître ses racines, de savoir qui est son père et qui est sa mère. Dans ce cadre-là, où la loi est aussi évanescente et ne permet pas de garder une bonne structure, ce projet de loi ne m'apparaît pas compatible avec l'extension de ce droit du partenariat aux couples hétérosexuels.

Il est effectivement extrêmement dommageable ce soir de devoir se séparer, de ne pas faire l'unanimité telle qu'elle existait lors du précédent projet de loi, car le parcours que doit faire l'individu en créant un couple hétérosexuel est un parcours relativement aisé. Il est dans la nature des choses. On rencontre un conjoint d'un sexe opposé, on crée une famille. C'est la voie normale. Les personnes qui ont dû vivre une identité sexuelle différente se sont souvent heurtées à la société. Il n'aurait pas fallu ce soir que l'on se divise.

J'aimerais faire un petit parallèle et rappeler qu'un partenariat nous unit tous ici ce soir ! Nous avons tous été élus et nous sommes tous liés par un système légal qui fait que nous allons voter ensemble. Si nous avions la possibilité, comme dans la loi que vous nous proposez de voter, de pouvoir répudier celui qui pense autrement que nous, quelle est la construction que pourrait faire le partenariat du Grand Conseil si nous avions ainsi la possibilité de dire non à celui qui n'est pas d'accord avec nous ? Voilà pourquoi je vous propose de soutenir l'argument de M. Halpérin et de limiter cette loi-là aux couples de même sexe. Il faut savoir qu'elle a été, Monsieur Rodrik, demandée ainsi. Il est évident qu'il fallait que ce secret existe pour éviter qu'il y ait un registre des personnes homosexuelles. On ne peut pas étendre ce secret aux couples hétérosexuels. Aussi, je vous engage à ne pas imaginer que l'on crée un ghetto pour les couples de même sexe ou de sexes opposés ! 

La présidente. Je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de passer au vote. (La présidente est interpellée.) Monsieur Halpérin, on avait décidé de clore la liste, vous prendrez la parole au deuxième débat !

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 1

La présidente. Nous sommes donc saisis d'un amendement de M. Halpérin.

M. Michel Halpérin (L). Il est tard et je ne voudrais pas abuser du droit que nous confère notre règlement. Si je prends la parole, ce n'est pas pour répondre de façon détaillée à l'argumentaire que notre collègue M. Grobet, déguisé cinq minutes en inspecteur Colombo, a voulu m'opposer, parce qu'il y a essentiellement, dans son argumentaire, que je peux rapidement réduire à trois pôles, essentiellement une référence à ce que pourrait être le droit de partenariat vu sous un angle plus généreux, plus large, plus complet. Mais je rappelle - j'en terminerai par là - à propos des interventions de ce type de M. Grobet, que ce type de partenariat-là dépend exclusivement, je le répète, de la Confédération. Ce qu'ont fait les Français ne ressemble pas à ce que nous faisons, parce que nous ne pouvons pas faire ce qu'ils ont fait, faute de moyens et de compétences pour le faire.

Reste la question, Monsieur Grobet, de savoir si la création d'un partenariat homosexuel égale la création d'un registre discriminatoire. Vous le savez, je l'ai dit en commission, je déteste la discrimination, je ne voudrais pas d'un tel registre. Le texte tel qu'il est sorti des travaux de la commission prévoit la confidentialité de ce registre. Nous n'avons donc pas vraiment ce problème. J'ajoute, Monsieur Grobet, que les initiants, qui ont joué un rôle considérable dans l'élaboration de ce projet de loi, ont fait savoir, depuis le premier jour - c'est pourquoi j'insistais tout à l'heure, comme l'avait fait d'ailleurs Mme Deuber Ziegler, sur l'importance symbolique de notre débat de ce soir - les initiants, qui sont proches des milieux homosexuels pour beaucoup d'organisations que nous avons entendues, ont affirmé leur volonté de se revendiquer dans leur particularité, de se revendiquer dans leur identité. Je ne vois pas de problème à permettre à ceux qui veulent se revendiquer de leur identité de pouvoir le faire à l'occasion de ce partenariat. Ou alors nous créons une catégorie et, pour reprendre vos termes, un ghetto, à chaque fois que nous permettons à ceux qui revendiquent un droit de l'exercer. Ce n'est évidemment pas cela.

Mais ce qui m'amenait surtout à vouloir reprendre la parole pour défendre mon projet d'amendement, c'est la réponse indispensable à l'incisive, mais inexacte critique de M. le député Rodrik. Vous avez affirmé tout à l'heure, Monsieur Rodrik, que ma proposition comporte en elle-même l'injustice que je dis vouloir combattre, parce que, expliquiez-vous, ce que je n'accepte pas pour les couples hétérosexuels, c'est-à-dire un processus de répudiation, je n'ai pas de raison de l'accepter pour les couples homosexuels. Vous avez parfaitement raison. Vous êtes excusable de ne pas savoir comment cela s'est passé à la commission judiciaire, car je crois que vous n'y étiez pas. Mais M. Grobet, lui, le sait. A chaque audition, systématiquement et pendant une grande partie des débats de la commission judiciaire, nous avons été plusieurs députés à interroger les auteurs du projet et les initiants sur leur conception de cette répudiation, qui nous a tous choqués, tous bancs confondus. La réponse des initiants, unanime, a été : « Nous voulons l'union libre. La liberté, c'est la liberté de se quitter. » Je le comprends, je le respecte, mais l'Etat n'a pas à prêter son concours à cet exercice en sanctionnant ce qui n'appelle pas la sanction, car la liberté n'appelle pas de sanction.

Il est vrai qu'il reste un problème, à partir du moment où vous accepteriez l'amendement que je vous ai proposé, puisque nous nous retrouverions dans une situation où les couples de même sexe auraient le droit au partenariat avec cette particularité qu'ils revendiquent apparemment tous eux-mêmes le droit à la répudiation. Comme le rappelle le député Froidevaux, la commission a réussi à l'atténuer un peu en fixant sa prise d'effet à 60 jours, mais je voudrais vous rappeler, Monsieur Rodrik, que cette invention de répudiation n'est pas la nôtre. Elle se trouvait non seulement dans le projet tel qu'il est sorti des travaux de la commission en septembre ou en décembre 1999, mais elle était aussi contenue dans le projet signé par Mme Deuber Ziegler et M. Lescaze.

A l'origine, la volonté des initiants, c'était cette liberté. Je la déplore. Je trouve que l'Etat n'a pas à la sanctionner, mais j'ai imaginé que pour ce soir, parce que je voulais la clarté du débat, il fallait que nous nous arrêtions à l'essentiel. L'essentiel, c'était le choix entre un système imaginé qui viendrait situer une catégorie nouvelle de statut social pour couples mariés et non mariés, et la suppression de l'injustice faite jusqu'ici à la communauté homosexuelle. J'ai choisi mon camp. M. Grobet le trouve arriéré. Je continue à penser qu'il marque significativement notre époque par un acte fort. Ce que vous proposez de faire au nom de la justice est probablement plus fin, mais ne va pas aussi loin, parce qu'il constitue tout simplement une espèce de régime mixte, où l'on aura l'impression que les homosexuels qui souhaitaient un statut se voient en quelque sorte encadrés, dilués, disparus à l'intérieur d'une communauté plus vaste qui n'a pas leur problème, tout simplement au motif que la répudiation étant un mal nous avons voulu l'étendre à la communauté tout entière, plutôt que la limiter à une partie de cette communauté en attendant de faire mieux la prochaine fois. 

M. Albert Rodrik (S). Je répète que l'on ne fait pas de progrès social en ancrant dans une loi une espèce de susucre à une catégorie sociale délimitée comme telle. Ceci dit, je demande l'appel nominal sur l'amendement de M. Halpérin ! (Appuyé.)  

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Ne dénaturons pas le projet qui nous est soumis ce soir ! A l'origine, ce projet était une reconnaissance d'une autre forme de vie commune, tant pour les couples hétérosexuels que pour les couples homosexuels. Si nous sommes arrivés, dans une première étape, à un projet de loi certes unanimement accepté, mais minimaliste, ce n'est pas parce que la commission a décidé de le limiter aux couples homosexuels. C'est qu'à l'époque, parmi les personnes auditionnées, il n'y avait pas unanimité sur le fait d'appliquer le partenariat aux couples hétérosexuels et homosexuels. Certains souhaitaient, dans un premier examen, que ce ne soit un projet de loi que pour les homosexuels. Avec les discussions qu'il y a eues, c'est heureux qu'il y ait eu des discussions beaucoup plus claires sur ce sujet, parce que ce sont quand même des sujets qui sont encore tabous pour beaucoup de monde, nous sommes effectivement revenus au projet initial, dans le but notamment de ne pas marginaliser une partie de la population. Reconnaître une nouvelle forme de vie commune, mais à une seule catégorie de personnes, en l'occurrence seulement les couples homosexuels, c'était marginaliser encore plus une partie de la population, alors que le but de ce projet de loi est justement de les intégrer et de permettre d'avoir un statut légal non discriminatoire pour tout le monde. Vu les discussions qu'il y a eues, la position des milieux intéressés, tels qu'ils se sont exprimés, je vous invite à refuser l'amendement que propose M. Halpérin. 

La présidente. Nous passons au vote de l'amendement proposé par M. Halpérin, qui consiste à ajouter les termes suivants à l'article 1, alinéa 1 :

«1 Deux personnes, de même sexe, qui souhaitent faire reconnaître leur vie commune [...] »

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent l'amendement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Cet amendement est rejeté par 39 oui contre 51 non.

Ont voté non (51) :

Esther Alder (Ve)

Luc Barthassat (DC)

Charles Beer (S)

Roger Beer (R)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (HP)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Régis de Battista (S)

Jeannine de Haller (AG)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Erica Deuber Ziegler (AG)

Michel Ducret (R)

René Ecuyer (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Anita Frei (Ve)

Morgane Gauthier (Ve)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mariane Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Bernard Lescaze (R)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Michel Parrat (DC)

Véronique Pürro (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Myriam Sormanni-Lonfat (HP)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Salika Wenger (AG)

Ont voté oui (39) :

Bernard Annen (L)

Florian Barro (L)

Jacques Béné (L)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Juliette Buffat (L)

Gilles Desplanches (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Jacques Fritz (L)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Philippe Glatz (DC)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

René Koechlin (L)

Armand Lombard (L)

Pierre Marti (DC)

Alain-Dominique Mauris (L)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Catherine Passaplan (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Personne ne s'est abstenu

Etaient excusés à la séance (7) :

Michel Balestra (L)

Anne Briol (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alexandra Gobet (S)

Yvonne Humbert (L)

Pierre Meyll (AG)

Walter Spinucci (R)

Etaient absents au moment du vote (2) :

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Alberto Velasco (S)

Présidence :

Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente

Mis aux voix, l'article 1 est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 9.

Troisième débat

La présidente. Madame Wenger, vous demandez à ce que le vote final fasse aussi l'objet d'un appel nominal ? La demande de Mme Wenger est-elle soutenue ?

Des voix. Non !

La présidente. Cette demande d'appel nominal n'est pas soutenue, nous votons donc à main levée.

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7611)

sur le partenariat (E 1 27)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1

1 Deux personnes, qui souhaitent faire reconnaître leur vie commune et leur statut de couple, peuvent faire une déclaration de partenariat à la chancellerie d'Etat ou devant un notaire exerçant dans le canton.

2 Il est donné acte aux partenaires de cette déclaration sous la forme d'un certificat de partenariat dont un exemplaire original est remis à chacun d'entre eux.

3 Le certificat atteste le caractère officiel du partenariat et le droit pour les partenaires d'être traités de manière identique à des personnes mariées dans leurs relations avec l'administration publique, à l'exclusion de la taxation fiscale et de l'attribution de prestations sociales, à moins qu'une disposition de droit public n'en dispose autrement.

Art. 2

Cette déclaration ne peut être faite que par des personnes :

Art. 3

1 Le partenariat est prohibé :

2 L'adoption ne supprime pas l'empêchement résultant de la parenté qui existe entre l'adopté et ses descendants, d'une part, et sa famille naturelle, d'autre part.

Art. 4

1 Il est mis fin au partenariat par déclaration commune ou unilatérale de l'un des partenaires faite à la Chancellerie d'Etat ou devant un notaire exerçant dans le canton.

2 La déclaration de résiliation commune prend effet le même jour.

3 En cas de déclaration de résiliation unilatérale, la Chancellerie d'Etat ou le notaire en avise le même jour l'autre partenaire. Le partenariat prend fin à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de la notification précitée à moins que la déclaration de résiliation ne soit retirée dans le même délai.

Art. 5

1 La Chancellerie d'Etat tient un registre cantonal du partenariat auquel les notaires doivent transmettre les déclarations d'enregistrement de partenariat et leur résiliation. Le registre est en outre soumis à la législation sur la protection des données.

2 La Chancellerie d'Etat radie d'office les partenariats qui ont pris fin en vertu d'un des motifs d'exclusion de l'article 3.

3 Le registre cantonal du partenariat n'est pas accessible au public. Seuls les services concernés de l'Etat ou des communes y ont accès.

Art. 6

1 Un partenaire ne peut être entendu qu'à titre de renseignement dans la procédure judiciaire dans le cadre de laquelle son partenaire est partie. Ils ou elles sont récusables comme magistrat.

2 L'alinéa 1 est applicable par analogie aux procédures administratives.

Art. 7

Les partenaires bénéficient des mêmes droits que les personnes mariées dans le cadre des dispositions applicables à la fonction publique, à l'exclusion des dispositions relatives aux caisses de retraite.

Art. 8

Il est perçu un émolument entre 100 F et 200 F lors de la délivrance de certificat et lors de sa résiliation.

Art. 9

Le Conseil d'Etat édicte les mesures d'exécution et fixe le montant des émoluments.

(Applaudissements.)

 

La présidente. Je vous souhaite une bonne nuit et je vous donne rendez-vous demain à 14 h !

La séance est levée à 23 h 35.