République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1240-B
8. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Non à un aéroport au rabais. ( -) P1240
 Mémorial 1999 : Rapport, 8840. Renvoi au Conseil d'Etat, 8854.

La pétition « non à un aéroport au rabais » (P 1240) a été déposée le 26 mars 1999 et a fait l'objet du rapport de la Commission des pétitions du 6 octobre 1999 (P 1240-A) qui a été renvoyé au Conseil d'Etat le 19 novembre 1999.

Débat

M. Christian Grobet (AdG). Nous avons pris note avec intérêt du rapport du Conseil d'Etat sur cette pétition. Celle-ci soulève un problème qui nous a préoccupés, celui de savoir si des compagnies aériennes, assurant de nouvelles liaisons à partir de Genève, bénéficient temporairement, pendant les premiers six mois ou la première année de leur présence, d'une réduction des taxes passagers et des taxes d'atterrissage et de bruit.

Si nous avons bien compris le rapport du Conseil d'Etat, Monsieur Lamprecht, où il est clairement fait mention d'une égalité de traitement totale, nous en déduisons, bien que ce ne soit pas expressément mentionné, que la compagnie aérienne visée par cette pétition n'a pas bénéficié de réductions de taxes temporaires.

Par contre, en ce qui concerne la troisième question, à savoir l'accès aux infrastructures, nous aimerions savoir quel est le loyer exact que paye cette compagnie d'aviation pour l'ancien aérogare de l'aéroport. A cet égard, il serait intéressant de connaître les loyers payés par les autres compagnies d'aviation pour le bâtiment IATA Swissair. Je vous rappelle, d'après le droit de superficie concédé à Swissair et IATA pour bénéficier des cinq étages en PPE réalisés au-dessus des installations de tri bagages, que le contrat prévoit une condition très stricte qui n'a pas été respectée. C'est un peu étonnant... Ne secouez pas la tête ! Je vous le dis ! Dans l'hypothèse donc où Swissair ou IATA n'utiliseraient pas la totalité des locaux du bâtiment, ils seraient autorisés à louer ceux-ci à des tierces personnes ou des sociétés poursuivant des activités liées à l'aviation. Or, il y a en tout cas eu, dans ce bâtiment, une société qui n'avait rien à voir avec l'aviation, si ce n'est que quelques-uns de ses journaux sont peut-être distribués à bord des avions. C'est le quotidien « Le Temps » qui s'était installé dans ce bâtiment en violation des règles du contrat de superficie. Je crois savoir qu'une autre société déploie actuellement dans ce bâtiment des activités qui n'ont rien à voir avec des activités aéronautiques. Par voie de conséquence, les compagnies d'aviation devraient, me semble-t-il, s'installer en priorité dans ce bâtiment-là. Je connais plus ou moins les loyers pratiqués dans ce bâtiment.

Il serait donc intéressant que vous répondiez à ces questions. En l'état, il n'y a pas de réponse précise au point 3 de la pétition. Quel est donc le montant du loyer que paye easyJet pour l'ancien bâtiment de l'aérogare et quels sont les loyers que payent un certain nombre de compagnies d'aviation situées dans le bâtiment IATA Swissair ? 

M. Carlo Lamprecht. Je demanderai à M. le député Grobet de me poser cette question par écrit. Nous répondrons à toutes les questions qu'il voudra bien nous poser, à propos du bâtiment de la IATA, des locations, etc. Vous pourrez ensuite vérifier.

Vous parlez d'égalité de traitement entre les compagnies d'aviation. Elles sont traitées aujourd'hui de la même manière. Si vous avez des questions plus précises à poser, je répète une fois de plus que nous y répondrons. Cela dit, vous soulevez dans cette enceinte une série de questions et vous faites part de suspicions. Je m'excuse, mais je ne peux pas répondre maintenant à tout cela ! Posez-moi donc des questions écrites et vous obtiendrez des réponses écrites que vous pourrez vérifier par la suite ! C'est tout ce que je peux vous dire ! Pour le reste, je maintiens ce rapport et je m'en tiens là à propos de l'aéroport international de Genève que vous visez à chaque fois. Je rappelle simplement que cet aéroport a réalisé cette année un bénéfice de plus de 40 millions, alors qu'il était de 10 millions il y a trois ans. Quant à la compagnie visée, que l'on imagine offrir de voler gratuitement et être implantée à l'aéroport international de Genève à des conditions extraordinaires, il faut savoir que cette compagnie a permis à elle seule d'accueillir 800 000 voyageurs de plus, si bien que le nombre de voyageurs et de passagers à l'aéroport international de Genève franchira bientôt le cap des 8 millions. Il y a là une progression extraordinaire.

Cet aéroport travaille bien, mais l'on cherche toujours à faire des procès d'intention à son sujet. Je rappelle également que cet aéroport a investi plus de 100 millions pour le confort des passagers. Je vous rappelle aussi que cet aéroport se porte bien, malgré les 50 millions qui ont été retenus l'année dernière !

Je veux donc bien répondre à vos questions, mais posez-les avec précision et par écrit ! Je me ferai alors un plaisir de vous répondre. !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le conseiller d'Etat, je ne peux pas accepter la façon avec laquelle vous esquivez des questions très précises, car ce sont effectivement des questions très précises que je vous ai posées ! Au lieu de dire, ce que je peux parfaitement comprendre, que vous n'êtes pas en mesure d'y répondre ce soir et que vous donnerez une réponse ultérieurement, vous esquivez le débat en disant que l'on fait des procès d'intention. Je ne fais aucun procès d'intention. Je souhaite simplement connaître le prix du loyer payé par easyJet. Je me félicite comme vous de l'apport de cette compagnie d'aviation à l'aéroport. Mais vu son chiffre d'affaire, il n'y a aucune raison qu'elle bénéficie d'un loyer inférieur. Ne déviez pas le manque de réponse en soulevant d'autres questions qui ne sont pas du tout en jeu ! Je ne mets pas du tout en cause les bénéfices réalisés par l'aéroport, ni le travail qui s'y fait. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

Une pétition a été déposée, non pas par nous, mais par des citoyens - je ne les connais pas - qui veulent des éclaircissements précis. Je soulève donc un problème très concret. Je relève du reste que l'on a l'impression que l'ancien aérogare, vu l'enseigne lumineuse d'easyJet sur le toit, est devenu le bâtiment d'easyJet. Je pense que ce n'est pas le cas.

Il n'est pas normal, lorsqu'une pétition demande des précisions, que l'on nous demande de poser une autre fois une question ordinaire. Je suggère simplement, Monsieur, que vous donniez, lors d'une prochaine séance du Grand Conseil, les indications sur cette question. 

M. Jacques Fritz (L). Je crois qu'il faut effectivement citer le nom de la compagnie en question. Il s'agit d'easyJet Switzerland. Je voudrais tout d'abord rappeler qu'il s'agit d'une compagnie d'aviation suisse au bénéfice d'une autorisation générale d'exploitation pour des vols commerciaux délivrée par l'office fédéral de l'aviation civile en bonne et due forme. D'autre part, elle répond pour cela à tous les critères opérationnels et techniques qui sont exigés pour toutes les compagnies aériennes faisant du vol commercial en Suisse. Par ailleurs, cette compagnie, comme le groupe Swissair, bénéficie du droit d'usage de l'aéroport de Genève.

Pour répondre à la première question - est-ce qu'easyJet Switzerland est une compagnie au rabais - bien sûr que non ! Il ne s'agit en aucune manière d'une compagnie au rabais, ni sur le plan technique, ni sur le plan commercial, ni bien sûr sur le plan de la sécurité. Depuis qu'elle est implantée à Genève - je voudrais reprendre les paroles de mon collègue Lombard - beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, puisque cette pétition date sauf erreur du 26 mars 1999. Figurez-vous, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que cette compagnie suisse a pris depuis 1999 la deuxième place en importance en terme de mouvements passagers et de mouvements avions sur notre aéroport. Je crois que l'on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une compagnie au rabais. Elle a une politique de marketing, que vous connaissez tous, puisqu'il s'agit simplement d'une nouvelle façon de voir les choses en terme de marketing. Vous commencez à remplir un avion avec des prix bas et les prix augmentent au fur et à mesure que vous le remplissez pour arriver finalement à des prix tout à fait compétitifs par rapport à des compagnies de ligne à l'horaire. Là aussi, il n'y a pas du tout de dumping des prix, ni de rabais.

Par contre, cette compagnie est devenue la deuxième compagnie à Genève. Elle a enregistré un peu plus de 800 000 passagers l'année passée - ce sera spécifié lors du rapport d'activité de notre aéroport au 31 mai de cette année - et apparaît en constante progression. Elle a généré de nombreux emplois, une activité absolument florissante pour notre aéroport.

Quant à l'aéroport lui-même, on craignait, dans cette pétition, que d'autres compagnies aériennes perdent des parts de trafic au profit de cette nouvelle compagnie aérienne. Ce n'est absolument pas le cas, puisque, à part le groupe Swissair - c'est dommage de devoir le dire, mais on espère que sa situation se rétablira un jour - donc à part le groupe Swissair dont la décroissance ne fait que se confirmer, due à son désengagement, toutes les autres compagnies aériennes à l'horaire sont en progression. Vous savez très bien, vous l'avez lu dans journaux, que nous avons enregistré une progression, une croissance passagers de plus 11% et une croissance mouvements de l'ordre de 7,5%. Ce qui est absolument confortable pour l'aéroport international de Genève.

Je ne peux bien sûr pas donner les chiffres demandés par notre collègue Grobet, mais je peux dire qu'il y a certainement égalité de traitement entre les compagnies aériennes, une égalité de traitement absolue. Si easyJet Switzerland se trouve actuellement dans des locaux de l'ancien aérogare, c'est en raison de la disponibilité actuelle des surfaces. Mais elle pourrait très bien se trouver dans l'aérogare principal. Je ne peux personnellement pas répondre à ces chiffres, puisque je ne suis pas un commercial, mais responsable des opérations et de la sécurité. Je peux en tout cas affirmer ceci. Première question : easyJet Switzerland n'est pas une compagnie au rabais. Deuxième point : dès lors, l'aéroport international de Genève n'est pas et ne risque pas de devenir un aéroport au rabais. 

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne voulais pas intervenir, parce que je trouvais que mon collègue Grobet avait suffisamment développés les questions de cette pétition. Mais il y a un certain nombre de choses, un peu grosses, que l'on ne peut quand même pas laisser dire. Notamment au niveau des bénéfices de l'aéroport. On nous parle de 50 millions et on nous dit que l'aéroport dégage des bénéfices. Il faut cependant le rappeler et le marteler : vous oubliez, Monsieur Fritz, que l'aéroport ne paye aucun loyer pour les locaux que l'Etat met à sa disposition. Il n'y a aucun loyer dans le budget prévu. Ces bénéfices sont donc fictifs et l'ont toujours été. C'est donc une aberration que de prétendre que l'aéroport dégage des bénéfices.

Deuxièmement, on nous dit qu'il n'y a pas de dumping de la part d'easyJet. C'est complètement faux ! Vous le savez très bien ou vous ne le savez peut-être pas, mais il ne faut pas croire que les passagers payent 50 F pour faire un aller-retour Genève-Nice et que personne ne paye la différence pour entretenir des avions qui coûtent une fortune en entretien. Que ce soit sur les loyers, que l'on ne connaît pas et pour lesquels une demande a été formulée par mon collègue Grobet, ou que ce soit sur la masse salariale, la facture doit être payée. On ne peut pas faire voler des avions comme s'il s'agissait d'avions en papier ! Il y a donc effectivement dumping salarial, puisque les salaires versés par easyJet sont alignés sur les salaires versés par son concurrent direct, Jet-Aviation, mais ne sont pas alignés sur Swissport. Il y a une différence d'environ 1 000 F entre le salaire d'un employé de Swissport, donc de SAir Group, et celui d'un employé d'easyJet qui est de 4 000 F. Et Swissair, par rapport au dumping pratiqué par JetAviation et easyJet, a attaqué et baissé la masse salariale de ses employés au milieu de l'année 95. Je trouve dès lors un peu fort de café de prétendre qu'il n'y a pas de dumping salarial. Cela se démontre très logiquement. C'est la seule entreprise qui progresse à l'aéroport, parce qu'elle a réussi à comprimer des coûts, avec une concurrence qui est à mon avis normale, et qu'elle bénéficie d'une amélioration technique qui lui profitera jusqu'à ce que les autres parviennent à ce niveau technique. Elle a réussi à comprimer ses coûts au niveau des loyers qu'elle paye, mais surtout au niveau de la masse salariale. Vous devriez donc étudier un peu mieux le dossier, Monsieur Fritz, avant de vous aventurer sur des terrains qui me semblent mouvants ! 

M. Claude Blanc (PDC). Puisque M. Pagani ne peut rien laisser passer, je ne vois pas pourquoi je laisserais passer quelque chose ! M. Pagani vient de parler des 40 millions de bénéfices de l'aéroport, en se demandant de quoi il s'agissait puisque l'aéroport ne paye pas de loyers. C'est bien cela qu'il a dit, n'est-ce pas ? Dans la discussion qui a lieu entre le département des finances et l'aéroport, on constate que Mme Calmy-Rey serait prête à remettre les actifs de l'aéroport à l'aéroport. Elle en veut, sauf erreur, 900 millions...

Une voix. 950 !

M. Claude Blanc. Enfin bref, quelque chose comme cela ! Ce qui est manifestement exagéré, parce que, ce faisant, Mme Calmy-Rey imposerait à l'aéroport de payer ce qu'il a déjà amorti sur ses actifs. Mais même en imaginant que les actifs actuels non amortis de l'aéroport valent, pour prendre un chiffre rond, un milliard, le bénéfice reversé par l'aéroport à l'Etat est tout à fait raisonnable. Il tient lieu de loyer pour une somme d'un milliard, alors qu'une grande partie de ce milliard a en réalité déjà été amortie par l'aéroport. En payant un loyer là-dessus, l'aéroport le payerait deux fois. Vous essayerez évidemment de triturer les chiffres pour arriver à autre chose. Tout ce que je peux vous dire, c'est que vous n'avez qu'une idée en tête, celle de ruiner l'aéroport et, en ruinant l'aéroport, de ruiner l'économie de ce canton et de cette région ! Vous n'avez que cela en tête ! Chaque fois que l'aéroport fait de bonnes affaires, vous pensez que c'est aux dépens de l'Etat. En réalité, chaque fois que l'aéroport fait de bonnes affaires, c'est en faveur de l'économie de cet Etat, c'est en faveur de toutes les entreprises qui y sont implantées ou qui s'y implantent, entreprises productrices de valeurs ajoutées et surtout génératrices de salaires et d'impôts. Mais cela, vous ne voulez pas le savoir ! Vous voulez dépenser, mais vous ne vous souciez pas de ceux qui remplissent les caisses, qui travaillent pour ce faire et qui apportent de la valeur ajoutée, des salaires et des impôts ! Vous êtes destructeur, mais ce n'est pas nouveau ! Vous voulez continuer à détruire, j'espère que cela ne va pas durer encore trop longtemps !

M. Nicolas Brunschwig (L). Il faut peut-être amener quelques précisions aux propos de M. Pagani. Celui-ci ne siège pas à la commission des finances. Nous pouvons dès lors tout à fait comprendre que les mécanismes financiers qui existent entre l'aéroport et l'Etat de Genève ne lui soient pas tout à fait connus. S'il est vrai que l'aéroport ne paye pas de loyer en tant que tel à l'Etat de Genève pour l'utilisation des locaux, l'aéroport assume l'ensemble des charges d'intérêt et l'ensemble des amortissements financés par l'Etat de Genève. Cela correspond de manière très comparable à une charge locative. L'aéroport assume donc les charges que cela a nécessité au niveau de l'Etat. C'est une opération neutre pour l'Etat, au niveau du patrimoine immobilier. L'aéroport assume les amortissements et les intérêts de ses propres investissements consentis depuis que l'aéroport est un établissement autonome, comme l'a voulu une majorité de ce Grand Conseil au moment où celui-ci prenait des décisions pleines de sagesse. Enfin, l'aéroport rétrocède à l'Etat de Genève la moitié des bénéfices que celui-ci réalise, qui sont d'ailleurs en progression extrêmement importante depuis quelques années et depuis que l'aéroport bénéficie d'une gestion autonome et fait preuve d'un dynamisme évident. L'aéroport est donc le meilleur investissement, je dirais même presque le seul investissement de l'Etat de Genève qui rapporte de l'argent. Le débat financier à ce sujet me semble donc être un mauvais débat ! 

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.