République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7400-A
32. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales). ( -) PL7400
Mémorial 1996 : Projet, 282. Commission, 288.
Rapport de majorité de M. Olivier Vaucher (L), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de Mme Fabienne Bugnon (Ve), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La commission de l'aménagement du canton, sous la présidence de M. Florian Barro, a procédé à l'étude du projet de loi susmentionné, lors de ses séances des 7 et 28 février, 6 et 13 mars 1996.

Etaient présents à ces différentes séances, M. le conseiller d'Etat Philippe Joye, chef du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), M. Georges Gainon, chef de la division des plans d'affectation, M. Jean-Charles Pauli, juriste du DTPE.

Présentation du projet

Le présent projet de modification du régime des zones concerne les parcelles nos 12262, 12930, 13366 et 13367, feuilles 31 et 32 du cadastre de la commune de Meyrin, qui forment une surface totale de 50 566 m2. Ce périmètre, actuellement situé en zone de développement industriel et artisanal, s'inscrit entre la route de Meyrin et le chemin du Grand-Puits. Il est bordé, au nord-est, par la zone de développement 4B du village de Meyrin et est compris dans l'une des extrémités du périmètre de la ZODIM (Zone de développement industriel de Meyrin).

Sur les parcelles nos 12930 et 13367, propriété de la société Conforama SA, s'élève actuellement le centre commercial d'ameublement et articles ménagers du même nom. La parcelle n° 12262 accueille le commerce de Brico-Loisirs Obirama, exploité par la société Jumbo, une filiale de Maus Frères SA. Ces deux centres commerciaux sont, pour l'instant, accessibles en voiture par le chemin du Grand-Puits; cette situation engendre des nuisances pour les propriétaires de villas résidant de l'autre côté de ce chemin.

Le secteur concerné par le présent projet de loi est situé en 5e zone A depuis le 19 décembre 1952, soit à la date de la séparation de la zone agricole et la zone villas.

Ce secteur a été affecté à la zone de développement industriel, par loi du 6 avril 1962, loi en vigueur à ce jour.

Cette zone est régie par le plan et règlement directeurs n° 28640B, adoptés par le Conseil d'Etat, le 6 décembre 1993. Ce plan prévoit notamment que les affectations commerciales (Conforama et Obirama) sont tolérées.

Le présent projet de modification de zone a pour but de «légaliser» la situation de Conforama et d'étendre l'affectation commerciale à la totalité de la parcelle Martini-Rossi où est implanté l'actuel Obirama qui a brûlé, ainsi qu'à la parcelle n° 13366 propriété de Fiat dont Maus Frères envisage l'acquisition.

Le Conseil municipal de la commune de Meyrin a approuvé ce projet par 22 oui, 4 non et 2 abstentions; il a également demandé, par résolution, que la mixité des activités soit étendue à l'ensemble de la ZODIM. Cependant, cette résolution sort de notre projet de loi et sera donc traitée ultérieurement.

Vu la conjoncture économique actuelle, Fiat a saisi le DTPE d'une demande de renseignement, dans le but d'obtenir un changement d'affectation pour la parcelle n° 13366.

Cette requête consiste en un projet d'implantation d'un centre commercial destiné au groupe Maus Frères SA. L'actuel magasin Obirama est implanté sur la parcelle n° 12262, propriété de Martini et Rossi; il bénéficie d'un contrat de location dont l'échéance est proche.

L'objectif des requérants est donc la réalisation, sur la parcelle n° 13366, d'un complexe commercial d'un étage sur rez-de-chaussée, plus superstructure.

D'autre part, Fiat s'est engagé, par lettre du 16 août 1995, à céder gratuitement 3 700 m2 de terrain à l'Etat pour permettre la réalisation de la rue Lect, dont le crédit (17 millions de francs) a été voté par le Grand Conseil le 24 mars 1995 et pour autant que l'Etat n'exerce pas son droit de préemption dans la vente à Maus Frères.

Le projet de construction représente environ 20 millions de francs de travaux sans compter le mobilier, pour une surface de vente de 7 500 m2 + 2 500 m2 de locaux annexes.

Obirama occupe actuellement 30 personnes et le nouveau bâtiment occupera entre 90 et 100 personnes, soit entre 60 et 70 emplois nouveaux (dont 40 à plein temps et 20 à temps partiel).

Les accès au nouveau bâtiment, de même que les accès au bâtiment Conforama, se feront par une nouvelle artère perpendiculaire à la rue du Bois-du-Lan et qui a fait l'objet de la LER n° 2090 délivrée le 5 février 1996 à la commune de Meyrin.

La taxe d'équipement perçue auprès des constructeurs permettra à la commune de Meyrin de financer la desserte du Bois-du-Lan et de condamner les actuels accès à Conforama et Obirama, situés sur le chemin du Grand-Puits. Ainsi, le trafic généré par ces activités commerciales sera directement canalisé sur la route de Meyrin.

Les accès à ces deux centres commerciaux se feront donc depuis la rue du Bois-du-Lan et conformément au plan directeur; de ce fait, le trafic sur le chemin du Grand-Puits sera considérablement réduit dans la partie habitée en direction du village de Meyrin.

L'étude de l'évaluation de l'impact sur l'environnement mise à l'enquête publique simultanément au projet de plan localisé de quartier conclut que les atteintes à l'environnement du projet seront négligeables et que les normes d'émission et d'immission seront respectées.

Ainsi, pour autoriser la mise en oeuvre de ce projet, mettre en conformité l'affectation des bâtiments existants et constituer une zone tampon entre Meyrin-Village et la ZODIM, une modification du régime des zones s'avère nécessaire. Il est ainsi proposé de créer une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, d'environ 50 600 m2.

Le Conseil municipal de la commune de Meyrin a émis, en date du 24 octobre 1995, des préavis favorables tant au projet de modification du régime des zones qu'au projet de plan localisé de quartier.

Evoquons maintenant quelques détails complémentaires relevés, notamment, lors de l'audition des requérants bénéficiaires de ce présent projet de loi.

Selon les administrateurs de Maus Frères SA, la décision de ce site est une suite logique des habitudes déjà prises par la clientèle. La forme de vente sous tente est une exploitation provisoire. Le bâtiment qui a brûlé se trouvait dans une zone qui permettait l'exploitation de commerces, mais qui était devenue trop exiguë, Martini Rossi ne souhaitant d'ailleurs pas renouveler le bail.

Dès lors, l'extension envisagée répond à une demande de la clientèle qui veut trouver sur le site auquel elle s'est habituée ce dont elle a le plus besoin, d'où la création de nouveaux commerces, soit Athleticum et Electro Plus.

Au sujet de la problématique des emplois, elle se présente comme suit: Jumbo occupe actuellement 30 personnes; lors de la construction d'un nouveau Jumbo, on pourrait atteindre 40-45 personnes auxquelles on ajoutera, pour Electro Plus, 20 personnes et pour Athleticum (bricolage et sport), 30 personnes.

Si le déclassement n'est pas accordé, il faudra envisager de fermer le Brico-Loisirs, soit une disparition de 30 postes de travail. Il n'y a pas de site de remplacement possible, ils désirent s'implanter à cet endroit. Ils ne veulent pas non plus ne développer qu'une partie du programme décrit, pour des raisons économiques.

Un opposant ayant parlé du nombre de places de parking, il faut préciser que Conforama a volontairement oublié de dire qu'il louait 70 places à Obirama. Les autres branches qui seraient développées sont moins génératrices de trafic. Obirama n'aura donc pas besoin de plus de 120 places et le do-it est autosuffisant; leurs plans prévoient 256 places, ce qui est un nombre suffisant.

M. Pelacani, architecte de Maus Frères SA, commente le plan directeur de la ZODIM. Il a participé à l'étude du plan directeur où l'idée défendue était de désengorger le chemin du Grand-Puits, engorgement engendré essentiellement par le trafic Conforama. La nouvelle desserte qui desservira les parcelles de la zone éliminera tout accès depuis ce chemin; cette route se fera avec les taxes, et le projet dont il est question y contribuera fortement. Une étude d'impact a été faite et les conclusions démontrent que le projet correspond aux normes en vigueur, voire à des valeurs inférieures au plan «Circulation 2000».

D'autre part, il est précisé que ces locaux ne seront utilisés que pour les propres besoins d'Obirama; il n'y aura pas d'alimentaire.

En ce qui concerne l'emploi, il faut dire encore que c'est une nouvelle opération qui n'en remplace pas une autre. Si le projet ne se réalise pas, c'est une fermeture à brève échéance. Il est créé quelque 60 places supplémentaires. Obirama est uniquement une entreprise commerciale, sans aucune idée spéculative dans sa démarche.

La tente érigée après l'incendie se situe sur l'emplacement du futur parking, donc la construction pourra se faire sans problème. L'architecte mandataire précise encore que les étapes prévoient en premier la construction de la desserte.

On ajoutera encore que l'étude d'impact a été publiée. Toutes les charges de circulation figurent dans le rapport d'impact. Celui-ci a d'ailleurs analysé l'état actuel, pendant le chantier et l'état futur; la desserte sera réalisée avant le début des travaux. Toutes les nuisances concernant le chemin du Grand-Puits vont totalement disparaître. L'étude tient compte de toutes les étapes qui vont être réalisées d'ici l'an 2005.

Les conclusions des 4 chapitres principaux sont les suivantes:

Le projet Obirama semble répondre à une attente de la clientèle et permettrait aux initiateurs d'améliorer leur outil en augmentant leur surface de vente bien placée dans le réseau routier primaire du canton.

L'offre en stationnement actuelle dans le secteur est de quelque 400 places, constituées essentiellement du parking Conforama. L'accroissement de la capacité de stationnement, de l'ordre de 230 places, permettra de faire face à l'augmentation de la clientèle liée à l'ouverture de nouvelles surfaces commerciales.

L'absorption par le réseau routier du trafic supplémentaire généré par l'augmentation de la capacité du parking ne pose pas de problème à l'horizon de la mise en service de l'ouvrage.

La modification du réseau routier, à savoir la construction simultanément à la réalisation du projet d'une nouvelle desserte le long du Bois-du-Lan, permettra de supprimer le transit et les nuisances qui y sont liées sur le chemin du Grand-Puits.

Le parking est destiné exclusivement à la clientèle de courte et de moyenne durée et ne favorisera donc pas le stationnement des pendulaires.

Le projet n'est pas susceptible d'augmenter le transit inter-rives; il n'engendrera pas de transit parasitaire à l'échelle du quartier, ni de nuisance sur le réseau secondaire, son accrochage étant orienté vers le réseau primaire.

A long terme, après réalisation d'un réseau attractif de transports collectifs (TC2005), le volume de trafic sur certains des axes routiers entourant l'immeuble commercial pourrait même légèrement diminuer, ainsi que le pressentait le plan «Circulation 2000».

Le projet est donc compatible avec les objectifs du plan «Circulation 2000».

Les constructions projetées respectent le caractère du site.

Sur le plan de l'aménagement du territoire, la densification du site est judicieuse en regard de la situation à la limite de l'agglomération urbaine, à proximité de l'autoroute et desservi par le réseau routier primaire.

L'intégration du projet dans l'environnement construit du quartier est opportune sur le plan de l'urbanisme; elle ne causera pas de discontinuités sur le plan du tissu urbain.

Les effets de la mise en service du parking sur les émissions sont négligeables, même en prenant des hypothèses de calcul défavorables.

La réalisation du projet peut donc être envisagée sans mesures d'assainissement préalables, au sens des articles 32 et 33 OPair.

En conclusion, les nuisances seront plus faibles que celles d'activités industrielles.

Le plan directeur est en vigueur. Le plan localisé de quartier spécifie l'affectation en fonction de la zone et des problèmes de détail.

Enfin, comme l'a dit Mme Gobet-Winiger, c'est un projet logique dont les influences sont plutôt bien maîtrisées. Si, en plus, la commune est demanderesse, il n'y a pas de raison de s'opposer.

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est proposé d'attribuer le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le présent projet de loi.

Traitement des oppositions formées par Conforama SA, représentée par Me Guy Stanilas, M. Jacques Dupont, M. Noël Bulliard,M. et Mme Pierre et Eliane Dubois, M. et Mme Michael et Fabienne Furblur et M. et Mme Laurent et Clairemonde Nicolet

a) Opposition formée par Conforama SA

La commission propose de rejeter l'opposition formée le 16 février 1996 par Conforama SA, représentée par son avocat Me Guy Stanislas (ci-après l'opposante), pour les motifs qui suivent.

Il y a tout d'abord lieu de considérer que l'opposante est propriétaire des parcelles nos 12930 et 13367, feuilles 31 et 32 de la commune de Meyrin, comprises à l'intérieur du périmètre du plan n° 28745-526, visé à l'article 1. Elle a donc qualité pour s'opposer à l'adoption de ce projet de loi. Déposée en temps utile, l'opposition est dès lors recevable quant à la forme.

Quant au fond, l'opposante expose tout d'abord que la modification du régime des zones querellée ne poursuivrait qu'un but strictement privé, à savoir la valorisation d'une parcelle appartenant à un particulier et ne répondrait pas à un objectif d'intérêt public, dans la mesure où elle tendrait à porter préjudice au secteur industriel, qui est soumis à un contrôle des prix du terrain et où d'autres terrains se prêteraient à la construction d'un centre commercial.

La modification du régime des zones querellée s'inscrit cependant dans le cadre des concepts de mixité et de densification des zones qui, selon l'office fédéral de l'aménagement du territoire, figureront en bonne place parmi les objectifs pour le milieu urbanisé dans les grandes lignes du développement souhaité de l'organisation du territoire en Suisse, document à paraître.

De l'avis de cet office, partagé par les milieux qui s'occupent de l'aménagement du territoire, le système traditionnel des zones monofonctionnelles, permettant une bonne protection contre les immissions et une planification facilitée des équipements, a certes eu des avantages, mais a aussi montré ses limites: par une ségrégation trop poussée, on a créé du trafic supplémentaire ainsi qu'une rigidité dans les structures et les affectations qui a souvent été la cause d'une sous-utilisation du potentiel de la zone à bâtir. Il faut donc à présent rechercher des équilibres nouveaux entre activités et habitat, certes plus délicats au niveau des instruments de planification, mais nécessaires à la survie à long terme du tissu urbain et de son développement endogène. Tel est l'objectif poursuivi par le concept de mixité des zones, qui vise notamment à réaliser l'un des buts fondamentaux de l'aménagement du territoire, à savoir «favoriser la vie sociale, économique et culturelle des diverses régions du pays et promouvoir une décentralisation judicieuse de l'urbanisation et de l'économie» (art. 1, al. 2, lettre c, de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 22 juin 1979; ci-après LAT).

Afin que l'urbanisation reste, si possible, contenue à l'intérieur du milieu bâti, il convient de mobiliser le potentiel que représentent les zones à bâtir déjà construites, en d'autres termes de procéder autant que possible à une certaine densification du territoire. Les objectifs poursuivis par ce concept tendent à préserver le paysage et l'espace rural de la pression des constructions, utiliser mieux l'infrastructure existante, créer des conditions favorables pour les transports publics, afin d'obtenir, en définitive, une utilisation du sol plus judicieuse.

Les principes de densification du sol et de mixité des zones figurent dans le Plan directeur cantonal, document adopté par le Grand Conseil le 15 septembre 1989 et approuvé par le Conseil fédéral le 22 mai 1991 et qui est l'instrument directeur d'aménagement par excellence du canton de Genève.

Le concept de l'urbanisation de ce plan tient compte dans une large mesure des objectifs de densification du milieu bâti. Quant au concept de mixité des activités, il figure en bonne place dans la législation genevoise en matière d'aménagement du territoire. C'est ainsi que les quatre premières zones à bâtir peuvent accueillir des activités «lorsqu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer des nuisances ou des inconvénients graves pour le voisinage» (art. 19, al. 1 et 2, de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987; ci-après Lalat), et que le Grand Conseil genevois a créé, le 21 octobre 1994, la notion de zones d'activités mixtes. Dans ces dernières, un plan localisé de quartier, au sens de l'article 1 de la loi sur l'aménagement des quartiers ou localités, du 9 mars 1929, ou un plan directeur, au sens de l'article de la loi générale sur les zones de développement industriel, du 13 décembre 1984, fixe les modalités d'aménagement (art. 19, al. 7, Lalat).

Dans le cas d'espèce, il convient d'observer que les parcelles nos 12930 et 13367, propriété de l'opposante, bien que situées en zone de développement industriel et artisanal, sont affectées depuis longtemps à un centre commercial d'ameublement et articles ménagers exploité par l'opposante, qui avait, il y a une quinzaine d'années, obtenu une autorisation de construire par voie dérogatoire.

De même, la parcelle n° 12262 a accueilli pendant une dizaine d'années le commerce de Brico-Loisirs Obirama, exploité par la société Jumbo. Ce commerce poursuit son activité sur ce terrain, sous tente, suite au récent incendie qui a anéanti le bâtiment érigé sur cette parcelle.

C'est dire que trois des quatre parcelles comprises à l'intérieur du périmètre du plan n° 28745-526, visé à l'article 1, accueillent depuis un bon nombre d'années déjà une activité commerciale et non industrielle. Le plan directeur de la zone de développement industriel, dite ZODIM, adopté par le Conseil d'Etat le 6 décembre 1993, s'était contenté de prendre en compte la situation actuelle, en précisant que des activités commerciales étaient «tolérées» sur ces biens-fonds, en dépit du statut de zone de développement industriel dans laquelle ceux-ci se trouvaient.

Une réflexion de fond s'imposait, qui a débouché sur le constat de l'utilité de la constitution d'une zone tampon entre Meyrin-Village et la ZODIM et la mise en conformité de l'affectation des bâtiments existants, en englobant non seulement les parcelles nos 12930, 13367 et 12262, mais encore la parcelle n° 13366 dans une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales. Peu importe donc que d'autres terrains du canton puissent également se prêter à la construction du centre commercial envisagé sur les terrains concernés par la société Obirama. Il s'agit d'un cas d'application du concept précité de la mixité des zones, qui favorisera la vie économique et sociale (voir art. 1, al. 2, lettre c, LAT précité) de cette région du canton de Genève en permettant la poursuite et le développement d'activités commerciales et en créant notamment des emplois, ce qui n'est pas négligeable en ces temps de grave crise économique. En cours de procédure, la possibilité d'étendre cette zone d'activités mixtes jusqu'à la rue du Bois-du-Lan a même été évoquée par la commune de Meyrin. Elle sera ultérieurement examinée par le département, dans le cadre d'une étude plus poussée, menée sur le problème de la mixité des affectations dans l'ensemble des zones industrielles existantes.

La loi querellée poursuit donc un but d'intérêt public et il est erroné d'affirmer qu'elle ne viserait qu'à satisfaire l'intérêt particulier du seul propriétaire de la parcelle n° 13366, qui chercherait à valoriser son bien-fonds.

Quant au préjudice que subirait le secteur industriel, il n'est pas démontré à satisfaction de droit dès lors qu'il subsiste à Genève suffisamment de terrains industriels inutilisés, voire non bâtis, à l'instar précisément de la parcelle n° 13366, comprise dans le périmètre du plan visé à l'article 1.

Le premier grief soulevé par l'opposante est donc infondé et doit être rejeté.

Quant aux prétendues nuisances invoquées par l'opposante, il est douteux que ce grief soit recevable au stade de la présente procédure, qui vise à fixer l'affectation générale des terrains concernés et non pas l'aménagement de détail de ceux-ci.

Les arguments qui ont trait à l'importance des surfaces commerciales ou au nombre de places de parcs, qui seraient prétendument trop élevées et provoqueraient des nuisances, se rapportent en réalité au projet de plan localisé de quartier n° 28740-526. C'est en effet ce dernier qui, à la différence du plan de zone précité, règle le détail des aménagements envisagés sur les terrains concernés.

Il s'ensuit que ces griefs devront être examinés dans le seul cadre de la procédure d'adoption de ce projet de plan localisé de quartier, qui relève de la compétence du Conseil d'Etat.

Cela dit, la loi querellée devrait permettre au Conseil d'Etat d'adopter, en principe, le plan localisé de quartier n° 28740-526. Les cessions gratuites prévues par ce plan, ainsi que les taxes d'équipement qui seront perçues lors de la délivrance des autorisations de construire subséquentes, permettront à la commune de Meyrin de financer la réalisation de la desserte reliant le secteur commercial à la route du Bois-du-Lan et donc, à la route de Meyrin, conformément à l'aménagement routier retenu par le plan directeur de la ZODIM. Les actuels accès à Conforama et Obirama, situés sur le chemin du Grand-Puits, seront ainsi condamnés et le trafic généré par ces activités commerciales sera directement canalisé sur la route de Meyrin.

Dès lors, il n'est pas surprenant que l'enquête préliminaire d'impact relative à ce projet de plan conclue que les atteintes à l'environnement qui pourraient découler de la réalisation de l'aménagement de détail retenu «seront négligeables et que les normes d'émissions et d'imissions seront respectées» (p. 35). Selon cette enquête, ce projet de plan est compatible avec les objectifs du plan «Circulation 2000» et l'absorption par le réseau routier du trafic supplémentaire généré par l'augmentation de la capacité du parking (environ 230 places) ne pose pas de problème à l'horizon de la mise en service de l'ouvrage (p. 14).

L'opposante n'avance, a priori, pas d'arguments suffisamment sérieux et objectifs pour mettre en cause les résultats de cette étude. Il n'y a cependant pas lieu, dans le cadre de la présente procédure, de trancher définitivement cette question.

Ce grief, pour autant qu'il soit recevable, est infondé et doit être écarté.

Au vu de ce qui précède, les motifs allégués par l'opposante dans son acte d'opposition ne permettent pas de conclure à une lésion de ses intérêts individuels.

Il s'ensuit que l'opposition formée par Conforama SA est infondée et doit être rejetée.

b) Oppositions formées par M. Jacques Dupont, M. Noël Bulliard, M. et Mme Pierre et Eliane Dubois, M. et Mme Michael et Fabienne Furblur et M. et Mme Laurent et Clairemonde Nicolet

Par plusieurs lettres séparées, adressées en temps utile au Conseil d'Etat, M. Jacques Dupont, M. Noël Bulliard, M. et Mme Pierre et Eliane Dubois, M. et Mme Michael et Fabienne Furblur et M. et Mme Laurent et Clairemonde Nicolet, pour la plupart voisins du périmètre du plan visé à l'article 1, ont déclaré former opposition au présent projet de loi. La qualité pour agir de ces personnes peut être admise, à la condition expresse qu'elles soient propriétaires ou locataires d'un bien-fonds situé à l'intérieur ou immédiatement voisin du périmètre du plan visé à l'article 1.

Cette question peut rester ouverte, compte tenu de la réponse qui sera apportée quant au fond de l'opposition.

A l'appui de leur opposition, les opposants invoquent les nuisances que la création de la zone envisagée pourrait provoquer pour les habitants du secteur voisin. Ce grief étant identique à l'un des motifs invoqués par la précédente opposition, à savoir celle de Conforama SA, les opposants voudront bien se référer à la réponse y relative, contenue dans le présent rapport, afin d'éviter d'inutiles redites.

Au surplus, les opposants n'avancent pas d'arguments suffisamment sérieux et objectifs pour mettre en cause les résultats de l'enquête préliminaire d'impact relative à ce projet de plan localisé de quartier n° 28740-526. Il n'y a cependant pas lieu, dans le cadre de la présente procédure, de trancher définitivement cette question, qui relève de la compétence du Conseil d'Etat. Quant aux petits commerces existant dans le centre de Meyrin-Village, les opposants se contentent d'affirmer que l'adoption de la loi querellée entraînerait leur disparition, sans en apporter la démonstration.

Au vu de ce qui précède, les motifs allégués par les opposants dans leurs actes d'opposition ne permettent pas de conclure à une lésion de leurs intérêts individuels, raison pour laquelle ces oppositions, infondées, doivent être rejetées.

Ainsi donc, après toutes ces discussions, les études et présentations très complètes et détaillées que la commission a reçues, celle-ci vous propose d'accepter ce projet de loi conformément au vote qui, par 9 oui (5 L, 2 R, 2 PDC) et 4 avis contraires (1 S, 2 ADG et 1 Ve) se sont déclarés d'accord avec ce projet.

PROJET DE LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Le plan n° 28745-526, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 21 mars 1995, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, au chemin du Grand-Puits) est approuvé.

Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Les oppositions à la modification du régime des zones formées par:

- Conforama SA, représentée par son avocat Me Guy Stanislas;

- M. Jacques Dupont, M. Noël Bulliard, M. et Mme Pierre et Eliane Dubois, M. et Mme Michael et Fabienne Furblur et M. et Mme Laurent et Clairemonde Nicolet,

sont rejetées, dans la mesure où elles sont recevables, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.

Art. 4

Un exemplaire du plan n° 28745-526 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Le projet tel qu'il ressort - voté par la majorité - des travaux de la commission de l'aménagement entérine plusieurs principes, auxquels la minorité (Ve, ADG, S) ne peut souscrire. Ces principes sont au nombre de trois:

1. Le changement de zone

Le projet fait passer de situation dérogatoire à statut officiel la présence de deux surfaces commerciales importantes, à savoir Obirama et Conforama, dans une zone à caractère industriel, à savoir la ZODIM.

En accordant ce déclassement de zone, le Grand Conseil admet le bien-fondé de la dérogation offerte il y a environ vingt ans à la société Conforama de pouvoir établir son commerce de meubles dans une zone à caractère industriel. C'est une décision qui n'est pas sans conséquences sur l'avenir des zones industrielles et il eût été préférable que ce projet soit suspendu, dans l'attente que les commissions de l'aménagement et de l'économie rendent leurs conclusions. Ces deux commissions sont actuellement saisies du dossier de la zone industrielle, la commission de l'économie par le biais de la motion 1028 visant à promouvoir une stratégie industrielle à Genève et la commission de l'aménagement, de son côté, a agendé toute une série d'auditions qui devraient permettre des débats fort intéressants. Il est dès lors totalement paradoxal de vouloir, d'un côté, prendre le temps de se forger une opinion à la lumière d'exposé d'experts et, d'un autre côté, de prendre préalablement une décision au sujet d'un déclassement en zone industrielle, qui risque de faire perdre beaucoup à l'objectivité du débat. Tous les groupes politiques sont intéressés à débattre de l'avenir des zones industrielles, de leur maintien, de la mixité des activités qui s'y trouvent, etc. En acceptant d'autorité le déclassement d'une partie de la ZODIM en zone commerciale, la majorité de la commission de l'aménagement empêche un débat large et serein.

2. L'étude d'impact

Un rapport détaillé a été fourni, sur demande, à la commission. On y apprend dans les conclusions que la faisabilité du projet est assurée sur le plan environnemental et que les atteintes à l'environnement seront négligeables. On apprend en effet, au fil des chapitres, que les valeurs limites admises seront très légèrement dépassées, mais qu'elles l'étaient déjà, donc dépassement pour dépassement, on peut bien admettre une petite augmentation supplémentaire !

Quelques exemples:

a) Trafic (p. 11-12)

Les quelque 256 places prévues dans le projet généreront un trafic supplémentaire théorique de l'ordre de 2560 voitures par jour et ce trafic se répartira de la même manière que le trafic engendré par les parkings actuels, à savoir augmentation sur la route de Meyrin, sur la route du Nant-d'Avril, sur la rue Lect et l'avenue de Vaudagne (qui sont deux pénétrantes de la cité) et sur les routes menant à la ZIMEYSA. «Le trafic supplémentaire pourra donc être absorbé sans entraîner de perturbation grave.» Tout dépend bien sûr de l'interprétation que l'on fait de «perturbation grave.» Actuellement, le trafic généré par les centres de Conforama et d'Obirama, plus particulièrement le samedi et durant les périodes de soldes, est extrêmement pénible pour les riverains, un accroissement du nombre de véhicules est dès lors intolérable. Surtout lorsque l'on apprend dans le même rapport d'impact qu'il n'est pas envisagé d'améliorer le réseau des transports publics (500 m de distance entre les bus et les commerces) étant donné que ce type de commerce est destiné à une clientèle motorisée (poids, volumes des objets achetés)

b)  Pollution atmosphérique (p. 20)

Immissions et émissions: «les immissions actuelles de NO2 sont estimées à 31,9 mg/m3. La valeur limite d'immisions moyenne actuelle de 30 mg/m3, définie dans l'ordonnance sur la protection de l'air (OPair), est donc dépassée dans le périmètre d'étude.» Autre constat (p. 22), le trafic supplémentaire dû à l'introduction du parking générera une augmentation des émissions d'oxydes d'azotes.

Conclusion de l'étude (p. 23): «Les effets de la mise en service du parking sur les émissions et les immissions sont négligeables... il s'agit de points de moindre importance, qui ne sont pas susceptibles de remettre en cause la faisabilité du projet.»

On admet donc qu'il est négligeable de dépasser, même faiblement, les valeurs limites et que même si l'étude n'est pas complète à ce stade (les éventuelles installations de ventilation du parking souterrain ne sont pas incluses), les nuisances étant «de moindre importance», on peut, sans autre réflexion, décider qu'elles ne remettent pas en cause la faisabilité du projet.

c) Le bruit (p. 27)

L'accroissement prévisible du trafic routier après la réalisation du projet n'affecterait pas sensiblement l'environnement sonore par rapport à la situation actuelle vis-à-vis des locaux sensibles au bruit.

Aujourd'hui, la limite d'immission diurne pour le degré II est déjà dépassée de l'ordre de 1db(A). Ce dépassement sera légèrement aggravé pour la situation future.

On dépassera donc de peu ces valeurs limites et l'on s'empresse d'ajouter qu'étant déjà dépassées, une petite augmentation devient négligeable.

Ces trois exemples montrent à quel point la sonnette d'alarme tirée régulièrement par les écologistes et les scientifiques a peu d'effet, à quel point la notion de développement durable n'est pas comprise et encore moins admise.

Alors que, pourtant, le concept du plan directeur cantonal, en passe d'être voté par la CAT (commission d'aménagement du territoire), consacre tout un chapitre à la protection de l'environnement. Quelques phrases valent la peine d'être citées :

«La protection de l'environnement est un des soucis permanents de l'aménagement du territoire. En effet l'une de ces missions, fixées par la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, est de protéger les bases naturelles de la vie. Cette préoccupation traverse donc les différents chapitres du plan directeur lorsqu'il propose les principes du développement durable, d'une gestion rationnelle et économe de l'espace, de la préservation des milieux naturels dans l'espace rural, de l'encouragement de formes d'urbanisation soucieuses de l'environnement de la protection du patrimoine bâti, de l'encouragement des transports publics.»

Les têtes de chapitres suivent: Organiser le territoire de manière à limiter le trafic motorisé individuel et à favoriser le développement des transports publics; Coordonner les études d'aménagement et les études d'impact sur l'environnement; Assurer l'utilisation durable de notre milieu vital.

«Afin de diminuer les nuisances sonores en milieu urbain, il convient d'agir avant tout dans le sens d'une réduction des immissions, en particulier celles dues à la circulation automobile; poursuivre l'effort contre la pollution de l'air, en particulier dans le domaine des émissions causées par les véhicules à moteur...»

Ces phrases ne sont pas issues du programme des Verts, mais bien de ce concept qui servira de base à l'établissement du nouveau plan directeur cantonal.

On ne peut pas à la fois se targuer d'un raisonnement intellectuel élaboré en matière de protection de l'environnement et d'un autre côté balayer d'un revers de main tout ces beaux principes, en admettant toute une série de dépassements négligeables, au nom d'un soi-disant développement économique.

Il importe, enfin, de relever que l'étude d'impact est manifestement incomplète, puisqu'elle ne prend pas en considération l'ensemble du périmètre concerné. Il existe, en effet, un potentiel constructible important sur la parcelle de Martini et Rossi, adjacente à la parcelle visée par le présent projet de loi. Or, toute future construction sur cette parcelle nécessitera forcément la création d'un nouveau parking. De même, Conforama conserve également un potentiel constructible, compte tenu des gabarits permettant d'envisager une extension, en hauteur, des bâtiments existants. Une telle situation, si elle devait être réalisée, générerait une nouvelle augmentation du trafic, laquelle n'a nullement été prise en compte dans l'étude d'impact.

3. La surévaluation du prix du terrain

Une des conditions essentielles pour le maintien et l'implantation d'activités industrielles est de disposer de terrains bon marché.

C'est pour ce motif que les zones industrielles ont été créées, lesquelles sont réservées exclusivement aux activités artisanales et industrielles.

L'expérience a, en effet, démontré que les bâtiments industriels situés dans les zones ordinaires, plus particulièrement en ville, ont disparu les uns après les autres sous la pression d'opérations immobilières, avec des plus-values énormes. On peut citer différents exemples, les terrains de Caran d'Ache, Chirat, la SIP, les Ateliers des Charmilles, Hispano Suiza, etc., sans parler des différentes spéculations autour des terrains de Sécheron.

Dans le même temps, les prix des terrains ont explosé dans les zones industrielles dites mixtes, c'est-à-dire ouvertes à des bureaux ou à des activités commerciales, avec pour conséquence, notamment, que plus aucune activité industrielle ou artisanale ne s'est implantée dans de telles zones depuis plusieurs années.

Par contre, des bureaux s'y sont installés en faisant grimper les prix du terrain dans ces zones, à des prix prohibitifs pour l'industrie et l'artisanat (exemple de la zone industrielle mixte des Acacias avec le centre administratif de l'UBS et l'ancienne zone mixte de la Suzette au Grand-Saconnex avec le centre administratif de Dupont de Nemours).

C'est précisément ce qui est en train de se passer dans la zone industrielle de Meyrin, avec le projet Obirama, puisque les promoteurs du centre commercial projeté ont convenu d'acheter la parcelle Fiat pour un prix de 430 F le m2, ce qui est un prix totalement incompatible avec des activités industrielles.

Le conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre a eu l'occasion de déclarer, tant lors du débat relatif à la zone industrielle de Sécheron que lors de celui sur le projet Reuters, que le prix du terrain en zone industrielle ne devait pas dépasser 200 F le m2.

C'est d'ailleurs cette valeur qui a été retenue dans le cadre du contrat de superficie consenti par l'Etat à Noga Invest SA pour la construction du bâtiment projeté pour Sécheron SA, terrain situé dans une zone industrielle ordinaire, en pleine ville. Or, la valeur est inférieure dans les zones de développement industriel pour lesquelles l'application des normes de développement relevant de la compétence du Conseil d'Etat donnent à ce dernier des pouvoirs d'intervention importants.

A titre d'exemple, dans la zone industrielle voisine de Meyrin-Satigny (la ZIMEYSA), le prix est resté inférieur à 100 F le m2.

Dans d'autres zones de développement industriel, le prix du terrain peut atteindre 150 F à 180 F lorsque la zone de fond est une zone villas.

Dans le cas précis, il convient de rappeler que les terrains ont été acquis, à 100 F le m2. Ils comportaient des bâtiments, qui ont été démolis, afin d'aménager un parking répondant aux besoins de Fiat, bâtiments dont la valeur était bien entendu comprise dans le prix d'achat, de sorte que la valeur des terrains en cause était en réalité inférieure à 100 F le m2.

On ne peut pas accepter non plus, comme l'a suggéré le conseiller d'Etat Philippe Joye, d'indexer ce terrain au coût de la vie. Une telle pratique n'est pas appliquée dans les zones de développement - y compris dans les zones de développement industriel - où les prix des terrains sont plafonnés, afin de bloquer cette valeur et conserver des prix de terrain bas. De plus, une indexation ne pourrait être envisageable que pour un terrain qui n'aurait pas été utilisé et qui n'aurait donc pas pu assurer une rentabilité à l'investissement consenti, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque ce terrain a servi commercialement comme site de stockage et d'exposition des voitures Fiat (ces pratiques de certains importateurs de voitures ayant d'ailleurs fait l'objet de critiques, car elles sont incompatibles avec une bonne gestion des zones industrielles).

Quant au prix d'acquisition d'autres parcelles par des particuliers dans la zone industrielle de Meyrin, il ne saurait en aucun cas servir de prix de référence comme l'invoque le conseiller d'Etat Philippe Joye, dans une note remise aux membres de la commission de l'aménagement le 20 mars 1996. On ne peut, en effet raisonnablement, prendre comme référence des acquisitions faites par des particuliers à des prix excessifs et spéculatifs. Il eût été plus judicieux à cet égard d'indiquer le prix payé par l'Etat pour des acquisitions foncières dans des zones de développement industriel et les prix fixés par les autorités de recours lorsque l'Etat a exercé son droit de préemption pour de telles acquisitions.

En plus de ces trois principes (affectation de la zone, respect de l'environnement, valeur du terrain), il est essentiel d'affirmer que les arguments visant à dire que le projet de loi permettra aux habitants riverains du chemin du Grand-Puits d'être exemptés de nuisances grâce à la construction d'une desserte à la rue du Bois-du-Lan pour absorber le trafic, ne peuvent être pris en compte dans le cadre du projet. La construction de cette desserte était prévue bien antérieurement au dépôt du projet de loi. L'acceptation du crédit de 2 335 000 F par le Conseil municipal lors de sa séance du 5 mars 1996 permettra la réalisation de cette desserte routière d'environ 200 m partant de la rue du Bois-du-Lan et longeant ce dernier (le bois) en direction du village. Cette chaussée inscrite au plan directeur de la ZODIM donnera accès à l'ensemble du secteur compris entre la route de Meyrin et le chemin du Grand-Puits. Ce dernier se verra donc déchargé d'un important trafic perturbant la zone d'habitat, le crédit comprend également l'adaptation du réseau d'assainissement communal. De même que les travaux prévus au niveau de la rue Lect et qui modifieront complètement l'accès ne sont pas liés au projet. Le rapport d'impact le confirme (p. 10).

La prise en compte des nuisances endurées par les riverains du chemin du Grand-Puits, nuisances engendrées en particulier par le trafic automobile, mais également par les camions d'approvisionnement, est le fait des autorités de la commune de Meyrin et non pas du projet de loi 7400. Il est essentiel de séparer les deux problèmes pour avoir une lecture objective du projet de loi proposé.

Conclusion

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi doit être refusé, car il entérine trois principes brièvement rappelés:

1.  le déclassement de terrains sis en zone industrielle sans avoir préalablement élaboré une stratégie générale quant à l'avenir de ces zones;

2.  la poursuite des atteintes à l'environnement par le non-respect (même faible !) des normes de pollution admises et l'ignorance du principe de développement durable;

3.  la surévaluation du prix du terrain sis en zone industrielle.

Et c'est parce que nous refusons d'entériner ces principes qui ne manqueront pas, s'ils sont acceptés, de créer un fâcheux précédent que la minorité de la commission (Ve, ADG, S) vous recommande de refuser le projet de loi 7400 tel que proposé par le Conseil d'Etat.

Il est à noter que Maus Frères SA, qui a reconnu ne pas avoir prospecté d'autres terrains susceptibles d'accueillir le centre commercial projeté - alors que manifestement ces terrains existent - devrait prévoir la reconstruction de celui-ci sur un terrain destiné à cet effet.

Cela lui éviterait un préjudice commercial et mettrait un terme à la situation précaire dans laquelle s'effectue actuellement la poursuite des activités de vente (tente provisoire).

PROJET DE LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan n° 28745-526, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 21 mars 1995, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, au chemin du Grand-Puits) est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 3

Un exemplaire du plan n° 28745-526 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Premier débat

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Vous voudrez bien excuser que le plan, une fois de plus, n'ait pas été annexé au rapport. Cependant, il est affiché au fond de la salle, comme vous pouvez le voir sur ma droite.

D'autre part, j'aimerais préciser quelques détails, suite à la lecture du rapport de minorité :

Premièrement, contrairement à ce qui y est écrit, ce projet est urgent. La vente, chez Obirama, se fait maintenant sous tente, et la modification demandée n'est pas de nature à compromettre le résultat des études générales en cours sur la mixité des zones industrielles.

Deuxièmement, l'étude d'impact soumise accompagne le projet de plan localisé de quartier relatif à la parcelle Fiat, et non la modification du plan de zone qui, lui, comprend trois parcelles. Cela est conforme aux réglementations fédérale et cantonale sur les études d'impact, lesquelles doivent accompagner des projets concrets, au niveau du plan de quartier, ou la demande définitive de permis. L'étude d'impact présentée n'est donc pas incomplète, comme mentionné dans le rapport de minorité, mais elle est uniquement relative au projet Maus Frères SA.

Je n'entrerai pas maintenant en matière sur les problèmes de trafic et de valeurs d'émission. Nous aurons probablement l'occasion d'en parler plus tard.

Je précise que la société Maus Frères s'est engagée à payer à Fiat, pour ce terrain, un prix qui, à ses yeux, représente la valeur normale d'un terrain pour une activité commerciale dans une région de ce type. De surcroît, j'insiste, une fois de plus, sur l'urgence de cette affaire. Si Maus Frères SA insiste pour reconstruire son magasin à cet emplacement, c'est qu'il ne suffit pas, contrairement à ce que sous-entend le rapport de minorité, de prospecter d'autres terrains susceptibles d'accueillir un tel centre commercial, comme pourrait le faire un industriel, par exemple. En effet, une activité commerciale est fortement dépendante de sa clientèle et de ses habitudes, de la concurrence et des autres commerces environnants. C'est ce qui incite la société Maus Frères à développer ses activités à l'emplacement où sa clientèle la connaît depuis de nombreuses années et où existe un potentiel important d'acheteurs. Un déplacement sur un autre site serait totalement aléatoire et, dans la période économique actuelle, constituerait une aventure irresponsable.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de minorité. Permettez que je fasse certaines remarques sur le rapport de M. Vaucher.

Ce rapport constituant une forme de chantage à l'emploi, je commencerai avec ce sujet. Obirama emploie actuellement trente personnes, selon le rapport de majorité et les déclarations de Maus Frères lors de leur audition. Avec la nouvelle construction, toujours selon Maus Frères, le personnel pourrait être de quarante à quarante-cinq employés, soit quinze de plus au maximum. Une note du département, reprise immédiatement, bien sûr, par le rapport de majorité, nous a appris ensuite qu'il ne s'agira pas de quarante à quarante-cinq personnes, mais de nonante à cent, soit soixante à septante emplois nouveaux. Le procès-verbal de l'audition de Maus, lui, n'a pas du tout été corrigé.

Par ailleurs, lors de la discussion menée à l'occasion de l'audition du conseiller d'Etat Maitre, nous avons appris incidemment que Fiat venait de licencier vingt personnes dans le secteur concerné par les tractations, et que personne ne s'en était ému.

A la page 3 de son rapport, M. Vaucher dit que : «La taxe d'équipement perçue auprès des constructeurs permettra à la commune de Meyrin de financer la desserte du Bois-du-Lan et de condamner les actuels accès à Conforama et Obirama, situés sur le chemin du Grand-Puits.» Cette affirmation est fausse, puisque, comme je le rappelle dans mon rapport de minorité, en page 19, la desserte du Bois-du-Lan était prévue bien antérieurement à la demande d'Obirama, et qu'un crédit de construction totalement indépendant a été voté par le Conseil municipal de Meyrin.

Quant à l'étude d'impact sur l'environnement, le rapport de majorité fait, bien entendu, siennes les conclusions du rapport d'impact. J'ai préféré, quant à moi, vous présenter, dans mon rapport de minorité, les différents aspects qui ont amené à ces conclusions, afin que nous argumentions en connaissance de cause. Je ne reviendrai pas en détail sur ce point, l'ayant largement exposé dans mon rapport. Néanmoins, je tiens à rappeler que toutes les normes admises sont légèrement dépassées ou «de manière négligeable», selon le rapport d'impact, ces dépassements légers s'ajoutant aux dépassements déjà existants.

A la page 4 du rapport de majorité, il est relevé que le Conseil municipal de Meyrin a émis des préavis favorables. Je ne le conteste pas, mais insiste sur le fait que plusieurs habitants de Meyrin-Village sont concernés par le développement de la zone dont ils sont riverains. Au moment où ils ont acquis leur maison, ils n'imaginaient pas que de très grands commerces, suscitant une forte affluence de véhicules, par conséquent des nuisances, pussent s'installer dans une zone dite industrielle.

Venons-en aux problèmes d'Obirama. Suite à l'incendie du bâtiment, la vente a lieu maintenant sous tente. Le personnel travaille dans des conditions précaires qu'il n'est pas souhaitable de maintenir. Obirama doit donc être reconstruit dans l'intérêt évident de Maus Frères, mais aussi dans celui du personnel et des clients, ces derniers étant nombreux d'après Obirama.

Par contre, je m'élève contre une autre affirmation du rapport de majorité, à savoir, toujours à la page 4, qu'il n'y a pas de site de remplacement possible.

Votre affirmation, Monsieur Vaucher, se situe à la limite de la malhonnêteté, puisque vous avez assisté, comme moi, à l'audition des propriétaires. Ces derniers ont reconnu, par la voix de M. Halff - et ceci figure à la page 4 du procès-verbal N° 83 - que la totalité des efforts avaient été déployés pour l'obtention de ce site et que, dès lors, d'autres sites n'avaient pas été envisagés. Il n'est pas normal, Monsieur Vaucher, qu'après avoir surévalué les postes de travail à créer, vous fassiez un chantage aux emplois existants, prétextant qu'ils disparaîtront si le déclassement n'est pas accordé.

C'est d'ailleurs à quoi se limite ce rapport qui n'aborde pas le fond, à savoir le maintien de l'industrie dans les zones industrielles.

Comme je l'ai dit dans mon rapport de minorité, nous irions au-delà de l'affaire Obirama en acceptant ce projet de loi. Nous entérinerions un principe au moment même où deux commissions, celle de l'économie et celle de l'aménagement, planchent sur le problème des zones industrielles, s'efforçant - c'est en tout cas le cas de la commission de l'aménagement à laquelle je participe - d'élaborer une perspective générale pour l'avenir de la zone industrielle. L'audition de M. Joye et plus encore celle de M. Maitre ont rassuré quelque peu certains commissaires, inquiets du sort réservé à ces zones industrielles.

M. Maitre a notamment rappelé, à plusieurs reprises, son souhait de voir des industries s'installer dans la zone industrielle et que, pour ce faire, il fallait être très attentif au prix auquel se négociaient les terrains sis en zone industrielle. Il a indiqué maintes fois la fourchette maximale de 150 à 200 F le m2. Dans le dossier Obirama, le terrain est mis à disposition par Fiat au prix de 430 F le m2, soit plus du double du prix maximum. M. Maitre a également dit que la zone industrielle de Meyrin doit garder clairement ce profil, ce qui est inimaginable avec des commerces tels qu'Obirama ou Conforama.

Il faut savoir que, si nous acceptons la vente de terrains industriels au prix de 430 F le m2, plus aucune industrie ne s'installera dans ladite zone. Ce montant deviendra le prix de référence. Nous avons des précédents révélateurs, notamment dans le quartier de la Suzette, au Grand-Saconnex.

Je regrette que M. Maitre ne soit pas là. En effet, tout en ayant défendu ce point de vue, il a déclaré, par ailleurs, n'être pas opposé à ce projet d'Obirama. C'est pourquoi l'opinion des conseillers d'Etat m'inquiète un peu, parce que c'est bien joli de s'accorder sur les grands principes, puis d'y déroger dès que l'occasion s'en présente.

Le projet de loi soumis ce soir constitue une dérogation à tous ces principes et c'est pourquoi je vous demande de refuser le rapport de majorité et ce projet de loi.

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Ma collègue et néanmoins amie Mme Bugnon me traite de malhonnête. Dès lors, je pense que sa malhonnêteté intellectuelle égale la mienne. Apparemment, elle ne sait pas lire, puisque mon rapport, en ce qui concerne les emplois, précise à la page 4 qu'Obirama seul, avec l'activité actuelle, occupe de quarante à quarante-cinq personnes, auxquelles s'ajouteront - apprenez à lire, Madame ! - vingt personnes pour Electro Plus et trente personnes pour Athleticum bricolage et sport. C'est ainsi que nous arrivons au chiffre de mon rapport, chiffre correspondant à celui énoncé par M. Halff et repris dans le procès-verbal N° 83 de la commission d'aménagement, dernier alinéa de la page 2 et premier alinéa de la page 3.

Quant aux emplois, permettez-moi, Madame la rapporteuse de minorité, de ne prendre, pour exemple, que le premier trimestre 1996 au cours duquel nos professions ont perdu plus de trois cents emplois et en perdront encore plusieurs centaines dans les mois à venir. De par mes responsabilités, il est normal que je m'en inquiète et que je soutienne les personnes aptes à créer de nouveaux postes de travail.

Mme Bugnon, à juste titre, a soulevé le problème de Fiat, dont je venais de discuter avec mon collègue Dupraz. Nous avons évoqué les licenciements, la centralisation, à Zurich, de certains secteurs de cette entreprise. Toutefois, je rappelle que ce n'est pas Fiat qui est allée chercher les Frères Maus pour leur vendre son terrain, mais que ce sont ces derniers qui ont contacté Fiat. Ils ont clairement joué le jeu, ils ont annoncé le prix d'achat de 430 F le m2, parce qu'intéressés à soutenir leurs activités dans ce site.

J'enchaîne en disant que l'implantation d'un site ne se décrète pas par une loi. Comme je l'ai déclaré en préambule, Obirama a de bonnes raisons de ne pas aller chercher ailleurs, dans le canton, ce qu'il peut obtenir, avec succès, à l'endroit où il se trouve maintenant.

Le rapport de minorité souligne que le trafic généré actuellement par les centres Conforama et Obirama est extrêmement pénible pour les riverains. Il sous-entend que cette situation sera rendue plus intolérable encore par la future augmentation du trafic, mais passe sous silence que la rue du Bois-du-Lan, actuellement en construction, sera ouverte à la circulation dans le courant de l'été 1996, qu'à cette occasion tout trafic sera supprimé sur le réseau de desserte locale et que les riverains n'en éprouveront plus les désagréments. Comme les plans l'ont montré, des arbres seront plantés. Les riverains pourront profiter des nouveaux aménagements de la desserte et le trafic qui passe actuellement devant les villas d'en face, aura quasiment disparu.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Vaucher n'aimant pas qu'on l'accuse de malhonnêteté intellectuelle, je parlerai de sa candeur, de sa naïveté...

M. Olivier Vaucher, rapporteur de majorité. Je préfère !

M. Christian Ferrazino. Mais le résultat est le même dans la mesure où vous avez bel et bien mentionné dans votre rapport ce qu'a relevé Mme Bugnon, et que vous avez repris dans votre présentation orale. J'ai pris soin, pour ma part, de noter votre déclaration, à savoir : «Un autre site serait totalement aléatoire pour Maus Frères.» Cette contrevérité relève peut-être de votre candeur ou de votre naïveté, ou alors de votre manque d'assiduité aux travaux de la commission.

A la question que j'ai posée à Maus Frères, à savoir s'ils avaient examiné d'autres sites, en particulier dans la région de Meyrin, il m'a été répondu par la négative, puisqu'un site jouxtant celui qu'ils occupaient précédemment était disponible, il n'y avait pas lieu, selon eux, d'aller chercher ailleurs ce qu'ils pouvaient trouver sur place.

Toujours avec la candeur qui vous caractérise, vous dites que ce n'est pas Fiat qui est allée chercher Maus Frères, mais bien Maus Frères qui sont venus chercher Fiat. Cela change tout... et vous l'aurez tous compris ! Maus Frères disent que 430 F le m2, et là encore je reprends les propos de M. Vaucher, représentent une valeur normale pour ce type de terrain...

M. Olivier Vaucher, rapporteur de majorité. Avec activité commerciale !

M. Christian Ferrazino. Merci de le préciser ! Pourquoi, Monsieur Vaucher, ce prix de 430 F est-il un prix normal, aux yeux de Maus Frères, pour ce genre d'activité ? Parce que partout ailleurs le prix est de 650, 700 F le m2, voire plus. Si, pour un terrain en zone industrielle, Maus Frères peuvent proposer le prix de 430 F le m2, afin d'y déployer leurs activités, il est clair qu'à leurs yeux c'est un prix plus que normal. C'est pourquoi, Monsieur Vaucher, je me devais de vous rendre moins candide en matière du prix des terrains affectés aux activités commerciales.

Néanmoins, Monsieur Vaucher, vous avez commis deux omissions, sans doute involontaires. En proposant le déclassement d'une parcelle en zone industrielle en faveur d'une activité commerciale, vous laissez croire que c'est le même type de magasin que l'ancien qui sera réinstallé sur la parcelle voisine. Ce faisant, vous oubliez de préciser que ce n'est pas Obirama qui va reconstruire Obirama, cette entreprise n'existant plus. C'est un nouveau magasin qui sera bâti, à l'enseigne de Jumbo, sur cette parcelle. Il abritera une nouvelle exploitation commerciale, avec de nouvelles activités qui n'auront rien à voir avec celles d'Obirama. Voilà l'exemple d'un projet qui va exactement à l'encontre de ce qu'il convient de faire en matière d'aménagement du territoire !

Il y a quelques mois, M. Joye a retiré un projet concernant une autre commune de notre canton, lequel n'était pas très éloigné, de par ses considérants, de l'objectif poursuivi : l'utilisation de zones industrielles, si précieuses à notre industrie, à des fins commerciales. Lors de sa venue devant la commission de l'aménagement, M. Maitre a rappelé avec fermeté ce qu'il avait déjà dit dans cette enceinte à l'occasion d'un précédent débat sur les zones industrielles, à savoir qu'il était essentiel, comme Mme Bugnon l'a rappelé, de conserver nos zones industrielles qui permettent précisément d'offrir au secteur secondaire des terrains bon marché sans lesquels aucune industrie ne pourrait espérer voir le jour en Suisse, à Genève notamment.

Dès lors, Monsieur Vaucher, ne venez pas nous dire, comme vous l'avez écrit dans votre rapport, que ce projet de loi poursuit un but d'intérêt public ! J'ai eu beau vous lire et beau vous entendre, je n'ai toujours pas compris «votre» intérêt public ! J'ignore si votre plume a dérapé et si vous vouliez signifier, du fait de votre candeur, que ce projet de loi visait précisément à préserver les intérêts privés de Fiat, qui a acheté ce terrain, il y a vingt-cinq ans, au prix de 100 F le m2 et qui, aujourd'hui, pourrait le revendre à 430 F - ce qui dépasse l'entendement le plus élémentaire s'agissant des transactions conduites en zone industrielle - et l'intérêt privé de Maus Frères de pouvoir reconstruire, non pas le centre commercial qui a brûlé, mais un nouveau centre commercial pour une nouvelle exploitation, sur un terrain moitié moins cher que n'importe quel autre susceptible d'accueillir des activités commerciales semblables.

Voilà le projet de loi proposé ce soir et voilà les raisons pour lesquelles nous devons lui opposer un refus catégorique et systématique, comme d'ailleurs à tous ces projets de lois qui proposent des déclassements, au coup par coup, sans aucune vision d'ensemble par rapport aux zones industrielles de notre canton, et qui servent, contrairement à ce que croit M. Vaucher baignant dans sa candeur, non l'intérêt public mais de purs intérêts privés.

M. Michel Balestra (L). Monsieur Ferrazino, nous avons commis, au cours des dernières années, de nombreuses erreurs en ce qui concerne les commerçants et les entreprises. Cet autoritarisme a conduit de nombreux chefs d'entreprise à construire ailleurs leurs unités de travail : Ikea à Aubonne; La Placette à Chavannes; Migros à Etrembières et à Thoiry; Vifor à Gland; (Protestations.) Vifor à Gland, disais-je !

Peu importe, Madame Bugnon, qu'il s'agisse de trente, quarante, soixante ou nonante personnes ! 85% des postes de travail en Suisse sont créés par des entreprises de moins de cinquante personnes. Soutenir l'emploi et l'économie, c'est aussi soutenir ces entreprises-là.

L'expérience étant, paraît-il, le seul livre que les imbéciles comprennent, nous devrions comprendre aujourd'hui qu'il nous faut changer notre manière de faire et être plus flexibles dans nos raisonnements pour faciliter, dès aujourd'hui, l'implantation d'entreprises à Genève.

Le Conseil municipal de Meyrin, très majoritairement, et le Conseil administratif, unanimement, jugent nécessaire que cette entreprise s'établisse à cet endroit et que ce projet est, par conséquent, raisonnable. Il faut donc le voter ! J'ignore, Monsieur Ferrazino, s'il est d'intérêt public, mais il est, en tout cas, d'intérêt général.

M. John Dupraz (R). On peut se réjouir que des gens veuillent encore s'établir dans notre canton, y bâtir des entreprises et développer des activités commerciales. Il est clair que l'implantation de telles entreprises ou d'autres peut poser des problèmes juridiques, voire économiques, ou créer des précédents. Je vous rappelle le cas Reuters pour lequel nous avons trouvé une solution adéquate, après une discussion nourrie au sein de ce parlement.

Je constate que la zone industrielle incriminée, certains reprochant qu'on veuille y développer des activités commerciales, abrite déjà ce type d'activités, parce que propice à leur essor. Le problème est d'ordre juridique et financier, en ce sens que nous nous trouvons en zone industrielle de développement et que nous savons très bien ce qui se passera si nous accordons la mixité : systématiquement, il n'y aura plus que des entreprises commerciales. Cela nous interpelle. Lors du projet de Thônex, sur la pression de notre parlement, le Conseil d'Etat, faisant preuve de sagesse pour une fois, avait retiré son projet.

En l'occurrence, le problème est un peu différent, puisque, dans cette zones, les mêmes propriétaires, si je ne fais erreur, possédaient déjà une entreprise. Celle-ci ayant brûlé, lesdits propriétaires veulent la réinstaller. La commune de Meyrin, à l'unanimité, donne un préavis favorable à la reconstruction de cette entreprise, dont le nom importe peu.

Mais que demande la commune de Meyrin ? L'extension de la mixité à toute la zone et c'est là que je crie casse-cou. Si toutes les fois qu'une entreprise commerciale ou de services a de bonnes raisons de demander son implantation dans une zone industrielle, nos entreprises industrielles et artisanales n'auront plus de terrains à des prix adéquats pour s'installer et se développer. Nous devons y prêter attention, car nous avons affaire ici à un précédent qui, dans le futur, pourrait être fâcheux pour l'équilibre du développement économique des différents secteurs, à Genève.

Le noeud de ce projet est bien le prix du terrain. En déclassant ce terrain en zone mixte, nous permettrions l'installation d'une entreprise commerciale à un prix que je qualifierais de surfait par rapport à celui payé par la Fiat qui, pour avoir transféré certaines de ses activités à Zurich, n'a pas été très fidèle à notre ville et à notre canton.

Le précédent est fâcheux. Et comme se propage la rougeole, ce prix de 430 F risque de se propager dans la région et ailleurs.

C'est pourquoi je propose un amendement à l'article 2 :

«Le prix du terrain est fixé à 300 F le m2.»

Si cet amendement est accepté, nous voterons de bon coeur ce projet de loi.

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de minorité. Deux remarques à propos de l'intervention de M. Vaucher. Je sais lire, mais ce n'est pas de ma faute s'il se contredit d'une page à l'autre. Je maintiens qu'il prétend qu'il y aura entre soixante et septante nouveaux emplois. Je maintiens également que les Frères Maus ont précisé pouvoir employer un maximum de quarante à quarante-cinq personnes.

Ce n'est pas le nombre d'emplois qui est en question et, sur ce point, je suis d'accord avec vous, Monsieur Balestra. Je contestais les chiffres sans, toutefois, nier l'importance de la création de dix, quinze, vingt, trente ou cent emplois. Mais dans cette discussion, je n'ai pas aimé que l'on énonce des chiffres qui ne sont pas ceux qui nous ont été communiqués.

Quant au prix du terrain, M. Ferrazino a suffisamment expliqué les raisons de la proposition des Frères Maus pour que j'y revienne.

Vous avez dit, Monsieur le rapporteur, que j'avais passé sous silence le fait que le trafic serait dévié. C'est tout simplement faux ! J'ai dit que le trafic ne serait pas déplacé grâce au projet de loi et à la venue d'Obirama, mais bien grâce à la volonté des autorités de la commune de Meyrin. Cela est écrit dans mon rapport.

Lorsque vous vous énervez et clamez qu'il est de votre responsabilité de créer de nouveaux emplois, je vous réponds, Monsieur Vaucher, qu'il n'appartient pas à votre seule responsabilité d'entrepreneur de lutter contre le chômage. Je me sens aussi responsable que vous, même si les moyens que nous proposons pour ce faire divergent un peu des vôtres.

Il est sûr, en tout cas, qu'au nom de la lutte contre le chômage nous ne déciderons pas que l'aménagement du territoire n'existe plus. Nous ne dirons pas que l'on pourra construire n'importe quoi, n'importe où, pourvu que l'on crée des emplois. C'est dans ce sens que je ne peux pas vous suivre.

Les propriétaires d'Obirama savent qu'il est possible d'implanter leur centre commercial sur un autre terrain. Bien entendu, ils ne l'acquerront pas à 430 F le m2 ! Nous ne nous opposons pas à la reconstruction d'Obirama. En revanche, nous demandons qu'il n'y ait pas légalisation de la dérogation accordée à Obirama, à ce jour, pour son implantation à Meyrin.

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. Madame Bugnon, il vous faut lire la page 3, en plus de la page 2, du procès-verbal N° 83 de la séance de la commission d'aménagement.

Quant à la problématique des emplois, elle se présente comme suit : Jumbo occupe actuellement... (Interruption de M. Grobet.) Permettez, Monsieur Grobet, que je réponde à ma collègue ! Jumbo occupe actuellement trente personnes, chiffre qui pourrait passer à quarante ou quarante-cinq dans le nouveau centre. Il faut ajouter vingt personnes pour Electro Plus et trente personnes pour Athleticum.

Je remercie M. le député Ferrazino de parler de candeur plutôt que de malhonnêteté en ce qui me concerne. J'opposerai donc ma candeur à son éternelle persistance à n'écouter que lui-même, que ce soit en commission ou que ce soit au parlement. Quand il a une idée, il n'est pas attentif aux auditions. Quand celles-ci touchent à leur fin, il pose soudain une question qui a déjà reçu sa réponse. Par définition, M. le député Ferrazino n'écoute pas les autres, comme vient de le faire Mme Bugnon. Il n'écoute que ce qu'il a envie d'entendre et il balaie tout le reste !

En l'occurrence, vous dites, Monsieur Ferrazino, qu'Obirama n'existe plus. Je suis navré, mais Obirama existe toujours ! Il est sous tente, à l'heure actuelle, et le projet est de le reconstruire et d'y ajouter deux activités complémentaires et, pour ce faire, deux étages supplémentaires : l'un pour Electro Plus, l'autre pour Athleticum.

Il est normal qu'un commerçant saisisse une occasion pour améliorer ses affaires et créer des emplois supplémentaires.

Quand vous énoncez le prix de 650 F le m2, je voudrais que l'on distingue les terrains vierges des terrains avec des bâtiments. Ce sont ces derniers qui sont à 650 F le m2.

M. Dupraz a évoqué le problème que nous avons eu en voulant déclasser un terrain industriel à Thônex. En l'occurrence, je suis complètement de l'avis de mes préopinants, car il s'agissait - comme je l'avais dit en commission - d'une affaire carrément malhonnête que nous ne pouvions pas soutenir. Par contre, dans le cas d'Obirama, tous les critères justifient une telle requête.

J'en viens à la demande de la commune de Meyrin d'étendre la mixité à toute la zone de la ZODIM. Je crois, effectivement, qu'elle pourrait s'arrêter à la rue du Bois-du-Lan, ce qui serait largement suffisant. Mais la commune ayant présenté une demande, on ne peut que l'enregistrer.

Je persiste et signe en disant qu'il ne s'agit pas de construire n'importe où et n'importe quoi. Je vous l'ai rappelé tout à l'heure : Obirama a des raisons valables, raisons que j'ai évoquées en préambule, de demeurer là où il a fidélisé une clientèle, et ce n'est pas à Mme Bugnon que j'apprendrai les habitudes acquises en fait de courses.

M. René Koechlin (L). Hormis les questions accessoires évoquées tout à l'heure, je reconnais, comme Mme la rapporteuse de minorité, qu'il en est une fondamentale, à savoir celle de l'affectation de la zone industrielle et du prix du terrain pratiqué en cette occurrence.

Or, en matière immobilière, qu'il s'agisse de logements, d'activités commerciales ou d'autres formes d'activités, il existe trois règles d'or : 1. la situation; 2. la situation; et 3. la situation ! Tant l'affectation que le prix du terrain obéissent à ces règles.

Lorsqu'un terrain constructible occupe une situation privilégiée, il mérite un statut privilégié. C'est cette équation qui préside à l'esprit de ce projet de loi. Ainsi s'opposent, à cette occasion, la rigidité de principe que la réalité économique rend obsolète et le réalisme que dictent des considérations conjoncturelles et sociales par les emplois qu'elles impliquent.

L'opportunité d'implanter à cet endroit des activités commerciales est évidente, en bordure d'une des principales voies de pénétration de l'agglomération genevoise; à proximité d'une zone de concentration de clientèle; près d'infrastructures de premier ordre, comme l'aéroport... (Interruption de M. John Dupraz.) Merci, Monsieur Dupraz, de m'écouter ! Je vous ai écouté tout à l'heure ! Des infrastructures de premier ordre, comme l'aéroport, disais-je; et les centres commerciaux. Et le secteur tertiaire que constitue le triangle d'or de Cointrin.

Pour tous ces motifs, je vous invite à voter ce projet de loi.

M. Max Schneider (Ve). Ce soir, nous avons entendu un discours de M. Koechlin qui a l'air de survoler ces affaires, mais qui s'y intéresse quand même à titre professionnel. Ça commence à bien faire !

C'était la même chose pour le stade des Charmilles. Vous dites avoir fait des études bénévolement, puis vous préconisez le paiement des études faites antérieurement. Le parti radical qui, en l'occurrence, est dans la majorité, reprend la parole pour dire ce qui doit être fait dans les zones industrielles. Et comme M. Vaucher est certainement impliqué dans cette affaire, je demande à tous les deux de garder un minimum de réserve. (Protestation de M. Annen.) Voyez-vous, Monsieur Annen, je m'abstiens de prendre la parole quand on parle de panneaux solaires, mais peut-être devrais-je le faire ici et en commission pour relever les bêtises trop souvent dites ?

Nous avons entendu parler d'un prix de vente de 430 F le m2 que M. Dupraz suggère de ramener à 300 F. Cette proposition va exactement à l'encontre d'une décision, prise à l'unanimité en commission de l'économie, sur la motion 1028, si je ne fais erreur, qui postule des constructions bon marché pour le secondaire, c'est-à-dire pour l'industrie.

Il faut donc garder ces terrains pour des activités industrielles. Nous savons très bien que pour attirer des industries à Genève, il faut pouvoir disposer de terrains libérés, aux surfaces relativement importantes. D'où notre opposition à la mixité de bâtiments commerciaux et de bâtiments industriels.

Ce débat est quelque peu gênant. En effet, la commission de l'aménagement va rendre sa décision; la commission de l'économie l'a déjà prise et elle va à l'encontre du projet de la majorité de cette commission. Et ce soir, vous soumettez un projet de loi qui contredit la motion 1028 qui sera prochainement votée par le Grand Conseil et contredira certainement, comme l'a dit ma collègue Fabienne, la décision que prendra la commission de l'aménagement.

Voilà pourquoi je souhaite que M. Maitre, qui a fait une brève apparition tout à l'heure, prenne la parole sur les zones industrielles, pour se positionner clairement, comme il l'a fait en commission de l'économie.

Dans le pays voisin, toute implantation de grande surface est soumise à une étude et à des projets de lois. En France, on ne veut plus de grandes surfaces n'importe où. A Genève, en raison de notre manque d'influence sur le Conseil régional, nous avons accepté cette ceinture de grandes surfaces à proximité de la frontière, d'où un combat inégal pour le petit commerce genevois qui doit lutter contre les grandes surfaces du canton et celles de la France voisine.

Voilà pourquoi le petit discours de M. Balestra, fort intéressant en termes d'emploi, doit être mis en balance avec l'avis de la Fédération des petits artisans et commerçants. Il est très intéressant, en effet, de comparer le nombre d'emplois créés par un grand supermarché et ceux fournis par des petits et moyens commerçants, par exemple Schaffner, par rapport à un grand Obirama sis en zone industrielle. Le résultat est que ceux-ci créent bien plus d'emplois qu'une grande surface.

Par conséquent, je vous propose de vous rallier au rapport de minorité. La proposition de M. Dupraz est fort intéressante, mais, pour une zone industrielle, le prix de 300 F le m2 est trop élevé. S'il était accepté, il ne serait plus possible de continuer à soutenir l'industrie. Si M. Dupraz ne descend pas son prix à 200, voire 150 F, il sera difficile au groupe écologiste de le suivre.

M. Jean Opériol (PDC). Le groupe DC a beaucoup réfléchi à ce projet, interpellé qu'il était par la problématique du prix. Néanmoins, il a finalement décidé, à sa majorité, de soutenir le projet de loi et le rapport de majorité pour les raisons suivantes :

Nous estimons erroné d'assimiler à de la spéculation un prix qui a passé de 102 F en 1972 à 350 F en 1996, après une durée de possession de vingt-quatre ans équivalant, ni plus ni moins, à une génération.

D'autre part, l'évaluation du bien ne peut être conduite dans l'absolu, en raison de l'existence de multiples valeurs : la valeur vénale, la valeur intrinsèque, la valeur de rendement, la valeur d'assurance et de gage, la valeur de remplacement et, dans le cas qui nous intéresse, la valeur d'usage.

La terre n'a pas de valeur, mais elle a un prix, lequel dépend de son usage, de la plus-value créée, de la rente foncière qu'elle dégage légitimement. Aujourd'hui, la zone en question n'a d'industriel que le nom, puisque les trois quarts, pour ne pas dire les neuf dixièmes, de son affectation sont commerciaux et tertiaires.

Le Grand Conseil ayant accepté, dans un passé pas si lointain, que des activités tertiaires et commerciales prennent place dans cette zone, il ne peut se contredire aujourd'hui en s'immisçant dans la problématique du prix, en le fixant à un niveau sans rapport avec les activités qu'il a précisément autorisées.

Ce qui intéresse le PDC, en dernière analyse, est l'entente de l'acheteur et du vendeur sur le prix. L'acheteur n'ayant pas trouvé le prix de 430 F le m2 excessif, il l'a intégré dans le plan financier qu'il a dressé de son opération. Avons-nous la faculté de battre en brèche la liberté de commerce qui s'applique à cette zone, en raison de précédents ? En avons-nous le droit ? A partir de là, notre groupe accepte ce projet de loi après avoir pesé sérieusement et honnêtement les différents éléments qui sont :

- Le fait que l'affectation commerciale de Conforama est déjà intégrée dans le plan directeur et son règlement N° 28460, lettre B, adoptés un fameux 6 décembre 1993. Notre projet de loi de ce soir légalisera cette situation, en y incluant la parcelle Martini Rossi et la parcelle Fiat.

- La décision quasi unanime des autorités communales, législatives et exécutives, favorable à ce projet.

- Le volume des travaux générés par le groupe Maus, estimé à 20 millions, ce qui n'est pas négligeable. La perspective de nouveaux emplois à Meyrin - sans citer de chiffres - nous a aussi incités à l'acceptation.

En acceptant 430 F, soit 80 F de plus qu'une valeur historique indexée, nous optons pour une solution que d'aucuns jugeraient peut-être hardie. Nous la qualifions, nous, de pragmatique, et bien moins choquante que celle qui aboutirait soit à geler la réalisation, en oubliant fâcheusement ces 20 millions de travaux et les emplois créés, soit en plafonnant le prix d'une transaction qui, si elle avait néanmoins lieu, contribuerait, ni plus ni moins, à favoriser grandement les intérêts de l'acheteur.

Le refus de ce projet de loi entraînera une inégalité de traitement injustifiable par rapport aux ventes déjà faites dans cette zone entre 1985 et 1992, à des prix situés entre 485 et 670 F, sans que la commune ni le canton se fussent émus du droit de préemption qui était pourtant le leur.

En conclusion, notre groupe, toujours prêt à dénoncer les spéculations outrancières et à les rejeter, réalise que l'on ne favorise pas le développement et le maintien de notre tissu économique en général - industriel, commercial, artisanal, en particulier - en décrétant la valeur d'un seul paramètre de l'économie d'un projet et en ignorant complètement les autres. La valeur d'usage d'un terrain doit être mise en rapport avec le genre des activités qui s'y développent et, dans la zone en question, il ne s'agit pas d'activités industrielles. D'ailleurs, en zones de développement recevant des logements, le prix varie régulièrement, en toute légitimité, dès que la densité des constructions varie elle-même. Par conséquent, le prix suit ce qui se fait sur le terrain.

Pour toutes ces raisons, je vous confirme que notre groupe accepte ce projet de loi.

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Pour le groupe socialiste, accepter ce projet de loi sous prétexte de favoriser l'emploi et légaliser une situation précaire, c'est se moquer du monde !

Le problème est que deux discours, apparemment contradictoires, sont tenus par le Conseil d'Etat. D'une part, le président du département de l'économie publique ne manque pas une occasion de nous rappeler que les zones de développement industriel font partie des intouchables et qu'elles ne doivent pas être détournées de leur vocation industrielle. D'autre part, le président du département des travaux publics et de l'énergie suit allègrement son bonhomme de chemin, souscrivant à toutes les demandes, sans compter celles à venir, de détourner les zones industrielles de leur vocation.

Dès lors, quels buts poursuivent-ils ? Tous deux appartiennent au même parti.

Cette confusion, savamment entretenue, permet à quelqu'un de faire banco sur toute la ligne et ce quelqu'un est l'entreprise Fiat. Elle peut réaliser une opération spéculative sur ce terrain qu'elle a acheté en 1972 à 100 F le m2 et qu'elle revend, quelque vingt ans plus tard, à 430 F. Voilà à qui profite la confusion entretenue par le Conseil d'Etat !

Mais reste un problème si embêtant qu'on essaie de l'éluder : il y a des cadavres dans le placard ! Il y en a même trente-deux ! (M. Olivier Vaucher éclate de rire.) Ne riez pas, Monsieur Vaucher, vous qui défendez l'emploi bec et ongles ! Il y a trente-deux cadavres dans le placard et ce sont ceux de Fiat !

Quand vous prétendez, pudiquement, que Fiat a réorienté ses activités à Zurich, vous me faites rigoler ! Fiat a supprimé une partie de ses activités qui, désormais, seront gérées en Allemagne, sous le contrôle d'une société australienne. Alors, c'est banco pour nous et pour l'emploi ! (Exclamations.) Je viens de vous dire ce qui fait problème, à savoir la confusion, savamment entretenue, qui permettra, au bout du compte, de déréglementer complètement les zones industrielles, malgré tous les discours qui prétendent le contraire, pour évacuer la question de l'emploi.

Monsieur Vaucher, votre argumentation est si faible que vous vous accrochez à n'importe quelle branche pour soutenir un projet de loi insoutenable... (Intervention de M. John Dupraz et rires.) Je suis assez d'accord avec M. Dupraz qui vient de dire que M. Vaucher a le cul dans les épines ! (Rires.) Monsieur Vaucher, vous vous accrochez à toutes les branches, y compris celles des rosiers. Elles piquent et vous en avez fait l'expérience. Mais cessez de déformer les propos de vos collègues députés et de les utiliser pour faire passer un projet de loi insoutenable. Cela me rappelle M. Annen qui, lors du grand débat sur les allocations familiales, citait notre collègue conseillère nationale socialiste pour essayer d'étayer ses propres arguments.

Vous l'aurez compris, le groupe socialiste ne soutiendra pas ce projet de loi. Il ne soutiendra pas non plus l'amendement de M. Dupraz, étant donné que des lois, des règles, des usages et des prix sont fixés. Le groupe socialiste a le sentiment, si ce n'est la certitude, qu'accepter le prix de 300 F le m2 c'est ajouter à la confusion du Conseil d'Etat, avec un marchandage de tapis, si ce n'est de terrain.

M. Christian Grobet (AdG). Ce projet est la démonstration de la situation affligeante dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, en matière de politique d'aménagement du territoire.

Je me souviens de l'Exposition nationale, à Lausanne, en...

M. Bernard Annen. En 1964 !

M. Christian Grobet. Puisque vous avez si bonne mémoire, Monsieur Annen, vous vous souviendrez que le thème principal de l'Expo était celui de l'aménagement du territoire. Effectivement, on constatait, à l'époque, la dégradation constante de la situation dans notre pays, face au manque de maîtrise dans ce domaine.

Il a fallu quinze ans pour qu'une loi fédérale sur l'aménagement du territoire entre en vigueur et encore s'agissait-il de mesures relativement modestes d'intervention des pouvoirs publics, en tout cas beaucoup plus modestes que celles existant dans d'autres pays.

Le but de l'aménagement du territoire est que l'intérêt général, l'intérêt public, puisse conduire la façon de construire sur le territoire. Or, à cet égard, les propos de M. Opériol sont parfaitement significatifs. Il nous demande pourquoi ne pas laisser faire deux personnes qui sont d'accord.

En fait, l'aménagement du territoire n'est plus du tout maîtrisé par les pouvoirs publics. On en revient à la situation des années 70, où des intérêts purement privés dictaient des choix d'aménagement du territoire. C'est grave, et cela l'est d'autant plus que ces choix sont imposés, le plus souvent, par de grosses sociétés disposant de moyens importants. Jamais des petits propriétaires pourraient induire ce que l'on nous propose de voter ce soir !

Cette opération nous est plus ou moins imposée par l'une des plus grandes multinationales d'Europe, si ce n'est du monde...

Une voix. Ce n'est pas elle qui vend !

M. Christian Grobet. Si ce n'est pas elle, qui est-ce ? Je demande au rapporteur de majorité de nommer le vendeur !

M. Olivier Vaucher, rapporteur de majorité. Il ne se souvient plus !

M. Christian Grobet. Cela fait peur ! Fiat est notoirement une des plus grandes multinationales européennes. Quant à la société Maus Frères, elle possède l'une des plus grandes chaînes de magasins du pays. Nous avons donc affaire à deux acteurs économiques très importants qui parviennent à imposer leur volonté dans ce cas d'espèce. C'est ma première observation.

Deuxième observation : l'une de nos préoccupations, qui devrait être prioritaire pour tous, est la survie du secteur secondaire dans notre canton. Elle devrait l'être surtout pour vous, Monsieur Vaucher, qui, à longueur de journée, évoquez le problème de l'emploi. A l'instar du secteur du bâtiment que vous soutenez, le secteur secondaire vit une crise terrible. N'importe quel patron du secteur secondaire vous dira qu'un terrain bon marché est la condition fondamentale pour qu'une entreprise industrielle ou artisanale puisse exister, survivre et se développer. Et c'est bien là que Genève est avantagée, puisqu'elle dispose de terrains bon marché dans ses zones industrielles. J'en ai parlé à plusieurs dirigeants du secondaire, notamment du secteur de la métallurgie... (Interruption de M. Olivier Vaucher.) Je ne vous ai pas interrompu, Monsieur Vaucher, malgré toutes les bêtises que vous avez énoncées et sur lesquelles je reviendrai...

Le président. S'il vous plaît, Monsieur le rapporteur !

M. Christian Grobet. Merci, Monsieur le président, d'essayer de maîtriser le rapporteur. Avec les zones industrielles, nous avons la chance de disposer de terrains bon marché et nous n'avons pas le droit de les brader, face à la crise que traverse le secteur secondaire. C'est ce que nous sommes en train de faire ici. Nous bradons des terrains bon marché en faveur de commerçants qui peuvent payer plus cher. C'est très grave. Nous avons besoin de terrains de réserve, dans les zones industrielles, parce que la politique de densification à laquelle certains avaient cru, durant les années 80 - à savoir la réalisation de bâtiments industriels sur plusieurs niveaux - ne peut plus être appliquée aujourd'hui. Un député, dans cette salle, sait bien que ces locaux, construits sur plusieurs niveaux, ne trouvent pas preneur, en raison de leur prix, dans le secteur secondaire.

La construction de locaux de plain-pied représente l'unique chance de survie du secteur secondaire. C'est pourquoi nous avons besoin de grandes surfaces de terrain en zones industrielles. Il est donc parfaitement néfaste de déclasser des terrains, sis en zone industrielle, pour y implanter d'autres activités. Cela d'autant plus que des terrains peuvent accueillir des activités commerciales dans ce secteur. M. Koechlin a évoqué le triangle d'or de Cointrin. Cet emplacement comporte, en effet, de nombreuses zones de développement affectées aux activités du tertiaires, et non à l'industrie - je tiens à le préciser - où la société Maus Frères pourrait s'installer. Evidemment, le prix du terrain, dans lesdites zones, est tout autre ! Quand vous prétendez, Monsieur Vaucher, qu'on y trouve des terrains non bâtis à moins de 650 F le m2, je vous défie de me citer un seul exemple. Cela n'existe tout simplement pas ! Demandez à M. Kunz la valeur du terrain situé à la pointe de Balexert, réservé à des activités commerciales, et demandez-lui s'il serait d'accord de le vendre à 450 F le m2. Il éclaterait de rire ! Mon collègue Ferrazino, qui n'a pas une connaissance pointue des affaires immobilières, a été très modeste en parlant de 650 F le m2 de terrain pour des activités commerciales, car, à vrai dire, le prix est bien plus élevé.

Monsieur Dupraz, je constate que vous avez changé d'avis, puisque vous avez affirmé avec une certaine conviction, lors du débat d'entrée en matière, que vous refuseriez ce projet, vous, personnellement, ou votre groupe. J'avais cru comprendre que votre décision n'était pas motivée par le prix du terrain, mais par d'autres principes.

Il est cependant un point sur lequel j'exprime mon accord avec M. Opériol. Le prix de 300 F le m2 est, en effet, inacceptable pour tout le monde, parce que trop élevé pour un terrain industriel et pas assez pour la société Maus Frères. Nous n'avons pas ici à encourager, d'une quelconque façon, une opération spéculative, car c'est bien de cela qu'il s'agit ! Ces terrains ont été acquis, il y a vingt-cinq ans, à 100 F le m2 et encore étaient-ils bâtis. Par voie de conséquence, le prix était inférieur à 100 F le m2, lequel incluait le prix du bâtiment qui a été démoli pour faire place au parking de Fiat.

Une fois de plus, je constate, avec Mme Blanc-Kühn, qu'une entreprise, multinationale de surcroît, met la clé sous le paillasson, «fout» quarante-cinq employés à la porte s'en sans soucier le moins du monde et réussit encore le tour de force de faire une affaire immobilière ! C'est extraordinaire ! A Genève, les entreprises, les une après les autres, cessent leurs activités tout en sachant profiter de la vente de leurs terrains. C'est particulièrement flagrant dans cette affaire.

Comme M. Opériol l'a rappelé, le règlement directeur a été approuvé en décembre 1993, au terme d'un long processus de consultations de tous les propriétaires, des autorités communales, etc. Tout le monde voulait que cette zone reste affectée aux activités industrielles, à l'exception d'un petit périmètre comprenant Conforama et - vous l'avez oublié, Monsieur Opériol ! - Obirama dont la parcelle était sise dans le sous-périmètre affecté aux activités commerciales. Il est donc faux, Monsieur Opériol, de prétendre que les trois quarts, voire les neuf dixièmes, de la ZODIM sont affectés à des activités commerciales. Beaucoup d'activités artisanales et industrielles s'y pratiquent et, depuis 1981, aucune autorisation n'a été accordée en vue d'activités commerciales.

Vous voulez brader, semble-t-il, la totalité de cette zone industrielle. Or Obirama ne demande pas à être reconstruit sur son ancien site et pourtant on déclasse 20 ou 25 000 m2 supplémentaires par rapport à la zone commerciale existante. La reconstruction précitée ne se fera pas sur l'ancien emplacement, mais sur une autre parcelle, bien plus étendue. Et l'on n'aura pas affaire à Obirama, mais à Jumbo qui intégrera d'autres activités.

Comme l'a dit M. Ferrazino, on ne permet pas la reconstruction d'un commerce incendié, mais on autorise l'implantation d'un magasin beaucoup plus important, avec d'autres activités, dans le cadre d'une affaire purement spéculative. Le terrain déclassé - et, le comble, avec le classement d'une réserve supplémentaire de terrain ! - est surdimensionné par rapport aux besoins de Jumbo.

J'espère que M. Joye nous dira pour qui cette réserve est prévue, mais tout cela augure, soyez-en sûrs, d'une deuxième affaire Fiat d'ici un an ou deux.

M. Pierre Meyll (AdG). M. Vaucher a insisté sur la création d'emplois supplémentaires, alors qu'il s'agit, avant tout, d'une extension, puisque la surface commerciale passe de 2 500 à 10 000 m2, soit quatre fois la surface antérieure à l'incendie.

D'autre part, la concurrence avec Conforoma se précise, Jumbo intégrant le sport et l'électroménager. C'est une éventualité qui a déjà été évoquée. Il ne s'agit donc pas de retrouver d'anciens clients, mais d'en acquérir des nouveaux.

Il faut se souvenir, d'une part, d'un terrain nu, d'un terrain brûlé, et, d'autre part, d'une surface de vente quadruplée. Je demande donc à M. Koechlin s'il va réitérer sa demande à la commission de l'aménagement; à ce moment-là, il avait été ému de ce que payait Jumbo par rapport à ce que Fiat avait déboursé, et proposait que le Conseil d'Etat trouve une solution pour toucher une certaine redevance. En fait, il demandait d'activer l'initiative 21 pour éviter toute spéculation foncière. C'était suivre un bon principe et j'espère que M. Koechlin le suive à nouveau, afin que la situation soit claire.

J'en viens à l'acceptation de ce déclassement par la commune de Meyrin, à la grande majorité de son Conseil municipal et à l'unanimité de son Conseil administratif. C'est compréhensible, car la commune a sans doute oublié que de grandes surfaces sont inoccupées à la ZIMESA et ailleurs. Ce n'était pas sa préoccupation première et l'on pourrait revenir avec l'antienne habituelle qui consiste à dire qu'il faudrait revoir toutes les possibilités de péréquation financière entre les communes. En effet, une fois de plus, une commune argentée peut s'octroyer le droit de débloquer du terrain pour empocher un bénéfice fiscal futur, alors que d'autres, prisonnières des centimes additionnels et de la taxe professionnelle, ne le peuvent absolument pas.

Il faut donc absolument refuser ce projet de loi, car il est contraire à toute logique de développement des zones industrielles.

M. René Koechlin (L). J'ai été interpellé par M. Schneider; je regrette qu'il ne soit pas là. Ses allusions sont particulièrement déplacées et, en cette occurrence, totalement inopportunes. (M. Max Schneider rentre dans la salle.) Je venais de dire que je trouvais vos allusions franchement déplacées et inopportunes. A vrai dire, elles frisent la diffamation, Monsieur ! Si vous ne le comprenez pas, je vous l'expliquerai à titre privé, pour autant que vous le souhaitiez.

Je tiens à préciser, si nécessaire, qu'aucun intérêt personnel ne me lie, en quoi que ce soit, à ce projet.

Mme Blanc-Kühn puis M. Grobet ont parlé de spéculation. Or il a été clairement démontré, en commission, que vingt-cinq ans après l'achat d'un terrain, il ne peut y avoir spéculation au moment de sa revente, ce d'autant moins, mon cher Monsieur - vous qui n'êtes pas très familiarisé avec les calculs en général et nous aurons, cet automne, l'occasion d'en reparler - que de 100 F, prix d'acquisition il y a vingt-cinq ans, les intérêts et l'indice combinés portent le prix du terrain au niveau précisément négocié par Obirama. Il n'y a donc pas de plus-value en valeur constante de l'argent.

Par ailleurs, je trouve cocasse que l'Alliance de gauche vole au secours de cette entreprise dont elle se moque, en fait, éperdument.

En matière d'aménagement du territoire, je vous invite, Monsieur Grobet, à lire attentivement l'ouvrage de William Forester «La dynamique urbaine» avant de nous asséner vos théories simplistes en la matière.

M. David Hiler (Ve). J'ai écouté très attentivement les arguments développés par M. Koechlin, dans sa première intervention, ainsi que ceux de MM. Balestra et Opériol.

Ce qui me frappe, et ce Grand Conseil devrait en être conscient, c'est qu'on peut les resservir, à tout moment, pour n'importe quelle opération de déclassement.

La logique qui les sous-tend est la suivante : qu'une entreprise déclare avoir besoin à tout prix de ce déclassement, il faut le faire, parce qu'il y aurait un intérêt général, ose-t-on dire, à cela. C'est exactement le contraire d'une politique d'aménagement du territoire qui fixe, en principe, des règles valables un certain temps. Il arrive que l'on soit amené à les modifier et peut-être les zones industrielles - je dis bien peut-être - sont-elles sur-dimensionnées. Auquel cas, il faut en faire la démonstration, en fournir la preuve et indiquer le projet de développement économique sous-jacent à une transformation globale.

Ce n'est pas ce que nous constatons. Si vous me permettez une image, le maître - ou l'entreprise - siffle son cabot - traduisez le Conseil d'Etat - pour lui demander de déclasser ce qui l'arrange, de cas en cas. Si vous persistez dans cette logique, ce n'est plus un nouvel aménagement du territoire que vous proposerez - aménagement dont nous pouvons discuter et sur lequel le Grand Conseil et le peuple peuvent se prononcer - mais la soumission des décisions générales d'aménagement à une série chronologique d'intérêts particuliers. C'est totalement inadmissible !

Je ne veux accuser quiconque de spéculation ou d'avoir des intérêts dans cette affaire. En revanche je suis sûr d'une chose : ce que vous faites c'est fondamentalement nier toute expérience en matière d'aménagement du territoire. Je le regrette profondément, et ce en dehors de tout clivage politique.

M. John Dupraz (R). Je réponds à certaines des observations qui viennent d'être faites.

Monsieur Grobet, j'ai effectivement déclaré, en préconsultation, que ce projet de loi avait un relent de spéculation et que nous l'examinerions attentivement. Cela a été fait.

Quant aux remarques de M. Opériol, elles révèlent les calculs d'un promoteur immobilier. En effet, il dit que le prix du terrain étant de x francs il y a vingt ans, on le vend 80 F au-dessus de l'indexation et tout est normal ! Or, en tant que politiques, nous devons donner des directives à ce canton, notamment en matière d'aménagement du territoire.

Je dirais que les politiques arrivent après les décideurs économiques, ce que M. Hiler a exprimé en des termes moins élégants. Dans cette affaire, nous nous conduisons en guichetiers des décideurs économiques. C'est cela qui n'est pas admissible.

Avant la présentation de ce projet de loi, j'aurais attendu du Conseil d'Etat qu'il exerce une pression et fasse savoir qu'il jugeait le prix inacceptable, qu'il créait un précédent, d'autant plus que la commune de Meyrin demande que toute la zone bénéficie des mêmes conditions avec, à la clé, un prix de 430 F le m2. Nous sommes ainsi à la remorque de décisions déjà prises... (Dénégation de M. Bernard Annen.) Vous avez beau hocher la tête, Monsieur Annen. Je sais bien que dans le nom Annen il y a le mot âne et que vous faites hi-han parfois, mais quand même ! Je constate que nous sommes à la remorque et que les politiques ne donnent pas les impulsions voulues.

Nous souffrons d'un grave manque, celui d'un système permettant de contrôler le prix des terrains dans les opérations de ce type. Ce contrôle a été fait lors du déclassement de terrains de zone agricole en zone de construction, notamment à Aire-la-Ville pour de modestes résidences villageoises. Suite à une décision politique, nous avions «canalisé» le prix du terrain pour éviter qu'il n'explose. Or, en l'occurrence, les affaires étant conclues, les politiques n'ont plus qu'à les entériner !

C'est la raison de mon amendement d'un prix de 300 F le m2 qui ne satisfait pas la gauche, et j'en prends acte. Je l'ai proposé pour donner un signal politique, car nous n'admettons pas que les choses se passent ainsi ! Nous voulons une politique générale en ce qui concerne l'utilisation des zones industrielles, voire leur transformation partielle en zones commerciales, si nécessaire, mais pas au coup par coup. En l'occurrence, on nous dit qu'une entreprise ayant brûlé, il faut la reconstruire - ce que je peux admettre - mais nous arrivons comme grêle après vendanges, les carottes... (Rires.) ...sont cuites !

C'est pourquoi je demande à ce Grand Conseil de donner ce signal politique. Mon amendement d'un prix de 300 F le m2 va dans ce sens.

M. Hervé Dessimoz (R). Il est délicat de m'exprimer après la déclaration de mon ami Dupraz, mais parlant au nom du groupe radical, je voudrais rappeler certains aspects de notre réflexion.

Nous sommes réticents au principe de modification du régime des zones industrielles, sans contrôle du prix du terrain. Nous sommes réticents au principe de modification du régime des zones industrielles au coup par coup, sans études plus approfondies sur le périmètre. A ce titre, la demande circonstanciée de la commune de Meyrin est tout à fait éloquente. Nous sommes réticents à des décisions d'importance, prises sous la pression de la situation conjoncturelle, alors que la discussion politique est en cours devant la commission de l'aménagement et qu'elle n'est pas achevée.

Néanmoins, dans le cadre du projet de loi 7400-A, nous en sommes venus à la conclusion que les avantages qui en découleraient pour la collectivité devaient l'emporter sur ces réticences.

Au-delà de la part de travail considérable que ce chantier apportera aux milieux sinistrés de la construction, et là j'en appelle à la solidarité de chacun, il y a la réalisation de la desserte sur la rue du Bois-du-Lan qui permettra de soulager considérablement le chemin du Grand-Puits actuellement entièrement «embouteillé» par Conforama, et qui le serait encore plus du fait d'activités supplémentaires.

Les nuisances évoquées seraient confinées dans le périmètre de la seule zone industrielle.

Un troisième élément d'importance, qui me tient vraiment à coeur, et j'en ai parlé longuement à mon groupe, est la réalisation de la rue Lect pour laquelle ce Grand Conseil a voté un crédit de 17 millions. Elle permettra la liaison de la zone industrielle, c'est-à-dire la route du Nant-d'Avril, avec la cité, via un passage sous la voie CFF de La Plaine, où se trouve encore un passage à niveau extrêmement dangereux.

La transaction permet d'acquérir les terrains de Fiat nécessaires à la future rue Lect sans frais pour l'Etat et la commune. C'est une des composantes importantes de cette transaction, au-delà de la valeur du prix du terrain.

La majorité du groupe radical, qui votera ce projet de loi sans enthousiasme, annonce le dépôt prochain d'une motion visant à institutionnaliser la pratique du contrôle du prix des terrains dans la zone industrielle de développement, au même titre que le contrôle des prix exercé dans la zone de développement destinée à l'habitation.

Il est important, et là je donne raison à Mme Blanc-Kühn, de garder une réserve de zones industrielles bon marché si l'on veut sauvegarder des emplois dans le secteur secondaire à Genève.

Pour conclure, le groupe radical demande au Conseil d'Etat de recevoir les habitants voisins, qui ont déposé un recours, pour leur expliquer les raisons de ce projet de loi. Il faut rappeler que la commune de Meyrin et le département des travaux publics ont mené une étude d'aménagement de la ZODIM. Présentée à la population du village de Meyrin, il y a moins de deux ans, elle n'indiquait nullement cette modification du régime des zones et, par conséquent, ces voisins manquaient d'information au moment de l'opération.

Monsieur le président du département des travaux publics, nous souhaiterions que vous soyez attentif à la qualité architecturale de cette construction. Les habitants du village de Meyrin ont été extrêmement choqués de la manière dont a été réalisé le grand magasin Conforama. A l'époque, quand le conseil municipal de Meyrin a autorisé l'implantation du magasin, des engagements avaient été pris quant à sa qualité architecturale, vu sa proximité avec la zone d'habitation du village de Meyrin. Ce fut un bide total, les promoteurs s'étant peu préoccupés de l'aspect esthétique de ce bâtiment qui est une véritable verrue.

Du fait de la proximité du village de Meyrin, nous partons du principe qu'une construction aussi importante, en termes de gabarit, doit être réalisée avec la plus grande attention. Par conséquent, le groupe radical prie le Conseil d'Etat de prendre en considération ces deux demandes complémentaires.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Koechlin, il y a diverses façons de calculer le prix d'un terrain. En réalité, pour ce qui est des zones industrielles de développement, le Conseil d'Etat ne peut - faute d'un contrôle du prix des terrains, d'où mon intérêt pour la proposition radicale - que refuser la délivrance d'une autorisation de construire lorsqu'il estime que ce prix, porté dans le plan financier, est trop élevé.

Dans les zones industrielles de développement, on a admis des valeurs de 100 F le m2, mais de là à dire que l'achat d'un terrain, remontant à vingt-cinq ans, doit être complété des intérêts et de l'indexation...! D'abord, le Conseil d'Etat n'a jamais indexé la valeur des terrains sis en zone de développement. Périodiquement, il a revu ses barèmes, notamment pour le logement, dont la valeur de 500 F le m2, demeurée inchangée durant une quinzaine d'années, a passé à 650 F le m2. Là, effectivement, il y a eu une prise en compte partielle de la dévaluation de la monnaie. Depuis 1972, l'évolution du coût de la vie a été de l'ordre de 150 à 160% et non de 400 à 500% ! Quant à ajouter des intérêts à la valeur du terrain, vous savez comme moi, Monsieur Koechlin, que ce n'est pas le critère choisi par le Conseil d'Etat pour fixer le prix d'un terrain en zone de développement, d'autant plus qu'il a été utilisé à des fins commerciales. On pourrait admettre qu'une société, sur le plan interne, ajoute des intérêts à la valeur d'un terrain inutilisé, mais pas quand ce dernier a déjà servi à des fins commerciales.

De même, Monsieur Dessimoz, il n'est pas admissible d'accepter une valeur spéciale en compensation d'une autre procédure. A la rigueur, le Conseil d'Etat n'a qu'à exproprier les terrains Fiat pour prolonger la rue Lect et appliquer les critères des valeurs admises en zone industrielle. Je vous signale que pour la route de Satigny, qui trace la limite entre la ZIMESA et Mouille-Galland, il a fallu exproprier un certain nombre de parcelles qui l'ont été à 40 et 50 F le m2. Telles étaient les valeurs retenues, il y a quelques années.

Par voie de conséquence, que vous le vouliez ou non, on est en train, une fois de plus, de favoriser Fiat.

Je peux comprendre la démarche intellectuelle de M. Dupraz qui veut réduire la plus-value sur ce terrain, bien que son prix de 300 F le m2 en accorde une, et des plus généreuses. Mais alors est-il normal, Monsieur Dupraz, qu'une grande société commerciale puisse acquérir, pour l'implantation de son centre commercial, du terrain à 300 F le m2 ? C'est une inégalité de traitement flagrante ! Mettez-vous à la place des petits commerçants qui aimeraient bien acheter du terrain à 300 F le m2. Ils n'en trouvent pas à ce prix, et vous le savez.

J'en reviens à ce que je disais tout à l'heure. Il est incroyable de constater à quel point certaines multinationales ou des sociétés aux reins particulièrement solides peuvent bénéficier de privilèges, alors qu'il n'en est pas question pour un petit commerçant ou un simple citoyen. A ce propos, voyez l'entreprise de matériel de bureau qui s'est installée dans des locaux industriels, aux Acacias, ce qui n'aurait jamais dû être autorisé. Ce n'est pas un petit commerçant qui tire le diable par la queue, mais une grande multinationale qui a bénéficié d'un privilège qui aurait été refusé à n'importe qui d'autre.

Ce qui nous choque le plus dans cette affaire, c'est de voir attribuer des cadeaux pareils à des grandes sociétés qui ont les moyens de s'offrir des terrains. C'est incroyable !

M. Jean-Claude Genecand (PDC). M. Chirac s'est ému de l'évolution du commerce en France. Il veut limiter les grandes surfaces, afin d'éviter de provoquer la disparition de commerces artisanaux de proximité.

Dans le cas d'espèce, j'estime nos autorités insuffisamment attentives. Mais il y a plus : j'entends depuis plus dix ans, de la part du président du département de l'économie, qu'il faut préserver les zones industrielles afin de maintenir un prix accessible pour les industries. Or, ce soir, on nous suggère d'y déroger, arguant qu'on officialise un état de fait.

J'avais cru comprendre que le cas Reuters serait unique, des promesses ayant été faites dans ce sens, dans cette enceinte.

Pour ma part, je voterai contre ce déclassement, car j'estime qu'il faut une cohérence dans l'aménagement du territoire.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je réponds brièvement à M. Dupraz qui nous dit vouloir donner un signe politique au Conseil d'Etat.

Vous avez déclaré, Monsieur Dupraz, que l'acceptation de votre amendement signifierait que ce projet de loi est inacceptable et démontrerait que le Grand Conseil ne veut plus... - j'ai oublié l'expression que vous avez employée - jouer le rôle d'un guichetier qui enregistrerait simplement ce qu'on lui présente.

Je suis d'accord avec votre analyse, mais pas avec votre conclusion. En effet, votre amendement consiste à accorder un avantage supplémentaire à Maus Frères, qui vont se frotter les mains à l'idée de faire une opération encore plus avantageuse, sans parler de l'inégalité de traitement, relevée par M. Grobet, inacceptable pour toutes les petites et moyennes entreprises qui n'ont aucune possibilité de trouver des terrains à 300 F le m2 pour exercer leurs activités commerciales.

Par conséquent, donnons un signe politique, Monsieur Dupraz. Mais sachez qu'il n'y en a pas des milliers. Refusez ce projet de loi, même si votre amendement est adopté !

C'est la seule cohérence possible pour donner un signe politique clair au Conseil d'Etat et pour dire non à ce projet. En effet, beaucoup ici s'accordent à reconnaître qu'il a peu de chose à voir avec l'aménagement du territoire, mais beaucoup avec des affaires spéculatives. Si vous n'en voulez pas, Monsieur Dupraz, votez non !

Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de minorité. Notre groupe ne soutiendra évidemment pas votre amendement, Monsieur Dupraz. Il serait bien trop grave d'accepter un prix de terrain de 300 F le m2, alors que nous avons dit et répété que des prix de 150 à 200 F, tels qu'énoncés par M. Maitre, constituaient un maximum en l'occurrence. Si nous admettions celui de 300 F, il n'y aurait plus de limite.

Ayant eu à peu près le même discours que vous sur ce projet, il est dommage que nous ne puissions pas vous suivre en ce qui concerne cet amendement.

Les commissions de l'économie et de l'aménagement planchant sur l'avenir des zones industrielles, j'en viens à m'interroger sur l'utilité des débats qui y sont menés. En effet, si l'on accepte le projet de loi tel qu'il nous est présenté, nous pouvons tout de suite interrompre nos travaux. A quoi bon une vision d'avenir et une vision générale si nous n'en tenons pas compte !

Monsieur Opériol, vous applaudissez la quasi-unanimité des autorités de Meyrin. Aussi, je me réjouis de voir quelle sera votre attitude et celle de certains lorsque la commune de Meyrin vous présentera une résolution demandant le déclassement de l'ensemble de la zone ZODIM.

Enfin, un mot à l'adresse de M. Dessimoz qui, malheureusement, était absent au début du débat. A plusieurs reprises, j'ai dit que les nuisances seraient diminuées pour les riverains; et que cette réduction ne serait pas due à la construction d'Obirama mais à la volonté de la commune de Meyrin dont le crédit est complètement dissocié de ce projet de loi.

M. Jean-Philippe de Tolédo (R). M. Dupraz a fait une grande découverte ce soir : il constate que l'économie précède la politique ! Il est heureux qu'il en soit ainsi ! En effet, chaque fois que cela n'a pas été le cas - et l'on parle alors d'économie planifiée - les résultats ont été ceux que vous connaissez, c'est-à-dire catastrophiques.

Je suis étonné que M. Hiler ne s'en soit pas aperçu, parce que le cas se présente quasiment en permanence. Vous avez parlé, Monsieur Hiler, d'une succession de cas particuliers pour déduire que nous décidions au coup par coup. Mais quand vous dites une succession de cas particuliers, je dis, moi, une généralité ! Et quand une généralité est constatée, il faut changer la loi.

C'est ce que nous allons faire tout à l'heure, du moins je le souhaite.

Ce projet de loi crée, effectivement, un précédent. Mais il faut créer des précédents quand ils sont utiles. Il est donc souhaitable d'en faire un ce soir, car il va encourager l'esprit d'entreprise qui, seul, est garant de la création d'emplois dans ce canton.

M. Grobet a parlé d'inégalité de traitement entre petits, moyens et grands commerçants. Mais pourquoi les derniers entreprennent-ils, en définitive, ce genre de démarche que certains critiquent ? C'est parce que les lois sont si rigides qu'ils sont les seuls à pouvoir faire la démarche intelligente dont il est question ce soir. Une fois de plus, je constate que la gauche persiste dans son attitude... conservatrice, il faut le dire, voire passéiste !

Les zones d'activités mixtes existent dans beaucoup de pays et il est regrettable que ce ne soit pas encore le cas à Genève. Ce projet de loi permettra peut-être de les créer, car c'est une excellente solution pour promouvoir la diversité des activités.

Pour encourager l'initiative privée et créer un précédent utile à notre canton, il va sans dire que je voterai ce projet de loi.

M. Olivier Vaucher (L), rapporteur de majorité. J'interviens brièvement pour rappeler quelques petites choses.

Fiat cède gratuitement - et cela n'a pas été dit jusqu'à maintenant - 3 700 m2 à l'Etat pour la réalisation de la rue Lect. Ce n'est pas négligeable !

M. Grobet annonce le bradage des zones industrielles et qu'il n'y aura plus de terrains bon marché. Je lui rappelle qu'il y a encore des milliers de mètres carrés, disponibles à 100 F, dans les zones ZIMESA, ZIPLO, etc, et je serai le premier à défendre la nécessité du maintien de surfaces pour les entreprises qui souhaitent venir s'installer à Genève. Nous ne devons pas faire une généralité d'un cas particulier.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Il va sans dire, Monsieur Dessimoz, que nous recevrons les habitants ayant recouru, comme nous le faisons toujours. Nous apporterons un soin particulier aux aspects esthétiques si ce Grand Conseil, comme je l'espère, vote le projet.

Le déclassement de ce terrain, sis en zone industrielle, aurait lieu sans qu'une stratégie générale ait été élaborée quant à l'avenir de ces zones. C'est inexact ! La discussion sur l'avenir des zones industrielles est largement engagée au sein de la commission de l'aménagement du canton, à laquelle une présentation de la situation a été faite, lors de la séance du 28 février. Les conclusions en sont très nuancées. L'analyse fait apparaître un potentiel important de terrains à bâtir pour l'industrie, soit 160 hectares environ. Je ne crois pas que ce projet mette en péril l'offre de surfaces de terrains industriels à Genève. Comme cela a été dit en commission, l'affectation commerciale existe déjà, et M. le député Grobet l'a rappelé. Il s'agit de remplacer un bâtiment incendié par un nouveau, certes plus grand, qui aura la même affectation et deux complémentaires.

Pourquoi cet agrandissement ? C'est pour être en conformité avec les systèmes des magasins actuels qui exigent des grandeurs critiques. Et l'entreprise, dont il est question, a choisi la grandeur critique qui vous est proposée.

Au niveau de l'aménagement du territoire, cette affectation commerciale est compatible avec l'environnement bâti et ne remet pas en cause l'affectation industrielle du sol de la ZODIM. Contrairement à la ZIMESA, la zone industrielle de la ZODIM se superpose à une zone villas, ce qui a une incidence sur le prix du terrain.

Mme Bugnon parle d'un précédent fâcheux en la matière. Permettez-moi de vous rappeler que de nombreux précédents existent dans le quartier et qui ne sont pas de mon fait. Comme cela a été expliqué en commission, les prix pratiqués dans cette zone, entre 1985 et 1992, vont de 485 F à 671 F le m2, parcelles bâties et non bâties confondues. Cela relativise les discussions que nous menons sur les prix des terrains.

Je ne reviens pas sur le fait qu'on a le droit, contrairement à ce que pense M. le député Grobet, de comparer le comparable. Comparer le prix de 100 F le m2 pour un terrain acquis, en 1972, pour une affectation A est tout à fait légitime. Vous ne pouvez pas dire qu'un terrain qui se vendait en 1972, pour une densité de 0,8, à 85 F le m2, vaudrait toujours 85 F maintenant. Le calcul démontrant que le terrain vaut 368 F est exact.

Du reste, que signifie un prix de terrain ? Le centre-ville, où les prix théoriques sont très élevés, se délite à vitesse grand V et l'on voit que des critères nouveaux, pas du tout spéculatifs, tels que la sécurité, l'absence pure et simple de candidats à commercer, l'installation de commerces extrêmement différenciés, changent la nature des rues du centre-ville. Je vous assure que la valeur du terrain en tant que telle, toute louable qu'elle soit, est bien éloignée des préoccupations touchant au centre-ville. Un jour viendra où nous serons reconnaissants à quelqu'un d'y ouvrir une échoppe. Cela influencera le prix du terrain dont nous n'avons pas la moindre idée.

Ce que je viens de dire est aussi valable pour les terrains industriels. Je regrette infiniment que Fiat ait licencié vingt personnes, mais cela n'a pas grand-chose à voir avec l'installation d'Obirama sur la surface demandée.

Les normes sont-elles dépassées ? Je crois pouvoir dire que le projet est raisonnable. Obirama peut être reconstruit à cet endroit, dans l'intérêt du propriétaire, du personnel, de la clientèle, de la commune de Meyrin, etc. Connaissant la dureté des temps, il faut saluer le courage d'entreprendre à cet endroit. Si le déclassement n'est pas accordé, Obirama en trouvera un autre, et pas nécessairement à Genève. Ce sera autant d'emplois, de recettes fiscales et d'activités que nous perdrons.

M. Maitre a distingué deux types zones, lors de la conférence de presse qu'il a tenue ce matin :

-  les zones industrielles, auxquelles il faut conserver un statut que je nommerai pur et dur, visant à préserver la capacité de recevoir des implantations industrielles importantes;

- les zones se prêtant à une certaine mixité, du fait de l'existence de friches industrielles ou d'un terrain un peu «mité».

Le plan directeur cantonal que nous avions comporte une lacune fort regrettable. Elle explique, en partie, les difficultés et les problèmes d'aménagement que nous connaissons. Lors de l'élaboration du précédent plan directeur, nous n'avons pas pensé à prévoir des zones affectées au commerce. De ce fait, le débat est biaisé. Il s'agit donc de savoir si ce Grand Conseil accepte une implantation reprenant, en partie, les activités d'Obirama, et adaptée à la taille, dite critique, d'un établissement de ce genre sur le territoire cantonal. Le positionnement à cet endroit est un compromis englobant plusieurs critères : l'intérêt à défendre une zone industrielle, une activité commerciale qui crée des emplois, un prix de terrain dans la norme de ceux pratiqués, dans cette zone, depuis 1985, etc. Dans ce cas, je n'ai pas de solution de rechange comme j'en avais lorsque j'ai retiré le projet de Thônex. En effet, à Thônex, pour des raisons de proximité immédiate et grâce à l'appui de la BCG, nous avons pu proposer aux dirigeants de Genex d'agrandir leur usine à côté de celle qui existait. Mais ils n'ont pu implanter des activités industrielles sur la parcelle incriminée, à laquelle nous avons renoncé, que parce que leurs activités administratives se pratiquaient sur la parcelle voisine et n'auraient pu l'être sur le terrain prévu par le projet de loi.

Vous voyez bien que des doctrines pures et dures ne peuvent être suivies quand on connaît l'évolution des pourcentages d'activités dans les différentes industries.

Madame Blanc-Kühn, si je trouve une industrie qui vienne dans une zone industrielle - et il y en a - j'en suis très heureux. Je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui se donnent une peine folle pour attirer de telles entreprises et je ferai tout pour qu'elles s'installent.

Il n'y a pas de confusion savamment entretenue, Madame la députée, et pourquoi voudriez-vous qu'il y en ait ? Quel est le but, pensez-vous, du Conseil d'Etat, sinon de trouver des solutions permettant le maintien de l'équilibre, extrêmement délicat, économique, financier et social de ce canton.

Je ne reviendrai pas sur d'autres déclarations, pleines de bonnes intentions, mais qui datent. Elles dénotent une méconnaissance crasse des crises vécues par tous les pays européens, en fait de zones industrielles et d'activités mixtes. La tendance, en matière de prix de terrains, est au nivellement des écarts, et un critère essentiel de l'aménagement est d'intégrer la capacité d'un groupe prêt à construire.

Monsieur Hiler, personne ne vous a dit de voter ce projet. Contrairement à beaucoup, nous pensons que dans l'état actuel de notre canton, il y a un intérêt, largement supérieur aux désavantages, à implanter ce bâtiment à cet endroit. Nous ne sommes pas du tout à la remorque, nous cherchons à élaborer une politique adaptée à l'évolution prévisible des zones industrielles et autres zones d'activités pour les vingt ans à venir.

Le temps travaille contre nous, contre l'économie et contre Genève. Un élève du collège de Staël me demandait avant-hier, lors d'un débat, avec M. Godinat, sur la rade, de laisser tomber ce projet pour me concentrer sur les autres. Je lui ai donné la liste des dossiers bloqués actuellement, pour diverses raisons, à Genève. Je vous en donne quelques extraits, loin d'être exhaustifs : la Maison de l'Europe, Bellecour, Mervelet, le goulet de Chêne-Bourg, le chemin de Poussy à Vernier, la zone industrielle de Thônex et La Pastorale. L'esprit d'entreprendre ne préside pas au blocage constaté dans tous les projets que je viens de mentionner. L'esprit d'entreprendre est que nous puissions assurer une survie, à Genève, en cherchant par tous les moyens à aider plutôt qu'à bloquer. Et c'est dans cet esprit que je vous propose de voter ce projet.

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Le groupe socialiste demande l'appel nominal pour le vote final.

Le président. Pour le troisième débat ?

Mme Fabienne Blanc-Kühn. Oui, Monsieur le président.

Le projet de loi est mis aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Ce projet est rejeté en premier débat par 40 non contre 39 oui.