République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7195-A
6. a) Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B destinée à des activités sans nuisances). ( -) PL7195
Mémorial 1995 : Projet, 480. Commission, 508.
Rapport de majorité de M. René Koechlin (L), commission d'aménagement du canton
Rapport de première minorité de M. Christian Ferrazino (AG), commission d'aménagement du canton
Rapport de deuxième minorité de M. Chaïm Nissim (E), commission d'aménagement du canton
Rapport de troisième minorité de Mme Liliane Maury Pasquier (S), commission d'aménagement du canton
M 1000
b) Proposition de motion de Mme et MM. Christian Ferrazino, Liliane Maury Pasquier, Jean-François Courvoisier et Chaïm Nissim concernant le PL 7195-A modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B destinée à des activités sans nuisances). ( )M1000
R 291
c) Proposition de résolution de M. Bernard Clerc concernant le PL 7195-A modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4 B destinée à des activités sans nuisances) (Article 6). ( )R291

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Sous la présidence de Mme Martine Roset, la commission d'aménagement a examiné le projet de loi cité en titre, auquel elle a consacré quatre séances. Celles des 8 et 15 février furent vouées à la présentation du projet et respectivement aux auditions de MM. J. Robyr, de Télécom Genève, puis C. Bosson et W. Streckeisen, de la Chambre genevoise d'agriculture.

Le 8 mars, la commission a visité les lieux ainsi que les locaux occupés par l'entreprise Reuters.

La séance du 15 mars fut d'abord consacrée à l'audition de Me R. Cramer, puis suivie du débat de conclusion et du vote.

Assistaient aux séances de la commission:

MM. .

 du département des travaux publics

 et de l'énergie les 8 février et 15 mars

. .

 chargé du département de l'économie

 publique à toutes les séances

 G. Gainon, chef de la division

 des plans d'affectation les 8, 15 février et 15 mars

 J.-Ch. Pauli, juriste à toutes les séances

 P. Brun, chef du service des plans

 de zones et de l'information à toutes les séances

 R. Schaffert, directeur de l'aménagement le 15 mars

Travaux de la commission

Le projet d'implanter Reuters à La Pallanterie pose dans toute son acuité le problème de l'opportunité de déclasser un terrain agricole pour des motifs économiques intéressant directement ou indirectement la collectivité.

Le Conseil d'Etat n'hésite pas à trancher cette alternative en faveur du développement d'une entreprise qui répand sa prospérité sur la cité qui l'accueille.

Cette vertu place ladite entreprise parmi celles dont les villes du monde se disputent la présence dans leurs murs.

Reuters appartient à cette catégorie de fleurons de l'économie dont les effets sur la réussite d'autres compagnies sont généralement plus importants que l'impact qu'elles ont directement sur l'emploi et la fiscalité. Elle est une «sprinkling firm» pour reprendre un terme qui nous vient d'outre-Atlantique, à savoir une entreprise qui «arrose» et provoque la prospérité d'autres firmes alentour.

Sur le plan des chiffres, cette société, qui a son siège à Londres, emploie plus de 13 000 collaborateurs dans 140 pays du monde. Le chiffre d'affaires du groupe dépassait, en 1994, 4 milliards de francs dont 2,3 milliards pour l'Europe, l'Asie et l'Afrique.

La plus importante activité porte sur l'information financière.

Quant à la construction dont il est question, son coût s'élèvera en première étape à 40 millions de francs qui seront insufflés dans l'industrie locale du bâtiment, le projet total avoisinant 100 millions de francs.

A Genève, le siège assume la direction de la compagnie pour l'Europe, à l'exception du Royaume-Uni, de l'Irlande, de la Turquie et de Chypre.

Reuters occupe actuellement dans le canton 318 collaborateurs de haute compétence, pour un montant de salaires de 35 millions de francs.

L'activité de l'entreprise dans notre cité provoque des retombées qu'illustrent les quelques chiffres suivants, à titre d'exemples:

- 1 000 vols Swissair par an entre Genève et Londres.

- Plus de 3 000 nuités par an dans les hôtels.

- La seule conférence «info world» organisée en 1993 par la société a réuni 2 373 financiers qui ont logé dans les hôtels genevois.

- Cette fréquentation exceptionnelle s'ajoute à la moyenne susmentionnée.

La réalisation du projet de regroupement des activités à Collonge-Bellerive implique en outre la création de 100 à 150 nouveaux postes de travail de haute qualification.

Pesée des intérêts

Pour apprécier l'opportunité de l'implantation du siège de Reuters à La Pallanterie, la commission a invoqué trois catégories de critères:

1. Les motifs propres à la compagnie et le degré d'urgence.

2. Le choix du lieu et sa justification relativement à l'affectation du territoire.

3. L'impact sur l'environnement en regard de celui de l'économie.

1. Motifs propres à Reuters

Cette société travaille 24 heures sur 24. Son activité est à la merci d'une défaillance de son système de transmission des informations. Pour ce prémunir contre ce risque, elle doit disposer de deux centres commutables à tout moment. Genève - ou Singapour - pourrait accueillir le second de ceux-ci, l'autre étant à Londres.

Par ailleurs, le très haut degré de compétences qu'exigent les prestations qu'offre l'entreprise implique dans ses deux relais de télécommunications la présence d'un organe de formation continue au profit de ses collaborateurs de tous niveaux.

La stabilité sociale, économique et politique de Genève, sa productivité, le rayonnement de sa place financière et sa qualité de vie constituent ses principaux atouts.

Mais il convient de ne pas négliger ceux de sa concurrente asiatique. Car en économie comme en sport, il ne faut jamais sous-estimer son adversaire. Or, ce dernier, en l'occurrence, est puissant et dispose de moyens de persuasion percutants, sur le plan des facilités d'accueil notamment. Le staff genevois de Reuters en est pleinement conscient et s'efforce de donner la réplique. Il appartient aux autorités locales de le soutenir dans cette lutte d'influence. A défaut, elle risque d'échouer.

Du point de vue de la compagnie, le site de La Pallanterie convient mieux que les trente-huit autres qui furent envisagés et dont, un certain nombre, sélectionné, fut examiné plus à fond.

A ce stade de l'analyse, la question se pose de savoir s'il est opportun de contester les critères de choix retenus par l'entreprise - comme s'y emploient certains députés - ou s'il vaut mieux accepter l'option qu'elle a prise pour des motifs qui lui sont propres et qui, de son point de vue, sont les meilleurs.

Dans l'appréciation des risques à laquelle les dirigeants de la société se sont livrés, l'obstacle politique d'un déclassement pesait d'un poids non négligeable.

Mais en fin de compte, les avantages techniques et logistiques du site retenu l'emportaient et s'avéraient tels que Reuters accepta de les payer le prix d'un supplément d'un million de francs versés au profit de mesures agro-environnementales. Cette sorte de subvention écologique, la compagnie entend s'en acquitter à titre de compensation au déclassement d'environ quatre hectares de zone agricole. Or, cette mutation, qui participe au grignotement des terres cultivables, retient certains députés qui refusent toute concession en cette matière.

Dernier critère pour l'entreprise: le temps. Son programme de gestion l'incite à réaliser son nouveau centre dans les meilleurs délais. Elle entendait ouvrir le chantier dans le courant de l'été 1995 de manière à utiliser ses futurs installations un an plus tard.

Le planning est ambitieux et dynamique, à l'image de ses auteurs. Il révèle l'urgence de la décision que le Grand Conseil est appelé à prendre.

2. Choix du lieu en regard de l'affectation du territoire

L'opération que propose Reuters implique le déclassement d'environ 4 hectares de terres d'assolement.

Le canton dispose encore de quelques réserves dans son domaine agricole et celles-ci offrent par conséquent aux autorités la possibilité d'en soustraire une petite partie quand la nécessité l'impose. Ce potentiel disponible couvre environ 85 hectares, si l'on en croit les chiffres ci-après communiqués par le département des travaux publics et de l'énergie:

Surfaces d'assolement attribuées au canton de Genève

par la Confédération 8 400,0 ha

Surfaces définies par le Conseil d'Etat

le 15 septembre 1993 8 485,3 ha

Réserve 85,3 ha

Surface soustraite pour Reuters 4,3 ha

Réserve après cette dernière opération 81,0 ha

Par ailleurs et comme nous l'avons indiqué plus haut, l'entreprise accepte de financer jusqu'à concurrence d'un million de francs les mesures compensatoires agro-environnementales que l'Association genevoise pour la protection de la nature (AGPN), la Chambre genevoise d'agriculture (CGA), la Société Art public (SAP) et le WWF-Genève prendront conjointement avec Reuters, le département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), le département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER) et le département de l'économie publique (DEP) (voir annexe).

Depuis des décennies, le DTPE, notamment son service et sa commission d'urbanisme, et les aménagistes du canton s'évertuent à répartir les activités de manière aussi équilibrée que possible sur l'ensemble du territoire: en vain. L'aéroport et les réseaux ferroviaire et autoroutier provoquent un déséquilibre dans l'implantation des demandes. L'écrasante majorité de celles-ci porte sur la rive droite et, depuis l'ouverture de l'autoroute de contournement, le solde occupe la rive gauche entre Arve et Rhône, au presque total détriment du secteur compris entre Arve et lac.

Ce dernier, en revanche, accueille une part importante des besoins en matière de logements.

Cette polarisation de l'habitation, d'une part, et des activités, de l'autre, accentue les mouvements pendulaires; ce qui accroît les problèmes du trafic et plus généralement des déplacements aux heures de pointe. L'implantation d'activités sur la rive gauche présente pourtant l'avantage de briser la tentation d'habiter dans le canton de Vaud en travaillant à Genève, avec les évasions fiscales qu'elle implique.

Les études alvéolaires et les efforts consentis par les communes concernées n'ont pas réussi à enrayer la tendance qui, au fil des années, s'est au contraire accentuée.

Le projet de Reuters offre une occasion unique d'amorcer le rééquilibrage souhaité. Y couper court irait à l'encontre d'une plus juste répartition des activités dans le canton.

3. Impacts sur l'environnement et respectivement sur l'économie

L'activité de Reuters provoque peu de nuisances tant sur l'environnement en général que sur le voisinage en particulier. Les constructions que comporte le projet ne dépassent pas un étage sur rez-de-chaussée. Leur volumétrie n'empiète guère sur l'horizon ni ne porte significativement atteinte au paysage. Elle s'inscrit au contraire en dessous des profils saillants de ce dernier dont le proche silo de La Pallanterie constitue le repère le plus en vue.

En dépit de l'emprise sur la zone agricole que le projet implique et qui est évoqué plus haut, son impact sur l'économie, sur le développement d'autres entreprises, sur l'emploi et sur la fiscalité dépasse très largement, aux yeux de la majorité de la commission, les inconvénients de principe que soulève le déclassement de quatre hectares de terrain agricole, dont une partie est actuellement affectée à un parking de camions.

L'intérêt que présente par ailleurs les mesures compensatoires agro-environnementales ne fait qu'appuyer la thèse du déclassement.

En termes plus abrupts, l'alternative se résume à se demander s'il vaut mieux soutenir le développement d'une entreprise porteuse d'emplois, de bien-être et de prospérité, ou préserver à tout prix quelque 5% du surplus de terrains agricoles dont dispose le canton.

Du point de vue de la majorité de la commission, l'intérêt général plaide en faveur du premier terme de cette alternative.

Auditions

1. Audition de M. J. Robyr, Télécom Genève

Le site de La Pallanterie présente l'avantage d'un possible branchement sur deux réseaux distincts de fibre optique.

Cette double connexion conditionne la sécurité de l'activité de Reuters.

D'autres emplacements présentent la même possibilité sans frais supplémentaires disproportionnés.

De plus, le branchement par satellite sur le réseau hertzien est excellent à Collonge-Bellerive. Il est en revanche beaucoup moins bon sur la rive droite.

La nécessaire conjugaison des connexions aux réseaux hertziens et respectivement de fibre optique réduit considérablement le choix du site.

Bien que celui de La Pallanterie réunisse tous les avantages du point de vue des télécommunications, il n'est pas le seul. Celui de Veyrier (ancienne parcelle de Caterpillar) offre les mêmes caractéristiques d'infrastructure. Mais la surface de son terrain s'avère insuffisante pour y construire des bâtiments d'un étage sur rez-de-chaussée, qui seuls garantissent la sécurité dont l'entreprise a besoin.

2. Audition de MM. C. Bosson et W. Streckeisen de la Chambre genevoise de l'agriculture

Ces messieurs s'expriment également au nom de l'AGPN qui les a priés de la représenter en cette occurrence.

Après s'être opposés au projet, le CGA et l'AGPN ont accepté de négocier avec le Conseil d'Etat et Reuters afin de trouver un éventuel terrain d'entente.

Ces pourparlers ont abouti à un accord dont les conclusions répondent en majeure partie aux conditions qui sont consignées dans le document daté du 16 janvier 1995 et annexé au présent rapport.

Les mesures de compensations agro-environnementales prévues comportent notamment l'assainissement de terrains proches de la Seymaz, qui pourront être réaffectés à l'agriculture. Ces dispositions permettront, en outre, la mise en place d'un réseau écologique entre la rivière susmentionnée et le lac.

Tant la CGA que l'AGPN souhaitent en outre que le déclassement en question soit le dernier avant l'adoption par le Grand Conseil du nouveau plan directeur cantonal d'aménagement du territoire. Ce document est actuellement en cours de révision. Dès que cette mise à jour sera terminée, il sera soumis à l'approbation du parlement.

Le Conseil d'Etat s'est engagé à ne plus proposer au Grand Conseil des déclassements de l'importance de celui qui nous est aujourd'hui présenté, avant l'adoption par ce dernier du futur plan directeur.

Cette garantie ajoutée aux mesures de compensations susmentionnées conditionnent l'assentiment de la CGA et de l'AGPN pour le projet en question.

3. Auditions de MM. R. Cramer, J. Reimann et M. Rechulski au nom d'un groupe d'habitants de Collonge-Bellerive

Ce groupe a tenté de lancer un référendum contre la délibération du Conseil municipal formulant un préavis favorable au déclassement qui fait l'objet du présent projet de loi.

Ce référendum n'a pas abouti.

Me Cramer expose les motifs qui ont incité ses clients à s'opposer au projet de Reuters. Ils se résument à implanter cette entreprise ailleurs, dans une zone à bâtir, qu'il est toujours possible d'équiper des infrastructures nécessaires et sans procéder au déclassement envisagé qui semble inapproprié. Me Cramer et les personnes qui l'accompagnent n'apportent aucun argument nouveau capable d'influencer de façon déterminante l'appréciation du dossier.

Visite des lieux

Le 8 mars, la commission a procédé aux visites du site et des locaux occupés par Reuters à la place de Jargonnant.

Ces visites ont permis aux députés de se faire une meilleure idée des enjeux, à savoir: la qualité du site en regard de l'implantation proposée et de son impact sur l'environnement. Dans cet ordre d'idées, la proximité de la zone industrielle de La Pallanterie, avec ses ateliers et son silo, plaide en faveur du projet.

Le centre de télécommunications et de diffusion installé à la place de Jargonnant offre quatre catégories de prestations que l'on peut résumer ainsi:

- informations en temps réel et historique dans les marchés financiers;

- données numériques et nouvelles (notamment à l'usage de la SSR);

- analyse et aide décisionnelle, avec une capacité de traiter simultanément environ 30 000 informations;

- gestion et information principalement à l'usage des banques.

Les avantages économiques et logistiques de Singapour et sa force de frappe ne laisseraient à eux seuls aucune chance à Genève, si celle-ci n'offrait pas l'avantage de la proximité relativement à Londres, d'une certaine qualité de vie et de la personnalité du directeur de son siège.

Les diverses autres informations que les commissaires ont recueillies lors de ces visites, si intéressantes soient-elles, ne constituent pas en elles-mêmes des facteurs susceptibles d'influencer ou de modifier l'appréciation des députés ni leur décision de procéder ou non au déclassement qui leur est proposé.

Conclusion et vote de la commission

A l'ouverture du débat de conclusion, M. R. Schaffert lut à la commission la lettre adressée par le département des travaux publics et de l'énergie à l'office fédéral de l'aménagement du territoire. Ce document relève la conformité du projet relativement au plan directeur et notamment à son concept qui est respecté.

L'office fédéral a laissé entendre qu'il considérait que ce genre de déclassement pouvait être considéré comme «une modification mineure» de l'affectation du territoire.

Après un dernier échange de propos qui n'apportèrent aucun élément nouveau à la connaissance des députés, la commission d'aménagement a voté l'entrée en matière sur le projet de loi 7195 par 8 oui (4 L, 2 R, 2 PdC) et 5 oppositions (2 S, 4 AdG).

Elle s'est prononcée de la même façon lors du vote final et vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de souscrire à son approbation en adoptant ledit projet de loi.

PROJET DE LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4B destinéeà des activités sans nuisances)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan n° 28713-515, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 16 septembre 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, à La Pallanterie-Nord) est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

Si la société Reuters renonce à son projet, ou si elle n'entreprend pas l'exécution de celui-ci dans un délai de cinq ans à compter de l'approbation, par le Grand Conseil, du plan visé à l'article 1, les terrains faisant l'objet de la présente modification du régime des zones de construction seront restitués à la zone agricole, conformément à la procédure instituée par la loi.

Art. 3

1 Une étude agro-environnementale portant sur un périmètre intercommunal centré sur le bassin de la Haute-Seymaz sera réalisée en vue de déterminer les mesures de compensation écologiques et agricoles nécessaires. La société Reuters assurera le financement de cette étude et des mesures compensatoires à prendre. Le département des travaux publics et de l'énergie est autorisé à faire l'avance d'une partie des frais d'études, ceci à parité avec la commune de Collonge-Bellerive.

2 L'autorisation de construire portant sur le projet de construction envisagé par la société Reuters ne sera délivrée qu'après le dépôt de l'étude agro-environnementale. Les mesures compensatoires seront mises en oeuvre dès l'ouverture du chantier.

Art. 4

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 5

Un exemplaire du plan n° 28713-515 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Annexes:

- Plan de déclassement

- Position de l'AGPN, de la CGA, de la SAP et du WWF-Genève

- Critères d'implantation selon les renseignements demandés à Reuters

- Liste des sites considérés pour l'implantation de Reuters à Genève

- Plaquette de présentation du projet (peut être consultée au secrétariat du Grand Conseil).

Plan à incorporer

Plan à incorporer

ANNEXE I

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ANNEXE II page 21

ANNEXE II (bis) page 22

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ANNEXE III page 24

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RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ

Notre groupe ne s'oppose nullement à l'extension envisagée par la société Reuters dans notre canton. Nous demandons simplement que cette extension ne se réalise pas au détriment de la campagne genevoise et qu'elle se fasse ainsi ailleurs qu'à l'endroit retenu par le Conseil d'Etat.

L'avenir des terrains de l'Etat situés sur la commune de Collonge-Bellerive a d'ailleurs déjà suscité, dans le passé, une prise de position du Conseil d'Etat.

En effet, à la suite d'une question écrite d'un député qui s'interrogeait sur l'avenir de ces terrains, le Conseil d'Etat a tenu à préciser, en date du13 décembre 1976, que le Domaine de Saint-Maurice «forme un tout homogène (qui) n'a pas été acquis par l'Etat en vue d'une affectation à des équipements publics, (ce) qui aurait provoqué le démantèlement de ce domaine, contrairement à la politique de sauvegarde d'une zone agricole stable et compacte».

Et le Conseil d'Etat de conclure: «C'est dire que cette grande propriété conservera son affectation agricole actuelle» (annexe I).

Aujourd'hui, ceux qui défendent le point de vue exprimé autrefois par le Conseil d'Etat sont qualifiés, par un représentant du gouvernement actuel, en l'occurrence le responsable du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, de «gauche la plus bête du monde» !

De façon plus nuancée, l'actuel chef du département des travaux publics et de l'énergie n'a pas nié les réels problèmes posés par ce projet de déclassement en reconnaissant même, en préambule des travaux de la commission, que «la première réaction du département face à cette demande a été négative».

Cette réaction négative de l'autorité se comprend d'autant mieux si l'on sait que le projet d'implantation de la société Reuters à Collonge-Bellerive et celui de créer une zone de développement industriel et artisanal à Meinier impliquent une extension importante des zones à bâtir d'une superficie totale d'environ 104 000 m2 et une réduction des surfaces d'assolement d'environ 69 000 m2.

Par la suite, le département des travaux publics et de l'énergie a finalement considéré qu'il s'agissait d'une modification mineure du plan directeur cantonal ayant trait à des déclassements limités (voir annexe II).

Préserver la campagne genevoise

Ce n'est pas toutefois pas le simple non-respect du plan directeur cantonal qui motive notre opposition au projet de construction de Reuters, mais le fait que le déclassement qu'il implique non seulement porterait une atteinte importante à un site reconnu de très grande qualité (même si un parking a été aménagé en infraction sur une petite partie de celui-ci), mais surtout engagerait un processus d'urbanisation de la campagne genevoise, que nous voulons préserver.

Nous refusons la création de nouvelles zones à bâtir au détriment des espaces naturels et le processus de bétonnage de ce qui reste de la campagne dans notre canton tant qu'il subsiste suffisamment de terrains à bâtir dans les zones de construction actuelle, ce qui est le cas.

Quelle politique d'aménagement du territoire ?

Sauf impossibilité démontrée, les nouvelles constructions doivent se faire dans les zones à bâtir actuelles.

Tel est l'objectif majeur de la politique d'aménagement du territoire résultant de la loi fédérale approuvée par le peuple suisse. La création d'une nouvelle zone à bâtir ne doit être envisagée que si les besoins de construction ne peuvent pas être satisfaits dans les zones à bâtir existantes.

Il est faux de prétendre que le projet de Reuters ne peut pas être réalisé dans les zones à bâtir existantes.

Nous sommes en effet convaincus qu'il existe d'autres solutions que le site de La Pallanterie. A noter que le parti architectural retenu par Reuters, à savoir une construction basse de deux niveaux seulement, nécessitant40 000 m2 de terrain, rend effectivement difficile la recherche d'un terrain d'une telle surface en zone à bâtir.

Le projet constructif présenté par Reuters aboutirait à un gaspillage du territoire, vu la très faible occupation du sol désirée par cette société. L'exigence de Reuters de vouloir construire son centre sur deux niveaux seulement est tout simplement inacceptable, car si tout le monde procédait de la sorte, on n'aurait, depuis longtemps, plus de terrains disponibles à Genève.

A noter que le site envisagé par cette société à Singapour implique des constructions sur cinq niveaux, ce qui nécessite deux fois moins de terrain que le projet retenu pour Genève. Pourquoi ce qui convient à Singapour ne pourrait-il pas convenir à Genève ?

Reuters justifie son choix de site par des considérations architecturales, à savoir la volonté de construire 5 bâtiments de bas gabarit de deux niveaux seulement (rez-de-chaussée + un étage) qui impliqueraient la nécessité, selon elle, de déclasser 40 000 m2 de terrain. Même en admettant la réalisation complète du projet de Reuters, ce qui n'est nullement garanti, on constate, sur la base de renseignements dont le rapporteur de minorité a demandé la confirmation à M. Marchand, directeur de Reuters, que cette société envisage de construire (voir lettre du 7 avril 1995 annexée au présent rapport):

 deux bâtiments de deux niveaux, affectés à un centre informatique, d'une surface au sol de 2 664 m2 chacun;

 trois bâtiments également de deux niveaux, affectés à des bureaux et des locaux d'exposition, d'une surface de 2 720 m2 chacun.

Même en admettant les motifs de sécurité invoqués par Reuters pour justifier que le centre informatique ne soit construit que sur deux niveaux, il est parfaitement possible de construire au-dessus de ces deux niveaux trois étages supplémentaires pour les bureaux et les locaux d'exposition. Reuters occupe actuellement des locaux dans un bâtiment de 8 étages à la place de Jargonnant et ses activités administratives peuvent fort bien être localisées en hauteur dans le nouveau bâtiment que cette société se propose de construire à La Pallanterie. C'est du reste la solution qui a été retenue à Singapour, puisque M. Marchand a expliqué, lors de son audition par la commission d'aménagement, que le centre informatique se trouve en sous-sol du bâtiment de 5 étages dont Reuters est propriétaire dans cette ville.

Il est donc évident qu'il est possible de réaliser l'ensemble du projet Reuters dans deux bâtiments de 5 étages, d'une surface de 2 700 m2 au sol chacun, au lieu de 5 bâtiments ayant la même surface au sol. Une telle solution garantit également la possibilité de réaliser le projet en deux étapes seulement, selon les précisions données dans la lettre de M. Marchand.

Même en reprenant les surfaces de plancher indiquées dans la lettre de M. Marchand, qui sont supérieures à celles mentionnées pour le long terme dans la plaquette remise par Reuters aux membres de la commission de l'aménagement, on constate qu'il serait parfaitement possible de construire deux bâtiments d'une surface au sol de 2 700 m2 chacun, ce qui nécessiterait un terrain d'une surface de 10 000 m2 à 12 000 m2. Le taux d'occupation du sol serait de l'ordre de 2, ce qui est inférieur aux taux d'utilisation du sol admis dans les zones d'activités situées en milieu urbain.

Le concept architectural retenu par Reuters est incompatible avec une saine gestion de notre territoire exigu où les possibilités constructives sont limitées. Si chaque entreprise veut disposer de plus de 40 000 m2 de terrain d'un seul tenant pour réaliser un projet de construction de l'ordre de22 000 m2 de plancher, toute la campagne genevoise y passe en quelques années. Nous ne doutons pas que Reuters pourrait se rallier à un autre site en zone à bâtir, qui restera toujours plus favorable que la solution d'adapter le bâtiment de Singapour.

Un dangereux précédent...

Il est illusoire de penser qu'on pourra préserver notre campagne si l'on admet de tels projets à si faible densité, alors que, dans les principales zones d'activité, les bâtiments atteignent six ou sept niveaux. D'autre part, un tel projet constituerait indéniablement un précédent et, s'il devrait être accepté, d'autres sociétés ne manqueraient pas de prétendre, à l'avenir, à un tel privilège et invoqueraient une inégalité de traitement au cas où une demande identique ne serait pas exaucée.

Il existe en effet d'autres sociétés en difficulté à Genève qui ne demanderaient pas mieux de construire en zone agricole. Le privilège que le Conseil d'Etat souhaite accorder à Reuters est non seulement inadmissible mais il constitue un important précédent qui va susciter d'autres demandes et, progressivement, notre campagne sera sacrifiée au profit de constructions qui pourraient parfaitement être réalisées dans les zones à bâtir existantes.

... pour un privilège financier...

La réalité, c'est que Reuters, qui dispose de moyens financiers considérables pour son projet, veut bénéficier d'un privilège qui a été refusé à de nombreuses autres entreprises, à savoir de pouvoir construire sur des terrains agricoles très bon marché.

A noter que si Reuters avait choisi de construire son centre en zone ordinaire (il s'agit d'un centre de formation et non pas d'un centre de production; un tel centre n'aurait donc pas pu s'installer en zone industrielle, mais uniquement en zone ordinaire), le prix du terrain aurait été de 1 000 F à 2 000 F le mètre carré, probablement davantage.

Le fond de cette affaire, c'est que Reuters recherche avant tout un terrain au dixième du prix du marché.

D'ailleurs, à une question posée par un commissaire, le directeur de Reuters, M. Marchand, a reconnu que sa société recherchait «la solution la meilleure marché», en précisant avoir «étudié le meilleur profit pour la compagnie quant au terrain nécessaire pour son projet» et La Pallanterie constitue, à ses yeux, «le site unique que Reuters veut avoir».

Très réservé sur les conditions financières qui seront fixées par l'Etat pour la mise à disposition du terrain, M. Maitre a finalement indiqué aux commissaires que le droit de superficie - non encore négocié - serait fixé sur la base d'u prix de 150 F à 200 F le mètre carré.

Si les commodités, en l'occurrence financières, semblent des plus évidentes (quelle société ne souhaiterait pas obtenir des terrains aussi bien situés à un tel prix, dans une commune qui, de surcroît, connaît les centimes additionnels les plus bas du canton et n'applique pas la taxe professionnelle fixe ?), les prétendus impératifs techniques avancés tant par le Conseil d'Etat que par la société Reuters sont restés, quant à eux, bien obscurs.

... justifié par des exigences techniques

La minorité regrette qu'on ait cherché à induire en erreur les députés en invoquant des arguments trompeurs.

Il est extrêmement désagréable qu'on ait voulu faire croire que La Pallanterie était le seul site possible pour abriter le double réseau de fibres optiques nécessaires à Reuters.

Cet argument, initialement avancé par le Conseil d'Etat, s'est avéré totalement infondé. Selon le sous-directeur de Télécom, entendu par la commission, le site de La Pallanterie ne comporte, à l'heure actuelle, qu'un seul réseau et il est possible de construire des doubles chemins de fibres optiques à peu près partout dans le canton, étant précisé qu'il est plus facile de le faire en ville car il existe plus de canalisations.

Reconnaissant le peu de sérieux des prétendus impératifs techniques initialement avancés pour justifier ce projet de déclassement, certains commissaires de la majorité ont fini par reconnaître que La Pallanterie n'était pas le seul site qui puisse convenir mais qu'il fallait, en définitive, «savoir accueillir les gens où ils ont envie d'aller», pour reprendre l'expression d'un commissaire. Nous contestons que l'aménagement du territoire se fasse au gré des exigences et des intérêts financiers de particuliers, au détriment de l'intérêt général.

Certains ont même prétendu que le site abritait un parking et que la parcelle était bien peu propice à l'agriculture.

Un transport sur place de la commission a permis de se convaincre que le parking en question - parking sauvage, réalisé en infraction ! - ne correspondait qu'à une toute petite partie des quatre hectares de terrain que le Conseil d'Etat souhaite déclasser.

On ne peut admettre que la réalisation d'une infraction puisse justifier ensuite de déclasser un terrain que le Conseil d'Etat a reconnu, en son temps, comme un site de grande qualité devant conserver son affectation agricole.

Le chantage aux emplois

Enfin, selon les députés de l'Entente, l'impact économique de ce projet pour Genève justifierait à lui seul de déroger au plan directeur cantonal.

Les emplois nouveaux qui en découleraient, les retombées fiscales - sans oublier les retombées indirectes (prestations hôtelières notamment) - devraient amener, selon la majorité du Grand Conseil, à accepter une modification du plan directeur.

Une telle modification est qualifiée par le Conseil d'Etat de «mineure», par opposition à l'intérêt «majeur» qui consiste à tout mettre en oeuvre pour permettre la création d'emplois nouveaux, y compris se mettre à genoux, selon l'expression d'un commissaire apparemment religieusement acquis à cette cause, pour dire merci à une entreprise qui n'entend pas s'embarrasser des contraintes découlant des objectifs voulus par la politique d'aménagement du territoire.

Nous ne pouvons accepter une telle politique, surtout que d'autres projets sont d'ores et déjà prévus hors des zones à bâtir, non seulement à La Pallanterie mais à Bernex et pour un relais autoroutier. L'aménagement du territoire est certes un objectif difficile à poursuivre, mais il est essentiel dans un pays qui a précisément longtemps souffert de l'absence d'une politique cohérente dans ce domaine. Il est inconcevable de revenir à une politique du coup par coup dictée uniquement par des intérêts privés et d'accepter que des particuliers imposent leur volonté, comme le fait Reuters, avec les conséquences qui en résulteront. Il n'est en effet pas crédible que le Conseil d'Etat prétende qu'il n'apportera pas d'autres atteintes à la campagne genevoise, vu les pressions dont il fera l'objet. A ce sujet, nous ne pouvons ni admettre le chantage détestable à l'emploi qui est exercé pour accorder des privilèges à une multinationale particulièrement prospère et encore moins les pressions exercées par cette dernière, qui entend imposer sa volonté en déclarant que, si les autorités ne s'y plient pas, elle ira ailleurs.

Là ou nulle part ?

Il est faux de prétendre que le projet de Reuters ne peut se faire nulle part ailleurs qu'à La Pallanterie. Si le projet est conçu sur le plan architectural en fonction d'une région où les terrains à bâtir sont limités, si l'on poursuit l'objectif que le Grand Conseil s'est fixé dans le plan directeur cantonal d'éviter le gaspillage de nos zones à bâtir, plusieurs sites permettraient d'accueillir le projet Reuters, même dans son concept final, dont on n'est nullement certain de voir l'aboutissement puisque, à l'heure actuelle, il s'agit uniquement de réaliser une première étape permettant la création de90 emplois nouveaux et non 500 emplois nouveaux, comme certains l'ont prétendu abusivement.

La zone de la Suzette au Grand-Saconnex, à côté de Palexpo et oùDu Pont de Nemours s'est installé, constituerait un site idéal et les terrains de l'hoirie Tissot sont bel et bien à vendre, contrairement à ce qui a été prétendu.

La zone d'activités récemment créée sur les terrains de l'Institut Batelle à Carouge constitue également un site de grande qualité où le projet pourrait être réalisé.

Citons également:

 la zone d'activités créée à Veyrier sur les anciens terrains Caterpillar;

 l'extension de la zone industrielle de Plan-les-Ouates votée non sans hésitation par le Grand Conseil, vu l'emprise importante qu'elle impliquait sur la zone agricole;

 le périmètre de Blandonnet à Vernier (entre l'autoroute et Jumbo) affecté à un important centre administratif dont la construction n'a toujours pas démarré;

 le terrain du chemin de l'Etang pour lequel une modification de zone est envisagée.

Les possibilités ne manquent pas, même si le prix de ces terrains n'est évidemment pas celui dont Reuters va bénéficier à Collonge-Bellerive.

Pour de réelles compensations

Nous pensons, comme le professeur d'économie à l'université de Genève, Béat Burgenmeier, qu'«il est devenu aujourd'hui évident que toute valeur ne peut être économique et que notre société doit laisser une place plus importante à d'autres valeurs» (Bilan, no 4, avril 1995).

Compte tenu de la difficulté, pour certains, à admettre que des valeurs non économiques doivent aussi être prises en considération et dans l'hypothèse où la majorité devait persister à penser que le projet Reuters ne pouvait pas se faire ailleurs à Genève, il conviendrait alors de remettre en zone agricole des terrains en surface équivalente.

En effet, si un déclassement devait intervenir, la cohérence serait de prévoir des compensations à due concurrence, comme cela a été pratiqué en certaines occasions.

Il existe d'ailleurs des terrains à bâtir à Vernier, situés en cinquième zone de construction, mais qui sont inconstructibles car ces terrains sont également situés en zone NNI B, c'est-à-dire dans l'une des zones de bruit, au sens de la loi fédérale sur la navigation aérienne. La construction de maisons d'habitation est donc interdite dans cette zone et le département des travaux publics et de l'énergie avait envisagé, en accord avec la commune de Vernier, qu'une partie de ces terrains, celle qui n'est pas équipée et qui est cultivée, soit restituée à la zone agricole, ce qui est possible, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral dans de tels cas, sans versement d'indemnités.

Le présent rapport de minorité présente donc un amendement au projet de loi, si la prise en considération de celui-ci est votée, ayant la teneur suivante:

Art. 3

1 Une surface de terrains de 40 000 m2 sera réaffectée à la zone agricole en compensation du déclassement visé par le présent projet de loi.

2 Le Conseil d'Etat est tenu à cette fin de soumettre à l'approbation du Grand Conseil, d'ici au 31 décembre 1995, un projet de modification du plan de zones du canton portant, notamment dans la commune de Vernier (zone NNI), sur la restitution de 40 000 m2 de terrain à la zone agricole.

Un enjeu considérable

L'enjeu de ce projet de loi est considérable.

Il s'agit non seulement d'engager un processus de bétonnage de notre campagne, mais encore de mener une politique de mise à disposition de terrains agricoles bon marché pour des projets de constructions, qui va remettre en cause notre politique en matière d'aménagement du territoire. Les demandes de déclassement de terrains situés hors des zones à bâtir vont reprendre, avec des conséquences économiques évidentes, en raison de la non-utilisation des terrains équipés, situés en zone à bâtir.

L'extension des zones à bâtir, qui a provoqué de graves problèmes au niveau de la politique des transports, va augmenter les déplacements individuels, tout en provoquant des demandes d'extension du réseau des TPG à la charge de l'Etat.

La mise en place d'équipements et de l'infrastructure routière dans les nouvelles zones à bâtir constitue une lourde charge pour la collectivité.

C'est dire que si la construction hors des zones à bâtir permet aux particuliers de réaliser leur projet à un moindre coût, grâce à des terrains bon marché, le coût pour la collectivité est souvent très élevé et l'on ne saurait donc apprécier un projet comme celui de Reuters pour lui-même, sans le situer dans le contexte global de la gestion de notre territoire.

Au bénéfice des observations qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à reconsidérer votre position et à soutenir le présent rapport de minorité.

ANNEXE I

ANNEXE II

page 41

ANNEXE III

page 43

ANNEXE IV

page 45

page 46

ANNEXE V

page 48

1/1

Feuilles A4

1/2

1/3

1/4

Reuters 2/1

Copie 2/2

2/3

Reuters 2/4

Ferrazino 2/5

2/6

RAPPORT DE LA DEUXIÈME MINORITÉ

La minorité écologiste se félicite de voir Reuters créer l'amorce d'un «pôle d'excellence» en matière de télécommunication à Genève. Dans la situation actuelle 300 ou 400 emplois sont les bienvenus, surtout s'ils en attirent d'autres comme cela est souvent le cas dans les technologies nouvelles. Il n'est pas interdit de penser que le déclin du tertiaire commence lui aussi depuis quelques années et que les emplois nouveaux se trouveront à l'avenir dans ce que l'on pourrait appeler le secteur quaternaire en voie de création, celui de l'information.

Bien sûr, nous nous posions la question, comme d'autres: «Mais pourquoi mettre Reuters dans une zone agricole? N'y a-t-il vraiment pas de zone déjà industrielle à leur proposer?»

Les raisons avancées par M. Maitre, ou par les fonctionnaires du DTPE qui nous ont accompagnés dans nos travaux, ne nous ont pas convaincus. La proximité par rapport à la place de Jargonnant? Mais nous avons appris en commission que l'essentiel des activités de Reuters se déplaceraient à La Pallanterie, dans le nouveau centre, de sorte que la proximité par rapport à l'ancien centre n'apparaît plus que comme un argument secondaire. La présence d'un double réseau de fibres optiques pour les communications à 2 Mb/sec? Mais nous avons appris par les télécoms que ce double réseau pouvait être installé à peu près n'importe où dans le canton à des prix modiques par rapport aux 40 millions que coûtera ce centre. L'étude d'antennes satellite a été faite à La Pallanterie? Mais pourquoi ne pas l'avoir faite ailleurs? La grandeur d'une parcelle d'un seul tenant propriété de l'Etat? D'autres parcelles assez grandes existent, si on admet que la proximité de Jargonnant n'est plus un critère essentiel.

Ces mauvaises raisons une fois oubliées, nous restons avec quelques bonnes raisons d'installer Reuters à La Pallanterie:

1. Il est assez intéressant de développer aussi des emplois entre Arve et lac, dans un triangle qui était jusqu'ici presque exclusivement réservé au logement, contrairement aux 2 autres triangles lac-Rhône et Rhône-Arve. Cet argument de notre collègue aménagiste Koechlin nous a touchés, pour la mixité des activités et pour réduire les déplacements pendulaires il est bon d'assurer une certaine mixité travail/logement, Reuters serait un précurseur dans ce sens.

2. M. Maitre était convaincant en nous disant que, finalement, les critères objectifs n'étaient pas seuls à prendre en compte dans cette affaire: l'amitié et le fait que des gens se connaissent et s'apprécient comptent autant sinon plus que les fibres optiques ou la proximité de Jargonnant. Je le sais assez, et cet argument touche mon «coeur d'artichaut», comme le dirait Philippe Bach. Nous admettrons bien volontiers que MM. Maitre et Marchand (le directeur local de Reuters) s'apprécient, qu'ils aient trouvé des atomes crochus, que M. Marchand ait réussi à convaincre son conseil d'administration à Londres pour Genève et pas Singapour: nous admettrons que dans tout cela les facteurs subjectifs pèsent de tout leur poids. Nous pourrions même admettre dans cette perspective que M. Maitre ait envie de faire un cadeau à son ami, lui offrant une zone agricole à bas prix pour s'installer. (Quel prix? La commission ne l'aura jamais su, malgré les questions insistantes de notre collègue Ferrazino). Peut-être même que ce cadeau a été utile dans la pesée des intérêts pour retenir Reuters à Genève et, dans ce cas, il est assez logique que M. Maitre l'ait fait.

Le dilemme qui se pose dès lors à nous est le suivant: peut-on sacrifier 4 hectares de bonne terre agricole contre 300 ou 400 emplois de qualité dans un secteur d'avenir? Les écologistes peuvent tout à fait accepter ce «deal», à condition que les compensations soient valables. On nous a parlé en commission des compensations écologiques, qui ont été acceptées par la Chambre d'agriculture (MM. Bosson et Streckeisen, l'un des 2 était plus enthousiaste que l'autre, comme vous pouvez l'imaginer) et par le WWF.

Nous, écologistes, après en avoir discuté entre nous, voudrions vous proposer encore une autre compensation supplémentaire, sous la forme d'un amendement. Si le Grand Conseil accepte cet amendement, les verts accepteront le déclassement Reuters à La Pallanterie.

Notre idée est que l'agriculture de demain sera de plus en plus «bio», donc réclamera de plus en plus de forces de travail et de surfaces, vu que les pratiques extensives emploient plus de surfaces, moins d'engrais chimiques et plus de boulot valorisant. Il faut donc impérativement maintenir au niveau régional des surfaces agricoles. Nous vous proposons donc un amendement qui consisterait à redéclasser dans l'autre sens, quelque part dans le canton, 6 hectares de bonne terre agricole.

Notre amendement prendrait la forme d'un:

«article 3

6 hectares de bonne terre agricole sont restitués à la zone agricole quelque part dans le canton, dans un délai de 6 mois suivant le vote du déclassement Reuters.»

Comme nous vous le disions ci-dessus, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des verts ne pourra accepter ce déclassement que si son amendement est accepté.

RAPPORT DE LA TROISIÈME MINORITE

Le fameux projet de loi, dont personne ne connaît le numéro mais que tout le monde désigne comme le «projet Reuters», revient aujourd'hui en séance plénière, après un bref séjour en commission.

Le travail en commission

Son étude précipitée nous a permis le survol des aspects de l'aménagement et de l'emploi. Mais - et l'on s'est empressé de nous le faire comprendre - nous n'avions ni le temps, ni les moyens, ni même le mandat de faire un vrai travail parlementaire. Il suffisait de répondre à une seule question : acceptez-vous le déclassement des 42 000 m2 de La Pallanterie ? Il valait mieux répondre oui.

Inutile de se demander si ce projet est bon, s'il est vraiment nécessaire, s'il n'y a pas d'autre possibilité de développement des activités de Reuters.

Inutile de demander combien d'emplois vont réellement être créés par ce développement, combien bénéficieront à des chômeurs genevois.

Inutile encore de chercher à savoir quelles mesures sont prévues pour les déplacements des futurs travailleurs du centre et de ses milliers de visiteurs annuels.

Inutile toujours de vouloir connaître les conditions de mise à disposition des terrains - pourtant propriété de l'Etat, donc de chacune et chacun des citoyen-nes de ce canton !

Du côté de l'aménagement

En matière d'aménagement du territoire, le projet de loi 7195 est un mauvais projet.

Même si le service du plan directeur du département des travaux publics et de l'énergie qualifie de «mineure» la modification de zone proposée, nul ne peut nier qu'en déclassant ces quatre hectares on déroge au plan directeur cantonal qui prévoit que l'on utilise toutes les surfaces actuellement situées en zone à bâtir avant de procéder à des déclassements.

Le Conseil d'Etat a bien essayé de nous démontrer qu'après étude d'un grand nombre de sites - dont le nombre varie au fil des séances - le site de La Pallanterie était bien le seul possible, car seul offrant «une haute capacité et fiabilité des télécommunications alimentées par deux réseaux distincts et accédant à deux centraux distincts» et permettant «l'installation d'antennes satellites émettrices et réceptrices à l'écart des sources d'interférence».

L'audition de M. Robyr, sous-directeur de Télécom, nous a pourtant rapidement convaincus du contraire. En matière de réseau de fibres optiques, en effet, M. Robyr nous a assuré que les différents lieux envisagés par Reuters en vue d'implanter son centre peuvent tous être reliés aux conditions de sécurité demandées, à des prix comparables et dans le délai fixé par Reuters (1996). Quant à l'installation d'antennes satellites, M. Robyr a confirmé devant la commission que le seul site étudié sous cet angle avait été celui de La Pallanterie, puisqu'on n'avait pas demandé à Télécom d'en étudier un autre !

Le Conseil d'Etat a également essayé de nous convaincre que les42 000 m2 destinés au déclassement sont de mauvaise qualité agricole et qu'une partie importante en est déjà occupée par des camions qu'on y entrepose.

La Chambre genevoise d'agriculture, par la bouche de son président,M. Bosson, et de son secrétaire, M. Streckeisen, nous a pourtant confirmé que les terres sont de bonne qualité et que le parking des camions ne dépasse pas 5 000 m2, donc une petite partie de la surface totale - ce que notre transport sur place nous a permis de vérifier.

Restent, en faveur de la localisation du centre Reuters à La Pallanterie:

 la recherche par Reuters d'un «site agréable et calme, propice aux activités de formation» dont la «localisation (est) idéalement située dans un cadre de verdure et favorable à l'image de marque de la société»;

 le souci, pour la société, d'un coût d'implantation minimal;

 la volonté, pour certains, de créer des emplois sur la rive gauche et d'améliorer ainsi le rapport activités/logements de ce côté-ci du canton.

Si l'on peut fort bien comprendre qu'une société recherche, pour son installation, les meilleures conditions possibles et, notamment, un rapport qualité/prix suffisamment attractif, on peut relever, au passage, que n'importe quelle entreprise souhaiterait bénéficier de ces mêmes conditions idéales et que l'on peut se demander si seuls des terrains encore situés en zone agricole ne sont pas, maintenant, à même de correspondre à ce souhait.

C'est donc la porte ouverte à un total démantèlement de la zone agricole qui est pourtant à la fois un élément important du caractère attrayant de notre canton et - elle aussi - un outil de travail pour un certain nombre de nos concitoyen-nes.

Quant à la volonté de développer des activités sur la rive gauche, elle serait la bienvenue si elle avait précédé ce projet de loi et qu'une véritable conception globale de l'aménagement du territoire - discutée, travaillée, affinée puis finalement mise en place - avait prévalu, précisant, notamment, les régions à développer, leur réseau d'accès et leur desserte par les transports publics, les régions à désengorger en parallèle, etc.

Les socialistes de l'Ain, Genève, Haute-Savoie et Nyon ont élaboré «une plate-forme pour l'aménagement du territoire du bassin genevois» qui propose, notamment, que «Genève envisage de contribuer au renforcement des nouveaux «faubourgs» dont le développement s'est amorcé de part et d'autre de la frontière, sous la forme de véritables pôles d'équilibre de l'urbanisation. Un de ces pôles est situé sur la rive gauche mais - et cela ne vous étonnera pas - pas à Collonge-Bellerive, mais plutôt dans l'agglomération de Puplinge, Annemasse et les Trois-Chêne.

Le rôle du Conseil d'Etat

Le Conseil d'Etat a mal géré ce dossier.

Ainsi, nous n'avons - et de loin - pas acquis la conviction qu'il a tout fait pour que Reuters trouve un terrain à sa convenance en zone à bâtir. Le fait même de qualifier de «mineur» un déclassement de 42 000 m2 de bonne terre agricole est révélateur de la légèreté du Conseil d'Etat.

Que dire d'ailleurs d'un Conseil d'Etat dont un membre promet : «Vous saurez le prix du terrain en commission, je vous donnerai tous les détails de la négociation» (M. Joye, Mémorial du Grand Conseil, page 506) et dont un autre membre, après des réponses évasives du type «droit de superficie, aux conditions usuelles», finit par lâcher que «l'information sera donnée au Grand Conseil quand l'affaire sera terminée» (M. Maitre, procès-verbal de la séance du 8 mars 1995 de la commission de l'aménagement, page 4) !

Que dire des tentatives du Conseil d'Etat de travestir la vérité, tant sur la qualité du terrain que sur le caractère exceptionnel de sa situation qui en fait le site quasi divinement révélé de l'implantation du centre Reuters, comme je l'ai déjà évoqué plus haut !

Que dire des pressions exercées - campagne de presse à l'appui - sur les débats menés dans cette enceinte !

Que dire d'un Conseil d'Etat qui, deux ans durant, étudie le projet, prend la peine de collaborer avec les associations de protection de l'environnement (AGPN, WWF, Société d'art public) et la Chambre genevoise d'agriculture avant de se soucier d'informer les député-es au Grand Conseil dont l'adhésion lui est pourtant nécessaire pour faire aboutir le projet !

Que dire d'un Conseil d'Etat qui «oublie», dans un premier temps, que l'accord des associations susmentionnées est soumis à plusieurs conditions qui doivent figurer dans la loi de déclassement ! L'oubli sera en partie réparé puisque, dans un deuxième temps, le Conseil d'Etat a rajouté un article 3 au projet de loi 7195, à propos de l'étude agro-environnementale, ainsi qu'un paragraphe à son exposé des motifs qui fait une vague mention des déclassements ultérieurs «de même ampleur» dont «il est admis» (par qui ?) qu'il n'y en aura pas de nouveaux «tant que le cadre général du devenir de cette zone ne sera pas précisé».

Est-ce la traduction littérale - ou plutôt libérale - du souhait des associations de voir intégré dans la loi de déclassement : «Ce déclassement de la zone agricole est le dernier déclassement important acceptable avant l'établissement d'un plan cantonal de conservation et de gestion de l'environnement» ? Où sont d'ailleurs passées les autres demandes des associations ?

Si Reuters devait quitter Genève, le Conseil d'Etat en porterait une grande part de responsabilité, par tous ses manquements à la parole donnée, ses «omissions», ses pressions, ses demi-vérités ou vrais mensonges !

Du côté de l'emploi

Reuters représente un bon parti ! Pourvoyeuse d'emplois «propres», développant de nouvelles technologies, mondialement réputée dans le domaine des télécommunications et des transmissions de l'information, a priori solide, Genève lui fait les yeux doux.

Le seul volet finalement intéressant du projet de loi 7195 est donc bien celui de l'emploi et, subséquemment, des retombées directes et indirectes du projet de centre informatique international de Reuters.

Là aussi, tous les chiffres ont cependant été avancés. L'exposé des motifs parle ainsi d'une «augmentation d'une centaine de nouveaux postes de travail dans les trois ans à venir. A long terme (...), le nombre d'employés devrait continuer à s'accroître». On a également entendu le chiffre de400 emplois supplémentaires, on a même lu le chiffre de 800 dans certains journaux (bien informés ?). Que croire ?

La réponse la plus fiable semble donc bien être celle de Reuters - qui, sinon un employeur, connaît ses propres besoins présents et futurs en forces de travail ? La société emploie actuellement 312 employés et écrit que ses «besoins totaux à long terme» sont de «360 employés» (plaquette «Reuters, Centre informatique international à Collonge-Bellerive», page 9).

Le gain est donc de 48 emplois, bien sûr sans aucune garantie sur le nombre exact, sur la zone de recrutement des futur-es employé-es ni, bien sûr, sur une éventuelle préférence qui pourrait être accordée aux chômeuses et chômeurs de Genève.

Seulement voilà, dans le domaine de l'emploi, on ne peut pas, on ne doit pas parler seulement de chiffres.

Le chômage, ce n'est pas qu'une réalité statistique, un index sur du papier, des courbes qui descendent ou qui, malheureusement le plus souvent, montent. C'est une réalité concrète, c'est l'impression d'être mis au ban de la société, c'est l'angoisse de ne pas pouvoir régler toutes ses factures, c'est souvent le sentiment de honte, de culpabilité, d'inutilité - et ce ne sont pas les récentes révisions de la loi sur le chômage qui auront atténué ces faits.

Un mauvais projet est-il donc acceptable en échange de quelques dizaines d'emplois ?

Nos propositions

En pensant aux personnes qui vivent le chômage au quotidien mais aussi aux citoyen-nes qui nous ont élus pour veiller à la préservation de notre canton, nous devons essayer d'améliorer suffisamment ce projet pour qu'il devienne acceptable.

Ainsi, les socialistes proposent que l'on fasse tout ce qui est encore raisonnablement possible dans ce but.

Nous reprendrons donc, dans les amendements ci-dessous, les demandes de la Chambre genevoise d'agriculture et des associations de protection de l'environnement, demandes acceptées par le Conseil d'Etat et qui auraient dû figurer dans la loi de déclassement !

Ces amendements sont les suivants et vous voudrez bien les considérer l'un après l'autre (les éléments différents ou rajoutés y figurant en italiques).

1. Article 3, alinéa 1

Une étude agro-environnementale de revalorisation et de compensation portant sur un périmètre intercommunal centré sur le bassin de la Haute-Seymaz sera réalisée en vue de déterminer les mesures de compensations écologiques et agricoles nécessaires et prenant en compte les dessertes, accès, parkings et transports publics. La société Reuters assurera le financement de cette étude et les mesures compensatoires à prendre à raison de 1% du coût de réalisation du projet, l'étude ne devant pas dépasser 10% du coût compensatoire global.

2. Article 3, alinéa 2

L'autorisation de construire portant sur le projet de construction de la société Reuters ne sera délivrée qu'après le dépôt de l'étude agro-environnementale et comportera dans ses conditions les mesures compensatoires. Les mesures compensatoires seront mises en oeuvre dès l'ouverture du chantier.

3. Article 3, alinéa 3 (nouveau)

Les eaux de surface résultant de la construction du centre Reuters ne doivent pas être déversées dans le bassin versant de la Seymaz.

4. Article 3, alinéa 4 (nouveau)

Les surfaces de compensation agro-écologiques seront au moins équivalentes à celles de la zone déclassée conformément à l'article 1 de la présente loi.

5. Titre

Projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances ) et instituant un plan cantonal de conservation et de gestion de l'environnement.

6. Article 6 (nouveau)

Alinéa 1

Un plan cantonal de conservation et de gestion de l'environnement tenant compte notamment de la valeur et des fonctions de la zone agricole sera soumis au Grand Conseil dans un délai de 2 ans, dès l'entrée en vigueur de la présente loi. Le plan prévoira, notamment, que tout déclassement de la zone agricole est accompagné de mesures compensatoires agro-écologiques sur des surfaces équivalentes au périmètre déclassé.

Alinéa 2

Jusqu'à l'adoption du plan de conservation et de gestion de l'environnement, tout déclassement de la zone agricole portant sur une surface de plus de 5 000 m2 est interdit.

Les intérêts de notre canton sont parfois apparemment contradictoires, difficiles à concilier et (presque) toujours l'objet d'interprétations politiques différentes.

C'est toutefois bien pour« servir à la prospérité de la patrie qui nous a confié ses destinées » que nous nous engageons et que vous voudrez bien, Mesdames et Messieurs les député-es, accueillir favorablement nos propositions.

(M 1000)

LE GRAND CONSEIL,

Vu l'article 3 du projet de loi 7195-A modifié,

invite le Conseil d'Etat

à fixer le montant de la rente de superficie demandé à Reuters pour la mise à disposition du terrain déclassé à la Pallanterie en vertu de l'article 1er du projet de loi 7195-A, à un montant au moins équivalent à celui d'une rente calculée d'après la valeur des terrains qui seront reclassés en zone agricole en vertu de l'article 3 du projet de loi 7195-A modifié.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il paraît logique que l'opération de reclassement de terrain en zone agricole, en compensation des terrains déclassés à la Pallanterie, n'amène pas l'Etat à subir une perte patrimoniale supérieure à la rente foncière qu'il encaissera de Reuters pour les terrains déclassés à la Pallanterie.

Premier débat

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le projet de loi qui vous est soumis ce soir représente un enjeu considérable pour notre canton. Il pose un problème de fond. Est-il justifié de déclasser 42 000 m2 de zone agricole pour permettre l'implantation dans notre canton du nouveau siège de la société Reuters, leader de l'information et de la communication ?

Ce projet aura un impact au moins sur trois plans :

1) économique,

2) le rayonnement de Genève,

3) l'aménagement du territoire.

Je voudrais rappeler rapidement quelques éléments de ce dossier en laissant le soin à mon collègue, M. Jean-Philippe Maitre, d'évoquer dans le détail les enjeux économiques.

Comme vous le savez, la société Reuters est implantée dans notre canton depuis quinze ans déjà. Afin d'assurer une sécurité et une fiabilité optimales de ses activités, Reuters doit aujourd'hui dédoubler son centre informatique de Londres en créant un nouveau centre informatique international.

Deux solutions sont à l'étude : soit l'agrandissement du centre existant de Singapour, soit la création d'un nouveau centre à Genève. Cette dernière option sera préférée dans la mesure où Genève peut offrir le terrain et les infrastructures nécessaires à l'implantation du projet.

On nous a dit - j'ai pu le lire dans le texte qui vient d'être remis par M. Ferrazino - qu'un journaliste de «La voix ouvrière» aurait téléphoné chez Reuters à Singapour. La directrice des communications lui aurait affirmé qu'il n'y avait pas de projet de construction de centre «back up» à Singapour. Je m'inscris évidemment en faux contre cette déclaration, et je la corrige de la manière suivante :

Reuters n'a, effectivement, pas de projet de construction d'un immeuble neuf dans cette ville. En revanche, se trouve à Singapour, dans un parc de haute technologie, au 18 Science Park Drive, le Reuters South East Agence Center. Je tiens le numéro de téléphone à votre disposition, si vous le désirez. Le directeur de Singapour est M. Aniroula Serchi qui est le seul à pouvoir valablement renseigner les gens qui le voudraient.

Cette immeuble comporte suffisamment de places disponibles pour accueillir le centre mondial de «back up» prévu à Collonge-Bellerive, en plus du centre électronique pour le Sud-Est asiatique, mais Collonge-Bellerive aurait l'avantage de permettre à Reuters de construire un centre selon les nouvelles normes de sécurité en la matière. Celles-ci prévoient, parmi une foule de critères, des constructions isolées, basses, avec des garages qui ne soient pas situés en sous-sol sous les ordinateurs, cela pour limiter les perturbations. En effet, le centre Reuters de Jargonnant a connu des perturbations et des incidents de fonctionnement à cause d'incendies qui se sont déclarés dans le garage, ce qui a beaucoup gêné le fonctionnement du centre.

Enfin, s'il est exact que le centre de Singapour pourrait être installé dans un immeuble de quatre à cinq étages, il faut rappeler que la population de cette ville est d'un million d'habitants au centre et de trois millions pour l'agglomération. L'échelle genevoise est bien différente.

Pour Reuters, les critères déterminant la localisation du projet sont nombreux, précis et impératifs. J'insiste sur le fait qu'un critère n'a jamais été prépondérant, le choix du site constructif s'étant effectué en fonction de plusieurs critères, entre autres le réseau de fibres optiques. M. Robyr, de Télécom, a souligné que de tels réseaux pouvaient se construire sur différentes parcelles à Genève, mais on sait que c'est plus facile à Collonge-Bellerive, car il y a trois entrées. C'est pour des raisons de sécurité et de coûts, surtout, que les bâtiments ne doivent comporter qu'un seul niveau ou deux au maximum, sans garage sous les ordinateurs, je le répète. Cela entraîne une nécessité de construire sur une parcelle de terrain très grande, soit 40 000 m2 pour une surface de plancher de 20 000 m2.

Le site de la Pallanterie a été retenu, car il est le seul à répondre en tous points aux critères de l'entreprise. Il va sans dire que si un autre site en zone à bâtir avait réuni les mêmes conditions, il aurait été choisi.

Le projet est conforme aux objectifs de l'aménagement du territoire. L'implantation d'emplois sur la rive gauche présente l'intérêt de rééquilibrer le développement urbain. Le lieu choisi permet de renforcer un pôle d'activités existant à la Pallanterie, dont l'extension est également envisagée par la création de la zone artisanale de Compois, qui a été initiée par le précédent gouvernement.

Ce pôle jouxte la zone à bâtir existante qui est située sur un axe important. «L'entrée de la ville» est marquée par la «tour» du silo actuel et la future réalisation architecturale de Reuters.

Ce projet, de même que celui de la zone artisanale, implique effectivement l'affectation en zone à bâtir d'une importante surface agricole. Toutefois, aucun intérêt prépondérant d'aménagement ne s'y oppose. Le site, certes de qualité, ne présente pas une valeur exceptionnelle. Les surfaces d'assolement seront diminuées sans pour autant que le quota imparti au canton soit entamé et, de plus, des compensations agricoles et écologiques seront réalisées.

C'est ainsi que l'Office fédéral de l'aménagement du territoire, consulté par notre service cantonal, a pris acte des projets et estime qu'il n'est pas nécessaire de modifier le plan sectoriel des SDA. Il partage l'avis du DTPE, à savoir que ces projets s'inscrivent dans les limites fixées par le plan directeur cantonal. Il s'agit donc simplement de procéder à une modification de ce dernier. Conformément au plan directeur cantonal, les mesures de compensation écologiques et agricoles seront prises en charge par la société Reuters.

C'est une grande première : dès qu'un déclassement d'un périmètre en zone agricole a été envisagé, une concertation a été engagée avec les associations genevoises de protection de la nature, les milieux agricoles, la Société d'art public et le World Wildlife Fund. Une étude agro-environnementale complète devra définir les mesures compensatoires, et ces exigences ont déjà été introduites dans le projet de loi, non pas dans les articles de loi mais dans l'exposé des motifs. Cette étude a été confiée au bureau ECOTEC. Le travail a été commencé le 19 janvier et il est presque à moitié terminé. Il devrait être achevé avant la mise à l'enquête de Reuters, si vous votez le projet.

Le récent revirement du WWF m'apparaît incompréhensible. Il est certainement dû à une erreur d'interprétation de Mme Françoise Chappaz. Tous les éléments d'appréciation ont été fournis aux associations, dans la plus grande transparence. Nous avons eu, il est vrai, un litige sur un seul point : la notion de compensation mètre pour mètre des surfaces de Reuters.

J'affirme, une fois de plus, que si le site de la Pallanterie est très favorable du point de vue du réseau de fibres optiques, comme M. Robyr l'a confirmé à la commission d'aménagement de votre Conseil, cependant, comme nous venons de le voir, les spécifications du terrain ont été considérées d'un point de vue global. Par exemple, les terrains de Veyrier ou de Battelle ne correspondent pas aux critères fixés par Reuters.

Ainsi, je vous confirme que les exigences des associations diverses ont été intégralement prises en compte et figurent dans le projet de loi. Le 31 octobre, la prise de position de l'AGPN, de la CGA, de la SAP et du WWF a fait l'objet d'un protocole d'accord, de même que le cahier des charges et le déroulement dans le temps de l'étude agro-environnementale. Ces conditions ont de tout temps figuré dans l'exposé des motifs.

J'ai pris connaissance, avec beaucoup d'intérêt, des rapports de minorité qui ont été effectués. Nous avons travaillé pour aboutir à un consensus; il me semble donc tout à fait normal d'entrer en matière sur les propositions faites dans les rapports, s'agissant des mesures de compensation particulièrement.

Je propose que, à la forme, l'on ne prévoie pas un plan cantonal de conservation et de gestion de l'environnement, mais qu'on l'intègre dans le plan directeur cantonal sous forme d'un schéma d'aménagement de l'espace naturel et rural, cela pour des raisons de droit fédéral, lequel prévoit un seul plan directeur cantonal doté des plans concernant l'ensemble des disciplines nécessaires. Pour le détail de ces amendements, la discussion permettra d'affiner les idées.

En conclusion, j'appelle de mes voeux la réalisation de cet important projet qui présente un intérêt évident pour notre collectivité, affirmant ainsi la position de Genève comme place internationale.

J'encourage, d'une part, la société Reuters à poursuivre ses efforts pour concrétiser ce projet d'entreprise, et, d'autre part, votre parlement à voter massivement la modification de zone nécessaire à sa réalisation.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Monsieur le secrétaire, je vous prie de lire la lettre reçue de l'Association genevoise pour la protection de la nature, de la Société d'art public et de la Chambre genevoise d'agriculture.     

Annexe lettre Ass. Gen. Protection de la nature, la Société d'art public et la Chambre genevoise d'agriculture

deuxième page

M. Pierre Kunz (R). Madame la présidente, auriez-vous l'amabilité de faire lire le courrier reçu du Cercle des dirigeants d'entreprises.

La présidente. Il en sera fait ainsi. Monsieur le secrétaire, veuillez également lire la lettre du WWF.

Annexe lettre WWF

page 2

+ lettre cercle dirigeants d'entreprises

M. John Dupraz. C'est un privilège insupportable !

M. Bénédict Fontanet. Je suis d'accord avec M. Dupraz c'est un privilège insupportable, mais vous pourrez largement vous exprimer tout à l'heure.

Il est peu usuel qu'un député intervienne dans un débat avant les rapporteurs, qui relatent très fidèlement à notre Grand Conseil les débats de commission.

Il est toutefois des débats et des discussions qui dépassent le cadre strict de nos petites querelles de politique politicienne. Indubitablement le dossier Reuters est un de ces dossiers majeurs en matière d'économie, d'emploi, d'aménagement, cas échéant également d'écologie, qui doit dépasser le cadre strict de ces querelles politiciennes, qui trop souvent nous opposent.

Au vu des différents rapports de majorité et de minorité, certains d'entre nous ont estimé indispensable d'essayer de trouver, dans toute la mesure du possible, un consensus sur cet objet. Et d'aucuns, quel que soit le bord politique auquel ils appartiennent, ont travaillé d'arrache-pied ces derniers jours pour essayer de rédiger un texte qui rencontre l'adhésion d'un maximum de partis politiques présents dans ce Grand Conseil. Nous nous sommes donc mis d'accord sur des amendements - distribués sur vos pupitres - qui devraient rencontrer une très large adhésion de ce Grand Conseil, puisqu'ils émanent des chefs de groupe socialiste, écologique, radical, démocrate-chrétien et libéral, qui les ont signés.

Nous avons essayé, dans le cadre de ces discussions et de ces négociations, de tenir compte des intérêts et des préoccupations de chacun, s'agissant notamment du futur de la zone agricole, des compensations écologiques et agro-environnementales. Nous sommes donc certains que, moyennant le vote de ces amendements, aussi unanimement que possible, le projet Reuters sera susceptible d'être adopté par ce Grand Conseil.

Je ne vous présenterai pas ces amendements maintenant; cela se fera lors du second débat. Mais je vous invite d'ores et déjà, Mesdames et Messieurs les députés, pour manifester notre volonté d'accueil par rapport à cette grande société Reuters, pour faire en sorte que «Genève gagne»... (L'orateur est interpellé par Mme Reusse-Decrey.) Pour que Genève triomphe, alors ! Cela vous va, Madame Reusse-Decrey ! ...pour manifester très clairement notre volonté de voir s'installer des entreprises aussi importantes pour l'emploi que l'est Reuters, à voter très massivement et ce projet de loi et les différents amendements, qui sont le fruit d'un travail de consensus longuement et mûrement réfléchi.

La présidente. Le Bureau vient d'être saisi d'une proposition de motion concernant le projet de loi 7195 dont nous discutons. Je vais vous faire photocopier cette motion, et, après que les rapporteurs se seront exprimés, vous nous direz si vous êtes d'accord de joindre la discussion concernant cette motion à la discussion présente, étant donné qu'elle ne nous avait pas été annoncée. Cette proposition de motion émane de Mme et MM. Christian Ferrazino, Liliane Maury Pasquier, Jean-François Courvoisier et Chaïm Nissim.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Permettez-moi, en complément de mon rapport, de vous citer un texte de Jean de La Fontaine, dont nous célébrons le jubilé cette année. Je cite :

«Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où,

Le héron au long bec emmanché d'un long cou»

Je vous ferai grâce de la partie descriptive de cette fable que vous connaissez. Le héron rencontre une carpe et un brochet, mais il n'est pas en appétit. Un peu plus tard, quand l'appétit vient, il trouve une tanche qu'il néglige - car il la juge méprisable - puis il voit un goujon qu'il considère comme indigne d'un héron et, finalement, lorsque la faim le tenaille, il se contente d'un limaçon !

M. John Dupraz. C'est bon les limaçons !

M. René Koechlin, rapporteur de majorité. Chacun ses goûts, Monsieur Dupraz ! Je prends note, et il sera inscrit au Mémorial que M. Dupraz aime les limaçons ! (Rires.)

Je vous cite le texte de la moralité de cette fable :

«Ne soyons pas si difficiles,

Les plus accommodants, ce sont les plus habiles,

On hasarde de perdre, en voulant trop gagner

Gardez-vous de rien dédaigner,

Surtout quand vous avez à peu près votre compte.

Bien des gens y sont pris. Ce n'est pas aux hérons

Que je parle. Ecoutez, humains, un autre conte.

Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.

Saisissez votre chance à l'instant et au lieu,

Qui vous l'offrent à choix par la grâce de Dieu.»

Une voix. Amen ! (Rires.)

M. René Koechlin, rapporteur de majorité. Si cette citation n'élève pas le débat, elle devrait au moins nous aider à prendre du recul vis-à-vis de ce projet dont l'importance est primordiale pour notre cité... (L'orateur est gêné par les remarques de certains députés.) Je constate que certains députés entendent ramener le débat au niveau des pâquerettes ! Je leur en laisse la responsabilité. Je vous invite donc à prendre de la distance par rapport à la «marmite politique» - j'allais dire «politicarde» - laquelle, en regard de l'enjeu, paraît pour le moins provinciale !

En effet, nous sommes depuis peu confrontés à la concurrence. Oui, Genève, en tant que cité internationale, doit de plus en plus se mesurer à la concurrence internationale. C'est précisément pour y faire face que nous devons prendre une certaine distance par rapport au problème et comprendre qu'il s'agit de notre cité face à d'autres villes d'Europe, comme, par exemple, Berlin pour Télécom. En effet, cette cité a posé sa candidature pour cette manifestation dans quatre ans. Télécom ayant été créé dans notre ville, nous pensions que sa présence chez nous était une sorte de privilège, presque un monopole genevois; mais c'est faux, car il est remis en cause, maintenant; et bien d'autres seront remis en cause au cours des prochaines années. Nous devons nous armer, apprendre à faire face à cette concurrence, quitte à consentir quelques sacrifices. Nous devons changer nos mentalités et comprendre que Genève ne pourra pas, comme auparavant, persister à croire que le simple fait de donner l'image d'une cité internationale et d'une cité d'accueil est suffisant pour préserver le succès qu'elle a toujours connu.

Le débat de ce soir est un avertissement pour toutes les classes politiques et pour tous les citoyens responsables que nous sommes. L'état d'esprit dans lequel maints amendements - ils ont été beaucoup plus nombreux que ceux qui vous sont présentés sur la feuille jaune - ont été négociés par les représentants de tous les groupes de ce Grand Conseil et les accords sur certains d'entre eux auxquels, finalement, nous sommes parvenus, me laissent augurer de la qualité du débat qui s'annonce, cela en dépit de certaines déclarations fracassantes qui font partie du jeu politique - je dirais même du plaisir de débattre que je partage largement - qui n'exclut pas la véhémence, dont je suis aussi amateur. (Applaudissements sur les bancs de droite.)

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Monsieur Koechlin, je n'utiliserai pas une autre fable en guise d'introduction. Dans ce dossier, on a pris l'habitude de faire appel aux fables. Mais le meilleur poète, semble-t-il, de cette enceinte est M. Joye qui a créé une fable toute entière en nous parlant de concurrence avec Singapour - laquelle n'existe que dans son esprit ! J'y reviendrai tout à l'heure, Monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord donner quelques explications sur le dépôt de ce rapport complémentaire, que vous avez trouvé sur vos places. En commission, nous avons demandé que M. Marchand soit à nouveau auditionné. Pourquoi? Parce que la commission de l'aménagement s'était rendue dans les bureaux de Jargonnant, où se trouve actuellement la société Reuters, et nous pensions avoir l'occasion et le temps de poser toutes les questions pertinentes à son directeur, questions qui avaient été soulevées dans le cadre de nos travaux.

Après une visite fort intéressante d'ailleurs des huit étages des locaux et après avoir visionné une vidéo sur la société en question - suffisamment intéressante pour que nous puissions vous donner quelques renseignements supplémentaires tout à l'heure - nous avons participé à un apéritif fort sympathique. Un verre de vin blanc dans la main gauche et un petit toast dans la main droite, nous avons eu l'occasion de poser des questions au président de Reuters. Mais, en l'espace d'une demi-heure, nous avons posé seulement deux ou trois questions auxquelles il a été répondu évasivement.

Nous avions pensé que cette société d'information était à la hauteur de sa réputation et qu'elle voulait le prouver dans le cadre du dossier qui l'intéressait. Forts de cette conviction, nous avons demandé en commission de l'aménagement d'auditionner à nouveau le directeur de Reuters pour lui poser les questions pertinentes qui n'avaient pas eu de réponses satisfaisantes lors de notre visite à Jargonnant. La majorité de la commission - il faut le savoir - a refusé cette audition complémentaire; pourtant, cela aurait reporté nos travaux d'une semaine seulement, ce qui nous aurait permis d'être dans les délais pour les débats de ce soir.

Alors, j'ai décidé d'écrire à M. Marchand, et, du reste, vous aurez constaté que cette correspondance figure en annexe de mon rapport. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps d'obtenir toutes les réponses voulues avant l'impression de ce rapport. Je vous livre donc, en complément de ce rapport, les nouvelles réponses du directeur de Reuters, sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure.

Madame la présidente, pour éviter de donner lecture de ce rapport complémentaire, je demanderai simplement qu'il soit intégré au Mémorial, à moins qu'il n'y ait une objection à cet égard.

La présidente. Il en sera fait ainsi.

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Je vous remercie, Madame la présidente.

Après ce préambule, je tiens, en premier lieu, à faire part de notre satisfaction que les partis de l'Entente aient repris à leur compte nos amendements, alors que ces mêmes partis s'étaient montrés plutôt intransigeants en commission à l'égard de toutes nos propositions. J'en suis pleinement satisfait et je m'en félicite. (Brouhaha.) Pour nous, l'exigence minimale, dans ce dossier... (La présidente fait sonner sa cloche.)

La présidente. Monsieur Annen, s'il vous plaît, laissez le rapporteur de première minorité s'exprimer ! Je vous donnerai la parole si vous la demandez.

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Madame la présidente, comprenez que M. Annen n'a pas l'habitude de voir intégrer des amendements provenant de nos rangs dans les amendements déposés par le parti qu'il représente !

Pour nous donc, l'exigence minimale, dans ce dossier, était de trouver une compensation en nature tant quantitative que qualitative. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons formulé une proposition concrète, car nous savons qu'il existe de bonnes terres agricoles dans les zones de bruit NNI. Dans l'amendement que nous avions formulé dans le rapport de première minorité, nous avons précisément fait allusion à ces zones NNI, en toute connaissance de cause, dans la mesure où elles sont inconstructibles au regard du droit fédéral et où elles sont situées en l'occurrence en zone villa au regard du droit cantonal.

Puisque nous en sommes au moment des congratulations, je me félicite que le département des travaux publics se soit finalement déclaré ouvert à cette solution, ce qui n'avait pas été le cas non plus dans le cadre des travaux en commission d'aménagement. Mais, alors, il est important que l'Etat, dans le cadre de cette compensation en nature, ne subisse pas de préjudice de ce simple fait !

Monsieur Joye, vous m'aviez dit, le 20 janvier dernier, lors du premier débat, que j'étais quelque peu impatient de connaître le montant de la rente de superficie, et que nous aurions toutes les informations en commission. Si je n'ai pas posé la question dix fois en commission, je ne l'ai jamais posée ! A l'heure où nous vous parlons, avant même de devoir voter sur ce projet, l'ensemble des députés de ce parlement ignore toujours cet élément pourtant crucial !

C'est pour cette raison que je dépose, avec d'autres députés, notamment les deux autres rapporteurs de minorité, une motion qui reprend un amendement que nous allions déposer ce soir. Cela nous a paru logique et cohérent de procéder ainsi pour que le montant de la rente de superficie, qui sera réclamée par l'Etat à Reuters, soit calculé en fonction de la valeur des terrains qui seront reclassés en zone agricole.

A ce sujet, Madame la présidente, je vous demanderai simplement que cette motion soit votée après le premier débat, dans le cadre des travaux sur ce projet de loi.

La présidente. Monsieur Ferrazino, je pensais qu'il serait plus judicieux, au cas où le Grand Conseil accepterait d'entrer en matière sur votre motion, de faire intervenir le vote entre le deuxième et le troisième débat.

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Je suis d'accord, Madame la présidente, avec ce mode de faire.

Cela étant, j'en ai encore pour quelques minutes si vous me le permettez...

La présidente. En tant que rapporteur, votre temps de parole n'est pas limité !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Je n'en abuserai pas, rassurez-vous, à moins que... (Remarque de M. Balestra.) ...M. Balestra ne le désire !

Le fait que ces exigences minimales soient remplies ne signifie pas pour autant que nous soyons satisfaits de ce projet. En effet, nous persistons à penser que la démarche retenue n'est pas satisfaisante et constitue un grave précédent. Je dirai d'ailleurs qu'une pareille conception de l'aménagement du territoire peut éventuellement être appliquée une fois, mais nous risquons fort, Mesdames et Messieurs les députés, de recevoir d'autres demandes de ce type - et vous le savez bien - qui conduiront à une disparition progressive de la campagne genevoise. Le plus grave est qu'on ne peut pas se permettre, vu l'exiguïté de notre canton, un pareil gaspillage du territoire. Il est paradoxal que ceux qui, en d'autres circonstances, préconisent en zone urbaine des densifications excessives suggèrent aujourd'hui une sous-densification dans le cadre de ce projet.

Par ailleurs, la politique consistant à rejeter les activités à l'extérieur de la ville provoque de graves problèmes au niveau des transports : accroissement des transports individuels, demande de développement du réseau des TPG - très coûteux, comme vous le savez, pour la collectivité - sans parler du fait que ces terrains doivent être équipés, ce qui constitue une lourde charge pour la même collectivité, alors qu'il existe - vous le savez également - des terrains déjà équipés, qui sont actuellement inutilisés. Le plus grave pour nous est qu'une société multinationale disposant de moyens énormes impose une telle solution à la collectivité avec toutes les conséquences négatives que cela implique, dans le seul but d'obtenir la solution la plus avantageuse possible, c'est-à-dire - je crois que vous l'avez bien compris, et les syndicats eux-mêmes l'ont relevé - des terrains bon marché et des facilités fiscales.

Je vous le demande : quelle société pourrait s'offrir, que ce soit ici à Genève ou ailleurs dans d'autres capitales européennes, 40 000 m2 de terrain en zone à bâtir ? L'objectif de Reuters est clair : cette société veut du terrain bon marché pour y installer ses bureaux !

M. Bernard Annen. Et puis alors ?

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Cela étant dit et expressément reconnu, Monsieur Annen, on n'accepte pas toutes les fausses explications qui ont été données par le Conseil d'Etat dans ce dossier. J'ai dit tout à l'heure que, suite à la fable de M. Koechlin, M. Joye nous avait habitués non à nous lire mais à nous construire des fables !

En effet, Monsieur le président, vous venez de dire tout à l'heure dans votre déclaration préliminaire : «Il n'y a pas de projet d'immeuble neuf à Singapour, je le reconnais.». Il faut noter que c'est la première fois que vous faites cette déclaration et que celle-ci est en contradiction avec l'exposé des motifs du projet de loi que vous nous avez soumis le 20 janvier dernier et dans lequel vous disiez : «Deux solutions sont à l'étude, dont l'agrandissement du centre existant de Singapour.». (Chahut.) Ne dites donc pas de contrevérités, aujourd'hui ! Vous avez affirmé durant tous ces travaux, depuis le début... (Huées. La présidente demande à l'orateur d'attendre que le calme revienne.) Je sais que lorsque le président du département des travaux publics est pris en flagrant délit de mensonge, les députés des bancs de l'Entente réagissent. Monsieur Joye, dans le cadre des travaux en commission, vous nous avez indiqué - comme M. Maitre, du reste - qu'il y avait une concurrence réelle entre Singapour et Genève.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Exact !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Il s'avère aujourd'hui qu'il n'en est rien et que le centre de Singapour n'est pas même au courant du projet dont nous discutons à Genève. Des journalistes ont téléphoné et nous ont relaté toute la correspondance échangée... (Chahut. Sifflements. Exclamations. La présidente fait sonner sa cloche.) ...nous sommes donc particulièrement bien informés.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Parlez des faits !

La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, je vous en prie ! Je vous donnerai la parole si vous me la demandez, mais tâchons, au moins, de débattre dans le calme.

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Monsieur Joye vous voulez des faits, alors, pour vous faire plaisir, je vais parler du discours que vous avez tenu tout au long de la présentation de ce projet de loi. Tout le monde se rappellera - il n'y a pas si longtemps de cela - que votre argument, à vos yeux massue, pour que Reuters s'installe à la Pallanterie était l'existence du double réseau de fibres optiques. Or, il s'est avéré qu'il n'en était rien. M. Robyr, entendu en commission, a carrément dit que ce double réseau de fibres optiques n'existait pas à l'heure actuelle à la Pallanterie et qu'il devait être relié à celui de la commune voisine. Il a ajouté - ce qui est le plus important - que l'on pouvait créer de tels réseaux à peu près partout dans le canton et qu'il était d'ailleurs beaucoup plus facile de le faire dans le centre ville, puisqu'il existe beaucoup de canalisations. Voilà l'information que vous nous distillez, Monsieur Joye ! Vous me permettrez, à tout le moins, de la contredire sur la base des déclarations du directeur de Télécom.

Vous nous avez également dit que Reuters devait impérativement être construit sur deux niveaux pour des motifs de sécurité, et vous savez que tel n'est pas le cas dans la mesure où Reuters occupe un bâtiment de cinq étages construit depuis deux ans à Singapour, ce que vous vous êtes bien gardé de nous indiquer, mais nous l'avons su. Le centre informatique est installé dans le sous-sol. C'est dire qu'il est très possible de faire à Genève ce qui se fait à Singapour et que rien ne s'oppose à ce que Reuters construise son centre informatique, par exemple, au rez-de-chaussée et que les bureaux soient situés au-dessus, afin de ne pas gaspiller davantage le territoire cantonal.

Vous avez aussi indiqué que le centre informatique de Reuters ne pouvait pas être réalisé dans une zone d'activité, car les problèmes soulevés par les trépidations qui en résulteraient seraient incompatibles avec les activités de ce centre. Nous nous sommes renseignés sur la situation du centre informatique de Singapour. Vous savez peut-être, Monsieur Joye, que ce centre est opérationnel pour toute l'Asie et qu'il se trouve situé à côté de la plus grande autoroute de Singapour.

Vous avez encore dit que le centre ne pouvait être construit nulle part ailleurs à Genève, qu'une dizaine de sites - vous avez même prétendu qu'il y en avait trente-neuf, le chiffre variant au fil des débats en commission - avaient été analysés et qu'aucun d'entre eux ne se prêtait au projet de Reuters. Or, en retenant un autre parti architectural ce projet est réalisable à plusieurs endroits à l'intérieur des zones à bâtir. Bien évidemment, si l'on retient le projet architectural consistant à construire sur deux niveaux, c'est-à-dire un étage sur rez, 22 000 m2 de surface de plancher, il faut 44 000 m2 de terrain. Mais si toutes les entreprises devaient construire ainsi, il ne resterait plus un seul centimètre de la campagne genevoise !

Vous avez aussi dit, Monsieur Joye, que la terre de la Pallanterie n'était pas de la bonne terre agricole, ce qui est faux. Non seulement la Chambre genevoise d'agriculture nous a convaincus du contraire, mais un simple transport sur place de la commission a permis de réaliser de visu qu'il n'en était rien.

Vous avez également prétendu - ce n'est pas le moindre des arguments évoqués par le Conseil d'Etat - que le centre de Reuters devait permettre de créer cinq cents emplois : c'est la déclaration fracassante que nous avons entendue, il y a quelques mois de cela. Par la suite, avec prudence, on a avancé l'ordre de grandeur de quelques centaines pour arriver à deux cents emplois, puis à une centaine. Moi-même j'avais indiqué le chiffre de nonante et M. Marchand, dans une correspondance postérieure, parle d'une soixantaine d'emplois. Si vous faites le compte entre le nombre d'emplois qu'il souhaite créer et les emplois existants, vous vous apercevez, en fait, qu'il s'agit de quarante-huit emplois nouveaux seulement. Je ne dis pas que ce n'est rien, bien au contraire. Je dis simplement que l'information distillée par le Conseil d'Etat, qui nous a fait croire que cela apporterait des centaines d'emplois, est totalement fausse.

En conclusion de cette première intervention, je dirai, Madame la présidente, qu'il est inacceptable que tant de fausses indications aient été données au sujet de ce projet. Il est inacceptable que le Conseil d'Etat ait utilisé l'argument de la création d'emplois, emplois qui ne profiteront, d'ailleurs, probablement pas à la population genevoise - nous reviendrons sur ce point tout à l'heure, car nous présenterons un amendement à ce sujet en deuxième débat - alors que le but réel de Reuters est de construire ses bureaux et ses locaux d'activité sur des terrains bon marché et avec des avantages fiscaux non négligeables, puisque le terrain convoité est situé sur une commune dont les centimes additionnels sont les plus bas du canton de Genève. (Applaudissements de l'Alliance de gauche.)

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Rassurez-vous, Madame la présidente, je serai beaucoup plus bref que mon préopinant.

Mon groupe est très satisfait qu'un arrangement ait pu être trouvé sur le projet de Reuters. En fait, il n'est peut-être pas utile de «s'engueuler» autant, puisque nous serons tous d'accord sur ces amendements.

Les deux premiers paragraphes de mon rapport ont été mal compris par ma présidente. Comme il se pourrait que cela soit le cas pour d'autres personnes, je voudrais donc préciser ma pensée. J'ai voulu mettre en balance les quelque 40 000 m2 à déclasser avec un certain nombre d'emplois, sans rentrer dans une querelle de chiffres, car ce qui compte ce sont les emplois. J'ai donc fait une moyenne des chiffres avancés par les uns et les autres et je suis arrivé à un ordre de grandeur de trois ou quatre cents emplois. J'ai donc mis ces éléments dans les plateaux de la balance.

Après avoir écrit mon rapport, j'ai appris par un ami, membre du conseil d'administration de Reuters... (Exclamations.) ...que cette société faisait des réserves depuis dix ans pour son futur déménagement. Cela signifie qu'ils versent moins de dividendes à leurs actionnaires depuis dix ans en prévision de ce déménagement et pour ne pas avoir à sortir 40 millions d'un seul coup. Je trouve cette attitude tout à fait raisonnable. Pendant ces dix années, Reuters a étudié un certain nombre de sites présentant des avantages et des inconvénients. Le site de la Pallanterie - il faut le reconnaître - est joli, bon marché, tranquille et donc intéressant, mais ce n'était pas le seul site possible. Cet ami me l'a confirmé très naïvement et très sincèrement.

Cela me conduit à exprimer un seul regret : c'est que les éléments de ce dossier n'aient pas été «mis sur la table» par M. Maitre et par M. Joye. Ils auraient dû nous informer de leurs véritables préoccupations et de celles de Reuters. Ils nous ont abreuvés de faux arguments, comme celui du réseau de fibres optiques, fibres qui existent un peu partout et qui sont très bon marché, celui des antennes, qui auraient pu être étudiées ailleurs, celui de la proximité de Jargonnant, alors que tout le centre va être regroupé à la Pallanterie, etc. En réalité, les véritables arguments de ce dossier n'ont pas été dévoilés. Pourtant - cela est vrai et je lui en donne acte - M. Ferrazino a demandé au moins dix fois quel était le coût de ces terrains. Aujourd'hui encore on ne le sait pas, ce qui est effectivement regrettable. C'est la raison principale des trois rapports de minorité.

Mme Liliane Maury Pasquier (S), rapporteuse de troisième minorité. Comme vous le savez, vu sous l'angle de l'aménagement, le projet de loi 7195 ne nous plaît pas. Il ne nous plaît pas parce qu'il permet le déclassement de plus de 40 000 m2 de bonne terre agricole et parce qu'il ne fait pas partie d'une conception globale de l'aménagement du territoire.

Et puis, il nous déplaît également profondément, car il n'a pas été bien géré par le Conseil d'Etat. En effet, lorsqu'on désire qu'un projet, jugé «important», aboutisse on agit en conséquence, et le développement de Reuters à Genève est un projet important.

Agir en conséquence, c'est certes ne pas brader notre territoire, faire valoir les atouts qui sont les nôtres - nous en avons - et obtenir ainsi de l'entreprise qu'elle s'installe sur l'un des nombreux terrains, en zone à bâtir, à sa disposition dans notre canton, terrains tout à fait adaptés à ses besoins.

Agir en conséquence, c'est associer tous les acteurs du projet - comme cela a été fait à juste titre, je tiens à le relever - et notamment les éventuels opposants au projet. Mais lorsqu'un accord est trouvé - M. Joye parlait tout à l'heure de concertation - encore faut-il le respecter pour que les partenaires ne deviennent pas alors mouvement d'opposition.

Agir en conséquence, c'est travailler avec le parlement pour obtenir une solution la plus consensuelle possible. Cela signifie une réelle collaboration, la transparence, la vérité, l'information, le temps à disposition et non pas des mensonges, les mauvais prétextes, le chantage, les pressions diverses, encore moins les injures.

Agir en conséquence, c'est s'abstenir de dire que la gauche genevoise est la plus bête du monde, en oubliant sans doute que cette gauche a réuni, il y a deux ans, 44% des suffrages d'électrices et d'électeurs qui pourraient bien se souvenir dans deux ans d'avoir été, par la même occasion, traités d'être «l'électorat le plus bête du monde» !

En tout cela, le Conseil d'Etat a très mal géré ce dossier; si mal que, jusqu'à hier, rien n'a été fait pour que ce projet aboutisse vraiment. Heureusement, la minorité de ce parlement, comme sa majorité d'ailleurs, du moins je l'espère, tient à promouvoir l'emploi à Genève. C'est ainsi que nous avons eu de nombreuses conversations téléphoniques, discussions, rencontres et palabres pour arriver à la solution et aux amendements que nous vous présenterons ce soir. Ce travail, cette recherche de consensus pour l'emploi est l'exemple même de ce qui aurait dû être fait, d'abord, dès l'élaboration du projet de loi du Conseil d'Etat et, ensuite, puisque ce projet de loi n'était pas adéquat, lors des travaux en commission. Tel n'a malheureusement pas été le cas, ce qui a conduit aux péripéties que vous savez.

Nous sommes heureusement en mesure de vous proposer ce soir une solution à même de satisfaire - nous semble-t-il - le plus grand nombre d'entre nous, et je me permettrai de présenter les amendements de cinq des six chefs de groupe de ce Grand Conseil, lors du deuxième débat. (Applaudissements.)

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. M. Ferrazino s'attribuait tout à l'heure la paternité de tous les amendements, alors que la majorité d'entre eux - je tiens à le signaler - émane du groupe socialiste. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le rapport de Mme Maury Pasquier, membre d'un groupe auquel M. Ferrazino n'appartient pas, que je sache !

Les deux premiers de ces amendements - eh, oui ! - relèvent d'une proposition de votre serviteur, faite en commission pour tenter de trouver sinon un consensus du moins une majorité. Il faut tout de même mettre les choses au point.

M. Ferrazino évoque le problème des transports que pose l'implantation de Reuters à la Pallanterie, implantation qu'il conteste. Mais c'est tout le contraire d'un inconvénient, du point de vue de la circulation ! En effet, depuis des décennies, Genève tente de répartir ses activités sur l'ensemble de son territoire, en vain, parce que la demande d'implantation d'activités à Genève se concentre, dans son écrasante majorité, sur la rive droite et, pour le solde, dans le secteur compris entre l'Arve et le Rhône.

Par contre, il n'y a pratiquement aucune demande pour le secteur compris entre l'Arve et le lac. Cela provoque des problèmes de circulation que nous voudrions précisément réduire, car cela accentue le déséquilibre entre les implantations des activités et celle des logements; les mouvements pendulaires ainsi engendrés créent des bouchons aux heures de pointe, cela est bien connu. Or, Reuters nous donne une occasion unique d'entamer ce rééquilibrage souhaité depuis des années. Et nous ne voudrions pas la saisir ? Ce serait une erreur extrêmement grave, qui serait en contradiction avec toutes les tentatives menées non seulement par les pouvoirs publics mais par les hommes politiques de ce canton depuis des années, voire des décennies !

M. Ferrazino, dans son dernier rapport, que j'ai pris le temps de lire malgré le délai assez court, cite tous les handicaps présentés par Singapour, notre concurrente : cinq étages et la proximité d'une route à grand trafic. Et il propose de doter Genève de ces mêmes handicaps, ce qui est vraiment le comble ! Quand un adversaire présente un défaut, Monsieur, il faut l'exploiter si l'on veut gagner la partie; mais il ne faut surtout pas s'évertuer, comme vous le faites, à s'en doter par tous les moyens. Proposer que Reuters construise ses locaux sur cinq étages à Genève, sachant que cela pose des problèmes de sécurité et que, précisément, ce sont les handicaps de notre concurrente, c'est franchement ridicule !

Ce qu'il faut, Monsieur, c'est connaître les atouts de son adversaires et tenter d'y trouver des compensations. Or, les atouts de Singapour sont principalement de nature économique. Reuters y possède déjà le bâtiment; il en dispose. Ce serait donc une économie de 40 millions dans une première étape, puis de 100 millions, ce qui n'est franchement pas rien. Il faut donc que nous compensions cet atout.

En effet, l'implantation de Reuters à Genève est beaucoup plus coûteuse; mais l'entreprise part du principe que, si elle consent des dépenses en investissements, elle trouve, en contrepartie, une solution qui du point de vue de la sacro-sainte sécurité - point fondamental pour l'exploitation de cette firme - est nettement meilleure sinon inégalable, il faut bien le dire. C'est la vérité et cela ressortait des consultations auxquelles nous avons procédé et, notamment, de l'exposé du président de l'entreprise lui-même, lors de la visite à la place Jargonnant. Je ne vous apprends donc rien, mais rafraîchis la mémoire de ceux qui l'ont un peu courte ! (Applaudissements.)

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Je ferai une brève réponse aux deux observations qui viennent d'être faites par M. Koechlin.

Tout d'abord, j'ai parlé de l'amendement que nous avions formulé dans notre rapport de minorité et je laissais le soin, bien évidemment, aux autres rapporteurs de minorité de développer les leurs.

Qui va contester l'atout de Reuters pour Genève, Monsieur Koechlin ? Vous savez pertinemment que tout le monde a reconnu l'intérêt d'un projet économique. Simplement - et c'est là où il faut pousser votre raisonnement jusqu'au bout - pourquoi faire en zone agricole ce qui peut se faire ailleurs ? Vous savez très bien qu'un des principes du plan directeur est précisément d'utiliser toutes les zones constructibles avant de procéder à des déclassements.

Et là, comme par hasard, le raisonnement s'estompe pour arriver à la conclusion qu'il faut dire oui ! Un député libéral a même suggéré qu'il fallait se mettre à genoux pour dire merci ! Si c'est votre conception de la politique de l'aménagement du territoire, vous nous permettrez d'en avoir une autre ! Il n'appartient pas aux sociétés privées - fussent-elles multinationales - de dicter les conditions au gouvernement du pays dans lequel elles entendent se développer.

M. Pierre Kunz. Tu rêves !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Eh oui, Monsieur Kunz !

Ce gouvernement peut très bien fixer, dans le cadre des négociations, des conditions qui permettent de respecter la campagne de plus en plus petite qui est la nôtre et de respecter la politique en matière de terre agricole.

En effet, Monsieur Joye, notre impression dans cette affaire est que, derrière ce projet, se dessine une nouvelle politique agricole du gouvernement. Mais vous n'avez absolument rien dit sur ce point ! (Exclamations.) Vous nous avez laissé croire que vous alliez continuer comme vous aviez commencé. Mais, en réalité, votre action laisse apparaître un vide politique et vous n'agissez qu'au coup par coup. Procéder à l'aménagement d'une ville ou d'un canton de cette façon est éminemment regrettable.

Mme Anne Chevalley (L). Reuters c'est quoi ?

A Genève, il y a à peine une année, personne ou presque, hormis les secteurs bancaires et financiers, dont les équipements de Reuters sont l'outil irremplaçable pour leur activité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ne savait ce que fait cette entreprise ni, par conséquent, ne réalisait le privilège que représente pour Genève la présence d'une entreprise de haute technologie de la qualité de Reuters.

Ses produits, universellement reconnus, sont devenus incontournables, non seulement dans le domaine financier, mais dans tous ceux tels que l'aviation et les innombrables services qui s'y rapportent. Sa notoriété a acquis un point tel qu'on ne désigne plus ses équipements que par sa raison sociale qui est devenue un nom commun, à l'instar de Frigidaire, Gillette, Kodak et autres.

Reuters c'est quoi pour Genève ?

C'est 35 millions de salaires, environ trois cent vingt collaborateurs auxquels s'ajouteront une centaine d'emplois nouveaux.

C'est actuellement mille vols par an Genève/Londres, chiffre qui augmentera considérablement avec la création du centre de formation qui drainera un nombre important de stagiaires étrangers.

C'est plus de trois mille nuitées d'hôtel par an.

C'est un projet de 100 millions de francs; cette énumération n'est pas exhaustive.

Je n'aborderai pas les questions d'aménagement du territoire, d'emploi et de formation qui seront commentées par mes collègues plus qualifiés, mais je désire souligner, une fois encore, l'impact énorme sur le plan international du nouveau développement de Reuters qui, ajouté à la présence de plusieurs autres sociétés spécialisées dans les télécommunications telles que Digital, Hewlett Packard, Ascom, etc., fait de notre canton un «centre d'excellence», comme l'a très justement qualifié Laurence Bézaguet dans l'article qu'elle a consacré au sujet.

L'implantation, dans le cadre des organisations internationales, de l'Union internationale des télécommunications a, sans aucun doute, attiré les sociétés que je viens de citer, sans oublier l'organisation non gouvernementale de l'Union européenne de radiodiffusion. Parmi elles, Reuters est un poids lourd, si vous me passez l'expression.

C'est dire que les retombées tant directes qu'indirectes de ce projet seront exceptionnelles pour Genève. Comme le rappelait le conseiller d'Etat Maitre lors du débat de préconsultation, je cite : «Nous nous sommes tous battus pour faire en sorte que Télécom conserve sa présence à Genève et qu'un Télécom 1999 puisse succéder au Télécom 1995, contrat que nous avons réussi à arracher grâce à de nouveaux efforts d'infrastructures.».

Un refus à Reuters mettrait le Conseil d'Etat dans une position de faiblesse, lors de futures négociations avec Télécom et serait considéré comme un renoncement de notre canton à l'accueil de nouvelles industries. En effet, qui pourrait croire que nous prenons ce risque pour les seuls motifs que nous savons ? Ce refus aurait aussi, sans aucun doute, des conséquences négatives pour notre image sur le plan international et découragerait d'autres installations potentielles.

La situation de notre pays au centre de l'Europe, les facilités de transport, la stabilité politique, la sécurité et la qualité de sa main-d'oeuvre jouent un rôle déterminant en sa faveur et prouvent que nous avons tout pour réussir. Encore faut-il en avoir la volonté politique !

Le groupe libéral ne peut que féliciter très chaleureusement le Conseil d'Etat des efforts qu'il a entrepris en vue de la réussite de ce dossier. L'isolement potentiel de notre pays, pour les raisons malheureuses que chacun connaît, doit nous amener à résister à la concurrence internationale d'une manière générale, en mettant l'accent en particulier sur les industries de haute technologie peu polluantes.

Allons-nous, pour des raisons de déclassement de 4,3 hectares, alors que, d'après le rapporteur, le canton dispose encore de plus de 80 hectares de réserve, refuser son installation à une entreprise de ce calibre, qui a le droit d'exprimer ses préférences et dont le projet rencontre l'approbation de la commune d'accueil ?

Allons-nous suivre l'exemple de la Swatchmobil, dont notre pays a perdu la plus grande partie de la fabrication pour les mêmes motifs ?

Allons-nous accepter d'être la risée de nos Confédérés, dont nombre d'entre eux n'hésiteraient pas à déclasser un petit terrain agricole pour recevoir un joyau tel que Reuters ? Ce débat nuit à l'image de Genève.

Notre réponse est un non catégorique !

Plusieurs syndicats ont sagement choisi de privilégier l'emploi, faisant preuve, en l'occurrence, de courage et d'une maturité qui les honorent. C'est pourquoi nous avons peine à croire que nos collègues socialistes se distanceront de leur base pour les seules raisons qu'un parti doit avoir une vision globale et que le Conseil d'Etat ne jouerait pas franc-jeu, ou alors est-ce un prétexte pour soutenir l'opposition de leurs amis de l'Alliance de gauche, dont la philosophie bien connue est l'opposition systématique à tout projet émanant de notre gouvernement quels que soient sa portée ou son intérêt pour notre canton et sa population ? (Brouhaha.) Il est vrai que nous sommes en pleine période électorale...

La présidente. Je vous en prie, laissez parler Mme Chevalley !

Mme Anne Chevalley. L'enjeu de ce projet n'est pas de faire plaisir au Conseil d'Etat, mais de donner un nouveau coup de pouce bienvenu à notre économie.

Il va sans dire que le groupe libéral accepte avec enthousiasme cette proposition de déclassement et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire autant. (Applaudissements à la tribune.)

La présidente. Mesdames et Messieurs qui vous trouvez à la tribune réservée au public, je vous rappelle que les manifestations sont interdites ! J'ai eu une certaine patience, mais, je vous en prie, respectez le règlement du Grand Conseil.

M. Jean Spielmann (AdG). Ce n'est pas la première fois que nous devons débattre d'un problème de déclassement d'une zone agricole, soit pour des emplois soit pour des logements. Il y a quelques années, nous avions fait une série de projets pour tenter de répondre à la grave crise du logement en mettant en parallèle l'intérêt de créer des logements et celui de maintenir intacte la zone agricole. Nous avions choisi de déclasser un certain nombre de mètres carrés de la zone agricole pour permettre de réaliser des opérations de logements sociaux, qui nous semblaient indispensables et prioritaires en raison des multiples obstacles rencontrés dans les zones de développement, suite aux opérations de spéculation qui empêchaient le démarrage de la réalisation de ces logements.

Ce Grand Conseil avait refusé d'entrer en matière et dit qu'il n'était pas question de toucher à un seul mètre carré de la zone de verdure, selon un principe de fond en matière d'aménagement du territoire. C'était la réponse des bancs d'en face. S'il le faut je ressortirai une série de vos déclarations d'alors.

Nous continuons à penser que le problème du développement soit des besoins sociaux soit de l'emploi peut justifier des propositions de modifications dans l'aménagement du territoire. Encore faut-il en peser les intérêts et mesurer la nécessité de construire, par rapport aux offres de surface de plancher ou de surface constructible.

Examinons donc sous cet angle le projet de loi, qui nous est proposé aujourd'hui, pour juger s'il est pertinent, judicieux et intelligent de procéder à un déclassement ou bien s'il existe d'autres possibilités dans notre canton, quel qu'en soit le coût, puisqu'il semblerait que ce n'est pas le problème principal. Il faut utiliser les surfaces disponibles dans les zones de développement industriel ou dans les trop nombreux bâtiments laissés à l'abandon.

Par rapport à la politique industrielle du canton de ces dernières années, regardons si les dégâts de votre politique, dans le domaine de l'activité secondaire et des emplois de ce canton, ne permettent pas aujourd'hui de dégager des surfaces permettant d'installer une entreprise comme Reuters. Il suffit de faire le tour du canton pour se rendre compte que la politique menée par le Conseil d'Etat dans certaines opérations, que j'appellerai «restructurations d'entreprises», suivies de leur fermeture et de spéculations, a eu pour résultat l'abandon de certaines entreprises. Il y aurait de quoi construire plusieurs dizaines de Reuters aujourd'hui sur des terrains inoccupés qui attendent preneurs. L'avantage supplémentaire de ces terrains est qu'ils jouissent déjà des équipements, alors qu'il faudra investir dans le cas qui nous est soumis. Il y a de bien meilleures solutions.

Nous devons procéder à un autre examen, comme cela a été évoqué, concernant le réseau de télécommunication, que ce soit en coaxial, en fibres optiques ou en câbles traditionnels. Il faut bien reconnaître que le terrain est particulièrement mal choisi, puisque le développement d'un réseau en fibres optiques est celui qui pose le moins de problèmes. En effet, de tels réseaux peuvent être réalisés rapidement; ce n'est donc pas un argument valable. Le fait de devoir avoir plusieurs entrées pour ce bâtiment n'est pas un argument de poids non plus. C'est une évidence pour tous les spécialistes des Télécom, à tel point que les centraux du canton ou même de la région voisine disposent aujourd'hui de deux entrées pour assurer la sécurité des transmissions. Cela existe même à Trélex ou dans n'importe quelle centrale du 022. Vos arguments sont donc largement dépassés.

Vous avancez ensuite l'argument de la concurrence, argument auquel nous devrions être sensibles, car nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser partir une entreprise et de perdre des emplois. Je suis heureux qu'on ait découvert cet aspect des choses sur les bancs d'en face ! D'ailleurs, tout le monde connaît cette entreprise depuis longtemps, en tout cas ceux qui s'intéressent aux activités économiques du canton.

Le Conseil d'Etat prétend que la gauche est la plus bête du monde. Messieurs du Conseil d'Etat, en examinant ce projet, comme je viens de le faire, raisonnablement et intelligemment, pour voir s'il fallait l'accepter ou le refuser, nous avons voulu vérifier vos affirmations. En effet, suite à vos énormités par rapport aux qualifications que vous avez eu l'amabilité de nous servir, nous avons voulu savoir si vos affirmations étaient du même acabit et si cela valait la peine de réfléchir à ce sujet. M. Maitre a été particulièrement virulent dans ce domaine, et je tiens à souligner qu'il a lui-même affirmé en commission qu'à Singapour on était prêt à offrir des terrains gratuitement pour permettre la réalisation de Reuters. Cela figure en page 8 du procès-verbal; vous pouvez le reprendre. Toutes les déclarations du Conseil d'Etat évoquent la compétition entre Singapour et Genève.

Bien sûr, nous non plus nous ne voulons pas prendre le risque de faire partir Reuters ! Vous dites que nous sommes les plus bêtes du monde, mais nous avons tout de même eu l'idée de nous renseigner non seulement par téléphone mais aussi par fax, pour avoir des traces écrites de l'entreprise de Singapour. Monsieur Joye, je vous remercie de penser que nous nous sommes adressés au concierge du central !

En réalité, nous avons eu affaire à la directrice des communications et de l'information de Reuters Singapour, Mme Tai, qui nous a donc confirmé ce que nous voulions savoir. Nous lui avons demandé si le centre de Singapour était prêt à réaliser un centre similaire, s'il y avait une possibilité de compétition et si nous prenions un risque quelconque. Sa réponse a été négative. Il n'y a donc pas de projet de développement d'un centre informatique à Singapour. Celui qui existe fonctionne parfaitement pour toute l'Asie et a été réalisé depuis moins deux ans. Cette dame n'était même pas au courant des propositions de développement à Genève. Il n'y a donc aucune compétition. Le rapporteur de majorité et le Conseil d'Etat disent que nous sommes les plus bêtes du monde. Nous, nous pouvons dire que non seulement ce sont des fabulateurs mais en plus ce sont des menteurs, ce qui n'améliore pas la qualité du dossier que vous nous présentez ce soir !

C'est donc en toute connaissance de cause, avec intelligence, et en essayant d'utiliser le mieux possible nos connaissances que nous pensons qu'il est possible de développer l'emploi dans ce canton et de donner à Reuters les m2 dont elle a besoin sans pour cela déroger aux principes de l'aménagement du canton. Ces principes imposent des règles évidentes sur le transport, les communications, l'aménagement, et, en définitive, il en va de l'équilibre économique de Genève. Il faut utiliser toutes les zones sinistrées en raison de la politique économique désastreuse du Conseil d'Etat pour réaliser Reuters, plutôt que de déclasser des terrains agricoles en présentant des arguments aussi lamentables que ceux que vous nous avez servis !

M. Bernard Clerc (AdG). Lorsqu'on parle du développement de Reuters à Collonge-Bellerive, on évoque relativement peu les activités de cette entreprise. Mme Chevalley, par contre, a abordé la question et je voudrais, évidemment, la prolonger. Mais, vous vous en doutez bien, pas sous le même aspect ni dans la même optique ! Le rapport de majorité nous dit qu'il s'agit «d'une entreprise qui «arrose» et provoque la prospérité d'autres firmes alentour.». Voilà qui est bien général et pas très argumenté.

Un peu plus loi et en quelques mots - huit pour être exact - il est dit que, je cite : «La plus importante activité porte sur l'information financière.». D'après ce que nous en savons, il s'agit de la transmission, en temps réel, de données financières d'un bout à l'autre de la planète. Et c'est là que nous ne sommes pas du tout certains que cette activité, considérée globalement, conduise à terme à la prospérité.

En effet, l'activité de Reuters sert de support à la spéculation financière internationale... (Huées.) ...qu'il s'agisse de celle relative aux monnaies, aux produits dérivés et autres «swap». Ce type d'activité est éminemment destructrice d'emplois. Il suffit pour s'en convaincre de considérer la spéculation monétaire actuelle qui rend le dollar extrêmement faible, sans aucun rapport avec la réalité de l'économie américaine. Le renchérissement du franc suisse qui est lié à ces mouvements spéculatifs...

M. Armand Lombard. Ah, ça y est !

La présidente. Monsieur Lombard, je vous en prie, cessez de manifester ! J'ai eu beaucoup de patience, jusqu'à maintenant ! Demandez la parole, je vous la donnerai. Maintenant, ça suffit !

M. Bernard Clerc. Je sais que certains dans cette enceinte ne supportent pas les vérités... (Rires de la droite.)

La réalité est que le renchérissement du franc suisse, qui est lié à ces mouvements spéculatifs, est évidemment dommageable à l'industrie d'exportation et à l'emploi dans ce secteur.

C'est l'occasion de rappeler ici que ces mouvements spéculatifs, qui sont déconnectés de l'économie réelle - vous le savez bien - ont créé à partir de 1980 une bulle financière considérable. Pour donner une idée de la dimension de cette spéculation, il suffit de savoir que le volume des transactions quotidiennes - je dis bien quotidiennes - sur les marchés des changes mondiaux s'élève à plus de 1 000 milliards de dollars et que le volume quotidien du commerce mondial ne représente, lui, que 4 à 5% de cette somme. Certains experts estiment qu'une crise majeure, due à ces mouvements spéculatifs, n'est pas à écarter et qu'elle pourrait avoir des conséquences considérables à côté desquelles la crise économique actuelle apparaîtrait comme mineure.

Si nous avons rappelé ces quelques éléments à l'occasion de ce débat relatif à l'implantation de Reuters, c'est que la majorité et le Conseil d'Etat exercent dans ce dossier un chantage à l'emploi. Certes Reuters promet la création de quarante-huit emplois nouveaux, mais il n'est pas indifférent de savoir que les activités de cette entreprise concourent en partie à la déstabilisation de l'économie mondiale et à des pertes globales d'emploi. Cet aspect étant particulièrement absent du débat, il nous est apparu nécessaire de le relever, car on ne peut traiter la question de l'emploi par le petit bout de la lorgnette, à savoir les quarante-huit postes promis par Reuters.

Le second volet de notre intervention consistera à mettre en évidence la tentative, largement relayée par la presse, de faire passer les opposants au déclassement du site de Collonge-Bellerive pour des irresponsables qui ne se préoccupent pas du problème du chômage. C'est vraiment le monde à l'envers : l'opposition minoritaire dans ce parlement, absente de l'exécutif et, surtout, contrairement à la majorité, sans aucun pouvoir au niveau économique, serait responsable du chômage !

Qui a décidé de la suppression de trois mille postes dans le secteur public d'ici à 1997 ? Qui a laissé couler le journal «La Suisse», entraînant la disparition de plus de deux cent cinquante emplois ? Quelles sont les mesures énergiques prises pour tenter de sauver les deux cent soixante emplois de la SIP et les trois cents emplois de Tavaro ? Qu'est-ce qui a réellement été fait pour éviter la perte des quarante postes de travail de l'entreprise Torre ? Nous arrêterons là cette énumération, mais elle est suffisante pour montrer où se trouvent les responsabilités dans le développement du chômage dans notre canton !

Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, n'essayez pas d'inverser les responsabilités. Nous vous l'avons déjà dit et nous le répétons : d'autres terrains existent qui peuvent convenir à cette entreprise. Nous ne sommes pas d'accord, sous la pression du chantage à l'emploi, de céder à toutes les exigences d'une multinationale qui développe un chiffre d'affaires de 4 milliards de francs.

Au-delà des aspects largement développés par Christian Ferrazino dans son rapport de minorité, il en est un autre que j'aimerais évoquer ici : celui de la dignité. Faut-il se mettre à genoux devant Reuters, parce que notre canton compte seize mille chômeurs ?

Cela étant et pour que ce parlement puisse montrer que sa volonté est bien de réduire le chômage qui sévit dans notre canton, nous déposons un amendement au projet de loi qui vous est soumis, afin de faire en sorte que les quarante-huit postes de travail promis par Reuters servent prioritairement aux besoins des chômeurs de notre canton ! (Applaudissements.)

M. Michel Ducret (R). Si c'est par l'opération du Saint-Esprit que la soucoupe volante Reuters s'est posée sur le site de la Pallanterie à l'étonnement de tous, voire l'indignation de quelques-uns, c'est tout de même un véritable problème d'aménagement du territoire qui se pose à nous. Toutefois, si cet aménagement ne doit pas être l'évangile aux contours définitifs et éternels, il n'en est pas moins vrai qu'il est délicat de le modifier au coup par coup, sans une vue d'ensemble, au risque de miter le territoire.

Aux yeux du groupe radical, l'importance relative de Reuters pour l'image internationale, pour la renommée de notre canton, pour l'emploi, encore plus en qualité qu'en quantité, pour les effets induits par rapport aux autres entreprises, par rapport aux commerces, par rapport à la construction et par rapport aux expositions justifie d'un traitement particulier. Mais si ce traitement doit être effectivement particulièrement bienveillant il doit être aussi attentif, pour déroger aux règles d'aménagement en vigueur aujourd'hui, je préciserai encore en vigueur aujourd'hui.

Il faut relever qu'il y a longtemps que beaucoup d'entre nous souhaitent créer davantage de postes de travail sur notre rive gauche pour tenter de compenser le déséquilibre emplois-logements. A titre personnel, je déplore que notre aménagement du territoire soit devenu, ces dernières années, si passif, si peu prospectif, si peu susceptible de contribuer à notre développement, à notre rayonnement, bref, à nos besoins.

Pour le groupe radical le problème du chômage à Genève est prioritaire. Aux yeux de quelques privilégiés prétendant défendre les intérêts des travailleurs, il y aurait trop peu d'emplois créés par l'installation de Reuters pour justifier le déclassement d'une terre agricole, qui est un ancien marais asséché, remblayé, de qualité médiocre au point qu'une partie est utilisée comme parking à camions pour la boulangerie industrielle voisine !

M. Ferrazino parle de la disparition progressive de la zone agricole. Mais quelle exagération ! Il serait plutôt temps de se poser des questions sur l'exportation égoïste de notre banlieue en France voisine. Non, Mesdames et Messieurs, le groupe radical ne veut pas que notre canton se transforme en réserve d'indigènes ! Nous ne souhaitons pas tendre la main aux touristes après avoir chanté le Feuillu ! Nous voulons un développement de qualité, certes, et un équilibre vis-à-vis de nos zones dévolues à la nature. Dans ce contexte, il y a des humains qui doivent pouvoir vivre et, donc, travailler.

La situation est suffisamment grave dans notre canton, pour que nous ne fassions pas les «coquettes», les «fines bouches» ou les «petits potentats» qui veulent dicter à tout prix des conditions inacceptables aux entreprises qui souhaitent s'installer ou se développer chez nous !

Que tout le monde reconnaisse l'intérêt économique d'un projet, comme le déclare M. Ferrazino, n'est pas suffisant pour que ce projet devienne une réalité. Et quand Mme Maury Pasquier demande plus de temps encore pour traiter ce projet, elle oublie ou feint d'oublier que c'est cette lenteur administrative et politique qui décourage les entreprises de s'installer chez nous, comme la Swatchmobil.

Ces considérations amènent le groupe radical à vous prier instamment, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi, bien sûr accompagné des amendements présentés et cosignés par notre chef de groupe. (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Gardiol (L). Les libéraux, je le répète, souhaitent la bienvenue à Reuters et la remercient d'avoir manifesté sa ferme intention de continuer à exercer son activité dans notre canton en créant, de ce fait, des places de travail, qui seront susceptibles d'être occupées par des jeunes filles et des jeunes gens formés à Genève.

La décision prise par cette entreprise est particulièrement bienvenue au moment où Genève, avec 7,85%, caracole en tête du taux de chômage en Suisse et où certains s'acharnent à aggraver encore plus le syndrome de non-décision, mal helvétique, qui atteint, à Genève, sa plus grande virulence. Le débat de la gauche, ce soir, le démontre.

Mais que dire de celles et de ceux qui disent toujours : «Oui, mais !». Oui, à la formation pour tous, à l'égalité des chances, mais non à l'école de Vermont ! Oui, à l'adhésion à l'Europe, mais en construisant sa Maison à un autre endroit ! Oui, à l'ouverture de la Suisse au monde, mais en restreignant au maximum le périmètre des organisations internationales et en voulant y mettre du logement social ! Oui, à une Genève dynamique, mais non à la traversée de la rade ! (Applaudissements de la gauche.)

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Vous avez enfin compris !

M. Jean-Pierre Gardiol. Oui, au travail pour tous, mais en recourant systématiquement contre les autorisations de construire ou de rénover ! Vous voulez des exemples, Monsieur Ferrazino ?

M. Christian Grobet. Et les licenciements ?

M. Jean-Pierre Gardiol. Ce n'est pas une fable, Monsieur Grobet : c'est la réalité ! Ce n'est pas un fax, Monsieur Spielmann : c'est la «Feuille d'avis officielle» du 19 avril 1995, où figurent tous les recours contre les autorisations LDTR et LCI délivrées par le DTP. Si le DTP les délivre, Monsieur Ferrazino, c'est que le gouvernement fait son travail. (Exclamations.) Par exemple, un projet de rénovation d'un immeuble par la Ville de Genève, d'un montant de 2,5 millions de francs, le projet de réhabilitation du quartier de Coutance, de 20 millions de francs, dont le recours à été déposé par un avocat qui représente tout à la fois l'Asloca et une association intitulée «Action : patrimoine vivant».

Ce qui est moins amusant, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'ensemble de ces recours, tenant sur une page de la FAO, concerne plusieurs centaines d'emplois qualifiés au moment même où les entreprises n'enregistrent plus aucune commande. Cela démontre également, ce soir, Monsieur Ferrazino, votre politique mensongère vis-à-vis de Reuters. En effet, il ne s'agit pas dans cette affaire de «on-dit» ou de «bouche à oreille» : c'est la «Feuille d'avis officielle» du canton de Genève !

Aussi, ceux qui s'opposent aujourd'hui à l'implantation de Reuters, en déposant des amendements et en présentant des rapports de minorité, font partie de la catégorie des «Oui, mais !». Cette catégorie n'a jamais créé un seul emploi, et si elle persiste dans cette voie, elle finira bien par ruiner la République !

Toutefois, Monsieur Spielmann, Monsieur Ferrazino et Monsieur Grobet - sait-on jamais - s'il vous venait une fois l'idée de créer des emplois, je vous aiderais pour choisir la raison sociale de votre société : «Spielmann, Grobet, Ferrazino & Co, démolition en gros.» ! (Applaudissements à la tribune et sur les bancs de l'Entente.)

M. Pierre Kunz (R). Ceux qui, sur fond de démagogie, s'opposent au déclassement de quelques arpents de terres agricoles sur lesquels Reuters voudrait s'installer, s'ils ne cherchent pas à tromper les Genevois, se trompent tout simplement gravement !

En premier lieu, ils se laissent aveugler par leur méfiance traditionnelle à l'égard du gouvernement, mais aussi et surtout à l'égard des milieux économiques, méfiance qu'ils ont érigée depuis longtemps en valeur suprême, qu'ils ont largement contribué à cristalliser dans le carcan législatif et réglementaire et dont nous commençons seulement, peut-être, à mesurer les conséquences dommageables dans de multiples domaines.

L'ampleur de ce débat et les milliers de lignes que cette affaire a déjà générées dans la presse constituent, d'ailleurs, une belle illustration de la débauche d'énergie requise désormais dans ce canton, lorsqu'il s'agit de se sortir du carcan que nous nous sommes forgé au cours des dernières décennies.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut bien reconnaître que ce qui se passe depuis quelque temps à Genève au sujet de Reuters doit paraître complètement surréaliste à ceux qui, chez nos voisins les plus proches comme chez nos concurrents les plus lointains, aimeraient tellement accueillir une société aussi solide, aussi prometteuse en matière d'emplois, aussi prometteuse en matière de retombées économiques et aussi avancée technologiquement. Cette méfiance, cette suspicion que je n'hésite pas à qualifier de «maladives» conduisent pourtant M. Ferrazino et ses alliés à ne voir que les inconvénients - car il y en a - de ce projet et à monter en épingle ses aspects gênants. Mais dans la pesée des intérêts M. Ferrazino et ses amis, aveuglés par la véritable haine qu'ils portent à l'égard du grand capital international, obnubilés par les combines qu'ils pensent être les motifs exclusifs de ce projet, sont prêts à le faire capoter.

Monsieur Ferrazino, vous et vos amis, vous avez en l'occurrence - excusez-moi de le dire - perdu complètement la mesure !

La deuxième raison qui conduit à condamner l'attitude des opposants au projet Reuters est que, manifestement, ceux-ci ne comprennent pas ce qu'est une entreprise moderne. Ils en sont restés, s'agissant des conceptions sur le développement de l'économie genevoise, à l'époque de la «surchauffe», dans les années 1960, pendant lesquelles Genève et la Suisse taxaient les capitaux étrangers qui venaient s'y déposer. C'était une époque où les lois votées interdisaient aux étrangers l'acquisition de biens immobiliers; lorsque ces étrangers insistaient lourdement dans leur désir de s'établir chez nous, on les obligeait à choisir entre Grimentz, Nendaz, Anzère...

M. John Dupraz. Soral ! (Rires.)

M. Pierre Kunz. Soral, oui ! Vous et vos amis pensez que Genève est restée le centre du monde et que ceux qui veulent bénéficier de «l'incommensurable privilège» de s'installer ici - serait-ce pour y créer des entreprises - n'ont qu'à s'établir là où les Genevois le veulent bien et «n'ont qu'à» construire là où on le leur commandera, comme on le leur commandera, par exemple sur cinq étages et non sur deux !

Monsieur Ferrazino, Monsieur Clerc, vous ne voulez pas le voir, mais le monde a profondément changé et Genève n'occupe plus sa position privilégiée dans la compétition nationale et internationale. Si elle a conservé un grand nombre d'atouts, Genève a néanmoins accumulé aussi des handicaps auxquels les abus que l'on y fait de sa démocratie ne sont d'ailleurs pas étrangers. Si nous voulons que Genève conserve demain sa prospérité, il faut qu'elle renforce sa capacité d'accueil et son attractivité. Il faut que nous améliorions les conditions-cadres de son économie et non pas, comme vous le faites, vous et vos amis, avec une constance coupable, que nous dressions obstacle après obstacle devant ceux qui voudraient s'installer dans notre canton.

Si nous voulons des emplois importés, il faudra désormais que nous les vendions. Et cela signifie que nous devrons, bien plus que par le passé, nous adapter aux demandes de ceux qui sont en mesure de les apporter. Cela n'a rien à voir avec une braderie, cela signifie simplement que nous devrons de plus en plus faire preuve de flexibilité et de souplesse, bref, de raison, notamment en matière d'aménagement territorial, surtout lorsque nous aurons affaire à des entreprises qui, comme Reuters, ont d'excellentes raisons d'être exigeantes en ce qui concerne leur implantation.

Ces exigences, contrairement à ce que vous croyez, ne sont pas seulement de caractère technique, car ces sociétés à haut niveau technologique ne peuvent prospérer que si elles sont capables de former, puis de conserver des cadres et un personnel extrêmement qualifié, enthousiaste, créatif, mais aussi exigeant, notamment en ce qui concerne l'environnement professionnel. Reuters veut s'établir à la Pallanterie parce que cette parcelle, choisie par elle, en plus des conditions techniques auxquelles elle répond, permettra à cette entreprise d'offrir à ses collaborateurs l'environnement qualitatif dont ils ont besoin. Il faut comprendre cette ambition et la saluer, surtout quand on prétend défendre les travailleurs !

Monsieur Ferrazino, dans cette affaire, vous et vos amis péchez par ignorance, aussi bien des nouvelles réalités économiques que des besoins de l'entreprise moderne.

Mesdames et Messieurs les députés, à l'avenir il faut que nous épargnions aux Genevois et aux observateurs étrangers le genre de psychodrame, qui tourne d'ailleurs au mélodrame si l'on en juge par la pile des amendements qui nous parviennent et des embrassades généralisées qui semblent s'en dégager. A cet effet, nous devons, sans délai, nous atteler à la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement territorial mieux en phase et mieux adaptée aux réalités nouvelles d'une politique portant le sceau d'une flexibilité qui n'implique nullement de tout sacrifier à l'économie et au marché, même s'il convient de faire la part que méritent cette économie et ce marché.

Nous devons admettre que désormais le gouvernement genevois - et encore moins ce Grand Conseil - ne tire plus toutes les ficelles, car la mondialisation de l'économie a considérablement restreint la marge de manoeuvre des Etats. Alors, reconnaissons que si Genève veut être prospère demain et pourvoyeuse d'emplois, nous devrons mettre nos prétentions et nos rigidités dogmatiques en sourdine et retrouver, tout simplement, le sens de l'accueil et de l'hospitalité comme les trouvent - je vous le rappelle - les entreprises genevoises qui s'installent à l'étranger. (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore sept orateurs inscrits ! Moi je suis à votre disposition ! Mais tâchons d'être brefs pour faire avancer les débats.

M. Jean Opériol (PDC). Je ne vous étonnerai pas en vous disant d'emblée que le groupe démocrate-chrétien votera ce projet de loi, probablement avec les amendements qui lui sont assortis. Pour arriver à cette conclusion positive, notre groupe a procédé à une pesée des intérêts. Indiscutablement, cela nous permet de «sacrifier» 4 hectares de terres agricoles résiduelles pour les intérêts d'une société dont nous estimons qu'ils sont directement concomitants avec ceux du canton. Les intérêts du canton sont les suivants : son rayonnement intérieur et extérieur au niveau fédéral et au niveau européen, sa politique et sa traditionnelle mission d'accueil qui datent bientôt d'un siècle, les emplois dont nous avons déjà parlé et, enfin, ses finances publiques.

Mesdames et Messieurs, nous souhaitons que chacun ici soit attentif aux besoins de Reuters, tels qu'elle les exprime, à savoir un besoin de consolidation de sa société à Genève, comme centre européen de formation, et son souci et son besoin de développement pour l'avenir. Si ces besoins sont satisfaits, le gain économique et politique - c'est celui qui nous intéresse, nous qui ne sommes pas juristes, heureusement ! - dépassera la fausse perte de 4 hectares sur laquelle il serait décidément vain d'engager une mauvaise polémique, voire un référendum peu reluisant pour Genève.

Je ne tiens pas à polémiquer. D'ailleurs, j'ai promis à mon chef de groupe d'être calme et pour cela j'ai pris du Valium, donc, rassurez-vous il ne se passera rien de fâcheux ! (Rires et remarques.) J'évoquerai, néanmoins, le passe-droit que d'aucuns ont décrié dans une certaine presse comme étant un «passe-droit exceptionnel». L'Office fédéral de l'aménagement du territoire s'est prononcé sur ce déclassement et l'a taxé de déclassement «mineur», d'une part, parce qu'il concerne une petite surface de terrain et, d'autre part, parce qu'il est situé dans une zone résiduelle, qui plus est, jouxtant directement une zone industrielle. C'est tout le contraire d'un déclassement «majeur» comme, par exemple, celui qui a permis à l'époque la construction du CESCO en pleine zone agricole. Je vous fais observer en passant que cela ne dérange personne; tout le monde s'en sert et on est bien content qu'il existe. (Rires.)

Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'un déclassement spécial, d'une part, parce que c'est un déclassement avec affectation, à savoir que si Reuters ne peut s'installer à la Pallanterie aucune autre société ne le pourra et la zone industrielle créée reviendra à la zone agricole - ce qui est original - et, d'autre part, parce que c'est un déclassement avec compensation - ce qui est nouveau. Il s'agit d'une compensation environnementale, agricole et financière. A l'adresse de ceux qui nous parlent de démantèlement fâcheux de la zone agricole, je dirai - vous me permettrez le jeu de mot - que ce démantèlement n'est pas tellement dément ! (Exclamations.) Je trouve ce déclassement exemplaire du point de vue du consensus politique, parce que, pour une fois, un déclassement permet de réunir les impératifs d'un développement et ceux d'une sauvegarde du territoire. Je ne crois pas qu'on ait souvent vu cela à Genève !

Finalement, n'est-il pas heureux que le problème nous soit ainsi posé dans ces termes pour que nous innovions et que nous nous donnions les moyens d'une certaine ambition.

Il y a de la désinformation s'agissant du prix, car certains pensent que le Conseil d'Etat va brader cette parcelle. Ce qui m'interpelle et que je trouve particulièrement cocasse c'est que ce sont les mêmes qui, au moment de la création des zones industrielles de développement, ont bien appuyé sur le fait qu'il fallait maîtriser les prix du m2 industriel pour que les entreprises ne payent pas trop cher afin de leur permettre de s'installer sans trop de difficulté à Genève. Aujourd'hui, les mêmes nous disent que le prix de ce terrain ne sera pas assez élevé. Alors, il faudrait savoir !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de deuxième minorité. On veut juste savoir combien !

M. Jean Opériol. S'agissant du prix, je poserai ultérieurement, au moment de la motion, la question de savoir si ce Grand Conseil a la compétence de statuer sur des prix qui relèvent du domaine réglementaire. Mais cela est une autre question.

Moi, j'aimerais qu'on prenne un petit peu de recul, Mesdames et Messieurs, parce qu'il faut relever le débat en raison de son importance. Genève s'est battue pour l'EEE; elle a livré un vote remarquable et exemplaire comparativement à celui d'autres cantons.

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Ça, c'est l'effet du Valium !

M. Jean Opériol. Elle a montré sa dimension extraterritoriale et son ouverture; cela fait des années qu'elle mène une politique d'accueil et, il n'y a pas si longtemps, elle a lutté pour l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, et l'a obtenue. Elle s'est également battue pour la maison Europa. Pensez-vous sincèrement que, si nous snobons Reuters, les Européens comprendront notre manière d'agir et de raisonner ? J'ai beaucoup de doutes, et, d'avance, j'ai un peu honte.

Finalement en observant le clivage politique actuel, je m'aperçois que la droite est favorable à ce déclassement, ainsi qu'une bonne partie de la gauche et les syndicats. Je demande donc à l'Alliance de gauche - au cas où elle serait contre - si elle n'est pas un peu inquiète d'avoir raison toute seule ! C'est une question à deux francs !

Devant la crise économique actuelle, devant la crise de confiance induite par cette crise économique, confiance sur notre volonté et sur notre capacité de vouloir nous en sortir, je pense que Reuters constitue une occasion inespérée pour nous députés, pour le Conseil d'Etat et pour nos entreprises qui courent après le travail et qui attendent ces 40 millions de travaux. Je vous signale en passant que cela représente deux cent soixante-six emplois assurés pendant une année. Dans la conjoncture actuelle, je vous assure que les entreprises sont très attentives à cet aspect du problème. C'est donc une occasion inespérée pour nous, Mesdames et Messieurs les députés, et j'espère que nous allons la saisir en toute confiance. Il faut que nous gagnions la bataille de Reuters et du développement économique les uns avec les autres et non pas les uns contre les autres !

Pour terminer, vous me permettrez une touche de moralité politique. Notre distinguée présidente à chaque début de séance nous exhorte, je cite : «...à prendre la résolution de remplir consciencieusement notre mandat - je crois que nous le faisons - et de faire servir nos travaux à la prospérité de la patrie qui nous a confié ses destinées.». Vous pouvez prendre le dictionnaire pour regarder la définition du mot «prospérité», je cite : «Etat heureux de succès et de réussite.». Le refus de Reuters, Mesdames et Messieurs, c'est carrément de la frilosité. (Applaudissements.)

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de deuxième minorité. J'ai été assez frappé par le discours de mon excellent collègue, Bernard Clerc. Je voudrais lui apporter un petit complément, et je suis sûr, s'il m'écoute, qu'il sera d'accord avec moi !

Monsieur Bernard Clerc, vous avez dit tout à l'heure - et vous avez parfaitement raison - que les mouvements spéculatifs portant sur de grosses sommes d'argent sont un grand danger pour notre économie et que nous risquons d'en mourir étouffés. Mais là où je ne vous suis pas c'est que la véritable solution pour éviter cet étouffement ne consiste pas à essayer d'empêcher l'information de circuler, ni d'empêcher Reuters de s'installer. Empêcher l'information de circuler est le début de la dictature. Elle doit donc circuler, car, selon de nombreuses analyses, c'est grâce aux fax et aux modems que la dictature a coulé en URSS. Pour empêcher la spéculation, il faut, selon l'avis unanime des experts - comme mon «copain» qui siège au conseil d'administration de Reuters me l'a dit - mettre une taxe de 0,5 pour mille sur les opérations financières : une taxe très acceptable pour les opérations non spéculatives, mais qui coulerait les opérations spéculatives. Je le répète, ce n'est pas en empêchant l'information de circuler qu'on résoudra ce problème. Etes-vous d'accord, Monsieur Bernard Clerc ?

La présidente. Vous avez terminé, Monsieur Nissim ?

M. Chaïm Nissim, rapporteur de deuxième minorité. Oui !

M. Laurent Moutinot (S). Le dossier Reuters a engendré un maximum de méfiance de la part de nos partis et de la part d'un certain nombre d'associations, parce qu'au début de ce dossier le Conseil d'Etat a accumulé les contrevérités qui ont été rappelées tout à l'heure. Il est absolument regrettable qu'un dossier de cette importance ait été aussi mal traité et que des députés de milice aient dû passer les quarante-huit dernières heures à essayer de trouver une solution. Ce travail aurait dû être effectué par le Conseil d'Etat d'abord, puis par la commission parlementaire !

L'exploit réussi par le Conseil d'Etat dans ce dossier consiste à avoir créé une opposition entre les impératifs de l'emploi et les impératifs de l'écologie, alors qu'il était parfaitement concevable - et qu'il est concevable - par le biais des amendements qui vous seront présentés, de trouver une solution qui n'oppose pas l'économie et l'écologie.

C'est la raison pour laquelle je vous demanderai, en deuxième débat, de voter ces amendements sans trop chercher à les «triturer», car la difficulté qu'il y a eu à trouver des solutions à ces problèmes doit nous dispenser d'essayer d'en trouver de meilleures à des heures aussi tardives.

Mais le débat qui est intéressant est celui que nous n'allons pas ouvrir ce soir, mais lors de la prochaine session, soit celui de fixer les conditions auxquelles on peut, auxquelles on doit recourir pour toucher à la zone agricole. A certains moments, il a été dit que des déclassements limités de la zone agricole étaient envisageables, lorsque la terre n'était pas de bonne qualité pour construire du logement social. Il faudra, par conséquent, également se poser la question de savoir si, dans les mêmes conditions, il est justifié de toucher à la zone agricole pour favoriser l'emploi.

Mais cela nécessite qu'une véritable politique économique soit décidée. Monsieur Maitre, c'est un débat que vous n'aimez pas, pourtant il faudra l'avoir ! Il faudra que l'on sache quels sont les critères qui permettront de toucher à la zone agricole, quels sont les prix qui doivent être pratiqués et en fonction de quels enjeux. De cette manière, il n'y aura pas de second Reuters, il y aura des projets qui marieront économie et écologie.

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Je voudrais simplement répondre à quelques attaques dont j'ai fait l'objet.

Celle de M. Kunz étant la plus anodine, elle ne mérite pas une réponse très longue. Heureusement, Monsieur Kunz, que vous n'êtes pas au Conseil d'Etat, parce qu'avec vous Reuters aurait pu s'installer en moins de huit jours dans le parc de La Grange ! Cela nous rassure donc que vous restiez sur vos bancs.

Monsieur Opériol - je mets cela sur le compte des médicaments que vous avez pris ce soir, dont les effets sont vraiment visibles ! (Rires.) - je vous rappelle que ce déclassement qualifié de «mineur» n'est pas une prise de position de l'Office fédéral de l'aménagement du territoire, comme vous l'avez laissé croire - cela figure dans l'annexe II de mon rapport de minorité - mais du point de vue exprimé par le département de M. Joye, la lettre étant signée par M. Schaffert, directeur de l'aménagement. Il n'y a pas de réponse - et vous ne l'avez pas plus que moi - de l'Office fédéral de l'aménagement. En tout cas, elle n'a pas été produite. (L'orateur est interpellé par M. Joye.) Je sais, Monsieur Joye, vous n'avez pas l'habitude de distiller l'information, lorsqu'on ne vous la demande pas ! D'ailleurs, même quand on vous la demande, il est très difficile de l'obtenir, on l'a bien vu tout à l'heure ! (Rires et exclamations.)

En ce qui concerne les observations de M. Gardiol, qui n'est plus là, comme à son habitude il a voulu dévier le débat en parlant de la «Feuille d'avis officielle» du 19 avril. Il y a vu un certain nombre de recours interjetés, notamment par l'Asloca. Puisqu'il n'a pas compris le sens de ces démarches, je me vois dans l'obligation de les lui expliquer très brièvement. Effectivement, nous sommes aujourd'hui obligés, malheureusement trop souvent, de réagir contre des décisions du département des travaux publics qui ne respecte tout simplement pas la loi. Plusieurs décisions ont déjà été cassées par la commission de recours en matière de construction. Demain matin, à 8 h 30, nous avons à nouveau deux recours dont la commission sur les constructions est saisie. Nous devons, bien évidemment, pour faire respecter la loi - c'est précisément tout l'intérêt du droit de recours - faire appel aux autorités judiciaires pour pallier ces autorisations qui sont délivrées sans tenir compte du tout de la loi.

Il a été fait allusion à l'opération du Crédit Suisse; à ce sujet, je vous rappelle qu'il s'agit précisément d'un changement d'affectation de logements en bureaux commerciaux. Eh bien, oui, nous nous battons pour conserver les logements dans cette ville, et nous ferons tout pour que les autorisations délivrées en violation de la loi soient annulées par les tribunaux !

Voilà la réponse que je voulais faire à M. Gardiol, qui croyait être drôle en faisant un jeu de mots. Je lui livre le mien : «Conseil d'Etat, FMB, Gardiol & Co, falsification en gros» ! (Exclamations.) M. Haegi, hoche la tête. Evidemment, cela lui plaît; car il connaît bien la FMB ! Ses supporters sont là, même s'ils n'ont plus leurs pancartes. J'aurais pu dire aussi : «Conseil d'Etat, Gardiol, Haegi & Co, falsification en gros» ! Excusez-moi, Monsieur Haegi, je vous avais oublié !

M. Jean Spielmann (AdG). Tout à l'heure, j'ai essayé d'argumenter sur les trois points essentiels de ce débat : le déclassement, l'aménagement de Télécom et - plus important - l'emploi en général. Il n'y a pas eu, ou peu, de réponse des bancs d'en face.

Un seul d'entre vous a donné quelques arguments au débat, je veux parler de M. Opériol. Effectivement, il y a matière à discuter sur son intervention, mais tous les autres députés se sont lancés dans des opérations de bas étage. Oui, vous, Messieurs, qui êtes responsables d'une situation économique dans notre canton dont on mesure aujourd'hui les conséquences, vous êtes bien mal placés pour nous faire la leçon sur ce qui s'est fait ou pas, y compris sur la traversée de la rade, surtout que vous avez les pleins pouvoirs depuis une cinquantaine d'années et que vous pouvez prendre toutes les décisions, puisque nous sommes minoritaires ! C'est quand même fort d'oser nous reprocher vos propres incapacités de gestion !

J'ai évoqué tout à l'heure le problème de l'emploi. On s'est permis, toujours sur les bancs d'en face, de nous faire porter la responsabilité du problème du chômage, ce qui s'apparente davantage à une insulte qu'à un argument. Je vous ai posé des questions par rapport aux différentes opérations spéculatives qui ont été conduites sur les entreprises du secteur secondaire genevois. Les terrains des entreprises, telles que Hispano, Charmille, Tavaro, Tarex, et autres sont toujours inutilisés, alors que c'est un potentiel extraordinaire pour y installer des entreprises. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Pourquoi n'avez-vous pas examiné ces possibilités ? Vous avez déjà tellement fait de dégâts dans l'emploi avec l'une ou l'autre de ces entreprises, qui employaient des milliers de salariés dans un secteur économique secondaire prospère, que vous auriez au moins pu trouver la place nécessaire pour y installer Reuters. Sur cette argumentation, vous n'avez rien répondu; vous vous êtes contentés de proférer des insultes.

Au sujet de la compétitivité de la concurrence, vous êtes évidemment étrangement muets - et pour cause - puisque votre argumentation s'est dégonflée comme une baudruche avec les renseignements que nous avons obtenus. Je répète ici que le Conseil d'Etat porte une très lourde responsabilité dans cette affaire, car il a commis des maladresses en présentant ce dossier. A aucun moment nous ne nous sommes opposés à l'entreprise Reuters, mais nous ne sommes pas d'accord avec la manière on ne peut plus légère dont le Conseil d'Etat a traité ce dossier.

J'ai oublié d'évoquer un problème, vu l'absence de M. Vodoz. Dans les opérations dont j'ai parlé, notamment celle de Sécheron et ABB, il était question, dans le cadre du transfert de l'entreprise, de facilités fiscales qui avaient été données à juste titre, puisqu'il s'agissait de réimplanter une entreprise dans la zone industrielle, ce qui semble plus intelligent que de le faire en zone agricole, alors qu'il y a encore un énorme potentiel en zone industrielle. Est-il prévu de permettre des facilités fiscales à Reuters ? Je pose la question au Conseil d'Etat. Cela nous expliquerait quelles sont les motivations profondes de Reuters pour s'installer avec tant d'insistance à la Pallanterie, plutôt que de trouver une solution plus favorable à l'environnement, à l'aménagement du canton et à une utilisation intelligente du patrimoine bâti actuel. Je le répète je n'ai obtenu aucune réponse valable à cet argument si ce ne sont des insultes.

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je voudrais apporter un bref démenti aux insinuations de certains orateurs de l'Alliance de gauche qui ont déclaré que l'investigation des zones constructibles n'a pas été entreprise. C'est faux ! Elle a été faite très sérieusement et très largement. J'ai joint à mon rapport la liste exhaustive des trente-huit sites qui furent examinés par la société, avec, en marge, les commentaires les caractérisant et justifiant les principaux motifs qui ont présidé à leur éviction.

Les parcelles citées dans le rapport de première minorité comme monnaie d'échange sont à l'évidence inadéquates à cet égard. Le président de Reuters l'a confirmé. Soit elles sont situées sur la rive droite, ce qui pose des problèmes de captage hertzien - ce qui a été confirmé par le représentant des télécommunications entendu par la commission - soit elles sont trop exiguës et impliquent de construire sur cinq étages, ce qui réduirait à néant l'un des atouts de sécurité présenté par la candidature de Genève, comme je l'ai démontré tout à l'heure.

Par ailleurs, et en passant, les messieurs de l'Alliance de gauche...

Mme Claire Chalut. Et les femmes alors !

M. René Koechlin, rapporteur de majorité. Oui, mais ce sont eux qui ont pris la parole, Madame ! Si vous aviez pris la parole, j'aurais dit : les messieurs et les dames de l'Alliance de gauche... (Contestation.) ...mais vous n'avez pas pris la parole ! Alors, excusez-moi du peu ! La prochaine fois, si vous la prenez, j'aurai la politesse de commencer par...

La présidente. Monsieur Koechlin, s'il vous plaît, revenez au débat !

M. René Koechlin, rapporteur de majorité. Bref, ces messieurs se sont trompés d'interlocuteur en s'adressant à la direction de Singapour pour mendier quelques informations. A l'évidence, ce n'est pas dans cette ville que Reuters prend ses décisions d'implantation de siège, mais à Londres. Je ne pense pas, sincèrement, que vous soyez la gauche la plus bête du monde...

M. Chaïm Nissim, rapporteur de deuxième minorité. Ça c'est une bonne nouvelle !

M. René Koechlin, rapporteur de majorité. ...mais, en l'occurrence, il me semble que c'est à la direction générale de Reuters, sur les bords de la Tamise, que vous auriez dû quêter vos informations. C'eût été plus intelligent !

Enfin, quant aux considérations de M. Clerc sur le chômage, il en porte seul la responsabilité. Accuser vos adversaires d'être la cause du chômage à Genève relève d'un manichéisme tellement simpliste qu'il mérite de n'être évoqué que pour confondre son auteur, quand on sait à quel point les problèmes socio-économiques que connaît notre canton relèvent d'un phénomène général, qui dépasse largement les frontières de notre pays, et dépendent d'une multitude de facteurs que personne ne maîtrise vraiment !

Mesdames et Messieurs les députés, je pense que tout a été dit ou presque sur ce dossier. Je vous propose donc de procéder au vote.

M. John Dupraz (R). Avant que ce projet de loi concernant Reuters ne nous soit soumis, un des sept conseillers d'Etat m'a approché et m'a dit...

Une voix. Lequel ?

M. John Dupraz. ...je cite : «Je ne comprends pas l'insistance de nos collègues démocrates-chrétiens qui veulent installer Reuters à Collonge-Bellerive. Qu'en penses-tu ?». Je lui ai fait part de mon étonnement à ce sujet, car je ne comprends pas que l'on n'utilise pas les terrains déjà à disposition, ce qui est le propre d'une bonne gestion.

Certes, Genève est l'une des villes les plus attractives au monde, et elle a fait l'objet d'articles élogieux dans la presse régionale. Mais, précisément, si elle est attractive c'est notamment en raison de la gestion rigoureuse du territoire par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil.

Devant ce projet, nous devons bien évidemment mettre en balance l'intérêt économique de Genève, en laissant s'installer Reuters dans notre canton, et la rigueur de l'aménagement. Néanmoins, si nous procédons trop souvent à ce genre de déclassement Genève restera-t-elle toujours aussi attractive ? Il faut donc être d'autant plus prudent que le Conseil d'Etat nous a déclaré que ce serait le dernier déclassement d'importance en zone agricole avant l'adoption de la révision du plan directeur cantonal. Et, quinze jours après, on décide d'installer le restoroute à Ecogia, ce qui provoque les récriminations de la Chambre d'agriculture et des milieux de l'environnement. Ensuite, le Conseil d'Etat fait marche arrière.

Alors, il faudrait savoir si vous avez une vision prospective sur la manière de gérer Genève et sur l'avenir que vous réservez à ce canton ou si vous gouvernez à la façon dont les poules traversent les routes... (Rires.) ...trois pas en avant, cinq en arrière ! (Rires et applaudissements sur les bancs de la gauche.) Si le Conseil d'Etat avait tenu le même raisonnement pour le transfert d'ABB-Sécheron, jamais nous n'aurions pu reloger cette entreprise dans la Zimeysa. En effet, dans cette affaire, il a fallu mener des discussions très serrées - j'y ai participé en coulisse pour éviter un référendum des écolos - (Contestation.) car l'entreprise considérait que ce terrain était trop exigu.

Aujourd'hui, je n'ai vraiment pas l'intime conviction que le Conseil d'Etat ait cherché à mener une discussion approfondie avec Reuters pour chercher à l'installer dans des sites déjà déclassés et tenter de ramener le projet à des dimensions moins gourmandes en terrain. Je considère que le Conseil d'Etat nous a raconté des fariboles, ce que je trouve insupportable et inacceptable, surtout lorsqu'il s'agit d'un ami vieux de trente ans ! (Rires et remarques.)

Il est vrai que les conseillers d'Etat sont plus intelligents que les députés, puisqu'ils sont au Conseil d'Etat et pas nous, ce qui explique pourquoi M. Grobet est à nouveau député ! (Rires.) Du reste, M. Joye, dans un journal, s'en est pris à juste titre aux propos un peu sévères de l'ancien conseiller d'Etat, M. Grobet, concernant l'attitude du Conseil d'Etat dans l'affaire Reuters. M. Joye concluait en disant qu'il ne connaissait qu'une chose : la sanction populaire et qu'il fallait être prudents en politique, car on ne sait pas ce que l'avenir réserve.

Je constate que le Conseil d'Etat, après la sanction populaire concernant le SAN et Montana, qui étaient des projets essentiels pour l'équilibre du budget, a trouvé les 17 millions nécessaires en une demi-journée. Après la fâcheuse impression que vous avez donnée d'être aux ordres des syndicats patronaux dans le projet de loi sur les allocations familiales - en effet, une seule lettre de M. Barde a suffi pour vous faire changer l'ordre du jour du Conseil d'Etat - avec le «plouf» programmé de la traversée de la rade, je crains bien, Monsieur Joye, que vos propos à l'égard de M. Grobet se retournent très prochainement contre certains des conseillers d'Etat au pouvoir !

Nous aimerions que vous ayez un peu plus de constance dans la manière de gouverner et de perspectives d'avenir. J'estime que le projet Reuters est indispensable et nécessaire à Genève. Si j'y étais opposé c'était bien plus en réaction à la manière dont le Conseil d'Etat a traité ce projet que sur le fond. Estimant que Reuters a plus d'importance que la manière dont vous avez agi, je voterai tout de même ce projet de loi ! (Applaudissements.)

M. Michel Balestra (L). Après que M. Koechlin nous a récité des fables, nous avons, pendant toute la soirée, assisté à un mirage : celui du soutien de l'Alliance de gauche à un projet qu'il déteste sur le fond !

Mesdames et Messieurs, donner la priorité à l'emploi implique aujourd'hui une certaine souplesse, et nous ne devons pas, en matière d'aménagement du territoire, avoir une attitude obsidionale propre à notre cité. Si les zones agricoles en friche remplacent aujourd'hui les murs des fortifications de la cité, la pétrification de nos cerveaux est comparable à celle de nos ancêtres ! Tout semble difficile à cette cité, même le plus évident des projets, car, en fait, de quoi s'agit-il ? Quelle est donc la complexité de ce dossier pour qu'il génère un pareil débat ? L'Etat de Genève possède une friche agricole, partiellement utilisée comme parking pour camions. Ce terrain n'a pas d'affectation prévue; il intéresse une entreprise qui emploie quatre cents personnes. Il faut donc simplement déclasser ce terrain et accorder un droit de superficie.

Reconnaissez, Mesdames et Messieurs, que, sur le fond, ce dossier est assez simple, et, pourtant, nous assistons à un débat surréaliste !

M. Ferrazino déclare dans son rapport de minorité qu'il ne s'oppose nullement au déclassement : c'est heureux, car s'il s'y était opposé, nous en aurions eu pour plus de six heures ! Je pense, pour ma part, que nous restons en parfaite opposition, quant à notre perception des besoins de l'économie.

Notre débat de ce soir, Monsieur Spielmann, ne doit pas porter sur les vertus de la fibre optique et des canalisations de la ville; nous devons déterminer quelle est notre priorité politique. Je vous rappelle que nous agissons par délégation de la suprême autorité du peuple. Et quel est le souci principal du souverain aujourd'hui ? J'affirme que c'est l'emploi !

Je suis heureux de constater qu'en finale nous assistons à un ralliement général de l'ensemble de ce Grand Conseil à cette idée, mais le mal est fait. En effet, si ce soir nous avons sauvé quatre cents emplois, Messieurs Clerc, Ferrazino, Spielmann et, malheureusement, Dupraz, vous avez donné publiquement une image de Genève qui nous coûtera très cher ! Je le regrette. (Exclamations.)

Nous n'avons pourtant pas besoin de ce handicap supplémentaire. Nous avons déjà perdu vingt-huit mille emplois ! Je ne sais pas si vous êtes la gauche la plus imbécile du monde, mais vous êtes sans doute la gauche la plus antisociale d'Europe ! En effet, toutes les gauches d'Europe ont compris que l'emploi implique de l'imagination et de la souplesse, bref, de l'intelligence; pas de l'éloquence, Monsieur Ferrazino, de l'intelligence ! (Applaudissements.) Puisse la gauche genevoise atteindre un jour ce nirvana dans l'intérêt général ! (Applaudissements des libéraux.)

M. Jean Spielmann (AdG). J'ai été interpellé à plusieurs reprises. M. Balestra a laissé entendre qu'il n'était pas opportun de traiter le projet de Reuters sur le plan technique des fibres optiques et des câbles. Or, tout à l'heure, M. Koechlin a indiqué que la rive gauche était plus propice au captage du réseau hertzien. Je ne sais pas si j'ai bien entendu, mais c'est également ce qu'il a écrit dans son rapport. Ceux qui connaissent un peu le monde des Télécom et qui utilisent les faisceaux hertziens savent, par exemple, qu'il a fallu construire de nouveaux centres téléphoniques et réfléchir à leur implantation pour le développement des communications internationales à Genève.

Ce n'est pas un hasard si les plus grands centres et capteurs de faisceaux hertziens se trouvent juste derrière la gare sur la rive droite, Monsieur Balestra ! C'est l'endroit le plus adéquat. Si vous voulez prétendre que c'est mieux sur la rive gauche, je veux bien, mais alors trouvez des arguments plus intelligents ! (Remarques.) Il faut qu'ils soient adaptés à la réalité technique.

La multiplication des fausses informations et la falsification du dossier n'ont pas aidé à faire avancer cette affaire qui aurait pu trouver une solution rapide. Comme M. Dupraz l'a très bien dit... (Chahut.) ...je suis également persuadé que l'on pourrait trouver un site rapidement pour Reuters dans des conditions plus favorables que celles que vous proposez aujourd'hui. Il n'est pas besoin d'intelligence pour cela; un peu de sens pratique suffirait !

Il faut arrêter de développer des arguments pour développer une politique qui va à l'encontre, en définitive, des propos que vous avez tenus et qui contribue à augmenter le nombre de chômeurs, comme vous avez déjà réussi à le faire depuis quelques années. Vous avez créé les conditions qui ont engendré le dépérissement du secteur secondaire en favorisant les activités purement spéculatives qui conduisent au désastre et qui vous amèneront, dans quelque temps, à vous retrouver dans la minorité de ce parlement. Vous verrez alors, ce que c'est ! (Rires.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le jour où nous inaugurons le Salon du livre, il était, somme toute, assez normal que quelques députés frappent leur intervention du sceau du genre littéraire ! M. Koechlin, rapporteur de majorité, a utilisé une fable comme support. D'autres députés ont choisi un genre qui a son intérêt en littérature, mais qui, sur le plan politique et économique, est plus discutable, je veux parler du surréalisme.

En effet, Mesdames et Messieurs, il est surréaliste d'entendre les propos d'aucuns, s'érigeant en procureurs qui pointeraient un doigt vengeur, non pas contre le Conseil d'Etat - nous en avons l'habitude et cela ne nous gêne pas trop - mais contre Reuters, qui se retrouverait ce soir au banc des accusés. Certains ont dit que la société Reuters profitait scandaleusement d'une situation dont elle bénéficierait sans fondement à Genève ! On a également entendu qu'elle était un «complice» absolument outrageant des pires spéculateurs ! Mais que n'a-t-on pas entendu dire ?

Mesdames et Messieurs, je ne pensais pas que le genre surréaliste pénétrerait aussi largement dans notre parlement ! Cela est tout à fait stupéfiant eu égard à la situation économique qui est la nôtre. Ces mêmes «procureurs» ont prétendu, alors que Reuters est une société dont nous appelons le développement de nos voeux, que l'Etat - c'est-à-dire en définitive notre collectivité - subirait un préjudice dans cette affaire. C'est tout simplement consternant d'entendre de tels propos, compte tenu de nos seize mille chômeurs !

Certains ont même dit que le Conseil d'Etat à propos de cette affaire avait menti. On a encore dit, bien qu'on n'ait pas osé l'affirmer de cette manière, que les patrons de Reuters mentaient. Monsieur le rapporteur de minorité Ferrazino, vous avez évoqué des arguments laissant entendre que, selon vous, les dires de Reuters n'étaient que mensonges ! Vous pouvez cultiver ce genre. En ce qui nous concerne, nous considérons que l'injure est l'arme des faibles !

M. Christian Grobet. Parlons d'injures ! (La présidente fait sonner sa cloche.)

La présidente. Monsieur Ferrazino, vous êtes inscrit ! Vous prendrez la parole à votre tour.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Monsieur Ferrazino, je ne vous ai pas interrompu, et à moins que vous ne craigniez d'entendre ce que j'ai à vous dire, vous êtes prié de m'écouter !

Parlons de Singapour ! Vous avez produit dans votre rapport complémentaire - un peu spontané, déposé ce soir sur le bureau du Grand Conseil - une partie de la correspondance qu'en «procureur zélé» vous avez échangée avec la direction générale de Reuters. Lorsqu'on veut jouer le rôle de procureur, il faut être convaincant, et pour cela il faut être loyal ! Quand on produit de la correspondance, il faut la produire toute ! C'est très dommage que vous n'ayez pas donné aux députés les premiers échanges de correspondance avec M. Marchand...

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Ils sont dans le rapport ! Vous ne lisez pas les rapports ?

La présidente. Cessez d'interrompre le conseiller d'Etat, s'il vous plaît, Messieurs !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Décidément, dans ce parlement, du côté de l'Alliance de gauche, dès qu'un propos dérange on cherche à interrompre l'orateur ! C'est une méthode...

La présidente. Monsieur Ferrazino, je vous en prie !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Cette méthode, en tout cas, vous dispense de donner des leçons dans le domaine du débat démocratique ! Laissez-moi vous dire ce que j'ai à vous dire, et, ensuite, vous pourrez répondre, au cas où vous auriez encore quelque chose à dire, ce dont je ne doute pas, puisque vous êtes intarissable !

Il aurait été souhaitable que vous fassiez allusion aux documents qui doivent effectivement être acquis au débat, notamment à la lettre de M. Marchand du 7 avril dernier et à son annexe. (Exclamations.) Comme M. Ferrazino a évité d'en parler dans son argumentation et qu'il cherche à faire diversion en indiquant uniquement ce qui pourrait, par une interprétation spécieuse, être favorable à sa thèse, il me semble important de vous faire savoir ce que Reuters a dit, dès le départ.

Reuters a parlé des surfaces et du bâtiment qui sont déjà à disposition à Singapour. Cette société y est déjà en exploitation et dispose donc de réserve d'extension. C'est dans ce sens qu'une extension à Singapour ne coûte rien pour Reuters ! Monsieur Ferrazino, vous auriez dû rapporter les propos de M. Marchand tenus en commission de l'aménagement devant vous ! Bien sûr, vous êtes parti un peu tôt - vous deviez être pressé - ce qui vous a probablement empêché de poser toutes les questions que vous vouliez poser.

M. Marchand a dit - cela figure dans le procès-verbal - que : «Reuters a examiné des quantités de sites avant de se décider pour celui de Collonge-Bellerive.». Il a encore dit, je cite : «Ce lieu réunit toutes les qualités nécessaires pour en faire un site unique.». Il n'a pas caché qu'il était en concurrence avec Singapour qui fournit beaucoup d'efforts pour ce développement et qui nécessiterait de petites modifications seulement pour créer ce nouveau centre, puisque le bâtiment existe déjà. Alors, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais, moi, j'ai tendance à prendre mes informations auprès du président de Reuters qui dit et qui confirme que Genève est en concurrence avec Singapour qui présente des avantages. Et la seule façon de renverser ce handicap pour Genève est de permettre à cette société de s'implanter sur le site qu'elle a choisi, parmi trente-huit autres.

Mesdames et Messieurs, le débat que certains ont voulu conduire sur le seul terrain de l'aménagement du territoire confond les moyens et les objectifs. L'aménagement du territoire est un moyen au service d'objectifs. Notre objectif prioritaire est l'emploi. Alors, parlons des emplois !

En 1984, Reuters, lorsque qu'elle s'est implantée à Genève et a cherché à s'y développer, comptait trente-huit employés. Aujourd'hui, cette société emploie très exactement deux cent nonante-deux personnes. Qu'il me soit permis de vous dire qu'à partir du moment où nous avons commencé nos premières études avec Reuters - soit environ dix-huit mois à deux ans - elle comptait deux cent quarante à deux cent cinquante employés. C'est sur la base de la confiance que Reuters fait à Genève, alors même que son nouveau projet n'était pas décidé, le parlement ne l'ayant pas encore voté, que cette société a décidé d'engager du personnel. En une année, Reuters a déjà engagé entre quarante et cinquante personnes, ce qui porte l'effectif à deux cent nonante-deux.

Cette société a l'intention de se développer, et vous savez qu'à la fin de 1996, sur la base des estimations de M. Marchand, protocolées en commission, confirmées dans la correspondance que vous avez échangée avec lui, il y aura trois cent cinquante à trois cent soixante employés à Reuters. Cela n'est qu'une première étape, puisque la progression continuera jusqu'à fin 1997/1998.

Vous savez que les emplois chez Reuters sont d'une qualité remarquable, et les postes concernent des domaines pour lesquels nous cherchons des débouchés pour nos jeunes. On y emploie des ingénieurs, des analystes financiers, des informaticiens de très haut niveau et des gestionnaires, parce que Reuters attire à Genève le centre de facturation pour l'ensemble de son groupe, ce qui est intéressant tant pour les programmes informatiques que pour la gestion.

M. Marchand a dit en commission - nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion de l'amendement de M. Clerc - que son objectif était évidemment d'engager des jeunes qui sortent de nos écoles pour la croissance de son entreprise. Il n'est pas question de faire appel à du personnel étranger à nos frontières, non résidant, sauf si cela s'avérait absolument indispensable pour des questions de profil personnel.

Les emplois proposés par Reuters engendrent des retombées directes, comme cela a déjà été dit, mais aussi des retombées indirectes, vous le savez parfaitement. Mme Chevalley a donné des chiffres fort pertinents sur ces retombées indirectes. Je n'y reviendrai donc pas, car ce qu'elle a dit est parfaitement exact. Les retombées indirectes de l'activité de Reuters, l'onde de choc de son activité et les perspectives de rayonnement concret déjà existantes sont considérables pour notre canton.

Du point de vue de la politique économique, nous avons entendu à plusieurs reprises - c'est un point sur lequel le Conseil d'Etat est parfaitement à l'unisson des députés qui affichent ce point de vue - que Genève devait développer un certain nombre d'emplois, devait assurer le développement d'un certain nombre d'entreprises qui se situent dans des créneaux particulièrement appropriés au profil de notre canton, à un certain nombre de contraintes et à nos caractéristiques. Dans ce domaine - nous le disons très clairement - nous avons l'ambition de renforcer Genève comme centre d'excellence en matière de télécommunication. Nous avons de bons atouts pour cela, dont, évidemment, Reuters. Ces atouts, c'est une présence internationale avec l'UIT, l'UER, SITA et Télécom, dont vous connaissez les retombées : une exposition tous les quatre ans avec 350 millions de retombées économiques avérées par chaque exposition pour notre canton.

Vous connaissez l'impact de l'industrie des télécommunications dans notre canton, avec des sociétés comme Hewlett Packard, comme Digital, comme Motorola, et j'en passe de toutes aussi bonnes, en matière de services, avec non seulement les Télécom de notre pays, qui s'avèrent extrêmement intéressés au développement de Genève et qui font de remarquables résultats, mais aussi avec l'installation de British Telecom, de France Télécom, et tout récemment de Corean Telecom et Nippon Telecom. Nous avons ces atouts. Pensez-vous une seule seconde qu'un refus à Reuters serait sans conséquence ? Pensez-vous que les arguments avancés, ces jours derniers et ce soir encore, seront sans conséquence pour l'ambition légitime de Genève de devenir un centre d'excellence en matière de télécommunications ?

Toujours s'agissant des retombées induites, nous avons à Genève une place bancaire et financière qui, quoi qu'en dise M. Clerc, nous fait honneur et qui fournit beaucoup d'emplois. Imaginez-vous un seul instant que les retombées d'un spécialiste comme Reuters pour le traitement de données électroniques en matière bancaire et financière ne sont pas de nature à consolider la vocation de Genève dans ce domaine ?

Monsieur Ferrazino, si cela vous intéresse, la SSR développe un nouveau projet de radio économique. Vous le savez, les médias électroniques jouent aujourd'hui un rôle considérable dans la transmission de l'information. Quel est le partenaire de la SSR pour ce projet ? C'est Reuters ! Ce projet, figurez-vous, nous permettrait de retrouver en termes de capacité et d'emplois ce que nous perdons par le transfert à Lausanne d'Espace 2. C'est donc pour nous extrêmement important, car ce projet consolide la SSR dans notre canton.

Monsieur Spielmann - ce sera ma conclusion - en l'état le Conseil d'Etat n'est pas saisi d'une demande de mesure d'accompagnement fiscal de la part de Reuters. Mais si cette demande était faite, nous la traiterions comme nous traitons toutes les demandes de restructuration et de développement d'entreprise dans le cadre d'une conception de l'égalité de traitement absolue. Il ne sera pas fait plus pour Reuters que pour d'autres entreprises, mais il ne sera pas fait moins non plus, sous prétexte que cela démangerait quelques députés !

Mesdames et Messieurs, ce soir les groupes parlementaires ont trouvé un accord, qui, pour l'essentiel, consiste à reprendre et à intégrer dans la loi ce que le chef du département des travaux publics avait négocié et conclu dans un accord séparé. C'est un problème de forme qu'agrée le Conseil d'Etat, car il ne pose pas de problème particulier. Si cela permet de dégager un accord dans le cadre de ce Grand Conseil, eh bien, tant mieux, car on ne va pas s'arrêter à des problèmes de technique législative, face aux enjeux dont nous sommes saisis !

Malgré cet accord, et alors que l'on aurait pu penser que les affaires étaient jouées dès les premières interventions de ce soir, nous avons entendu des choses consternantes s'agissant de Reuters compte tenu de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons dans le domaine de l'emploi. Le Conseil d'Etat a été attaqué, ce qui n'est pas trop grave, car nous concevons fort bien que certains députés ne puissent résister à la démangeaison de s'opposer au gouvernement, vu le système actuel. Cependant, ne vous trompez pas d'adversaire ! Ceux qui croient faire de l'opposition au gouvernement sur le dossier Reuters font en réalité de l'opposition à l'emploi ! (Contestation.)

Une voix. Bien sûr ! (Brouhaha. La présidente fait sonner sa cloche.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je m'adresse aux députés qui cherchent à torpiller ce projet avec des arguments qui, en définitive, sont défavorables à l'emploi, et je leur dis : «Bas les masques ! Il y a des tartuferies qui doivent cesser dans ce parlement !». (Applaudissements et acclamations.)

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous n'assistons pas à un match ! Il n'est pas nécessaire d'applaudir à chaque fois. Nous sommes tout de même dans un parlement !

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Puisque je prends la parole après M. Jean-Philippe Maitre, cela me donnera l'occasion de lui répondre.

Je me trouvais en Allemagne il y a deux mois dans le Land de Rhénanie-Westphalie où j'ai visité un parc technologique destiné à des entreprises innovatrices. J'ai vu un gouvernement social-démocrate prêt à investir 72 millions de francs pour créer trois cents emplois. A priori, donc, permettre le développement d'une entreprise de ce type à Genève, avec un apport de main-d'oeuvre ne devrait normalement être qu'un sujet de contentement pour le groupe socialiste et l'occasion d'apporter un appui à ce gouvernement. En effet, nous ne sommes pas intéressés par un réquisitoire de plus contre ce gouvernement monocolore. C'est de l'avenir économique de Genève qu'il s'agit !

Mais cela vous va bien, Monsieur Maitre, de vous agiter comme vous venez de le faire. Vous cachez ainsi vos manquements et ceux du Conseil d'Etat dans ce dossier ! En effet, vous avez très mal géré ce dossier. Certains l'ont déjà dit et je persiste. D'ailleurs, cela dérange les libéraux et certains conseillers d'Etat qui sont aujourd'hui fâchés de ne pas pouvoir retirer tout seuls les bénéfices politiques de l'implantation de Reuters à Genève et jouir de leur chantage à leur emploi. (Contestation.)

Si les députés ne s'étaient pas mobilisés sur ce dossier, le Conseil d'Etat porterait aujourd'hui une lourde responsabilité dans l'échec de ce projet. Il a trompé les organisations écologistes et les députés. Il a pris des engagements qu'il n'a pas tenus, notamment concernant le plan directeur et le schéma de conservation de la zone agricole. En réalité, votre manque d'enthousiasme, Madame et Messieurs du Conseil d'Etat, tient au fait que vous ne voulez pas d'une vue d'ensemble coordonnée et que vous préférez grignoter tranquillement la zone agricole. C'est évidemment une politique que nous, socialistes, ne pouvons pas soutenir !

Savez-vous quel est le nombre de projets de déclassement de la zone agricole qui sont prévus ? A Versoix, pour un restoroute; le long des rives du Rhône pour un tennis; 60 000 m2 à Meynier, 4 874 m2 à Collonge-Bellerive. D'ailleurs, si vous avez lu la FAO, vous aurez pu vous rendre compte qu'on prévoit à Versoix la construction d'une carrosserie en zone agricole, à Avusy : la transformation d'une ancienne porcherie en manège... (Brouhaha.) ...à Laconnex : la construction d'un hangar en zone agricole; à Céligny : la construction d'une habitation en zone agricole; à Corsier : l'installation d'une serre préfabriquée; à Collex-Bossy : la construction d'un hangar; à Satigny : la construction d'une villa et d'un garage, et j'en passe. Il y a des exemples de ce type dans toute la République !

Moi, une telle énumération ne me plaît pas, et je ne vois pas a priori pourquoi un aménagement respectueux de l'environnement ne pourrait pas coexister avec l'accueil d'une entreprise comme Reuters. Les socialistes revendiquent une politique cohérente et écologique de l'aménagement, politique économique basée sur des entreprises à forte valeur ajoutée employant une main-d'oeuvre très qualifiée. Reuters fait manifestement partie de cette catégorie. Ce soir, je suis donc très heureuse du travail et des efforts qui ont permis de faire aboutir le projet Reuters en concrétisant complètement la convention signée par les organisations écologistes.

Pour terminer, vous me permettrez de dire quelque chose sur cet accord dont on a très peu parlé ce soir. Monsieur Balestra, ce n'est pas un mauvais accord. C'est un bon accord et il est intéressant à plusieurs égards :

1) Il instaure une pratique intégrant les organisations écologistes en matière de revalorisation agro-environnementale, ce qui est un plus.

2) Il constitue un précédent pour ce qui concerne les surfaces de compensation. C'est une revendication que nous formulons depuis fort longtemps. Nous sommes donc satisfaits sur ce point.

3) La mention du plan directeur et le fait qu'il est plus intéressant, en matière d'aménagement du territoire, de voir s'installer Reuters à Collonge-Bellerive qu'un hangar à Bellevue sont encore des points positifs.

Ce sont, brièvement résumées, les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs, nous voterons avec plaisir ce projet de loi.

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Votre agitation laisse transparaître la faiblesse de vos arguments dans ce dossier, Monsieur Maitre ! Permettez-moi de m'étonner : soit vous étudiez mal vos dossiers - ce que j'ai quelque peine à croire - soit, encore une fois, vous voulez induire ce parlement en erreur. Vous avez affirmé - arrêtez-moi, si je me trompe - avec le plus grand sérieux que je n'aurais pas produit, pire, que j'aurais caché - mais on a tendance à voir les autres d'après nous-mêmes - la lettre de Reuters du 7 avril. C'est vrai ou c'est faux ? (M. Jean-Philippe Maitre interroge la présidente du regard, pour savoir s'il peut répondre.)

La présidente. Je vous en prie, Monsieur le conseiller d'Etat, vous pouvez prendre la parole, puisque M. Ferrazino vous l'accorde !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je suis très heureux que, dans un élan de courtoisie soudain, M. Ferrazino me permette de lui dire qu'il se trompe. Je vous le dis donc, Monsieur Ferrazino, vous vous trompez !

Vous avez cherché à dire - vous l'avez du reste développé dans les médias durant ces derniers jours et vous avez été aidé en cela par votre inévitable collègue, M. Grobet ! - qu'il n'y avait pas de concurrence avec Singapour et que c'était un mensonge du Conseil d'Etat. Je voulais simplement vous dire que dans les documents que vous avez soudainement produits - ce n'était pas nécessaire, puisqu'ils se trouvaient déjà dans votre rapport - vous avez oublié d'attirer l'attention sur un autre document qui se trouvait effectivement dans votre rapport et dans lequel M. Marchand donne des précisions sur la situation concurrentielle avec Singapour.

Vous avez également oublié - ce qui est une omission coupable - de rappeler ce que M. Marchand a dit en commission - ce qui est indiqué dans le procès-verbal - au sujet de la situation de concurrence avec Singapour. La question est toute simple, Monsieur Ferrazino : voulez-vous que Reuters se développe à Singapour ou à Genève ? C'est par votre vote que vous apporterez la réponse à cette question. (Applaudissements.)

La présidente. Ecoutez, les applaudissements, à droite comme à gauche, ça suffit ! (Contestation.) Il est 23 h 30 et nous n'avons toujours pas voté l'entrée en matière !

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. (Protestations.) Madame la présidente, vous avez une clémence à l'égard de ces agitateurs !

La présidente. Ecoutez, je crois que j'ai été très patiente avec tout le monde, à droite, comme à gauche !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. Ah, les amis de M. Gardiol sont très bruyants ce soir !

Monsieur Maitre, je suis content de voir que vous avez retrouvé votre calme ! C'est un très bon point. Vous avez un très bon self-control !

La présidente. S'il vous plaît, Monsieur Ferrazino, tâchez d'être courtois !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. (Brouhaha.) Le responsable de la suppression de trois mille emplois dans la fonction publique... (La présidente fait sonner sa cloche.) ...ne peut pas tenir de tels propos ! Monsieur Maitre, je vous demande de les retirer tout de suite ! (Vacarme. Certains députés font du bruit avec leur pupitre.) Je n'admettrai pas de recevoir de leçon de la part du responsable du département de l'économie publique qui est à l'origine de la suppression de trois mille emplois dans la fonction publique ! Monsieur Maitre, que cela soit bien clair ! (Huées. Chahut.)

La présidente. Mesdames et Messieurs, je trouve que la séance est en train de déraper complètement. Si nous ne retrouvons pas notre calme, je suspends la séance.

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. En ce qui me concerne, Madame la présidente, je suis très serein !

La présidente. Ce qui n'empêche pas, Monsieur le rapporteur, que vous tenez des propos...

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. On les suscite ces propos, Madame la présidente !

La présidente. Je vous en prie, revenons au coeur du débat !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de première minorité. M. Maitre parle beaucoup de M. Reuters et pour cause... (Rires.) ...pardon, de M. Marchand. Moi, je préfère parler des déclarations de M. Maitre. Ce n'est pas une passion pour moi de mettre le Conseil d'Etat devant les contradictions qui sont les siennes, mais cela devient malheureusement une habitude, parce que les occasions sont de plus en plus fréquentes ! Monsieur Maitre, quel que soit son parti, on ne peut pas accepter que le gouvernement nous trompe et nous induise en erreur ! (Contestation.) Lors de la commission de l'aménagement du 8 février dernier... (L'orateur est interpellé par M. Maitre.) Je ne prendrai pas les mauvaises habitudes de M. Maitre, Madame la présidente, je ne répliquerai pas à ses invectives !

...vous avez dit - c'est bien de vous dont il s'agit et non de M. Marchand - c'est noté en page 4 : «Si cette opportunité n'est pas acceptée, Reuters se développera à Singapour sur des terrains mis à disposition gratuitement.». Voilà l'information que vous avez distillée ! Elle est de vous ! J'affirme ici qu'elle est fausse et archifausse !

M. Christian Grobet (AdG). Notre débat de ce soir porte sur un dossier délicat. Il est évident qu'il est toujours possible de justifier un cas particulier, mais l'essentiel en politique est d'examiner la portée des actes sur un plan général. Monsieur Maitre, je sais que vous êtes passé maître dans l'art de faire dire aux gens ce qu'ils n'ont pas dit !

Une voix. Et puis toi ?

M. Christian Grobet. Je n'ai pas le talent de mon ancien collègue en la matière ! Je le reconnais modestement.

Au lieu de prêter aux gens des propos qu'ils n'ont pas tenus, au lieu d'injurier les autres... (L'orateur est interrompu par M. Annen.) Je peux parler, Monsieur Annen ? ...il aurait été préférable de répondre à certains des faits précis qui ont été avancés. Monsieur Maitre - vous n'aviez certainement pas lu la totalité du rapport, ce que je peux comprendre - vous disiez que M. Ferrazino n'avait pas produit toute la correspondance échangée et lorsque nous vous avons remis le rapport, vous avez, avec une certaine habileté, retourné vos propos. Pourtant, il a eu la correction de toute la produire pour que le débat soit parfaitement clair.

J'en reviens au problème principal de cette affaire. Vous essayez de faire croire que nous serions contre l'emploi, et cette affirmation a été votre conclusion. Il est facile, dans un dossier aussi complexe, de nous reprocher, parce que nous soulevons un certain nombre de points - points, du reste, admis par quelques-uns de vos amis politiques - d'être contre l'emploi. Nous avons certainement des objectifs différents, mais nous n'acceptons pas une telle accusation, surtout de la part du Conseil d'Etat, lequel, comme cela a déjà été dit, a diminué fortement - plusieurs milliers de postes - l'emploi dans la fonction publique, et lequel, en outre, n'est pas intervenu dans certaines fermetures d'entreprise.

Alors, la vérité est sortie de la bouche d'un député d'en face - je ne me souviens plus lequel - qui a rappelé que vingt-sept mille emplois avaient disparu à Genève. Hélas, on parle aujourd'hui d'une très modeste création d'emplois par rapport aux pertes déjà enregistrées, ce qui n'empêche qu'elle a son importance dans la situation que nous connaissons. Nous devons soutenir chaque création d'emploi, et nous souhaitons que ces emplois bénéficient en premier lieu à la main-d'oeuvre locale - je suis heureux d'avoir entendu vos propos à ce sujet. Tel est le but, du reste, de l'amendement déposé tout à l'heure par M. Clerc et sur lequel nous aurons l'occasion de revenir au moment de le voter.

Mais le problème n'est pas de faire du pathos sur une entreprise aux activités de laquelle nous sommes favorables, comme à son développement, cela va sans dire.

Une voix. Tu parles !

M. Christian Grobet. Mais, bien sûr, que nous y sommes favorables ! Et je ne doute pas que tout le monde dans cette salle y soit favorable !

Le problème n'est pas là. Nous devons savoir comment nous voulons gérer l'aménagement du territoire. Comme je l'ai déjà dit, on peut toujours justifier une dérogation pour un projet, mais vous savez aussi bien que moi que nous ne pourrons pas procéder à une dizaine de déclassements de cette superficie. Cela est une réalité. Je dis que ce dossier a été mal traité.

Un député a parlé de la nécessité d'avoir de l'imagination et de l'intelligence, ce qui est vrai. En matière d'aménagement, il en faut aussi. A un moment donné, il faut faire comprendre aux entreprises que certaines solutions ne sont pas possibles. Il est évident que le site choisi par Reuters est idéal pour cette société. On pourrait en trouver d'autres en zone agricole qui lui conviendraient. M. Koechlin a fait allusion à la liste des sites envisagés - au départ on a parlé de onze sites, puis ce chiffre a augmenté - et ce qui me frappe dans cette liste, même si vous avez corrigé quelques erreurs comme celle relative à La Suzette où les terrains n'étaient pas à vendre selon Reuters - c'est que le déclassement figurait dans les inconvénients de certains sites refusés. Or, je relève que c'est ce que nous faisons ce soir !

L'éloignement de certains sites par rapport à l'immeuble de Jargonnant, où une petite annexe devrait subsister, figurait également dans les inconvénients. Cet argument réduit évidemment les chances de trouver un site adéquat, et vous me permettrez de dire qu'il ne se justifie pas. Un autre argument, souvent avancé, porte sur le prix trop élevé du terrain : c'est là le fond du problème. Hier soir, nous avons eu une discussion très intéressante avec les syndicats. Ce qui est inquiétant, c'est que de plus en plus d'entreprises demanderont des terrains bon marché, que nous ne pourrons pas leur offrir, en tout cas pour les bureaux administratifs.

En zone industrielle, c'est vrai - M. Maitre a mené une politique cohérente dans ce domaine, je tiens à le souligner - les terrains restent bon marché, heureusement. Mais pour trouver des terrains bon marché pour les activités administratives, nous n'aurons pas d'autre choix que de déclasser systématiquement des terrains agricoles. Eh bien, moi, je dis qu'il n'est pas possible d'appliquer une telle politique, et que nous devons faire comprendre aux entreprises, surtout à celles qui en ont les moyens, comme Reuters dont les moyens sont considérables, que d'autres solutions sont envisageables à l'intérieur des zones à bâtir.

Le plus grand responsable dans toute cette affaire n'est probablement pas le Conseil d'Etat. Je reste persuadé que la vraie responsable est la commune de Collonge-Bellerive, car c'est elle qui a proposé ce site à Reuters. Je connais bien le conseil administratif de cette commune. Je trouve qu'il est indécent qu'une commune, qui pratique les centimes additionnels les plus bas de ce canton et qui n'a aucun problème fiscal, fasse du démarchage auprès de certaines entreprises pour déclasser des terrains et gagner ainsi de gros contribuables, ce qui est un moyen de conserver une basse fiscalité dans la commune. C'est inacceptable !

J'ai récemment rendu hommage à la commune de Nyon qui s'est distancée de la politique du Conseil d'Etat du canton de Vaud, en refusant de mener une politique de sous-enchère fiscale pour attirer des entreprises sur son territoire. Je salue donc le courage de M. Dupraz. C'est vrai qu'il faut examiner les choses globalement et mener une politique cohérente. La politique au coup par coup conduit immanquablement à l'impasse, car d'autres demandes de ce type risquent bien de se présenter. Je me demande comment le Conseil d'Etat pourrait refuser une dérogation identique à une société multinationale qui la solliciterait dans l'avenir.

Evidemment, on peut toujours être d'accord sur une affaire, et nous ne vous ferons pas le plaisir, ce soir, de voter contre ce projet de loi. Le projet est bon, c'est le projet de loi qui est mauvais. Néanmoins, nous attendons de savoir comment seront résolus les autres problèmes qui se poseront, lorsque des entreprises demanderont une égalité de traitement.

Monsieur Maitre, si je dis cela, c'est que vous avez vous-même évoqué le problème de l'égalité de traitement, en déclarant que Reuters ne serait ni mieux ni moins bien traitée que les autres. Pourtant, lorsque Reuters demandera une dérogation fiscale, elle l'obtiendra. Ce sera une facilité de plus qui lui sera accordée. S'agissant d'égalité de traitement, que fera-t-on au moment où d'autres entreprises demanderont à bénéficier des mêmes facilités que celles accordées à Reuters ? C'est l'impasse à laquelle vous nous conduisez avec ce projet de loi !

Effectivement, au point où nous en sommes aujourd'hui, on ne peut pas faire autrement que d'accepter ce projet, même s'il a été mal emmanché, ce qui est fortement regrettable !

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Beaucoup de choses ont été dites sur l'affaire Reuters, mais je tiens à revenir sur certains points.

La Chambre genevoise d'agriculture trouvait que le point 3 qu'elle avait suggéré n'était pas respecté. Or, il l'est puisque nous acceptons l'article 4, de l'alinéa 2 des amendements. Il en va de même pour le WWF.

S'agissant des critères de Mme Chappaz qui se réduisent aux boucles de fibres optiques, je pourrais lui lire la liste des dix-huit critères que j'ai élaborés pour voir quels sont ceux qui peuvent intéresser une société comme Reuters. J'y renonce, mais je les tiens à sa disposition. Comme M. Spielmann l'a dit, il faut faire la pesée des intérêts. Un spécialiste d'implantation industrielle m'a déclaré qu'il y a des limites à l'attractivité de Genève. Si, grâce à la dimension de Genève, une entreprise s'y implante et qu'elle découvre, après coup, que les choses sont aussi compliquées que dans des villes plus importantes présentant d'autres avantages il pourrait bien arriver qu'elle retourne dans un grand centre.

Dans le projet de loi, à l'alinéa 5, page 4, et à la page 5, alinéas 1, 2, 3 et 4 de l'exposé des motifs, je peux rassurer Mme Calmy-Rey, on parle du plan directeur, même si cela est exprimé différemment.

Toutes ces idées sont le fruit non pas d'une créativité tardive, mais de discussions internes à la commission ad hoc qui a été constituée et qui, déjà le 5 octobre, a posé les premiers éléments de toute la discussion et des compensations agro-environnementales. Les propositions d'amendements qui sont faites sur le critère du prix du terrain sont difficilement acceptables, car elles vont à l'encontre des principes de la formulation des prix pour des déclassements de zone agricole. Déjà, sous le précédent gouvernement, on a fixé des plafonds pour les transactions en zone agricole, quand on devait procéder à des déclassements. Du reste, la valeur des terrains envisagée n'est pas forcément intéressante pour fixer le prix des terrains ou des droits de superficie à la Pallanterie. Nous procéderons donc, pour élaborer ce prix, comme nous avons toujours fait au département des travaux publics.

S'agissant de Télécom, M. Brun, collaborateur au service de l'aménagement, m'a parlé de tous les avantages du site de la Pallanterie. Le réseau des fibres optiques est réalisable rapidement avec trois chemins possibles. Le problème de la liaison pour Veyrier est la liaison entre la Place Verte et le Grand-Lancy. Je tiens à la disposition de ceux qui le désirent les schémas à ce sujet.

Monsieur Ducret, vous parlez de plan d'aménagement passif; je crois que vous n'êtes pas très bien informé ! Nous avons pris en main les études d'aménagement de façon très intense et en étroite collaboration avec nos partenaires vaudois, français et avec les communes de ce canton. Vous devriez vous renseigner auprès de l'Office fédéral de l'aménagement du territoire pour connaître la haute estime dans laquelle il tient le département des travaux publics de Genève et le service de l'aménagement - et pas seulement depuis que j'y travaille !

S'agissant de l'étude agro-environnementale, je voudrais dire qu'elle précise déjà la nature des mesures compensatoires et les dates de leur mise en oeuvre. Le cahier des charges de l'étude agro-environnementale a été approuvé par le DTPE, le DIER, le DEP, la commune de Collonge-Bellerive et Reuters sur la base de propositions effectuées par l'AGPN, la CGA, la SAP et le WWF. On constate que la première phase de cette étude a été terminée le 19 janvier. La deuxième consiste à définir les compensations agro-environnementales de manière détaillée et à proposer des variantes. Elle aboutira simultanément à l'autorisation de construire envisagée. La troisième phase inclut la faisabilité des variantes de compensation. Ces compensations concernent pour l'essentiel un bassin versant qui va jusqu'à la Seymaz et qui se trouve hors de la parcelle de 42 000 m2. La quatrième phase concerne la réalisation des aménagements. Le montant d'un million qui a été fixé est un montant garanti par Reuters. Le système adopté est, à mon sens, véritablement novateur.

En ce qui concerne le préavis de l'Office fédéral de l'aménagement du territoire, je répondrai à M. Ferrazino que la correspondance de cet office nous a été envoyée le 12 avril et qu'elle nous est parvenue le 19 dans une lettre, sous la signature de son sous-directeur, M. Monet, qui déclare estimer que ces modifications demeurent dans les limites des conditions fixées par le plan directeur cantonal.

J'ajoute que M. Dupraz a participé aux discussions de la séance du 5 octobre. Je ne répondrai donc pas sur la manière dont il parle de Collonge-Bellerive, mais, je peux le rassurer, les déclassements de ce genre sont et doivent rester exceptionnels.

Nous entamerons peut-être la discussion à propos d'Ecogia en dehors de ce prétoire et en tout cas pas ce soir.

En matière d'implantation industrielle, que nous le voulions ou non, je rappelle que nous sommes demandeurs.

Madame Calmy-Rey, non seulement je n'ai rien contre les mesures agro-environnementales mais encore je les ai approuvées et j'ai suggéré la manière de les financer. Pour ce qui est du plan directeur, je vous l'ai déjà dit, il est expressément mentionné à l'exposé des motifs.

En conclusion, je dirai à M. Grobet qu'en matière d'aménagement du territoire, nous avons entrepris une démarche qualifiée de «haut niveau» par l'ensemble des partenaires concernés, qui progresse rapidement. Je vous rassure, Monsieur Grobet, nous menons une politique de gestion du territoire globale, mais nos accents sont peut-être un peu différents des vôtres !

PL 7195-A

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

La présidente. Nous sommes saisis d'une série d'amendements émanant de M. Pierre-François Unger, Laurent Moutinot, Bernard Annen, Roger Beer et Andreas Saurer, ainsi que de sous-amendements qui visent à compléter l'alinéa 5 de l'article 3 émanant de M. Hervé Burdet.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.

Art. 3

M. Hervé Burdet (L). L'amendement que je propose à l'alinéa 5 est une substitution à l'alinéa 5 tel qu'il est présenté par MM. Unger, Moutinot, Annen, Beer et Saurer.

En effet, l'essentiel de ce qui est demandé en matière d'études agro-environnementales est précisé à l'alinéa 3. Néanmoins, cet alinéa prévoit que cette étude déterminera les mesures de compensations écologiques et agricoles nécessaires. Il prévoit également que des mesures compensatoires devront être prises. L'alinéa 5 est donc nécessaire pour préciser que ces mesures compensatoires seront effectivement prises et qu'elles seront mises en oeuvre.

Par contre, l'alinéa 5, tel qu'il nous est proposé sur la feuille jaune que vous avez sous les yeux, lie, à mon avis, abusivement l'octroi de l'autorisation de construire à la mise en oeuvre des mesures de compensation. La proposition de cahier des charges prévoit judicieusement, d'entente entre les deux départements concernés, la société Reuters, le WWF et l'AGPN, que l'autorisation de construire peut intervenir dès la deuxième phase, et qu'il n'est nullement nécessaire d'attendre la quatrième phase qui interviendra plusieurs mois après la deuxième pour procéder à la mise en oeuvre et lier l'autorisation de construire à cette mise en oeuvre.

En conséquence, je vous propose - ce qui est légitime - de préciser la nature des mesures compensatoires à prendre et de prévoir la simultanéité de la mise en oeuvre de ces mesures avec l'ouverture du chantier. Par contre, je vous suggère de ne pas lier la délivrance de l'autorisation de construire à la mise en place de ces mesures.

La présidente. Monsieur Burdet, votre sous-amendement vise donc à remplacer l'alinéa 5 tel qu'il figure dans la série d'amendements de vos collègues.

M. Bernard Lescaze (R). Après une longue discussion, malgré tout, je crois que la volonté de défendre le tissu économique de Genève et l'emploi s'est manifestée de part et d'autre. A côté de choses extraordinaires, nous avons tout de même entendu des propos qui nous laissent espérer que ce projet finira par être accepté. J'ai notamment retenu que M. Christian Grobet, député de l'Alliance de gauche, a dit qu'il s'agissait d'un bon projet, mais d'un mauvais projet de loi et qu'on ne pouvait pas faire autrement que de l'accepter.

D'autre part, vous avez devant vous toute une série d'amendements contresignés par les cinq autres chefs de groupe des partis représentés dans ce Grand Conseil. Je crois donc qu'il faut accepter ces amendements résultant de longues négociations et qui ont abouti à un accord. Il faut donc éviter de revenir dessus, même si l'on pense avoir raison. Je prie donc M. Burdet de bien vouloir retirer son amendement. S'il ne veut pas le faire, j'annonce d'ores et déjà que notre groupe ne l'acceptera pas.

La présidente. En fait, il s'agit d'un sous-amendement, Monsieur Lescaze !

Mme Liliane Maury Pasquier (S), rapporteuse de troisième minorité. Nous avions convenu que je présenterai les amendements que vous avez certainement eu largement le temps de lire.

Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que, pour l'article 3, nous avons essayé de reprendre effectivement les propositions d'amendement tant de l'Alliance de gauche que des «Verts» et des socialistes, dans le but d'arriver à ce projet consensuel. L'alinéa 3 de l'article 3, anciennement alinéa 1, a été complété - je tiens à le souligner - par la mention indiquant qu'il tient compte des dessertes, des accès, des parkings et des transports publics. Ces éléments précisés par les milieux de protection de la nature et la Chambre genevoise d'agriculture sont importants pour diminuer l'impact de l'établissement de Reuters à la Pallanterie.

En effet, à ce propos, je diverge un peu avec le rapporteur de majorité qui disait tout à l'heure que l'implantation de Reuters à la Pallanterie diminuerait les problèmes de circulation. Je ne pense pas qu'on puisse dire les choses aussi simplement. L'implantation d'entreprises sur la rive gauche est certainement bénéfique, mais cela ne résout pas les problèmes de circulation, au contraire cela les aggrave, puisque cela amène de nouveaux mouvements. Il est donc très important de tenir compte de ces mesures.

Mis aux voix, l'alinéa 1 de l'amendement (article 3) est adopté, de même que les alinéas 2, 3 et 4.

 Alinéa 5 de l'art. 3

La présidente. Je soumets donc à votre approbation le sous-amendement présenté par M. Burdet, à savoir remplacer l'alinéa 5 par un autre dont la teneur est la suivante :

«L'étude agro-environnementale précisera la nature des mesures compensatoires, qui seront mises en oeuvre dès l'ouverture du chantier.»

Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'alinéa 5 de l'amendement (article 3) est adopté.

Mis aux voix, l'article 3 ainsi amendé est adopté.

Art. 4 (nouveau)

Mis aux voix, l'article 4 (nouveau) tel que présenté dans la demande d'amendements est adopté.

Art. 5

Mis aux voix, l'article 5 (ancien article 4) est adopté.

Art. 6

M. Bernard Clerc (AdG). En fait, il s'agirait d'un article 7 compte tenu des amendements qui ont été introduits précédemment. Cet article 7 est simple et vise à assurer que la demande, en termes de nouveaux emplois, soit faite en priorité sur le marché de l'emploi à Genève, étant donné le grand nombre de chômeurs de notre canton. M. Maitre a d'ailleurs déclaré tout à l'heure que c'était dans les intentions de l'entreprise. Je pense donc qu'il ne doit pas y avoir de problème à ce niveau.

M. Hervé Burdet (L). L'essentiel, dans ce projet de loi, est le sort de notre économie genevoise et l'emploi. Je retiens la leçon qui m'a été donnée par M. Lescaze consistant à dire que rien ne doit bousculer le précieux consensus qui a été trouvé; aussi, je vous propose de rejeter cette proposition d'amendement.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le fond de cet amendement ne nous pose pas de problème, car il est évident que la priorité absolue est l'emploi pour des résidents. M. Marchand a pris des engagements tout à fait clairs à cet égard. Du reste, c'est un point sur lequel nous serons très attentifs. Monsieur Clerc, ce qui me gêne dans votre amendement, alors que l'objectif n'est pas problématique, c'est qu'il nous conduit à court-circuiter toutes les procédures avec les partenaires sociaux. C'est gênant, parce que, comme vous le savez, les commissions du marché de l'emploi, et notamment les organisations syndicales, ont leur mot à dire dans le cadre de la gestion des demandes de main-d'oeuvre étrangère.

Je vous demande donc de renoncer à cet amendement. Je prends un engagement sur le fond, car cela correspond à notre priorité et à l'engagement même de l'entreprise Reuters, et l'essence même de ce projet nous conduira à être très attentifs à cet aspect des choses, mais il serait dommage de court-circuiter les procédures avec les partenaires sociaux. En ce qui nous concerne nous faisons confiance au jugement des organisations syndicales et des associations professionnelles qui se penchent sur ce type de dossier. C'est la raison pour laquelle je vous prie de rejeter, à la forme, cet amendement.

M. Christian Grobet (AdG). Je tiens à vous rassurer, Monsieur Maitre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les délégations des partis de gauche ont eu un entretien avec la communauté genevoise d'action syndicale, hier soir. Vous voyez, nous finissons par nous rencontrer ! Du reste, nous avons constaté que sur bien des points de l'analyse du sujet, nous avions des points de convergence quant aux raisons réelles pour lesquelles on arrive à un projet comme celui qui nous a été proposé ce soir; mais je ne veux pas revenir là-dessus.

Nous avons annoncé aux syndicats, hier soir, que nous allions déposer cet amendement. Ils en ont été tout réjouis; il ne faut donc pas craindre de «court-circuitage». Je ne vois pas pourquoi cette proposition n'a pas l'air de vous agréer, Monsieur Maitre. Maintenant, si vous le voulez, nous pouvons la formuler sous forme de motion pour tenir compte de votre demande. Bon, je crois que M. Clerc est d'accord avec cette formule. J'espère qu'il ne va pas me contredire, ni me gronder ! Cette formule répondra aux préoccupations des syndicats.

M. Bernard Clerc (AdG). Pour être tout à fait honnête, je dois dire que j'hésite ! Pourra-t-on voter encore ce soir sur cette motion ?

La présidente. Ecoutez, oui, mais il faudrait transformer le texte ! Vous avez le temps de le faire, Monsieur Clerc, puisque nous allons aborder votre proposition de résolution. Monsieur Grobet, peut-être pourriez-vous conseiller vos camarades pour nous permettre de voter ? (Les députés de l'Alliance de gauche se concertent.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je crois qu'il ne faut pas être trop formaliste. M. Clerc souhaite marquer une intention politique. Il est donc possible de décréter simplement que cette proposition d'amendement devient une résolution. Le Conseil d'Etat reçoit cette résolution; c'est une affaire réglée !

La La présidente. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, effectivement, c'est plus simple sous forme de résolution que sous forme de motion !

Je reviens sur notre vote précédent pour être bien sûre que l'ensemble des députés aient bien compris que l'article 4 tel qu'il figure dans le rapport de majorité devient l'article 5, puisque nous avons introduit un nouvel article 4 et qu'il n'y a pas d'opposition à cet article. L'article 5 devient donc l'article 6, puisque décalage il y a.

Mis aux voix, l'article 6 (ancien article 5) est adopté.

R 291

La présidente. Je soumets donc à votre approbation la proposition de M. Bernard Clerc, à savoir transformer sa demande d'amendement concernant un article 6 (nouveau) - qui serait devenu l'article 7 - en résolution.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

concernant le projet de loi 7195A Article 6

Article 6

Afin que la création de nouveaux emplois invoquée pour justifier le déclassement de terrain résultant de l'article premier bénéficie à la population genevoise, l'entrée en vigueur de la présente loi est subordonnée à la remise au Grand Conseil d'une lettre de la société Reuters par laquelle celle-ci s'engage à:

 recourir à des personnes domiciliées à Genève pour 80% des emplois nouveaux qui seront créés grâce au développement de ses activités sur le site déclassé de la Pallanterie.

 renoncer à demander des autorisations de séjour avec prise d'emploi pour des personnes domiciliées à l'étranger pour plus de 20% des emplois nouveaux.

Le Conseil d'Etat est tenu de veiller au respect de cet engagement et ne pourra pas accorder des autorisations de séjour avec prise d'emploi pour plus de 20% des emplois nouveaux créés par la société Reuters.

M 1000

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Madame la présidente, je tiens simplement à préciser que cette motion n'est que l'expression d'une volonté du parlement à l'attention du Conseil d'Etat. Nous savons bien, en l'occurrence, que les conditions sont fixées, s'agissant du prix de la rente de superficie, par l'exécutif et non pas par le parlement, mais ce dernier peut très bien exprimer une volonté. C'est donc le sens de cette motion.

La proposition de motion a simplement pour objectif que cette opération ne provoque pas un appauvrissement patrimonial de l'Etat, puisque nous nous sommes tous mis d'accord sur cette compensation en nature, tant qualitativement que quantitativement. Alors, le seul moyen de conserver cette garantie est de décider que le montant du droit de superficie sera d'un montant au moins équivalent à la valeur des terrains qui seront reclassés en zone agricole. Cela nous semble être l'expression d'une cohérence et d'une logique minimum en la matière.

C'est la raison pour laquelle, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette motion, à l'attention du Conseil d'Etat.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Cette motion, en soi intéressante, présente un seul défaut : elle a plutôt pour effet de «tirer le prix vers le bas» ! J'aimerais bien que vous nous laissiez la faculté de négocier au mieux avec la société Reuters. En effet, il est évident que les terrains qui se trouvent en zone villa, en zone NNI a et b et qui sont actuellement exploités par des agriculteurs n'ont pas du tout la même valeur que ce que nous pouvons espérer, que ce soit sous la forme d'un droit de superficie ou sous la forme d'un paiement en capital.

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Je tiens à rassurer M. Joye. Bien évidemment, nous avions pris cette précaution. Si vous voulez faire apparaître cela de façon plus évidente, nous pouvons dire : «au moins équivalent à celui d'une rente calculée». Il est donc clair qu'il s'agit ici d'un plancher et non d'un plafond, et, Monsieur Joye, vous pouvez négocier librement !

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7195)

LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4B destinéeà des activités sans nuisances)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan n° 28713-515, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 16 septembre 1994, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, à La Pallanterie-Nord) est approuvé.

2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

Si la société Reuters renonce à son projet, ou si elle n'entreprend pas l'exécution de celui-ci dans un délai de cinq ans à compter de l'approbation, par le Grand Conseil, du plan visé à l'article 1, les terrains faisant l'objet de la présente modification du régime des zones de construction seront restitués à la zone agricole, conformément à la procédure instituée par la loi.

Art. 3

1 Une surface de terrain de nature à permettre une compensation qualitative et quantitative des terrains faisant l'objet du déclassement visé à l'article 1 sera affectée à la zone agricole.

2 Le Conseil d'Etat est tenu, à cette fin, de soumettre au Grand Conseil, d'ici au 31 décembre 1995, un projet de modification de zones concrétisant l'obligation visée à l'alinéa premier.

3 Une étude agro-environnementale de revalorisation et de compensation portant sur un périmètre intercommunal centré sur le bassin de la Haute-Seymaz sera réalisée en vue de déterminer les mesures de compensation écologiques et agricoles nécessaires et prenant en compte les dessertes, accès, parkings et transports publics. La société Reuters assurera le financement de cette étude et des mesures compensatoires à prendre. Le département des travaux publics et de l'énergie est autorisé à faire l'avance d'une partie des frais d'étude, ceci à parité avec la commune de Collonge-Bellerive.

4 Les surfaces de compensation agro-écologiques seront déterminées en fonction de l'aptitude culturale des terrains déclassés.

5 L'autorisation de construire portant sur le projet de construction de la société Reuters ne sera délivrée qu'après le dépôt de l'étude agro-environnementale et comportera dans ses conditions les mesures compensatoires. Les mesures compensatoires seront mises en oeuvre dès l'ouverture du chantier.

6 Les eaux de surface résultant de la construction du centre Reuters ne doivent pas être déversées dans le bassin versant de la Seymaz.

Art. 4 (nouveau)

1 Le plan directeur cantonal sera complété, dans un délai de 2 ans dès l'entrée en vigueur de la présente loi, par un schéma d'aménagement de l'espace naturel et rural fixant notamment les modalités applicables aux compensations agro-écologiques lors de déclassement de terrains situés en zone agricole.

2 Jusqu'à l'achèvement de la révision du plan directeur cantonal et de son schéma d'aménagement de l'espace naturel et rural, tout déclassement important de la zone agricole est suspendu. Demeurent réservés les projets et les procédures en cours.

Art. 5

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 4B destinée à des activités sans nuisances, créée par le plan visé à l'article 1.

Art. 6

Un exemplaire du plan n° 28713-515 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Annexe:

- Plan de déclassement (voir pages 1840 et 1841)

La séance est levée à 0 h 5.