République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11398-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Cyril Aellen, Ivan Slatkine, Edouard Cuendet, Frédéric Hohl, Serge Hiltpold, Pierre Weiss, Antoine Barde, Renaud Gautier, Beatriz de Candolle, Bénédicte Montant, Michel Ducret, Benoît Genecand, Gabriel Barrillier, Murat Julian Alder, Patrick Saudan, Jean Romain, Daniel Zaugg, Raymond Wicky, Jacques Béné modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (LGAF) (D 1 05) (Renforcement du frein à l'endettement)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 19 et 20 février 2015.
Rapport de majorité de M. Patrick Lussi (UDC)
Rapport de première minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve)

Premier débat

Le président. Pour le projet de loi 11398, nous sommes en catégorie I. Je passe la parole à M. Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous en conviendrez: vous n'attendez pas de moi que je vous fasse un long exposé sur les quelque 170 pages du rapport. Vous me permettrez tout d'abord d'aller à l'essentiel et de vous dire en quelques mots ce que ce rapport n'est pas, vu tout ce que j'entends. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Avant tout, Mesdames et Messieurs, il serait trop court de dire que ce rapport ne vise que le frein à l'endettement: ce serait une lapalissade. Non, ce rapport nous dit comment arriver, dans un délai que nous espérons le plus court possible, à une situation où la dette sera supportable, autrement dit, où nous aurons pu poser un signe d'égalité entre le montant de la dette et celui des revenus. C'est exactement ce que fixe l'article 15A, rien de plus. Je voudrais aussi dire que, dans l'esprit de ce rapport - car les débats iront certainement dans ce sens - ce projet de loi n'est pas un texte contre la fonction publique...

Une voix. Ah ?

M. Patrick Lussi. ...nous le disons haut et clair, parce que c'est un raccourci que d'aucuns vont certainement utiliser. La liberté d'expression est là, et j'y répondrai, mais pour le moment, permettez-moi de dire que ce n'est pas ce que l'on veut. En fait, comme je vous l'ai dit en préambule, ce projet de loi demande d'arriver à un endettement maximal qui corresponde aux revenus de l'Etat, à tous les revenus, et c'est la première fois, Mesdames et Messieurs les députés - il est vrai que je n'ai pas une grande expérience, peut-être que certains m'en tiendront rigueur - qu'un projet de loi annonce par lui-même sa fin: l'article 15A, les systèmes, toutes les rigueurs et toutes les conditions qui figurent dans ce projet de loi s'arrêteront d'eux-mêmes le jour où l'égalité sera réalisée. Alors on aime ou on n'aime pas, bien entendu, mais cela me semblait indispensable de le relever en ces termes.

Le deuxième point qui va certainement faire débat, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que pour une fois, nous avons le courage dans ce Grand Conseil... D'ailleurs, ne nous voilons pas la face: c'est bien dans nos discussions interminables sur le budget que ce projet de loi trouve son origine, et il nous dit simplement et très clairement, c'est son mérite, que nous allons inverser un peu le paradigme. Autrement dit, le but, c'est de dire au Conseil d'Etat: vous avez une enveloppe, vous disposez de tant, et par rapport à cela vous devrez, vous, fixer les objectifs, au lieu - et là, ce n'est pas le rapporteur de majorité qui parle, mais le député UDC - de réclamer des coupes linéaires et d'autres mesures, ce pour quoi vous nous avez souvent critiqués. A un moment donné, vu notre situation actuelle, il faut avoir le courage de changer ces paradigmes.

Je prendrai des notes pour répondre, mais je dirai deux choses, Mesdames et Messieurs les députés: ne tombons pas dans le travers de croire qu'on cherche la facilité, et que lorsqu'on veut prendre des mesures d'économie, on ne fait que taper et restreindre les fonctionnaires; le but de ce projet de loi est de maintenir un certain revenu, et même un revenu certain, pour les fonctionnaires qui sont nécessaires. Il ne s'agit donc pas de licencier, mais de dire que ceux qui sont nécessaires resteront. D'autre part, Mesdames et Messieurs les députés, nous venons de parler du Stade de Genève, nous venons de parler de beaucoup de choses, ne passons pas comme chat sur braise sur une des qualités principales de ce projet de loi, qui est de nous redonner, de redonner à la population et de redonner à ceux qui en disposent, le Conseil d'Etat, des moyens réels d'investissement. Pour cette raison, le groupe majoritaire que je représente vous recommande formellement d'entrer en matière sur ce projet de loi. J'en resterai là pour le moment.

Présidence de Mme Christina Meissner, deuxième vice-présidente

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. En lisant le rapport de majorité, le leitmotiv présenté pour ce projet de loi, c'est toujours, et encore, et toujours la dette. Vraiment, c'est un grand projet de futur, ça, Mesdames et Messieurs ! Au lieu de s'occuper du bien-être des citoyens, de la formation de nos jeunes, des écoles, ou de la santé, la droite - avec ses alliés, évidemment, le MCG et l'UDC - ouvre à chaque fois de grands projets d'avenir: la dette ! Le problème est le suivant, Mesdames et Messieurs: cette dette, qui la crée ? En l'espace de quatre-vingts ans, la gauche n'a été au pouvoir que quatre petites années, pendant lesquelles la dette a diminué; toutes les autres années, la majorité a été à droite. Mais non seulement vous avez créé une dette par mauvaise gestion - voyez le vote sur les couvertures des caisses de pension à Berne, ce qu'ils ont voté, voyez la Banque cantonale: une perte de 2 ou 3 milliards, et on paie 5 millions au président du conseil d'administration, parce que soi-disant, le pauvre, ce n'était pas de sa faute - mais vous venez maintenant, parce qu'on a créé une situation difficile: 5 milliards là, plus des baisses d'impôts... Elles n'ont pas été décrétées par la gauche, non ? C'est bien la droite qui a décrété 12% de baisse d'impôts pour les personnes morales. Cela représente 1 milliard et quelques, eh bien la voilà, la dette, Mesdames et Messieurs.

Le problème de la dette, Mesdames et Messieurs, c'est que ce ne sont pas ceux qui la créent qui en subissent les conséquences, malheureusement. Ce sont toujours les mêmes qui subissent les conséquences: ceux qui ont besoin des prestations. Nous l'avons vu au budget 2015, quand le MCG a déposé un projet de loi de 15 millions à couper sur l'école primaire. Pourquoi...

Des voix. C'est faux ! C'est faux ! Mensonger !

M. Pierre Vanek. Mais non, il a raison !

M. Alberto Velasco. Madame la présidente, décomptez-moi le temps, là.

La présidente. S'il vous plaît ! Il n'y a pas de décompte de temps: vous avez encore la parole, Monsieur.

M. Alberto Velasco. Mais ils m'interrompent ! (Vives exclamations.)

La présidente. S'il vous plaît ! Mesdames et Messieurs, un peu de silence ! Chacun a droit à la parole dans un débat libre, merci.

M. Alberto Velasco. Je reprends, Madame. Pas depuis le début, mais depuis l'intervention du MCG.

La présidente. Allez-y.

M. Alberto Velasco. Je disais donc, Mesdames et Messieurs les députés, que lors du budget 2015, le MCG, pour essayer de diminuer la dette, avait coupé 15 millions sur l'école primaire, alors... (Remarque.) Non, mais c'est pour vous dire que ce sont toujours les mêmes qui paient ! L'école primaire, qui est vraiment un lieu d'intégration, c'est là qu'il y a de vraies nécessités, c'est justement là que les classes sociales peuvent s'équilibrer, parce que les riches comme les pauvres vont dans une école de qualité, et c'est là que vous coupez. Pourquoi ? Parce qu'il faut diminuer la dette.

Mais, Mesdames et Messieurs, il y a quand même une question que je me pose: le Conseil d'Etat est à majorité de droite pendant toute cette législature, pourquoi devez-vous déposer un projet de loi pour émasculer le Conseil d'Etat ? Je ne comprends pas ! Nous avons élu un Conseil d'Etat responsable, avec des gens compétents, intelligents, c'est vrai...

Une voix. N'exagérons rien ! (Vives exclamations.) N'exagérons rien ! (La présidente agite la cloche.)

La présidente. Messieurs, un peu de silence ! Mesdames !

M. Alberto Velasco. ...cultivés, diplômés, aussi, pour certains d'entre eux, ces personnes sont donc aptes à savoir si elles doivent engager telle somme là ou pas, si la dette est trop importante. En plus, Mesdames et Messieurs, je tiens à vous dire que tous ces conseillers d'Etat bénéficient de la collaboration de fonctionnaires bien payés et de haut rang, des gens très qualifiés, qui sont capables de leur dire à quel moment la dette est supportable ou pas, à quel moment il faut engager une prestation qui est nécessaire aux citoyens, comment la financer et comment cette prestation financée peut être amortie dans le temps. Et voilà qu'on dépose un mini-projet de loi - qui ne vaut rien du tout, d'ailleurs - pour dire: Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, vous ne valez rien, vos fonctionnaires, c'est zéro, le département des finances, c'est zéro, et nous, nous vous disons comment il faut faire ! Et puis on pond deux articles pour dire: c'est très simple, vous n'avez pas le droit d'engager plus de fonctionnaires, et si jamais vous engagez, alors il faut en enlever ailleurs...

La présidente. Monsieur Velasco, il faut penser à conclure.

M. Alberto Velasco. Alors je reprendrai la parole après, mais je finis là, Madame. Ceci veut dire que s'il fallait engager, disons, des infirmières, eh bien il faudrait peut-être couper dans la police, ou dans l'enseignement, vous voyez ? Parce que c'est ça qu'ils proposent quand ils disent que la somme totale doit être nulle, ni plus, ni moins. Eh bien ce projet de loi est extrêmement dangereux, Mesdames et Messieurs, et ma collègue a fait un rapport de deuxième minorité extraordinaire où elle démontre les conséquences, qui sont assez graves, et j'espère qu'elle va montrer les chiffres, que j'ai lus. Je lui laisse la parole, mais je reviendrai, parce qu'il y a vraiment ici de quoi se marrer et discuter, parce que ce projet, il est nul, nul, nul ! (Rires.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci au rapporteur de première minorité pour ses aimables paroles. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a pour objectif de limiter drastiquement la croissance des charges de fonctionnement de l'Etat ainsi que des charges de personnel. Ainsi, il est proposé que tant que la dette n'aura pas diminué de 5 milliards et n'aura pas été stabilisée à ce niveau pendant quatre ans, les charges de fonctionnement et celles de personnel ne pourront augmenter que du montant de l'inflation. Or je vous rappelle que nous connaissons depuis quelque temps une inflation nulle et que cette situation ne semble pas prête d'évoluer. Ce projet de loi implique donc que l'Etat ne pourrait plus appliquer des politiques anticycliques. Ainsi, il prévoit que quand l'inflation est forte, que l'économie tourne à plein régime, il puisse dépenser et investir. Par contre, lorsque notre économie connaît un ralentissement, une stagnation ou une déflation, c'est là que la majorité de droite de ce parlement veut fermer les robinets et bloquer les dépenses. Bloquer les dépenses signifie aussi bloquer les investissements, vu que les charges induites par ces investissements ne sont pas exclues de ce projet de loi, à savoir les amortissements et les frais de fonctionnement qui y sont liés. Le mécanisme qui nous est proposé ce soir serait le mécanisme le plus contraignant qui existerait en Suisse, car il cumule frein aux dépenses, frein au déficit et frein à l'endettement. Aucun autre canton n'est allé aussi loin.

De l'avis des Verts, ce projet de loi est mal conçu, car il ne tient pas compte des évolutions démographiques et des charges sur lesquelles le canton n'a aucune prise. La population de Genève croît, et cette augmentation entraîne de facto une augmentation des charges de notre canton. Ainsi, ce projet de loi ne permettra plus par exemple d'engager de nouveaux enseignants, alors que le nombre d'élèves augmente statistiquement chaque année.

M. Eric Stauffer. C'est faux !

Mme Sophie Forster Carbonnier. De plus, ce texte ne se préoccupe guère du vieillissement de la population et des charges qu'il induit. Une population vieillissante, cela signifie forcément des coûts de la santé en hausse. Sans moyens supplémentaires octroyés à l'IMAD, aux HUG ou aux EMS, nous allons fragiliser la situation des personnes âgées de notre canton. Ce projet de loi est mal ficelé aussi parce qu'il n'exclut pas de son champ d'application des charges mécaniques qui découlent de l'application de mécanismes comptables ou financiers; il n'exclut pas non plus la péréquation financière intercantonale, sur laquelle Genève n'a aucune prise; il n'exclut pas non plus les accords passés avec d'autres cantons; il n'exclut pas les intérêts de la dette. Et la liste est longue, car ce projet de loi n'exclut pas non plus les charges contraintes, qui sont des obligations légales envers des tiers dont l'Etat doit s'acquitter quelle que soit sa situation financière: il s'agit principalement de dépenses sociales, des prestations complémentaires destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées et de la participation cantonale à la HES-SO.

Ainsi, l'objectif affiché par ce projet de loi est vraiment irréaliste et destructeur. En effet, ce ne sont pas moins de 42 millions d'économies qui devront être obtenues chaque année pour compenser uniquement l'augmentation des charges sur lesquelles le Conseil d'Etat n'a aucune marge de manoeuvre. Je vous laisse le loisir d'estimer les économies supplémentaires qui devront encore être trouvées si l'on veut renforcer la politique sécuritaire ou pénitentiaire, ou encore utiliser le nouveau bâtiment des lits. Et plus le temps passera, plus il deviendra difficile de trouver ces économies sans toucher aux prestations publiques. L'effet cumulé d'une telle politique sur deux ans est déjà extrêmement important. Imaginons ce que cela donnera sur trente ans, soit le temps de réduire cette dette de 5 milliards comme ce projet de loi l'exige, car certes, Monsieur Lussi, votre projet de loi a une fin, mais une fin à très long terme ! Ce processus n'est tout simplement pas tenable, car il impliquera un démantèlement des prestations de l'Etat: des postes seront mécaniquement supprimés à chaque hausse des charges obligatoires. Enfin... Madame la présidente, est-ce qu'il me reste du temps ?

La présidente. Il vous reste deux minutes.

Mme Sophie Forster Carbonnier. Deux minutes, parfait ! Je voudrais encore souligner que l'existence de freins à l'endettement n'est en aucune manière une garantie de la bonne gestion des deniers de l'Etat. Ainsi, même si les budgets présentés appliquaient la croissance nulle des charges telle que ce projet de loi la demande, cela n'empêcherait pas que les départements viennent présenter des crédits supplémentaires à la commission des finances et qu'ils soient votés. Les mesures prévues dans ce projet de loi ne s'appliquent en effet qu'au budget, et il sera possible de s'écarter de ces objectifs par des demandes de crédits supplémentaires subséquentes. Nous perdrons donc ainsi une vision constructive et un budget qui soit fidèle aux réalités de ce canton.

Enfin, preuve supplémentaire que ce texte est mal conçu, la dérogation prévue dans ce projet de loi, à savoir que le Grand Conseil peut augmenter les charges de fonctionnement de 1% et les charges de personnel de 0,5%, est certainement anticonstitutionnelle, puisque la constitution genevoise prévoit en son article 97: «[...] le Grand Conseil ne peut dépasser la somme totale des dépenses inscrites dans le projet qui lui est soumis sans prévoir concurremment la couverture financière de ce dépassement.» Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts vous invite à ne pas entrer en matière et à refuser ce projet de loi.

Présidence de M. Antoine Barde, président

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous venez d'entendre successivement les deux rapports de minorité - on parle bien des deux rapporteurs de minorité - c'est-à-dire, Mesdames et Messieurs les députés, qu'aujourd'hui, dans ce Grand Conseil, il y a une majorité pour faire passer ce projet de loi. J'aimerais toutefois corriger certaines erreurs qui ont été dites par les rapporteurs de minorité.

Quand ils affirment qu'il ne sera plus possible d'engager des enseignants, c'est faux. Le MCG a fait inscrire l'exception en commission, parce qu'il y a des dépenses qui ne sont pas contrôlables, par exemple l'explosion des coûts sociaux... (Remarque.) ...et cela fait partie des exceptions, c'est dans le projet de loi, vous n'avez qu'à le lire, Madame la députée. Ensuite, le MCG... Et là, je m'adresse au Cartel des fonctionnaires qui ont pris fait et cause contre ce projet de loi: je ne leur en veux pas, mais ils n'ont pas compris l'essence de ce projet de loi. (Exclamations.) Les mécanismes salariaux sont garantis par ce texte, et croyez-moi sur parole...

M. Pierre Vanek. Non !

M. Eric Stauffer. ...si ce projet de loi ne passe pas - et vous vous souviendrez de ces paroles lors de l'examen du budget 2016...

Une voix. L'élection du président du Grand Conseil ! (Exclamations.)

M. Eric Stauffer. ...vous vous souviendrez de ce que je vais vous dire maintenant - le Conseil d'Etat va trouver des économies, et la première économie qu'il va faire, ce sont les annuités. Vous n'aurez pas d'annuité pour 2016. Rappelez-vous ce que je vous ai dit, le fait de donner aujourd'hui un message clair au Conseil d'Etat, de lui dire: n'engagez pas à tout-va.

Laissez-moi vous donner quelques chiffres, Mesdames et Messieurs. Oui, Monsieur le représentant du Cartel, vous pouvez rigoler, mais rira bien qui rira le dernier quand vos collègues s'apercevront que vous les avez trompés ! (Brouhaha.) A Zurich, Mesdames et Messieurs, il y a dix employés équivalents temps plein de moins par mille habitants. Est-ce qu'à Zurich, il y a moins de social ? Est-ce que les gens vivent moins bien ? La réponse est évidemment non ! Sauf qu'à Genève, on a une habitude bien ancrée: on augmente, on augmente, on augmente l'administration et le nombre de fonctionnaires. Nous, nous voulons protéger les fonctionnaires, nous en avons assez qu'à chaque exercice budgétaire, les seuls à payer l'addition, ce soient les fonctionnaires à qui on supprime les mécanismes salariaux... (Remarque.) ...et le MCG s'est toujours battu pour préserver les droits des fonctionnaires. (Remarque.)

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Partant de ce principe, Mesdames et Messieurs, soyons clairs: aujourd'hui, ce que l'on veut, c'est plus de prestations pour la population, ce n'est pas plus de fonctionnaires ! (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer. Et si vous mettez encore et encore des dizaines et des centaines de millions dans la masse salariale, il n'y aura plus assez d'argent pour les prestations à la population, celles que vous prétendez défendre ce soir devant votre électorat. Eh bien je vous le dis, pour Genève, ville d'un demi-million d'habitants, 500 000 habitants, la masse salariale du petit Etat, Mesdames et Messieurs, c'est 2,2 milliards de francs par année ! (Remarque.) Trouvez-moi une ville équivalente dans le monde, Mesdames et Messieurs, qui a la même masse salariale pour à peine 500 000 habitants ! Lorsque vous voyagerez, discutez avec les autorités des villes que vous visiterez, et dites-leur: vous savez, dans le canton de Genève, pour moins d'un demi-million de personnes, la masse salariale est de 2,2 milliards. Mais les gens rigolent ! Ce n'est pas leur budget, ce n'est parfois même pas le budget d'un Etat !

Ce que nous voulons, ce sont des prestations pour la population, et pour cela, il faut dégager des moyens. Ce que nous voulons au MCG, c'est respecter les mécanismes salariaux pour les fonctionnaires ! (Brouhaha.) Ce n'est pas augmenter, augmenter encore le nombre de fonctionnaires pour leur dire ensuite: on vous vire les mécanismes salariaux, parce qu'on va économiser quelques dizaines de millions, et c'est la voie de la facilité.

Alors ce projet de loi, certes, il est contraignant, Mesdames et Messieurs. Certes, il donne un avertissement de type carton rouge au Conseil d'Etat pour lui dire: attention, il y a la réforme fiscale sur les entreprises - ce sera 13%, c'est une disposition fédérale... (Commentaires.)

Une voix. Non !

M. Eric Stauffer. ...mais ce que veut la gauche, c'est augmenter les impôts pour les personnes physiques. Et c'est là que vous voulez pousser ce Grand Conseil, en disant: il y a le frein à l'endettement constitutionnel, et là, Mesdames et Messieurs, et Mesdames et Messieurs les fonctionnaires, ce sera drastique, parce que là, il n'y a plus de mécanismes salariaux, tout est bloqué: les investissements, tout est bloqué. Et il y aura une votation populaire, soit pour la baisse des prestations, soit pour l'augmentation des impôts. C'est exactement là que la gauche veut nous amener. Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs: si nous ne prenons pas aujourd'hui la responsabilité... Car il n'est pas demandé dans ce projet de loi de licencier des gens: il est demandé de ne pas faire croître à plus de 0,5% la masse salariale et les charges, avec un droit aux exceptions pour des éléments qui ne sont pas maîtrisables, comme le social, ou, par exemple, si l'on construit une prison, qu'il faut engager des gardiens - cela fera partie des exceptions. Le projet de loi est clair, il est responsable, et cela va évidemment protéger les fonctionnaires qui sont aujourd'hui en poste. Et si un département a besoin d'engager du personnel, comme dans une école, parce que le nombre d'enfants a augmenté, cela fait évidemment partie des exceptions.

Une voix. Non !

M. Eric Stauffer. On ne va pas mettre cinquante élèves dans une classe ! (Commentaires.) Ça, ce sont des arguments mensongers que la gauche essaie de vous faire croire. Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, nous allons donner, nous, MCG, une ultime chance au Conseil d'Etat...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. Je conclus. (Remarque.) ...une ultime chance au Conseil d'Etat de préparer un budget 2016 en tenant compte des enjeux futurs pour préserver l'économie du canton de Genève. Nous n'allons pas voter ce projet de loi ce soir, Monsieur le président: pour démontrer la puissance de la majorité de ce parlement, nous demandons le vote d'entrée en matière...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Stauffer. Je conclus. (Remarque.) ...et l'ajournement du présent projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous votons maintenant sur cette motion d'ordre qui demande le vote d'entrée en matière immédiat. Je vous rappelle qu'une majorité des deux tiers est nécessaire.

Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 51 oui contre 44 non et 1 abstention (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. Le débat se poursuit, si possible dans le calme ! (Brouhaha.) Monsieur Deneys ! Monsieur Deneys ! Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. L'objectif à long terme du Conseil d'Etat est de limiter l'endettement à un montant équivalent au total des revenus de 8 milliards ressortant du compte de résultat du petit Etat en 2014. (Brouhaha.) Si le Conseil d'Etat - qui ne se prononce pas sur le nombre d'années qu'il faudra pour y parvenir - veut amortir sur dix ans la dette à la hauteur du revenu annuel, ce sont 500 millions d'économies à faire. Si cet amortissement se fait sur vingt ans, ce sont 250 millions d'économies annuelles à planifier. A-t-on vraiment la volonté de diminuer la dette cantonale, ou essaie-t-on de trouver les arguments pour laisser la dette telle quelle, ou encore la voir augmenter dans le futur ? Ce sont de timides économies que l'on prône par ce texte, alors qu'il faut réaliser chaque année plusieurs centaines de millions d'économies. Dans ce projet de loi, il aurait été intéressant de connaître des exemples concrets de baisses des charges et d'augmentations des recettes. Il s'agirait d'augmenter l'efficience du fonctionnement de l'Etat et du back-office, où il est possible de trouver des économies de personnel en ne remplaçant pas certains postes au moment des départs à la retraite, ce qui ne veut pas forcément dire que l'on n'engage pas de policiers, d'enseignants ou d'assistants sociaux supplémentaires. (Brouhaha.)

La croissance des charges et des emplois à temps plein est quasi deux fois supérieure à l'augmentation de la population sur les cinq dernières années. Ce projet de loi vise à ne permettre la création de nouveaux postes qu'à la condition qu'une diminution équivalente soit opérée ailleurs. Le meilleur moyen de stabiliser et de diminuer l'endettement à 8 milliards serait d'établir un plan des charges d'exploitation calculé sur une décennie. Cela permettrait de planifier les économies de 500 millions à réaliser chaque année pour l'amortissement de la dette sur dix ans.

En plus, il faudrait assurer l'autofinancement des investissements annuels, ce qui suppose un résultat annuel d'exploitation très positif. Sans une sélection des charges prioritaires et des charges non prioritaires, il sera difficile de réaliser des économies. En procédant de la sorte, l'Etat sera en mesure de déterminer ce qu'il peut se permettre de dépenser. Une manière de réaliser des économies consiste à supprimer certaines subventions ou prestations ressortant du budget 2015 pour 3,7 milliards et accordées généreusement durant les années de vaches grasses. Cette mesure aurait une incidence directe sur les postes de travail destinés à les octroyer, à les contrôler et à les renouveler, ce qui entraîne une diminution partielle de la rubrique intitulée «charge du personnel» s'élevant à 2,3 milliards. (Brouhaha.)

Sur ces 7,9 milliards de charges, quelque 5 milliards sont sous le contrôle du Conseil d'Etat, dont 4 milliards concernent les charges de personnel. Sur les 3 milliards d'autres charges, certains résultent d'applications d'accords intercantonaux, de lois fédérales ou cantonales; c'est uniquement la partie cantonale qui peut être modifiée. Ce projet de loi ne s'attaque pas aux acquis sociaux, puisque les mécanismes salariaux ne sont pas touchés. (Remarque.) Nous ne parlons pas de mesures d'assainissement pour une réduction de la dette, ni d'une politique restrictive qu'elle entraînerait, mais seulement de la maîtrise de l'augmentation de la dette pour continuer à garantir la qualité des prestations et les investissements futurs.

L'avenir est incertain, si l'on tient compte de la diminution des impôts à 13% dans le cadre de RIE III, qui coûtera 500 millions. (Brouhaha.) Il faut tenir compte du vieillissement de la population. Il faut tenir compte de la dégradation de la note par Standard & Poor's suite à l'augmentation de la dette, ce qui fait monter les taux d'intérêts de nos nouveaux emprunts. Nous devons aussi compter sur une augmentation du taux d'inflation - les taux ne peuvent qu'évoluer à la hausse - et 1% d'intérêts supplémentaires représentent 130 millions. Tenons compte aussi de la stagnation ou du recul des produits intérieurs bruts suite au renchérissement du franc suisse par rapport à l'euro dû à l'abandon du taux plancher par la BNS, ce qui peut aussi provoquer une augmentation du taux de chômage. Sans compter la recapitalisation de la caisse de pension de l'Etat de Genève suite aux performances mitigées de la bourse et de l'immobilier. (Brouhaha.)

Il faut diminuer le train de vie de l'Etat ! C'est possible au milieu de la législature, mais cela devient plus difficile en fin de législature, lorsque les membres de l'exécutif souhaitent être réélus. (Remarque.) Aucun candidat n'aura de succès s'il prône des économies en diminuant les subventions, ce qui se répercute pour une grande partie sur le confort offert à la population la plus mal lotie. L'UDC vous recommande d'entrer en matière. Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je vous indique que la liste est close et que nous irons jusqu'au bout de ce débat ce soir, quelle que soit l'heure. Je passe la parole à Mme la députée Magali Orsini.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président, je serai extrêmement brève. Je voudrais vous dire qu'Ensemble à Gauche s'opposera avec vigueur à ce projet. (Brouhaha.) La majorité de droite de ce Grand Conseil suffit largement, à notre avis, pour brimer les dépenses sociales et les prestations publiques chaque fois qu'elle en a l'occasion, sans ajouter un carcan législatif de ce type qui est une véritable remise en cause de la fonction publique; en particulier, la santé, la sécurité et l'enseignement - les trois gros secteurs qui manifestent des besoins en personnel - répondent à des priorités qui ont déjà été votées par ce Grand Conseil avec la parcimonie que nous connaissons. (Brouhaha.) Voilà les raisons pour lesquelles nous nous opposerons à ce projet de loi. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. Pierre Vanek (EAG). Dans ce débat, je ne répondrai pas à Eric Stauffer qui a tenté de faire un plaidoyer indiquant que les organisations syndicales de la fonction publique étaient composées d'idiots, qu'elles ne comprenaient rien et que c'était dans l'intérêt de la fonction publique de «squeezer» au maximum le budget cantonal. Tout cela est absurde, complètement absurde. Par contre, je remercierai mon préopinant, M. Bernhard Riedweg qui, avec le talent et la rigueur qui le caractérisent, a expliqué de quoi il retournait. Il a expliqué qu'il s'agit d'installer un mécanisme imposant 500 millions d'économies par an sur le budget. 500 millions d'économies prises sur le dos du budget de fonctionnement, des postes, du service public fourni par des fonctionnaires qui ne sont pas grassement payés à ne rien faire mais qui délivrent des prestations aux citoyens: des instituteurs, des infirmières, des flics, des gens qui font un boulot utile; eh bien on entend leur piquer en retranchant à ce budget 500 millions par an !

Le plan est infiniment plus machiavélique, puisque d'un autre côté, on nous propose des réductions fiscales, non pas dans l'impôt sur les personnes physiques dont a parlé Eric Stauffer, mais sur les entreprises, à hauteur d'à peu près 500 millions par an également ! Ce projet de loi est donc une des mâchoires de l'étau, ou du casse-noisettes qui vise, disons, pour rester délicat dans l'expression, à écraser les parties sensibles... (Exclamations.) ...du service public et des prestations à la population. (Brouhaha.) Il y a deux mâchoires: l'une, c'est la politique des caisses vides, entretenue par la politique antifiscale de la majorité néo-libérale de droite, et l'autre, c'est cette volonté de creuser le déficit possible et la dette, c'est mettre en place des mécanismes contraignants pour que ça se traduise en coupes claires dans le service public et dans les prestations à la population. La manoeuvre se répète tout le temps, elle est évidente, elle est claire, tout le monde le sait, et je dois encore remercier Bernhard Riedweg qui a dit que c'est bien de faire cela au milieu de la législature, parce qu'en période électorale, cela ne passe pas tellement vis-à-vis de la population. Et il a raison ! La population n'acceptera pas cette mâchoire-là, comme elle n'acceptera probablement pas - et nous nous battrons contre - l'autre mâchoire de ce casse-noisettes: les baisses fiscales annoncées, les cadeaux fiscaux faits aux entreprises. Bernhard Riedweg, qui est un fin analyste, comprend bien que la population n'acceptera pas cela, alors il dit: c'est bien qu'on le fasse maintenant, comme ça, on le fait et les gens n'auront pas leur mot - négatif - à dire.

Malheureusement, il oublie un détail, c'est que sur cette question, Mesdames et Messieurs, nous ferons aboutir un référendum, un référendum facilité par le fait que la Constituante a suspendu les délais référendaires durant l'été - notre délai référendaire est donc à peu près doublé et si, par hypothèse, ce parlement... Je ne suis pas sûr que la majorité écrasante et triomphante qu'a annoncée Eric Stauffer pour voter ce projet de loi - ou du moins pour voter l'entrée en matière et ensuite en suspendre tout de suite le traitement - je ne sais pas si c'est le comportement d'une majorité triomphante, mais quoi qu'il en soit, le triomphe est modeste. C'est peut-être une magouille, pour rendre plus difficile le recours aux citoyennes et citoyens genevois, qui auront de toute façon, je vous le garantis, le droit de se prononcer sur ce projet de loi, et je vous garantis qu'il y a de fortes chances qu'ils disent non, parce qu'ils ne sont pas complètement idiots: ils comprennent bien ce qu'impliquent 500 millions d'économies dans le budget, comme l'a dit Bernhard Riedweg, et ces mécanismes que même le Conseil d'Etat désapprouve. Alberto Velasco était un peu excessif, tout à l'heure, quand il chantait les louanges de ce Conseil d'Etat, quand il vantait son intelligence et sa qualité, je ne le suivrais pas jusque-là, mais quand même: ce Conseil d'Etat est venu plaider en commission des finances que ce n'est pas un bon outil et qu'il ne faut pas le voter. Alors ne le faites pas ! Ne le faites pas, et on vous pardonnera; faites-le, votez ce projet de loi, et vous aurez la mère de toutes les batailles référendaires, et il y a de fortes chances que nous la gagnions ! (Applaudissements.)

M. Cyril Aellen (PLR). Ce projet de loi a pour origine une inquiétude: l'augmentation régulière et inexorable de la dette, qui s'élève aujourd'hui à 13 milliards.

Une voix. Oh !

M. Cyril Aellen. Vous pouvez dire: oh ! C'est vrai: elle augmente régulièrement, continuellement, et elle s'élève à 13 milliards.

Mme Salika Wenger. C'est vous qui êtes majoritaires !

M. Cyril Aellen. Les faits sont têtus, Madame Wenger !

Le président. Madame Wenger ! Madame Wenger, ça se passe là ! (Remarque de Mme Salika Wenger.)

M. Cyril Aellen. Laissez-moi parler, Madame Wenger.

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît, un peu de calme.

M. Cyril Aellen. Les causes... (Remarque de Mme Salika Wenger.)

Le président. Je crois que nous avons laissé votre groupe s'exprimer, vous pourriez laisser le groupe PLR s'exprimer. Merci.

M. Cyril Aellen. Il me semble avoir été poli, courtois, posé, factuel, j'aimerais poursuivre dans cet esprit-là, Monsieur le président.

Les causes sont diverses. Elles sont ponctuelles, parfois: le renflouement de la caisse de pension, ou le sauvetage des épargnants et des PME à l'occasion de la débâcle de la Banque cantonale genevoise - 2 milliards. Mais elles sont surtout structurelles, et c'est ce qui inquiète les auteurs de ce projet de loi. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est d'abord le Conseil d'Etat. Un exemple très concret, pour être précis: lors du dernier budget, le Conseil d'Etat a indiqué qu'il avait pris des mesures pour faire 154 millions d'économies, cela a déjà été soulevé par des intervenants. En réalité, c'était 50% de charges en moins et 50% de ressources en plus. En fait, si vous prenez le projet de budget présenté par le Conseil d'Etat, le budget était en augmentation de 108 millions, donc en réalité, mécaniquement, le budget augmente de 262 millions, et quand on parle de prendre des mesures d'économies, en réalité, on ne diminue pas le budget: on en réduit l'augmentation.

Maintenant, peut-être que la dette est liée aux recettes, et d'autres avant moi ont esquissé quelques pistes à ce sujet. J'aimerais revenir sur quelques autres faits qui nous ont été rappelés par le Conseil d'Etat. Dans le budget 2015, il y a des estimations d'impôts sur les personnes physiques: +1,8%, soit 69 millions de plus. Il y a aussi des augmentations sur les personnes morales: +6,5%, soit 87 millions de plus. Nous le voyons, la dette n'est pas liée à des rentrées fiscales qui diminuent, mais à des charges qui augmentent plus vite que les recettes fiscales. Maintenant, est-ce que nous nous fondons sur un scénario optimiste ou pessimiste ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, c'est sur un scénario «post-optimiste»: 2,5% de croissance dans notre canton, ce qui nous donne depuis des années un des cantons les plus riches du pays, dans un des pays les plus riches du monde, et avec un PIB extrêmement important. Que se passera-t-il si la situation se stabilise ? Que se passera-t-il si la situation se dégrade ? Les besoins sociaux seront accrus, la politique anticyclique devra être mise en place. Mais alors si nous nous endettons dans une situation de beau temps, comment ferons-nous dans une situation de mauvais temps ?

Les deuxièmes à dire qu'en réalité, les choses augmentent, c'est le Cartel intersyndical - car j'ai pris la peine de lire attentivement le petit flyer qu'ils m'ont donné avant mon arrivée ici, dans la salle du Grand Conseil - je cite: «L'augmentation des effectifs est nécessaire pour l'équilibre de la CPEG.» Concrètement, le Cartel intersyndical nous dit: le modèle de dépense de l'Etat est fondé sur le fait que si l'on n'engage pas à tout-va, le système s'écroule. Eh bien c'est cela que nous voulons modifier ! Nous ne voulons pas que le système s'écroule, parce que nous ne voulons pas engager à tout-va et tout le temps; à un moment donné, il va falloir que cela s'arrête.

Les objectifs sont assez simples: nos besoins actuels doivent être financés par nos ressources actuelles. Nous refusons catégoriquement la politique qui consiste à financer nos besoins actuels avec les moyens de nos enfants, de nos petits-enfants, via la dette. Nous ne demandons rien d'autre, et nous ne demandons pas de réduire le budget, nous ne demandons pas de réduire les prestations, nous ne demandons pas de réduire le nombre de fonctionnaires, nous ne demandons pas de réduire le salaire des fonctionnaires: nous demandons simplement que ceux-ci augmentent en même temps que la population et en même temps que l'inflation - vous irez lire, d'ailleurs, le rapport du minoritaire Alberto Velasco, qui rappelle quelle est l'idée des auteurs de ce projet de loi, à la page 160.

Ce projet de loi aura une répercussion sur le train de vie de l'Etat, vous avez raison de le souligner; il aura une répercussion pas très importante d'abord, mais sensible, c'est certain. Mais qu'est-ce qui se passera si nous ne le votons pas ? Dans un premier temps, il ne se passera rien, puis la situation commencera à se dégrader, et les dépenses salariales, les prestations, tout cela continuera d'augmenter plus vite que la population, plus vite que l'inflation, plus vite que les recettes fiscales, et à un moment donné, la situation sera bien pire que celle d'aujourd'hui. Nous ne parlerons plus alors de stabilisation des salaires, comme ce projet de loi le demande, mais d'une réduction. Nous ne parlerons plus de stabilisation du nombre de fonctionnaires, mais d'une réduction. Nous ne parlerons plus du maintien des prestations, mais d'une réduction de celles-ci. Nous ne parlerons plus - pas vous... (L'orateur désigne les bancs de gauche.) ...mais nous - d'une stabilisation des impôts, mais d'une augmentation massive. Et que se passera-t-il ? Ce sont nos enfants qui devront payer tout cela...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Cyril Aellen. ...pour des dépenses que nous aurons faites aujourd'hui. Nous ne voulons pas que cette situation arrive. Il est temps de prendre ces mesures; nous pourrions attendre encore un peu, mais à ce moment-là, quand il faudra prendre les mesures adéquates, celles-ci seront très difficiles. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi 11398 du PLR ne devrait pas s'appeler «Renforcement du frein à l'endettement», mais bien «Accélérateur du démantèlement de l'Etat et accélérateur de privatisation». Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi prétend régler le problème de la dette actuelle du canton, mais en réalité, il vise un autre objectif: démanteler l'Etat, les prestations publiques et, simplement, mettre un terme au modèle social que nous connaissons à Genève, et ceci pour plusieurs raisons que je vais vous expliquer.

Tout d'abord, il ignore la logique conjoncturelle. En prétendant fixer le montant maximal de la dette du canton au montant du budget annuel, soit de l'ordre de 8 milliards, ce projet de loi a un impact immédiat sur le budget genevois, parce qu'aujourd'hui, la dette s'élève à 13 milliards. Ce projet de loi, contrairement à ce qu'il prétend de façon assez cynique - c'est peut-être un texte de M. «Cynique» Aellen, d'ailleurs... (Quelques huées. Commentaires.) - va s'appliquer dès l'année prochaine...

Le président. Monsieur le député, adressez-vous à moi, et je vous prie de modérer vos propos.

M. Roger Deneys. Ce projet de loi va s'appliquer dès l'année prochaine, parce qu'avec une dette de 13 milliards, nous sommes loin du montant des recettes et des dépenses du budget, qui sont de l'ordre de 8 milliards; en conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, les dispositions prévues aux trois articles suivants: 15B, portant sur les charges de personnel, 15C, sur les charges de fonctionnement, et 15D, sur les crédits d'ouvrage, vont s'appliquer dès l'année prochaine ! Résultat des courses, dès l'année prochaine, il va falloir stabiliser premièrement les charges de fonctionnement, deuxièmement, les charges de personnel, et troisièmement, voter uniquement les crédits d'ouvrage urgents. Mesdames et Messieurs les députés, je me demande si les partisans de la traversée du lac, ou ceux de la gare souterraine de Cornavin, se sont demandé quelles conséquences aurait ce projet de loi qui prévoit que seuls les crédits d'ouvrages urgents seront autorisés. Mesdames et Messieurs les députés, en plus d'un «personal stop», ce projet de loi implique un arrêt immédiat des investissements: il va mettre à mal l'économie genevoise, et comme il bloque les investissements, et les frais de fonctionnement, et l'engagement du personnel, il va simplement amplifier l'effet d'une conjoncture néfaste; en somme, il empêche toute politique anticyclique. Quand l'Etat devrait pouvoir investir, parce que l'économie privée va mal, il ne le pourra pas, parce qu'il sera limité par ces dispositions.

Contrairement à ce qu'a dit le député MCG coutumier des déclarations fracassantes et qui cherche la présidence de ce parlement... (Vives protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Roger Deneys. ...il n'y a pas de disposition qui permette d'obtenir une majorité pour faire passer ces investissements; il y a la question d'une majorité des deux tiers, mais il n'y a pas de mention particulière qui autorise des dépassements. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.) ...il faut savoir que la logique sous-jacente à un «personal stop», c'est que pour un budget équivalent, nous allons devoir privatiser, et cette situation des transferts de détenus, que le MCG dénonce - en l'occurrence avec les socialistes - nous allons y assister chaque année: parce que quand on dira que non, on ne peut pas engager du personnel, vu que le projet de loi implique un «personal stop», alors si on engage cinquante gardiens de prison, on va dire: non, vous ne pouvez pas engager cinquante enseignants, vous ne pouvez pas engager cinquante infirmières, vous ne pouvez pas engager cinquante personnes dans les EMS. Et que ferons-nous alors ? Ce que nous voyons déjà dans ce Grand Conseil: nous allons privatiser... (Remarque.) ...comme pour les transferts de détenus, en payant moins les gens, en démantelant les barèmes du salaire de la fonction publique, on va payer les gens au rabais, pour avoir des prestations au rabais, et les Genevoises et les Genevois de demain auront des prestations au rabais, parce que le MCG l'a bien dit: ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les prestations à la population, mais les salaires de fonctionnaires. Lui, ce qu'il veut, c'est payer plus les fonctionnaires, payer les annuités, et il s'en fiche qu'il y ait moins d'infirmières... (Remarque.) ...et il s'en fiche qu'il y ait moins de monde dans les EMS, et il s'en fiche qu'il y ait moins de policiers, et il s'en fiche qu'on engage des gens qui sont peut-être clandestins, qui n'ont pas de papiers et qui viennent bosser pour des salaires de misère ! Voilà, c'est ça que veut le MCG aujourd'hui ! (Remarque.) Ni de gauche, ni de droite, mais pour les riches ! Uni avec le PLR pour les riches, c'est ça, la réalité de ce projet de loi.

Mesdames et Messieurs les députés, il faut bien se rendre compte que ce projet de loi, avec un objectif louable de restriction, de frein à l'endettement, ne propose pas de disposition qui diminue l'endettement. Les dépenses, c'est notre Grand Conseil qui les vote, quand ce n'est pas le peuple. Le dernier exemple qui me vient à l'esprit, c'est l'école le mercredi matin: une grande majorité de ce Grand Conseil a voté le mercredi matin, et les coûts qui allaient avec, et les postes d'enseignants qui allaient avec. Mesdames et Messieurs les députés, il faut assumer les dépenses que vous voulez ! Simplement, dans les projets de lois aujourd'hui, il n'y a pas de dispositions, ils n'impliquent pas une augmentation automatique des impôts. Résultat des courses, au moment du budget ou des comptes, on peut dire: ah, mais on a un déficit ! Manque de bol: on l'avait voté, Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aviez voté, vous, Mesdames et Messieurs du MCG, vous, Mesdames et Messieurs du PLR, vous aviez voté ces dépenses ! Même chose pour la traversée du lac... (Remarque.) ...vous votez les investissements qui vous intéressent... (Commentaires.) ...vous ne voulez pas de pistes cyclables à 5 millions de francs par année, mais vous êtes prêts à voter une traversée du lac à 3 milliards par année. Eh bien... (Commentaires. Protestations.) Par année, peut-être pas, mais ça viendra.

Le président. S'il vous plaît, laissez parler l'orateur. Monsieur Jeanneret !

M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, il faut bien se rendre compte que ce projet de loi met à mal l'ensemble de la fonction publique, et l'autre problème, c'est que le «personal stop» ne correspond pas à une volonté d'aller de l'avant pour l'Etat de Genève, parce que si la population augmente, vous ne pouvez pas linéairement dire: eh bien l'infirmière s'occupera de 10% de patients en plus, ou de 10% de personnes âgées en plus; vous ne pouvez pas dire que l'enseignant... On ne veut pas des écoles coraniques à Genève, on veut des enseignants qui s'occupent de leurs élèves...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. ...qui s'occupent des problèmes qui se présentent. Pour cela, il faut du monde, il faut des personnes. Et quand on a 5000 personnes de plus par année à Genève, il faut les postes qui vont avec. Ce projet de loi est suicidaire pour Genève, et franchement, je dirais qu'il est castrateur pour un Grand Conseil et un Conseil d'Etat qui aimeraient avoir peut-être un jour une vision d'avenir pour notre canton. Il faut refuser catégoriquement ce texte, et j'espère que la fonction publique s'y opposera aussi massivement, car nous lancerons un référendum contre ce projet de loi inique ! (Applaudissements.)

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a de très nombreux défauts, je n'aurais pas assez de sept minutes pour tous les évoquer... (Remarque.) ...mais l'un d'entre eux - comme certains préopinants l'ont déjà dit - c'est qu'il tient compte de l'inflation mais pas de la croissance démographique. Or, de nombreuses prestations étatiques y sont directement corrélées: pensons aux écoles, aux hôpitaux; d'autres prestations le sont plus indirectement, comme les logements, les EMS, la sécurité. Ce projet de loi ne tient pas compte non plus des charges mécaniques et des charges contraintes telles que l'aide sociale ou les prestations complémentaires; la rapporteure de seconde minorité l'a très bien montré dans son rapport. (Brouhaha.) Si ce projet de loi est voté, ce sont 42 millions d'économie qu'il faudra trouver chaque année dans les budgets rien que pour compenser l'augmentation des charges sur lesquelles le Conseil d'Etat n'a pas de marge de manoeuvre. Cela est impossible, Mesdames et Messieurs, sans péjorer gravement les prestations étatiques. Contrairement à ce que semblent penser certains députés, on ne peut pas dire qu'on veut préserver les fonctionnaires, ou diminuer à terme le nombre de fonctionnaires à l'Etat, tout en ayant plus de prestations. Les prestations, ce ne sont pas des choses abstraites qui existent en dehors de toute réalité: ce sont des prestations effectuées par des fonctionnaires. Diminuer le nombre de fonctionnaires, c'est diminuer les prestations.

Vous croyez toujours au mythe de l'Etat qui serait un cochon bien gras dans lequel on peut trancher, retrancher à l'envi, mais on s'attaque depuis plusieurs années déjà aux muscles, et bientôt, si ce projet de loi devait être accepté, ce sera carrément à l'os. (Brouhaha.) Alors oui, il faut rembourser la dette. Là-dessus, nous sommes d'accord. Mais si vous y tenez vraiment, pourquoi, dans les comptes de 2014, avoir choisi de faire de très importantes provisions pour la CPEG, au lieu de profiter de cette manne inattendue reçue par l'Etat pour contribuer au remboursement de la dette ? Vous n'êtes pas crédibles, et nous voyons que la dette n'est pour vous qu'un prétexte - un prétexte de taille, il est vrai - pour couper encore et toujours dans les prestations de l'Etat.

Mais cet Etat, que vous prétendez vouloir faire rapetisser, diminuer, c'est pourtant bien vous qui lui octroyez depuis des années des ressources supplémentaires importantes, en particulier dans le domaine de la police et du carcéral, où rien ne semble trop cher. Toutes ces réformes, celle du mercredi matin à l'école primaire, celle du cycle d'orientation, ces constructions de prisons... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui réclament des ressources, vous les avez également votées. On voit ici une véritable schizophrénie entre le vote de lois sectorielles, qui nécessitent implicitement plus de moyens, et une volonté idéologique de réduire l'Etat. Ce projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui, c'est comme une paire de menottes qu'un glouton utiliserait pour s'attacher les mains dans le dos afin de s'empêcher de les plonger dans le pot de confiture.

Une voix.  Ça, c'est juste !

Mme Emilie Flamand-Lew. Cette schizophrénie, si elle devait être inscrite dans la loi, ne manquera pas de poser des problèmes sans fin lors des prochains votes budgétaires. Les avocats de la place doivent déjà se frotter les mains à la perspective des innombrables avis de droit qui leur seront demandés par la commission des finances et le Bureau du Grand Conseil pour gérer les conflits inévitables dans l'application de cette loi, car elle sera très difficile à appliquer: nous pouvons déjà imaginer le risque de sous-évaluer les charges contraintes - telles que celles de l'Hospice général, par exemple - pour permettre tout de même de développer certaines politiques publiques, comme la sécurité, au hasard.

Le principe de sincérité budgétaire pourra-t-il encore être respecté ? Rien n'est moins sûr, et nous risquons simplement de nous retrouver année après année avec des comptes déficitaires, car ils devront intégrer toutes les augmentations contraintes qui n'auront pas été prises en compte dans les budgets. Ce projet de loi est une calamité pour nos travaux parlementaires et la mission politique que la population nous a confiée, ainsi qu'au Conseil d'Etat, car nous nous enlevons la possibilité de faire des choix, nous nous contraignons et nous nous lions les mains jusqu'à l'absurde. (Commentaires.) Ce projet est aussi une calamité pour les prestations de l'Etat qui se verront fortement réduites, et on le sait, ce sont toujours les populations les plus vulnérables et fragilisées qui en font les frais. Les Verts vous engagent donc à refuser nettement ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (PLR). Nous avons entendu le choeur des pleureuses de gauche... (Commentaires.) ...nous dire que l'Etat de Genève, l'Etat lui-même, était dans une situation de précarité extrêmement difficile. Je rappellerai quand même... (Remarque de Mme Salika Wenger.)

Le président. Madame Wenger !

M. Edouard Cuendet. ...que l'Etat de Genève a un budget d'environ 8 milliards par année pour une population de moins de 500 000 habitants, ce qui doit être un record mondial. Pour continuer à nourrir cet Etat bien dodu - vous m'excuserez, Madame Flamand, vous avez dit que vous ne le trouviez pas dodu, eh bien l'Etat est dodu - il faut des impôts, et Genève a la pyramide des impôts la plus délirante du monde, à part la France, peut-être, que beaucoup d'entre vous apprécient. A Genève, la pyramide est extrêmement pointue: 1,2% des contribuables paient 34% de l'impôt sur le revenu, alors que 34% des contribuables ne paient pas 1 F de revenu, ou plutôt d'impôt sur le revenu ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Ensuite, 1% des contribuables paient à peu près 70% de l'impôt sur la fortune. On le voit, la progressivité à Genève est extrêmement forte, et la seule solution que vous trouvez pour essayer de combler l'endettement qui frappe ce canton à hauteur d'environ 13 milliards, c'est d'augmenter encore cette progressivité, d'augmenter encore ces impôts. Je vous rappelle votre programme: augmentation de l'impôt sur le revenu, suppression du bouclier fiscal pour être sûrs de chasser tous les riches du canton, augmentation de l'impôt sur la fortune, introduction de l'impôt sur les successions - nous voterons le 14 juin et j'espère que vous recevrez une gifle historique - suppression des forfaits fiscaux, mort des multinationales à travers le référendum contre la nécessaire réforme de l'impôt sur le bénéfice; vous voulez simplement ruiner ce canton, je crois qu'il faut le dire une bonne fois pour toutes !

Cela étant dit, revenons au projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. D'abord, dans une partie un peu théorique, je rappellerai que le Conseil d'Etat partage notre point de vue - un peu théorique, parce que je lirai ce que dit le rapport de gestion 2014 au paragraphe 12, page 13, «Rendre l'administration plus agile». Il ne s'agit pas de supprimer des postes, comme l'a très justement dit mon collègue Aellen, mais de rendre l'administration plus agile, et d'avoir plus de mobilité et de transversalité. Je cite le Conseil d'Etat: «Les règles nécessaires à la gestion d'une administration réunissant quelque 17 000 personnes ont acquis, avec le temps, une telle complexité que leur allégement constitue l'une des priorités du Conseil d'Etat. Plusieurs démarches ont été initiées ou approfondies durant l'année pour simplifier les processus de décision et réduire la bureaucratie.» Le projet de loi dont il est ici question vise aussi à réduire cette bureaucratie, à améliorer l'agilité et la mobilité dans l'Etat, c'est très clairement ressorti lors des débats à la commission des finances. Malheureusement, l'Etat, le Conseil d'Etat - que j'admire beaucoup pour son courage, en tout cas en théorie - a de la peine à passer à la pratique, et je crois que le projet qui vous est soumis donnera un coup de pouce au Conseil d'Etat pour passer de la théorie à la pratique.

Cette pratique nous permettra si possible de résorber l'énorme endettement qui nous frappe et peut-être, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les pas du canton de Vaud. A Genève, on déteste la comparaison, mais le canton de Vaud, grâce à une gestion saine et rigoureuse, a réussi à réduire son endettement de manière drastique, puisqu'il l'a réduit à moins d'un milliard environ, alors que dans le même temps nous faisions exploser le nôtre. Pourquoi ne sommes-nous pas capables de faire comme le canton de Vaud qui a réussi - sans augmentation d'impôts - à rétablir des finances saines ? Ce projet de loi nous aidera à passer du rêve à la réalité, à revenir - je l'espère - dans la moyenne suisse en matière de frais de fonctionnement et d'endettement. C'est pour cela que je vous invite à le soutenir. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur Cuendet, les pleureuses de gauche ont aussi le privilège d'entendre les envieux de droite. Envieux face à un marché qui pour l'instant - malheureusement pour vous, quelque part - est accaparé par l'Etat et par les prestations publiques. Bon, je ne vais pas m'énerver plus que ça pour commencer, mais la cure d'amaigrissement n'est pas destinée aux rondeurs de la plage, mais bien à l'Etat et à ses prestations. Nous l'avons entendu - et cela ne sert pas à grand-chose de revenir sur les points techniques qui ont très bien été évoqués, et qui figurent dans les deux rapports de minorité - la LGAF permettait déjà, et permet jusqu'à ce soir, deux choses: un frein à l'endettement et un frein au déficit, qui sont déjà relativement contraignants, et qui pour l'instant sont suivis.

J'aimerais soulever un petit point: entre 2010 et 2014, la croissance moyenne des postes a été de 1,5 pour l'enseignement - y compris pour l'intégration de la réforme du cycle et du mercredi matin - de 0,4 pour le personnel administratif et de 6,4 dans la chaîne sécuritaire et pénitentiaire, ceci seulement en 2014, pour plus de 8000 personnes arrivées à Genève. Par conséquent, nous trouvons que ces augmentations «massives» de fonctionnaires ne le sont pas tant que ça.

Par contre, l'application de ce projet de loi implique que si ce frein est accepté, si ce parlement continue à avoir les mêmes priorités politiques que jusqu'à maintenant, nous allons continuer à avoir une augmentation massive des forces de police et de détention, et de moins en moins d'infirmières, de médecins à l'hôpital, parce qu'il y a dans ce projet de loi une demande de compenser. Autrement dit, vous mettez un policier en plus, et vous enlevez un médecin, ou un enseignant, ou une prestation, ou un service, parce qu'un carcan ahurissant est posé par ce projet de loi. (Brouhaha.)

J'aimerais dire encore, pour répondre aux propos de M. Stauffer, que c'est mettre les fonctionnaires et leur fonction publique dans une situation vraiment triste que de sous-entendre qu'ils ne feraient que revendiquer des annuités. Je crois que là, il y a deux mondes qui s'affrontent ce soir. Les fonctionnaires, Mesdames et Messieurs, ce sont avant tout des personnes au service de la population, qui désirent délivrer des prestations, des prestations de qualité, à la population en général, via des politiques publiques. (Brouhaha.) Ce projet de loi va contre les fonctionnaires, bien sûr, mais aussi contre toute l'harmonisation des politiques publiques, qui passe à la trappe, tout comme la gestion du Conseil d'Etat, qui passe aussi à la trappe, parce que vu les obligations déjà inscrites dans le budget au niveau financier - et je ne parle pas des fonctionnaires, mais des traités intercantonaux, des obligations qui découlent des lois - il ne restera vraiment plus aucune marge, à part celle de choisir les priorités dans ce qu'on coupe.

On l'a déjà dit, mais je le répète, c'est une attaque massive contre ce qui a fait et fait encore le succès de notre canton, pas seulement à Genève, mais au niveau international: des prestations de qualité qui permettent à une population diversifiée, par les origines aussi bien que par les richesses, de vivre en harmonie sur un territoire petit, exigu; des prestations qui permettent de gérer cela. (Brouhaha.) Enlever ces mécanismes, enlever cette harmonie, c'est simplement ahurissant. C'est vrai: quand quelque chose marche, il faut le changer, il faut le détruire pour de la mobilité, de la rationalité, des économies ! Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, oui, il s'attaque à la fonction publique, ce projet de loi, c'est une apologie de la privatisation massive des prestations, et on sent très fort cette pression qui dit: de toute façon, les privés feront moins cher. Bien, mais alors, Mesdames et Messieurs, quand vous devrez mettre votre enfant à l'école, il y aura ceux qui pourront payer l'école privée, et il y aura les autres ! (Applaudissements.)

Une voix. Très juste !

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, je reconnais que mon intervention va tomber un peu comme un cheveu sur la soupe, parce que je me réfère à un événement qui s'est déroulé il y a environ vingt minutes, mais il y a le fond et la forme: dans notre règlement, il est explicitement dit qu'un député ne peut pas s'adresser à quelqu'un qui se trouve dans la tribune. Nous demandons une certaine dignité de la part des personnes qui se trouvent à la tribune, lors de l'exhortation, en leur proposant de se lever, et tout à l'heure, au prétexte que c'est M. Stauffer et qu'on lui passe tout - n'est-ce pas, M. Stauffer a le droit de tout dire - M. Stauffer s'est permis de s'adresser ad personam au président du Cartel qui se trouve dans la tribune et quasiment de s'en prendre à sa personne...

M. Eric Stauffer. Non !

M. Christian Zaugg. Comment: non ! Comment: non ! A-t-on le droit, je pose la question, en tant que député, de s'adresser directement à quelqu'un qui se trouve dans la tribune ?

M. Eric Stauffer. Je m'adresse à qui je veux !

M. Christian Zaugg. Ah, très bien ! Alors je vais parler directement avec la presse ! Non, franchement, c'est inacceptable. Vous avez laissé passer cela tout à l'heure, moi, je trouve totalement inadmissible que M. Stauffer s'en soit pris au président du Cartel sous une forme quasi insultante, voilà ! Point barre. (Applaudissements.)

M. Thierry Cerutti. C'est un scandale ! Eh oui !

Le président. Un peu de calme, Monsieur Cerutti, merci. Je passe la car... la parole - je vais y arriver - à M. le député Eric Stauffer, dans le calme.

M. Eric Stauffer (MCG). Vous avez entendu successivement la gauche - vous allez l'entendre encore après moi - vous dire que, finalement, ce projet de loi détruit l'Etat de Genève. (Remarque.) Je n'aimerais pas reprendre tous les propos tenus de part et d'autre, mais encore une fois, est-ce que ce projet de loi demande une réduction des effectifs de l'Etat ? Non ! Il prévoit même une augmentation au maximum de 0,5%. Est-ce que ce projet de loi prévoit une diminution du salaire des fonctionnaires ?

Une voix. Non.

M. Eric Stauffer. Non ! Il prévoit même la garantie des mécanismes salariaux, c'est extraordinaire ! Alors celles et ceux qui nous regardent ce soir ne doivent plus rien comprendre: nous, au MCG, nous sommes en train de dire que nous voulons protéger les mécanismes salariaux de la fonction publique - et c'est le cas dans ce projet de loi - parce qu'à force d'avoir trop de fonctionnaires, on l'a vu ces trois ou quatre dernières années, la première chose qu'on supprime, c'est ce qui est le plus facile pour le Conseil d'Etat: les annuités des fonctionnaires, et nous, le MCG, nous devons batailler pour obtenir une demi-annuité. Mais ce que les gens ne savent pas et ce que les fonctionnaires ne veulent pas assimiler - et c'est pour ça que j'ai dit que j'en veux, quelque part, aux cartels qui sont en train de tromper leurs fonctionnaires - c'est que quand on veut faire sauter l'annuité d'un fonctionnaire, cela se reporte sur toute sa carrière et sur la caisse de pension ! Eh oui, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) Alors je préfère avoir un tout petit peu moins de fonctionnaires, et qu'ils soient contents, et que l'Etat respecte, année après année, les mécanismes salariaux, plutôt que de dire, comme la gauche le veut: on engage, on engage, on engage des dépenses, et on est à deux doigts, avec 13 milliards de dettes, d'être au frein automatique au surendettement, qui, lui, est constitutionnel. Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs, qui est le plus responsable et qui défend le plus les fonctionnaires ?

Une voix. Moi ! (Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs: c'est bien le MCG ! (Brouhaha.) Mais évidemment, il faut encore savoir lire et ne pas écouter toutes les sornettes qui ont été dites.

Ensuite, on a entendu qu'il sera impossible d'engager des enseignants, même s'il y a plus d'enfants dans les écoles. Mais c'est faux ! Au moins, le Cartel que j'ai interpellé tout à l'heure a eu l'honnêteté de dire dans son communiqué de presse que des exceptions sont prévues. Et c'est le cas ! Même le Cartel l'a dit, parce que finalement, ils ont lu le projet de loi, ce qu'ils n'avaient pas fait initialement: ils n'en avaient entendu qu'un résumé; Mesdames et Messieurs, les exceptions sont prévues. Mais il n'est pas acceptable qu'à Genève, canton de moins de 500 000 habitants, avec autant de fonctionnaires - dix de plus par mille habitants que la ville de Zurich - avec un budget de 8 milliards de francs, il n'est pas acceptable que nous ne soyons pas capables - mais là je parle plutôt pour le gouvernement - de respecter les engagements vis-à-vis de ceux qu'ils emploient, si l'on parle des mécanismes salariaux.

Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs, que faut-il faire ? Ecouter la gauche qui dit: «Continuons !» et se retrouver au mois d'octobre avec un budget où le gouvernement aura sucré les annuités ? Et que va faire le Cartel, que va faire le syndicat des fonctionnaires ? Dire aux fonctionnaires: eh oui, on a dû engager beaucoup plus dans les états-majors ? Pour le DIP, ce sont 24 secrétaires généraux. Mais où allons-nous comme ça, Mesdames et Messieurs ? 24 secrétaires généraux au département de l'instruction publique ! (Remarque.) Et on dira aux fonctionnaires: on a dû renforcer ces états-majors, on ne peut pas vous payer les annuités. Et qu'est-ce qu'on fait ? On demande le licenciement ? Non, nous, nous y sommes opposés, nous ne voulons licencier personne, mais nous voulons une progression maîtrisée, et nous voulons surtout que l'employeur respecte les engagements vis-à-vis des fonctionnaires: les annuités sont prévues, elles doivent être payées.

Faites comme bon vous semble, Mesdames et Messieurs. Vous voulez un référendum ? Allez devant la population pour dire: nous voulons plus de fonctionnaires ! Eh bien je vous le dis d'ores et déjà, le MCG rétorquera: nous voulons moins de fonctionnaires et plus de prestations à la population, et on verra qui va gagner ! (Commentaires.) Eh oui, parce qu'ensuite, le gouvernement, pour trouver des économies, de manière assez maladroite - je le dis - vient toucher aux prestations, et cela, nous ne le voulons pas ! Nous avons du reste rajouté ce qui avait été enlevé par le gouvernement. Nous voulons des prestations pour la population, mais ce n'est pas en engageant toujours et toujours et toujours plus de fonctionnaires - ce qui fait que pour finir, même le Conseil d'Etat a beaucoup de peine à réformer tous ses services - qu'on arrivera à maîtriser toutes les dépenses budgétaires du canton de Genève.

Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs, dépassez un peu vos dogmes ! Regardez avec responsabilité les comptes de l'Etat. Pensez aussi - je sais que pour la gauche, c'est un euphémisme - à ceux qui paient des impôts, parce que beaucoup de gens, malheureusement, ne gagnent pas assez pour en payer, mais il y en a qui en paient, alors il faut être respectueux de cet argent que nos concitoyens, à la force de leur travail, donnent à l'Etat, et c'est normal, mais ne dépensons pas à tout-va pour constituer une armée mexicaine: nous, nous ne le souhaitons pas !

Une voix. Bravo.

M. François Lefort (Ve). A ce point, pour résumer ce que nous propose ce projet de loi, lisons les premières lignes du rapport de majorité: «maintenir les charges à leur taux actuel et le nombre d'employés de l'Etat à leur nombre actuel». Ce texte est un carcan dangereux, dans lequel la nouvelle majorité veut corseter la vie du canton. C'est surtout un véritable déni de réalité. La réalité, c'est une région en forte croissance économique et démographique; c'est la simple réalité, on peut l'aimer ou ne pas l'aimer, mais c'est une réalité sur laquelle nous avons peu de prise. Ce projet de loi veut nous faire croire que la méthode consiste à faire plus pour la population avec moins, et ce que la population doit entendre et doit comprendre, c'est qu'on lui propose de faire moins pour elle, avec moins. C'est ce qu'on fait déjà un petit peu, chaque année, avec chaque budget, en réduisant les budgets de fonctionnements de l'Etat. Rappelez-vous les coupes en charges de personnel cet hiver sur des départements comme l'aménagement et l'environnement. Il faut être clair: ce que nous propose ce projet de loi, c'est encore plus tranchant que ces petites coupes annuelles qui nous désespèrent déjà. Il est encore plus tranchant, mais surtout, il touchera le fonctionnement de l'Etat et aura des conséquences sensibles pour la population.

Nous avons entendu certains députés se déchaîner contre le train de vie de l'Etat. Nous en avons entendu d'autres comparer la masse salariale de l'Etat de Genève aux budgets d'Etats moins chanceux et beaucoup plus pauvres, mais ces derniers députés oublient de comparer la cherté de la vie à Genève, ses loyers, ses assurances-maladie, à ceux de ces pays pauvres de référence avec lesquels ils comparent la masse salariale.

Ce projet de loi, c'est un exemple patent de la méthode Coué en politique, et la méthode Coué, ça finit mal ! Et ce projet de loi finira mal de toute façon. Il propose de faire moins avec moins pour une population croissante, et en jetant en pâture la fonction publique à la géhenne populiste. Ce texte suinte la haine de la fonction publique. (Brouhaha.) C'est assez courant, c'est assez récurrent dans cette enceinte, où tous les problèmes de la société, toutes les turpitudes de l'Etat, trouvent en la fonction publique la victime expiatoire.

Mesdames et Messieurs les députés de cette nouvelle majorité, vous allez choisir de faire moins avec moins: moins d'enseignants, moins d'infirmières - d'autres députés l'ont dit - sans oublier bien sûr moins d'application de la loi, des lois fédérales, parce que ne l'oubliez pas, l'Etat de Genève est le garant de l'application des lois fédérales. Ce texte, c'est moins d'Etat, certes, mais c'est moins d'Etat qui ne sera remplacé par rien ! Rien. C'est cela, le système qui s'écroule dont parlait M. Aellen tout à l'heure. Ce système qui s'écroule, il plairait certainement à certains de cette nouvelle majorité, mais il plaira moins à la population.

Vous allez donc le voter, Mesdames et Messieurs les députés, et nous lancerons le référendum, la gauche, les syndicats, et nous le gagnerons, avec les syndicats, mais nous allons aussi le gagner avec vos électeurs, qui sont moins fous que vous ! (Exclamations.) Et ce sera la leçon de ce référendum ! Oui, nous le gagnerons avec vos électeurs ! Vous lancez la campagne pour les élections fédérales, et nous vous en remercions: vous croyez que vous allez faire campagne sur ce sujet, sur ce mensonge et cette attaque contre la fonction publique, eh bien merci, vous allez le perdre ! Rendez-vous au référendum ! (Vifs commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Stauffer, vous demandez une motion d'ordre.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je demande une motion d'ordre afin d'arrêter les débats à 23h et de les reprendre demain.

Le président. Mesdames et Messieurs, je vais donc... (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, je vais donc vous faire voter sur cette motion d'ordre qui consiste à arrêter le débat à 23h pile et à le reprendre demain à 17h pile avec la liste d'orateurs telle qu'elle est arrêtée aujourd'hui.

Mise aux voix, cette motion d'ordre est adoptée par 88 oui contre 2 non et 2 abstentions.

Le président. Etant donné qu'il n'est pas encore 23h pile, je passe la parole à Mme la députée Béatrice Hirsch.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Merci, Monsieur le président. Je cherchais quand même dans la LRGC, il me semble que la motion d'ordre... (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

Mme Béatrice Hirsch. ...est là pour interrompre les débats à l'instant où on la vote, et non pas pour proposer une modification de l'ordre du jour. Vous avez proposé de terminer au-delà de 23h, et M. Stauffer propose de s'arrêter à 23h. La prochaine fois, je vous propose qu'au lieu de nous dire jusqu'à quelle heure nous continuons, vous posiez la question à M. Stauffer. (Commentaires.)

Plaisanterie mise à part, à l'instar d'un certain nombre dans ce parlement, mais à l'encontre d'autres... (Brouhaha.)

Des voix. Chut ! (Un instant s'écoule.)

Le président. Poursuivez.

Mme Béatrice Hirsch. Merci, Monsieur le président. A l'encontre de certains dans cette enceinte, le parti démocrate-chrétien est très préoccupé par la dette et par la situation financière de l'Etat. On l'a dit, des économies structurelles conséquentes sont absolument indispensables, et ce dès le débat budgétaire 2016, si nous voulons un jour commencer à maîtriser la dette. Je pense que jusque-là, une majorité de ce parlement peut suivre. Par contre, le projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de commission semble bel et bien inapplicable, ne serait-ce que pour cette raison: si le MCG se vante d'avoir sorti les mécanismes salariaux du carcan imposé par l'article 15C, je lui propose quand même de regarder ce que propose l'article 15B et de se rendre compte que les charges de personnel sont comprises dans les charges de fonctionnement général; en conséquence, sortir les mécanismes salariaux des charges de personnel, si on ne les sort pas des charges de fonctionnement général, cela va être particulièrement «sport» et épique à réaliser ! (Remarque.)

Je ne reviens pas sur les contradictions constitutionnelles et légales déjà relevées par la rapporteure de deuxième minorité, par contre, comme je l'ai dit, je pense qu'il est indispensable que nous nous penchions sur ce projet de loi. Même si, tel qu'il est issu des travaux de la commission, il est inapplicable, il permet - et les débats l'ont montré - de réaliser vraiment que quelque chose doit être fait. Par conséquent, le parti démocrate-chrétien votera l'entrée en matière, pour pouvoir l'amender et trouver une solution raisonnable pour diminuer, ou en tout cas ne pas augmenter le train de vie de l'Etat. (Quelques applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en fait ce projet de loi n'est qu'une vaste, sombre et irresponsable tartuferie. Tartuferie, parce que nous avons entendu beaucoup de contrevérités ce soir. Certains, tonitruants, prétendent qu'ils ne veulent pas plus de fonctionnaires, mais plus de prestations. J'aimerais leur demander: à leur avis, qui délivre les prestations dans ce canton, sinon les fonctionnaires ?

Dans ce parlement, il y a ceux qui défendent les riches, et ceux qui défendent la population. Ce ne sont pas les mêmes, contrairement à ce que d'aucuns prétendent. Ce soir, on nous parle beaucoup d'une fonction publique trop grasse, qui pourrait faire des économies, qu'on pourrait réduire. Mais le savez-vous ? Ce n'est pourtant pas faute de vous l'avoir dit à de nombreuses reprises... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la fonction publique travaille à flux tendu. Régulièrement, lors des auditions, nous entendons des gens nous dire qu'ils n'ont plus les moyens d'assurer les prestations à la population. Que vous importe ? Rien ? Vous prétendez encore faire des économies sur les prestations, sur les fonctionnaires. D'autres personnes l'ont déjà dit: il s'agit en fait de s'attaquer aux services publics, d'externaliser et de privatiser certaines prestations. Et après, vous viendrez vous plaindre de la pauvreté et de la précarité qui augmentent dans ce canton, mais point ne vous en chaut, puisque finalement, à force de baisser les normes d'aide sociale, les gens ne pourront pas y entrer ! C'est cela que vous êtes en train d'opérer: une translation vers le bas de tout le système de protection sociale de ce canton. (Brouhaha.)

Et j'aimerais insister sur ceci: on nous dit qu'il ne s'agit pas de faire des économies, de réduire, et que nous pourrons toujours augmenter les postes là où ce sera nécessaire. C'est vrai, mais en les enlevant ailleurs ! C'est comme un enfant dont le pied grandirait, et vous vous obstineriez à acheter toujours des chaussures à la même pointure: de deux choses l'une, soit les pieds sont comprimés, soit ils débordent par les talons ou les orteils, mais quoi qu'il en soit, les gens ne peuvent pas continuer à vivre dans un cadre aussi étroit; et c'est cela que vous êtes en train de faire. Lorsqu'il s'agit de construire une nouvelle prison, lorsqu'il s'agit de construire un centre romand de départ, lorsqu'il s'agit d'une traversée sur la rade, ou d'un quatorzième salaire pour les cadres, où vous a-t-on entendu dire qu'il n'y avait pas assez d'argent ? Que la dette était trop importante ? Jamais, sur ces sujets, vous n'abordez la question de la dette ! En revanche, quand il s'agit de prestations à la population, de donner aux gens ce dont ils ont besoin, là, la dette, vous l'utilisez comme un paravent, régulièrement ! Alors soyez honnêtes, soyez responsables: prétendre aujourd'hui qu'on peut continuer à resserrer les moyens de la fonction publique, c'est simplement l'empêcher de faire son travail, et là, vous devrez rendre des comptes à la population. Oui, il y aura un référendum et, oui, c'est à ce moment-là que vous rendrez des comptes, et j'espère que la population vous signifiera ce qu'elle a à vous dire. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Sont encore inscrits sur la liste: Mmes et MM. Olivier Baud, Rémy Pagani, Romain de Sainte Marie, Lisa Mazzone, Salika Wenger, Christian Frey, Patrick Lussi, rapporteur de majorité, Alberto Velasco, rapporteur de première minorité, Sophie Forster Carbonnier, rapporteure de deuxième minorité, et M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco.

Fin du débat: Séance du vendredi 5 juin 2015 à 17h10