République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2104-C
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Jean Romain, Charles Selleger, Pierre Conne, Jacques Jeannerat, Eric Bertinat, Nathalie Fontanet, Francis Walpen, Beatriz de Candolle, Mauro Poggia, Pierre Ronget, Mathilde Chaix, Christina Meissner, Vincent Maitre, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg, Patrick Lussi, Stéphane Florey, Claude Aubert, Guy Mettan, Jean-François Girardet, Antoine Barde, Patrick Saudan pour une révision de l'application genevoise de l'ordonnance fédérale sur les certificats de maturité (ORM 95)

Débat

Le président. Nous sommes au point suivant, la M 2104-C. La parole est à M. Jean Romain.

M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, très rapidement: nous avons demandé, la dernière fois, de sortir cette réponse des extraits parce que nous voulions encore avoir quelques précisions. Le rapport M 2104-C est magnifique, et il va très clairement dans le sens des motionnaires. Cependant, après une rencontre entre quelques motionnaires et Mme Emery-Torracinta, il est apparu qu'il y avait encore un tout petit point obscur. Nous aimerions donc obtenir, à ce sujet-là, une réponse écrite du département. Il n'y a pas d'urgence, le département peut consulter à la fois les associations et les directeurs, mais il est quand même important d'imaginer ce que pourrait être, ou non, le principe des options liées. Je prends un exemple: on aimerait qu'un élève qui choisirait économie et droit prenne en option l'allemand et pas l'italien, dans la mesure où la jurisprudence est en allemand et pas en italien. Pour quelqu'un qui ferait ce choix-là, l'option liée serait donc l'allemand; pour la biologie-chimie, l'option liée serait les maths avancées. Voilà l'idée. Merci, donc, pour ce rapport, mais je demande que le parlement, pour obtenir un complément, le renvoie au département, de façon qu'en quelques pages, on puisse nous répondre sur ce principe qui est celui des options liées. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, mais je crains qu'on ne puisse pas le renvoyer au département; on peut le renvoyer en commission. C'est un rapport qui émane déjà du Conseil d'Etat. Sinon nous pouvons en prendre acte.

M. Jean Romain. Nous pouvons aussi refuser d'en prendre acte - c'est déjà arrivé quelquefois - de façon à avoir simplement ce petit complément. C'est possible, Monsieur le président ?

Le président. S'il est refusé d'en prendre acte, effectivement. (Brouhaha.)

M. Jean Romain. Alors nous refuserons d'en prendre acte, pas parce que nous refusons la réponse - bonne - qui a été faite, mais parce qu'il manque une petite partie. (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à M. Jean-Michel Bugnion. (Remarque.) C'est une erreur. Je la passe donc à Mme la députée Salima Moyard.

Mme Salima Moyard (S). Merci, Monsieur le président, en ce qui me concerne, ce n'est pas une erreur ! Monsieur Romain, il y a quelque chose que je ne comprends pas - vous transmettrez, Monsieur le président. Il paraît qu'aujourd'hui l'administration doit être agile, souple, efficace et ne pas passer son temps à dire, redire, essayer d'expliquer et donner sa position. Elle le fait une fois, deux fois, mais il ne faut pas lui demander de le faire dix fois, surtout pour essayer de lui faire dire ce que vous aimeriez, Monsieur Romain ! C'est cela que le groupe socialiste ne comprend pas.

Vous nous avez donné deux exemples d'options liées en commission pendant plusieurs semaines, dont vous nous avez dit que ce n'étaient que des exemples et qu'il y en aurait bien davantage, mais que vous ne vouliez pas les citer; vous ne vouliez pas non plus présenter ces options liées de manière globale, parce que c'était au département de le faire et que vous vouliez le laisser oeuvrer; après l'avoir laissé oeuvrer, deux fois vous lui renvoyez sa copie parce que la réponse ne vous convient pas ! Vous n'avez jamais été capable de montrer exactement ce que vous vouliez; vous donnez toujours les mêmes deux exemples, tout en disant qu'ils ne sont pas les seuls, qu'il y en a bien d'autres, que vous ne voulez pas uniquement lier toute option à une seule autre, laisser un certain choix mais quand même pas trop. Alors appelons un chat un chat: vous voulez revenir aux sections, vous voulez casser l'ORRM, mais ce n'est pas ce que le droit fédéral nous permet de faire et ce n'est pas ce que nous souhaitons au parti socialiste. Nous rappelons quand même ici que le gymnase ou le collège, comme on le nomme à Genève, est une formation généraliste, et qu'il faut la laisser ainsi. Ce n'est pas une formation professionnalisante, et quant à l'argument que vous venez de donner sur l'option économie et droit qui devrait absolument être liée à l'allemand... Laissez la responsabilité aux collégiens de faire ce qu'ils souhaitent. L'orientation est quelque chose de compliqué, et en tant qu'enseignante au cycle d'orientation, je sais que souvent les élèves s'inscrivent au collège non pas parce qu'ils ont envie de continuer leurs études, mais simplement parce qu'ils ne savent pas quelle voie professionnalisante choisir et qu'ils souhaitent justement continuer dans une filière générale; c'est leur droit. Enfin, l'ensemble des disciplines, à part cette fameuse option spécifique et cette fameuse option complémentaire, constituent un tronc commun; on peut donc laisser une petite souplesse aux élèves. Je suis donc navrée de voir que le rapport ne vous convient pas. Il explique ce que le département a prévu de faire...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Salima Moyard. ...il va - je vais terminer, Monsieur le président - pour plusieurs éléments, dans le sens que vous avez demandé, mais pas entièrement. Je crois donc qu'il faut prendre acte de ce désaccord; nous sommes maintenant d'accord sur ce sur quoi porte le désaccord entre le DIP et vous-même, et je pense que c'est peut-être le moment de passer à autre chose. Le parti socialiste prendra donc acte, avec plaisir, de ce rapport. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Monsieur le président, chers collègues, je crois que le rapporteur, M. Jean Romain, premier signataire de cette motion, a bien expliqué les choses. Si nous ne sommes pas d'accord avec le rapport du Conseil d'Etat, nous n'avons qu'une seule solution, c'est de le refuser. Nous allons donc refuser ce rapport, en demandant à Mme la cheffe du département de bien vouloir revoir sa copie, éventuellement de trouver une solution qui pourrait convenir aux motionnaires. Si ce n'est pas le cas, alors nous utiliserons d'autres moyens à notre disposition, par exemple en déposant un projet de loi devant le parlement. Mais pour le moment nous sommes ouverts au dialogue et nous ne bloquons pas les choses. Comme la procédure nous impose de devoir refuser ce rapport, c'est ce que nous allons faire au MCG afin de trouver une solution qui nous convienne mieux - et qui aille dans le sens de cette motion, Madame Moyard ! Je vous remercie.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Monsieur le président, excusez-moi pour mon hésitation de tout à l'heure, j'ai mal interprété les propos de ma voisine ! Me voici donc pour dire simplement qu'en ce qui concerne les options liées, trois points sont à prendre en compte. D'abord - on l'a déjà dit - le côté professionnalisant, qui est contraire à l'esprit de l'ORRM. Mais même cela mis à part, il y a un très fort risque de déperdition. On a cité l'économie et le droit; c'est sûr qu'en liant cela avec l'allemand ou avec les maths niveau 2 pour d'autres options, vous allez entraîner beaucoup moins d'élèves dans ces options. Et sachez-le, les profs et les doyens responsables de ces disciplines ont voté à 100% contre les options liées !

Deuxième chose: la structure des options liées, qui est en fait une structure de section, implique que tout au long des quatre ans, les groupes constitués soient maintenus quelle que soit la déperdition, puisqu'ils ont un profil strictement identique. Avec davantage de souplesse, vous avez une structure qui est moins coûteuse parce que vous arrivez à mieux remplir et à mieux équilibrer les effectifs des différents groupes.

Troisièmement, je vous rappelle que le département a augmenté la difficulté du collège en demandant maintenant 16 de total pour chaque passage - première à deuxième, deuxième à troisième, troisième à quatrième - et en limitant le redoublement à une fois. Les options liées ajoutent de la difficulté à la difficulté ! Je crois que là on va trop loin. Il y a déjà 50% des élèves qui échouent pendant les deux ans qui suivent le cycle, dont 25% définitivement. Je pense donc qu'il ne faut quand même pas trop demander, et que le collège doit rester une école de culture générale, même si c'est une bonne école de culture générale. Les Verts sont donc pour accepter ce rapport. Je vous remercie.

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Le premier rapport du Conseil d'Etat sur la M 2104 n'était pas suffisant aux yeux des motionnaires, et il lui a donc été renvoyé. Ce deuxième rapport, très complet, montre les améliorations que le département entendait apporter à cette ORRM et qu'il a acceptées; les motionnaires l'ont d'ailleurs eux-mêmes reconnu. Mais ce n'est pas suffisant pour eux: ils aimeraient encore que le département s'engage dans toutes les pistes évoquées dans les invites de leur motion. Pour le parti démocrate-chrétien, ce rapport est complet et va aussi loin que le département le souhaitait selon sa première réponse. Le parti démocrate-chrétien, lors de la première étude de cette motion, avait déjà dit qu'il n'entendait pas limiter les choix des élèves. M. Bugnion l'a d'ailleurs dit: les enseignants et les élèves ne sont pas pour figer ces options. Comme l'a bien expliqué Mme Moyard, l'orientation est quelque chose d'extrêmement difficile, et si aucune des personnes concernées, ni les enseignants, ni surtout les étudiants que nous avions déjà auditionnés en commission de l'enseignement, ne sont pour figer davantage ces options, alors ce n'est pas une bonne idée de le faire. Le parti démocrate-chrétien remercie donc le département et acceptera son rapport sur cette motion, et vous encourage à en faire de même. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC remercie Mme Anne Emery-Torracinta pour son rapport très complet. Toutefois, effectivement, quelques précisions seraient utiles, comme l'a indiqué mon collègue Jean Romain. On aurait pu choisir l'option de faire un projet de loi, de fixer dans la loi certains objectifs, mais ce serait clairement dommageable puisque ça ôterait toute marge de manoeuvre au Conseil d'Etat, chose que nous ne voulons pas. C'est pourquoi nous refuserons ce rapport, justement, pour obtenir ce petit complément d'information par rapport à ce que demandait la motion initiale.

Concernant le fait de lier le droit à l'économie, il y a une certaine logique là-dedans; personnellement, je pense que mieux vaut effectivement lier ces deux branches à l'allemand, premièrement parce que le droit fédéral est principalement écrit en allemand... (Commentaires.) ...et ensuite parce que ça évite tout simplement à l'élève de devoir suivre des formations complémentaires, comme ça se fait actuellement. La personne qui aurait choisi l'italien, par exemple, et qui se rendrait compte que finalement elle aurait mieux fait de prendre l'allemand, doit effectivement soit faire des cours complémentaires, soit partir en séjour linguistique pour compléter ses connaissances, ce qui est également une perte de temps. Mieux vaut donc correctement orienter ses choix à la base plutôt que d'envoyer des élèves suivre des formations complémentaires qui leur font perdre un certain temps. Comme je l'ai dit, nous refuserons ce rapport, non pas parce qu'il ne nous convient pas, mais justement pour avoir le complément d'information demandé. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Mizrahi, vous n'avez plus de temps de parole. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis satisfaite de voir que les motionnaires reconnaissent le travail du département dans ce dossier. Je m'aperçois aussi que nous ne sommes pas très éloignés, en définitive, je me demande donc quel sens cela a de refuser ce rapport. Parce que le message qui est donné et qui pourrait être compris, c'est quand même que vous n'êtes pas d'accord avec l'essentiel de ce qui est proposé.

Sans entrer dans tous les détails, j'aimerais vous donner quelques éléments. En 1995, l'ordonnance sur la reconnaissance de la maturité gymnasiale a changé, ce qui a fait que dès 1996, le Collège de Genève a présenté un visage un peu différent et qu'on a généralisé un système à options. Ce sur quoi les motionnaires ne sont pas d'accord avec le département, c'est sur la façon d'interpréter, je dirais, le droit fédéral, et sur le fait de lier, ou pas, certaines options entre elles. On nous dit notamment que les élèves qui prennent l'option spécifique économie et droit, qui va colorer leur maturité, devraient faire de l'allemand. Bon, pourquoi pas. Mais si on lie ces options-là, il ne faut pas oublier qu'on va se retrouver à l'encontre du droit fédéral, puisque à tort ou à raison - mais c'est comme ça - à l'époque, l'ordonnance fédérale avait imposé que les élèves puissent choisir entre l'allemand et l'italien. La seule exception admise par le droit fédéral était que les cantons bilingues, Fribourg et le Valais en Suisse romande, puissent imposer, sur le plan cantonal, l'autre langue nationale parlée dans le canton. Vous voulez donc restreindre le droit de certains élèves, et personnellement je trouve ça un peu dommage. De même pour biologie-chimie; est-ce qu'il faut à tout prix imposer les maths avancées ? C'est une question qu'on peut se poser, mais là aussi ce serait un peu contraire au droit fédéral.

Si vous me renvoyez ce rapport, que va-t-il donc se passer ? Je réunirai les directions du Collège de Genève - j'avais de toute façon l'intention de le faire - et je rencontrerai aussi les partenaires enseignants. Parce que ce rapport se fonde sur un travail déjà fait en 2013, au moment où à la fois la direction générale de l'enseignement secondaire II et les motionnaires pensaient qu'il fallait réviser l'application genevoise de l'ordonnance fédérale sur la maturité. Ce travail a donc déjà deux ans, et de toute façon il faut revoir les partenaires. Mais je n'ai aucune garantie que nous irons forcément dans votre sens. Et ce qui me paraîtrait important, c'est qu'au bout du compte on arrive quand même à une maturité qui soit un petit peu plus lisible que ce qui se fait aujourd'hui, puisqu'un des grands problèmes qu'on rencontre actuellement, pour les élèves qui sortent du cycle, c'est que ce n'est pas forcément très clair: certaines options commencent en première année, d'autres commencent en deuxième, et une espèce de flou artistique règne parfois. La proposition qui vous est faite ici est que pour tout le monde, l'option spécifique commence en première, ce qui clarifierait les choses; on ne serait pas tout à fait dans un système de sections, mais on serait dans un système beaucoup plus clair. Les élèves choisiraient des voies - langues vivantes, langues anciennes, sciences, par exemple, économie et droit ou arts - et c'est à l'intérieur de ces grandes options-là, si vous voulez, qu'on aurait des choix un peu plus particuliers. Voilà donc la proposition qui vous est faite.

Maintenant, j'entends bien que si ce rapport est refusé, ce n'est pas à cause du fond mais par rapport à certains points sur lesquels il faudrait revenir. Je m'engage de toute façon, quoi qu'il arrive, à discuter avec les partenaires de cette réforme de la maturité gymnasiale, mais j'aimerais peut-être quand même dire à M. Girardet que si le parlement en vient à faire des projets de lois pour nous dire que dans un programme scolaire très précis, il faut lier telle option à telle autre, alors franchement, je ne sais pas où va cette république ! Il y a, je crois, des choses plus importantes à faire dans un parlement que de se mêler si précisément des grilles horaires proposées dans telle ou telle école. Et puis une petite précision aussi pour M. Bugnion sur les échecs au Collège de Genève: ce n'est maintenant plus un élève sur quatre qui commence le collège et qui ne fera pas de maturité, ces chiffres datent d'il n'y a pas très longtemps encore; c'est actuellement un élève sur trois. On est donc à peu près à deux tiers d'élèves qui feront une maturité, quelle que soit la durée, et un tiers environ qui n'y arrivera pas. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux quand même que vous encourager à prendre acte de ce rapport.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Pour préciser ma remarque à M. Jean Romain, en vertu de l'article 148, alinéa 3, on peut tout à fait renvoyer ce rapport pour une demande de complément au Conseil d'Etat. Je vais donc vous faire voter dans ce sens. Si le renvoi au Conseil d'Etat est refusé, il sera pris acte de ce rapport. Est-ce que c'est clair ? (Commentaires.) Bien.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2104 est adopté par 50 oui contre 37 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2104 est donc refusé.