République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.

Assiste à la séance: Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Jean Batou, Beatriz de Candolle, Marc Falquet, Amanda Gavilanes, Katia Leonelli, Eric Leyvraz, Philippe Morel, Xhevrie Osmani, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan et Raymond Wicky, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Nicolas Clémence, Virna Conti, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Marta Julia Macchiavelli, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet et Jean-Pierre Pasquier.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. La parole va à M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek. Je m'inscrivais pour le point suivant de l'ordre du jour où je suis rapporteur de majorité, Monsieur le président, j'ai anticipé, excusez-moi.

Le président. Vous êtes bien hâtif, Monsieur Vanek !

Annonces et dépôts

Néant.

M 2516-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pierre Bayenet, Cyril Mizrahi, Olivier Baud, Jean Batou, Salima Moyard, Jocelyne Haller, Diego Esteban, Sylvain Thévoz, Patrick Dimier pour une amélioration de la sécurité du vote par correspondance et par internet
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 27 et 28 février 2020.
Rapport de majorité de M. Pierre Vanek (EAG)
Rapport de minorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)

Débat

Le président. Nous reprenons notre ordre du jour avec la M 2516-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Pierre Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Vous voyez que ma hâte était toute relative, puisqu'on y vient. Cette proposition de motion traitée par la commission des droits politiques est toute simple, Mesdames et Messieurs: présentée par Pierre Bayenet, d'Ensemble à Gauche, comme vous le savez, elle se fonde sur la réponse du Conseil d'Etat à une question écrite urgente qu'il avait déposée et consiste à réintégrer un contrôle aléatoire des signatures entre deux scrutins sur des échantillons de cartes de vote. Ce dispositif avait été mis en oeuvre au moment de la généralisation du vote par correspondance. Préoccupé, comme beaucoup de nos concitoyens, par les risques de fraude électorale, Pierre Bayenet propose de réintroduire cette mesure afin de rétablir la confiance suite à un certain nombre d'affaires ayant défrayé la chronique.

De manière plus générale, dans une deuxième invite, le texte prie le Conseil d'Etat d'«établir, dans un délai d'une année, un rapport portant sur les risques de fraudes électorales et les diverses options envisageables pour y remédier». Différentes auditions ont persuadé la majorité de la commission - une assez large majorité - de retenir cette seconde proposition et, dans l'attente dudit rapport, de surseoir à la demande de réintroduire des contrôles aléatoires, d'autres mesures étant imaginables et l'idée étant, en toute logique, de les prendre après plutôt qu'avant le dépôt du rapport.

C'est d'ailleurs le président de la commission de l'époque, Pierre Conne, du PLR, qui avait suggéré de supprimer la première invite prévoyant des contrôles aléatoires de signatures, et en tant que représentant du parti à l'origine de l'objet, j'avais repris cette proposition sous forme d'amendement, jugeant l'argument logique et raisonnable.

Aujourd'hui, la motion invite simplement le gouvernement à étudier les risques de fraude électorale, cas échéant les options envisageables pour y remédier, et à rendre un rapport à notre Conseil dans un délai d'un an. Cette requête très modérée a été soutenue par Ensemble à Gauche, bien sûr, mais également par le PS, les Verts, le MCG et l'UDC, donc des partis de tous bords, après le vote de l'amendement que je viens d'évoquer. Ainsi, je vous recommande très logiquement d'adopter ce texte afin que le Conseil d'Etat se penche sur le fonctionnement de notre démocratie et les risques de fraude électorale et nous rende un rapport.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président. Je prends en effet sur le temps de mon groupe pour évoquer un détail encore, car l'affaire ne requiert pas de grands débats. Le traitement de cette proposition de motion a déjà eu un premier effet. Nous avons appris que l'un des critères permettant d'identifier et de sécuriser les bulletins de vote, c'est la date de naissance, qui est systématiquement vérifiée, ce qui n'est pas le cas de la signature.

Or il y a un problème: le corpus législatif genevois contient une scorie d'un autre temps, à savoir le règlement relatif à la délivrance de renseignements et de documents, le RDROCPMC, qui prévoit que l'office cantonal de la population et des migrations est autorisé à renseigner le public, contre paiement d'une taxe, quant aux nom, prénom, date et lieu de naissance de toutes les personnes figurant dans ses registres. En commission, le représentant du Conseil d'Etat avait indiqué, comme d'ailleurs le préposé à la protection des données, que cette publicité monnayée de la date de naissance de chacun d'entre nous posait problème et que le gouvernement y remédierait dans les meilleurs délais; cela n'a pas été le cas, donc au-delà du vote de la motion, je demande publiquement au Conseil d'Etat de régler ce problème et de débarrasser notre corpus législatif et réglementaire de cette disposition toute discutable. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, les quatre séances de la commission des droits politiques dédiées au traitement de cette proposition de motion ont démontré le sérieux avec lequel les commissaires ont abordé le sujet, ce qui est également dû à une excellente présidence. Il vaut la peine de remonter aux éléments de réponse fournis par le Conseil d'Etat à la question écrite urgente 927 portant sur la sécurité du vote par correspondance.

Dans sa réponse, le gouvernement indique que lors des premières votations par correspondance, entre 1995 et 2002, 4000 cartes de vote étaient tirées au sort de manière aléatoire par le service des votations et élections, et conservées d'une fois à l'autre afin de contrôler les signatures et de déterminer si elles étaient identiques; cette mesure a été supprimée en 2002. A la même époque, l'office procédait également à des appels téléphoniques qui consistaient à vérifier auprès des électeurs s'ils étaient vraiment à l'origine des votes envoyés; ce dispositif a lui aussi cessé en 2002. Le Conseil d'Etat a confirmé que les propos tenus en 2007 par le responsable du SVE, M. Patrick Ascheri, étaient toujours d'actualité et qu'il était illégal, mais possible, de voter à la place d'un tiers, si sa date de naissance était connue, après avoir soustrait son matériel électoral et appliqué une fausse signature.

Néanmoins, le mérite de ce texte est double: d'une part traiter un problème qui revêt de l'importance, d'autre part auditionner les principaux acteurs concernés - protection des données, service des votations et élections - de même que les services informatiques de l'Etat. Ces auditions nous ont appris que les contrôles aléatoires abandonnés en 2002 n'avaient permis de ne déceler qu'une seule falsification de signature sur les 84 000 cartes vérifiées, et ce alors que les moyens humains et financiers investis étaient considérables. Une seule, Mesdames et Messieurs ! C'est donc sagement que les auteurs de l'objet ont retiré la première invite visant à réintroduire cette procédure.

La deuxième invite, malheureusement maintenue, demande au Conseil d'Etat d'«établir, dans un délai d'une année, un rapport portant sur les risques de fraudes électorales et les diverses options envisageables pour y remédier». De l'avis de la minorité et suite à une nouvelle enquête diligentée au service des votations et élections, ce travail est en cours tant au niveau des cantons, qui connaissent les mêmes interrogations que nous, qu'à celui de la Confédération. Cette préoccupation a été largement détaillée dans le cadre des travaux de notre commission s'agissant des tentatives de maintien du vote électronique.

Dans le contexte de votations ou d'élections, le rapport entre l'Etat et les citoyens doit être empreint de confiance, et celle-ci ne peut être ébranlée par des cas isolés de relativement peu d'importance. Les moyens actuellement mis en place ainsi que les travaux menés par la Confédération et les cantons visant à assigner un identifiant unique à chaque votant devraient, à terme, apporter une solution fiable et pérenne en la matière. Sur cette base, la minorité de la commission vous recommande d'adopter sa position et de refuser la proposition de motion qui vous est présentée. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Antoine Barde (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, nos institutions fonctionnent bien et notre démocratie ne semble pas en danger. A la lecture de cette proposition de motion, pourtant, nous pourrions croire qu'il y a péril en la demeure ! Eh bien il n'en est rien. L'Etat offre déjà des garanties suffisantes pour assurer la sécurité du vote par correspondance - et, à l'époque, celui par internet. Nous ne pouvons que nous réjouir que la commission n'ait pas souhaité conserver l'invite consistant à réintroduire des contrôles aléatoires. Que dire d'un rapport de plus ? Inutile, pour le PLR.

Les derniers événements survenus au service des votations et élections ont démontré tout le sérieux avec lequel les collaborateurs oeuvrent au bon fonctionnement de nos droits démocratiques. Vouloir être sûr à 100% est un voeu pieux et inutile - c'est probablement parce que c'est bien plus beau lorsque c'est inutile. Je vous encourage donc à soutenir le rapport de minorité, à ne pas dépenser inutilement des deniers publics dont nous ferons sûrement meilleur usage ailleurs et, enfin, à rejeter ce texte. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve). Je ne veux pas répéter ce qui a été indiqué par mes préopinants, je serai donc assez bref. En ce qui concerne notre groupe, nous avons signalé en commission que l'idée d'un contrôle aléatoire était un peu compliquée et qu'il existait peut-être d'autres possibilités à envisager. Nous avons ainsi refusé la première invite et nous sommes limités à l'acceptation de la seconde priant le Conseil d'Etat d'«établir, dans un délai d'une année, un rapport portant sur les risques de fraudes électorales et les diverses options envisageables pour y remédier». Pour nous, il est utile de savoir de quoi on parle avant de prendre une décision, quelle qu'elle soit, c'est-à-dire d'agir en connaissance de cause.

Les diverses auditions menées par la commission ont d'ailleurs renforcé sa majorité dans l'idée d'accepter la deuxième invite et, comme l'a souligné le rapporteur de majorité, de surseoir à la demande de réintroduire des contrôles aléatoires, d'autres mesures étant imaginables, sachant surtout qu'elles devraient être prises après un rapport du Conseil d'Etat, et non avant. En conséquence, je vous enjoins, comme certains de mes préopinants, d'adopter la proposition de motion revue et corrigée telle que validée par la majorité de la commission. Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, les intervenants précédents ont déjà très largement fait le rapport de ce qui s'est passé. La première invite de la proposition de motion initiale était difficile à réaliser, mais après avoir bien discuté avec les rédacteurs du texte, nous avons décidé de la supprimer, ce qui fait que nous vous soumettons le texte tel que modifié aujourd'hui. L'UDC a accepté de le soutenir, parce que la fraude électorale n'est pas une vision de l'esprit, Mesdames et Messieurs les députés, on sait que ça arrive, il y a eu quelques cas.

Le but, c'est que le Conseil d'Etat nous fasse un retour; on sait que le service des votations et élections est très attentif à cette problématique et diligente de nombreux contrôles, mais c'est tout de même une question de sécurité. Vous admettrez qu'un résultat clair, net et sans tache lors d'une votation est nécessaire pour le bon fonctionnement de notre démocratie. Voilà pourquoi, pour faire court, l'Union démocratique du centre vous recommande d'adopter cette proposition de motion. Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Dimier (MCG). On est ici au coeur de la démocratie selon Rousseau. Pour Rousseau, il est très important que le rapport de confiance soit établi, pas nécessairement entre l'Etat et les citoyens, mais pour commencer par les citoyens entre eux. Tout le problème de la votation est là, il réside dans ce petit secteur de confiance. Je comprends la minorité qui dit: «Nous n'avons pas besoin de gaspiller l'argent public», mais dans quel état serait notre république si on pouvait envisager des failles dans la sécurité du vote ? Aucune démocratie n'existe ni ne peut survivre si la fiabilité du système électoral n'est pas garantie.

L'invite qui subsiste suite aux débats en commission est minime, et ce n'est pas le job du parlement que de remplir la mission confiée au Conseil d'Etat, c'est bien l'exécutif qui est le maître de l'administration. Or il s'agit ici d'une question purement d'administration, parce que sur l'ensemble des autres sujets abordés par la commission, on peut dire qu'on y voit assez clair. Nous devons être sûrs; alors sûrs à 100%, comme notre collègue Barde l'a signalé tout à l'heure, c'est un voeu «pieu», que je ne voudrais pas enfoncer dans les certitudes de certains. Il n'en demeure pas moins que nous devons atteindre cet objectif qui n'est pas grand-chose, mais nous devons le faire, parce que le risque, c'est l'usurpation - je ne sais plus qui l'a souligné - du vote d'un tiers, qu'il s'appelle Adolphe ou non. (Un instant s'écoule. Commentaires.) Adolphe Thiers !

M. Cyril Mizrahi (S). Mis à part la fin de son intervention, je peux être d'accord avec l'idée principale développée par mon préopinant Patrick Dimier ainsi que par d'autres personnes représentant la majorité de la commission. Les différents débats qui ont eu lieu ces dernières années, tant sur le vote électronique que sur la question des droits politiques des personnes sous curatelle, par exemple, ont montré qu'il est important pour la population de pouvoir avoir confiance dans son système électoral, et pour les socialistes, cette confiance constitue l'élément clé. L'intérêt de cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas de se focaliser artificiellement sur un groupe de personnes ou sur un mode de vote qui serait prétendument plus à risque, mais bien de traiter la problématique d'une manière globale, parce que la confiance, comme le souligne la minorité, cela a effectivement un coût, mais en définitive, cela n'a pas de prix. Je vous remercie de soutenir cet objet. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. J'aimerais insister sur un point que vient d'ailleurs de relever le député Mizrahi, à savoir que la solidité de l'exercice démocratique repose véritablement sur la confiance que les citoyennes et citoyens placent dans le mode utilisé. Chaque fois qu'il a été question, dans ce Grand Conseil comme probablement dans d'autres parlements, de modifier notre méthode de vote, cela a engendré d'interminables échanges quant à la fiabilité du système.

Rappelez-vous les discussions dans les années 90, Mesdames et Messieurs, au moment de l'introduction du vote par correspondance, rappelez-vous les débats homériques dans cette assemblée où on a entendu certains députés s'exclamer que des dizaines de milliers de lettres allaient se perdre dans la république ! S'est également posée la question, à un moment donné, de la vérification des registres électoraux - on ne pourrait plus contrôler comme avant les personnes se rendant au local de vote -, il y a eu de nombreuses discussions sur la fraude électorale.

Lorsque nous avons lancé le vote électronique, on a assisté dans ce parlement à de longues polémiques, cela a suscité beaucoup de questions, on redoutait les usurpations. Et il y a quelques mois, votre même parlement a demandé au Conseil d'Etat de maintenir le système de vote électronique !

Dès lors, j'ai envie de vous dire que, quoi que nous fassions, quel que soit le mode pour lequel nous optons, nous ne pourrons jamais vous garantir à 100% qu'il n'y aura pas de fraude, mais il faut que le système soit suffisamment fiable pour que les citoyennes et citoyens aient confiance et que nous puissions nous fier aux résultats. Le Conseil d'Etat s'en remettra à votre décision, Mesdames et Messieurs les députés, mais ne peut pas vous garantir à 100% qu'il n'y aura jamais d'erreur ici ou là.

Le président. Je vous remercie, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2516 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 37 non et 1 abstention.

Motion 2516

M 2556-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. François Baertschi, Florian Gander, Sandro Pistis, Daniel Sormanni, Thierry Cerutti, Danièle Magnin, André Python, Patrick Dimier, Francisco Valentin, Françoise Sapin : Le scandale de la Feuille d'avis officielle numérique : revenons à la formule papier temporairement !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de M. Jean Romain (PLR)

Débat

Le président. Voici l'objet suivant: la M 2556-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Jean Romain, à qui je cède la parole.

M. Jean Romain (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Soyons clairs, chers collègues: cette proposition de motion avait un sens au lendemain de la mise en ligne de la «Feuille d'avis officielle», c'est-à-dire au début de l'année 2017. Les usagers ne s'y retrouvaient pas, la consultation était complexe et on entendait de partout surgir des récriminations; elles étaient justifiées. La version numérique, sans constituer un scandale, comme le prétendent les auteurs, était effectivement problématique.

Dans l'intervalle, les choses ont changé du tout au tout, car un travail a été accompli. Par exemple, les avis sont disponibles gratuitement et en tout temps, il est donc possible d'opérer une recherche ciblée sans aucune difficulté. Des améliorations décisives de la lisibilité ont été apportées, qui semblent satisfaire les utilisateurs.

Revenir au statu quo ante n'est pas souhaitable, ce serait aller à l'encontre de la politique numérique voulue par tous ici, ou presque tous. Par ailleurs, la chancellerie n'a enregistré aucune demande de formule papier depuis 2017. Aujourd'hui, c'est la version en ligne qui fait foi, c'est à elle qu'il faut se référer, et les personnes qui n'auraient pas accès à internet ont la possibilité de se rendre à l'Hôtel de Ville pour obtenir les renseignements désirés.

Ce texte n'a plus de raison d'être, et on se demande d'ailleurs pourquoi il n'a pas été retiré une fois son effet constaté. On peut évidemment regretter le travail de certains imprimeurs, comme on peut regretter la marine à voile ou les chemins de halage. Des métiers s'affaiblissent, disparaissent, d'autres se créent, se renforcent: c'est cette sorte de changement dans lequel nous sommes engagés - à tort ou à raison, mais enfin, c'est une réalité.

Enfin, on peine à comprendre la dernière invite - je vous la lis: «veiller au principe de préférence cantonale» -, pleine de bon sens en soi, mais dont on ne voit pas tellement le lien avec la présente motion. (Rires.) Celle-ci a été refusée par 13 non contre 2 oui. Chers collègues, je vous propose de dire non à ce texte, ce qui équivaut à dire oui à la numérisation de la «Feuille d'avis officielle».

M. François Baertschi (MCG). Vous vous en doutez certainement, Mesdames et Messieurs, je ne partage pas l'optimisme du rapporteur qui, à mon sens, est erroné. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Ce que vise cette proposition de motion, en deux mots - je ne vais pas être trop long dans ce début de débat -, c'est le retour temporaire de la FAO papier, parce que la version digitale est catastrophique; même plusieurs années après son introduction, elle reste catastrophique, Monsieur le rapporteur, je le regrette.

Il faut prévoir une transition numérique, ce qui n'a pas été fait, ce qui doit encore être fait maintenant. Voilà le grand enjeu, et il faut aussi faire en sorte d'opérer ce changement en mobilisant certaines compétences professionnelles, comme celles des imprimeurs qui ne sont pas du temps de la marine à voile, des graphistes qui ne vivent pas à l'époque des chemins de halage. Il s'agit d'êtres humains, de citoyens genevois qui méritent le respect. En amorçant cette transition numérique, nous devons également penser à la reconversion professionnelle de ces personnes, un objectif plus intelligent que de payer des allocations sociales dans le vide.

Je constate hélas que la majorité de ce Grand Conseil n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre l'intérêt de ce texte; c'est déplorable, mais je le maintiens, parce qu'il me paraît important d'aborder ces questions. Quant au principe de préférence cantonale, désolé si ça vous dérange, mais je tiens à conserver également cette disposition. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, c'est vrai que la mise en place de la «Feuille d'avis officielle» numérique a engendré de très grosses difficultés au départ, et nombre d'utilisateurs s'en sont fait l'écho.

Je rappelle à cet égard que notre ancien collègue, M. Vincent Maitre, avait déposé le PL 12086 afin de corriger ce problème et de revenir à une formule plus accessible. A l'époque où elle l'a examiné, la commission avait auditionné le Conseil d'Etat qui, après avoir consulté les principaux utilisateurs de la FAO, nous avait convaincus que la situation s'était améliorée et que les revendications formulées par les intéressés avaient été prises en compte, ce qui retire à cette proposition de motion sa raison d'être.

La plupart des commissaires ont d'ailleurs suggéré à son auteur de la retirer en raison des améliorations satisfaisantes constatées, ce qui aurait été un geste intelligent de sa part; malheureusement, il a refusé de le faire, et nous devons maintenant la traiter en plénum.

Pour conclure, et je crois que l'ensemble des personnes qui se sont exprimées avant moi, excepté M. Baertschi, l'ont indiqué, ce texte n'a plus de raison d'être, est parfaitement obsolète, et il faut se tourner vers d'autres horizons. Je vous recommande dès lors, au nom du groupe démocrate-chrétien, de le rejeter avec la même majorité que celle enregistrée à l'issue des débats de commission. Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, la «Feuille d'avis officielle» a été rendue entièrement numérique, c'est comme ça. Il est vrai que ce virage a modifié en profondeur une tradition typiquement genevoise - voire de plus loin, je ne sais pas, elle existe peut-être ailleurs également -, celle de s'asseoir à une table de bistrot et de pouvoir commander gratuitement un verre d'eau et la FAO. Maintenant qu'il faut payer le verre d'eau, il est sans doute temps de faire évoluer aussi la FAO.

Au-delà de l'anecdote, la «Feuille d'avis officielle» est bien entendu très utile pour nombre de professionnels, notamment dans les domaines de l'immobilier ou de la sauvegarde du patrimoine. A notre sens, pour ces intervenants-là, il est bien plus pratique d'avoir à disposition une version digitale de la FAO avec un bon moteur de recherche plutôt que de devoir feuilleter les nombreuses rubriques d'une édition papier.

On nous dit que les débuts de la formule numérique ont été ardus; avec un certain goût de l'exagération, certaines et certains parlent même de catastrophe ! Je ne souhaite pas préjuger de cette affirmation, mais les auditions de la chancellerie et de l'OCSIN, soit notre office de l'informatique, nous ont appris que de nombreuses rencontres avaient été organisées avec les utilisatrices et utilisateurs - communes, régies, milieux économiques, avocats, notaires - et que le système a été largement amélioré, si bien que les retours sont maintenant tous positifs. Depuis l'apparition de «la quotidienne» en avril 2017, il n'y a plus eu un seul commentaire négatif.

A titre personnel, j'aimerais ajouter quelque chose. Certes, je reconnais que l'accès à l'informatique n'est pas universel, et les situations d'enseignement à distance nous l'ont montré encore récemment: un certain nombre de personnes n'ont pas forcément la possibilité d'utiliser un ordinateur. On nous a indiqué qu'une version papier était disponible à la loge de l'Hôtel de Ville; à mon avis, ce n'est pas suffisant pour l'ensemble du canton, et je ne saurais donc qu'encourager chaque commune à apporter un soutien à la consultation de la FAO dans ses locaux. Nanti de l'ensemble de ces arguments, Mesdames et Messieurs, je vous propose, au nom des Verts, de refuser cet objet.

Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Il faut relever la bonne intention des auteurs qui proposent une amélioration de l'information et le sauvetage de quelques emplois. Comme mentionné dans le rapport, la qualité de lecture de la «Feuille d'avis officielle» numérique a été nettement optimisée, et une version papier est toujours disponible; alors pas sous la forme d'un journal sorti de presse, soit, mais il est possible d'imprimer un fichier PDF en fin de journée. D'après les auditions, il n'est pas prévu de revenir à une formule imprimée sur rotative ni de rétablir le processus d'abonnement.

Encore une fois, nous saluons la volonté du MCG de préserver des postes dans un secteur qui subit une numérisation galopante; nous devons nous préoccuper de ces personnes, les accompagner et surtout faciliter leur reconversion professionnelle. Toutefois, la marge de manoeuvre de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil en la matière est maigre.

Il nous est par contre possible de changer le sort des rotativistes qui officient actuellement chez Atar. Seul «Le Courrier» est encore imprimé dans cette entreprise, et le jour où il décidera de partir, alors les employés n'auront plus de travail. Le métier de rotativiste exige une formation spécifique dans le domaine de l'imprimerie; la reconversion de ces travailleurs devrait commencer dès aujourd'hui, donc oui, nous devons nous en inquiéter. Bien que cette proposition de motion ait été déposée avec de très bonnes intentions, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous recommande de la rejeter. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, revenons à quelques fondamentaux: la «Feuille d'avis officielle» n'est pas un canard, ce n'est pas un journal qu'on imprime juste comme ça: c'est une édition qui contient et assure l'enregistrement de nombreuses données. Comme son titre l'indique, il s'agit d'une publication officielle, c'est donc pour l'Etat et ses services une manière de communiquer.

Les auditions ont montré que s'il y a eu quelques petits bugs au début, cela a été souligné - voire des bugs assez importants -, le fonctionnement actuel est en définitive satisfaisant. Les notaires, avocats ou autres qui recherchent des informations par le biais de ce vecteur électronique y ont accès gratuitement, ce qui n'était pas le cas auparavant. D'ailleurs, cela a peu été souligné, mais l'archivage de l'ancienne «Feuille d'avis officielle» papier n'était pas chose simple à effectuer pour les personnes qui en ont besoin dans leur travail quotidien - je parle toujours des avocats, notaires, etc.

Ensuite, il y a quelque chose qu'on peine à comprendre: certes, l'intention du premier signataire est bonne, mais il s'agit de revenir temporairement à la formule papier. Peut-on revenir provisoirement à une édition papier qui, de toute façon, est appelée à disparaître ? A l'époque - mais c'était il y a bien des années -, vous pouviez entrer dans n'importe quel établissement, commander un verre d'eau et demander à lire la «Feuille d'avis officielle»; j'aimerais bien savoir qui, en 2021 - et pour autant que les bistrots rouvrent ! -, fait encore cela.

Mesdames et Messieurs les députés, de bonnes questions ont été posées, des réponses satisfaisantes ont été apportées. Pour ma part, j'ai surtout noté un point qui m'a frappé: M. Mangilli, notre juriste, a indiqué que la version en ligne ferait toujours foi en cas de différence avec une potentielle édition imprimée. Ainsi, on est quand même arrivé à un stade où la variante numérique a toute sa crédibilité, toute sa valeur. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, pour ne pas faire trop long, l'Union démocratique du centre vous demande de rejeter cette proposition de motion. Merci.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, c'est fou ce que les gens évoluent vite et peuvent minimiser les problèmes liés à la numérisation de notre «Feuille d'avis officielle»: «Oh, juste quelques petits soucis au début !» Non, c'était totalement illisible, parfaitement impraticable, même pour les professionnels, à tel point que certaines études d'avocats ont mis en place, à leurs frais, des applications afin de parvenir à consulter la FAO et à y chercher des informations ! Cela montre bien que l'enjeu était important et qu'il y a toujours de grosses difficultés malgré les améliorations apportées.

Il n'est pas sérieux de sous-estimer la situation, et c'est donc une bonne idée... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...que de revenir temporairement à une édition papier. En effet, un certain nombre de personnes, de cabinets, d'officines ont besoin de cette «Feuille d'avis officielle» tous les jours, et sa consultation les fait souffrir quotidiennement. Essayez de chercher les créations d'entreprises, les disparitions, les faillites dans la FAO...

Le président. Merci...

M. Daniel Sormanni. ...vous verrez comme c'est pratique ! Je vous invite à vous y risquer, ne serait-ce que pour rendre un rapport...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Daniel Sormanni. ...verbal plus tard. Non, il y a un problème et je vous demande...

Le président. C'est terminé.

M. Daniel Sormanni. ...de soutenir cette proposition de motion. Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole n'étant plus demandée, je mets cet objet aux voix.

Mise aux voix, la proposition de motion 2556 est rejetée par 74 non contre 11 oui et 1 abstention.

M 2557-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Pierre Bayenet, Diego Esteban, François Baertschi, Anne Marie von Arx-Vernon pour un examen des conséquences de l'octroi de la qualité de partie aux victimes dans les procédures disciplinaires
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 septembre 2019.
Rapport de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la M 2557-A en catégorie II, trente minutes... (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Madame Marjorie de Chastonay, rapporteure, vous avez la parole.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président, et félicitations pour votre élection - je ne sais pas si je vous l'avais déjà dit ! Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion telle qu'amendée en commission a été acceptée par 10 voix pour contre 2 non - PDC et PLR. Examinée en 2019, elle s'inscrit dans le cadre des discussions coriaces qui ont eu lieu à la commission judiciaire et de la police lors du traitement de trois projets de lois émanant respectivement du PLR, des Verts et du Conseil d'Etat, déposés suite à des affaires au sein du DIP. Ces textes se focalisaient sur les droits des victimes lors de procédures administratives. Le PL 12392 du Conseil d'Etat a été adopté par ce Grand Conseil, c'est donc une loi à présent.

Cependant, M. Bayenet, premier signataire de la M 2557 «Pour un examen des conséquences de l'octroi de la qualité de partie aux victimes dans les procédures disciplinaires» que nous abordons maintenant, a souhaité revenir sur la notion de qualité de partie qui vise notamment à accroître les droits accordés aux victimes. Il s'agit ici d'étendre ce statut à l'entier de la procédure, qu'il ne soit pas uniquement valable durant l'audience comme dans la proposition des Verts. L'objectif principal est de permettre aux victimes entendues comme témoins de participer à la procédure, c'est-à-dire non seulement de s'exprimer pendant leur audition, mais également d'assister aux autres audiences, de prendre la parole à différents moments.

Il se trouve que cela n'est possible que si elles bénéficient de la qualité de partie. Ainsi, les personnes ne seraient pas juste convoquées par un juge et habilitées à répondre à ses questions, mais pourraient recevoir toutes les convocations, être informées du déroulement de l'affaire, assister aux audiences, se tenir face à l'auteur présumé des abus et réagir à ses propos. En effet, rappelons-le, les témoins entendus dans le cadre d'une procédure disciplinaire ne peuvent pas poser de questions, mais simplement y répondre. La qualité de partie permettrait également aux victimes de proposer des actes d'enquête. Bien sûr, cela ne serait pas une obligation, mais un choix.

L'objection principale soulevée pendant les travaux de commission était la suivante: en procédure administrative, il est question du rapport entre employé et employeur, les tiers n'ont pas à s'y immiscer. Or si un agent de l'Etat dysfonctionne dans ses activités, il est logique que les citoyennes et citoyens puissent exercer une influence sur la suite de cette relation.

Cette proposition de motion n'est pas un projet de loi qui modifierait la LPA, c'est-à-dire la loi sur la procédure administrative, elle demande simplement au Conseil d'Etat d'examiner dans quelle mesure nous pourrions améliorer encore la position des victimes dans le cadre des procédures administratives par une modification législative. Au cours de son traitement, de nombreuses questions ont été abordées. Malgré une tentative de gel, les travaux se sont poursuivis et le texte a été largement amendé. A l'époque, la commission judiciaire avait l'espoir - le grand espoir ! - que la révision de la LPA en cours à ce moment-là parvienne à bout touchant, mais tel n'est toujours pas le cas. Dès lors, cet objet conserve tout son sens.

Tout à l'heure, lors des extraits, nous avons approuvé le RD 1400 de la commission de contrôle de gestion sur l'intégrité sexuelle et le harcèlement en milieu scolaire, pris acte du rapport M 2465-A visant à faire la lumière sur le volet genevois de l'affaire Ramadan et adopté la motion 2595 relative aux dénonciations de dérapages et harcèlements à caractère sexuel au sein du DIP. Par souci de cohérence, il serait judicieux de soutenir le présent texte afin de doter la LPA, à terme, d'outils juridiques adéquats de lutte contre ces fléaux. C'est ce que vous recommande de faire la commission judiciaire et de la police. Merci.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Le PDC soutiendra la présente proposition de motion dont l'une des cosignataires, je tiens à le signaler, est la regrettée Anne Marie von Arx-Vernon. Ce texte s'inscrit dans le cadre de l'affaire dite Ramadan où des victimes - ou plutôt, soyons précis, des victimes présumées - ont été entendues en tant que témoins lors de procédures disciplinaires. Il se trouve que ces personnes ont été jetées sans défense dans la fosse aux lions, elles ont été réduites en charpie.

Dans une procédure administrative et contrairement à ce qui se passe dans le pénal, le statut de personnes appelées à donner des renseignements, les PADR, qui ont la possibilité d'être défendues par un avocat, n'existe pas. Depuis le dépôt de cet objet, cela a été rappelé par Mme de Chastonay, notre Grand Conseil a voté la loi 12392 qui permet aux victimes présumées d'être assistées par un avocat durant leur témoignage. Ce nonobstant, elles ne bénéficient d'aucun autre droit: elles ne peuvent pas participer aux autres audiences, elles ne peuvent pas requérir des actes d'instruction, elles ne peuvent pas faire recours contre telle ou telle décision.

Si, je le répète, la motion s'inscrit dans le cadre de l'affaire Ramadan, de manière assez notable, notamment dans les procédures en réintégration, les victimes entendues comme témoins sont souvent soumises à des pressions importantes de la part d'avocats de parties directement visées dans les procédures, et il n'est pas rare qu'elles ressortent de ces audiences profondément atteintes dans leur santé.

La LPA, c'est-à-dire la loi sur la procédure administrative, va faire l'objet de modifications conséquentes ces prochains mois - on l'espère, du moins -, si bien qu'il apparaît opportun de mener une réflexion quant à une extension de statut pour les victimes présumées dans le cadre de ces procédures. Pour toutes ces raisons, le PDC votera cette proposition de motion. (Applaudissements.)

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, le but de cette proposition de motion est de renforcer la protection des victimes entendues comme témoins dans les procédures administratives. Les choses sont à la fois simples et complexes: lorsqu'une victime participe à une procédure civile ou pénale, elle dispose de passablement de droits, des droits codifiés depuis longtemps au niveau fédéral, tandis que dans le cadre des procédures administratives et en particulier des procédures disciplinaires, si l'auteur d'une agression ou de harcèlement est fonctionnaire à l'Etat de Genève, eh bien jusqu'en 2019, ces victimes n'avaient absolument aucun droit. Depuis le 6 juin 2019, nous en avons introduit quelques-uns par le biais de la loi 12392, mais pas grand-chose, essentiellement le droit d'être accompagné par une personne de confiance ou par un avocat. C'est un vrai problème !

Il faut savoir que lors d'une procédure administrative, la victime entre dans la salle d'audience, le juge ou l'enquêteur lui pose des questions, puis l'avocat de l'auteur présumé lui en pose également, et une fois que cela est terminé, la personne doit sortir et n'a plus accès à la procédure, elle ne sait pas ce qui va être dit sur elle. Ainsi, l'agent de l'Etat incriminé pourrait prendre la parole et, pendant quinze ou vingt minutes, décrédibiliser tout ce que la victime aura indiqué ! Il pourrait même commencer à discréditer la victime en sa présence, et celle-ci n'a pas le droit d'objecter. La victime entendue comme témoin n'a pas le droit de préparer son audition en prenant connaissance du dossier, en lisant les pièces, en étudiant ce qui y figure, elle n'a pas le droit de proposer d'autres auditions de témoins, elle n'a pas le droit de rectifier ce qui est indiqué par l'auteur. En somme, aujourd'hui, les victimes bénéficient d'une protection proche de zéro.

L'objectif de cet objet est de faire évoluer la situation. Nous sommes bien conscients que ce n'est pas évident, peut-être faudra-t-il prévoir une solution sur mesure, ne pas simplement accorder la qualité de partie, mais définir un statut partiel. C'est complexe, mais il vaut la peine d'y réfléchir soigneusement. Les victimes méritent qu'on s'occupe d'elles, et c'est pourquoi les différents projets de lois qui avaient été déposés par certains partis - ce sont principalement les Verts qui en étaient à l'origine - ont finalement abouti à cette proposition de motion qui invite le Conseil d'Etat à se pencher sérieusement sur la question et à nous présenter une solution adéquate et pérenne. (Applaudissements.)

M. Murat-Julian Alder (PLR). Monsieur le président, je tiens à mon tour à féliciter le chef d'orchestre flegmatique que vous êtes en vous adressant ce message: «Congratulations, Mister Speaker !»

Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été relevé à juste titre dans le cadre des interventions précédentes, on constate à Genève une asymétrie quant au statut de victime selon que celle-ci prenne part à une procédure pénale ou à une procédure administrative, plus précisément à une enquête administrative dirigée contre la personne qui l'a agressée. Il faut insister sur le contenu des droits en procédure pénale qui ne comprennent pas seulement celui de se faire assister par un avocat, mais également celui d'être accompagné d'une personne de confiance.

Ces options-là n'existent pas dans la LPA, et une telle irrégularité doit cesser. Il n'est pas acceptable qu'une victime qui se présente dans une salle d'audience et qui est confrontée à un agresseur accompagné, lui - ou elle -, d'un avocat ou d'une avocate ne puisse pas se défendre, poser des questions, faire figurer des notes au procès-verbal d'audition, etc. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR - qui avait lui aussi déposé un projet de loi dans ce sens, et pas seulement les Verts, je le rappelle ici - soutiendra cette proposition de motion et vous prie d'en faire autant. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous remercie également pour le contenu de votre introduction, mais je me vois dans l'obligation de faire la même remarque que tout à l'heure: «Auf Französisch, bitte !» Monsieur François Baertschi, à vous la parole.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Le groupe MCG soutiendra cette proposition de motion. L'affaire Ramadan a montré qu'il existait encore quelques lacunes en ce qui concerne le statut des victimes dans certaines procédures administratives, d'où le dépôt de ce texte par des députés de divers groupes. Il ne s'agit pas d'une prise de position partisane, Mesdames et Messieurs, mais plutôt d'une tentative de chercher des solutions, car l'objet ne propose pas de réponse en soi, il demande au Conseil d'Etat de nous aider à trouver des pistes adéquates en matière législative afin d'améliorer la protection des victimes qui peuvent se retrouver dans des situations similaires à celles qu'on a constatées dans l'affaire Ramadan. Je ne vais pas revenir sur ces éléments ni répéter ce qu'ont indiqué mes préopinants, qui l'ont sans doute exprimé mieux que moi du fait de leur expérience d'avocats et de leur pratique du barreau, mais je vous encourage en tout cas, cela ne pose aucun problème, à voter la présente proposition de motion.

M. Alberto Velasco (S). Le groupe socialiste a voté cette proposition de motion à l'unanimité. Les propos tenus tant par la rapporteure que par l'auteur et mes autres collègues justifient totalement que l'on appuie ce texte. Nous n'avons rien d'autre à ajouter. Merci.

Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, votre parlement a adopté en 2019 une modification de la loi sur la procédure administrative qui répond déjà en bonne partie aux critiques que vous venez d'émettre. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est extrêmement difficile pour une élève qui aurait été harcelée par un enseignant - je reprends cet exemple, puisque vous évoquiez l'affaire Ramadan - de se présenter toute seule devant un enquêteur administratif pour raconter ce qui s'est passé. A l'époque, le Conseil d'Etat avait d'ailleurs proposé un certain nombre d'amendements, et vous aviez eu parfaitement raison d'accepter cette loi in fine. Mais qu'avez-vous voté exactement ? Je ne comprends pas très bien vos propos, Monsieur Alder, parce que ce Grand Conseil avait tout de même introduit plusieurs mesures.

D'abord, le fait que la victime puisse être accompagnée d'une personne de confiance et assistée d'un conseil de son choix; cela signifie qu'on peut se présenter à une audience à la fois avec un avocat et un proche qui pourra apporter un soutien d'ordre psychologique. Ensuite, le témoin a le droit de refuser de répondre aux questions relevant de sa sphère intime. Il peut également, et c'est extrêmement important, être entendu en l'absence des parties, donc si l'élève que je mentionnais tout à l'heure ne souhaite pas être confrontée à son ancien professeur, elle peut en faire la demande, et en général, celle-ci est bien entendu acceptée. Enfin, un aspect essentiel: la personne en question est informée - du moins sur sa requête - de la prise en compte de sa dénonciation et, le cas échéant, du résultat de l'enquête. Aussi, plusieurs éléments de droit ont déjà été intégrés aux procédures administratives.

Il faut bien insister sur le type de procédures dont il est question ici, il ne s'agit pas d'affaires pénales. Naturellement, en cas de faute très grave, rien n'empêche la justice de mener une instruction en parallèle, voire de prononcer une condamnation si nécessaire, mais dans le cas d'espèce, on parle de situations où l'Etat employeur a des doutes quant à l'un de ses employés et a simplement besoin d'éclaircissements sur certains événements. La personne qui a subi un abus ou du harcèlement peut porter plainte, lancer certaines démarches pénales, mais ici, l'objectif pour l'Etat est tout simplement d'établir des faits qui lui permettront de déterminer si, oui ou non, ce fonctionnaire mérite de rester à l'Etat ou s'il faut s'en séparer.

Le Conseil d'Etat n'a pas d'objection à formuler à l'encontre de cet objet, puisque vous nous demandez d'estimer s'il est possible de faire mieux; nous tenterons de faire mieux, mais comme l'a souligné le député Bayenet, il n'existe pas de solution idéale. En l'occurrence, je le répète, nous ne parlons pas de procédures pénales avec un avocat susceptible de persécuter une victime, nous parlons de procédures administratives avec un enquêteur qui invite une victime ou quelqu'un se sentant victime à exposer le déroulement des faits afin d'établir la vérité. Nous verrons s'il y a des solutions à proposer. Vous savez également que la loi sur la procédure administrative est en cours de réforme, un groupe de travail planche sur ce dossier; il faudra définir si certaines propositions peuvent aller plus loin afin d'être encore plus favorables aux personnes concernées.

Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.

Mise aux voix, la motion 2557 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 87 oui et 4 abstentions.

Motion 2557

R 857-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de résolution de MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Eric Leyvraz, Patrick Lussi, Marc Falquet, André Pfeffer, Marc Fuhrmann, Patrick Hulliger, Thomas Bläsi, Norbert Maendly : Directive chômage UE : non au paiement annuel d'un milliard de francs de cohésion chômage par la Suisse ! (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 24, 25 et 31 janvier 2019.
Rapport de Mme Marion Sobanek (S)

Débat

Le président. Nous nous penchons sur la R 857-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) La parole n'est apparemment pas sollicitée... (Remarque.) Monsieur Philippe Poget, allez-y. (Brouhaha.)

M. Philippe Poget (Ve). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, on va quand même dire quelques mots sur cette proposition de résolution ! Le groupe des Verts vous demande de refuser ce texte qui, ainsi que l'ont démontré les travaux de commission, est considéré aussi bien par les syndicats - la CGAS - que par les associations patronales - l'UAPG - comme inapproprié et contreproductif.

Une bonne coordination des systèmes de sécurité sociale avec les autres Etats revêt une grande importance tant pour les assurances sociales suisses et leurs membres que pour l'économie de notre pays. Actuellement, le processus législatif initié par l'Union européenne concernant le règlement contesté par cet objet n'est toujours pas abouti. Il semble toutefois juste que les personnes qui cotisent bénéficient également de prestations dans le pays qui encaisse leur participation.

Il n'en demeure pas moins que la Suisse doit poursuivre les négociations sur ce sujet afin de clarifier ce qui serait repris et sous quelle forme, et à l'heure où l'accord-cadre avec l'UE n'est toujours pas sous toit, une telle proposition de résolution n'apparaît pas opportune. Je vous remercie de votre attention.

M. Olivier Cerutti (PDC). Chères et chers collègues, cette proposition de résolution a été déposée par l'UDC dans l'ensemble des parlements cantonaux de notre pays, y compris à Bâle-Ville... (Rires.) A l'heure actuelle, les caisses de chômage françaises versent aux chômeurs frontaliers près de 600 millions par année. Intervenir pour modifier le règlement européen portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale est tentant, mais cela implique une adaptation des parlements européens et de la Confédération suisse.

La vraie question est de savoir à qui appartiennent les cotisations des travailleurs et des employeurs; certainement pas à l'Etat, Mesdames et Messieurs, sans doute aux cotisants eux-mêmes. La prise en charge des caisses de chômage n'est pas la même en France et en Suisse, et ces différentes applications soulèvent bien d'autres questions, notamment quant à l'égalité de traitement dans un même bassin de population.

Les conclusions du long débat en commission - nous nous sommes en effet réunis quelques heures - ont le mérite d'être claires: en l'absence de certitude quant à un futur débat devant les Chambres fédérales, laissons la Confédération négocier au moment où le sujet sera d'actualité et entreprendre une démarche politique. Au final, l'étude de ce texte nous aura permis de mieux appréhender les enjeux qui sont ceux des assurances-chômage dans un bassin de population transfrontalier comme le nôtre, mais le PDC vous invite à le rejeter. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Je signale juste, puisque le débat a démarré dans un certain brouhaha et qu'on aime bien évoquer Bâle-Ville dans cette enceinte - même si ce n'est pas spécialement mon cas -, qu'une proposition de résolution similaire a été acceptée par ce demi-canton. Dont acte.

Mesdames et Messieurs les députés, on a entendu la question suivante: à qui appartiennent les cotisations ? Ecoutez, je ne sais pas, mais en l'occurrence, que se passe-t-il maintenant ? Il y a de nouveau un changement dans la réglementation de l'Union européenne qui contraint nos caisses sociales, en cas de chômage dans le pays, à indemniser les travailleurs qui ne résident pas sur notre territoire ou dans le canton.

Vous me direz que c'est un vieux cheval de bataille de l'UDC; c'est vrai, mais je vous répondrai que dans le contexte actuel, on a déjà énormément de peine à satisfaire les besoins de la population avec nos propres deniers, et une grande partie des débats de cette session l'ont démontré. L'UDC ne souhaite pas forcément insister là-dessus, mais rappelons tout de même que chaque année, nous restituons une belle part d'impôts payés par les travailleurs frontaliers à la France voisine. Dès lors, Mesdames et Messieurs, pourquoi cet argent ne pourrait-il pas servir à indemniser nos propres employés ? La prochaine échéance qui s'annonce suite au covid se passera certainement plus dans les larmes et les cris que dans l'opulence et la joie, donc des ressources, quelles que soient les caisses, l'Etat en aura besoin.

Cette décision, je le répète, ne provient ni de notre Grand Conseil ni des Chambres fédérales, mais d'un organisme européen avec lequel, on le sait, les discussions sont toujours âpres. Devoir payer pour cela ? L'UDC, fidèle à sa tradition, s'y oppose, et c'est pourquoi elle a déposé ce texte. Bon, celui-ci date de 2018, nous sommes en 2021 et les négociations se poursuivent, alors doit-on le soutenir ou pas ? Oui, l'UDC vous invite à le voter. Même s'il s'agit d'une résolution à l'Assemblée fédérale, il est nécessaire que notre position soit connue. En tant que canton frontalier, Genève n'est pas, disons, menacé, mais risque de passer à la caisse de manière non négligeable. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre vous demande d'accepter cette proposition de résolution. Merci.

M. Emmanuel Deonna (S), rapporteur ad interim. Le parti socialiste partage les préoccupations de toutes celles et ceux qui souhaitent défendre notre assurance-chômage. Celle-ci est menacée de façon répétée, mais en général, c'est surtout par des députés d'extrême droite qui prônent la chasse aux pauvres et aux étrangers. Or on retrouve à nouveau dans cette proposition de résolution des soupçons jetés, même incidemment, sur les bénéficiaires qui sont en l'occurrence des frontaliers, ainsi que les relents isolationnistes habituels du MCG et de l'UDC.

Aujourd'hui, nous savons à quel point il est important pour la Suisse et pour Genève de se battre pour un accord-cadre qui convienne, pour des conditions qui protègent les travailleuses et travailleurs, notamment leurs droits en cas de perte de travail. Nous sommes tous préoccupés par cette question à l'heure où, en raison du covid, de nombreuses personnes perdent leur emploi ou craignent pour leur avenir.

Notre collègue PDC a insisté à juste titre sur la nécessité d'une égalité de traitement dans un même bassin de population, un principe auquel les socialistes sont très attachés. Nous doutons passablement de la pertinence des chiffres avancés par les auteurs du texte; les caisses de chômage ne versent certainement pas autant d'argent aux chômeurs frontaliers, et même si c'était le cas, c'est en vertu d'une conception républicaine et démocratique de la solidarité... (Une sonnerie de téléphone portable retentit.) ...solidarité qu'il faut penser à l'échelle intercantonale, régionale et internationale. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur, et merci au service technique du groupe Ensemble à Gauche de préserver la qualité de nos débats ! Monsieur Daniel Sormanni, vous avez la parole.

M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'entends des énormités dans ce parlement ! Il ne s'agit pas de faire preuve de solidarité: nos amis français touchent déjà, du fait des rétrocessions sur la masse salariale, environ 300 millions par année. Et comme le disait un certain écrivain en France, ils en demandent toujours plus ! Alors maintenant, ils veulent encore nos cotisations chômage !

Je précise que les travailleurs frontaliers perçoivent le chômage en France, mais sur la base du salaire suisse, donc ces gens ne sont pas vraiment prétérités. Il est quand même important de défendre notre assurance-chômage et d'éviter des coûts absolument astronomiques ! Malheureusement, on continue à engager nombre de frontaliers dans ce canton, y compris dans les collectivités publiques, et si on les licencie, il faut encore leur verser l'assurance-chômage. Non, mais c'est exagéré, c'est totalement exagéré !

Quant à la problématique de l'accord-cadre, c'est très simple. Enfin, ce n'est pas simple, mais je rappelle ici que le président de l'Union syndicale suisse, le socialiste Pierre-Yves Maillard, est contre cet accord-cadre, alors il faudrait peut-être que les socialistes et en particulier M. Deonna - vous transmettrez, Monsieur le président - balaient devant leur porte et aillent convaincre M. Maillard de l'accepter, puisqu'ils semblent, eux, si enclins à le signer ! Non, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas sérieux. Nous devons préserver nos cotisations d'assurance-chômage et, par conséquent, approuver cette proposition de résolution. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. A présent, je lance la procédure de vote.

Mise aux voix, la proposition de résolution 857 est rejetée par 72 non contre 16 oui.

R 885-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de résolution de MM. Guy Mettan, Pierre Bayenet, Bertrand Buchs pour une interdiction d'exportation en France des lanceurs de balles de défense (LBD)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 12 et 13 mars 2020.
Rapport de majorité de M. Raymond Wicky (PLR)
Rapport de minorité de M. Guy Mettan (HP)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons avec la R 885-A. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Sylvie Jay qui remplace M. Raymond Wicky pour le rapport de majorité.

Mme Sylvie Jay (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission s'est réunie lors de cinq séances entre 2019 et 2020 pour traiter cette proposition de résolution. Le dépôt de celle-ci est consécutif à l'utilisation de lanceurs de balles de défense par les forces de l'ordre françaises contre la population dans le cadre des manifestations du mouvement des gilets jaunes, à l'automne 2018.

La Suisse est productrice de ces instruments de défense et en fait le commerce dans différents pays, dont la France. Les lanceurs de balles de défense sont définis comme des armes non létales au sens de la loi fédérale sur le matériel de guerre du 13 décembre 1996 et ne sont destinés qu'au maintien de l'ordre. Il y a lieu de préciser que l'usage non conforme aux recommandations peut provoquer des atteintes graves à l'intégrité physique, voire des lésions irréversibles, en particulier aux yeux lorsque les tireurs visent le haut du corps.

Le présent texte vise à interpeller les autorités françaises sur les conséquences d'une utilisation détournée et non adaptée de tels équipements dans des situations de maintien de l'ordre, et rappelle les principes de nécessité et de proportionnalité; il interroge par ailleurs quant à la responsabilité de la Suisse qui fabrique et exporte ces armes alors qu'elle est signataire de textes sur les droits humains.

La commission a auditionné les représentants de la police cantonale de Genève, notamment le responsable NRBC - il s'agit d'un service spécialisé dans la menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique, pour les personnes que cela intéresse -, sur la pratique à Genève en matière de lanceurs de balles de défense et a demandé de s'en faire expliquer les aspects techniques. Dans notre canton, ces engins ne sont pas utilisés pour le maintien de l'ordre, mais dans la maîtrise des forcenés, ce qui est plus conforme aux exigences du droit international humanitaire qui énonce des règles régissant le choix des armes et leur limitation.

De plus, nous avons été informés que des directives d'engagement font partie de la formation à l'utilisation des LBD, dont l'obligation de viser... (Brouhaha.)

Le président. Madame la rapporteure, un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Je regarde à ma gauche, mais il n'y a pas que la gauche qui dérange Mme Jay dans la présentation de son rapport. Merci de respecter les prises de parole qui ont été formellement demandées. Madame Jay, vous pouvez poursuivre.

Mme Sylvie Jay. Merci beaucoup, Monsieur le président. Comme je le disais, nous avons été informés que des directives d'engagement font partie de la formation à l'utilisation des LBD, dont l'obligation de viser le bas du corps pour éviter les blessures graves.

Concernant leur usage par les forces de l'ordre françaises, le constat est que les recommandations du fabricant n'ont pas été respectées, à savoir que des projectiles en caoutchouc provenant d'autres fournisseurs ont été employés en lieu et place de ceux en mousse préconisés par le producteur suisse. Or c'est précisément le type de munitions et le contexte dans lequel l'arme est utilisée qui déterminent sa dangerosité. De fait, la responsabilité de la Suisse ne peut être engagée. En outre, interdire l'exportation de ces instruments, déjà soumis à réglementation, ne répondrait pas au problème de leur utilisation non conforme dans certains pays.

Finalement, la commission s'est interrogée quant à la réelle portée de ce texte sur les agissements des autorités françaises, ceci au regard du principe de souveraineté de chaque Etat. Par ailleurs, elle prend note que cette problématique a déjà fait l'objet d'une interpellation au niveau fédéral qui a été traitée en 2019. Au vu des différents éléments apportés lors des auditions, la majorité de la commission recommande à ce Grand Conseil le refus de la proposition de résolution 885. Merci beaucoup.

M. Guy Mettan (HP), rapporteur de minorité. Chers collègues, vous ne serez pas étonnés d'entendre que je vous recommande tout de même de voter cette proposition de résolution. Je salue au passage le rapport de majorité qui est tout à fait correct et qui met bien en avant le travail effectué par la commission. Cependant, j'estime que ce texte garde toute sa valeur et mérite d'être renvoyé à Berne. Pourquoi ?

Cela n'a pas été dit, mais il s'agit d'armes de guerre, et nous portons une responsabilité quant à leur usage. Rappelons que dans le cas des Pilatus PC-7, par exemple, la Confédération avait été interpellée et avait dû prendre des mesures pour limiter l'emploi détourné de ces avions à des fins de guerre. C'est la même chose pour le fabricant des LBD, qui est une entreprise d'armement basée à Thoune et dont les produits servent des buts militaires au sein de la police française. Dès lors, la responsabilité du producteur et du pays qui l'héberge est engagée, comme c'était le cas avec les Pilatus.

La bonne nouvelle, c'est que cet objet a déjà eu un impact partiel en ce sens que la France, sous la pression non pas de la Suisse - puisque dans notre pays, son effet a été pratiquement nul -, mais de la presse, s'est emparée de cette thématique, ce qui a conduit le gouvernement français à renoncer à l'importation des LBD. Malgré tout, la problématique subsiste, le principe demeure, et c'est la raison pour laquelle il vaut toujours la peine d'accepter cette proposition de résolution. Merci.

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution a été déposée suite aux importantes manifestations qui ont eu lieu en France où des lanceurs de balles de défense ont été utilisés. Au cours de la mobilisation des gilets jaunes, de nombreuses personnes ont été blessées par ces engins, plusieurs milliers de tirs de LBD ont été recensés; 353 manifestants ont été blessés à la tête, dont 30 éborgnés, d'après le décompte du journaliste David Dufresne. Ces gens se sont rendus sur les ronds-points et dans les rues pour défendre des convictions nobles, ils en sont revenus marqués pour toujours dans leur chair et dans leur esprit.

Comme l'a rappelé mon préopinant, les LBD de fabrication suisse font l'objet de restrictions d'usage, notamment contre les civils. Les Conventions de Genève prohibent clairement leur emploi. De plus, il est avéré qu'une partie des effectifs de la police française ont visé des civils inoffensifs, et non des casseurs. En vertu de la tradition humaniste et humanitaire de Genève, capitale internationale des droits humains, le groupe socialiste soutiendra ce texte et vous recommande d'en faire de même. Je vous remercie.

Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs, le PDC vous invite à rejeter cette proposition de résolution. En effet, suite aux diverses auditions, la majorité de la commission a estimé que les dégâts corporels sur la population étaient dus à un mauvais usage des lanceurs de balles de défense par la police française. Celle-ci n'utilise pas les projectiles en mousse fournis par le fabricant, mais des balles en caoutchouc dur qui sont plus dangereuses. L'emploi n'est donc pas conforme aux recommandations du producteur. Les spécialistes de la police genevoise nous ont expliqué que le choix des munitions était déterminant pour juger de la dangerosité d'une arme.

Dans notre canton, ces instruments ne sont pas utilisés pour le maintien de l'ordre, mais afin de maîtriser des forcenés ou des braqueurs. Il ressort des auditions que la police française fait un mauvais usage des LBD, les procédures d'engagement et la formation des utilisateurs étant clairement déficientes. Genève a beau être proche de la France, il n'est pas du ressort de notre parlement de dicter la doctrine de la police française ni d'interdire l'exportation de certains articles. Pour ces raisons, le PDC refusera ce texte.

M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, cette proposition de résolution fait suite aux importantes manifestations qui se sont déroulées en France sous l'égide des gilets jaunes et à l'usage reconnu comme inapproprié de lanceurs de balles de défense par la police de ce pays. Lors des auditions, nous avons appris que si, sur notre territoire, l'emploi de ce type d'armes est clairement encadré, la doctrine d'engagement - selon laquelle les tirs doivent être dirigés vers les genoux, et non vers les visages - ainsi que les munitions utilisées en France étaient fondamentalement différentes, avec pour conséquences de nombreux civils gravement blessés.

En commission, le groupe des Verts s'est montré divisé sur ce texte, notamment en raison de son improbable effet au niveau du Parlement fédéral, puisque l'exportation des LBD vers la France respecte formellement la loi sur le matériel de guerre. Nous sommes toutefois ravis que malgré son refus, le battage médiatique qu'il a suscité ait conduit la France à renoncer à ces armes et qu'un signal ait été lancé pour stopper leur détournement et respecter les civils. Restant partagé, le groupe des Verts a finalement décidé de s'abstenir lors du vote. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.)

Une voix. Patrick !

M. Patrick Lussi (UDC). Pardon, Monsieur le président, je n'avais pas entendu ! Je crois que l'essentiel a été dit. Rappelons que notre police est formée, que des directives très précises sur les lanceurs de balles de défense sont édictées sur le plan fédéral, donc il ne faut pas se tromper de cible: ce n'est pas l'arme qu'on incrimine, mais la munition utilisée. Selon les instructions actuelles, même sans les projectiles employés en France, cette arme ne serait pas utilisée dans le cadre de manifestations.

Alors bien sûr, on peut condamner tout le monde. Quand je vois ce qui se passe aujourd'hui en France, je suis bien content d'habiter à Genève, parce que je n'aimerais pas être pris dans l'un de ces quartiers avec des bandes de casseurs qui détruisent tout, brûlent les voitures, etc. Mais le problème n'est pas là. Admettons qu'il est normal de donner des moyens à notre police, des moyens qui doivent absolument être réglementés, une formation doit être dispensée, et c'est le cas.

Pour faire court, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution part sans doute d'un bon sentiment, mais elle manque son but. Nous vivons des périodes troubles, et il est nécessaire, même si les LBD ne sont pas utilisés en Suisse, de disposer d'une police qui puisse gérer les situations, surtout au vu de la différence de nombre entre plusieurs milliers de manifestants et les quelques centaines de gendarmes qui sont confrontés à ceux-ci. L'Union démocratique du centre vous appelle à refuser cet objet. Je vous remercie.

Une voix. Bien, Patrick !

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Je tombe des nues, Mesdames et Messieurs ! On entend des gens dire: «Nous fabriquons une arme dont nous savons très bien qu'elle est utilisée de manière non conforme: les instructions données par le fabricant ne sont pas respectées, les usagers, c'est-à-dire les agents de police française, recourent en toute connaissance de cause à des balles plus dangereuses et ne visent pas les parties du corps préconisées, mais ciblent le haut du corps alors que c'est très dangereux. Néanmoins, nous pouvons continuer à la leur vendre, parce que nous avons rédigé une notice d'emballage et ce n'est pas notre faute si les Français ne savent pas la lire et l'utilisent autrement.» C'est terrible ! En fait, on fournit à des criminels un instrument qu'ils utilisent pour commettre des violences... (Exclamations. Commentaires. Le président agite la cloche.) ...et on soutient que ce n'est pas notre faute si le produit sert d'autres fins, ce n'est pas notre faute s'il n'est pas employé correctement.

C'est exactement ce qui s'est passé avec les Pilatus il y a quelques dizaines d'années: on affirmait mordicus qu'il s'agissait d'avions d'entraînement alors que des photos circulaient, on savait pertinemment qu'ils étaient détournés pour servir de matériel de guerre dans des zones de conflit où ils n'auraient jamais dû se trouver. C'est la même chose, c'est la même situation !

Mesdames et Messieurs, on ne peut pas fermer les yeux sur l'usage qui est fait des armes que la Suisse vend à l'étranger. Il s'agit d'un cas d'école, et je ne comprends pas qu'on puisse faire preuve d'un tel aveuglement. C'est grave ! Alors peut-être la France a-t-elle pris des mesures dans l'intervalle, je l'espère, mais enfin, les choses doivent être dites de manière claire, il faut fixer des limites. Déjà que nous sommes contre la vente de matériel de guerre à l'étranger, mais si en plus on accepte qu'il soit utilisé de façon illicite, c'est inadmissible. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Ce que je viens d'entendre est juste ahurissant ! Dans une démocratie, les criminels sont forcément les forces de l'ordre ! Mais bien sûr, c'est une évidence ! Soyons sérieux, Mesdames et Messieurs. Il revient aux utilisateurs et à leurs chefs de veiller à ce qu'une arme, a fortiori qui n'est pas destinée à être létale, soit utilisée correctement.

On peut discuter à perte de vue sur le bien-fondé des manifestations, sur tout ce que vous voulez, mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe maintenant. Ce qu'on nous demande ici, à nous, Genevois, c'est de dire à l'Assemblée fédérale qu'elle aille se mêler de la notice d'emballage d'une munition... Enfin, un peu de sérieux, quand même ! Bien évidemment, il faut dire non à cette proposition de résolution. Merci.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, si j'applique à la lettre ce que nos camarades de la gauche préconisent, alors le couteau suisse peut blesser, servir à égorger des animaux ou des personnes; les voitures rapides - Audi haut de gamme, grosses Mercedes - peuvent aider à commettre des «go fast», des transports de stupéfiants à grande vitesse sur une longue distance; quant aux imposants 4x4, ceux pour les courses en ville des Genevoises huppées, ils peuvent faire office de voitures-béliers lors de cambriolages. Non, sérieusement !

Une voix. Il faut tout interdire !

M. Christian Flury. Les agents de police sont dotés d'armes pour se défendre, protéger la population, veiller au maintien de l'ordre. Il appartient aux manifestants de s'arranger pour ne pas se trouver face à eux quand ils tirent, en position conflictuelle. Le fabricant suisse produit des armes qui lancent des projectiles, qui sont vendues avec un mode d'emploi, lequel préconise un certain type de munitions, des balles qui ne blessent pas ceux qui les reçoivent. Les LBD sont également assortis de directives - viser les jambes ou du moins la partie en dessous du bassin - et leur mauvais usage fait à l'étranger ne peut pas être imputé au fabricant. En conclusion, Mesdames et Messieurs, refusons cette proposition de résolution. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Monsieur Pierre Bayenet, vous avez la parole pour une minute quatorze.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Ce sera amplement suffisant, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vous informe que la Cour administrative d'appel de Nantes a confirmé la condamnation de l'Etat français suite aux tirs d'un Flash-Ball qui avait grièvement blessé un mineur à l'oeil. Excusez-moi, mais lorsqu'un agent de police attente gravement à la santé d'un jeune alors qu'il est censé tirer en direction des jambes et qu'il le fait en toute connaissance de cause, eh bien je pense qu'on peut utiliser le terme de délinquant ou de criminel, il n'y a rien d'exagéré à cela.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote.

Mise aux voix, la proposition de résolution 885 est rejetée par 49 non contre 37 oui.

R 914-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Stéphane Florey, Patrick Lussi, André Pfeffer, Patrick Hulliger, Eliane Michaud Ansermet, Virna Conti demandant une suspension temporaire de la libre circulation des personnes avec l'UE suite à la crise sanitaire et économique du Covid-19 (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 28 et 29 janvier 2021.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. Au prochain point de l'ordre du jour figure la R 914-A. (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold, s'il la souhaite... (Un instant s'écoule.) Ce n'est pas le cas, donc elle va au rapporteur de minorité, M. André Pfeffer.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution demande au Conseil fédéral de suspendre provisoirement la libre circulation des personnes avec l'Union européenne. La crise sanitaire que nous traversons actuellement est un désastre pour nos entreprises. Certaines branches telles que le tourisme, l'hôtellerie, l'aviation ou l'événementiel sont durablement sinistrées. Je rappelle que les RHT, les réductions de l'horaire de travail, ont concerné jusqu'à deux millions de travailleurs suisses, soit un quart des salariés de notre pays. L'été dernier, à Genève, environ 150 000 salariés en bénéficiaient, c'est-à-dire un tiers de l'ensemble des salariés. Depuis, le chômage progresse très fortement. (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Pfeffer ? Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Voilà, vous pouvez continuer.

M. André Pfeffer. La situation est dramatique. En le calculant selon les normes du BIT ou sur la base des mêmes critères que ceux de l'Union européenne, le taux de chômage genevois dépasse largement les 12%. Avant la crise, 12 000 personnes étaient inscrites à l'office cantonal de l'emploi, ce qui représente un taux de 4,2%, auquel il faut ajouter les 15 000 personnes à la recherche d'un travail. A noter que dans les deux régions françaises limitrophes, le taux de chômage est inférieur à celui de notre canton.

Les mesures d'accompagnement prévues pour modérer les inconvénients de la libre circulation, par exemple l'obligation d'annoncer tous les postes dans les secteurs d'activité où le taux de chômage est supérieur à 5%, sont insuffisantes. La Suisse constitue un petit marché avec six à sept millions d'actifs, et la libre circulation concerne un bassin de recrutement de 450 millions de travailleurs. Avec une concurrence sans contrôle, les employés helvétiques subiront un dumping salarial et une augmentation de la précarité. Pour rappel, des mesures pour limiter la libre circulation avaient déjà été prises de juin 2017 à juin 2019, notamment en restreignant l'accès de la Roumanie et de la Bulgarie à notre marché.

Dans le but de maintenir la paix du travail ainsi que les niveaux des salaires et le pouvoir d'achat de nos concitoyennes et concitoyens, le groupe UDC vous recommande d'accepter cet objet. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold, qui la sollicite à présent.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Merci pour votre patience, Monsieur le président, je devais juste me replonger dans le rapport que j'avais rédigé à l'époque. Mesdames et Messieurs les députés, on a affaire à une démarche relativement récurrente de la part de l'Union démocratique du centre, à savoir une nouvelle attaque contre les accords bilatéraux. La pandémie qui frappe notre pays, l'Europe et le monde constitue pour ce parti l'occasion de revenir sur un sujet qui a pourtant été tranché dans les urnes à maintes reprises sur le plan fédéral par une large majorité des citoyens et des cantons.

La commission de l'économie a étudié cette proposition de résolution avec circonspection et attention, comme elle est censée le faire avec chaque objet, mais j'aimerais revenir plus précisément sur les idées développées par l'UDC, parce que cette volonté de suspendre la libre circulation des personnes est pour le moins paradoxale. Comme nous avons pu le constater durant la crise sanitaire, lorsqu'il s'est agi de garder une certaine autonomie au niveau des frontières, le gouvernement s'est montré réactif, les frontières ont été très bien filtrées en laissant passer les permis frontaliers, c'est-à-dire les gens qui sont autorisés à venir travailler dans notre pays.

Or cela a démontré une nouvelle fois la nécessité pour notre bassin genevois non pas seulement de collaborer avec les territoires qui nous entourent, mais de bénéficier de leur main-d'oeuvre. Que cela vous plaise ou non, ces travailleurs ont fait fonctionner notre canton et notre pays, et, sans verser dans l'angélisme, je crois qu'il faut les en remercier. Dans cette perspective, nous devons penser à l'échelle de la région - pas de façon nationaliste ni trop ouverte, mais équilibrée.

J'ai entendu, dans l'argumentaire du rapporteur de minorité, qu'il fallait protéger les salaires, soutenir les conventions collectives de travail; il me semble que sur le plan fédéral, l'UDC n'est pas le chantre des mesures d'accompagnement ni du renforcement des frontières - elle ne vote pas les budgets pour développer les gardes-frontière et les contrôles. Le PLR et d'autres partis politiques sont conscients des enjeux de la libre circulation, mais oeuvrent précisément à consolider la voie bilatérale, les mesures d'accompagnement et les conventions collectives de travail.

Ces thèmes sont évoqués dans l'accord-cadre, et nous menons une réflexion un tout petit peu plus globale que la vision électoraliste que nous propose ici l'UDC avec sa restriction de la libre circulation. Au nom de la majorité, je vous demande de bien vouloir rejeter cette proposition de résolution et de soutenir le rapport de majorité. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste vous invite également à refuser ce texte. La crise sanitaire est un désastre, mais il y a encore pire, ce sont les mesures que présente l'UDC pour y remédier. Isolationnisme, rupture de nos relations bilatérales avec l'Union européenne, attaques sur le marché du travail: cette proposition de résolution est lourde de conséquences pour notre économie et sa visée complètement improductive.

La voie bilatérale est bénéfique pour la Suisse: le vieillissement de la population engendre un manque de main-d'oeuvre, les entreprises ont besoin de travailleurs - suisses, mais aussi étrangers -, et porter un coup, au nom de la pandémie, aux accords existants est un jeu extrêmement dangereux auquel il ne faut pas jouer. Pour ces raisons, la commission a exprimé un refus très large, voire unanime, et le parti socialiste vous recommande d'en faire de même aujourd'hui en classant cette mauvaise médecine, dans une période où il n'est pas nécessaire de rajouter des catastrophes à celles que nous connaissons déjà. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, suspendre provisoirement la libre circulation des personnes avec l'Union européenne dans tous les domaines où il n'y a pas pénurie de main-d'oeuvre jusqu'à la reprise durable de la croissance économique, tel est l'objectif de cette proposition de résolution. Il fallait oser; des membres de l'UDC l'ont fait.

Il y aurait beaucoup à dire sur la libre circulation, on pourrait par exemple commencer par travailler à un renforcement des mesures d'accompagnement. Mais non, ce n'est pas de cela qu'il est question, il s'agit simplement de reprendre l'antienne UDC contre les accords bilatéraux.

Cela étant, je constate que c'est la première fois que la droite se réfère au taux de chômage du BIT; généralement, on tend plutôt ici à s'en rapporter exclusivement à celui du SECO, un taux dont nous savons qu'il ne rend pas compte de la réalité du chômage dans notre pays. Visiblement, il n'est question ici que de charger le bateau, un bateau dont on a entendu dire plus tôt qu'il était plein. (Brouhaha.)

Le président. Madame la députée, un instant, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Haller. Profiter de la crise sanitaire...

Le président. Un instant, Madame la députée !

Mme Jocelyne Haller. Ah, pardon !

Le président. Mesdames et Messieurs, il nous reste vingt minutes durant lesquelles plusieurs personnes ont demandé la parole, certaines d'entre elles faisant peut-être partie de vos groupes. Si vous voulez que je fasse respecter leur temps de parole, merci de respecter celui des autres ! Poursuivez, Madame Haller.

Mme Jocelyne Haller. Merci, Monsieur le président. Profiter de la crise sanitaire et de ses incidences destructrices sur les plans économique et social est particulièrement déplacé.

Outre son caractère opportuniste, ce texte isolationniste n'a pas de sens et aurait des conséquences économiques et politiques particulièrement dommageables pour la Suisse; totalement décalé, propagandiste avant tout, il ne justifie pas que nous lui consacrions plus de temps que celui suffisant à vous recommander de le rejeter, Mesdames et Messieurs les députés, et c'est ce que le groupe Ensemble à Gauche vous invite à faire.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, «pacta sunt servanda»: les traités doivent être respectés, d'autant plus s'ils ont été validés à plusieurs reprises et de façon largement majoritaire par l'ensemble de la population. On ne peut pas signer des accords, en retirer certains avantages et, dès qu'une crise se produit, se rétracter, s'enfoncer dans un repli sur soi qui constitue un manque de solidarité vis-à-vis des pays de l'Union européenne qui souffrent tout autant, si ce n'est plus, de la crise que nous traversons.

Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que le parti démocrate-chrétien a présenté hier une proposition de résolution qui n'a malheureusement pas été acceptée sur le siège, mais qui invitait l'Assemblée fédérale et le Conseil fédéral à reprendre les négociations sur l'accord-cadre, si possible en les faisant aboutir. A l'occasion de ce débat, nous avons évoqué les atermoiements et hésitations du gouvernement ainsi que les positions assez tranchées des divers partis en présence sur la poursuite de la voie bilatérale.

Pensez-vous sérieusement que le moment soit bien choisi pour envoyer un texte qui ne mettra certainement pas le Conseil fédéral à l'aise pour la suite des tractations, un texte qui marque clairement une défiance vis-à-vis de l'Union européenne ? Le groupe démocrate-chrétien vous invite à refuser massivement cette proposition de résolution. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, beaucoup de choses ont déjà été dites, je vais essayer de les compléter. Tout d'abord, si les Vertes et les Verts restent attachés à la libre circulation des personnes, ils et elles sont en revanche bien plus critiques en ce qui concerne celle des marchandises, nourriture comprise. Bon, la question a été tranchée en automne 2020 par la population suisse, nous n'y reviendrons pas.

Ce qui est demandé ici, c'est une limitation temporaire, ce qui a très peu de sens. Comme cela a été souligné, certaines restrictions de circulation ont été introduites durant la pandémie, on a fermé les frontières pour des raisons sanitaires, mais ce n'est pas ce qui nous occupe ici.

J'aimerais insister sur un élément issu du texte même, à savoir que cette limitation de la libre circulation doit s'opérer jusqu'à une reprise durable de la croissance économique. Alors je veux bien, mais enfin, qu'est-ce que ça veut dire ? Quand aura lieu une reprise durable de la croissance économique ? Réfléchissez bien ! Poser la question, c'est y répondre, et le groupe des Verts refusera fermement cette proposition de résolution.

M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG votera cette proposition de résolution avec enthousiasme. En effet, Mesdames et Messieurs, la libre circulation est une aberration en soi, c'est un principe dogmatique qui crée le chômage et la précarité. Le covid a démontré que c'était dangereux et qu'il fallait plutôt opter pour une régulation de la circulation des personnes.

Sur les bancs du PLR et de la gauche, certains dénoncent le nationalisme et les frontières, mais comment, je vous pose la question, peut-on développer des conventions collectives de travail sans frontières ? C'est impossible: cela nécessite un pays, des frontières, des limitations. Autrement, c'est une pure utopie !

Ensuite, on nous parle de dialogue social, mais si on suit une certaine gauche - ou presque toute la gauche - et une certaine droite - presque toute la droite -, on arrive dans des situations impossibles, alors soit vous racontez n'importe quoi, ce qui est sans doute le cas, soit vous vivez dans l'illusion, ce qui est également une possibilité.

Au final, ce qui ressort ici très clairement, c'est que ce parlement est composé de mondialistes de gauche et de droite, et nous, au MCG, nous sommes modestement des localistes, nous défendons la préférence cantonale. Voilà pourquoi, comme je l'ai indiqué en introduction, nous voterons ce texte avec enthousiasme. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci bien. Monsieur Vincent Subilia, vous avez la parole pour trois minutes.

M. Vincent Subilia (PLR). Je vous remercie beaucoup, Monsieur le président nouvellement élu, et toutes mes félicitations à nouveau ! Mesdames et Messieurs, une fois n'est pas coutume, je me rallierai aux propos tenus par notre excellente collègue Mme Haller, à savoir qu'il ne convient pas de consacrer davantage de temps à cette proposition de résolution que celui nécessaire à la rejeter. Cependant, vous ne me tiendrez pas rigueur de prolonger quelque peu le temps dévolu au PLR avec quelques remarques dans le sillage de la brillante intervention de mon camarade Hiltpold.

Lorsque j'entends le discours des députés qui nous ont saisis de cet objet, je m'aperçois, et cela a déjà été souligné, que celui-ci est non seulement totalement incongru, mais surtout qu'il procède de la vision d'un irréductible village de Gaulois vivant en isolation clinique du reste du monde. Je rappelle à nos collègues et néanmoins amis de l'UDC comme du MCG que Genève entretient cent kilomètres de frontière avec son voisin français et que c'est précisément cette ouverture qui a très largement contribué à la prospérité que nous connaissons aujourd'hui.

Ce texte, je le disais, est parfaitement incongru: incriminer la libre circulation alors que nous sommes toutes et tous confrontés à une tragédie humanitaire et à un drame économique, c'est manifestement mal connaître ce qui fait la richesse de notre tissu économique, c'est mettre un emplâtre sur une jambe de bois, car ainsi que chacun en conviendra parmi les nombreuses familles politiques qui, unanimement, rejettent cette proposition de résolution, celle-ci ne délivrera aucunement les résultats escomptés.

Mais la raison de ma prise de parole est autre. Je souhaiterais ajouter aux arguments que nous avons entendus jusqu'ici une réflexion plus juridique - ce sont probablement de vieux relents d'avocat - en insistant sur une notion qui a été évoquée par notre collègue Guinchard et qui échappe à beaucoup, celle du «pacta sunt servanda», c'est-à-dire la nécessité de respecter les accords qui ont été passés, qui ont été validés par le peuple.

Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC, vous n'êtes pas sans savoir qu'adopter un objet de cette nature - qui, en réalité, est un acte purement déclaratoire - serait parfaitement inopérant, d'une part parce que cela ne relève pas des compétences de notre plénum, d'autre part parce qu'à l'échelon fédéral, les conditions pour qualifier les clauses de suspension de temporaires ne sont pas réunies. Vous êtes ici dans le dogme; c'est sans doute votre fonds de commerce, vous nous ressortez chaque fois cette marotte de l'isolationnisme qui définit votre posture politique, mais votre proposition de résolution n'est tout simplement pas envisageable: elle ne sera jamais suivie d'effets, parce que juridiquement, elle n'est ni justifiée ni justifiable. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Que dire de cette mauvaise foi dont on fait preuve depuis quinze bonnes minutes ? Quand j'entends certains commentaires de partis qui, à longueur de campagne électorale, promettent de protéger les intérêts du travailleur local... Ils oeuvrent prétendument au bien-être de la population, mais quand il est question de libre circulation, ils sont si attachés à l'Europe qu'ils tournent le dos à leurs propres électeurs ! Mesdames et Messieurs, j'ai honte pour vous ! Vous faites des promesses, mais lorsqu'il s'agit de les concrétiser, vous êtes dans le déni total, vous refusez de voir les situations telles qu'elles ont été décrites durant ce débat.

La réalité, c'est que le chômage a fortement augmenté. Comme vous le savez très bien - même si vous l'occultez totalement aujourd'hui -, la suspension de la libre circulation est applicable quand un certain niveau est atteint. Au final, la seule chose qu'on demande, c'est de mettre les clauses à exécution, car au moment où cette proposition de résolution a été déposée, la restriction de la libre circulation était déjà applicable. C'est tout ce qu'on recherche au travers de ce texte.

Ma foi, vous n'en voulez pas, je le comprends, mais c'est regrettable vis-à-vis des personnes qui sont au chômage, vis-à-vis de ceux qui vont se retrouver dans des situations dramatiques. Vous en prendrez la responsabilité, Mesdames et Messieurs, et nous, eh bien on continuera à défendre le travailleur local tout comme le font ceux qui soutiennent cet objet, parce qu'il y a encore dans ce parlement des personnes qui défendent le travailleur local, et je suis fier d'affirmer devant vous aujourd'hui que c'est mon cas; les fausses promesses, je vous les laisse. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. Sylvain Thévoz pour une minute quarante-deux.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez ma réponse à M. Baertschi: il accuse les mondialistes de gauche et de droite ainsi que la gauche en général de s'opposer aux bonnes recettes de l'UDC - et du MCG qui fait corps avec elle sur cette proposition -, mais je lui rappelle qu'en 2020, l'initiative «Pour une immigration modérée», initiative dite de limitation, a été rejetée par le peuple à 61,7% ! Il est étonnant que des partis réputés populistes, qui se réclament d'un ancrage populaire, ne prennent pas acte d'une volonté démocratique aussi nette et claire. La population a refusé votre volonté de fermeture et d'isolationnisme, Monsieur Baertschi - vous transmettrez toujours, Monsieur le président; ce n'est pas la gauche mondialiste, ce n'est pas la grande finance, c'est le peuple qui s'oppose à vos mauvaises recettes. Aussi, halte à la schizophrénie et écoutez les citoyens même quand ils ne disent pas exactement ce que vous souhaiteriez entendre, de la même manière que vous prétendez parler en leur nom. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie et je passe la parole à M. Patrick Dimier pour une minute et quatre secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Je n'ai pas besoin d'autant de temps, Monsieur le président. Le premier acte de souveraineté d'un Etat, c'est de veiller au plein emploi de sa population de même qu'à sa sécurité. Aussi, lorsqu'on prend des mesures qui visent précisément, dans une période ciblée, à remplir cette mission principale de la souveraineté, je peux entendre tous les discours de M. Thévoz, mais je ne pense pas qu'on puisse nous attaquer en nous reprochant d'être... Je ne sais plus quel terme il a employé... Ah oui: isolationnistes. Ce n'est absolument pas le propos. A cet égard, j'invite M. Thévoz et ses camarades à lire «Eloge des frontières» par Régis Debray, Régis Debray qui n'est pas exactement un homme de droite. Et puis à l'attention de M. Subilia que j'aime beaucoup, vous me permettrez un petit «Astérix»: Genève n'est pas un village gaulois, mais allobroge. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. Madame Jocelyne Haller, c'est à vous pour une minute vingt-six.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. A entendre ce à quoi nous venons d'assister, il n'y aurait dans ce parlement qu'un seul parti, celui de M. Florey, qui défendrait les travailleurs et travailleuses, les chômeurs et chômeuses. Excusez-moi, mais les bras m'en tombent ! Si c'était vrai, Messieurs... (Commentaires.) ...alors vous auriez voté un certain nombre de projets qui protègent effectivement... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...les salariés ! Or nous ne vous avons pas vus ! Lorsqu'il s'est agi de soutenir une nouvelle loi sur le chômage comprenant des mesures efficaces, on ne vous a pas vus non plus ! Alors aujourd'hui, ne venez pas revendiquer la défense des travailleurs et travailleuses, des chômeurs et chômeuses quand généralement, vous les abandonnez ! (Exclamations. Commentaires.) Je vous remercie de votre attention.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée... (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Il ne reste plus de temps au rapporteur de minorité, il ne reste plus de temps au groupe UDC, il ne reste plus de temps au groupe MCG. Mesdames et Messieurs, vous êtes priés de vous prononcer sur ce texte.

Mise aux voix, la proposition de résolution 914 est rejetée par 57 non contre 16 oui.

Le président. Nous arrivons au terme de notre séance de ce soir, Mesdames et Messieurs. N'oubliez pas vos cartes en sortant. Je vous retrouve le 3 juin à 17h et d'ici là, faites attention sur les routes ! (Applaudissements.)

La séance est levée à 19h55.