République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

R 857-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de résolution de MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Eric Leyvraz, Patrick Lussi, Marc Falquet, André Pfeffer, Marc Fuhrmann, Patrick Hulliger, Thomas Bläsi, Norbert Maendly : Directive chômage UE : non au paiement annuel d'un milliard de francs de cohésion chômage par la Suisse ! (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 24, 25 et 31 janvier 2019.
Rapport de Mme Marion Sobanek (S)

Débat

Le président. Nous nous penchons sur la R 857-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) La parole n'est apparemment pas sollicitée... (Remarque.) Monsieur Philippe Poget, allez-y. (Brouhaha.)

M. Philippe Poget (Ve). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, on va quand même dire quelques mots sur cette proposition de résolution ! Le groupe des Verts vous demande de refuser ce texte qui, ainsi que l'ont démontré les travaux de commission, est considéré aussi bien par les syndicats - la CGAS - que par les associations patronales - l'UAPG - comme inapproprié et contreproductif.

Une bonne coordination des systèmes de sécurité sociale avec les autres Etats revêt une grande importance tant pour les assurances sociales suisses et leurs membres que pour l'économie de notre pays. Actuellement, le processus législatif initié par l'Union européenne concernant le règlement contesté par cet objet n'est toujours pas abouti. Il semble toutefois juste que les personnes qui cotisent bénéficient également de prestations dans le pays qui encaisse leur participation.

Il n'en demeure pas moins que la Suisse doit poursuivre les négociations sur ce sujet afin de clarifier ce qui serait repris et sous quelle forme, et à l'heure où l'accord-cadre avec l'UE n'est toujours pas sous toit, une telle proposition de résolution n'apparaît pas opportune. Je vous remercie de votre attention.

M. Olivier Cerutti (PDC). Chères et chers collègues, cette proposition de résolution a été déposée par l'UDC dans l'ensemble des parlements cantonaux de notre pays, y compris à Bâle-Ville... (Rires.) A l'heure actuelle, les caisses de chômage françaises versent aux chômeurs frontaliers près de 600 millions par année. Intervenir pour modifier le règlement européen portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale est tentant, mais cela implique une adaptation des parlements européens et de la Confédération suisse.

La vraie question est de savoir à qui appartiennent les cotisations des travailleurs et des employeurs; certainement pas à l'Etat, Mesdames et Messieurs, sans doute aux cotisants eux-mêmes. La prise en charge des caisses de chômage n'est pas la même en France et en Suisse, et ces différentes applications soulèvent bien d'autres questions, notamment quant à l'égalité de traitement dans un même bassin de population.

Les conclusions du long débat en commission - nous nous sommes en effet réunis quelques heures - ont le mérite d'être claires: en l'absence de certitude quant à un futur débat devant les Chambres fédérales, laissons la Confédération négocier au moment où le sujet sera d'actualité et entreprendre une démarche politique. Au final, l'étude de ce texte nous aura permis de mieux appréhender les enjeux qui sont ceux des assurances-chômage dans un bassin de population transfrontalier comme le nôtre, mais le PDC vous invite à le rejeter. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Je signale juste, puisque le débat a démarré dans un certain brouhaha et qu'on aime bien évoquer Bâle-Ville dans cette enceinte - même si ce n'est pas spécialement mon cas -, qu'une proposition de résolution similaire a été acceptée par ce demi-canton. Dont acte.

Mesdames et Messieurs les députés, on a entendu la question suivante: à qui appartiennent les cotisations ? Ecoutez, je ne sais pas, mais en l'occurrence, que se passe-t-il maintenant ? Il y a de nouveau un changement dans la réglementation de l'Union européenne qui contraint nos caisses sociales, en cas de chômage dans le pays, à indemniser les travailleurs qui ne résident pas sur notre territoire ou dans le canton.

Vous me direz que c'est un vieux cheval de bataille de l'UDC; c'est vrai, mais je vous répondrai que dans le contexte actuel, on a déjà énormément de peine à satisfaire les besoins de la population avec nos propres deniers, et une grande partie des débats de cette session l'ont démontré. L'UDC ne souhaite pas forcément insister là-dessus, mais rappelons tout de même que chaque année, nous restituons une belle part d'impôts payés par les travailleurs frontaliers à la France voisine. Dès lors, Mesdames et Messieurs, pourquoi cet argent ne pourrait-il pas servir à indemniser nos propres employés ? La prochaine échéance qui s'annonce suite au covid se passera certainement plus dans les larmes et les cris que dans l'opulence et la joie, donc des ressources, quelles que soient les caisses, l'Etat en aura besoin.

Cette décision, je le répète, ne provient ni de notre Grand Conseil ni des Chambres fédérales, mais d'un organisme européen avec lequel, on le sait, les discussions sont toujours âpres. Devoir payer pour cela ? L'UDC, fidèle à sa tradition, s'y oppose, et c'est pourquoi elle a déposé ce texte. Bon, celui-ci date de 2018, nous sommes en 2021 et les négociations se poursuivent, alors doit-on le soutenir ou pas ? Oui, l'UDC vous invite à le voter. Même s'il s'agit d'une résolution à l'Assemblée fédérale, il est nécessaire que notre position soit connue. En tant que canton frontalier, Genève n'est pas, disons, menacé, mais risque de passer à la caisse de manière non négligeable. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre vous demande d'accepter cette proposition de résolution. Merci.

M. Emmanuel Deonna (S), rapporteur ad interim. Le parti socialiste partage les préoccupations de toutes celles et ceux qui souhaitent défendre notre assurance-chômage. Celle-ci est menacée de façon répétée, mais en général, c'est surtout par des députés d'extrême droite qui prônent la chasse aux pauvres et aux étrangers. Or on retrouve à nouveau dans cette proposition de résolution des soupçons jetés, même incidemment, sur les bénéficiaires qui sont en l'occurrence des frontaliers, ainsi que les relents isolationnistes habituels du MCG et de l'UDC.

Aujourd'hui, nous savons à quel point il est important pour la Suisse et pour Genève de se battre pour un accord-cadre qui convienne, pour des conditions qui protègent les travailleuses et travailleurs, notamment leurs droits en cas de perte de travail. Nous sommes tous préoccupés par cette question à l'heure où, en raison du covid, de nombreuses personnes perdent leur emploi ou craignent pour leur avenir.

Notre collègue PDC a insisté à juste titre sur la nécessité d'une égalité de traitement dans un même bassin de population, un principe auquel les socialistes sont très attachés. Nous doutons passablement de la pertinence des chiffres avancés par les auteurs du texte; les caisses de chômage ne versent certainement pas autant d'argent aux chômeurs frontaliers, et même si c'était le cas, c'est en vertu d'une conception républicaine et démocratique de la solidarité... (Une sonnerie de téléphone portable retentit.) ...solidarité qu'il faut penser à l'échelle intercantonale, régionale et internationale. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur, et merci au service technique du groupe Ensemble à Gauche de préserver la qualité de nos débats ! Monsieur Daniel Sormanni, vous avez la parole.

M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'entends des énormités dans ce parlement ! Il ne s'agit pas de faire preuve de solidarité: nos amis français touchent déjà, du fait des rétrocessions sur la masse salariale, environ 300 millions par année. Et comme le disait un certain écrivain en France, ils en demandent toujours plus ! Alors maintenant, ils veulent encore nos cotisations chômage !

Je précise que les travailleurs frontaliers perçoivent le chômage en France, mais sur la base du salaire suisse, donc ces gens ne sont pas vraiment prétérités. Il est quand même important de défendre notre assurance-chômage et d'éviter des coûts absolument astronomiques ! Malheureusement, on continue à engager nombre de frontaliers dans ce canton, y compris dans les collectivités publiques, et si on les licencie, il faut encore leur verser l'assurance-chômage. Non, mais c'est exagéré, c'est totalement exagéré !

Quant à la problématique de l'accord-cadre, c'est très simple. Enfin, ce n'est pas simple, mais je rappelle ici que le président de l'Union syndicale suisse, le socialiste Pierre-Yves Maillard, est contre cet accord-cadre, alors il faudrait peut-être que les socialistes et en particulier M. Deonna - vous transmettrez, Monsieur le président - balaient devant leur porte et aillent convaincre M. Maillard de l'accepter, puisqu'ils semblent, eux, si enclins à le signer ! Non, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas sérieux. Nous devons préserver nos cotisations d'assurance-chômage et, par conséquent, approuver cette proposition de résolution. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. A présent, je lance la procédure de vote.

Mise aux voix, la proposition de résolution 857 est rejetée par 72 non contre 16 oui.