République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2125
Proposition de motion de Mmes et MM. Esther Hartmann, Sylvia Nissim, Brigitte Schneider-Bidaux, Anne Mahrer, François Lefort, Jacqueline Roiz, Pierre Losio, Miguel Limpo pour renforcer et informer sur les mesures « dys- »

Débat

Le président. Nous traitons maintenant le point 23 de l'ordre du jour, la motion 2125. Nous sommes en catégorie II, avec trois minutes par groupe. La parole est à Mme Esther Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) La motion que nous vous proposons est issue à la fois de remarques que l'on a entendues sur le terrain et des travaux précédents que nous avons mentionnés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...par rapport aux enfants à besoins spécifiques. C'est une motion qui ne se veut absolument pas une attaque contre ce qui est mis en place par le département de l'instruction publique; au contraire, c'est une motion qui vise à encourager les choix récents qui ont été faits sur des mesures d'accompagnement pour les enfants qui ont une intelligence tout à fait normale mais quelques particularités qui font que, par exemple, la lecture est difficile, l'orthographe est difficile, ou encore les maths sont difficiles. Le département a mis en place des mesures d'accompagnement, mais sur le terrain, tant au niveau des professionnels qui interviennent auprès de ces enfants qu'au niveau des parents, mais aussi des enseignants, sont mentionnés des manques: manque de moyens mis à disposition par rapport à des choix qui ont été faits, manques dans le temps de formation des enseignants, manques dans le type de mesures qui peuvent être proposées. Il y a également une difficulté d'accès aux écoles pour certains professionnels en raison de la protection de certains spécialistes de l'OMP face à des personnes de terrain qui sont indépendantes; par exemple, on favorise les logopédistes pour effectuer certaines mesures de détection de problèmes de calcul. Les logopédistes ont d'excellentes compétences, mais d'autres professionnels, par exemple des neuropsychologues qui travaillent à l'hôpital, peuvent extrêmement bien détecter cela mais n'ont pourtant pas le droit de demander qu'une mesure «dys-» soit mise en place. C'est donc à l'issue de ces remarques et de ces constatations que nous souhaitons que cette motion soit étudiée en commission, pour que l'on puisse faire un état des lieux et voir si certaines choses ne pourraient pas être améliorées. Nous souhaitons et nous espérons que l'ensemble de nos collègues fasse bon accueil à cette motion et soit en accord avec un travail en commission. Je vous remercie pour votre attention.

M. Philippe Morel (PDC). Nous sommes très contents de pouvoir discuter de cette motion sur les «dys-». (Brouhaha.) «Dys-» veut dire difficulté: il y a les difficultés à écrire, difficultés à compter, difficultés à calculer, difficultés à dessiner, etc. L'ensemble de ces «dys-» concerne 5% à 15% des enfants, c'est-à-dire à peu près 3200 enfants à Genève. Je répète, 3200 enfants à Genève ! L'OMS a donné une définition précise de ce qu'étaient les «dys-» et c'est donc une définition médicale. Il est encore actuellement très difficile d'avoir des diagnostics précis, puisqu'ils reposent essentiellement sur ce qu'on appelle des signes cliniques et qu'aucun examen paraclinique - que ce soit radiologique, biologique ou autre - ne permet un diagnostic de certitudes. La détection n'est donc pas facile et les enseignants ont un rôle important dans le repérage de ces troubles, puisque bien souvent les parents n'arrivent pas à les reconnaître.

Alors est-ce que vous connaissez des «dys-» ? Oui vous en connaissez, des dyslexiques, il y en a très probablement autour de vous. Si toutefois vous n'en connaissez pas, je vais vous citer quelques noms: Léonard de Vinci, ou dans une catégorie tout à fait différente, Tom Cruise, Albert Einstein, Thomas Edison, Pierre Curie et Wernher von Braun, celui des fusées. Tous étaient des dyslexiques et des «dys- autres» notoires. C'est un déficit génétique, mais on sait que l'environnement est très important et que celui de l'école est fondamental pour permettre soit l'intégration de ces élèves dans la société soit, au contraire, de les marginaliser. Le rôle des enseignants est donc important.

Il est vrai que le département de l'instruction publique a pris des mesures depuis quelques années, heureusement, tout d'abord en signant l'accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée avec un peu plus de dix autres cantons suisses, cela en octobre 2007. Des directives ont aussi été émises par le département sur les aménagements scolaires pour les élèves; elles sont en vigueur depuis septembre 2009. Le contenu de ces textes est remarquable, il prévoit que la pédagogie spécialisée fasse partie du mandat public de formation, que les solutions intégratives pour ces élèves en difficulté soient préférées aux solutions séparatives, que le principe de la gratuité prévale - cela fait référence à un débat antérieur que l'on a eu aujourd'hui - et que les titulaires de l'autorité parentale soient associés. Cela concerne les enfants de la naissance jusqu'à l'âge de 20 ans; il peut donc y avoir des mesures préscolaires comme des mesures scolaires.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Philippe Morel. Je vous remercie. Oui, les mesures qui sont prévues sont excellentes, oui, les directives doivent être appliquées, et le but de cette motion est de discuter ces directives, d'en augmenter peut-être l'efficacité, et d'assurer un contrôle. Nous soutenons donc le renvoi en commission pour discuter de cette importante motion.

Mme Nathalie Schneuwly (R). Mesdames et Messieurs les députés, chez nous le groupe est un peu partagé sur la question. Il y a ceux qui trouvent qu'on en fait déjà bien assez, que l'école est là pour instruire et qu'il ne faut pas faire trop de psychologie - vous devinerez un petit peu où sont les tendances ! (Rires.) - et les autres qui trouvent dommage que pendant longtemps on ait considéré ces enfants en difficulté scolaire comme des incapables, puisque souvent, comme ça a été clairement dit par mon collègue, ils ont un potentiel énorme et peuvent réussir brillamment s'ils sont compris. Donc pour ces raisons, et comme nous sommes un groupe ouvert, le PLR vous encourage à renvoyer cette motion en commission afin qu'elle soit étudiée attentivement. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG soutiendra bien sûr cette motion et ne comprend pas pourquoi les motionnaires n'ont pas demandé le renvoi immédiat au Conseil d'Etat, pour que ce dernier présente ensuite un rapport à notre parlement. Les invites sont claires: elles demandent au Conseil d'Etat d'évaluer régulièrement le nombre d'enfants touchés et les mesures entreprises, de présenter des résultats, d'augmenter l'information, d'offrir et promouvoir la formation, de permettre le diagnostic, enfin bref, toutes les invites sont claires. On va donc renvoyer ça en commission pour pouvoir déjà élaguer, recevoir une information, puis on reviendra au parlement et on dira à l'unanimité que cette motion doit être renvoyée au Conseil d'Etat ! On perd du temps à discuter d'une motion qui est exemplaire... (Brouhaha.) ...qui a été bien préparée, et que l'unanimité du Grand Conseil pourrait renvoyer directement au Conseil d'Etat pour qu'il lui fasse un rapport.

Le président. Le renvoi au Conseil d'Etat est donc votre demande formelle, Monsieur le député ?

M. Jean-François Girardet. C'est ma demande formelle que de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.

Le président. Très bien, je vous remercie. La parole est à M. le député Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Au contraire de ce qui vient d'être dit, nous ne pourrons pas soutenir un renvoi direct au Conseil d'Etat; nous soutiendrons donc le renvoi en commission, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, parce que les troubles «dys-» constituent un problème assez compliqué, assez technique - moi-même je n'ai pas, pour le moment, assez d'informations pour me faire une idée. Par contre, ce dont je suis sûr, c'est qu'effectivement... (Brouhaha.) ...de nombreuses mesures ont déjà été mises en place. Et moi j'ai plutôt eu l'impression, je vous le dis franchement, quand j'ai lu cette motion pour la première fois, qu'elle aurait dû faire l'objet d'une question écrite qui demande véritablement où on est plutôt que de prendre la forme d'une motion pour lancer un débat. Si je dis ça, c'est pour la simple et bonne raison que toutes les personnes ici présentes qui ont des enfants en âge scolaire reçoivent l'Info GAPP. Et pas plus tard que dans l'édition de mars 2013, il y a eu tout un article très intéressant justement sur les troubles «dys-», dans lequel on informait les parents des mesures qui étaient mises en place. Elles étaient nombreuses, il y avait même un site internet. Moi-même j'ai une expérience personnelle - alors je ne sais pas si on le considère comme un trouble «dys-» - par rapport à l'hyperactivité, et dans ce domaine aussi on sent que les enseignants sont déjà parfaitement formés et qu'ils sont attentifs à ce genre de troubles. Et ce sont les premiers à les voir, car c'est vrai que de nombreux parents n'admettent pas, dans un premier temps, qu'on leur dise que leur enfant est hyperactif ou dyslexique. Pour eux, ce qui est normal, leur enfant est le meilleur enfant du monde, il n'a pas de problème, etc. Donc c'est vrai que l'enseignant...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Stéphane Florey. ...est déjà bien formé pour ça, et il y a une approche réelle qui est faite à l'école. C'est pour cela, comme je l'ai dit tout à l'heure, que je n'ai pas l'impression que cette motion avait un véritable sens. Toutefois, nous soutiendrons son renvoi en commission pour pouvoir l'étudier et approfondir le sujet.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député indépendant Didier Bonny à qui j'accorde une minute trente. (Remarque.) C'est la moitié de ce qu'ont les autres !

M. Didier Bonny (HP). D'accord, merci, Monsieur le président. Quand je fais mon caucus avec moi-même, j'essaie de lire les objets le mieux possible. Quand j'ai lu celui-ci, j'étais relativement énervé... (Remarque.) ...surtout par rapport à l'exposé des motifs; parce qu'il y a quand même plusieurs choses qui sont fausses, comme de dire que les mesures d'accompagnement se limitent parfois à la seule prolongation du temps mis à disposition lors des examens. En tant que directeur d'établissement, je sais que quand j'envoie les lettres aux parents - et je peux vous dire que j'en ai rédigé un certain nombre - pour leur dire quelles sont les mesures prises, jamais il ne m'arrive de les informer de cette seule mesure-là.

Ensuite on dit qu'il semblerait que ces mesures ne soient offertes qu'à partir de la sixième année, ou 8P Harmos. C'est complètement faux. Donc je me suis demandé ce que j'allais faire: est-ce que j'allais dire non à cette motion, est-ce qu'il fallait la renvoyer directement au Conseil d'Etat, ou finalement est-ce qu'il fallait la renvoyer en commission ? J'ai pensé que c'était cela la meilleure chose à faire pour que les députés puissent savoir quelles sont toutes les choses qui se font depuis quelques années par rapport aux élèves qui sont en mesure «dys-». Et il y en a énormément depuis à peu près cinq ans, et cela mérite d'être rendu visible dans un rapport. Donc renvoyons cette motion en commission.

Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je vais être très brève, parce que mes préopinants ont quasiment tous dit ce que j'avais noté sur ma feuille de préparation. On n'a pas besoin de répéter les arguments, sauf peut-être un seul, qui vient de ma pratique d'enseignante: parfois, des élèves qui suivent des mesures «dys-» pensent que le problème s'arrange ou que c'est réglé, et ils arrêtent parce que ces mesures sont quelquefois limitées dans le temps. Mais il s'avère ensuite assez difficile qu'ils puissent les reprendre ou profiter d'un autre soutien. Donc évidemment, le groupe socialiste soutient le renvoi de cette motion exemplaire directement au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est pour trente secondes à Mme la députée Hartmann !

Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Je suis très flattée par l'évaluation qui a été faite par mon collègue Girardet de cette motion, mais nous sommes contre le renvoi direct au Conseil d'Etat. Pourquoi ? Parce que la situation évolue constamment, qu'il y a des pratiques qui varient de mois en mois et qu'il y a encore des inégalités de traitement. Tout dernièrement, j'ai eu connaissance de la situation d'une personne qui a été diagnostiquée dyscalculique et qui est arrivée dans une école où on lui a refusé une mesure «dys-» parce qu'il n'y avait pas de moyens disponibles. C'est tout à fait inapproprié par rapport à ce qui a été fait.

Et puis je suis tout à fait consciente que...

Le président. Il vous faut conclure, Madame.

Mme Esther Hartmann. ...dans certains établissements il y a des traitements qui sont favorisés, mais malheureusement dans la pratique, sur le terrain, ce n'est pas ce qui s'observe partout. Donc je souhaite que l'on puisse étudier cette motion en commission, faire un état des lieux et sensibiliser aussi les députés sur ce qui se passe pour ces enfants-là, afin qu'on évite certains malentendus.

M. Antoine Barde (L). Chers collègues, cette intervention pour vous dire que le PLR soutiendra le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement. Effectivement il existe des directives, et je ne doute pas qu'elles soient appliquées dans certains établissements. Mais j'ai moi-même transmis un dossier au chef du département sur le cas d'une personne dyscalculique qui n'a pas bénéficié de tous les avantages des mesures, ou seulement partiellement. Donc, effectivement, il y a encore quelque chose à faire. On aurait pu renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat mais je pense qu'il est plus sage de la renvoyer en commission afin que tout cela soit étudié, que l'on puisse avoir des éléments peut-être nouveaux. Je ne doute pas que ces directives existent, mais des efforts sont à faire sur leur mise en oeuvre. Et je crois qu'il s'agit d'un sujet suffisamment grave: il y a des enfants qui souffrent de ces problèmes, on ne l'imagine peut-être pas mais cela peut prétériter la scolarité d'élèves qui n'ont pas d'autres problèmes, qui sont peut-être très doués en français ou autre, et c'est un petit peu dommage de passer à côté de ces problèmes «dys-». Il faut donc soutenir ces élèves, et je pense qu'il est de notre devoir d'étudier cette motion en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Jean-François Girardet, à qui il reste deux minutes !

M. Jean-François Girardet (MCG). Merci, Monsieur le président. C'était simplement pour dire que vu le consensus qui semble se dessiner parmi nous, je vais retirer ma proposition de renvoi direct au Conseil d'Etat. Nous étudierons cette question à la commission de l'enseignement, où nous recevrons toutes les informations nécessaires pour pouvoir préaviser favorablement cette motion quand elle reviendra après être passée auprès des commissaires concernés.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je serai extrêmement succinct. Je considère qu'il est juste que vous puissiez étudier lesdites mesures en commission et avoir l'ensemble des éléments à votre disposition. Je tiens toutefois à relever, parce qu'il y a un certain nombre d'inexactitudes ici ou là, que le département de l'instruction publique, de la culture et du sport est un des départements pionniers en Suisse, avec celui de Neuchâtel; c'est un point très important. Nous nous y sommes engagés avec beaucoup de volonté et de détermination. Les directions d'établissement jouent un rôle extrêmement important.

J'aimerais également vous dire, effectivement, de ne pas hésiter, le cas échéant, à nous dire s'il y a des problèmes dans certaines situations, comme cela a été évoqué par M. le député Barde, pour obtenir lesdites mesures qui représentent un droit.

Mesdames et Messieurs les députés, tout à l'heure on a mentionné les questions de difficultés pédagogiques. Ce que j'évoquais en ce qui concerne les capacités du service public à se réformer, c'est justement des adaptations qui permettent aujourd'hui de prendre en compte des situations qui ne sont pas en lien avec un déficit cognitif, mais qui représentent des difficultés d'ordre génétique, et pour lesquelles il ne convient pas d'instituer un barrage mais bel et bien de permettre aux talents de se révéler. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter le renvoi de cette proposition de motion 2125 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2125 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 68 oui (unanimité des votants).