République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10815-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Antoine Droin, Anne Emery-Torracinta, Roger Deneys, Prunella Carrard, Loly Bolay, Christian Dandrès, Marie Salima Moyard, Irène Buche, Manuel Tornare, Aurélie Gavillet, Christine Serdaly Morgan, Roberto Broggini modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (Pour des indemnités cantonales de chômage)
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

Le président. Nous en sommes au point 27 de l'ordre du jour. Le rapporteur de majorité est M. Edouard Cuendet. Rapporteur de minorité: M. Roger Deneys. Il s'agit d'un débat en catégorie I. Je donne la parole à M. Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Comme vous pourrez peut-être le constater dans le rapport de majorité, ce PL 10815 faisait partie de différents projets de lois relatifs au problème du chômage à Genève, notamment le PL 10821 du Conseil d'Etat, ainsi que le rapport 873. La commission de l'économie a procédé à de très longues auditions, et elle a décidé de traiter en priorité le projet de loi du Conseil d'Etat, le PL 10821, qui a été accepté et qui est entré en vigueur. Ainsi le projet de loi 10815 dont nous parlons maintenant est obsolète, dans la mesure où il n'était, au fond, qu'un appendice à un projet de loi principal, le PL 10821.

Que nous demande ce projet, en substance ? En substance, il nous demande de réintroduire, au niveau cantonal, des mesures d'allongement de la durée de la couverture de chômage, mesures qui avaient été refusées notamment dans le cadre de la révision de la LACI. La commission de l'économie s'est surtout penchée sur la question du financement de ces mesures - lequel pose un problème extrêmement important - et sur la question de leur efficacité. Dans ce contexte, la commission de l'économie a procédé à des auditions, et notamment à celle du professeur Yves Flückiger, de l'Université de Genève, qui se trouve être une sommité incontestée dans le domaine de l'emploi. C'est un observateur avisé du monde du travail à Genève, et il a dit sans ambages, dans le cadre des auditions, que ce PL 10815 - je cite - «retombe dans le travers de l'ETC» - emplois temporaires cantonaux - qui ont montré qu'ils ne fonctionnaient pas, qui ont montré leur inutilité, et même leur effet contreproductif, puisqu'ils conduisaient à la prolongation de la durée du chômage. Et le professeur Flückiger a toujours indiqué très clairement que la durée du chômage était le facteur le plus déterminant pour la réinsertion professionnelle. Donc le professeur Flückiger a dit, en conclusion, que ce PL ne répondait aux objectifs de réinsertion professionnelle.

Nous avons aussi entendu l'UAPG, l'Union des associations patronales genevoises, qui s'est fermement opposée à ces mesures cantonales d'allongement de la couverture de chômage, puisque ses représentantes ont également souligné que cela allait à l'encontre du but de réinsertion professionnelle rapide. Seule la CGAS, donc la... (L'orateur hésite. Remarque.) ...la Communauté genevoise d'action syndicale - merci, Monsieur Deneys ! - a soutenu ce projet de loi, mais très mollement, puisqu'au fond ils se sont assez peu exprimés à ce sujet.

Et puis, il y a surtout l'aspect des frais entraînés par un tel projet de loi, puisque le département nous a avancé des chiffres, selon lesquels l'allongement proposé par ce projet de loi aurait un coût avoisinant les 150 millions de francs par année, qui irait grever les finances du canton. En résumé, le projet de loi 10815 propose des mesures considérées par un spécialiste tel que le professeur Flückiger comme contreproductives et coûteuses, puisqu'elles s'élèveraient en tout cas à 150 millions par année - et c'est une estimation prudente du département. De plus, elles posent un problème supplémentaire, un problème d'ordre juridique, puisque, comme vous le savez, toutes ces mesures de chômage doivent être approuvées par l'administration fédérale, qui jette un oeil particulièrement attentif sur les mesures prises à Genève, étant donné que, par le passé, les ETC avaient été considérés comme non conformes au droit fédéral. Donc ce PL 10815 comporte un risque juridique important qu'il convient de ne pas négliger, et c'est aussi l'un des motifs pour lesquels il faut refuser ce projet, qui n'est d'ailleurs plus d'actualité compte tenu des mesures déjà prises dans le cadre du PL 10821 du Conseil d'Etat, adopté par notre Grand Conseil et entré en vigueur depuis longtemps. Je vous remercie.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes la question du chômage de longue durée est un véritable problème et, à Genève, la situation ne fait qu'empirer. Il faut rappeler qu'à Genève la nouvelle loi fédérale, entrée en vigueur le 1er avril 2011, a été refusée ! A Genève, la majorité de la population n'estimait pas raisonnable de diminuer les prestations accordées aux chômeurs, et en particulier aux catégories très exposées au chômage de longue durée que sont, par exemple, les jeunes de moins de 25 ans. Un article de la «Tribune de Genève» le relevait encore début février, leur nombre a augmenté de 10% en une année ! Et aujourd'hui ce sont 21 207 personnes concernées. Cette problématique est dramatique ! Or, que faisait la nouvelle loi fédérale ? Elle réduisait les indemnités chômage des jeunes de 400 à 200 jours. Franchement, qu'est-ce qu'on donne comme signal à notre société, quand on refuse un projet de loi socialiste qui vise à permettre à ces jeunes de prolonger leur temps au chômage et de retrouver un travail ! Parce que c'est quoi, sinon ? C'est la case assistance sociale, c'est la case délinquance ! Donc c'est véritablement problématique de ne pas accorder un délai supplémentaire aux plus jeunes pour qu'ils retrouvent un emploi.

Les socialistes sont extrêmement inquiets des conséquences sociales de telles décisions au niveau fédéral. Evidemment, en plus, la loi fédérale ne respectait pas les promesses qui avaient été évoquées à l'époque: les taux de cotisations chômage avaient été diminués sous prétexte que le chômage était bas, mais le jour où le taux de chômage a réaugmenté, la Confédération, au lieu de réaugmenter aussi le taux de cotisation, eh bien elle diminue les prestations ! C'est une escroquerie à l'assurance, Mesdames et Messieurs ! Parce qu'un employé qui cotise pour le chômage a droit à des prestations d'assurance-chômage ! Donc la Confédération escroque les citoyennes, les citoyens, les travailleuses, les travailleurs de ce canton.

Alors, les socialistes ont proposé un projet de loi qui vise à rétablir les indemnités de chômage sur une plus longue durée, en particulier pour les jeunes de moins de 25 ans, de même que pour les personnes de plus de 50 ans - parce que c'est difficile de retrouver un emploi quand on est plus âgé - et les coûts, évidemment, sont non négligeables ! D'ailleurs, il faut bien vérifier de quoi on parle. Car des personnes qui sont à l'assistance, des personnes qui sombrent dans la délinquance, eh bien elles coûtent aussi ! Et le coût de ce projet de loi n'a pas, comme l'a dit M. Cuendet, été calculé sérieusement ! C'est M. Longchamp, lors d'une séance, qui a levé son petit doigt et qui a dit que ça coûtait 150 millions par année ! (Commentaires.) Il n'a pas argumenté son chiffre; nous n'avons eu aucune explication, nous n'avons même pas eu de notes écrites pour expliquer comment ce chiffre avait été calculé. Mais M. Longchamp est un supercalculateur, c'est bien connu - nous avons le CERN à Genève, c'est sans doute grâce à lui - et c'est pour ça que le chiffre de 150 millions, il pouvait le donner tout de suite sans problème... (Brouhaha.) Alors, les socialistes contestent fermement la réalité de ce chiffre: c'est une rumeur, non fondée à ce stade, qui n'est pas étayée.

Pour le reste, les socialistes étaient prêts à discuter de l'application de ce projet de loi à certaines catégories de chômeurs. Car évidemment ce sont les plus jeunes, les moins de 25 ans qui commencent leur vie professionnelle et qui ne trouvent rien - ou peut-être un stage quand ils ont de la chance - qui se trouvent pénalisés par le changement de loi fédérale; et c'est évidemment aussi les personnes plus âgées, discriminées sur le marché de l'emploi, qui ne trouvent pas de travail et qui ont besoin, pour en retrouver un, d'un délai supplémentaire avec les prestations de chômage.

Mesdames et Messieurs les députés, il est faux de dire que ce projet de loi était en marge de celui du Conseil d'Etat parce qu'il a été déposé avant ! (Brouhaha.) Il vise à répondre au changement de législation fédérale, car les socialistes veulent remédier aux inégalités, aux injustices nouvelles du droit fédéral, en permettant aux chômeuses et aux chômeurs genevois de prolonger les indemnités pendant 120 jours, pour certaines catégories d'entre eux. Donc, Mesdames et Messieurs, je vous propose de réserver un accueil favorable à ce projet de loi, et de ne pas le refuser tel quel.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, les indemnités cantonales proposées dans ce projet de loi ne sont pas le miracle, la solution unique au chômage, mais elles représentent un palier, un palier intermédiaire supplémentaire et indispensable pour les demandeurs d'emploi. Elles permettent de réduire, ou du moins de prévenir de creuser l'écart entre les plus riches et les plus pauvres dans ce canton; elles permettent un délai plus long d'indemnité lors de formations qualifiantes, en particulier pour les jeunes. Cette protection du demandeur d'emploi est complémentaire à un travail que l'Etat doit faire au niveau de l'économie, en vue de créer des postes de travail diversifiés et des entreprises appartenant à divers secteurs économiques, pas seulement des secteurs de pointe mais aussi des secteurs pouvant intégrer des demandeurs d'emploi ayant des qualifications autres qu'universitaires, ou même sans qualification. Si le marché de l'emploi, l'assurance-chômage et son assurance-risques continuent à exclure encore autant de personnes qu'actuellement nous serons alors obligés de réfléchir à d'autres protections, à d'autres distributions que celles qui sont rattachées au travail, par exemple à un revenu universel inconditionnel, voire à d'autres possibilités. (Brouhaha.)

Comme cela a déjà été dit, ce projet de loi a été refusé car il a été estimé rapidement que son coût était de 150 millions... Mais, Mesdames et Messieurs les députés, nous en payons une partie ! Et la population en paie une partie, de ces 150 millions ! Et ce via l'aide sociale ! Actuellement, l'Hospice ne sait plus comment absorber, comment intégrer les personnes qui sont en demande d'assistance sociale ! On est en train d'exclure des gens non seulement à cause des indemnités moins longues, mais aussi parce qu'au niveau fédéral l'assurance- chômage a été révisée. On a exclu des centaines, voire des milliers de personnes qui ne peuvent plus prétendre à l'assurance-chômage fédérale parce qu'elles sont dans la précarité, parce qu'elles ont un travail qui ne leur permet pas d'avoir le nombre de jours pour toucher les indemnités. Et c'est là, pour les jeunes, la tragédie: ne pas entrer sur le marché du travail, ou n'y entrer que par des petits jobs, voire des stages, ne permet pas de toucher l'assurance-chômage, ne permet pas de continuer à se former et d'être intégrable dans le marché du travail. Cela concerne tout le monde, mais en particulier les jeunes. Et pas seulement les jeunes ayant fait des apprentissages ou n'ayant pas de formation, cela concerne aussi les jeunes universitaires, qui n'y arrivent pas parce qu'ils n'ont pas d'expérience, pour certains, ou parce qu'ils ont déjà des lacunes ou qu'ils ne sont plus à la pointe... (Brouhaha.) ...dans le secteur où il y a des demandes d'emploi. Notre système ne permet plus à ces jeunes d'entrer sur le marché du travail.

Donc, Mesdames et Messieurs, je crois qu'ici on ne devrait pas parler de millions, on ne devrait pas se demander si ça va être refusé par l'assurance-chômage fédérale; je crois qu'on doit se déterminer par rapport à une priorité, à Genève, qui est le soutien à l'insertion des personnes demandeuses d'emploi, quelles que soient les solutions, quelles que soient les manières, quels que soient les outils qu'on propose. Nous devons y réfléchir ! Ici nous avions un outil, c'était un projet de loi - un projet de loi est travaillable au niveau d'une commission, il peut être modulable, il peut être amendé, il peut aller dans le sens d'une réflexion pour ceux qui n'ont pas d'emploi sur Genève - et nous vous demandons à ce titre de l'accepter, voire, et ce sera peut-être proposé tout à l'heure, de le renvoyer en commission.

M. Florian Gander (MCG). Chers collègues, vous le savez, j'ai fait l'expérience du chômeur de longue durée, et je peux vous dire une chose: ce n'est pas facile à vivre. Que veut-on donner à nos jeunes: est-ce qu'on veut leur dire de faire des études ? de faire des métiers de pointe ? de sortir de l'Université et d'aller pointer au chômage ? Ils vont faire quoi ! Pointer au chômage ?! Et puis, au bout de quatorze indemnités - peut-être même moins - ils vont devoir quitter l'office cantonal de l'emploi pour se retrouver à l'Hospice général... Est-ce la belle perspective que l'on veut donner aux jeunes de ce canton, de se retrouver à l'Hospice général après avoir fait tant d'années d'étude ?! C'est tout simplement inadmissible ! Ce n'est peut-être pas la meilleure solution que de leur accorder plus d'indemnités de chômage, mais au moins cela leur permet d'éviter de se retrouver à l'Hospice général, ce qui, je vous le jure, est peut-être la chose la plus difficile à accepter pour une personne, qui doit demander de l'aide parce qu'elle ne peut pas subvenir à ses besoins !

Donc je vous le demande, chers collègues: qu'est-ce que vous voulez ? Est-ce que vous voulez continuer à mettre nos jeunes dans la précarité ?... Non ! Le MCG ne le veut pas non plus ! Alors, à défaut d'avoir d'autres solutions plus efficaces pour nos jeunes - je pense à la formation dans les secteurs où Genève a tant besoin de monde; je parle des infirmiers, je parle des nouvelles technologies - oui, nous devons former nos jeunes dans les branches professionnelles dans lesquelles nous avons besoin d'eux ! Et nous devons tout simplement, et cela nous le disons depuis assez longtemps, nous devons arrêter d'engager des personnes frontalières avec plus de compétences que nos jeunes qui sortent des études. Nous devons accorder du crédit à nos jeunes qui ont beaucoup travaillé, même s'ils n'ont pas l'expérience professionnelle - l'expérience se fait sur le terrain - et c'est en leur accordant cela que nous aurons moins de chômeurs et moins de personnes à l'Hospice général. Je pense que cela ne facilitera peut-être pas les statistiques de l'office cantonal de l'emploi, mais en tout cas cela améliorera considérablement les conditions de ces jeunes qui sont sans travail. Je vous remercie de soutenir ce projet de loi.

Des voix. Bravo !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne vais pas revenir sur ce que mon collègue a exprimé, compte tenu de son expérience personnelle qui est plus parlante que tout le reste, mais quand même, j'aimerais relever juste un ou deux points. Le MCG s'était abstenu lors du vote de l'entrée en matière sur ce projet de loi, mais aujourd'hui nous soutiendrons la proposition d'un retour en commission. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième concerne la loi fédérale. Il est toujours possible pour un canton de faire mieux ! Ce qui n'est pas possible, c'est de faire moins. On a beaucoup parlé des jeunes; on peut aussi parler des moins jeunes ! Parce que quand on a plus de 50 ans, alors qu'on est très actif, très entreprenant et en bonne forme, on fait déjà figure de très vieux... Alors quand on en a 55 ou 60, je ne vous dis pas ! Cela ne vaut même plus la peine de se présenter pour un quelconque emploi. Et le chômage des «seniors» - entre guillemets - existe ! Il est tout aussi répandu que le chômage des jeunes. Que se passe-t-il, à ce moment-là ? (Brouhaha.) C'est une déstructuration complète de la personnalité ! Ça ne fait pas vraiment rire !... Pour ceux qui ont 30 ou 40 ans aujourd'hui, vous êtes bien à l'aise, mais demain vous pouvez vous retrouver au chômage, et là vous regarderez plutôt vos chaussures que la couleur du ciel... Et ça c'est insupportable.

A l'office cantonal de l'emploi, des expériences sont faites; on forme des soignants en trois ou quatre semaines, en une centaine d'heures, pour accompagner des personnes au sein des EMS. Pourquoi fait-on cela ? Parce que c'est facile ! On a l'impression d'effectuer une formation qualifiante... Or elle n'est pas qualifiante. On ne se forme pas en 100 heures pour être un soignant compétent en EMS, avec la complexité des situations qu'on connaît aujourd'hui. Alors donnons véritablement la chance de travailler sur les formations qualifiantes... (Brouhaha.) ...et sur la durée de celles-ci, pour les jeunes, mais aussi pour les personnes de plus de 50 ans, et à ce moment-là on sera crédibles.

C'est vrai que le coût en question est probablement de 150 millions, mais pour les personnes, dans ce canton, qui vivent ces situations, c'est bien pire ! C'est pire, parce que ça entraîne la destruction, non seulement personnelle mais aussi de la famille et du groupe social dans lequel on est: on perd toute identité ! Et là, le coût pour la collectivité est de plus de 150 millions ! Donc nous sommes favorables à un retour en commission et nous soutiendrons le projet socialiste, en regrettant de ne pas, en commission, être entrés en matière.

Une voix. Bravo Marie-Thérèse !

Le président. Merci, Madame la députée. Vous demandez le renvoi en commission maintenant ? (Remarque.) Mais on va voir ! (Commentaires.) Dans quelle commission ?

Mme Marie-Thérèse Engelberts. A la commission de l'économie, c'est là que ce projet de loi avait été traité.

Le président. Très bien ! (Commentaires.) Sur le renvoi en commission, les deux rapporteurs peuvent s'exprimer, ainsi que Mme la conseillère d'Etat. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole - sur le renvoi !

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président - bien entendu, sur le renvoi ! Mesdames et Messieurs les députés, je crois que quand on regarde autour de soi aujourd'hui, à Genève, et qu'on constate au quotidien la précarité croissante d'une part importante de la population, que ce soient des jeunes ou des personnes âgées qui sont passés d'une période de chômage fédérale à une période d'assistance sociale et qui se retrouvent dénués de tout moyen au fil du temps, eh bien c'est très clair: nous ne pouvons pas accepter cela dans une société aussi riche et opulente que la nôtre, globablement ! Parce que le constat que nous pouvons faire tous les jours, c'est que les inégalités entre les uns et les autres s'accentuent ! Et ces inégalités ont pour effet de rompre le tissu social et d'augmenter la violence latente de nos sociétés. Nous en subissons toutes et tous les conséquences ! Faut-il mettre plus de policiers ? Faut-il faire plus de répression quand, évidemment, une part des réponses se trouve dans la création d'emplois - de richesse - pour les personnes qui sont au chômage, et non pas dans la répression de leur pauvreté ? Car c'est bien à cela que nous assistons aujourd'hui avec le démantèlement de la loi fédérale sur le chômage et le démantèlement des lois cantonales en matière d'assistance.

Les socialistes regrettent qu'en commission de l'économie ce projet de loi n'ait pas été étudié sérieusement... (Brouhaha.) ...à partir du moment où M. le conseiller d'Etat Longchamp est venu donner un chiffre, qu'il n'a même pas étayé ! Nous n'avons pas reçu de notes écrites pour expliquer comment ce chiffre a été calculé...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...et une majorité de la commission a même refusé qu'une note écrite nous soit communiquée pour le justifier - une majorité PLR-PDC, toujours les mêmes - et c'est véritablement scandaleux. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite, au nom des chômeuses et des chômeurs genevois, à renvoyer ce projet de loi en commission, pour une étude sérieuse - et en commission de l'économie ! (Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Je ne peux évidemment pas laisser dire que la commission n'a pas fait son travail sérieusement. (Brouhaha.) Nous avons consacré un nombre incalculable de séances à étudier cette problématique dans son ensemble, sous toutes ses facettes. Le PL 10815 a fait partie de l'étude approfondie qui a été menée, de nombreux auditionnés ont été entendus à ce sujet... (Commentaires.) ...et ce qui m'a frappé dans les interventions de mes préopinants, c'est que personne n'est revenu sur l'avis d'experts reconnus, selon lesquels rallonger la période d'indemnisation était une méthode non seulement coûteuse, mais aussi contreproductive car elle avait pour effet de prolonger la durée du chômage, et que ce prolongement était le pire ennemi de la réinsertion professionnelle. D'ailleurs le professeur Flückiger a justement relevé que le projet de loi 10815 n'apportait aucune réponse en matière de réinsertion professionnelle - qui était la clé du succès - de même qu'il fallait précisément réduire au minimum la durée de chômage et que les mesures devaient être prises tout de suite. C'est précisément ce que fait l'OCE avec efficacité, grâce à une réforme profonde qui a pour mission principale de réduire les temps de traitement des dossiers ainsi que les temps d'accompagnement.

Le conseiller d'Etat François Longchamp ainsi que Mme Rochat à sa suite ont très à coeur, justement, que les mesures soient prises immédiatement, et non pas que des délais de plusieurs mois soient nécessaires. Ce projet de loi est donc non seulement coûteux mais aussi contre-productif, selon l'avis des experts les plus reconnus, et puisque le travail a déjà été fait de manière sérieuse et approfondie, je vous propose de ne pas renvoyer le projet de loi en commission. Je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je donne la parole à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, très brièvement et uniquement sur le renvoi en commission: laissez-moi vous donner deux chiffres, qui ne sont pas une rumeur ou un bout de doigt levé par le Conseil d'Etat, mais deux chiffres qui parleront d'eux-mêmes et qui attesteront qu'un renvoi en commission de l'économie ne serait pas judicieux, cette dernière ayant traité cet objet avec le plus grand sérieux.

Deux chiffres, Mesdames et Messieurs, sur la durée du chômage - je reprends ce qui a été dit s'agissant des propos du professeur Flückiger. La plus grande stigmatisation que l'on peut faire, c'est vraiment la durée du chômage; je vous donne donc deux chiffres relatifs à cette durée, chiffres qui attestent de l'efficacité des moyens mis à disposition - sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir un peu plus tard. Durée du chômage: en 2010, 329 jours; en décembre 2012, 186 jours.

Maintenant, un deuxième chiffre - encore une fois, ce n'est pas une rumeur, c'est attesté: la proportion de chômeurs pendant plus d'un an a passé de 35% en 2010 à 19% en décembre 2012. Voilà deux chiffres qui attestent de l'efficacité des mesures qui ont été mises en place, ce ne sont pas des rumeurs ! (Brouhaha.) Ne renvoyons pas ce projet à la commission de l'économie, concentrons-nous sur l'essentiel, qui est effectivement d'instaurer les meilleures mesures pour nos chômeurs, jeunes et moins jeunes ! Merci en tout cas de ne pas renvoyer ce projet à la commission de l'économie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vais vous...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Est-il soutenu ? (De nombreuses mains se lèvent.) Oui, largement. Très largement !

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10815 à la commission de l'économie est rejeté par 49 non contre 27 oui et 3 abstentions.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'interromps maintenant ce débat, que nous reprendrons demain.

Fin du débat: Session 05 (février 2013) - Séance 25 du 22.02.2013