République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1822-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre la fermeture de l'agence CFF place Longemalle
Rapport de majorité de M. Ivan Slatkine (L)
Rapport de minorité de M. Pascal Spuhler (MCG)

Débat

Le président. Nous passons maintenant au point 32 de l'ordre du jour. Catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition contre la fermeture de l'agence CFF place Longemalle, déposée par le syndicat du personnel des transports, a été étudiée attentivement par la commission des pétitions. Lors de l'audition des pétitionnaires, on a appris que ce n'était pas les clients qui venaient déposer une pétition, mais bien le syndicat des employés. Suite à cela nous avons auditionnés les CFF, et les CFF nous ont expliqué que le bail avait été rompu par le propriétaire, qu'ils avaient cherché à négocier en conciliation et qu'ils s'étaient mis d'accord pour que cette agence soit fermée mi-2013.

La pétition demande aux CFF de rechercher une solution pour que les habitants de la rive gauche puissent continuer à bénéficier d'un service public sous la forme d'une agence de vente de billets et de de voyages dans le périmètre de Rive. Mais avant de prendre leur décision, les CFF ont sondé les clients de cette agence et une grande majorité de ces derniers a déclaré ne pas avoir de problème avec la fermeture. Cela étant, les membres de la commission des pétitions ont été sensibles au fait qu'en fermant cette agence il n'y aurait plus d'agence CFF sur la rive gauche pendant un certain temps. Maintenant, on nous a quand même clairement expliqué que dans les futures gares CEVA on trouverait des guichets pour pouvoir acheter des billets. Et puis force est de constater aussi que les habitudes des clients ont changé, la grande majorité des clients CFF achète ses billets de train via le site internet des CFF, qui est très efficace et qui fonctionne très bien, et compte tenu de l'ensemble des explications qui nous ont été fournies, nous avons estimé à une très large majorité que cette pétition devait être déposée sur le bureau du Grand Conseil. D'abord car le Conseil d'Etat ce n'est pas les CFF, donc on invite les pétitionnaires à renvoyer leur pétition aux CFF, ce sera plus efficace, et ensuite parce que toutes les explications fournies par les CFF nous ont démontré qu'ils avaient consulté leurs clients, qu'ils allaient replacer les postes supprimés à la place Longemalle dans d'autres agences CFF, que ce soit la gare Cornavin ou Balexert, et qu'il n'y avait pas de raison ou de motif suffisant pour renvoyer une telle pétition au Conseil d'Etat. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande de suivre les conclusions de la majorité de la commission et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, tout en relevant, comme l'a fait le groupe Vert, que ce n'est pas donner un blanc-seing aux CFF pour leur permettre de faire n'importe quoi. Simplement les explications fournies étaient convaincantes dans ce cas-là. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission des pétitions déplore que nous ne jugions pas nécessaire de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, si cette pétition a été initiée par le personnel, elle a été également grandement soutenue par la clientèle. Cette agence de la place Longemalle est quand même d'une grande importance, non seulement pour les habitants mais également pour beaucoup de commerces, qui passent par cette agence pour avoir des renseignements, pour prendre des billets ou organiser des voyages avec les CFF. Cette agence est un service public, et en tant que service public il me semble qu'il doit être équilibré et non pas se situer seulement sur la rive droite ou être disponible via internet. Et c'est bien le reproche qu'on peut faire dans cette affaire, c'est que maintenant nous n'avons plus que trois agences sur la rive droite, soit la gare Cornavin, Balexert et l'aéroport, et plus rien sur la rive gauche, qui est aussi importante que la rive droite me semble-t-il. La clientèle qui a été habituée à fréquenter cette agence se retrouve donc obligée soit de passer par internet soit de traverser toute la ville. (Brouhaha.) On nous a bien dit que les CFF envisageaient éventuellement de créer une agence sur la rive gauche, dans la future gare du CEVA aux Eaux-Vives, mais c'est encore loin d'être réalisé et pour le moment la clientèle doit trouver des autres solutions. Donc nous estimons que, dans cette affaire, les CFF n'ont pas fait d'efforts pour pouvoir rendre un service efficace à la population vivant sur la rive gauche. Nous pensons qu'ils auraient pu soit demander des prolongations de bail jusqu'à ce que la réalisation de la gare des CFF Eaux-Vives soit terminée soit trouver une autre arcade provisoire en attendant cette réalisation. Par conséquent, nous estimons que le Conseil d'Etat peut tout à fait intervenir auprès des CFF afin de trouver une solution ne serait-ce que temporaire, en attendant que la gare des CFF aux Eaux-Vives soit terminée... (Brouhaha.) ...pour répondre à la clientèle de la rive gauche. Nous vous demandons donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin qu'il fasse le nécessaire auprès des CFF.

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien acceptera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil pour toutes les raisons qui ont été exposées par le rapporteur de majorité, M. Slatkine, mais aussi pour deux autres raisons. La première c'est que contrairement à ce que vous dites, Monsieur le rapporteur de minorité, moi je lis dans le rapport qu'il y a eu une signature pour cette pétition, et apparemment pas des centaines. C'est marqué une signature, pas des centaines de signatures.

La seconde raison c'est que j'ai eu l'occasion d'utiliser de temps en temps les services de la place Longemalle, et j'ai toujours constaté, chaque fois que j'y ai été, qu'il y avait une queue absolument énorme et qu'il fallait toujours beaucoup attendre, alors que le service qui a été mis au point à la gare Cornavin marche à la perfection. Là-bas il y a énormément de monde mais il n'y a quasiment pas d'attente, et personnellement je préfère, comme client des CFF, comme usager régulier des CFF, pouvoir me rendre dans un centre qui fonctionne très bien et où il n'y a pas de queue, plutôt que d'aller à Longemalle et goger pendant une heure et quart en attendant qu'on me serve. Donc, pour ces raisons-là, je préfère encore la solution qui a été proposée par les CFF. Et si à l'occasion de la mise en oeuvre et de l'ouverture du CEVA une agence peut être effectivement ouverte à la gare des Eaux-Vives pourquoi pas. On verra à ce moment-là, mais je ne vois pas la nécessité, l'urgence de rouvrir une agence du côté de Longemalle. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien, bravo.

Mme Mathilde Chaix (L). Mesdames et Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité nous l'a dit, nous sommes chargés de statuer sur une pétition initiée par des employés des CFF, qui se sont eux-mêmes chargés de recueillir les signatures des clients, à destination des CFF eux-mêmes. Le bail de l'agence Longemalle est résilié, les CFF ont décidé, pour des raisons de manque de rentabilité de l'agence, de la fermer définitivement. Soit. Il serait confortable pour chacun d'entre nous d'avoir en bas de chez soi une agence CFF au cas où. Mais de grâce, Mesdames et Messieurs les députés, ne soyons pas des enfants gâtés... (Brouhaha.) ...et surtout n'infantilisons pas, ne victimisons pas les citoyens. A ce jour, quatre bus traversent la Rade plusieurs fois par heure en direction de la gare Cornavin à partir de l'arrêt «Métropole», c'est-à-dire à partir de la place Longemalle. En cinq minutes on est à la gare. Les clients de l'agence Longemalle pourront donc facilement s'y rendre pour organiser leurs voyages, ou encore pourront utiliser internet, le téléphone ou les futures gares CEVA. Mesdames et Messieurs les députés, demander au Conseil d'Etat de maîtriser le budget, c'est aussi lui permettre de se concentrer sur ses missions et tâches principales et lui éviter de se disperser sur des sujets qui ne relèvent pas directement de sa compétence. Cette pétition est adressée aux CFF, cette pétition porte sur une problématique de gestion d'entreprise, et le problème soulevé n'est vraiment pas majeur pour la population genevoise. Ce n'est donc pas au Conseil d'Etat de se charger d'interpeller les CFF à ce sujet. Déposons donc cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Une voix. Très bien.

M. Jean Romain (R). Chers collègues, très rapidement. Il y a aujourd'hui tellement d'autres possibilités d'obtenir un billet CFF, via les moyens informatiques par exemple, qu'il n'est pas nécessaire de maintenir cette agence à tout prix. Cela d'autant qu'on l'a déjà dit, je le répète quand même, à Cornavin c'est assez simple, assez facile et assez expéditif de se procurer un billet. Mais on a eu le sentiment, en écoutant la seule pétitionnaire, qu'au fond c'était quelque chose qui la dérangeait elle, beaucoup plus que les employés eux-mêmes, beaucoup plus que les usagers. Alors de mon point de vue, s'il faut aider les gens, s'il faut se mettre de leur côté pour leur faciliter le travail et diminuer leur déplacement, d'accord, mais là ça a fait perdre une grande partie de sa crédibilité à une pétition qui n'a pas grand fondement. D'où le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, ce qu'a proposé le rapporteur de majorité et ce que le groupe radical va soutenir.

M. Stéphane Florey (UDC). Cette pétition initiée par les syndicats et le personnel des CFF est clairement une pétition de confort, puisque les quelques employés qui travaillent dans cette agence - ils sont de mémoire quatre ou cinq - ont un horaire un peu spécial vu que les heures d'ouverture sont moindres qu'à la gare des CFF. Ils ont, d'après le responsable des CFF que nous avons auditionné, environ 160 clients en moyenne par jour, ce qui d'après lui n'est pas très élevé. C'est pour ça que je le redis, oui il s'agit d'une pétition de confort pour le personnel. C'est clair qu'ils travaillent dans un environnement sympathique, petite équipe, horaire pas trop contraignant, pas trop de clients, et, du fait de la fermeture de l'agence, ils vont devoir - et c'est peut-être malheureux pour eux - réorganiser leur temps de travail. C'est-à-dire que travailler - et on nous l'a expliqué - travailler à la gare Cornavin... (Brouhaha.) ...ça implique d'autres horaires, peut-être un peu moins agréables que ceux qu'ils avaient jusqu'à présent.

En plus de ça, il n'y a fort heureusement aucun licenciement. Ce sont juste quelques employés qui sont déplacés mais qui par chance conservent leur emploi. C'est pour ces raisons, et aussi parce que les CFF, comme toutes les entreprises, font des économies quand ils en ont l'occasion, que nous soutenons le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bernhard Riedweg, à qui il reste 45 secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président, c'est largement suffisant. (Brouhaha.) Cette agence est très diversifiée: elle vend des billets de train, des arrangements de voyage, fait des opérations de change, donne des renseignements, et malgré cela les CFF ferment cette agence. Elle n'est pas rentable; le loyer est élevé à cet emplacement et les frais généraux ne sont pas couverts alors que le chiffre d'affaire est de 8.9 millions pour huit collaborateurs. (Brouhaha.) Les CFF veulent que la clientèle utilise des automates ou commande ses billets par internet. Ce n'est pas au Grand Conseil de s'immiscer dans les affaires des CFF; les CFF sont une régie publique fédérale et pas cantonale. S'ils ont décidé de fermer cette agence, c'est qu'ils ont analysé la situation en matière financière, tout en tenant compte de l'impact en matière d'image de cette fermeture. Nous sommes aussi pour le dépôt de cette pétition.

Mme Catherine Baud (Ve). J'aimerais juste rectifier une inexactitude: ce ne sont pas les CFF qui ont décidé de fermer, c'est le propriétaire qui a donné congé aux CFF, qui de ce fait, après avoir négocié, ont fini effectivement par partir pour des raisons économiques. Donc cette pétition ne concerne pas le Conseil d'Etat, et il y a lieu de la classer. En revanche, j'aimerais quand même faire une petite remarque sur le phénomène plus général... (Le micro de la députée siffle.) Ça sonne bizarrement, là.

Le président. Qu'est-ce qui se passe ?

Mme Catherine Baud. Ça siffle !

Le président. Ça siffle ? Eh bien poursuivez, on verra si ça continue. (Commentaires.)

Mme Catherine Baud. Oui, cette pétition pose un problème plus large, un problème qui est celui de la dénonciation des baux commerciaux et de la relocation à des banques ou des commerces internationaux, comme ça va être le cas à la place Longemalle. Et il est vrai que l'on s'aperçoit que le centre-ville, qu'il s'agisse des rues Basses, de la rue du Rhône, du Molard, est de plus en plus colonisé par ces types de commerces au détriment des commerces locaux et des services qui sont agréables pour les habitants de Genève. En même temps les loyers prennent l'ascenseur, et on peut simplement s'interroger et se demander si c'est bien raisonnable. Alors c'est vrai qu'en l'espèce nous n'avons aucune compétence pour agir, mais néanmoins je tenais quand même à faire cette remarque.

Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est sûr et certain, cette pétition est mal adressée; elle s'adresse aux CFF et on demande le renvoi au Conseil d'Etat. Donc il faut effectivement déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Par contre, cette pétition reflète un souci qui est bien réel. Et ce souci est partagé par de nombreuses personnes qui ont signé, indépendamment du fait que cette pétition ait été initiée par des syndicats ou non. Il y a d'un côté les gens qui habitent la rive gauche, qui aimeraient bien prendre le train, qui doivent déjà maintenant changer une fois de transport pour s'y rendre, et si au surplus ils ont l'idée complètement saugrenue de peut-être traverser une frontière, aucun automate n'est capable de bien les renseigner. C'est là qu'il faut une personne derrière un guichet, qui connaisse a) toute la complexité tarifaire - si vous voyagez seul, si vous voyagez en groupe, si vous voyagez en famille, etc. - et b) qui connaisse tout à fait les lignes et qui puisse vous donner un horaire. Et je peux vous citer trois ou quatre villes, par exemple en Allemagne, que je vous mets au défi de trouver avec les automates.

En ce qui nous concerne, il y a encore un souci d'ordre public avec les automates. Je comprends bien la logique commerciale qui est derrière cela: on va dire que c'est pour les jeunes et qu'on est tous habitués aux automates. Mais imaginez la mère de famille qui arrive avec son pousse-pousse et sa carte de crédit, et qui veut chercher son itinéraire grâce à un automate. Elle est une victime vraiment tout désignée pour des vols à la tire et autres actes délictueux. (Brouhaha.) Donc je pense qu'il faut veiller, comme l'a dit d'ailleurs M. le rapporteur de majorité, à ne pas donner un blanc-seing aux CFF, ce qu'ils vont faire à la gare CEVA. Je pense effectivement que cette agence place Longemalle est morte de sa belle mort, mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas ressusciter des véritables guichets avec des personnes derrières. Je me suis renseignée auprès des CFF, et j'ai entendu qu'à la gare CEVA on aurait des automates. Je pense que là il faut être attentifs, et je voulais juste encore dire une autre chose... (Brouhaha.) ...c'est que c'est véritablement un service public qu'on doit attendre des CFF et pas seulement la logique d'une entreprise commerciale. Mais je ne vais pas contrecarrer ce qui a été décidé à la commission et donc on va demander le dépôt. Merci pour votre attention. (Applaudissements.)

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. D'abord, plusieurs points que j'aimerais relever. M. Mettan nous a dit que cette pétition était signée par une personne. Ce n'est pas vrai, il le sait pertinemment puisqu'il y avait une liste de plusieurs centaines de personnes qui était annexée à cette pétition, et ça a été dit. De plus, j'aimerais quand même souligner que même si la pétition était signée par une seule personne, elle serait tout à fait valable.

Quant aux propos de Mme Chaix qui nous dit que c'est facile de traverser la ville et d'aller à la gare en cinq minutes, j'aimerais savoir comment elle fait depuis Chêne-Bourg, depuis Thônex, Carouge ou d'autres régions de la rive gauche pour s'y rendre en cinq minutes. Je lui souhaite bon courage !

Enfin, j'entends dire qu'il ne faut pas s'immiscer dans les affaires des CFF. Les CFF c'est quand même une régie publique d'Etat, de la Confédération soit, mais Genève y participe quand même, et quand j'entends les socialistes qui hier voulaient que l'on s'immisce dans les affaires de l'Etat russe, je ne comprends pas qu'aujourd'hui ils ne veuillent pas le faire pour l'Etat suisse et les CFF. Donc je m'étonne un peu du manque de soutien, finalement, pour une entreprise de service public, pour une entreprise d'utilité publique, à toute une population vivant sur la rive gauche qui aujourd'hui doit traverser toute la ville et aller sur la rive droite pour valider des tickets, rechercher des itinéraires ou je ne sais quoi encore. Finalement vous vous foutez un petit peu de la gueule du monde puisque vous vous satisfaites d'un confort que les CFF vous imposent sans chercher midi à quatorze heure. Moi je pense que cette pétition mérite tout à fait notre intérêt et qu'il faut la renvoyer au Conseil d'Etat. Et je vous prie de bien vouloir soutenir cette demande.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter la proposition de la majorité de la commission, c'est-à-dire le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1822 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 56 oui contre 6 non et 1 abstention.