République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9931-B
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au point 14 de notre ordre du jour.

M. Didier Bonny (PDC), rapporteur de majorité. Je rappelle tout d'abord que, dans l'attente du vote par la population genevoise du projet de loi constitutionnelle - le PL 10013 - sur l'introduction du vote électronique, le PL 9931 qui nous occupe ce matin avait été renvoyé par le Grand Conseil à la commission des droits politiques. Cette dernière l'avait adopté le 9 mai 2007, à une courte majorité. La population genevoise ayant voté à 70% en faveur de cette introduction le 8 février dernier, la commission des droits politiques a pu reprendre ses travaux afin de modifier la loi régissant les droits politiques en conséquence. Il est à noter que ces deux projets de lois avaient, entre le 20 décembre 2006 et le 9 mai 2007, fait l'objet de quinze séances de commission. C'est la raison pour laquelle le projet de loi 9931 a été traité en une seule séance à l'occasion de son deuxième passage en commission. Les propos de la rapporteure de minorité alléguant que ce projet de loi a été traité par la commission «par-dessus la jambe» sont donc tout à fait inappropriés !

Je rappelle ensuite que les objectifs de ce projet de loi sont, d'une part, la mise en place d'une commission électorale centrale permanente en remplacement des contrôleurs nommés par le Conseil d'Etat et, d'autre part, l'introduction du vote par internet. Si le premier objectif de cette loi - la commission électorale - n'a guère suscité de débat, il n'en a pas été de même pour le vote électronique, qui est un moyen de vote complémentaire limité aux votations.

Le système du vote par internet est strictement séparé des autres systèmes de l'administration. Le bien-fondé de cette manière de faire a été confirmé lors du dernier test d'intrusion. Le système subit une batterie de tests avant chaque scrutin, qui aboutit à une certification interne. Le système est ensuite figé pour la durée de l'opération. Les tests d'intrusion sont effectués par des tiers, car il est nécessaire de se mettre en situation, notamment en cas d'attaque soudaine ignorée par le CTI. Le premier amendement de la minorité visant à ajouter «notamment au moyen de tests d'intrusion effectués par des tiers» est donc parfaitement inutile !

Le système est également audité régulièrement au moins une fois tous les trois ans. La minorité souhaiterait que ce délai soit ramené à deux ans mais, comme cela a été relevé en commission, la société Ilion, lors de son audition, avait préconisé une période de trois ans, car elle correspond à ce qui se fait en matière de certification et qu'il faut trois ans pour pouvoir analyser les résultats. Le deuxième amendement de la minorité doit donc, lui aussi, être rejeté !

En conclusion, si le risque zéro n'existe pas, force est de constater que, pour la très grande majorité de la commission - seule la rapporteure de minorité s'est opposée lors du vote final - les garanties qui ont été données sont largement suffisantes. C'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom de cette majorité, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi tel que voté par la commission des droits politiques.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Vous l'avez compris, il ne s'agit pas ici de refaire le débat de fond sur le vote électronique: nous en avons déjà longuement débattu. C'était il y a une année exactement, lors de la session supplémentaire du mois d'août 2008.

Le 8 février dernier, la population s'est prononcée, à une large majorité, en faveur du vote électronique. Cela dit, il convient de noter la procédure pour le moins étrange qui a été suivie au sein de notre parlement. En août 2008 - il y a donc une année - la majorité de notre hémicycle décidait de renvoyer le bébé au peuple, à savoir d'adopter une loi constitutionnelle autorisant le vote électronique, le but étant que la population se prononce sur le principe.

Le projet de loi 9931 avait alors été renvoyé en commission, chacun des intervenants spécifiant bien qu'il serait réétudié après le vote populaire, une fois que la population se serait prononcée sur le principe, afin d'avoir une loi d'application qui corresponde à tous les critères de sécurité. Or, en février dernier, la commission des droits politiques, dont la composition avait pourtant fortement changé depuis les premiers travaux sur le vote par internet, a traité en une seule séance, quasiment sans questions ni débat, ce projet de loi !

Les Verts ont proposé deux amendements visant à améliorer la sécurité. Je vais vous les présenter maintenant pour éviter d'avoir à intervenir à nouveau en deuxième débat.

Le premier vise à ajouter dans la loi: «notamment au moyen de tests d'intrusion effectués par des tiers». Il est vrai, comme l'a précisé le rapporteur de majorité, que cela correspond à la pratique actuelle. Cela dit, accepter cet amendement permettrait de fixer dans la loi le fait que le CTI n'est pas seul responsable des tests de sécurité, et l'intervention de tiers garantirait une certaine indépendance dans le contrôle du système.

Quant au second amendement, il ramène la durée entre deux audits de trois à deux ans, ce qui nous paraîtrait plus judicieux. Certes, Ilion nous avait dit qu'en général les audits s'effectuent tous les trois ans mais, à notre avis, dans le cadre du vote électronique qui est une étape importante du processus démocratique, il serait important d'être plus strict que pour le reste des opérations informatiques de l'Etat.

En outre, ces amendements auraient entre autres le mérite de rassurer les citoyens qui sont inquiets et méfiants vis-à-vis du nouveau système de vote électronique. Le représentant de la chancellerie, M. Warynski, avait d'ailleurs indiqué, lors de la séance de commission, que ces amendements ne posaient aucun problème à la chancellerie. Malgré cela, ils ont été balayés par des commissaires pressés, visiblement peu soucieux de se pencher sur la sécurité du processus démocratique, malgré un rapport peu rassurant de la même société Ilion, que nous avions reçu fin 2008.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons d'accepter ces amendements pour montrer votre attachement à un exercice aussi sûr que possible de la démocratie !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Gautier... Pardon, à Mme Gautier !

Mme Fabienne Gautier (L). Je vous remercie, Monsieur le président. Ce n'est pas la première fois que vous me confondez avec M. Gautier, mais je suis bien Mme Fabienne Gautier !

Le président. Je suis désolé, Madame: j'ai mal regardé ! (Commentaires.)

Mme Fabienne Gautier. Mesdames et Messieurs les députés, en février 2009, les citoyennes et citoyens de ce canton se sont prononcés à une large majorité... En effet, comme cela a été dit, plus de 70% de la population genevoise a accepté l'introduction du vote électronique et son inscription dans la constitution genevoise. Le peuple genevois, lui, ne craint pas, comme certains députés de cette assemblée, l'insécurité des résultats, le piratage ou le «phishing» - pour utiliser un terme du jargon informatique. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) D'autres cantons ne craignent pas non plus le vote par internet car, oui, Mesdames et Messieurs les députés, ils font confiance au système du vote électronique mis en place par Genève: ils s'y intéressent et songent à l'introduire dans leur propre canton !

A mon grand plaisir, je constate que Mme le rapporteur de minorité, Emilie Flamand, suite au vote plébiscité par la population genevoise, revient à de meilleurs sentiments, puisqu'elle propose des amendements - ils figurent dans le rapport de minorité - pour pouvoir accepter ce projet de loi. Mais, comme l'a indiqué le rapporteur de majorité, M. Didier Bonny, tous les contrôles sont déjà prévus dans le projet de loi tel qu'il est présenté aujourd'hui. La commission des droits politiques n'a donc pas jugé nécessaire de les améliorer, dans la mesure où elle a encore reçu des informations qui l'ont convaincue que toutes les mesures nécessaires en matière de sécurité seraient prises pour pouvoir introduire définitivement le vote électronique dans notre système de vote.

En fait, il reste à l'assemblée ici présente à accepter le PL 9931, qui est un excellent projet de loi, pour avancer dans le sens de la modernité que représente le vote par internet. Et je suis certaine que le vote électronique est un moyen d'améliorer la participation démocratique et qu'il facilitera - cela ne fait aucun doute - le vote des Suisses à l'étranger. C'est pour cela que je vous recommanderai de voter le projet de loi 9931 tel qu'il vous est présenté aujourd'hui.

Le président. Merci, Madame la députée Fabienne Gautier ! La parole est à M. Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (R). Il faut relever deux faits par rapport à ce projet de loi. Le premier - il a été évoqué par plusieurs députés - c'est le oui cinglant des Genevois: 70% d'entre eux souhaitent pouvoir voter par internet.

Le deuxième, c'est que, au fil des tests qui ont été effectués dans les communes, des sondages ont été réalisés auprès des personnes qui ont utilisé le vote par internet. Et il faut savoir que pratiquement toutes ces personnes se sont déclarées enchantées par ce procédé. Je pense donc qu'il faut aller de l'avant ! Les Genevois veulent le vote par internet !

Et puis je rappellerai que l'article constitutionnel que nous avons voté il y a quelques mois permet au Conseil d'Etat, si par malheur des hackers devenaient trop puissants et parvenaient à entrer dans le système, de délaisser, la veille d'un scrutin, la possibilité de voter par internet. Tout a été prévu, tant dans l'article constitutionnel que dans le projet de loi issu de la commission des droits politiques, et je pense qu'il serait inutile d'entrer en matière sur des micro-amendements déplaçant quelques virgules de ce projet de loi qui, je le répète, a été bien rédigé ! Le groupe radical vous invite par conséquent à l'accepter sans le modifier.

M. Régis de Battista (S). Le parti socialiste salue la venue de cet outil informatique, le vote électronique, qui va favoriser les débats démocratiques dans notre république. Le résultat - cela a déjà été dit: 70% de la population a voté pour - montre que ce nouveau moyen est nécessaire. Il représente également un espoir dans la lutte contre l'abstentionnisme, qui est malheureusement toujours grandissant. Il faut vraiment avoir à coeur de résoudre ce problème, afin que les débats démocratiques se fassent au mieux avec la société civile.

Les débats à la commission des droits politiques se sont particulièrement bien déroulés, et le parti socialiste vous recommande d'accepter ce projet de loi comme l'a fait la majorité de la commission.

Je ne vais pas parler des amendements présentés par le parti des Verts, car il s'agit effectivement d'amendements cosmétiques... Je le dis en toute amitié !

En conclusion, le parti socialiste vous recommande d'accepter ce projet de loi.

M. Philippe Guénat (UDC). L'UDC a déjà eu l'occasion de s'exprimer longuement sur ce projet de loi, lorsque nous avons traité le PL 10013.

Je tiens juste à rappeler aujourd'hui que, pour nous, UDC, le principe du vote par internet est fort utile, spécialement pour la cinquième Suisse, c'est-à-dire pour les Suisses de l'étranger, qui ont trop peu souvent le temps d'effectuer leur vote, cela pour des problèmes législatifs.

Malheureusement, nous ne pensons pas que cette nouvelle possibilité de vote mise à la disposition de la population engendrera un engouement débordant, comme certains le prévoient, et qu'elle incitera les nombreuses personnes qui ne votaient pas hier à voter aujourd'hui. Nous avons en effet remarqué que les personnes qui votaient par correspondance sont les mêmes qui votent par internet, et que celles qui ne votaient jamais n'ont toujours pas voté par internet !

Par ailleurs, nous avons toujours émis de sérieux doutes concernant la fiabilité du système proposé, et ces doutes ne sont pas le fruit de purs préjugés idéologiques. Ils sont basés sur des malaises apparus durant les auditions concernant le système de sécurité.

Pourquoi sommes-nous si pointilleux, à l'UDC, sur la sécurité du vote électronique ? Vous savez bien que nous, UDC, sommes les précurseurs de la sécurité ! (Rires.) Merci de le reconnaître ! Nous savons qu'il n'y a aucun risque pour une votation dont l'enjeu serait communal ou cantonal, car elle n'intéresserait pas les vrais hackers au service d'une nation tierce. En revanche, il n'en serait pas de même si notre pays - je parle d'un vote national - devait se prononcer sur la question de son adhésion à l'OTAN ou à l'Europe telle qu'on la connaît maintenant ! Je vous rappelle que les Lituaniens en ont fait récemment la terrible expérience, et pourtant l'enjeu ne portait que sur la relocation d'un monument aux morts vieux de soixante ans !

Alors, c'est vrai, comme l'ont dit plusieurs de mes collègues, le peuple genevois a voté massivement en faveur de l'introduction du vote électronique. Il l'a accepté, mais il ne nous a pas donné pour autant un blanc-seing pour faire n'importe quoi ! Et nous, à l'UDC, nous tenons à tirer la sonnette d'alarme quant à la sécurité de sa mise à jour. En effet, nous ne pouvons pas accepter que seul le CTI soit habilité à tester le système, qui plus est à des intervalles bien trop longs - trois ans - comme cela est indiqué dans ce projet de loi ! D'autant que nous savons très bien que tous les six mois de nouvelles technologies voient le jour, qui pourraient changer l'accès de sécurité de ce système !

C'est la raison pour laquelle nous demandons - je vais terminer, Monsieur le président, votre regard est explicite... - que des tests d'intrusion soient également effectués par des sociétés tierces et que les audits soient prévus au moins tous les deux ans - et non pas trois ans ! Si ces propositions devaient être adoptées, nous, députés de l'UDC, soutiendrions ce projet de loi. Si tel n'est pas le cas, nous le refuserons... Pour l'instant !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Dans le discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat s'était engagé à innover en matière administrative et d'organisation de l'Etat.

Ce projet de loi a été déposé au tout début de la législature. Il a fait l'objet d'examens attentifs par votre commission et votre Grand Conseil. Puis, dans un souci démocratique, compte tenu de l'importance du sujet, vous avez rédigé une disposition constitutionnelle, qui a permis au peuple de se prononcer.

Nous sommes par conséquent maintenant dans la phase d'exécution de la volonté populaire. Il s'agit, comme vous le savez, de renforcer l'éventail des possibilités qui permettent aux citoyennes et citoyens de s'exprimer et, ainsi, de favoriser la participation la plus élevée possible aux opérations électorales.

Il va de soi que la sécurité est un souci prioritaire dans ce dossier. Nous ne pouvons pas nous permettre qu'il y ait des intrusions dans ce système, et les dispositifs votés par votre commission et repris dans le rapport de majorité sont parfaitement adéquats.

A ce propos, je vous signale qu'un certain nombre de cantons ont d'ores et déjà déclaré leur souhait de profiter du système genevois, et des accords ont été conclus avec certains d'entre eux. Cela prouve le succès et le dynamisme de l'administration genevoise, qui a réussi, pendant cette phase test autorisée par la Confédération, à mettre au point un système de qualité.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de voter le texte tel qu'il est issu des travaux de votre commission et tel qu'excellemment rapporté par le rapporteur de majorité.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la prise en considération du projet de loi 9931.

Mis aux voix, le projet de loi 9931 est adopté en premier débat par 41 oui contre 5 non et 12 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 39 (nouvelle teneur) à 57 (nouvelle teneur).

Le président. A l'article 60, nous sommes saisis de deux amendements proposés par la minorité. Le premier consiste à ajouter à l'antépénultième phrase de l'alinéa 6: «notamment au moyen de tests d'intrusion effectués par des tiers».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 33 non contre 25 oui et 4 abstentions.

Le président. Je vous soumets maintenant le deuxième amendement proposé par la minorité à l'article 60. Il s'agit de remplacer, à l'avant-dernière phrase de l'alinéa 6, «trois ans» par «deux ans».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 37 non contre 26 oui.

Mis aux voix, l'article 60 (nouvelle teneur, avec modification de la note) est adopté, de même que les articles 61 (nouvelle teneur, avec modification de la note) à 192 (nouvelle teneur).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 9931 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9931 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 8 non et 15 abstentions.

Loi 9931