République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1729-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Christian Bavarel, Michèle Ducret, Beatriz de Candolle, Maurice Clairet, Eric Bertinat, Christian Brunier, Virginie Keller Lopez, Jean Rossiaud, Lydia Schneider Hausser, Ariane Wisard-Blum, Renaud Gautier, Catherine Baud, Laurence Fehlmann Rielle, Henry Rappaz, Eric Stauffer, Thierry Cerutti, Roger Golay, Sandra Borgeaud pour une prise en charge adéquate des personnes en situation de handicap mental présentant des troubles importants du comportement

Débat

M. Christophe Berdat (L), rapporteur. Sur la forme tout d'abord, les personnes qui ont lu mon rapport auront noté qu'à la page 8, à l'avant-dernière ligne, il ne s'agit pas du DES, mais du DSE, le département de la solidarité et de l'emploi. Merci à ma collègue Anne Emery-Torracinta de me l'avoir signalé.

Concernant le fond, j'aimerais simplement souligner, au-delà de l'unanimité des membres de notre commission, la très grande collaboration des deux chefs des départements du DES et du DSE sur ce sujet.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur Berdat, il s'agissait d'un point important puisque, on va le voir, toute la problématique se situe là.

Comme nous avions renvoyé sans débat cette proposition de motion en commission, je souhaiterais quand même, vu que j'en suis l'auteure, vous dire quelques mots. Ce texte s'intéresse aux personnes handicapées faisant l'objet d'un double diagnostic: elles souffrent à la fois de déficience intellectuelle et de troubles du comportement. Si ces derniers sont importants, il devient extrêmement difficile pour ces personnes de trouver une place en institution. Lorsqu'elles arrivent à l'âge adulte, c'est véritablement le parcours du combattant pour les familles qui s'inscrivent sur des listes d'attente, mais ne trouvent souvent pas de places au bout du compte. Cela malgré les efforts des autorités. Je n'irai pas jusqu'à dire que nul ne veut accepter ces handicapés, mais dans la réalité, étant donné il y a un manque de places à Genève, souvent ce sont les dernières qui sont prises et les personnes concernées ne trouvent pas de solution. Lorsque les parents ne peuvent pas garder ces personnes à la maison - et c'est bien souvent le cas, parce qu'elles sont, il faut l'avouer, difficiles à gérer et elles ont des comportements souvent problématiques - eh bien, la seule possibilité est de les envoyer à l'hôpital psychiatrique de Belle-Idée. Dans le meilleur des cas, elles se trouvent dans une unité spécialisée, mais malgré tout cette dernière n'offre pas réellement les mêmes prestations que les institutions, c'est-à-dire des prises en charge socio-éducatives qui visent à développer l'autonomie de l'infirme.

Dans le pire des cas - et c'est malheureusement ce qui arrive à un certain nombre de personnes chaque année - elles sont hospitalisées dans le secteur adultes, qui n'offre absolument aucune prise en charge adéquate. Ce qui sous-entend - c'est arrivé, par exemple, il y a quelques années - que ces personnes peuvent se retrouver très longuement enfermées, voire - je pense à un cas concret - attachées plusieurs jours d'affilée sur un lit. Vous conviendrez comme moi que ces situations ne sont pas acceptables, d'autant moins que si l'hospitalisation dure longtemps - et nous avons actuellement des personnes qui sont depuis plus de vingt ans à Belle-Idée - il sera quasiment impossible de leur permettre de rentrer un jour ou l'autre en institution.

Pour toutes ces raisons, cette proposition de motion vous demande trois choses, Mesdames et Messieurs les députés: premièrement, que les institutions fassent l'effort nécessaire pour trouver des places adéquates qui conviendront à ces personnes; deuxièmement, et c'est là l'innovation, qu'on imagine une sorte de structure intermédiaire qui soit un lien à la fois entre l'institution socio-éducative et l'hôpital psychiatrique, qui permette des soins médico-thérapeutiques mais surtout une prise en charge socio-éducative; et enfin, lorsqu'il y a une situation d'urgence ou une crise et que ces personnes doivent véritablement être hospitalisées, qu'elles soient placées dans un secteur spécialisé, c'est-à-dire l'unité de psychiatrie du développement mental.

Lors du travail en commission, la bonne entente qui a régné entre les députés ainsi que les promesses des départements, tant de la solidarité et de l'emploi que de l'économie et de la santé, nous ont donné une lueur d'espoir pour l'avenir. Mais il ne s'agit que d'une première étape qu'il faudra développer. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir cette proposition de motion.

Je souhaiterais aussi rappeler qu'il ne s'agit pas seulement ici de souffrance - parce que j'ai souvent entendu ce mot en commission - mais plus fondamentalement de dignité humaine. Vous conviendrez comme moi qu'il n'est pas acceptable que des personnes aient pour seul horizon de vie l'hôpital psychiatrique.

Je terminerai avec un extrait du préambule de la Constitution fédérale, que j'avais cité en exergue de mon exposé des motifs: «La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.» Il vous appartiendra, Monsieur le conseiller d'Etat, de faire en sorte que ces propos deviennent réalité. (Applaudissements.)

M. Claude Aubert (L). Bien évidemment, toutes les causes nobles sont dignes d'être soutenues. Simplement, nous avons un problème qui est de savoir si les principes généraux qui guident nos décisions doivent être parfois revus et modifiés.

Dans le domaine de la santé, le principe général était pendant des dizaines d'années «à tout problème nouveau, une nouvelle structure ou un nouvel établissement». C'est peut-être une bonne chose, ou pas. Mais j'attire votre attention sur le fait que ce principe doit être critiquable et critiqué, étant donné que plus on a de structures, plus ça se complique, plus il y a de cas particuliers, et qu'on ne peut pas s'en sortir comme ça. Il faut donc qu'on trouve d'autres méthodes.

En conclusion, cette proposition de motion est certes très importante, mais je pense que le principe de la multiplication des institutions doit être évoqué.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. J'aimerais simplement ajouter que ce parlement consacre énormément d'attention au traitement des personnes handicapées, que ce soient leur intégration à l'école, la réforme des structures des commissions ou le traitement de ce type de proposition de motion.

Une réponse viendra du département et, d'ailleurs, ce thème est déjà en train d'être traité par le biais du projet de loi modifiant la loi sur l'intégration des personnes handicapées, qui prévoit une nouvelle composition, une nouvelle commission qui forcera quelque peu les établissements à prendre en charge les enfants handicapés et à ne pas en refuser certains sous prétexte que leur cas serait trop lourd ou que d'autres seraient plus faciles à traiter.

Le Conseil d'Etat sera donc certainement très heureux qu'on lui renvoie cette proposition de motion, puisqu'il y apporte déjà partiellement une réponse.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Il ne s'agit pas de savoir si le Conseil d'Etat et le parlement en font trop ou pas assez pour les handicapés, mais d'apporter des réponses pour les personnes souffrant de problèmes. Et nous avons la grande responsabilité de trouver les solutions les mieux adaptées.

Je crois que nous pouvons faire confiance au Conseil d'Etat pour qu'il élabore des solutions parfois complexes. Parce que de temps en temps, oui, il faut multiplier les remèdes et, oui, les choses ne sont pas simples. Et il n'existe pas toujours de réponses manichéennes ! Nous soutenons donc le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Merci.

M. Pierre Kunz (R). Au nom des radicaux, j'aimerais vous dire que notre groupe soutient sans aucune équivoque cette proposition de motion, pour une raison très claire: nous prétendons tous ici à longueur d'année soutenir ceux qui risquent d'être au bord de la route, les moins bien lotis d'entre nous et, d'un autre côté, nous distribuons des subventions, des aides, des prestations à une multitude de gens qui ne sont pas vraiment en situation difficile. Il est donc exclu que la minorité dont il est question ici reste, elle, au bord de la route. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 1729 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui (unanimité des votants).

Motion 1729