République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1480-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition contre l'interdiction de travailler de certains demandeurs d'asile déboutés (changement de pratique de l'OCP)
P 1492-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition concernant la politique d'asile

Débat

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Les remarques du groupe socialiste s'adressent en fait à M. le conseiller d'Etat Longchamp et nous regrettons qu'il ne soit pas là. (Remarque.) Vous êtes moins concerné, Monsieur Moutinot. Le groupe socialiste est consterné par le contenu du rapport du Conseil d'Etat sur ces deux pétitions. En outre, que le Conseil d'Etat aille jusqu'à dire qu'en matière de politique d'asile tout se fasse en conformité avec la tradition humanitaire de Genève est d'une désinvolture révoltante !

Etant donné le temps de parole qui nous est imparti, je ne mentionnerai en exemple que quelques points de ce rapport. En effet, en ce qui concerne la pétition contre l'interdiction de travailler, affirmer que certaines personnes percevraient de manière indue des prestations de chômage est une façon que le Conseil d'Etat croit habile pour désigner de nouveaux abus, comme aime à le faire l'UDC. Les suppressions de l'autorisation de travailler ont également frappé des personnes qui n'étaient pas au chômage. Quant à celles qui touchaient des prestations de leur caisse de chômage pour avoir dûment cotisé avant de perdre leur emploi, leur situation n'avait rien d'indue. Faire allusion au fait que le conseil d'Etat a accédé à la demande de la Coordination asile Genève de renoncer à prolonger au-delà des trois mois l'interdiction générale de travailler imposée aux nouveaux arrivants n'a rien à voir avec la question du travail des déboutés ! Genève est d'ailleurs le seul canton romand à se montrer aussi restrictif.

Au final, aucune mesure propre à favoriser l'activité professionnelle plutôt que le désoeuvrement et l'assistance n'est envisagée. C'est une option qui n'est pas à la hauteur des problèmes qui se posent et qui iront en s'aggravant.

En ce qui concerne la pétition 1492, s'agissant des conditions d'existence des personnes frappées de non-entrée en matière - les NEM - le Conseil d'Etat mentionne curieusement l'existence d'une mission consultative qui n'a aucun pouvoir et au sein de laquelle la consultation est singulièrement limitée, afin qu'il n'y ait aucun problème qui se pose. La réalité, telle qu'elle s'est développée depuis 2004 montre pourtant que l'aide urgente comme elle est organisée est perçue comme tellement stigmatisante que 80% des intéressés se débrouillent par eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils se retrouvent dans la clandestinité en vivant de divers expédients. Le régime imposé aux personnes frappées de NEM reste ainsi inapproprié et il continuera de pousser la majorité des intéressés dans la clandestinité, voire dans la délinquance. Cela revient, hélas, à faire le lit du populisme xénophobe qui se nourrit de ce genre de situations et de leurs effets pervers.

C'est pourquoi le groupe socialiste refuse ce rapport du Conseil d'Etat et demande qu'il soit renvoyé à son auteur.

Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition traite d'un sujet dont nous avons débattu en juin dernier au point 23 de notre ordre du jour, motion 1737 qui a été envoyée à la commission sociale. Contrairement à ma préopinante, je remercie le Conseil d'Etat de ses explications, qui seront fort utiles aux travaux de la commission, et nous prenons acte de ce rapport.

M. Eric Stauffer (MCG). Tout simplement, j'aimerais réagir aux propos de ma préopinante de gauche qui dit que cela fait le lit du populisme et des xénophobes. Alors là, je dois m'élever en faux avec beaucoup d'énergie ! Parce que c'est justement le fait de pouvoir imaginer et autoriser des NEM, des non-entrées en matière, qui crée en fait une discrépance totale entre nos différentes lois ! Si la loi est faite pour accueillir les vrais réfugiés politiques, ce que nous prônons et que nous soutenons, en revanche, la fermeté absolue et la tolérance zéro doivent être appliquées aux non-entrées en matière, sinon cela équivaut à dire à toute une population, qui est malheureusement défavorisée: «Venez en Suisse, vous n'aurez pas le droit d'y rester mais vous pourrez y travailler et y vivre.» Et ça, ça ne passe juste pas, dans un Etat de droit qui se respecte ! En revanche, nous soutiendrons les aides à ces pays pour que leurs ressortissants ne viennent pas échouer, dans des conditions lamentables, dans notre canton ou en Suisse en général.

Donc, nous prenons aussi acte de ce rapport, mais je ne peux pas laisser dire des contrevérités: nous, nous défendons les résidents de ce canton et de ce pays en respectant les lois, et il n'y a pas de dérogations à la loi. Nous sommes là pour voter ces lois et nous somme là pour les changer si elles ne sont pas bonnes, mais il est hors de question d'autoriser des gens à travailler alors qu'ils n'ont rien à faire sur le territoire helvétique !

M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut rappeler que l'asile, c'est le refuge. Ce que nous sommes aujourd'hui et ce qui a fait la richesse et la place dans le monde de Genève, c'est l'accueil de l'étranger qui fuit la guerre et la torture. Lui offrir l'hospitalité, c'est lui offrir un minimum de sécurité personnelle. Cette sécurité personnelle est tout d'abord matérielle et c'est le rôle que remplit l'Hospice général. Toutefois, cette sécurité personnelle repose également sur un minimum d'intégration, même si cette dernière est très provisoire. Cette intégration, même très provisoire, je le répète, doit reposer sur la possibilité de travailler et d'être rémunéré pour cela. C'est une question de dignité ! Les Verts se sont toujours opposés avec vigueur à la politique des non-entrées en matière. Cette politique est indigne de la Suisse ! C'est une première chose, mais, surtout, cette politique est indigne de Genève qui se renie en la mettant en oeuvre !

Le 21 février dernier, dans sa réponse à l'excellente interpellation urgente de Mme Emery-Torracinta, le Conseil d'Etat a écrit qu'il y avait «lieu de tenir compte de la volonté des autorités fédérales de ne pas créer des conditions trop attractives et de mettre en place un dispositif suffisamment dissuasif.» Dissuader les victimes de guerres, dissuader les victimes de tortures de demander l'asile ! Voilà la politique du Conseil d'Etat ! Cette conception de l'asile est honteuse et nous ne la partageons pas ! Les générations futures nous le rappelleront, soyez-en certains !

Un dernier mot. Dans sa même réponse, le Conseil d'Etat annonce qu'il demandera à l'Hospice général de procéder à un bilan au terme des six premiers mois après l'entrée en vigueur du règlement d'application, soit le 1er juillet 2007. Ce terme est passé, nous n'avons rien reçu, et en tant que président de la commission de contrôle de gestion je vais demander à la commission de mettre à l'ordre du jour le suivi de ce dossier ! (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC prend acte du rapport du Conseil d'Etat. Il ne voit pas ce qu'il y de choquant dans ce rapport qui est purement objectif. Le Conseil d'Etat a constaté une situation qui n'était pas conforme au droit, il a rétabli la primauté du droit en la matière. Il nous rappelle que ce parlement a voté une loi sur l'aide sociale, entrée en vigueur au 1er janvier. Il nous rappelle aussi que le filet social assurant des conditions d'existence dignes également aux personnes relevant de la loi sur les étrangers ou de la loi sur l'asile est appliqué dans ce canton. Il ne s'agit pas ici d'un rapport populiste. D'ailleurs, c'est bien la première fois que j'entends dans cette enceinte un parlementaire qualifier de populiste un rapport d'un Conseil d'Etat de gauche - d'autant que je n'avais jamais entendu cela pour un Conseil d'Etat de droite. C'est donc une nouveauté et je pense que ces propos sont davantage dus à l'émotion qu'à la raison.

En conséquence, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte des évolutions de l'application du droit dans ce domaine et des efforts qui sont faits par ce canton pour que les modifications législatives soient appliquées dans les meilleures conditions possibles.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si le groupe démocrate-chrétien prend acte de ce rapport, il reste sceptique quant à certains aspects évoqués dans celui-ci. Pour notre groupe, il est évident que l'inactivité de certaines communautés étrangères qui se trouvent sur notre territoire, quel que soit leur statut, incite à la clandestinité, incite à la délinquance. Nous devons réfléchir à ce contexte et tenter de trouver des solutions.

Nous sommes satisfaits que notre motion 1737, prévoyant l'attribution d'activités d'intérêt général aux NEM, ait été renvoyée en commission sociale. Nous pensons que ce débat doit se poursuivre et qu'il s'agit de trouver des solutions meilleures que celles qui prévalent dans la situation actuelle.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai fait partie, comme un certain nombre d'autres conseillers d'Etat ou d'autres députés, de ceux qui se sont opposés à la nouvelle procédure qu'a introduite à l'époque l'Assemblée fédérale pour créer cette catégorie bizarre des personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière.

Cela dit, cette législation a été votée et, par conséquent, le gouvernement cantonal se doit de l'appliquer. La seule marge dont il dispose, c'est de l'appliquer avec la plus grande humanité possible.

Monsieur Rossiaud, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous avez exprimé tout à l'heure à propos du Conseil d'Etat ! Vous faites un amalgame tout de même un peu court entre la politique d'asile en général et la manière dont sont traités en Suisse ou à Genève - et il y a une différence - les personnes frappées d'une décision de non-entrée en matière. Par cet amalgame, vous laissez entendre que le Conseil d'Etat s'oppose à toute politique d'asile: c'est faux et vous le savez !

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur les pétitions 1480 et 1492 est rejeté par 39 non contre 29 oui.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur les pétitions 1480 et 1492.