République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9866-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (E 3 60)

Premier débat

M. Claude Jeanneret (MCG), rapporteur. Ce projet de loi permet de réaliser une modification dans la structure administrative des offices des poursuites et faillites. Mais son but est de pouvoir supprimer la direction administrative, de diminuer quelque peu les prérogatives de la commission de recours et de donner une forme de gouvernance... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...  à ce service, qui soit conforme à ce qui a été souhaité, je pense, tant par le Conseil d'Etat que par les diverses commissions qui se sont penchées sur ce sujet.

Au niveau de la commission du contrôle de gestion, nous avons souhaité, en plus de cette modification administrative, adresser au Conseil d'Etat et par là-même à la nouvelle direction des offices des poursuites et faillites, un message leur demandant d'être un peu plus rapides et plus efficaces dans le traitement des dossiers. Cette demande a fait l'objet d'un alinéa 3 à l'article 7, qui prévoit: «Le débiteur peut, dans les délais légaux, proposer un acheteur à l'office, pour autant que le prix de l'objet à réaliser soit supérieur à l'estimation de l'office. Au-delà de ces délais, l'office procédera conformément à l'article 7, alinéa 1.»

Il semble que cette proposition n'ait pas plu dans sa formulation au Conseil d'Etat, qui s'est renseigné auprès de la direction de l'Office fédéral de la justice par une lettre du 28 septembre 2006 dans laquelle il exprimait que l'alinéa 3, en revanche - je cite: «me paraît être de nature à causer des difficultés d'application aux offices en raison de son imprécision, pour ne rien dire du fait qu'il semble rendre impossible l'application de l'alinéa 2. Vous m'obligeriez en m'indiquant si l'approbation de la Confédération pourrait être donnée à l'article 7, alinéa 3, nonobstant sa formulation déficiente.»

L'Office fédéral de la justice a répondu par les soins de son collaborateur scientifique, M. Zain, qui dit que: «Même si l'article 7, alinéa 3, ne l'exprime pas clairement, les conditions posées aux articles 130 et 143A LP à la vente de gré à gré doivent être respectées, notamment l'accord de tous les intéressés en cas de vente d'immeuble. En outre, le sens de l'alinéa 3 et son articulation avec les alinéas 1 et 2 sont très peu aisés à comprendre. Cet alinéa peut, à notre sens, être supprimé. Nous vous laissons juge, cependant, de l'utilité de donner au débiteur la possibilité de proposer un acheteur. S'il devait être gardé, cet alinéa devrait être reformulé et sa systématique, revue.» A la suite de cette réponse... Je lis votre proposition, Monsieur le conseiller d'Etat, ou vous la lisez ?

La présidente. Je pense que nous la traiterons quand nous en serons aux amendements...

M. Claude Jeanneret. Est-ce que je peux l'exposer ou est-ce trop tôt ? (Commentaires.) Je l'expose, merci. M. le conseiller d'Etat a eu l'amabilité de collaborer dans cette idée et nous a proposé un texte qu'il nous présentera par la suite, qui permettrait de maintenir l'alinéa 3 de l'article 7 et, ainsi, de maintenir le message que la commission de contrôle de gestion voulait faire passer dans la nouvelle loi.

M. Eric Stauffer (MCG). Pour aller dans le sens de ce que vient de dire le rapporteur, mon collègue Claude Jeanneret, pourquoi avons-nous voulu cet amendement ? Simplement parce que, lorsqu'un de nos concitoyens se retrouve en saisie de biens, c'est le préposé des offices des poursuites et faillites qui vient faire une évaluation. Nous n'allons pas rouvrir ce vieux débat sur tous les dérapages qu'il y a eu aux OPF, néanmoins que se passe-t-il aujourd'hui dans la pratique ? Eh bien, l'huissier vient chez vous, va évaluer telle paroi murale, tel salon, tel objet, selon ses propres critères. Et c'est lui qui va procéder au nom de l'office des poursuites et faillites à la réalisation de ce bien.

Nous nous sommes aperçus que, dans bien des cas, les évaluations qui sont faites en valeur de liquidation - c'est comme dans un bilan comptable, pour ceux qui le comprennent - le sont au minimum. Ce qui ne va pas dans l'intérêt du créancier, qui récupère effectivement de petits montants, et en tout cas pas dans l'intérêt du débiteur. Ce dernier, par exemple, aurait acheté une paroi de marque murale qu'il aurait payée 25 000 francs et que l'huissier serait venu évaluer à 5 000 francs en valeur de liquidation... Elle partirait vraisemblablement aux enchères entre 3 000 et 6 000 francs.

Si nous donnions la possibilité au débiteur de réaliser son bien... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... mais en main de l'office des poursuites et faillites, eh bien il y aurait une valorisation ! Parce que ce serait dans l'intérêt du débiteur et, bien évidemment, vous l'aurez compris, dans l'intérêt du créancier. Chose qui n'existe pas aujourd'hui, puisque le créancier et le débiteur ne se parlent pas directement, il y a un huissier entre eux qui fait ses offices. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est important de soutenir cet amendement.

Nous avons déposé un deuxième amendement, pour l'article 11, simplement pour respecter le choix démocratique. Sans être très long, je vais vous lire le début de cet article 11 proposé par la commission: «Art. 11, Alinéa 1 (nouvelle teneur). La commission de surveillance siège en plénum notamment pour exercer la surveillance générale des offices lorsque sa présidence l'estime nécessaire ainsi que pour statuer en matière disciplinaire et édicter des directives. » C'est la première phrase. Et nous voulons la modifier ainsi, simplement pour respecter la démocratie dans cette institution: «La commission de surveillance siège en plénum notamment pour exercer la surveillance générale des offices lorsque sa présidence l'estime nécessaire ou 4 membres de la commission.» Parce que nous ne trouvons pas normal que seule la présidence de ce contrôle des OPF puisse décider de faire siéger cette commission. Nous estimons que, si quatre membres nommés dans cette commission décident qu'il faut se réunir pour un problème donné, il leur appartient de demander que cette commission se réunisse. C'est simplement pour une question de forme et pour respecter le contrôle et la bonne gouvernance.

Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir soutenir les deux amendements MCG, dont le premier est un amendement MCG-Verts, j'avais oublié de le préciser.

M. Yves Nidegger (UDC). Ce projet de loi vient corriger certaines erreurs survenues dans la fureur parlementaire des années 1990, dans un contexte de crise et de scandale des OPF, fureur parlementaire qui avait amené un certain nombre de mauvaises évaluations quant aux moyens de remédier aux problèmes que l'on dénonçait à l'époque. En ce qui concerne la direction générale, il n'y a pas de discussion, l'évolution des choses a démontré que c'était une fausse bonne idée, qui s'est avérée une mauvaise idée. Dans l'ensemble, ce projet de loi doit être soutenu, et le groupe UDC le soutiendra.

S'agissant de la proposition de M. Stauffer, il ne semble pas que la faculté de proposer un acheteur soit quelque chose de nouveau, précisément puisque cela existe dans le cadre des ventes de gré à gré. Nous ne voyons pas trop ce que cet alinéa 3 apporterait par rapport à la version actuelle. Et puis, nous nous réserverons de choisir entre la version actuelle et un éventuel amendement du Conseil d'Etat, si celui-ci doit venir.

Plus fondamentalement, les OPF genevois restent aujourd'hui les seuls de toute la Suisse qui ne respectent pas la loi. Ils ne respectent pas la loi qui implique notamment certains délais, dont celui pour les notifications de commandements de payer. Vous pouvez faire des essais dans tous les cantons suisses et vous constaterez que cela fonctionne toujours ou presque toujours dans le cadre légal, et que ce n'est pas le cas à Genève. Il y a bien sûr la masse des commandements de payer, la masse des poursuites, les choses inhérentes à la sociologie genevoise, mais il y a aussi - et nous attendrions là un certain nombre d'initiatives du Conseil d'Etat - un fonctionnement structurellement inadéquat, un personnel formé de façon insuffisante, une difficulté à changer des pratiques et des habitudes et un système informatique antédiluvien.

Si ce projet de loi doit être salué, parce qu'il toilette la loi dans le sens que veut la réorganisation administrative légère qui s'est imposée ces derniers temps, il est totalement insuffisant et on attend encore l'initiative politique du département. On l'a attendue pendant quatre ans et j'espère qu'on ne l'attendra pas pendant les quatre ans qui sont la présente magistrature. Il faudrait que cette initiative politique prenne véritablement à bras-le-corps le problème des OPF à Genève. Rappelons-le, si l'on veut faire des affaires dans ce canton, si l'on veut attirer des entreprises, la qualité ou, au contraire, l'absence de qualité notoire de notre système de recouvrement étatique par exécution forcée est évidemment - avec d'autres éléments, bien sûr, qui rendent le canton attractif ou inattractif - quelque chose de péjorant, à la limite du rédhibitoire.

Ainsi, ce serait l'occasion de demander au Conseil d'Etat d'aller un peu plus loin dans ses initiatives et puis d'allouer, chose qui n'est pas coutume, des ressources plus importantes à un domaine de l'action de l'Etat dont dépend notre économie et qui a été le parent pauvre pendant de trop nombreuses années sans que l'on sache exactement pourquoi.

M. Olivier Jornot (L). Ce projet de loi vient à point nommé pour améliorer le fonctionnement des offices et principalement - c'est la raison pour laquelle l'urgence en a été votée - pour supprimer la direction générale, qui a probablement rempli son temps et qui en même temps l'a fait. Je rappellerai que les libéraux, à l'époque - comme cela figure d'ailleurs dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat - s'étaient montrés dubitatifs face à l'introduction de cette nouvelle structure administrative, préférant une coordination au niveau du département entre les divers préposés.

Cela étant, et ce n'est pas étonnant si la chose a été abordée d'entrée de cause par le rapporteur, il y a le problème de cet article 7. L'article 7, Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a dit tout à l'heure M. Nidegger, est un de ces articles qui a été voté au moment où l'on a voulu serrer tous les boulons après la crise des OPF, en interdisant quasiment les ventes de gré à gré qui avaient pris des proportions démesurées. On a voulu que tous les biens que l'on réalise de gré à gré fassent l'objet d'une expertise. Il est vrai que c'est un système qui est beaucoup trop lourd et qui contribue à aggraver de manière dramatique le retard des offices, parce que l'on a besoin d'experts qui inventorient le moindre débarras de grenier, ce qui est totalement absurde.

La formulation initiale du projet de loi était un peu aventureuse, elle disait que le département pouvait comme il voulait estimer lui-même les biens. Et celle qui a été choisie par la commission pour l'article 7, alinéa 2, convient parfaitement. L'article 7, alinéa 3, a été introduit à la faveur de ce que le rapport appelle un amendement Verts-MCG. La formulation de cet alinéa, par contre, elle, pose de sérieux problèmes. Je rappellerai que, dans sa version initiale, l'amendement du MCG demandait que le débiteur saisi ait la possibilité de réaliser lui-même, au profit de l'office néanmoins, les biens saisis. Je vous laisse imaginer la scène du débiteur qui dirait à l'huissier: «C'est en ordre, Monsieur l'huissier, je m'en occupe moi-même.» et qui lui ferait - je le dis pour le Mémorial, où cela ne se verra pas - bien entendu un grand clin d'oeil...

La solution qui a été votée par la commission ne vaut malheureusement guère mieux que la teneur initiale de l'amendement. On y parle de délais légaux alors que, précisément, il n'y a aucun délai légal qui se réfère à cette faculté qu'a le débiteur - en tout temps d'ailleurs - de proposer des acquéreurs par rapport aux biens qui ont été saisis chez lui. Cette possibilité pour le débiteur saisi de proposer des acquéreurs existe aujourd'hui, parce qu'il n'est jamais interdit, en effet, lorsque l'on est un débiteur soumis à la saisie ou à la faillite, de signaler à l'office qui pourrait être intéressé par l'acquisition de tel ou tel bien. On y parle d'une offre supérieure au prix, mais il est évidemment un petit peu délicat, avant d'avoir vendu un objet, de savoir quel est son prix. Probablement qu'on voulait parler d'une offre supérieure à l'estimation. Enfin, on y fait un renvoi à l'alinéa 1 de la disposition, ce qui revient à faire un système qui ne s'arrête jamais, puisque l'alinéa 1, c'est les ventes aux enchères publiques. Bien entendu, si l'on dit que lorsqu'on a un acquéreur on passe ensuite aux ventes aux enchères publiques, cela n'a pas beaucoup de sens.

Cet amendement - plus exactement le texte de l'article 7, alinéa 3, comme l'a dit le rapporteur tout à l'heure, est contraire au droit fédéral. La question qui se pose est de savoir s'il est nécessaire de chercher à tout prix à le sauver par le biais d'une formulation différente. A cela, Mesdames et Messieurs les députés, je réponds clairement: non, cela ne sert à rien ! Cela ne sert à rien parce que, comme je l'ai dit, il y a un instant, il est parfaitement possible aujourd'hui pour le débiteur de proposer un acquéreur. Et il ne sert à rien sur le plan de l'éthique de donner l'impression, en ancrant cela dans la loi, que l'on veut favoriser les combines entre les débiteurs, les acquéreurs potentiels, et les préposés des offices. Cela relève d'un autre temps, un temps qui a pris fin avec la crise des OPF, un temps auquel on a mis fin par la réforme précédente de la loi et un temps auquel il ne faut pas revenir par l'introduction de cette étrange disposition.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, les libéraux vous recommandent de prendre ce projet de loi en considération, mais d'en biffer l'article 7, alinéa 3. Je me réserve d'intervenir à nouveau ultérieurement pour les autres amendements qui ont été annoncés.

La présidente. Je propose de passer la parole à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot. Puis, à 20h30, nous reprendrons nos débats avec les personnes qui restent inscrites: M. Claude Jeanneret et M. Eric Stauffer.

Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole... (La présidente est interpellée.) Alors, nous arrêtons là les débats ! Nous les reprendrons à 20h30.

Fin du débat: Session 02 (décembre 2006) - Séance 10 du 01.12.2006