République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9801-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Brunier, Alain Charbonnier, Laurence Fehlmann Rielle, Carole-Anne Kast, Françoise Schenk-Gottret, François Thion, Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Loly Bolay, Gabrielle Falquet modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05) (Pour une représentation équitable des sexes sur les listes électorales)
Rapport de majorité de Mme Fabienne Gautier (L)
Rapport de minorité de Mme Anne Emery-Torracinta (S)

Premier débat

Mme Fabienne Gautier (L), rapporteuse de majorité. Je crois qu'il est bon de relever ce soir que la commission des droits politiques se compose majoritairement de femmes, puisque nous y sommes neuf. C'est donc bien plus un débat entre femmes qui a eu lieu. Je tenais à le souligner, car Mme Emery-Torracinta fait part dans son excellent rapport de minorité de sa déception quant à la rapidité dont la commission a fait preuve pour traiter ce projet de loi et en refuser l'entrée en matière.

La position de la majorité était tout à fait déterminée, saluant l'évolution proposée par ce nouveau projet de loi qui veut introduire une répartition équitable sur les listes électorales a contrario de quotas beaucoup plus contraignants, que certains voulaient imposer précédemment.

Dans son rapport, Mme Emery-Torracinta salue aussi le climat serein de notre nouveau parlement qui a incité les auteurs de ce projet de loi à le déposer afin qu'il soit examiné rationnellement. C'est dans la même sérénité que la commission a travaillé, et les conclusions du débat ont été claires: tous les partis sont convaincus de l'importance et de la nécessité de la représentation féminine en politique. Ils ont d'ailleurs tous renforcé avec volonté cette représentation sur leurs listes électorales pour les élections cantonales de l'automne 2005. (Brouhaha.)

De plus, les compétences de la gent féminine n'ont jamais été remises en question, mais plutôt admirées. Il ressort des débats que les partis préfèrent convaincre plutôt qu'imposer et que, de manière générale, les femmes préfèrent être convaincues. La commission a donc ainsi privilégié le respect de l'engagement, tout en considérant que s'engager en politique est une forme de volontarisme, la politique étant en soi une vocation... (Brouhaha.) L'égalité entre homme et femme n'est nullement remise en doute. Cette égalité est juste et l'on ne peut que s'en féliciter, considérant les résultats acquis dans beaucoup de domaines depuis que le féminisme de la fin des années soixante a mené son combat pour l'obtenir.

«Mesdames, héritières d'une tradition, ne gaspillez pas les acquis au risque de tout perdre...» J'ose citer ici Alain Minc, qui, dans son livre «Epître à nos nouveaux maîtres», nous informe du piège: «Votre combat était légitime. Votre victoire est éclatante. Puissiez-vous ne pas la gâcher en faisant du féminisme la matrice involontaire du communautarisme ! Prenez garde de ne pas transformer une légitimité si chèrement acquise en une idéologie à son tour excommunicatrice...» (Brouhaha.) Il est certes vrai que l'égalité parfaite est encore à conquérir. Cependant, pour ce qui est de l'ascension de la femme en politique, Mesdames et Messieurs les députés, Genève n'a pas attendu l'éclatement du féminisme en 1968, puisqu'elle accorda le droit de vote et d'éligibilité aux femmes en 1961.

A trop vouloir plaider la parité au nom d'une identité féminine, ne remet-on pas en cause les compétences de la femme, ses compétences politiques ? Trop plaider la parité, c'est en quelque sorte prétendre que la femme n'est pas capable d'accéder sans aide au parlement. C'est aussi remettre en cause notre système politique, notre démocratie qui nous est si chère et est enviée de tous.

Il existe un autre danger: à vouloir trop lutter pour l'égalité, le combat se mue subrepticement en un combat pour la différence. Faut-il vraiment sanctifier légalement le droit à la différence ? Mesdames et Messieurs les députés, ma réponse est non. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous invite à suivre son vote en refusant l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Le président. Avant de donner la parole à Mme le rapporteur de minorité, j'indique que sont inscrits: Mme Borgeaud, Mme Favre, Mme Hirsch-Aellen, Mme Ducret, Mme Mahrer, Mme Fehlmann-Rielle, Mme Bartl, M. Brunier, M. Stauffer et Mme Pürro. La liste est close.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Je ne vous referai pas ici tout l'exposé détaillé de ce que vous pouvez trouver dans mon rapport de minorité, mais je crois qu'il est important de mettre les députés en face d'une réalité: on constate aujourd'hui que les femmes sont encore largement sous représentées, aussi bien dans les parlements que dans les exécutifs. De surcroît, et cela me paraît plus grave, on assiste à une certaine stagnation, voire à une certaine baisse de cette représentativité depuis un certain nombre d'années.

C'est pourquoi le groupe socialiste a trouvé qu'il était judicieux de proposer une mesure telle que la parité sur les listes électorales. Mais j'aimerais tout de suite préciser qu'il ne s'agit en aucun cas de quotas et que, dans la situation de la parité sur les listes, en dernier recours c'est l'électeur qui décide. Il peut très bien choisir un genre plutôt qu'un autre, indépendamment de la proportion des unes et des uns - des uns et des unes - sur la liste. La deuxième remarque que je ferai, c'est que la parité sur les listes électorales est une mesure adéquate, contrairement à ce que l'on entend parfois, et particulièrement en commission.

Vous trouverez dans mon rapport de minorité un certain nombre d'indications, notamment concernant les élections au Grand Conseil, les dernières que nous avons connues, et vous verrez que le lien est évident, non pas de manière absolue en ce qui concerne les chiffres, mais on voit très bien que, lorsqu'un parti présente plus de femmes, plus de femmes sont élues. De surcroît, et c'est pour cela que je crois que le débat en commission aurait mérité d'aller plus loin qu'une non-entrée en matière, des expériences ont été faites dans d'autres pays, particulièrement en France. En 2005, un rapport a été rendu au gouvernement français sur les effets des mesures prises concernant la parité. J'ai également annexé à mon rapport des chiffres à ce propos. Et l'on constate que, lorsque la parité a été rendue obligatoire, elle a été effective et les résultats électoraux ont montré une augmentation du nombre de femmes. Cela nous montre aussi, et c'est le troisième point de mon argumentation, que la mesure est réalisable. Parce qu'on entend souvent dire que les partis aimeraient bien avoir plus de femmes - je l'ai entendu en commission - mais qu'on n'arrive pas à en trouver... Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, je vous dis que quand on veut, on peut. Et l'exemple français est typique, puisque, notamment pour les élections régionales et pour les élections municipales où il y a eu obligation de parité, on a vu, comme par hasard, que c'était tout à fait réalisable et que les listes suivaient la parité.

Quatrièmement, et là je remets en cause ce qu'a dit la rapporteure de majorité, c'est une mesure qui est totalement helvético-compatible. Mme Gautier a dit qu'elle remettait en question notre système démocratique, mais vous savez tous comme moi qu'en Suisse on fonctionne déjà selon un principe, si ce n'est de parité ou de quotas, d'équilibre entre les minorités linguistiques, régionales, etc. Que ce soit dans le monde politique, au Conseil fédéral, par exemple, ou dans l'administration. Donc, au fond, je ne vois pas en quoi mettre des femmes et des hommes en nombre à peu près équilibré sur des listes électorales serait contraire à l'esprit démocratique de la Suisse.

Autre remarque: cette mesure n'est peut-être pas, et cela a été souligné par plusieurs personnes en commission, la seule solution. En aucun cas, les socialistes ne défendent cette seule mesure pour arriver un jour ou l'autre à une plus grande représentativité des femmes. Mais c'est une mesure qui est immédiatement applicable et qui - par les temps qui courent, cela me paraît intéressant - ne coûte rien. Je trouve donc dommage que l'on se prive d'une telle solution.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je regrette infiniment que nous n'ayons pas pris plus de temps en commission pour examiner de manière plus approfondie le projet de loi, et voir éventuellement s'il était possible d'auditionner quelques personnes et d'y apporter quelques amendements.

En conclusion, je rebondirai sur la conclusion que Mme Gautier a faite à son rapport, en nous disant que, s'il est un pays où la femme a toujours été considérée en politique, c'est bien la Suisse, qui a su accorder le droit de vote fédéral aux femmes le 7 février 1971... (L'oratrice est interpellée.) Je réponds d'abord sur la Suisse, Madame, et je vous dirai après ce qu'il en est de Genève. J'aimerais simplement dire à ce propos que la Suisse a été le dernier pays démocratique à accorder le droit de vote aux femmes ! Elle l'a fait 102 ans après le Wyoming, 78 ans après la Nouvelle-Zélande, 65 ans après la Finlande, alors que la plupart des pays démocratiques européens l'ont fait autour de la Première Guerre mondiale, y compris les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, etc. Pour la France, c'était à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et, pour prendre l'exemple de pays dans des zones culturelles différentes, la Turquie l'a fait en 1934 et l'Iran en 1963... (Exclamations.) Donc, la Suisse n'est de loin pas à la pointe, ni même Genève, qui l'a accordé par vote populaire en 1960, avec une première élection en 1961, qui était celle du Grand Conseil. (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (MCG). Nous avons traité ce projet de loi en commission concernant un quota pour la parité hommes-femmes sur les listes électorales. Il s'avère qu'il est très difficile de trouver des femmes candidates aux diverses élections dans notre canton. En effet, les femmes sont en général tributaires de leur vie de famille et de leur carrière professionnelle qui n'est pas toujours simple à gérer.

Il a été proposé de changer les horaires des commissions parlementaires, ce qui n'est pas possible, car ce sont les hommes qui seraient désavantagés... (Protestations.) Nous ne devons pas oublier qu'eux aussi ont des carrières professionnelles et qu'ils ne peuvent pas non plus quitter leur travail en pleine journée... (Commentaires.) Je pense que les femmes sont libres de faire de la politique si elles le désirent. Il faut bien entendu en parler avec sa famille et avoir un mari compréhensif qui assumera les aléas d'une carrière politique... (Commentaires.) Si tel n'est pas le cas, pour ces femmes, il vaudrait mieux changer de mari... (Exclamations.) ... car, dans la plupart des cas, la raison est qu'il y a des crises de jalousie, le refus de ces hommes que leur épouse soit plus reconnue qu'eux-mêmes... (Brouhaha.) ... et que, selon leurs convictions, une femme doit être à la maison pour s'occuper des enfants.

Il est inutile d'imposer un quota pour prendre le risque de voir des partis disparaître parce qu'ils n'auraient pas atteint le quota de femmes. Rien n'empêche les femmes de constituer un parti entièrement féminin, aucune loi ne l'interdit. Je rappelle pour mémoire que les femmes n'ont absolument pas soutenu la candidature de Mme Spoerri aux dernières élections, car, si tel avait été le cas, sachant qu'il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes dans la population, elle aurait été réélue, il faudrait être honnête. De manière générale, je suis contre l'ultra-féministe qui veut à tout prix prendre la place de l'homme. La femme et l'homme ont été créés pour vivre en harmonie et complémentarité... (Exclamations.) ... de façon que tout le monde y trouve sa place. Le parlement n'a pas à légiférer sur ce sujet. C'est une question d'éducation et de savoir-vivre. Aux partis de trouver suffisamment de femmes pour leur liste électorale, s'ils y arrivent.

Le peuple désire voir des gens compétents et intelligents au gouvernement... (Rires. Applaudissements.) J'aimerais terminer. Merci ! Et peu importe que ce soient des femmes ou des hommes, ce n'est pas le sexe qui commande l'intelligence... (Exclamations. Rires.) Il ne faut pas, non plus, de distinction à ce niveau-là et c'est le peuple qui décide de ce qu'il veut au gouvernement, ce n'est certainement pas à la loi de le définir. Nous sommes en démocratie: respectons-là !

Les quotas devraient plutôt être instaurés dans le milieu professionnel, où les patrons exploitent les femmes en les payant beaucoup moins que les hommes pour le même travail, et encore, quand ils veulent bien les engager, car, la plupart du temps, ils les refusent parce qu'elles ont le privilège de mettre au monde les enfants. Cela déplaît au patronat qu'un employé manque le travail pour s'occuper de son enfant malade. On licencie les femmes pendant leur grossesse en évoquant des excuses inadmissibles et impossibles à défendre devant un tribunal... (Brouhaha.) C'est scandaleux, et c'est là qu'il y a beaucoup à faire !

Pour conclure, Mesdames et Messieurs, je vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, qui ne règle absolument rien aux problèmes très importants que nous avons à gérer en ce moment: l'économie, l'emploi et l'éducation, bien plus importants à ce jour.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Mesdames, je vous invite à faire preuve d'autant de tendresse les unes envers les autres que les hommes en ont pour vous. (Applaudissements.)

Mme Christiane Favre (L). Qu'il existe encore dans notre canton, hélas, des femmes fragilisées par leur condition féminine et qui n'ont ni la force, ni la capacité, ni les moyens de s'affranchir d'une oppression familiale, sociale ou culturelle, je n'en doute pas une seconde. Qu'il soit nécessaire de les soutenir ou de les protéger quand elles sont en difficulté, même parfois au prix d'une injustice, c'est-à-dire en les favorisant au détriment d'hommes ou d'autres femmes mieux armées pour s'imposer dans l'existence, cela ne me semble pas déraisonnable. Mais dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, on nous explique qu'il est question de favoriser des femmes très différentes. En imposant un quota de candidates sur les listes électorales, il est question d'avantager des femmes à qui l'on aimerait donner des mandats politiques. Des femmes qu'on aimerait voir élues dans un conseil municipal, voire dans un exécutif municipal ou au Grand Conseil; des femmes que l'on imagine volontiers décidées et volontaires, que l'on choisit pour leurs compétences, pour leur engagement et pour leurs convictions.

Penser que les femmes seraient moins nombreuses que les hommes à présenter ce genre de profil ou qu'elles auraient moins d'énergie pour réaliser ce qu'elles ont envie de faire, c'est une drôle d'idée. Elles sont moins nombreuses que les hommes à se lancer dans l'arène politique pour d'autres raisons: la plupart du temps, c'est par manque d'intérêt ou de disponibilité. Ce n'est pas une loi qui va changer cela, mais l'évolution naturelle de notre société, qui rend la politique plus présente dans la vie des femmes et le partage des tâches plus naturel.

Cette évolution est peut-être un peu lente, mais elle est en marche, il y a de plus en plus de femmes engagées. Il faut encourager les autres, toutes celles dont on pense qu'elles ont les qualités nécessaires, il faut les soutenir et les convaincre. Lorsqu'elles le sont, je ne connais pas un seul parti qui les refuse et s'il s'en trouve un d'assez peu clairvoyant pour le faire, tant pis pour lui.

Mais en tout état de cause, les femmes que l'on aimerait voir entrer en politique, parce qu'elles y sont indispensables en plus grand nombre, ne sont par définition pas des femmes fragiles. Elles n'ont pas besoin qu'on les materne, qu'on les couve, pire: qu'on les discrédite en faisant pour elles de la discrimination positive. Personnellement, je ne leur ferai pas cet affront, le parti libéral non plus.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). L'objectif est certes louable, mais le moyen pour y parvenir n'est pas le bon. Mme le rapporteur de minorité nous montre les chiffres des élections cantonales 2005. Regardons-les ! On peut comparer les listes socialistes et radicales. On remarque qu'elles ont un pourcentage de femmes assez proche: 37,5% pour les radicaux, 40% pour les socialistes. Et pourtant, près de 60% de femmes siègent chez les socialistes, alors qu'elles ne sont que 25% sur les bancs radicaux. Ce résultat prouve qu'il ne suffit pas d'avoir un certain nombre de femmes sur une liste pour qu'elles soient élues. Force est de constater qu'il s'agit d'une différence d'électorat.

Les femmes sont indispensables en politique, c'est indéniable, mais ce n'est pas en forçant les partis à trouver à tout prix des candidates que l'on parviendra à augmenter leur nombre au sein de la députation. Il faut envers et contre tout privilégier la compétence dans la recherche de candidats, même s'il faudrait idéalement tendre vers une représentation de toutes les catégories de la population. Pas seulement hommes et femmes, mais aussi jeunes et moins jeunes, employés et employeurs, de différentes catégories professionnelles.

Les raisons qui tiennent les femmes éloignées de la vie politique sont variées et nombreuses, et c'est peut-être par là qu'on pourrait commencer. Par conséquent, encourager les partis à rechercher des candidates, soit, mais les y forcer ne saurait avoir le résultat escompté par les auteurs de ce projet de loi et serait surtout beaucoup trop restrictif. Imaginez: nous n'aurions même plus le droit de créer une liste 100% féminine.

C'est pour toutes ces raisons que le groupe démocrate-chrétien ne soutiendra pas ce projet de loi.

Mme Michèle Ducret (R). Nous nous opposerons à l'entrée en matière sur ce projet de loi pour deux raisons. La première, c'est que nous estimons qu'il est tout à fait inutile, voire dangereux de se mêler des affaires des partis lorsqu'ils établissent leur liste de candidats. Pour avoir participé à ce genre de travail, je sais à quel point il est difficile de faire venir les femmes. Si, en plus, on doit avoir une obligation légale, cela devient quasiment une mission impossible.

La deuxième raison tient, je pense, au fait que les femmes ont une autre vie que les hommes. Que cela plaise ou non, elles ont d'autres obligations, ce sont des obligations séculaires et qui pèsent malheureusement encore aujourd'hui sur leurs épaules. Que cela plaise aux auteurs du projet ou non, c'est comme cela. Les femmes ne viennent pas en politique pour des tas de raisons pratiques, souvent pour des questions de garde d'enfants ou pour des questions professionnelles. Et ce n'est pas en imposant un quota que l'on changera les choses.

Je voudrais juste faire une remarque avant de me taire. Je souhaiterais rappeler à Mme Torracinta-Emery que la Suisse est, à ma connaissance, un des seuls pays où ce sont les hommes, les électeurs, qui ont accordé le droit de vote aux femmes, alors que dans la plupart des autres pays, cela a été imposé par le gouvernement. Je me demande si le résultat aurait été le même si les hommes avaient voté dans ces pays-là.

Mme Anne Mahrer (Ve). C'est justement parce que cette évolution, comme vous l'avez dit, madame la députée, est lente, très très lente, que ces obligations séculaires pèsent encore, qu'il faut trouver des moyens. Bien sûr, la parité sur les listes, ce n'est qu'un moyen.

Je regrette infiniment que vous ne soyez pas entrés en matière et qu'il n'y ait pas eu discussion en commission, tout comme vous n'étiez pas entrés en matière sur le projet des Verts, qui proposait des changements d'horaires et des changements d'organisation dans les sessions qui pouvaient faciliter l'entrée les femmes en politique. Je rassure tout de suite Mme Borgeaud: les féministes ne cherchent pas à prendre la place des hommes. Elles demandent simplement l'égalité et la parité.

Les Verts, à nouveau, regrettent infiniment que ce projet de loi n'ait pas pu être discuté en commission. Je fais, bien sûr, miennes les remarques de Mme Emery-Torracinta concernant la Suisse et le droit de vote des femmes. Il est vrai que dans la plupart des pays du monde ce sont les parlements qui l'ont voté, mais il est vrai aussi qu'à Genève il a fallu voter cinq fois pour obtenir ce droit de vote cantonal et qu'en Suisse il a fallu remettre quatre fois l'ouvrage sur le métier... Je ne reviendrai pas sur l'assurance- maternité, puisque nous venons de l'obtenir.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois que chaque fois qu'on peut trouver et proposer des solutions qui changent dans notre vie politique et facilitent l'accès des femmes en politique, il faut le faire ! Je vous rappelle qu'en Appenzell c'est le Tribunal fédéral qui a imposé aux cantons le droit de vote des femmes. (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Effectivement, beaucoup de choses ont déjà été dites, mais j'aimerais quand même rappeler qu'il y a une certaine hypocrisie dans ce parlement. En effet, maintenant, presque personne ne conteste, en tout cas officiellement, la nécessité d'avoir une véritable parité des genres au niveau politique, mais quand il s'agit de prendre des mesures un peu volontaristes, il n'y a plus personne.

C'est une lapalissade de dire que si l'on veut que les femmes soient élues, il faut qu'elles figurent sur les listes. Le projet de loi ne demande que 45% du sexe le moins représenté et il n'est pas question d'évincer les hommes, comme le dit Mme la rapporteuse de majorité. Il faut encourager les femmes, mais ne pas évincer les hommes. En fait, c'est peut-être cela le fond du problème: elle se fait le porte-parole de ces messieurs, qui auraient peur d'être supplantés par les femmes qui viendraient envahir la politique. (Protestations.)

Je trouve aussi que le rapport de majorité est un peu pauvre - je crois que Mme Emery-Torracinta l'a déjà dit - mais, pour renvoyer Mme la rapporteuse de majorité à ses cours d'histoire, je rappellerai, alors qu'elle se félicite de ce que la Suisse a enfin accordé le droit de vote aux femmes en 1971, qu'en Nouvelle Zélande c'était le cas en 1893, donc avec presque une centaine d'années de différence, et je ne vous citerai pas tous les autres pays. Cela veut dire que la Suisse était vraiment à la traîne !

Enfin, on a dit aussi que ce projet de loi n'apporterait aucune solution et ne résoudrait rien du tout... Nous n'avons jamais dit qu'avec ce projet de loi, comme d'un coup de baguette magique, nous allions permettre aux femmes d'être beaucoup plus représentées. Mais c'est un des moyens efficaces, et je crois que le parti socialiste et les Verts en sont une illustration.

Il faut aussi prévoir d'autres mesures, sans pour autant materner les femmes: si l'on veut réellement qu'une véritable parité soit mise en place, il y a des moyens pour les aider à se former. Il y a aussi la question de l'aménagement des horaires pour les séances de commission ou du Grand Conseil... Mais quand on a essayé d'aborder ce sujet, il n'y avait plus personne !

J'invite vraiment les partis qui voudraient prétendument atteindre une certaine parité, notamment le parti démocrate-chrétien qui l'a dit tout à l'heure ou le parti radical, à entrer en matière sur des projets qui permettraient réellement aux femmes d'être mieux représentées et de mieux participer en politique.

J'espère que les hommes qui n'auront pas peur d'être évincés par les femmes oseront entrer en matière sur ce projet de loi qui ne demande, je vous le dis, que 45% de représentation du sexe le moins représenté. Et peut-être qu'une fois ce seront les femmes qui devront céder leur place ! (Applaudissements.)

Le président. Nous interromprons nos travaux tout à l'heure, dans quelques minutes, et nous reprendrons ce point de l'ordre du jour après celui qui est en point fixe à 20h30.

Mme Caroline Bartl (UDC). Les femmes ne doivent pas être élues parce que ce sont des femmes, mais pour leurs compétences. Je crois qu'il n'y a rien de plus dévalorisant pour quelqu'un que d'être à un poste pour des raisons autres que ses capacités propres... (L'oratrice est interpellée.) Oui, je suis pour plus de femmes en politique, je suis pour que les femmes aient les mêmes droits, mais aussi les mêmes obligations que les hommes, parce que chacun doit être élu pour le travail et pour ce qu'il accomplit.

Dans le domaine de l'éligibilité, les seules différenciations admises touchent à l'âge, à la possession des moyens intellectuels ou à certaines condamnations. Pour le reste, je pense que la loi doit rester neutre en ce qui concerne la race, la religion et le sexe.

Au sujet des quotas, j'estime qu'ils sont contraires à la liberté de vote et sont discriminatoires. Pourquoi ? Parce que les quotas imposés ont pour but d'influencer le résultat d'une élection, à savoir de garantir qu'un certain nombre ou pourcentage de sièges soit réservé aux femmes. Donc, les quotas établis par les partis politiques viseraient à influer sur les candidatures, ce qui n'est absolument pas équitable, pour plusieurs raisons.

Premièrement, les quotas sont contraires au principe de l'égalité des chances pour tous, puisque les femmes seraient favorisées. Deuxièmement, les quotas ne sont pas démocratiques. Je pense que les électeurs doivent être ceux qui décident des élections. Troisièmement, les quotas impliquent que le sexe intervient plutôt que les qualifications, ce qui ferait qu'une personne qui aurait de grandes capacités serait peut-être évincée au profit d'une personne qui aurait été favorisée par le quota. Enfin, je pense que certaines femmes ne veulent pas être élues simplement parce qu'elles sont des femmes... (Brouhaha.)

Pour revenir aux systèmes de quotas, qui sont antidémocratiques, il y a de nombreux pays, notamment la France, l'Italie et le Royaume-Uni, qui ont renoncé à l'utilisation des quotas, au niveau national, en déclarant très clairement qu'il était contraire au précepte de l'égalité entre les deux sexes tel qu'il est inscrit dans leur constitution ou leur droit national. De plus, la Suède, alors qu'elle a contribué à l'évaluation des systèmes de quotas, a émis quelque inquiétude. Je cite: «Oui, le système de quotas a facilité l'accès des femmes, non seulement dans les partis appliquant les quotas mais également dans d'autres partis.» Les quotas, une fois en place, ne sont pas remis en question, mais l'introduction de quotas stricts peut créer des remous. Evincer des politiciens en place au profit de femmes moins expérimentées peut être mal perçu.

Je pense que les compétences individuelles et l'engagement politique devraient être à l'origine du choix plutôt que le besoin de garantir la représentation d'un certain nombre de femmes au parlement.

Le gouvernement britannique a affirmé que le recours aux quotas irait à l'encontre des efforts déployés par les femmes pour faire juger au mérite leurs compétences. Il exprime aussi son inquiétude quant à l'instauration d'une hiérarchie entre les députés élus au mérite et les femmes députées élues sur des sièges réservés. Cette dérive dévaloriserait déjà le rôle mineur que détiennent les femmes dans la vie publique.

Pour terminer, je pense que les quotas ne peuvent être considérés comme le remède absolu à la sous-représentation des femmes dans la vie publique. Le recours aux quotas doit s'accompagner d'autres mesures, telles que la place des femmes en position d'éligibilité sur les listes électorales. Prenons l'exemple du parti socialiste belge qui, en dépit de l'application d'un quota d'un tiers sur les listes du parti, a moins d'un tiers de femmes élues, parce que les quotas ne portent pas sur la place des femmes sur la liste présentée par le parti et qu'elles figurent souvent en bas de liste. La Belgique, pays doté d'une loi instaurant les quotas, n'apparaît qu'au onzième rang dans l'Union européenne en ce qui concerne le nombre de femmes parlementaires.

Donc, on peut trouver d'autres mesures: évidemment, une information plus soutenue pour encourager davantage de femmes à présenter leur candidature, asseoir un plus grand nombre de femmes à des positions politiques en vue; mettre en place des pratiques de travail plus compatibles avec la vie de famille au sein des parlements... Mais je pense qu'il ne faut pas chercher des problèmes là où il n'y en a pas. Je pense que nous sommes dans un pays relativement démocratique... (Brouhaha.) Les femmes ont le choix de s'inscrire ou non sur les listes. Donc, l'UDC et moi-même nous opposerons à l'entrée en matière sur ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

Le président. Nous garderons pour le dessert les quelques messieurs qui ont eu le courage de s'inscrire. Je prie la mémorialiste de noter que sont encore inscrits: M. Christian Brunier, M. Eric Stauffer, Mme Véronique Pürro et M. Laurent Moutinot. C'est inutile de vous réinscrire, la liste était close. (Le président est interpellé.) Non, la liste était close. (Protestations.) Non, pour les rapporteurs aussi ! (Le président est interpellé. Exclamations.) Mais bien sûr, relisez la loi !

Fin du débat: Session 12 (octobre 2006) - Séance 58 du 12.10.2006