République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9074-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ratifiant la charte d'éthique de la Banque cantonale de Genève
Rapport de majorité de M. Robert Iselin (UDC)
Rapport de première minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Antoine Droin (S)

Premier débat

M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Je voudrais faire une petite synthèse parce que je n'étais pas très au clair quant à ce projet de loi, étant donné que je n'avais pas participé aux travaux de la commission.

Pour la majorité de la commission, il s'agit de permettre à la Banque cantonale de Genève de se doter d'une charte d'éthique qui présente quatre axes. Le premier précise la mission et les principes éthiques de cette Banque, visant à contribuer au développement de Genève et de sa région, notamment en proposant, aux résidents et aux entreprises qui travaillent dans cette région, un service bancaire compétitif, tout en exerçant et en s'inspirant de principes éthiques tels que l'intégrité, l'équité, la loyauté, l'indépendance et la transparence.

Le deuxième axe vise la responsabilité de la Banque envers ses clients et ses fournisseurs, à l'externe, et vis-à-vis de ses collaborateurs et actionnaires, à l'interne.

Le troisième axe vise à permettre à la Banque de respecter les principes de développement durable, notamment par rapport à sa consommation personnelle, mais aussi vis-à-vis de ses clients ou des prêts qu'elle devrait accorder à certaines entreprises.

Enfin, le quatrième axe vise à favoriser le fait que la Banque mène une politique d'information et de communication ouverte à l'égard de l'extérieur.

Cette charte d'éthique est nécessaire puisqu'il semblerait que la Banque cantonale de Genève, on l'a vu par le passé, n'est pas forcément au-dessus de tout soupçon et n'est pas non plus, dans le domaine de la banque et de la gestion bancaire, la meilleure banque de la place - même si c'est une banque partiellement étatique. Certains souhaiteraient que l'on aille encore plus loin. On peut les comprendre, on pourrait aller dans leur sens mais je crois qu'il faut commencer.

Nous vous proposons de maintenir cette charte telle quelle et de permettre au Conseil d'Etat de la ratifier, afin que la Banque cantonale, qui est en phase de rénovation, puisse travailler sereinement - parce qu'elle en a bien besoin.

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste . Il y a déjà M. Mouhanna, M. Droin, M. Grobet, M. Gautier, M. Odier, M. Bavarel, M. Schmied et Mme Bolay.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de première minorité. Un rapport de minorité, concernant le projet de loi relatif à la charte d'éthique de la Banque cantonale, ne signifie pas que la minorité que je représente est contre une charte éthique. Nous considérons simplement que la charte éthique qui nous est proposée est trop incomplète, trop vague et qu'elle manque de substance. Je vais m'expliquer à ce sujet.

Je rappellerai, en préambule, que la première fois qu'il a été question de charte éthique pour la Banque cantonale de Genève, c'était à l'époque de la fusion de la Caisse hypothécaire et de la Caisse d'épargne. J'ai d'ailleurs la date exacte de cela: c'était le 24 juin 1993. Dans l'article 11, alinéa 2, lettre f, de la loi sur la Banque cantonale de Genève, il était explicitement fait mention de la nécessité d'une charte éthique.

Nous sommes presque en juin 2005, par conséquent douze ans après, et l'on vient enfin avec une proposition de charte éthique. On sait ce qui s'est passé entre 1993 et 2005: d'énormes pertes ont été occasionnées, conduisant l'Etat à provisionner 2,7 milliards de francs. Comme certains se plaisent à diviser le montant de la dette par le total d'habitants, y compris les nourrissons, cela fait 6 750 F par habitant. Ces pertes énormes n'ont pas été occasionnées par de simples choix stratégiques au niveau de l'activité de la Banque - et de ce qui a constitué la Banque - mais il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements, un manquement à un certain nombre de règles. Je dirais même qu'il y a eu falsification des comptes qui ont conduit la Banque cantonale de Genève au seuil de la banqueroute.

A partir de là, il était impensable que la Banque cantonale ne tienne pas compte de ces différents éléments et qu'elle donne à la collectivité, c'est-à-dire les citoyennes et les citoyens de ce canton, la responsabilité d'assumer ce risque. La Banque devait absolument faire le nécessaire pour garantir, aux contribuables, une activité et une gestion qui respectent un certain nombre de règles fondamentales régissant une banque - qui n'est pas une simple banque privée, mais qui est destinée à servir l'économie cantonale et qui est, de plus, garantie par l'Etat.

Tout à l'heure, j'étais étonné du refus d'une majorité de ce Grand Conseil d'inscrire les points 31 et 36 en urgence. Le point 31, directement lié à cette affaire, est une proposition de motion qui visait à rechercher l'origine et la cause des créances consenties aux débiteurs défaillants de la Banque cantonale de Genève. Le point 36 est une proposition de résolution signée par quatre membres de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation, à savoir Mme Alexandra Gobet Winiger, malheureusement disparue, Claude Marcet, Véronique Pürro et moi-même. J'étais étonné que l'UDC vote contre l'urgence.

Qu'est-ce que cela à avoir avec ce rapport de minorité que je suis en train de défendre ? Il se trouve que la Fondation de valorisation réalise certains anciens gages de la Banque cantonale de Genève et qu'il y a d'énormes pertes sur certains de ces objets. Nous aurions donc voulu que ce Grand Conseil s'intéresse de plus près à une activité qui occasionne, pour la collectivité, des centaines de millions, voire des milliards, de francs de pertes, mais on n'a pas voulu de cela.

En commission des finances, un projet de loi visant à réduire le nombre de membres du conseil d'administration de la Banque cantonale a été accepté. Cela a pour effet de réduire les possibilités de contrôle démocratique de la Banque cantonale. Par conséquent, nous nous dirigeons, une fois de plus, vers un manque de transparence, de surveillance et de contrôle démocratique de cette Banque qui, je le répète encore, bénéficie de la garantie de l'Etat. Tous ces éléments me permettent d'affirmer que la charte éthique, telle que formulée, est minime et ne saurait nous satisfaire.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que la charte éthique comporte les règles qui auraient dû être respectées pour éviter le désastre dont j'ai parlé, à savoir:

«La sincérité, c'est-à-dire une présentation des comptes de la Banque qui soit conforme à la réalité, avec une indication précise des provisions requises pour les crédits à risque.

»La publication de comptes permettant de connaître la situation financière de la Banque (en lieu et place de comptes de perte et profit et de bilans beaucoup trop succincts).

»La mise en place d'organes de contrôle efficaces et sans complaisance.»

On se rappelle la complaisance d'un certain nombre d'organes de contrôle, qui ont fait croire qu'il y avait suffisamment de provisions et on a vu la suite. Je reprends ma lecture.

«Une information complète du Conseil d'administration.

»Des règles précises en matière d'octroi de crédits, notamment les crédits commerciaux (en blanc) dont le montant doit être limité et les crédits hypothécaires qui doivent être consentis sur la base de la valeur de rendement des objets immobiliers et d'un apport correct de fonds propres.»

Le président. Monsieur le rapporteur, il vous faut conclure, vous avez épuisé votre temps de parole. Je vous remercie.

M. Souhail Mouhanna. Merci.

Le président. Vous reprendrez la parole plus tard, si vous le souhaitez. La parole est à... (Le vice-président est interpellé.)Vous avez encore une ou deux phrases, je vous laisse finir, dans ce cas. Mais si vous avez encore une longue page sous les yeux... (Manifestation dans la salle.)

M. Souhail Mouhanna. Monsieur le président, vous avez immédiatement fermé la liste et maintenant, vous me coupez au milieu de mon intervention. J'avais encore trois ou quatre paragraphes à lire, mais je reprendrai la parole, Monsieur la président.

Le président. Vous reprendrez la parole, c'est très bien.

M. Antoine Droin (S), rapporteur de deuxième minorité. J'allais dire que j'aurais fait miennes les paroles du rapporteur de première minorité, mais comme il n'a pas eu le temps de finir, je ne peux pas m'avancer, puisque je ne connais pas la teneur de la fin de son intervention. Mais comme je la suppose, je peux d'ores et déjà affirmer que nous partageons une grande partie des arguments qui ont été avancés par M. Mouhanna.

J'ai commencé mon rapport de minorité en citant la définition du mot «éthique» parce que cela me semble primordial de commencer par cela. Nous parlons ici d'une charte éthique. L'éthique est l'art de diriger la conduite, selon le «Petit Robert». Cela me semble un point fondamental dans le débat qui nous anime, ce soir. J'ai aussi mentionné, dans mon rapport, que «qui peut le plus, peut le moins». Je veux dire par là qu'il est primordial que l'élaboration d'une charte éthique soit faite avec la volonté de clairement définir ce que le mot «éthique» signifie à l'égard des activités de l'entreprise de la Banque cantonale de Genève, puisqu'il s'agit d'elle.

La charte qui nous est proposée est une charte minimum, une charte, méchamment dit, «bon marché». Elle se veut un document auquel n'importe qui pourrait adhérer puisqu'en fait elle est peu contraignante. C'est un peu là que se situe le problème. En effet, une charte trop diluée ralliera tout le monde autour d'elle, au lieu de faire adhérer les gens à quelque chose d'un peu plus contraignant, avec toute la valeur du mot «éthique», que j'ai défini tout à l'heure. Il est fondamental pour nous qu'il y ait une charte éthique, mais pas à n'importe quel prix.

J'aimerais ajouter, à ce que j'ai écrit dans mon rapport, quelques mots au sujet de la problématique du développement durable. L'article 3 de la charte fait mention du développement durable, mais cette mention constitue plus un prétexte qu'une réelle volonté d'aller dans le sens concret de ce développement durable. Il n'y a en effet pas la notion de la durabilité telle qu'elle est définie, et on ne tient pas compte de la notion d'équilibre qui doit subsister entre les trois composantes du développement durable que sont le social, l'environnement et l'économie.

Je reprends ici l'alinéa 2 de l'article 1 de la loi sur l'action publique du développement durable qui stipule que l'on «recherchera la convergence et l'équilibre durable entre efficacité économique, solidarité sociale et responsabilité écologique.» Cela est fondamental, si l'on veut appliquer le développement durable. Or ce n'est pas le cas dans l'article 3, tel qu'il nous est proposé par l'organe de la Banque cantonale. Il ne suffit donc pas seulement de mentionner les mots «environnement», «économie» et «social» pour faire croire que l'on fait effectivement du développement durable.

Il n'en reste pas moins que tout un nombre d'éléments ne figurent pas dans cette charte, comme M. Mouhanna l'a mentionné. Il s'agit de l'évasion fiscale, les questions de blanchiment, la spéculation immobilière, la question du contrôle, celle du suivi ainsi que les questions d'égalité entre hommes et femmes.

Enfin, l'article 1 de la charte, telle qu'elle nous est proposée, fait mention de la transparence. Il me semble que c'est un élément fondamental qui doit figurer dans une charte, et un article spécifique dans la charte, à ce sujet, me semblerait tout aussi fondamental.

En fonction de tout ce que je viens d'évoquer, je vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir refuser ce projet de loi, afin que la Banque cantonale revienne avec une charte qui aura été plus pensée, pour que nous disposions d'une charte digne de ce nom.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais appuyer les rapports de minorité, en faisant un rappel historique au sujet de cette question.

Peu de temps après la création de la Banque cantonale, notre formation politique est intervenue à plusieurs reprises, publiquement et dans ce Grand Conseil, pour dénoncer un certain nombre de pratiques, pour le moins douteuses, de la Banque cantonale. La direction de la Banque a toujours traité ces interventions avec mépris, en prétendant que nous cherchions à dénigrer la Banque et que toutes ces accusations étaient infondées. Il est d'ailleurs à noter que, à l'époque, le Conseil d'Etat relayait servilement la direction de la Banque, en faisant des déclarations vraisemblablement préparées par la direction de la Banque cantonale. Deux ans avant la situation de banqueroute de la Banque cantonale, en l'an 2000, j'avais déclaré, dans cette enceinte, que j'étais convaincu que le bilan de la Banque n'était pas conforme à la réalité et que, en définitive, il s'agissait d'un bilan qui était faux.

La réalité a dépassé tout ce qu'on pouvait imaginer en ce qui concerne le «trafiquage» de la Banque cantonale puisque le surendettement aurait impliqué quatre fois plus de provisions que celles qui étaient créées. Devant ce désastre incommensurable, que même les esprits critiques n'avaient pu imaginer, on s'est tous demandé, en 2000, lors des débats pour trouver un moyen de sauver la Banque par le refinancement et le transfert d'actifs obérés à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, comment cette situation avait pu se produire et comment cela se faisait que la Banque n'ait pas respecté de règles éthiques élémentaires en matière de gestion bancaire.

C'est à ce moment-là que certains députés ont rappelé que la Banque aurait dû adopter, en vertu de la loi sur la Banque, une charte éthique. Cette loi a été votée en 1993 et il me semble du reste que cette disposition prévoyant l'adoption d'une charte éthique avait été introduite par le Grand Conseil. Sept ans plus tard, cette charte éthique n'avait toujours pas été adoptée. Cela montrait à quel point la direction de la Banque se préoccupait des questions d'éthique. Evidemment que, à ce moment-là, nous avons été plusieurs à intervenir pour demander: «Mais enfin, cette charte va-t-elle finalement être adoptée ?»

Je reconnais les mérites de la direction actuelle, qui a réussi à remettre cette Banque cantonale d'aplomb, mais en ce qui concerne cette charte éthique, excusez-moi, la direction de la Banque a failli à sa tâche. Ce n'est pas possible ! Quatorze ans après l'adoption de la loi prévoyant la nécessité d'adopter une charte éthique, après tout ce qui s'est passé au sein de cette Banque - des pratiques mafieuses, une gestion déplorable au détriment des clients et, surtout, des contribuables qui doivent aujourd'hui payer - il est scandaleux qu'on nous sorte un document aussi vide de toute substance.

Ce qui nous intéresse, Madame la présidente du Conseil d'Etat, c'est de connaître quelles seront les règles éthiques en matière de gestion bancaire. Prenez le texte de cette charte éthique: on y parle de la mission et des principes, il y a du bla-bla dans le premier alinéa, des considérations générales. Ensuite, on parle de la responsabilité envers l'ensemble des partenaires, la gestion de la Banque dans le respect du principe du développement durable, mais on ne parle pas de ce à quoi on s'attend en ce qui concerne une banque, à savoir quels sont les principes éthiques en matière de gestion de la Banque. Quelles sont les règles que l'on doit appliquer ?

Il est quand même extraordinaire que cela ne figure pas dans un projet de charte que l'on nous soumet aujourd'hui. Je prendrai un exemple que je connais bien, celui des crédits hypothécaires. Qu'a fait la Banque cantonale en matière de crédits hypothécaires ? Elle a violé les principes non écrits élémentaires qu'appliquent toutes les banques - mais que d'autres banques, à vrai dire, ont aussi violés dans les années quatre-vingt - à savoir d'accorder des crédits hypothécaires sans qu'il y ait de fonds propres. Elle n'a encore pas tenu compte de la valeur de rendement des immeubles, et les valeurs qui ont été données à des objets immobiliers n'avaient aucune correspondance avec la réalité. Il s'agissait de valeurs totalement fictives qui n'avaient rien à voir avec la véritable valeur de rendement. C'est honteux qu'on ne dise même pas, aujourd'hui - après tout ce qui s'est passé, après les 5,3 milliards de crédits hypothécaires obérés qui ont été transférés à la Fondation de valorisation des actifs de la BCG - que les crédits hypothécaires devraient être accordés en fonction de la valeur de rendement des immeubles. (L'orateur est interpellé.)Eh bien oui, c'est une question éthique élémentaire puisque, Madame la présidente, la Banque cantonale a violé les règles d'éthique en donnant des valeurs fictives et en recourant à des expertises fictives. Il y a quand même eu des architectes, qui étaient les hommes de main de la direction de la Banque cantonale, qui se faisaient payer des honoraires élevés pour faire des expertises de complaisance. Tout le monde a vu un certain nombre de ces expertises, dans lesquelles on donnait des valeurs de cinq mille ou dix mille francs le mètre carré de terrain. C'était totalement faux et tout ça, c'était pour accorder des crédits à des petits copains. Cela est absolument scandaleux.

Ce document doit être renvoyé en commission, Mesdames et Messieurs les députés, pour que la commission des finances donne un peu de substance...

La présidente. Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ...à cette charte éthique. Vous dites, Monsieur Catelain...

La présidente. Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ...faisons un premier pas, nous pourrons toujours revenir après ! Mais vous vous trompez totalement. On ne pourra pas revenir, parce que la charte doit être proposée par la direction de la Banque.

La présidente. Monsieur...

M. Christian Grobet. Nous ne pouvons même pas proposer cette charte. Tout ce que nous pouvons dire, c'est: «Non, nous ne sommes pas d'accord avec un document vide de substance.» Nous ne pouvons que faire un certain nombre de suggestions à la Banque pour qu'elle nous présente un document digne de ce nom, qui réponde à ce scandale qui nous coûte 250 millions de francs par année, plombant ainsi les comptes de l'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, faisons notre travail et disons à la Banque cantonale...

La présidente. Vous avez dépassé les sept minutes de temps de parole, Monsieur Grobet.

M. Christian Grobet. ...«Vous avez bien travaillé au redressement de la Banque, mais établissez - je finirai par cela, Madame la présidente - les règles fondamentales qui doivent régir cette Banque afin que ce qui s'est passé ne se reproduise plus !» (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L). Le débat sur l'éthique est relativement nouveau, dans ce parlement, cela est donc très intéressant. Cependant je crois, toute proportion gardée, qu'il faudrait remettre l'église au milieu du village - je peux m'exprimer ainsi à Genève - et ne pas confondre deux principes.

Le premier rapport de minorité justifie son refus en se calant sur des faits anciens qui tombent, pour la plupart, sous le coup de la loi. Le deuxième rapport de minorité, lui, se projette dans l'avenir en disant: «Si on veut cela, il faut faire ceci maintenant.» Enfin, mon préopinant, homme qui connaît tout le respect que je lui porte, me semble tout à coup avoir oublié qu'étant un des avocats les plus éminents de cette République, il ne saurait confondre les règles de droit qui gouvernent toute entreprise - les banques y compris - qui, lorsqu'elles sont violées, débouchent sur des plaintes, ce qui est le cas de la Banque cantonale ancienne version; et le sens que l'on peut donner à une charte éthique.

Mesdames et Messieurs, mettez toutes les choses que vous voulez, dans cette charte éthique: l'âge du capitaine, la hauteur des jupes, l'ourlet, n'importe quoi; tant que vous n'avez pas les moyens d'«implémenter» ou de forcer celles-ci, elles ne restent que des déclarations d'intention. Le droit qui gouverne les banques suisses est, comme vous le savez, le droit le plus complet et contraignant qui existe... (L'orateur est interpellé.)Je ne cherche pas, Monsieur le syndicaliste, à me battre sur votre terrain. Acceptez que, en la matière, j'en connaisse plus que vous.

Or, donc, confondre le droit et les contrôles qui sont imposés à une banque avec une charte d'éthique est une erreur fondamentale de jugement. On peut, on doit et il est souhaitable que toute entreprise puisse accepter une charte d'éthique. Celle qui nous est proposée par un certain nombre de membres du Conseil d'administration de ladite Banque cantonale viendra effectivement renforcer le cadre légal qui régule le monde bancaire. C'est une bonne chose, il y a de bonnes intentions, mais elles restent des intentions. Il est en effet souhaitable que la Banque cantonale s'y réfère et y adhère mais, soyons tout à fait clairs, si elle commet des infractions à cette charte d'éthique, il y aura quelques grands débats dans ce parlement sans pour autant qu'il y ait de sanction de quelque ordre que ce soit.

Soyons «proactifs», souhaitons que la Banque cantonale accepte et mette cette charte d'éthique en place, mais reconnaissons-lui sa vraie valeur ! Ne lui donnez pas l'image d'une hypothétique sanction ou de l'amélioration de ce qui s'est passé, et n'attendez pas d'elle qu'elle dirige le futur ! Il appartient à l'institution de déterminer publiquement quelle sera la qualité de ses rapports, en son sein et avec ses partenaires, et des engagements qu'elle prend, quant au respect d'un certain nombre de valeurs qui paraissent importantes à tout le monde, ici. Ce ne sera jamais rien d'autre que cela. Confondre le droit et l'éthique, Madame, est une grave erreur. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical approuvera cette charte mais avec une certaine réserve. Il s'agit de la même réserve qu'en l'an 2000, lorsque nous avions approuvé le sauvetage de la Banque: la réserve selon laquelle politique et économie ne font pas bon ménage. Nous pensions à l'époque, comme maintenant, qu'une banque devrait être beaucoup plus indépendante qu'elle ne l'est effectivement aujourd'hui.

En effet, une banque est un acteur économique. Elle se bat sur un terrain économique avec des concurrents et elle doit être performante pour fonctionner. A partir du moment où il y a un enjeu et une influence politiques, nous pensons que l'on en arrive à des situations telles que celles qui ont mené à la perte de la Banque qu'il a fallu sauver en l'an 2000. Ce que nous vivons aujourd'hui est, pour nous, une étape. Nous pensons que, à terme, la Banque cantonale devra être beaucoup plus indépendante et que l'Etat devrait se désengager de cette Banque.

Cette charte constitue une influence extérieure qui pourrait exercer une contrainte et constituer une entrave au bon fonctionnement de la Banque. Nous ne partageons donc pas du tout ce point de vue. Ce qui est, pour nous, admissible, c'est que cette charte a été choisie et définie par la Banque elle-même comme un objectif d'entreprise qu'il est possible, pour elle, d'atteindre. C'est à cette seule condition que nous allons approuver cette charte. Bien entendu, nous ne partageons pas le point de vue des rapporteurs de minorité qui, eux, au contraire, aimeraient encore ajouter des contraintes et des entraves susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement de cette banque.

Le groupe radical votera donc cette charte mais pas plus.

M. Christian Bavarel (Ve). Pour les Verts, il n'est pas question, ici, de juger de la légalité du travail de la Banque. Nous laisserons la commission fédérale des banques ainsi que les juges s'occuper de ce problème. Nous sommes bel et bien confrontés à un problème d'éthique.

Je me réjouis de voir que, dans cette salle, tout le monde s'accorde à dire qu'une charte éthique est nécessaire. C'est un outil indispensable. Le monde bancaire reposant sur la confiance et travaillant sur cette principale valeur, la confiance demande d'être dotée d'une charte éthique. Malheureusement, dans le monde du business, on a l'impression qu'il est possible de s'enrichir à n'importe quel prix et par n'importe quel moyen légal et que c'est ainsi que l'on doit fonctionner. On nous vend, plutôt que du libéralisme, la liberté du renard dans le poulailler. Il est certain que ce n'est pas à cela que l'on aspire.

Cette charte éthique n'est pas un but lointain à atteindre. Elle est un socle minimum sur lequel la Banque doit travailler. Les Verts pensent aussi que cette charte ne va pas assez loin mais qu'elle constitue déjà un pas dans la bonne direction. Il s'agit d'une amélioration par rapport à la situation actuelle. Nous sommes donc d'avis qu'il faille d'abord commencer par appliquer cette première charte éthique. Dans le futur, beaucoup d'améliorations pourront être faites sur cette charte. Nous soutiendrons donc cette charte éthique.

La présidente. Il est 19h. Je vous propose de nous arrêter jusqu'à 20h30. Nous reprendrons ce projet de loi pour le terminer, là où nous venons de nous arrêter. Puis nous enchaînerons sur les urgences.

Je vous souhaite un bon appétit.

Fin du débat: Session 08 (mai 2005) - Séance 47 du 20.05.2005