République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 121-C
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier l'initiative populaire 121 "Pour le maintien des notes à l'école primaire"

Débat

M. Christian Brunier (S), rapporteur de majorité. Tout d'abord, un premier constat. Je crois que nous sommes unanimes pour dire qu'il y a des questions cruciales qui se posent aujourd'hui à l'école de manière générale, à Genève mais aussi sur tout le continent européen, puisqu'on voit qu'il y a de plus en plus de jeunes qui sortent du système un peu «largués» à la fin de la scolarité. Il y a aussi une société qui bouge de plus en plus vite, donc une école devant s'adapter de plus en plus vite - l'école cherche un peu ses repères, comme la société cherche les siens. Autre constat: l'école n'est malheureusement plus considérée comme une institution - on le voit d'ailleurs de temps en temps ici, malheureusement.

Sur ces questions cruciales, voici la première chose que j'ai à dire: il est regrettable qu'à Genève, aujourd'hui, le seul débat porté sur la place publique consiste à savoir s'il faut des notes ou pas. Les notes sont un moyen, en aucun cas elles ne doivent être une finalité. C'est mon premier regret.

Ensuite, je crois que l'on a tendance à trop simplifier le débat. Il n'y a pas d'un côté des gens qui seraient des inconditionnels de la réforme en place et, d'un autre, des gens qui seraient critiques. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que le parti socialiste a été l'un des premiers partis à critiquer un certain nombre de choses. Nous sommes pédagogiquement favorables, bien entendu, à la réforme en cours dans le primaire. Néanmoins, nous avons soulevé quelques problèmes, car il n'y a pas une réforme, dans quelque domaine que ce soit, qui puisse réussir du premier coup ! Il faut sans cesse évaluer et adapter les réformes. Nous pensons que cela a été fait de manière insuffisante. Nous pensons que les objectifs n'étaient certainement pas assez clairs, que l'information aux parents aurait dû être meilleure et que la formation des enseignants aurait dû être renforcée. Bref, il y a toute une série de choses qui doivent être améliorées dans cette réforme, mais ce n'est en tous les cas pas en approuvant l'initiative qui nous est soumise aujourd'hui que nous résoudrons les problèmes, puisqu'ils débordent largement la question d'avoir ou pas des notes à l'école.

Je crois aussi qu'il y a derrière cette initiative un vrai débat de société et que c'est là-dessus que doit porter notre discussion de ce soir. On peut résumer cette dernière ainsi : voulons-nous une école qui progresse et qui s'adapte régulièrement à la société qui évolue de plus en plus vite ? Ou voulons-nous plutôt une école basée sur la nostalgie, sur ce que les gens ont vécu en tant qu'élèves quand ils étaient plus jeunes: une école, passez-moi l'expression, «de grand-papa» ?! (Brouhaha.)D'ailleurs, la rapporteure de minorité nous le dit à la page 116 du rapport - pour ceux qui n'ont pas lu. Elle écrit: «Un jeune de 2005 sait certainement mieux naviguer sur le Web que son homologue de 1930, mais pour ce qui est de lire, de déchiffrer et d'analyser un texte...». Cela sous-entend que l'école de 1930 formait certainement mieux les gens que celle d'aujourd'hui. Eh bien, Madame, c'est faux ! L'école est vivante aujourd'hui ! Je vous rappelle que s'il suffisait peut-être de savoir lire, écrire et compter en 1930, cela ne suffit plus dans notre société. Et aller dans la rue, sur les lieux de travail et de loisirs permet de comprendre quelle est l'importance de maîtriser les nouvelles technologies, de communiquer, de travailler en équipe. Alors, je ne crois pas qu'on puisse résumer l'école à trois connaissances : lire, écrire compter - mais je ne dis pas non plus que ce n'est pas bon ou pas bien. Je pense que l'école continue à enseigner à lire, à écrire, à compter, mais que c'est complémentaire avec un deuxième rôle de l'école: la sociabilisation des élèves. L'école, c'est en effet l'acquisition des savoirs, mais aussi la sociabilisation des élèves: la possibilité de travailler ensemble et d'avoir un comportement adapté à une forme de société. Ce n'est pas l'un ou l'autre, mais bien l'un et l'autre.

Je vais maintenant vous donner l'exemple d'un choix de société, puisque beaucoup font allusion à l'étude PISA. Dans cette étude, qui évalue les systèmes scolaires au niveau mondial, deux pays ont atteint d'excellents scores dans l'acquisition des compétences : la Finlande et la Corée du Sud. Cela nous permet de voir qu'il y a un vrai débat de société. En Finlande, le système est proche de notre école rénovée: il n'y a pas de notes en primaire; il y a des classes hétérogènes jusqu'à 16 ans; il y a beaucoup d'activités de loisirs, de sociabilisation; l'école est un lieu ouvert, une maison où se rend la population - ils sont les meilleurs dans l'étude PISA. Voilà pour la Finlande.

D'un autre côté, la Corée du Sud obtient aussi d'excellents scores dans l'acquisition de connaissances. Il s'agit d'un système où il y a des notes, la sélection y est terrible, il n'y a pas d'activités de loisirs, et les écoles ressemblent sévèrement à des casernes. Alors, la Corée du Sud a d'excellents résultats en matière d'acquisition des connaissances, mais elle détient aussi le record de suicides et de dépressions chez les jeunes. Nous sommes donc bien face à un débat de société.

Je relèverai encore les amalgames faits avec cette initiative: beaucoup ont laissé croire à la population que, si l'école genevoise présentait des résultats relativement moyens, voire mauvais, dans l'étude PISA, c'était simplement parce que les notes disparaissaient... C'est un mensonge, et vous le savez très bien, Mesdames et Messieurs les députés: la plupart des élèves évalués par l'étude PISA étaient soumis à un système de notation ! En commission, les radicaux nous ont fait croire qu'il y avait une baisse du niveau de connaissances des apprentis... (Remarque.)M. Barrillier le confirme ! Cette baisse viendrait, nous disent-ils, du fait qu'il n'y a plus de notes à l'école. Mais M. Barrillier oublie de dire que la plupart des élèves qui sont arrivés jusqu'ici en apprentissage ont été soumis à un système de notation aussi ! Il n'y a donc pas de corrélation entre l'abolition des notes et la baisse du niveau, puisque cette dernière apparaît précisément chez des élèves qui sont soumis aux notes.

Un des grands débats que nous devons avoir ce soir est celui concernant les moyennes. L'initiative réclame des notes, mais elle réclame surtout des moyennes. Et le résultat de l'évaluation des élèves, c'est le résultat d'une moyenne et non pas le résultat d'une appréciation de l'acquisition des connaissances au terme de l'année.

A ce sujet, je vais citer l'exemple que beaucoup ont donné, mais que peu de monde a entendu. Vous prenez deux élèves qui ont un «4» de moyenne générale et sont promus en fin d'année: l'un a eu un «2» au premier trimestre, un «4» au deuxième, et «6» au dernier; l'autre élève a fait la progression inverse. Eh bien, le premier est en pleine progression et l'autre voit son niveau chuter complètement; aujourd'hui, ces élèves sont traités de façon identique par l'école genevoise, tous deux sont promus, il n'y a pas de différence de traitement alors que l'un a vraiment besoin d'aide. Nous sommes donc dans une condamnation de la moyenne. Et nous, nous pensons qu'il faut mesurer, à la fin de l'année, le niveau d'acquisition des connaissances avec un système d'évaluation régulier, que nous avons réclamé. A la différence des initiants, nous pensons que les élèves doivent avoir une évaluation formative régulière, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et homogène sur le canton, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui non plus parce que, quand vous changez d'école, vous avez presque l'impression de changer de région, voire de pays.

J'ajoute qu'une bonne partie des malaises de l'école sont également liés au fait qu'il y a une diminution des moyens... (L'orateur est interpellé.)Je ne veux pas ouvrir un débat sur les moyens et sur la corrélation entre les moyens et le niveau scolaire ! Pourtant, sur le coût des élèves - c'est le chiffre qui compte - de 1991 à 2003, on a coupé 24% des moyens. Je ne connais pas une entreprise, pas une institution qui arrive à mieux fonctionner avec un quart de moyens en moins sur dix ans, en chiffres constants. C'est tout à fait impossible.

Les rapporteurs de minorité ont aussi joué sur le fait que le niveau scolaire baissait terriblement et que l'école genevoise était mauvaise. Il y a, certes, des grandes questions, et je les ai posées au départ, mais il faut arrêter de dire que tous les jeunes qui sortent des écoles genevoises sont mauvais et que les enseignants font mal leur travail ! Je rappelle que notre niveau de scolarité est en augmentation, de même que celui des connaissances. Je rappelle qu'en 1982 59,8% des jeunes sortaient de l'école genevoise avec un diplôme: aujourd'hui, ils sont 77,1%.

J'aimerais quand même insister sur le rapport de Mme Bartl qui, à la différence de M. Follonier, annonce clairement la couleur. On voit alors qu'on est face à un vrai débat de société. Que nous dit Mme Bartl à la page 117 ? Voici: «Il faut accepter l'idée que l'école est là pour sélectionner les meilleurs, les plus méritants.» C'est ce qui est écrit dans le rapport de minorité... On ne s'occupe que de sélectionner les meilleurs et les plus méritants. Les autres, on s'en sépare. Mme Bartl condamne le fait de mettre l'élève au centre du système; Mme Bartl condamne l'égalité des chances; elle combat le fait d'apprendre aux enfants à vivre en société; elle combat les classes de rattrapage... Cela fait beaucoup, hein ? Et ce n'est pas comme ça qu'on pourra vraiment valoriser notre école. Mme Bartl dit encore qu'il faut restaurer les valeurs de l'école genevoise... Eh bien, précisément, les valeurs de l'école genevoise, vous les trouvez à l'article 4 de la loi que vous n'avez pas proposé de modifier, à ma connaissance. Alors, les valeurs de l'école, c'est quoi ? C'est tout ce que vous contestez: l'égalité des chances, un système qui donne des possibilités de rattrapage aux enfants en difficulté. Ce n'est en tout cas pas de ne travailler qu'avec les meilleurs et de laisser tomber les autres !

Ensuite, il y a le débat sur ce que vous appelez, Madame Bartl, le «redoublement». Vous dites que c'est un moyen de sanctionner les plus mauvais. Un punition, dites-vous, Madame ! Il faut, dites-vous dans votre rapport, utiliser le redoublement pour punir les mauvais. C'est ce que vous écrivez ! (Brouhaha.)Aujourd'hui, le but n'est pas de sanctionner les mauvais élèves, c'est de laisser des chances aux gens qui apprennent un peu plus lentement. Le rythme de l'enfant, et toutes les analyses le démontrent, n'est pas le même d'un individu à l'autre. Vous ne pouvez pas dire : «Telle semaine, tous les enfants doivent avoir appris telle notion...», il y a des élèves qui ont un rythme différent: certains apprennent plus vite et ralentissent ensuite, d'autres sont lents puis accélèrent. Bref, le système de l'école genevoise permet de donner des chances à un maximum de monde ! Et l'idée d'un cycle d'apprentissage qui évolue, ce n'est pas la même chose qu'un redoublement. Le redoublement, c'est la sanction - la punition des mauvais, vous l'avez dit, Madame Bartl. Et le cycle variable accorde davantage de temps aux enfants qui ont un peu plus de problèmes. Dans ce système, on ne fait pas recommencer tout le programme, on insiste sur les notions que les élèves n'ont pas acquises - on n'est pas dans un système de rabâchage. Vous écrivez, Madame Bartl, qu'au niveau pédagogique la meilleure méthode, c'est la répétition... Mais la répétition ne va pas aider l'enfant qui n'a pas compris quelque chose, il faut trouver d'autres moyens pédagogiques.

Je conclus mon intervention en vous disant, Mesdames et Messieurs les députés, que nous pensons que cette initiative ne répond à aucun problème et n'amène aucun moyen d'améliorer la réforme. Par contre, nous estimons que le département - sous l'ère de Mme Brunschwig Graf, mais également dans la continuité, avec M. Beer - a pris des dispositions pour corriger certaines dérives, comme pour toute nouvelle réforme. Je répète que je ne connais pas de réforme qui réussit du premier coup. Alors, il faut continuer dans ce sens, il y a une vraie prise de conscience du département, il y a un travail qui se fait réellement. Et ce n'est pas avec des initiatives populistes qui ne résolvent aucun problème que nous allons améliorer la qualité de l'école genevoise ! (Applaudissements.)

M. Jacques Follonier (R), rapporteur de première minorité. Je vais essayer d'être moins bavard que mon préopinant bien que cela sera difficile, parce que, comme vous le savez, ce sujet me tient à coeur.

Je suis content d'entendre M. Brunier nous parler enfin de cette initiative. En effet, j'ai été surpris de voir son rapport de majorité ne traiter que du contreprojet, alors que nous avons travaillé sur une initiative.

J'aimerais vous dire une chose, Mesdames et Messieurs les députés: travailler pour le futur, ce n'est pas détruire le passé. M. Brunier nous dit dans son rapport que cette initiative est simpliste et qu'elle fige l'école dans le passé. Mais pourquoi nier ce que le passé nous a apporté ? C'est pire qu'être rétrograde, c'est être inconscient.

Je vous rappelle que le SRED, nous indiquait en 1999 déjà que les enseignants - tous les enseignants - pratiquaient la différenciation, c'est-à-dire qu'ils suivaient le parcours de chaque élève selon ses difficultés. Ce rapport ajoutait que l'image même des vieux profs poussiéreux donnant leur cours ex cathedran'est qu'un mythe à Genève ! Alors, je ne comprends pas pourquoi on essaie de nous le ressortir à chaque pas et à chaque avancée.

Je vais parler maintenant de la rénovation. C'est le feuilleton, cette rénovation ! C'est «Dallas», la rénovation à Genève ! Et malheur à celui qui n'a rien compris ! Mais, en même temps, si quelqu'un ici a compris, je le félicite. Bravo !

Ce feuilleton commence en 1994, avec l'arrivée par le «Petit Bleu» du début de la rénovation. Mais que voit-on tout de suite en 1995 ? Une chose qu'il est tout de même important de souligner: la FAMCO, la SPG, le SSP-VPOD s'opposent dès le départ à cette rénovation. Tous les syndicats d'enseignants viennent nous dire que cette réforme est nulle, qu'elle enfonce des portes ouvertes et que, depuis toujours, les élèves ont été placés au centre des préoccupations des enseignants. Mais, mon Dieu, où partait-on ?! Cela ne nous a pas empêché de continuer... En 1998, que fait-on ? On fait enfin le bilan de l'An 3 - comme si l'on était un peu après la révolution, on fait le bilan de l'An 3... Le GRI - dont certains savent que c'est le Groupe de recherche en innovation - pond un rapport. Il tombe mal, ce rapport ! Il relève une chose qui ne plaît pas du tout aux gens qui ont fait la rénovation, il dit que cette dernière ne remplit pas son rôle. La rénovation connaît deux grands échecs: tout d'abord elle ne participe pas à la réduction de l'échec scolaire - ce qui est grave parce que c'était son but et la raison pour laquelle on l'avait mise sur pied; ensuite, elle ne lutte absolument pas contre les inégalités sociales - ce qui était aussi un des grands objectifs de cette rénovation.

A partir de là, c'est vrai qu'on pouvait se poser des questions. Cela n'a pourtant pas suffit ! Imaginez, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en 1999 le SRED, qui est quand même un organisme du département, pond lui aussi un rapport et signale qu'il est désolé, mais que la rénovation n'atteint pas du tout son but... D'ailleurs, le SRED a fait une étude pour le prouver: les élèves qui sortent de 6P, de classes rénovées, ne sont pas meilleurs que ceux qui sortent de classes dites traditionnelles ou non rénovées ! Cela jette un froid, le DIP décide à ce moment-là de ne plus pratiquer ce genre de tests. C'est dommage, parce que depuis 1999 on n'a plus procédé à cela. Mais si on l'avait fait régulièrement, on aurait aujourd'hui une meilleure vision de ce qu'est vraiment cette rénovation. Cela m'amènera plus tard à me poser la question de qui a vraiment peur du loup, de qui a vraiment peur de ces évaluations.

En 2000, bien que le SRED et le groupe de pilotage disent que cela ne va pas, que ce n'est pas prêt et que ce n'est pas bon, le département décide d'étendre sa rénovation à une plus large partie des écoles.

Malheureusement, en 2002, il y a un petit retour en arrière, on se dit que, peut-être, on est allé un peu trop loin. On décide alors de prendre une année pour stabiliser les choses et comprendre ce qui se passe. La même année, il y a aussi eu une motion radicale. Elle était très claire, elle disait que nous voulions des notes et, surtout, que nous voulions une évaluation claire de ce qui se passe dans cette rénovation et que l'on distingue ce qui est bon de ce qui est mauvais: nous ne voulions pas laisser aller les choses à vau-l'eau ! Et la réponse du Grand Conseil - que vous avez votée, Mesdames et Messieurs les députés ! - a été un oui massif ! Je me rappelle M. Beer se levant et nous promettant que d'ici six mois nous aurions une réelle évaluation. Deux ans plus tard: nada, rien, zéro, le flou total! C'est assez difficile, surtout si l'on pense qu'en 2003, alors que le Grand Conseil devait recevoir un rapport, le département continuait son avancée au forceps dans la rénovation... On trouve des projets... Certaines écoles gardent les notes, d'autres le redoublement, etc. J'avoue que c'est un petchi assez complet.

Pourquoi tout cela, me direz-vous ? Quel est l'avantage des notes ? Il est évident que c'est un avantage ! Cela, on le sait. Aujourd'hui, quand M. Beer ou M. Brunier reprennent cet exemple des deux moyennes identiques pour un élève qui progresse et un autre qui régresse, cela frise le ridicule. J'ai posé la question, j'ai demandé qu'on me montre un élève à Genève, un seul, qui ait vécu ce cas-là: il n'y en a aucun ! Donc, c'est vraiment ridicule de parler de cela. Quant à un élève qui rate aujourd'hui, il a un «2», «2» et «3». Qu'on prenne cela dans un sens ou dans un autre, j'en suis désolé, mais il ratera de la même manière. On nous a dit que les cycles d'apprentissage auraient pu être de deux ans ou de quatre ans. Finalement, pourquoi pas des cycles d'une année ?

Dans tout cela, il faut chercher l'erreur. Et où est-elle cette erreur ? Eh bien, on a voulu lutter contre le redoublement... J'avoue que j'ai été scandalisé quand j'ai reçu ce petit billet de M. Beer qui mentionne ses treize priorités. Lorsqu'on lui a dit qu'en page 2 de ses priorités figurait l'échec scolaire et que cela revenait à enfoncer des portes ouvertes, M. Beer nous a répondu qu'il prendrait de l'élan pour les enfoncer... Alors, je souhaite qu'il prenne de l'élan pour enfoncer ces portes ouvertes et qu'il tombe dans le précipice qui est derrière ! C'est tout de même assez étrange qu'on lutte contre le redoublement. Cela paraît une chose logique et normale. Ce n'est même pas une priorité, c'est un impératif. Pourquoi a-t-on voulu lutter contre le redoublement ? Pour deux raisons. D'abord, il a fallu trouver un moyen de lutter contre ce redoublement. On en a trouvé deux : supprimer les notes et supprimer le passage annuel. C'était le truc simple, plus de notes et plus de passage annuel: passage automatique, donc plus de redoublement. Et pourquoi a-t-on fait cela ? Parce que c'était utile pour les élèves ? Par manque de places dans les classes ? Parce qu'un redoublant - on le cache un peu trop souvent - coûte quand même très cher à l'Etat ? Je ne sais pas, je pose ces questions.

Il est clair que tout d'abord, même si l'on a demandé aux enseignants - et c'est le département qui l'a fait - de diminuer les exigences en ce qui concerne les notes, on se trouve aujourd'hui dans une situation inextricable. Aujourd'hui, 80% des parents genevois souhaitent des notes et des commentaires éventuels - lorsqu'on fait une étude au niveau romand, on s'aperçoit que 90% des parents veulent des notes avec des commentaires. Alors, quand vous lisez le fameux rapport - et Dieu sait si Olivier de Marcellus est plutôt quelqu'un qui n'est pas dans nos rangs... Quand le SRED publie «De l'autre côté du miroir» où, pour une fois, on donne la parole aux élèves, eh bien, ceux-ci prononcent cette phrase qui m'a marqué : «Les notes sont elles-mêmes la raison d'être de notre travail.» Vous me direz, bien sûr, que cela touche le secondaire; mais cela touche aussi le primaire ! Donc, effectivement, pour les élèves genevois, les notes sont très importantes.

PISA... Je n'en parlerai même pas. On reviendra peut-être dessus, parce que j'avoue que ce que j'ai entendu est sidérant. N'empêche que j'aimerais juste relever une phrase qui nous a été dite en commission: 10% des élèves ne se sont pas présentés à ce contrôle, pour une raison que je vous donne en mille: parce que ce contrôle n'était pas noté !

Nos élèves, c'est vrai qu'ils sont bons ! La qualité de nos enseignants, aussi, est bonne. Mais si vous cherchez l'erreur, vous finirez par la trouver. Il est clair que, par rapport à ce problème mathématique, c'est le système scolaire qui n'est pas bon et c'est le département qui ne fait plus son travail. Je vous pose cette dernière question: est-ce que nous, Genevois, devrons toujours être les derniers de classe ? Moi, je ne le pense pas et je vous invite à voter cette initiative. (Applaudissements.)

Mme Caroline Bartl (UDC), rapporteuse de deuxième minorité. De toute façon, je pense que, quoi que je dise ce soir, nous n'arriverons pas à nous entendre avec M. Brunier, parce qu'on n'a pas du tout la même idée de ce que veut dire «égalité des chances». (L'oratrice est interpellée.)Bref, je vais quand même dire ce que je pense. Comme vous l'avez relevé, Monsieur, je dis clairement les choses !

On voit très clairement que d'un côté on a ceux qui plaident pour une élévation du niveau de formation des nouvelles générations et, de l'autre, il y a la gauche qui, au nom de la liberté et des vertus émancipatrices de l'école, plaide pour un accès plus libre à la culture. Alors, l'ampleur des redoublements et des retards scolaires est dénoncée par la droite comme un indice du faible rendement de l'école et par la gauche comme une injustice, une inégalité sociale de réussite devant l'école.

Que s'est-il donc passé ? Qu'a-t-on a fait pour pallier l'échec scolaire ? On a trouvé des mesures curatives, c'est-à-dire l'appui pédagogique, le soutien et les appuis scolaires, toutes ces choses... Les réformes des plans d'études et des méthodes qui se sont succédé ont été, elles aussi, mises au service d'une meilleure accessibilité des études pour tous. Et en fin de compte, on remarque que les réformes scolaires, jusqu'à aujourd'hui, n'ont pas changé la société, comme l'espéraient certaines utopies ! A l'extérieur de l'école, Monsieur Brunier, plein d'inégalités sociales qui existent, et tant qu'elles existent dans la société, eh bien, elles existeront à l'école ! De toutes façon, c'est comme ça, je ne vois pas comment vous comptez changer les choses. Il ne faut pas oublier non plus que l'école est un échantillon représentatif de la société.

Il y a encore deux autres problèmes. A l'exigence de garantir un haut niveau de formation répond la demande simultanée de faire réussir chacun; d'un autre côté, à l'exigence de rigueur s'oppose celle de convivialité du quotidien scolaire. Je pense qu'il faudrait déjà régler ces quelques problèmes, et ensuite nous pourrons aller de l'avant.

Le but aujourd'hui, c'est d'unifier la scolarité primaire pour tous les élèves. On tient compte de leur hétérogénéité, on adapte l'enseignement à l'ensemble de la population scolaire; il est question, là, d'égalité des droits, d'égalité des élèves. Donc, pour assurer l'égalité et la réussite de chacun, l'enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité.

En plus, la prolongation de la scolarité est soutenue par votre discours sur la démocratisation de l'enseignement et les chances égales, Mesdames et Messieurs de la gauche ! Mais aujourd'hui, Monsieur Brunier, nombre d'enseignants trouvent qu'il est de plus en plus difficile, voire impossible, d'instruire véritablement les élèves dont ils ont la charge. Ils n'arrivent plus à enseigner dans des conditions acceptables. C'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui : la démolition, la destruction de l'enseignement. Que l'enseignement n'ait jamais été parfait ne doit pas nous empêcher de dire qu'il a connu de vraies réussites et que, malheureusement, au nom des nouveaux progrès que vous préconisez, eh bien, ces réussites sont menacées et, pire aujourd'hui, elles ont pratiquement disparu.

Alors, vous pouvez parler de toutes les réformes que vous voulez, vous pouvez nous mettre sous le nez des exemples de pays comme la Finlande, cela n'y change rien. La Finlande ? Elle n'a pas la même culture ! Elle n'a pas les mêmes traditions ! Le pays n'a pas la même grandeur, il n'y a pas le même taux d'immigration. C'est sûr que, 2% d'immigration, ce n'est pas la même chose qu'en Suisse ! D'après ce que j'ai lu, la Finlande, elle, mise sur la culture; chez nous, ce n'est pas du tout la même chose: nous sommes une société laxiste et nous nous endormons sur nos lauriers !

Qu'allez-vous faire, Mesdames et Messieurs, quand vous n'arriverez plus à pallier les problèmes, quand vous serez au pied du mur ? Allez-vous aller réclamer une société sans école, parce que ce sera plus facile ? Est-ce que vous voudrez combattre l'éducation parce qu'elle est un endoctrinement ? Est-ce que vous voudrez bannir, en plus des notes, les examens parce qu'ils sont un outil de sélection ? Et est-ce que vous voudrez jeter à la poubelle les compétences parce que, prétendument, elles ne sont utiles qu'aux exploiteurs ? Parce que c'est dans cette perspective que vous vous dirigez, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face ! Non seulement vers une égalité des chances, mais également vers une égalité des résultats. (L'oratrice est interpellée.)Eh oui, Monsieur Brunier ! Pas de mauvaises notes, donc pas d'échec scolaire ! Evidemment, cela ne peut pas se concevoir pour tous les élèves d'une même filière. Alors, on a créé une diversification des filières pour que tous les élèves, quel que soit leur niveau, puissent passer d'un stade à l'autre.

Malgré une analyse assez pertinente de la situation actuelle, de la crise actuelle de l'éducation, vous préconisez, Mesdames et Messieurs, une école allégée, fondée sur, que sais-je, les comportements, les savoir-faire, plutôt que sur la transmission de la culture et des valeurs dignes de ce nom... Tous les élèves réussiront peut-être, mais que réussiront-ils, en fait ?

«Egalité des chances» ? Je crois que nous n'en avons pas du tout la même définition, Monsieur Brunier ! Pour moi, c'est un joli nom, c'est une belle utopie qui perdure depuis trente ans. Quant au redoublement, il ne faut surtout pas en parler, cela risquerait de choquer psychologiquement certains élèves. Alors, on préfère dire: «rallongement de cycle». Bien ! Disons «rallongement de cycle» une fois ! Ensuite, quand on verra que les élèves ne sont pas capables de suivre, on demandera un deuxième «rallongement de cycle» et ainsi de suite. Je ne sais pas, mais est-ce que nous, qui sommes une population ayant subi des redoublements, en avons été choqués psychologiquement ? C'est clair qu'aujourd'hui il vaut mieux ne pas faire subir trop d'échecs aux enfants... Dans leur vie future, pourront-ils supporter ce genre d'échecs ? Si on ne leur fait pas comprendre à l'école que l'échec existe, qu'est-ce que ce sera dans la vie future ?!

Alors que se passe-t-il ? Aujourd'hui, un nombre de plus en plus grand d'enseignants refusent vos notions égalitaristes, parce qu'ils remarquent qu'ils n'arrivent plus à faire face à l'échec scolaire et que personne n'y a trouvé son compte. Et que se passe-t-il dans les classes ? Les bons élèves s'ennuient et ne ressentent plus le goût de l'effort. Quant aux élèves moins performants... Pour que tout le monde puisse suivre dans la classe, on préfère baisser le niveau, ce qui fait que les bons élèves progressent et apprennent moins vite. Quant aux élèves moyens - c'est d'ailleurs un terme pleinement approprié puisque, aujourd'hui, on veut que tout le monde soit moyen, conforme, sans trop d'ambition - eh bien, ceux-là ont probablement moins souffert que les autres. Encore qu'un système préconisant le goût de l'effort, l'émulation, le sens du plaisir intellectuel aurait peut-être éduqué ces enfants de manière plus efficace que ce que l'éducation actuelle ne le fait.

Il est clair qu'on est loin de l'école de Jules Ferry, dont la vocation était de transmettre la même culture à tous les enfants, que ce soit ceux des classes populaires ou ceux de la bourgeoisie, car, finalement, c'est l'inverse qui s'est produit. Constatant depuis près de 30 ans, mais sans vouloir se l'avouer, que la formule de l'école genevoise ne fonctionne pas et génère l'échec scolaire, les différents réformateurs ont préféré réaliser des coupes, des allégements de programmes. Autant de tristes simplifications. Que se passe-t-il donc ? Au lieu d'élever les enfants vers la culture, eh bien, on l'a simplifiée l'abaisser au niveau des enfants. C'est, encore une fois, le principe du nivellement par le bas qui a prévalu, au nom de l'égalitarisme !

Encore une chose, Monsieur Brunier: je crois qu'on confond trop souvent égalité et justice dans la manière de penser l'école. L'égalité suppose que l'on donne à chacun les moyens d'arriver au but, selon ses capacités personnelles, et non que l'on donne à tous la même chose, quels que soient leurs aptitudes et leurs besoins.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, je reprendrai la parole plus tard.

M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais tout d'abord rappeler que le maintien des notes à l'école a toujours été un élément prépondérant du programme électoral du parti radical, et cela depuis 2001 déjà, soit bien avant que l'Association ARLE existe ou que cette initiative rencontre le succès qu'on lui connaît.

Soucieux de préserver la qualité de l'école publique genevoise, nous nous étions alertés de l'évolution de celle-ci, qui se traduit dans les faits par des signaux sommes toutes inquiétants: il y a les résultats scolaires en comparaison avec d'autres cantons, que stigmatise le rapport PISA; il y a le taux d'échec au dixième degré, sans parler du constat que font les maîtres d'apprentissages, constat sur lequel M. Barrillier reviendra un peu plus tard. Tout concorde pour démontrer que les élèves maîtrisent de moins en moins bien la langue française au sortir de l'école obligatoire.

Forts de ce constat, les uns, comme M. Brunier, préconisent la poursuite des rénovations, les autres des mesures plus radicales - au sens étymologique du terme, vous l'aurez compris. C'est la raison pour laquelle, comme l'a rappelé M. Follonier, nous avions déposé en 2002 la motion 1442 qui demandait un moratoire sur les réformes en attendant qu'une évaluation de ces dernières soit soumise au parlement. Il est à noter que le rapport du SRED annexé au rapport de minorité de M. Follonier stigmatise le fait qu'aucune évaluation concrète ne permet de conclure que la rénovation apporterait un mieux en termes de qualité d'enseignement.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, la question que nous devons nous poser est la suivante : quel est le rôle joué par les notes ? Les notes, c'est à la fois beaucoup et peu de choses. Elles sont peu de chose si ce ne sont que des codes chiffrés sans signification. Elles sont en revanche bien plus si ces notes correspondent à l'expression d'une évaluation certificative, c'est-à-dire une évaluation qui indique le niveau atteint par chaque élève par rapport à un objectif commun à tous. C'est à ces notes-là, Mesdames et Messieurs les députés, que les radicaux sont rattachés. Elles permettent, en effet, à chacun - à l'élève comme aux parents - de mesurer la distance qui le sépare de l'objectif demandé.

Ces notes, Monsieur Brunier, n'empêchent pas les commentaires et les appréciations de caractère formatif. Au contraire, nous estimons que ces deux types d'évaluations doivent coexister durant l'ensemble du cursus scolaire. C'est la raison pour laquelle le parti radical a toujours soutenu l'IN 121, dont la formulation permet de préserver le caractère républicain de l'école, à savoir l'exigence d'une évaluation annuelle d'objectifs communs à toutes et à tous.

Pour le surplus, le groupe radical a déposé un contreprojet à cette initiative. C'est la copie conforme du modèle vaudois qui a été voté, je vous le rappelle, tant par les libéraux que par les socialistes. Ce contreprojet a en outre le mérite d'élargir l'horizon de l'initiative sans toutefois en trahir la philosophie, ce qui est l'élément le plus important. On ne peut pas en dire autant du contreprojet du DIP qui n'est, au fond et à la forme, qu'une reformulation des réformes qui sont déjà proposées depuis un certain temps.

A cela s'ajoute que ce projet de loi a plusieurs avantages. Le premier, c'est qu'il permet de franchir le premier pas vers une harmonisation scolaire que près de trois quarts des Romands appellent de leur voeux, à en juger par le dernier sondage publié récemment par «L'Hebdo». Le second, c'est que ce projet de loi est équilibré et permet de maintenir une école de qualité tout en intégrant les nouvelles pratiques d'évaluation formative. Le troisième, et non le moindre, c'est qu'il permet le retrait éventuel de l'initiative d'ARLE, à en juger du moins par la prise de position qui indique que l'initiative pourrait être retirée et que vous retrouverez sur le site www.ecolegenevoise.ch. Vous conviendrez tous que si cette initiative devait être retirée, nous éviterions une guerre fratricide en votation populaire.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical soutiendra l'initiative et, dans l'hypothèse où ce parlement rejetterait cette initiative, il soutiendra le principe d'un contreprojet, mais pas n'importe lequel. (Applaudissements.)

Mme Marie-Louise Thorel (S). Qui doit décider de l'avenir de l'école ? Qui doit décider du contenu des programmes et des méthodes d'évaluation ? Nous pouvons nous poser de nombreuses questions, et probablement le débat de ce soir apportera-t-il peu de réponses à ce sujet. Néanmoins, je laisse à votre réflexion, à votre sagacité, la question suivante : si l'on demandait aux gens leur avis sur l'obligation de porter la ceinture de sécurité, diraient-ils oui ? On peut en douter.

Nous devons faire un peu plus confiance aux pédagogues, aux chercheurs en éducation. Ils exercent des professions pour lesquelles ils sont formés et en constante réflexion. Nous ne remettons pas facilement en question le savoir médical, généralement, nous faisons confiance aux médecins qui nous soignent, nous respectons leurs connaissances, leur savoir. Mais, en ce qui concerne l'enseignement, tout le monde sait tout sur tout: les méthodes, les contenus de l'enseignement, la formation des enseignants. Nous confondons allègrement ce qui est de l'ordre de la communication, du partenariat, avec ce qui est de l'ordre du pouvoir de décision, des orientations fondamentales à prendre pour l'avenir de nos enfants et de nos petits enfants.

En ce qui concerne la rénovation elle-même, il faut dissocier le fond de la forme. En effet, autant nous pouvons être d'accord sur le fond, autant nous pouvons être critiques sur le début de la mise en place de cette réforme: une mise en place à la hussarde.

Le discours que j'ai entendu à l'époque, lorsque j'étais enseignante, consistait à dire aux enseignants que la rénovation se ferait qu'ils le veuillent ou non, négligeant par là même avec les adultes, un des fondements de la rénovation : l'appropriation des savoirs. Ce qui était préconisé pour les enfants n'était pas mis en application avec les adultes dans un processus formatif. Pour créer une résistance au changement, on ne fait pas mieux ! Enseignant est une profession difficile, une profession à risque, qui se complexifie de plus en plus. Les enseignants ont besoin d'être reconnus, écoutés, mais pas d'être malmenés.

Le déficit de communication avec les parents a aussi été un point sensible et a suscité force réactions. Aujourd'hui, les enseignants doivent consacrer encore plus de temps pour établir une meilleure communication. Ne l'oublions pas, les parents sont les partenaires directs pour tout ce qui concerne l'éducation de leurs enfants. Le partenariat, c'est collaborer ensemble, échanger pour le bien des enfants.

La note... La note, c'est l'arbre qui cache la forêt. La note est un faux problème. La question de fond est et reste à nos yeux celle de l'approche des apprentissages. L'enfant doit-il apprendre «mécaniquement» ou doit-il être actif dans l'appropriation des savoirs ? Doit-il le faire par rapport à lui-même ? Gardant ainsi tout au long de sa vie le goût d'apprendre, de se former, ce qui est devenu fondamental dans la société actuelle, où l'on ne pratique plus la même profession durant toute sa vie active, où il faut sans cesse se former, s'adapter à de nouvelles exigences, à de nouveaux défis, l'élève n'est pas un être passif qui subit l'école.

Mme Bartl, dans son rapport de minorité, évoque Hannah Arendt, ce qui est très intéressant. Notons au passage qu'il s'agit en fait d'une philosophe. Je cite la phrase qu'a relevée Mme Bartl : «Le rôle de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde et non de leur inculquer un art de vivre.» Cette phrase est totalement sortie de son contexte. La philosophie d'Hannah Arendt consiste pour l'essentiel à dénoncer la banalité du mal - voir à ce sujet le livre qu'elle a écrit sur le procès Eichmann à Jérusalem. Ses écrits tendent à démontrer la nécessité du développement d'un esprit critique et la capacité de savoir dire non.

C'est dans cet esprit que je vous invite, au nom du groupe socialiste, à voter non à l'initiative 121. (Applaudissements.)

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Une fois de plus, nous abordons le sujet de l'école par le biais de l'initiative lancée par ARLE, qui nous entraîne malheureusement vers un débat réducteur: notes ou pas de notes; cycles ou années d'apprentissage. Le danger de cette initiative est qu'elle nous obligerait à figer dans la loi des manières de faire bien trop rigides, pour une école qui devrait être évolutive et efficace.

En effet, cette initiative, soutenue par les radicaux et l'UDC, demande entre autres de figer dans la loi le principe des notes au détriment d'évaluation exigeantes et formatives, plus profitables pour les élèves et les parents. Si la note est un indicateur, elle ne permet en aucun cas à l'enfant de corriger ses erreurs ou de combler ses lacunes. La moyenne est bien pire encore, car elle n'est que le résultat d'une succession de chiffres qui n'informent pas de la progression ou de la dégradation de la situation de l'élève.

Cette initiative empêcherait également d'instaurer des cycles d'apprentissage qui permettraient pourtant de mieux respecter le rythme d'acquisition des connaissances des enfants. Entre quatre et douze ans, les capacités d'apprentissage ne sont pas identiques pour chaque enfant. Et laisser du temps aux élèves rencontrant des difficultés dans certaines branches pour atteindre les objectifs fixés ou, au contraire, respecter ceux qui disposent de plus de facilité pour progresser plus rapidement, cela devrait être encouragé.

Les opposants aux cycles d'apprentissage préfèrent s'en tenir au redoublement. En Suisse, près d'un enfant sur cinq redouble au cours de sa scolarité obligatoire. Le redoublement est considéré en général comme une mesure pédagogique qui permet d'accorder aux élèves les plus faibles plus de temps d'apprentissage. Pourtant, les conclusions de la première étude à l'échelle nationale sur le redoublement scolaire font ressortir que, au degré primaire, ces redoublements ne débouchent pas sur les progrès d'apprentissage escomptés. Cette étude démontre que le redoublement n'est pas une mesure pédagogique pertinente: les élèves concernés sont à nouveau en retard à la fin de l'année suivante. Elle constate qu'à faiblesse égale certains élèves redoublent et d'autres pas. La décision de redoubler l'année diffère selon la maîtresse ou le maître responsable de la classe et les enseignants sous-estiment systématiquement les futurs élèves redoublants. Cette étude indique encore des inégalités frappantes entre Suisse romande et Suisse alémanique: 2,8% des élèves redoublent en Suisse romande contre 1,9% en Suisse alémanique. Parmi les élèves qui redoublent, la proportion d'étrangers est deux fois plus forte en Suisse romande qu'en Suisse alémanique: 63,7% contre 23,8%. Enfin, et c'est important de le souligner, seuls 7,2% des élèves romands bénéficient d'un appui scolaire individualisé contre 62,3% dans la partie germanophone. Apparemment, les Romands s'efforcent de compenser par le redoublement le manque d'offres d'appui aux enfants, notamment à ceux de langue étrangères. Au vu de ces résultats, les chercheurs estiment que le redoublement n'est plus défendable, en particulier par rapport à l'égalité de traitement entre enfants. Selon l'Office fédéral de la statistique, les pouvoirs publics consacrent chaque année 11 000 F par élève du degré primaire. Le redoublement coûte donc cher ! Il serait possible avec des coûts moins élevés d'offrir chaque semaine deux ou trois heures d'appui efficace aux élèves les plus faibles.

Voilà une étude qui devrait nous faire réfléchir aux moyens qu'il faudrait donner à l'école pour lutter contre l'échec scolaire. Mais ceux qui soutiennent l'initiative font fi de cette étude et préfèrent opposer une école prétendument exigeante, avec des notes et des redoublements, à une école rénovée ou réformée soi-disant laxiste. Quelle erreur ! Nous voulons une école de qualité, valorisant les transmissions des savoirs fondamentaux, mais également les transmissions de savoir-faire et de savoir-être. Nous sommes attachés au savant équilibre entre l'acquisition des connaissances de base et la mission éducative qui sont les deux priorités fixées dans la loi sur l'instruction publique.

La réalité est que certains voudraient une école élitiste qui ne se préoccupe que de la transmission des savoirs et qui sélectionne déjà dans les tout petits degrés, laissant sur le carreau les plus faibles. Le rapport de minorité de Mme Bartl est un vibrant plaidoyer pour ce système.

D'autres, dont les Verts, voudraient une école primaire de laquelle sorte un maximum d'élèves avec des acquisitions élémentaires et les bagages nécessaires pour faire d'eux des citoyens responsables, prêts à affronter le monde et ses complexités. Pour cela, les Verts sont convaincus que l'initiative ARLE n'apporte pas la bonne réponse et ne va pas dans le sens de l'école que nous voulons pour nos enfants.

Nous vous encourageons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cette initiative et à accepter le principe d'un contreprojet qui réunifiera l'école autour d'un projet commun constructif, qui tienne compte des réalités du terrain et qui soit bénéfique pour les enfants et leurs parents. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). J'aimerais d'emblée féliciter mon collègue de parti, rapporteur de première minorité, pour son excellent rapport. (Commentaires.)Je félicite le rapporteur de première minorité parce qu'il s'est donné la peine de faire l'historique et de démontrer correctement, objectivement, le cheminement de toute cette problématique, ce que n'a pas fait le rapporteur de majorité qui s'est même permis d'utiliser certains termes ironiques dans son rapport. (Commentaires.)

Suite aux interventions que nous venons d'entendre, il est évident que le débat de ce soir n'est pas qu'un débat sur la note, sur la répartition en six années du cycle primaire ou encore sur la possibilité de redoubler.

Ce n'est pas seulement cela, vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est un débat de société que nous avons ici ! Et ce débat, Madame Thorel, doit avoir lieu ici, au parlement, car c'est nous, représentants du peuple, qui devons donner notre avis. Pourquoi un débat de société ? Parce que notre société, Genève en particulier, est engagée depuis plus de dix ans dans un chambardement général: explosion de l'immigration, mondialisation, éclatement de la cellule familiale, tout cela a des conséquences sur l'instruction. Dans ce chambardement général, l'institution scolaire - comme d'autres institutions, les associations professionnelles, par exemple - devrait agir comme un vecteur de stabilisation, d'intégration, et donner les outils nécessaires à nos jeunes pour faire face à cette nouvelle donne. Cela, c'est l'objectif de l'institution scolaire ! Or on a fait le contraire, ou presque le contraire. On n'a pas voulu «resserrer les boulons» par la discipline personnelle et collective, par le travail, et surtout par la transmission des connaissances de base - alors que c'est cela qu'il aurait fallu faire ! Je me permet de citer, parce qu'elle est intéressante, la déposition en commission du président de la section des sciences de l'éducation : «Il faut donner à chacun les capacités de comprendre les enjeux de la politique, du travail, de la lutte syndicale, de la santé, de l'alimentation, des loisirs, de l'organisation urbaine...», etc. Voilà ce qu'on prône à la section des sciences de l'éducation ! Alors que nous devons transmettre des connaissances de base à nos élèves. Au contraire de cela, on a introduit la souplesse, le report des objectifs à plus tard, le laisser-aller, l'individualisation. On prône le rythme personnel du genre : «Bah, ce gosse finira bien un jour par acquérir les bases nécessaires en mathématiques, en français...», etc.

Et qu'advint-il ? Qu'advint-il dix ans plus tard ? Eh bien, 20 à 25% des jeunes, un sur quatre ou cinq, à Genève, sont envoyés au casse-pipe avec, à la clé, une augmentation substantielle du chômage des jeunes. Nous en sommes à 7% - à 7% ! Ceux qui, dans cette enceinte - il y en a beaucoup - s'occupent de formation professionnelle et d'apprentissage - y compris le chef du département dont je connais le souci constant d'améliorer la situation de l'apprentissage - savent quels sont les dommages, les dégâts dramatiques causés par les lacunes accumulées durant la scolarité obligatoire de ces jeunes gens et jeunes filles. Ils arrivent lors des tests qu'on est obligé de faire, y compris pour entrer comme apprentis à l'Etat, et lorsqu'ils sont devant ces tests, ils n'arrivent pas à en lire l'énoncé: c'est du chinois ! Lorsqu'ils doivent calculer une surface, la formule leur est aussi hermétique que la formule d'Einstein... Pourtant, pour être vitrier - et c'est beau métier vitrier ! - il faut savoir calculer une surface.

On dit que chaque Suisse naît pédagogue. Ce n'est pas mon cas, mais ce que j'ai compris, c'est que lorsque vous voulez construire une maison, comme pour acquérir des connaissances et achever une formation, il faut commencer par la base et les fondations. Il faut que ces fondations soient solides et que l'on construise étape par étape, avec un contrôle serré ! Est-ce du conservatisme, Monsieur Brunier ? Est-ce «l'école à papa» ou «à grand-papa» ? Est-ce de l'autisme intellectuel que de prétendre qu'avant de progresser il faut savoir la règle de trois, calculer sans faute, écrire sans faute et savoir lire ?! Est-ce que c'est de l'autisme ?! Je vous le demande. (Commentaires.)

Pour terminer et avant de vous recommander, évidemment, de voter cette initiative, je voudrais m'adresser à mes collègues du parti libéral. (Commentaires.)Je ne suis pas libéral: Je suis radical ! (Brouhaha.)J'ai pourtant cru comprendre que, dans votre Weltanschauung, dans votre conception du monde et de la société, vous étiez pour la discipline et l'effort personnel. J'ai cru comprendre que vous étiez pour le contrôle, pour que l'on progresse, et non pas pour que l'on rejette les objectifs aux oubliettes. Vous êtes pour l'effort personnel ! Mais alors, comment pouvez-vous vous allier à la social-démocratie en cette occasion... (Remarques. Rires.)Vos électeurs ne le comprendront pas, je puis vous le dire ! (Remarques.)

Nous n'avons pas le droit de tromper nos jeunes gens et nos jeunes filles ! Nous n'avons pas le droit d'envoyer au casse-pipe un quart de notre population jeune. Et nous devons accepter cette initiative. Je vous remercie ! (Applaudissements.)

M. Patrick Schmied (PDC). Le parti démocrate-chrétien avait accueilli cette initiative sans grand enthousiasme au départ. Selon nous, elle ne résolvait pas les véritables problèmes de l'école - qu'il ne s'agit pas de minimiser à coup de pourcentages comme l'a fait M. Brunier tout à l'heure - elle prenait, selon nous, les problèmes par le petit bout, si j'ose dire.

Nous avions donc indiqué que nous étions ouverts à un contreprojet qui aurait de la substance, qui aurait été une véritable réponse, sur le terrain de cette initiative, un terrain limité, je le rappelle. Et la plaidoirie impressionnante de mon ami Gabriel Barrillier me paraît tout de même un peu démesurée par rapport au champ d'action de cette initiative. J'aime bien faire un débat de société, mais sur ces quelques lignes-là cela me paraît un peu exagéré tout de même !

Nous étions donc ouverts à un contreprojet, nous l'avions dit. Patiemment, nous avons attendu ce contreprojet, le temps de consulter Pierre, Paul et Jacques... Au bout d'une année, ce contreprojet est arrivé et ça a été pour nous une grosse déception: d'une part, le contreprojet n'apportait rien de nouveau à la question des notes - il tournait autour du pot, si j'ose dire. D'autre part, il alourdissait la loi en y faisant remonter toutes sortes de dispositions réglementaires qui n'avaient rien à y faire.

Alors, finalement, nous avons décidé de voter pour cette initiative. Pourquoi ? Parce que nous sommes convaincus qu'elle va donner un signal clair aux parents qui sont inquiets et un signal clair qui ne causera aucun dommage à l'école, contrairement à ce que nous exposent à longueur de soirées les pédagogues apprentis de tous bords.

C'est pourquoi nous voterons oui, avec l'espoir - peut-être un peu naïf - qu'on puisse enfin passer à autre chose, à ce qui est important pour l'école, en commençant par les enseignants. L'enjeu est là, Mesdames et Messieurs les députés ! Ce ne sont pas ces ergotages sur la pédagogie qu'on entend ici et là depuis plusieurs mois, plusieurs années. Cela n'a aucun sens. L'enjeu, c'est ce que font tous les jours les enseignants dans leur classe. Et ces gens-là ont besoin de soutien, d'encadrement. C'est cela le vrai problème, et non pas ces ergotages sur la question de savoir si on va mettre une note devant ou derrière !

Mme Janine Hagmann (L). Un journal quotidien de la place titrait hier : «Le sort de la rénovation dépend des libéraux». Quelle responsabilité ! Fidèles à une ligne qu'ils se sont tracée après une large réflexion et une consultation avec les initiants, les libéraux sont ce soir heureux d'apporter leur participation au débat.

Ils disent oui à une école de l'excellence. Oui encore à la transmission des connaissances. Oui aux plans d'études bien définis. Oui à la rigueur, à la discipline, au respect. Oui à l'apprentissage solide des bases. Oui au livret, à la conjugaison. Oui aux travaux soignés. Oui aux épreuves cantonales. Oui à la pédagogie de la réussite et de l'encouragement. Oui à une évaluation régulière, claire et compréhensible. Ce programme - non exhaustif, d'ailleurs - va beaucoup plus loin que la demande de l'initiative pour le maintien des notes à l'école primaire.

Je l'ai déjà dit ici: cette initiative a été bénéfique. La preuve ce soir: il y a longtemps que nous n'avons pas eu de débat avec un aussi bon taux d'écoute. L'IN 121 est pourtant réductrice, Mesdames et Messieurs les députés ! Elle bétonnerait l'enseignement primaire qui a droit à une évolution souhaitable. La formation est la base de l'avenir d'un pays, mais quelle est la meilleure manière de l'optimiser ? J'ai été frappée de constater que, dans les trois rapports qui sont d'ailleurs bons, il manque une donnée essentielle : la spécificité genevoise qui fait de notre République une référence pédagogique. Vous ne pouvez pas oublier cela, Mesdames et Messieurs les députés ! Genève a une tradition de recherche en éducation enviée dans le monde entier, tant en ce qui concerne la recherche scientifique qu'en ce qui concerne la recherche pédagogique. L'une et l'autre se sont affinées. Elles méritent de ne point être confondues aujourd'hui. Elles méritent également de ne point être confondue avec n'importe quel sondage.

Sur le plan scientifique, nous sommes au pays de Claparède, Bovet, Piaget. Depuis trente ans, nous possédons une faculté des sciences de l'éducation dans laquelle travaillaient et travaillent des dizaines de chercheurs de renommée internationale sur les questions qui nous préoccupent. Il est d'ailleurs impossible de les nommer tous. Je vais en citer quelques-uns tout de même: savez-vous qu'en ce moment Mme Linda Allal, professeure à la FAPSE, est recherchée dans le monde entier pour sa théorie et ses recherches sur l'évaluation ? M. Philippe Perrenoud s'est fait connaître pour la proposition du travail en cycles; M. Marcel Crahay travaille sur les questions du redoublement et de la justice à l'école et Mme Christiane Perregaux sur la question du public difficile.

Sur le plan de la pédagogie, nous avons été la plaque tournante de toute la recherche sur l'éducation nouvelle d'hier et d'aujourd'hui. Souvenez-vous de Pestalozzi, d'Adolphe Ferrière qui a été, au début de ce siècle, le porte-parole le plus célèbre de l'école active, de Samuel Roller et de Jotterand, que j'ai connus tous les deux.

Nous avons aussi une spécificité, ici, sur le plan syndical, nous devons quand même le reconnaître. Les syndicats d'enseignants travaillent avec beaucoup de sérieux sur la pédagogie, comme pour la défense de leurs acquis. Nous avons également des associations de parents qui sont parties prenantes, c'est assez exceptionnel. Quant à la formation des enseignants, personne n'en a parlé dans les rapports, mais nous sommes le seul canton dans lequel la formation des enseignants est de niveau universitaire. C'est le cas ici depuis neuf ans, et cette formation nouvelle est très bien évaluée par les experts extérieurs. Il n'est pas suffisant de donner des noms de brillants citoyens à des places ou à des collèges si c'est pour mettre leurs découvertes et leurs travaux aux oubliettes.

Alors, qu'est-ce qu'innover ? Je pense que c'est d'abord débattre, prendre le risque de sortir du conformisme et de la pensée toute faite. Il y a quelques années, la commission de l'enseignement était allée visiter, comme elle l'a fait cette fois, une école en rénovation à Versoix - l'une des premières en rénovation. Une maîtresse enthousiaste et souriante nous a dit, tout le monde en est témoin, que pour elle la rénovation c'était travailler la porte ouverte, partager ses préoccupations avec ses collègues, avoir plusieurs yeux et non seulement les siens sur ses élèves. Bien sûr, c'est simplificateur, mais c'est quand même toute une théorie, cette mise en commun des soucis.

Dans le débat public que nous avons maintenant, tout est difficile, parce que la complexité, la nuance - terme que je n'ai pas lu dans les rapports - doivent être admis. Nous savons tous que les «y-a-qu'à» ne suffisent plus. Nous devons relever les manches et tout contrôler si nous voulons participer à l'élaboration de cette école de l'excellence. Elle doit, c'est vrai, pouvoir être testée, analysée avec franchise et corrigée si nécessaire. Le processus de la rénovation, avec ses écoles en recherche, en réflexion, est un magnifique processus nouveau. Beaucoup d'acteurs s'y retrouvent. Cela n'est jamais assez dit.

Aujourd'hui, la rénovation concerne 101 écoles volontaires, c'est-à-dire 60% des élèves sans compter la division élémentaire. Revenir en arrière, à mon avis, reviendrait à bafouer dix ans de travail, traiter les enseignants, les parents, la hiérarchie et l'Etat de pantins. (Commentaires.)Le rapport de première minorité, qui a déjà été félicité, ne porte pas sa critique sur le fond de la rénovation, la critique porte sur le pilotage de cette réforme. Là, nous pouvons tout à fait le rejoindre. Ce pilotage a manqué d'efficacité, il en manque encore. D'ailleurs, pour ceux qui connaissent bien l'enseignement, des têtes sont tombées à cause de cela. D'autres erreurs ont été relevées...

La présidente. Il faudra bientôt terminer, Madame la députée.

Mme Janine Hagmann. Madame la présidente, je pense que vous avez aussi laissé quelques minutes de plus aux autres, parce que c'est un débat important. (Brouhaha.)Bon, je reprendrai la parole après, s'il le faut, pour mentionner les erreurs qui ont été faites.

Quant au rapport de deuxième minorité, il comporte des critiques idéologiques, mais ignore volontairement le processus de recherche. J'ai relevé, Madame Bartl, que vous écriviez qu'un élève n'a qu'à se donner de la peine pour réussir... Si au moins c'était comme ça ! Si au moins ! Les enseignants n'auraient pas de problèmes. On n'aurait pas besoin d'écrire dans les carnets : «Se donne de la peine, en a et en fait.»

Quid de l'avenir ? Les forces à Genève sont là. Il reste maintenant à être fiers des avancées que nous avons réalisées. Il faut les reconnaître, les récolter et les analyser; les réguler aussi. C'est une lutte qui continue. Cela me permet de rendre hommage à la conscience de certains maîtres qui se sont vraiment investis là-dedans depuis quelques temps.

Nous, politiques, devons être conscients de nos responsabilités. Nous avons élargi la mission de l'école, et je pense que c'est bien ainsi. Nous sommes en cela fidèles à l'article 4 de la LIP qui fait notre fierté; il faudra peut-être un jour y réfléchir. L'école... On a vraiment chargé le bateau, Mesdames et Messieurs les radicaux, vous êtes aussi responsables de cela ! L'école doit donner à chacun les bases nécessaires, mais aussi les compétences essentielles pour trouver le chemin valable. Nous y avons inclus tout un méli-mélo : la diététique, le brossage des dents, l'éducation sexuelle, la circulation, les pompiers, la posture du dos, le tri des déchets, le fait religieux, les chorales, les classes bleues, les classes vertes... Un enfant passe 159 jours dans une classe; or les statistiques prouvent - je l'ai lu l'autre jour - il passe 161 jours devant la télévision. Où apprend-on actuellement ? Où se fait vraiment la transmission des savoirs ?

Je termine, Madame la présidente, par une image qui me plaît - certains savent que c'est un sujet que j'aime beaucoup: Crans-Montana, 1987: 14 médailles. Bormio, 2005: zéro médailles. Pourquoi ? Parce qu'on s'est endormi sur nos lauriers, Monsieur Barrillier ! Parce qu'on n'a pas cherché des nouvelles solutions, parce qu'on n'a pas cherché à innover ! (Brouhaha. Commentaires.)Ce n'est pas vrai ! Les autres pays ont tous trouvé des solutions pour que la nation qui était fière de son ski puisse continuer à l'être. Nous, nous nous sommes dit: on est bons, on le reste ! C'est exactement ce que vous proposez actuellement, Monsieur, avec l'école. Pour terminer...

La présidente. Madame Hagmann, vous avez parlé plus de neuf minutes !

Mme Janine Hagmann. Je veux juste projeter une petite image à mon ami Follonier, parce que je sais qu'il a beaucoup d'humour. Il n'est pas passé par la rénovation, son secrétaire général non plus, mais ce dernier écrit tout de même, dans «Le Genevois» un éditorial titré: « Post lucem tenebras». Or vous devriez savoir, Monsieur, que, si on dit « Post lucem», il faut ensuite un nominatif et non pas un accusatif ! C'est donc « Post lucem tenebrae» qu'il faut écrire. Mais moi je souhaite que, dans cette enceinte, ce soit « Post tenebras lux».

Comme vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral veut un contreprojet qui réponde à tout ce que j'ai dit au début de mon intervention. Il trouve l'initiative trop réductrice et ne la votera donc pas. (Applaudissements.)

M. Claude Aubert (L). Je vais continuer ce duo pédagogique pour vous rappeler que nous ne parlons pas ici du collège, que nous ne parlons pas du cycle d'orientation: nous parlons d'enfants de quatre ou cinq ans pour l'école enfantine et de six à onze 11 ans pour l'école primaire. Dans notre discours d'adultes, si nous ne sommes pas capables d'essayer de comprendre ce que les mots qu'on emploie signifient pour l'enfant, on est en dehors de la réalité.

Si l'on parle, par exemple, de réaliser un objectif. Au collège, les élèves savent certainement ce que cela signifie, de même au cycle. A votre avis, Mesdames et Messieurs les députés, à quel âge un enfant fait-il la différence entre une intention et une réalisation ? Par exemple, lorsque vous demandez à un enfant s'il a fait ses devoirs et qu'il vous répond que c'est le cas, cela ne signifie pas du tout qu'il vous «bourre la tasse», cela signifie que, comme il a l'intention de faire les devoirs, il les a faits. De même, si on vous appelle et que vous répondez «J'arrive !», il est hautement probable que vous avez l'intention d'arriver, mais personne ne sait ce que vous allez faire en réalité.

Autre exemple: une note pour un élève du cycle ou une note pour un élève du collège signifie certainement autre chose qu'une note pour un enfant de cinq ou six ans. Prenons un exemple, une bonne note est probablement vécue comme «faire plaisir» par un enfant petit, donc être gentil. Une mauvaise note, cela veut dire décevoir, donc être méchant. La preuve qu'on est méchant, c'est que, quand on rentre à la maison, on se fait punir parce qu'on a une mauvaise note. Et on ne s'occupe absolument pas de savoir si, à ces âges-là, l'enfant peut intégrer que la note est un signal dans une trajectoire qu'il doit corriger. On parle en revanche de l'estime de soi que l'enfant peut acquérir. Par conséquent, parler de l'école primaire, cela n'est pas la même chose que parler du cycle et du collège.

Les notes, dans ce sens-là, si on ne fait pas attention à la psychologie de l'enfant, sont un mauvais ou un faux débat. Je crois que c'est un débat pour grandes personnes. Ecoutons les parents: que demandent-ils ? Ils demandent des notes. Pourquoi ? Parce qu'ils veulent pouvoir contrôler les progrès de leur enfant. Dans ce sens, ils ont probablement raison, mais c'est un problème de grandes personnes et non pas un problème d'enfants.

Par ailleurs, les parents ont vu, depuis dix ou quinze ans, les enseignants faire la grève et défiler dans les rues pour faire la grève et revendiquer pour les élèves. Donc, maintenant, il y a toute une série de parents qui revendiquent pour leurs enfants et toute une série de parents qui sont dans un état de crise de confiance par rapport à l'école primaire. Cela, il faut en tenir compte et l'initiative, dans ce sens-là, ne va pas du tout assez loin concernant cette prise de conscience que beaucoup de parents demandent à l'institution.

Ce que l'initiative ne touche pas, c'est, par exemple, les demandes des parents d'avoir un contrôle efficace des méthodes et de la recherche pédagogique. Enormément de parents se plaignent, à tort ou à raison, que ces recherches pédagogiques se fassent comme ça. Autre point encore: l'initiative ne parle pas du tout de l'autocritique ou des procédures d'autocritique que l'école doit faire. Ces procédures d'autocritique, nous les attendons.

Ensuite, en ce qui concerne un dernier point très précis qu'est l'orthographe, il nous intéresserait extrêmement de savoir si, comme on l'a entendu pendant très longtemps, l'orthographe est toujours considérée comme le moyen qu'a trouvé la bourgeoisie pour asseoir son pouvoir et exclure les classes laborieuses. Je vous rappelle que les parents sont toujours très étonnés quand l'orthographe est comptée uniquement pour les dictées et jamais dans les autres travaux écrits. Comment voulez-vous que l'enfant s'y retrouve ?

Pour finir, nous pensons que l'initiative referme prématurément le débat qu'elle a judicieusement ouvert, et c'est pour cela qu'en ce qui me concerne je pense qu'il faut voter non à l'initiative pour aller au fond du débat et restaurer la confiance entre la population et l'école primaire. (Applaudissements.)

M. Pierre Kunz (R). M. Brunier se plaignait tout à l'heure que le débat sur l'école publique soit ramené à la question des notes et des cycles d'apprentissages. Pour lui plaire, comme mon collègue Barrillier, je me concentrerai sur le fond. Je dirai ainsi à Mme Hagmann pourquoi l'initiative d'ARLE marque un moment politique essentiel, une opportunité qu'il faut saisir pour, justement Madame, renoncer à ce que vous appelez la pensée toute faite.

Mesdames et Messieurs les députés, dans son dernier ouvrage, André Glucksman, philosophe comme vous le savez tous, remarque joliment que les fruits accomplissent rarement les promesses des fleurs. Le moins qu'on puisse dire est que les fruits de ce que les uns appellent la rénovation scolaire, les autres la «réformite» aigue, les derniers le «bougisme» scolaire genevois, sont bien amers. Ils sont loin d'avoir l'éclat des fleurs que nous dessinaient voici dix ans encore les promoteurs des réformes imposées à Genève.

Pour se convaincre de l'échec de ces réformes, de cette rénovation, il n'est même pas besoin de se référer aux enquêtes PISA, aux rapports de pédagogues sérieux et aux comparaisons honnêtes. Il suffit d'entendre l'incrédulité des chefs d'entreprises qui accueillent les apprentis, d'écouter les parents complètement déboussolés, d'observer les élèves totalement perturbés et de dialoguer avec les enseignants désabusés lorsqu'ils ne sont pas dépressifs.

Mesdames et Messieurs, l'école genevoise obligatoire, celle du primaire, mais aussi celle du secondaire obligatoire, souffrent d'un malaise. L'école est gravement malade ! Le succès considérable de l'initiative d'ARLE et la fréquentation en hausse considérable des écoles privées du canton ne sont que d'autres révélateurs du mal profond dont souffre notre école publique.

L'école est malade. Elle est malade parce qu'elle a été confisquée. Il faut dire les mots qui conviennent. Elle a été confisquée sous l'oeil complaisant des autorités politiques, par des gens dont l'objectif n'est plus la transmission des savoirs et de la culture qui fondent notre société. Elle a été confisquée par des gens dont l'instrument est ce qu'ils appellent pompeusement le socio-déconstructivisme et dont l'objectif est la transformation, la réforme égalitariste de notre société. Des gens, dans ce but, agissent sur les plus malléables d'entre nous : les enfants.

Il faut le dire haut et fort: ces réformateurs ont depuis bien longtemps fuit les réalités de l'école, ils font de l'activisme politique plus que de la pédagogie. Leur volonté affichée de garantir la même réussite scolaire à tous indépendamment des différences de motivations, de capacité et de volonté de travail, eh bien, cette volonté est désastreuse pour les élèves, pour les futurs adultes qu'ils sont. Cette volonté est destructrice pour notre société !

En effet, Mesdames et Messieurs les députés, pour rester une civilisation, une société doit rester une méritocratie. C'est ce que nous enseignait Louis Pauwels. (Brouhaha. Commentaires.)Eh oui, il a quand même dit des choses intelligentes, M. Pauwels, et vous allez les redécouvrir ! Cette volonté égalitariste, Mesdames et Messieurs les députés, telle qu'elle est révélée par la rénovation est, de surcroît, largement illusoire et dangereuse pour les élèves provenant des milieux les moins favorisés. Et vous le savez bien, vous aussi, à gauche. M. Follonier, dans son excellent rapport - il faut le répéter - l'a fort bien rappelé en citant les conclusions du SRED.

Elle est également dangereuse socialement, cette volonté, car elle conduit les promoteurs de la rénovation à exiger des enseignants qu'ils prennent en charge non plus seulement l'instruction, mais également l'éducation des élèves; ils laissent croire implicitement à certains parents qu'ils peuvent s'en dégager.

Mesdames et Messieurs les députés, au-delà des questions techniques et de méthode, ce que veut ARLE, ce que veulent aussi les radicaux, c'est que l'école recommence à enseigner vraiment. Qu'elle redécouvre l'exigence, l'évaluation, l'autorité et la sanction. Les radicaux veulent une école structurée qui fait grandir les enfants et non pas une école qui les égalise. Ils veulent une école qui permette à ces enfants, dans le plaisir certes, mais aussi dans l'effort, dans les succès certes, mais aussi dans les échecs, de découvrir les talents et les faiblesses que le hasard et la génétique leur a donnés. C'est ce que veut ARLE et ce que veulent aussi les radicaux. Ce qu'ils veulent aussi, c'est une école qui enseigne les valeurs requises par une existence réussie. Une école qui prépare les futurs adultes, du plus brillant au moins doué, à affronter la vraie vie. Pas la vie artificielle, ouatée, irréelle, à laquelle semblent croire les réformateurs de l'école.

Voilà pourquoi les radicaux soutiennent l'initiative d'ARLE et pourquoi ils vous recommandent de l'approuver. Si le Grand Conseil, malheureusement - notamment parce que les libéraux ne participeraient pas à cet effort - refusait cette initiative, il devrait effectivement lui opposer un contreprojet, mais pas celui du Conseil d'Etat dont ARLE dit avec raison qu'il n'est qu'une supercherie, un mour... miroir aux alouettes. Un mouroir aussi probablement ! S'il faut un contreprojet, alors il s'agira de choisir le projet de loi radical dont ARLE dit clairement qu'il constitue une alternative acceptable à l'initiative.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Ce que vient de dire M. Kunz est révélateur de l'état d'esprit des radicaux. Des radicaux d'aujourd'hui...

M. Pierre Weiss. Non, il dit la vérité.

M. Souhail Mouhanna. M. Weiss prendra la parole à son tour, et je me permets de demander qu'il ne m'interrompe pas.

Les radicaux d'aujourd'hui essaient, à travers ARLE, considérée comme un cheval de Troie, de retrouver un peu de la crédibilité perdue en ce qui concerne la défense de l'idéal républicain des radicaux d'antan.

M. Kunz vient de dire qu'il suffit de discuter avec les enseignants pour constater qu'ils sont désabusés, voire dépressifs. Le même M. Kunz ne rate jamais une occasion de s'attaquer aux enseignants qui seraient des privilégiés, selon lui. Les radicaux ont toujours voté les coupes budgétaires, c'est-à-dire qu'ils ont toujours accepté de réduire les investissements nécessaires au développement de l'école publique et à la qualité de l'enseignement. Lors du débat sur le budget 2005, on trouvait les plus agressifs en matière de coupes budgétaires dans les rangs radicaux.

Maintenant, on nous parle de l'initiative d'ARLE comme étant la solution miracle aux problèmes de l'école... Non, Mesdames et Messieurs les députés, les problèmes de l'école publique ne se réduisent pas à un problème de note ! On nous parle de savoir lire et écrire... Mais vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, que beaucoup des escrocs d'aujourd'hui savent très bien lire et très bien écrire ! Et l'essentiel, c'est la conscience. Qu'est-ce que le savoir sans la conscience ? Cela, on l'oublie. L'école publique doit enseigner non seulement à savoir lire et écrire, mais elle doit aussi développer la conscience citoyenne et développer l'esprit critique pour que les gens soient des citoyens à part entière et non pas des moutons au service de ceux qui voudraient les utiliser comme bon leur semble pour le seul profit de quelques-uns.

Eh bien, non, nous ne sommes pas pour une vision réductrice ! On nous dit que les notes sont objectives... Je suis enseignant depuis pas mal d'année et je peux affirmer - tous les enseignants le savent - qu'on peut aussi bien faire passer des examens auxquels beaucoup d'élèves ont de très bonnes notes que des examens auxquels très peu d'élèves ont de bonnes notes. Les notes ne sont pas objectives, et nous le savons tous. Dire aux élèves : «Tu es un "deux", un "trois", un "quatre", un "cinq" ou un "six2 !», ce ne serait pas réducteur ?! Ce serait objectif ?! Par contre, signaler à un élève les éléments qui pourraient être bons, lui indiquer ses potentialités, ses possibilités de se développer, les éléments qu'il devra améliorer, etc., ce serait moins objectif qu'une note ?! Arrêtons de dire n'importe quoi !

Mesdames et Messieurs les députés, vous savez toutes et tous que l'école est le lieu où se forge l'avenir d'une société. Pourtant, les murs de l'école ne sont pas étanches aux problèmes de la société. Or les problèmes de la société, aujourd'hui, vous les connaissez, Mesdames et Messieurs les députés: il y a le chômage, la pauvreté, la précarité. M. Barrillier a parlé tout à l'heure de la mondialisation, des familles qui explosent, etc. Tout cela, on le retrouve à l'école, ces problèmes-là se transposent à l'intérieur de l'école. Croire que le seul problème que l'école publique affronte aujourd'hui est la question des notes, c'est faire croire à la population qu'il suffit d'introduire des notes pour que les choses aillent mieux... Cela permettra à certains de dire que, puisque les choses vont aller mieux avec les notes, on peut continuer de faire plus avec moins. Et à quoi arrive-t-on en faisant systématiquement plus avec moins ? On arrive à ce que l'on constate aujourd'hui, non pas seulement à Genève, mais partout en Suisse et en Europe, dans tous les pays qui pratiquent les recettes néo-libérales au niveau des finances: une dégradation de la qualité de l'enseignement et une dégradation partout ! Lorsque les autorités politiques de ces pays-là inventent toujours des slogans du style : «Apprendre à faire mieux avec moins»; «Il faut faire des économies pour être efficaces !», tout cela n'est rien d'autre qu'une tentative de camoufler la dégradation de la qualité de l'enseignement. La qualité de l'enseignement, cela signifie aussi développer les moyens, investir et donner les moyens à l'école publique pour permettre aux uns et aux autres, qu'ils proviennent d'un milieu favorisé ou non, d'améliorer leur formation et d'arriver à un niveau qui leur permette effectivement, non seulement de développer un parcours professionnels mais aussi leur citoyenneté. Cela, c'est essentiel !

De ce point de vue, Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe est, très majoritairement - pour ne pas dire tous et toutes - opposé à l'initiative. Nous y sommes opposés, non pas parce que nous considérons que les notes ne servent à rien, pas du tout, tout simplement parce que nous considérons que cette initiative réduit véritablement le problème global de l'école à une question qui est tout à fait secondaire aujourd'hui par rapport à la nécessité fondamentale de donner à l'école publique les moyens de faire ce qu'elle doit, c'est-à-dire former des citoyens à part entière et des gens capables de trouver un parcours professionnel qui leur permette de s'épanouir pleinement.

Nous sommes contre cette initiative parce que nous sommes contre cette diversion qui laisserait croire à la population que les problèmes de l'école publique sont là. Nous luttons pour la qualité de l'enseignement, pour la démocratisation des études. Nous savons parfaitement que le moyen le plus sûr pour atteindre ces objectifs, comme pour améliorer les parcours individuel et collectif des élèves, dans le primaire et ailleurs, passe immanquablement par la lutte contre l'injustice sociale, contre la précarité, contre la pauvreté et pour le progrès social. Rien n'est dissociable ! Tout est lié, et c'est comme cela que nous devons considérer les choses: l'école publique fait partie de la société, les murs ne sont pas étanches. Il faut aussi que nous luttions, dans la société, dans la collectivité, pour que cette lutte se traduise au sein de l'école publique pour permettre à celle-ci de remplir sa mission au service de l'ensemble de la collectivité. (Applaudissements.)

La présidente. Il est 19h. Voici la liste des personnes qui parleront après 20h30: M. Alberto Velasco, M. François Thion, Mme Salika Wenger, Mme Jeannine de Haller, M. Gilbert Catelain, M. Bernard Lescaze, M. Pierre Weiss, M. Jacques Follonier, Mme Ariane Wisard-Blum, M. Christian Brunier, Mme Caroline Bartl et enfin M. le conseiller d'Etat Charles Beer. La liste est close.

Fin du débat: Session 05 (février 2005) - Séance 25 du 17.02.2005