République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 121-B
Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 121 "Pour le maintien des notes à l'école primaire"

Débat

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je rappelle que le rôle de la commission législative consistait - et consistait seulement - à déterminer si l'initiative pour le maintien des notes à l'école primaire était conforme à la constitution. D'une manière unanime, la commission législative a considéré avec le Conseil d'Etat que cette initiative était parfaitement conforme à la constitution. Il n'appartenait bien évidemment pas à la commission de statuer sur le fond ou sur le contre-projet annoncé par le Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle je suggère que ce rapport soit adopté tel quel. Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Au vu du nombre d'inscrits, le débat risque d'être un peu plus long que ce que vous préconisiez... La parole est à M. le député Jacques Follonier.

M. Jacques Follonier (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais envie de dire: «Enfin !». Enfin, nous l'avons, elle arrive devant notre parlement...

J'aimerais quand même vous rappeler - ce qu'a d'ailleurs très bien fait M. Luscher - qu'il s'agit ici uniquement de prendre acte du rapport concernant la validité de cette initiative. Celle-ci a déjà été avalisée par le Conseil d'Etat, qui a fait un travail bien en profondeur. Il s'agit donc simplement d'avancer un peu plus rapidement, et je trouve dommage que nous ayons toujours à attendre dans ces cas-là.

Je m'exprimerai ici non pas sur le fond, mais uniquement sur la forme, même si je me réserve le droit d'intervenir à nouveau si, d'aventure, on attaquait le fond. Sur la forme, j'aimerais signaler qu'il n'est pas nécessaire - comme ce fut le cas pour cette initiative - de systématiquement attendre la fin du délai légal avant d'agir, cela afin d'en retarder le traitement. En effet, il en va du droit de la population, et surtout du droit des élèves genevois, que nous la traitions. J'aimerais donc qu'on puisse prendre des mesures pour que cela avance plus rapidement.

Cela étant, j'aimerais profiter de la présence de M. Beer pour lui dire ceci: compte tenu du fait qu'il a parlé d'un contre-projet, compte tenu de l'absence de difficulté propre à cette initiative, et compte tenu surtout de la large consultation que M. Beer a dit avoir lancée dans tous les milieux autorisés - consultation qui doit être terminée - je lui saurais gré de nous fournir ce contre-projet le plus rapidement possible, pour que nous puissions commencer la semaine prochaine déjà, en commission de l'enseignement, le traitement de l'initiative et du contre-projet en même temps.

M. Christian Brunier (S). Je viens d'entendre l'appel de M. Follonier à ne pas débattre sur le fond, mais seulement sur la forme, soi-disant parce qu'il s'agit d'un débat sur la recevabilité de l'initiative. Il a peut-être raison, mais habituellement son parti est le premier à vouloir polémiquer sur toutes les initiatives, pour avoir un terrain politique et une tribune au Grand Conseil ! Aujourd'hui, parce que débattre du fond vous pose problème, vous voulez contourner la problématique posée par l'initiative. Or, comme pour tout débat de recevabilité, je crois qu'il sera très difficile ici de ne pas parler du fond.

En préambule, j'aimerais quand même revenir sur une polémique de presse, que le président de la commission de l'enseignement, M. Follonier, a lancée. Il y accuse les socialistes de ne pas vouloir débattre, d'avoir peur du peuple, et commence son article en disant: «Comme il fallait s'y attendre, les socialistes - mais peut-être devrais-je dire: le chef du département de l'instruction publique, M. Charles Beer - utilisent toutes les ficelles pour ne pas traiter de l'initiative sur les notes à l'école». Je crois qu'on a le droit d'avoir des différends, je crois qu'on a le droit de ne pas être d'accord sur un sujet, mais vous êtes là dans le registre du mensonge, Monsieur Follonier. (Protestations.)En effet, nous avions discuté ensemble du fait de retirer ce sujet des extraits de l'ordre du jour. Ce n'est pas M. Beer qui a décidé de le faire, ce sont deux députés socialistes - M. Thion et moi-même - qui avaient décidé de le faire, car nous pensions que cette initiative méritait un autre traitement que celui réservé aux extraits. Vous savez très bien que ce traitement-là se fait en vitesse, sans débat sur le fond, alors que nous pensions qu'il fallait vraiment traiter l'initiative dans l'ordre du jour normal. J'ai même proposé à M. Follonier de la traiter en urgence, s'il pensait qu'il y avait une urgence, or M. Follonier n'a pas jugé nécessaire de le faire. Nous accuser de ne pas vouloir débattre, alors que, justement, nous avons retiré ce point des extraits pour lancer un débat, cela est un peu facile ! Lorsqu'on est polémique sur l'ordre du jour, Monsieur Follonier, c'est qu'on n'a plus beaucoup d'arguments sur le fond...

Concernant la recevabilité juridique, je crois que nous sommes tous d'accord. La commission est d'ailleurs unanime: cette initiative est recevable juridiquement. Par contre, politiquement, cela pose d'autres problèmes, et je pense justement que cette initiative n'est pas recevable politiquement. Je m'explique: le droit à la divergence est important dans une démocratie. Nous devons débattre, or nous ne débattons pas assez de l'école. Si cette initiative a un mérite, c'est celui d'ouvrir le débat sur l'école, même si elle prend le problème par le mauvais bout, puisqu'elle n'aborde que la question de l'évaluation, qui est un outil et non pas une fin en soi. Néanmoins, cela nous donne l'occasion de parler de l'école.

On ne peut pas dire tout et n'importe quoi. Aujourd'hui - permettez-moi de le dire ! - les initiants sont en train de tromper l'électorat, en sous-entendant plusieurs choses totalement fausses. Premièrement, ils sous-entendent que les notes ont été abolies dans l'école genevoise, alors que - et vous le savez très bien ! - elles existent encore dans plus des deux-tiers des classes. Beaucoup d'enfants sont aujourd'hui soumis aux notes, comme nous l'étions à l'époque, de manière tout à fait traditionnelle. Deuxièmement, les initiants trompent la population concernant l'étude PISA, soit l'évaluation du niveau scolaire des élèves menée dans toute l'Europe, où les Genevois n'ont pas fait - c'est vrai - un très bon score. Ils prétendent que c'est la suppression des notes qui est responsable des mauvais résultats des écoliers genevois. Or, la plupart des enfants qui ont été évalués par les tests PISA sont des élèves qui sont encore soumis à la notation ! De plus, je vous rappelle que la Finlande, qui était en tête de l'étude PISA, ne pratique pas la notation au niveau de l'école primaire. De même concernant la Suisse - et vous avez peut-être pu le lire dans «la Tribune de Genève» du 6 février - «l'étude PISA nous apprend que les cantons qui s'en sortent le mieux sont ceux qui ont mis en place une évaluation formative, c'est-à-dire ceux qui ne notent plus de manière traditionnelle dans les carnets scolaires».

Le débat sur l'évaluation est donc un faux débat, dont il faut sortir. Il faut en parler, mais tel n'est pas le débat central à avoir sur l'école genevoise. Concernant les réformes en cours au primaire, je rappelle qu'elles ont été soutenues par les radicaux - même s'ils sont aujourd'hui les champions de l'anti-réforme -, que ceux-ci n'ont pas dit un seul mot pendant dix ans, et que seule la gauche a émis des critiques. Elle disait que la réforme était pédagogiquement intéressante et l'a toujours soutenue de ce point de vue-là, mais ajoutait que les objectifs n'étaient pas clairs, qu'elle manquait de moyens, que la formation des enseignants était insuffisante en la matière, que l'absence d'évaluation des réformes en cours était fortement dommageable, et que l'explication aux parents était totalement insuffisante. Contrairement à vous, Mesdames et Messieurs les radicaux - je devrais dire «Messieurs», puisque vous n'avez malheureusement pas beaucoup de dames dans vos rangs, or cela influencerait peut-être votre point de vue sur l'école ! (Protestations.) -la gauche a été très critique. Pourtant, entre une école sclérosée qui, selon votre vision, reviendrait en arrière vers un modèle datant du XIXe siècle, et la véritable «réformite» aiguë qu'on a connue pendant un moment, je crois qu'il y a un juste milieu: il nous faut une école évolutive, une école qui colle à la société.

Si, aujourd'hui, nous disons oui à la recevabilité de cette initiative, nous la combattrons pourtant, car elle correspond sur le fond à un retour en arrière de l'école genevoise - retour que nous ne pouvons pas accepter.

Le président. La parole est à Mme la députée Sylvia Leuenberger.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Bonjour, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, nous reconnaîtrons évidemment la recevabilité de cette initiative, puisqu'elle nous fait revoter sur deux alinéas déjà inscrits dans la loi et, en plus, prend deux dispositions qui sont actuellement dans le règlement et les transpose dans la loi. De ces deux dispositions, elle retire les notions d'évaluation formative et informative. Il s'agit donc plus d'un referendum que d'une initiative, mais comment ne pas reconnaître sa recevabilité, puisqu'il s'agit d'articles déjà votés et déjà en vigueur ?

Simplement, cette initiative veut bétonner la notion de notes et, ainsi, empêcher toute réforme ou évolution de la notion d'évaluation des élèves, ce que les Verts, évidemment, rejetteront. A ce stade, il s'agit quand même de relever que des milliers de gens ont signé cette initiative, et que cela signifie quand même qu'il y a un malaise au sein de la population. En tant que députés, notre devoir est de prendre en compte ce malaise et de tout faire pour élaborer un contre-projet qui en tienne compte, tout en laissant la porte ouverte à des modifications possibles, comme dans toute société qui se veut évolutive.

M. Patrick Schmied (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme mon collègue Brunier, je dirais que cette initiative force un peu ce parlement à débattre de l'école, ce qui est une bonne chose après avoir discuté de mètres carrés assez longtemps...

En un sens, cette initiative pousse à parler de choses importantes. Le parti démocrate-chrétien plaide pour un traitement rapide de cette initiative, parce qu'il considère que, autant elle pose une bonne question, autant les problèmes liés à l'école sont en grande partie ailleurs, et il est urgent de s'occuper d'autres chantiers encore plus importants. Par exemple, la question de la formation et de l'état des enseignants, dont on a parlé dans ce parlement et à la commission de l'enseignement plus avant, mais aussi la question du climat qui règne autour de l'école sont des problèmes majeurs. C'est pourquoi nous considérons que les fausses manoeuvres socialo-radicales qui nous ont fait perdre en tout cas un mois dans le traitement de cette initiative sont regrettables. (Protestations.)Nous aimerions donc que cette initiative et son contre-projet - et je rejoins ici M. Follonier - soient traités à la commission de l'enseignement le plus rapidement possible, pour qu'on puisse passer - comme je l'ai dit - aux autres chantiers importants de l'éducation.

M. François Thion (S). Je ne crois pas qu'il y ait eu de «manoeuvres», pas du tout. Nous voulions simplement que le débat ait lieu au Grand Conseil, d'autres voulaient traiter l'initiative dans les extraits sans débat, et je crois qu'en fait, ceux qui sont pour l'initiative refusent le débat. Ils font des déclarations dans la presse en utilisant des arguments qui sont souvent de mauvaise foi.

J'aimerais d'abord rappeler ici que la plupart des pays occidentaux ont opté pour des réformes scolaires, et que les principales options qui ont été choisies à Genève sont les mêmes que celles qui ont été choisies dans les pays européens. J'aimerais souligner également - parce qu'on entend souvent le contraire de la part des initiants - que l'école primaire genevoise a toujours pour objectif, à l'heure actuelle, de transmettre des compétences et des savoirs. Et elle le fait !

Mon collègue Brunier a parlé de PISA, mais il faut le rappeler encore: les élèves qui ont passé le test PISA - je le sais, car un de mes fils l'a passé - n'ont pas fait leur école primaire dans un système rénové ! On ne peut donc pas faire de lien entre des résultats pas très bons à l'enquête PISA et l'école en rénovation, puisque ce ne sont pas les mêmes élèves.

J'aimerais dire également que les réformes qui ont été entreprises ces dernières années, aussi bien au cycle d'orientation qu'au collège, l'ont été d'une manière assez rapide, et que la concertation n'a pas toujours été suffisante, mais plutôt superficielle. On n'a pas tenu compte de l'avis des enseignants, qui n'ont pas toujours pu s'exprimer. Par contre, je ne crois pas que c'est le cas de l'école primaire. Je crois que dans le cas de la réforme de l'école primaire, il y a eu un dialogue plutôt fructueux, qui a permis de faire avancer ces réformes.

J'aimerais aussi noter que la plupart des enseignants qui, à l'heure actuelle, défendent cette initiative contre la suppression des notes - initiative passéiste, il est vrai, puisque le débat ne se réduit pas à ça - travaillent dans le secondaire, et non dans le primaire. Beaucoup d'entre eux sont plutôt proches de la retraite et défendent évidemment une école qu'ils ont connue il y a trente ou quarante ans, qu'ils ont idéalisée à un certain moment, or il faut considérer tout de même que la société évolue et que l'école doit s'adapter à cette société, à cette évolution, avec sérieux et courage.

Sur le fond de l'initiative elle-même, la commission législative nous confirme bien évidemment que l'initiative 121 respecte l'unité de forme, l'unité du genre et l'unité de la matière. Nous ne le contestons pas, même si nous nous posons tout de même une question: connaissant la complexité des questions liées aux techniques d'évaluation, est-ce aux citoyens de décider si oui ou non les notes doivent être mises ? N'est-ce pas plutôt sur les finalités de l'éducation que devrait se prononcer la population ?

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous prierai tout de même d'essayer de limiter vos interventions à la question de la recevabilité de l'initiative. La parole est à Mme la députée Janine Hagmann.

Mme Janine Hagmann (L). Il est vrai que cette initiative a un titre accrocheur: «Pour le maintien des notes à l'école primaire». L'on sait que tout le monde va être touché par ce sujet-là, que tout le monde se sent concerné.

La commission législative a décrété à l'unanimité qu'il y avait unité de matière, même si j'avais personnellement mis cela en doute en lisant l'initiative, puisque, dans les changements proposés, seul l'article 27 de la LIPP est touché par des modifications. En revanche, les initiants veulent fixer dans la loi deux éléments qui n'y figurent pas actuellement, c'est-à-dire les notes - ils décident qu'elles doivent être indiquées de 1 à 6 et demandent une évaluation continue certificative - et le passage d'un degré à l'autre sans automatisme. Quant au troisième élément, soit une école qui ne serait pas partagée en cycles, il figure déjà dans la loi actuelle où les six degrés sont annoncés. La modification de la loi devrait donc avoir lieu de toute façon si la rénovation qui travaille par cycles d'apprentissage pluriannuels devait continuer.

Ces modifications demandées par les initiants sont à mon avis très simples, mais il me semble qu'elles sont très dangereuses aussi, car elles font croire à la population que d'un coup de cuiller à pot, on peut améliorer l'école, qui est malade pour le moins dans son image. Quoi qu'il en soit, il est positif que la commission de l'enseignement se replonge dans un débat sur la mission de l'école, débat qu'on ne peut éviter. Nous tâcherons de devenir les visionnaires du XXIe siècle et de nous demander quelle école nous voulons.

Je vous rappelle que le problème est récurrent - Dieu merci ! - et qu'en 1896 déjà, un grand congrès scolaire suisse demandait d'esquisser l'école pour le XXe siècle. On sait ce qu'est devenue l'école du XXe siècle: c'était une école qui avait de grandes ambitions, ses pédagogies étaient autoritaires, il fallait de l'ordre, de la méthode, de la précision. Le bureau du maître était juché sur une estrade, il dominait la classe. Les élèves étaient assis suivant leur classement: les bons devant, les moins bons derrière. Enfin, la tâche était de réciter ses leçons - on formait en fait de bons moutons. L'école du XXe siècle a-t-elle bien rempli sa mission ? C'est le cas en Europe, puisque l'analphabétisme a été pratiquement éradiqué et que les diplômes ont augmenté dans une proportion de 1 à 20. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Cela a été dit: c'est justement parce que des pédagogues ont remis en question des habitudes d'enseignement qui ne répondaient plus aux besoins de notre société que des rénovations ont été mises en place. PISA l'a prouvé: décoder un texte, ce n'est pas le comprendre; faire répéter vingt fois une notion qui n'est pas intériorisée ne sert à rien. En outre, il a été prouvé qu'on a besoin des autres pour apprendre, besoin des autres pour se construire. C'est pour cela que des enseignants se sont mis ensemble, qu'ils ont formé des équipes pédagogiques, qu'ils ont fait des projets d'écoles et se sont posé de vraies questions !

Je ne conteste pas l'enseignement que j'ai reçu, mais la société a changé, et pour permettre aux futurs adultes de s'adapter, des enseignants se remettent aussi en question - c'est là un gain. Même si nous ne faisons pas un débat de fond ce soir, j'aimerais quand même dire que nous avons vécu quelque chose d'intéressant à la commission de l'enseignement, la semaine dernière: on nous a présenté le PECARO, c'est-à-dire le plan cadre romand concernant la scolarité obligatoire. J'aimerais expliquer en deux mots de quoi il s'agit: c'est un outil d'harmonisation des plans d'études cantonaux. C'est un outil qui apporte des repères précis pour harmoniser le niveau minimum requis pour tous les élèves. Selon moi, la mise en consultation de PECARO, c'est un peu l'équivalent du congrès du siècle passé. On pourrait presque dire qu'il y a un léger rapport avec la mise en place du processus de Bologne, parce qu'on ne peut plus agir localement seulement, comme on le faisait avant.

Je suis d'accord pour qu'on ne parle aujourd'hui que de la validité de cette initiative. La commission a reconnu sa validité, le Conseil d'Etat aussi, c'est pourquoi mon argumentaire sur son absence d'unité est peut-être douteux, mais j'aimerais juste rajouter ceci: je le sais, chacun désire une école de qualité. N'oublions pas, à la commission de l'enseignement, lorsque nous travaillerons ce sujet, que les besoins de l'enseignement deviennent immenses, que la raison d'être d'une école est évidemment de faire apprendre, mais que cela doit toujours être évalué. La commission étudiera, je pense avec intérêt, les propositions du Conseil d'Etat, mais aussi les propositions de tous les acteurs actuels qui s'intéressent à la formation. Ce n'est qu'ainsi que nous arriverons à proposer un contre-projet qui réponde aux besoins des élèves, aux attentes des parents, et à celles de la société. (Applaudissements.)

M. Jacques Follonier (R). J'avoue que ça fait chaud au coeur de voir M. Brunier venir la bouche en coeur nous dire que son groupe n'acceptera pas la recevabilité de cette initiative, alors que... (Vives protestations.)

Ah, vous refusez la recevabilité uniquement sur le fond ? Mais on ne peut avoir une recevabilité à tiroir, où l'on choisit seulement celle qui plaît ! (Rires.)Je m'excuse, mais c'est de la polémique à l'état pur. Vous dites que j'ai dit un mensonge, mais j'aimerais bien savoir lequel... Vous avez dit que j'avais mis en cause M. Beer, alors que ce n'est pas du tout le cas. Je vous rappelle que j'ai mis un «peut-être» dans mon article - vous auriez pu le souligner. J'ai affirmé ensuite que lorsque nous avons parlé de ce problème lié aux extraits, votre groupe avait dit - et je rappelle vos paroles textuellement, Monsieur Brunier - que ce sujet n'était pas important et pouvait être traité beaucoup plus tard. Pardonnez-moi, mais ce sujet est pour moi très important, et je suis sûr que beaucoup de gens partagent mon avis. Vous pensez que je suis un menteur, et vous dites que les initiants aussi sont des menteurs. Autrement dit, il y a plus de trente mille personnes à Genève qui sont des menteurs, un nombre assez ahurissant ! A croire qu'il n'y a que vous qui dites la vérité...

A part cela, j'aimerais quand même rappeler que nous voulons que cette initiative aille vite, afin d'éviter qu'on continue à avancer d'une manière irrémédiable ou inutile dans les réformes, alors que celles-ci devront peut-être subir un recadrage, selon la décision populaire. Je crois qu'il est temps de s'en rendre compte. Si, pour vous, Mesdames et Messieurs les députés, la réforme de l'enseignement genevois est uniquement basée sur des notes à l'école et des cycles de quatre ans, alors vous pouvez l'arrêter immédiatement ! Si c'est uniquement ça qui vous pose problème, vous n'avez pas compris le fondement de la réforme.

Monsieur Brunier, vous dites que nous voulons revenir à l'école du XIXe siècle, alors que nous avons dit depuis le départ quelque chose qui, à mon sens, est intelligent et devrait l'être aussi pour vous: nous avions décidé il y a presque plus d'une année, lorsque nous parlions d'une motion radicale, que nous ferions une évaluation de toutes ces réformes et que nous en discuterions. Aujourd'hui, de la part du Conseil d'Etat et du département - c'est silence radio. En ce qui me concerne, je ne peux pas tolérer cela. Il est inutile de vouloir avancer ainsi. Avec d'autres, je l'ai dit et répété maintes fois: il y a certainement quelques réformes qui sont intéressantes et qu'il faudra garder, mais il y en a d'autres qui sont allées au-delà de nos ambitions, qui ne sont pas raisonnables et qu'il faudra redimensionner. Il faut que le Conseil d'Etat ou, en tout cas, le département fasse rapidement cette évaluation, pour que nous puissions sereinement prendre acte de cette initiative et travailler sur elle.

J'aimerais simplement ne plus avoir à subir de blocages tels qu'on en a connus jusqu'à maintenant. Monsieur Brunier, vous pourriez, ainsi que votre groupe, faire preuve de sagesse - puisque vous le voulez - pour que, comme l'a dit mon collègue du PDC, on avance rapidement dans cette initiative.

M. Souhail Mouhanna (AdG). On a dit tout à l'heure que les personnes qui avaient lancé cette initiative avaient telle qualité ou tel défaut. Je pense quant à moi que beaucoup d'entre elles sont parties d'un constat que je partage: l'école rencontre aujourd'hui un grand nombre de problèmes, notamment au niveau de la qualité de la formation et de la transmission des connaissances. Mais la convergence s'arrête là, car l'initiative ne pose pas les vraies questions.

Faire croire que les problèmes de l'école se réduisent à une question de notes est véritablement extrêmement réducteur, et c'est passer à côté des vrais problèmes. Les vrais problèmes aujourd'hui sont ceux que nous vivons non seulement à l'école, mais aussi à l'extérieur: c'est cette violence sociale, c'est cette régression sociale, ce sont les dégâts causés à des gens qui ont suivi une formation que je pourrais qualifier d'excellente mais qui, au bout de leur formation, se retrouvent à la rue ou sont engagés avant d'être jetés comme un kleenex, parce qu'il y a le roi profit, le roi argent, les actionnaires qui ont besoin de gagner encore davantage... Les vrais problèmes sont ailleurs, ils sont dans les rapports sociaux que nous connaissons aujourd'hui, dans cette violence sociale contre la grande majorité de la population, violence qui se reflète au niveau de l'école publique, mais pas seulement.

De ce point de vue-là, il faut quand même rappeler que depuis 1992, au moment des premières mesures du Conseil d'Etat, les moyens financiers dégagés pour l'école publique ont baissé de plus de 15% ! Une simple division par nombre d'élèves, en tenant compte de l'inflation, permet de s'en rendre compte. Or, la droite et plus particulièrement les radicaux - qui essaient aujourd'hui de se racheter une nouvelle virginité en soutenant cette initiative - non seulement sont en désaccord avec le Conseil d'Etat sur le projet de budget, régressif et inacceptable, mais proposent en plus 160 millions de réductions supplémentaires ! C'est ainsi qu'ils veulent donner les moyens à l'école publique d'assurer sa mission.

Enfin, je demanderai: qu'est-ce que le savoir, qu'est-ce que la connaissance sans la conscience ? La conscience citoyenne doit-elle aussi être notée entre 1 et 6 ? L'Alliance de gauche n'est pas dupe: les problèmes de l'école publique ne sont pas dans cette initiative, ils sont ailleurs, et nous nous battrons pour que les vrais problèmes soient résolus. Nous sommes donc pour une école de qualité, pour que la loi sur l'instruction publique, c'est-à-dire la démocratisation des études, soit respectée. Qu'on ne vienne pas nous raconter que les perspectives sont formidables, avec Bologne et tout le reste, alors qu'il s'agit d'une régression au niveau de la qualité de l'enseignement, au niveau des moyens dégagés pour la formation. Pourtant, la formation, la formation professionnelle, l'éducation, tels sont nos principaux atouts, puisque la matière grise est la principale matière première en Suisse.

Quoi qu'il en soit, à l'Alliance de gauche, nous sommes pour un éventuel contre-projet. Mais nous verrons, que l'initiative soit acceptée ou refusée, que cela ne changera strictement rien aux résultats de l'école publique, puisque les vrais problèmes sont ailleurs, et que c'est sur ces vrais problèmes qu'il va falloir agir.

M. Jacques Baud (UDC). Je serai extrêmement bref. Intégration, Messieurs de la gauche ? Quand on sait que dans la ville d'Onex - et je tiens ça du conseil municipal, qui est de gauche ! - presque 100% des élèves sont des étrangers, que la plupart de leurs parents ne parlent pas un mot de français, comment voulez-vous que ceux-ci puissent lire les annotations et les inscriptions des enseignants ? C'est impossible ! Ils ne peuvent donc se repérer que sur les notes - car ils savent compter quand même. Maintenons les notes pour l'intégration, n'oublions pas cela ! Ce 100% ne concerne pas qu'Onex, mais bientôt toutes les écoles de Genève. En tout cas, dans une grande partie d'entre elles, le pourcentage des étrangers est de plus en plus grand, avec des problèmes de langues toujours plus importants, qui posent des problèmes insolubles aux enseignants. Gardons donc les notes plutôt que de faire des évaluations écrites que la plupart des parents ne comprendront pas du tout.

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je ne voudrais pas distribuer des notes aujourd'hui, mais aimerais quand même m'étonner de ce que j'ai entendu de la part de la gauche sur un sujet particulier. Je me souviens des hurlements et des étranglements de rage de la gauche, lorsqu'au stade de la recevabilité des initiatives 119 et 120, elle nous reprochait, notamment dans le rapport de la commission législative, de faire de la politique. Je constate que lorsque nous essayons, en commission législative, de faire un rapport qui ne traite que les problèmes constitutionnels de recevabilité, les deux députés socialistes ne font que traiter de la politique, du fond du débat et tombent donc dans les travers qu'ils dénoncent chez les autres. C'est dire si, dorénavant, lorsqu'ils nous feront le reproche de faire de la politique sur des initiatives, ils auront perdu toute crédibilité.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes effectivement sur un débat de forme, c'est-à-dire sur la question de la recevabilité de cette initiative et, en même temps, il ne serait être question de ma part de reprocher au parlement d'évoquer la question du fond, alors que dans son premier rapport à destination du Grand Conseil, le Conseil d'Etat faisait justement état de certains éléments qui touchaient au fond. J'aimerais donc rapidement revenir sur certains de ces aspects, de manière à pouvoir éclairer le débat que nous avons aujourd'hui ou, tout au moins, contribuer à cet éclairage auquel vous avez également participé.

J'aimerais d'abord mettre en évidence l'opportunité de développer un grand débat sur l'école. Quand je parle d'un grand débat, je veux parler d'un grand débat démocratique, et donc de la possibilité pour le peuple de se prononcer sur certains aspects de l'organisation scolaire. En ce sens-là, je ne peux que saluer l'initiative, parce qu'elle donne cette possibilité au peuple. J'aimerais dire encore que le canton de Genève, confronté à une consultation populaire, n'est pas une exception en la matière, puisqu'une majorité de cantons de la Confédération, ainsi que la plupart des pays occidentaux, vit également de telles échéances, pareils débats, car aujourd'hui la préoccupation scolaire envahit le champ démocratique. Il est bien normal que dans une démocratie directe, le peuple ait à se prononcer.

Si je salue la possibilité pour le peuple de se prononcer sur l'organisation scolaire, je constate en même temps, avec un certain nombre d'entre vous, que les principaux problèmes ne résident pas forcément dans la manière d'évaluer. Nous voyons aujourd'hui dans plusieurs établissements nombre de problématiques importantes, qui touchent l'intégration au sens large, et qui touchent la difficulté de l'école moderne à faire face aux facteurs suivants: il y a, premièrement, les nouveaux problèmes sociaux, qui concernent bien entendu la sécurité économique, les différentes institutions, et qui sont également liés aux différentes crises, aux niveaux migratoire, de l'intégration, mais également familial. Nous voyons donc, aujourd'hui, une école confrontée à de nouvelles problématiques sociales.

Deuxièmement, notre société vit de manière générale une crise de repères, une crise qui dépasse de beaucoup le monde scolaire. La particularité de notre époque est d'être confrontée à de multiples changements, qu'il est pratiquement impossible d'appréhender, dont on ne peut cerner les tenants et aboutissants; nous sommes dans une période de mutations qui nous dépasse. Or, dans une telle période, la principale crise que nous vivons est la difficulté à nous projeter dans l'avenir. Dès lors, il est normal que notre société ait de la difficulté à transmettre à nos enfants les savoirs que nous estimons indispensables.

L'école connaît donc ces problèmes. Mais l'école connaît aussi un problème de moyens, et j'aimerais dire, Mesdames et Messieurs les députés, à vous qui toutes et tous vous souciez sincèrement - et à juste titre - de l'état de l'école, qu'il est particulièrement difficile d'organiser une rentrée scolaire, alors que nous ne savons pas aujourd'hui quels effectifs enseignants nous aurons au 23 août prochain. Au mieux, nous le saurons fin juin. J'en profite pour vous dire - comme vous êtes sincères - que je suis sûr que tous, vous ferez votre possible pour que nous traitions rapidement et positivement les demandes nécessaires à l'organisation de cette rentrée, synonyme d'un minimum de moyens pour le fonctionnement de l'école et pour sa qualité.

Sur le travail de gouvernement, il a été demandé - même si on pouvait y lire une affirmation - ce que faisait le gouvernement. Mesdames et Messieurs, le gouvernement travaille ! Je comprends que certains d'entre vous s'agitent, mais le Conseil d'Etat a un calendrier à respecter, et j'aimerais rappeler les engagements qu'il a pris: le Conseil d'Etat a dit, au moment du rapport sur la recevabilité à destination de votre Conseil, qu'il estimait indispensable d'entreprendre une grande consultation. Dans un premier temps, il voulait consulter pratiquement toutes les associations qui sont partie prenante à la politique scolaire. Cette consultation a démarré cette semaine - j'aimerais que vous le sachiez - puisqu'un vaste questionnaire a été envoyé à une soixantaine d'associations qui ont, de près ou de loin, une activité en lien avec l'enseignement. Nous attendons ces retours. Sur la base de ces retours, nous allons organiser un vaste débat ouvert à la population, un débat public qui permettra au gouvernement, d'ici la fin du mois de juin, de prendre la température sur les aspects qu'il estimait prioritaires, à savoir la régularité de l'évaluation, son rythme, la manière de la retransmettre entre commentaires et notes. C'est une question à laquelle le gouvernement appelle les associations à répondre, dans un débat auquel la population est conviée à participer. Le questionnaire demande également quel doit être le rapport entre les familles et l'école, quel doit être le rôle des cycles d'apprentissage et, le cas échéant, leur durée. Enfin, en ce qui concerne la politique du redoublement et, pour nous en particulier, la prolongation d'un cycle, nous demandons quelles conditions doivent être mises en place pour qu'une prolongation de cycle soit positive pour les élèves.

Voilà les questions que se pose le gouvernement. Il aura terminé de prendre la température d'ici la fin du mois de juin et, dès lors, pourra probablement transmettre ses conclusions à la commission de l'enseignement et de l'éducation du Grand Conseil, pour une proposition de contre-projet au mois de septembre. Est-ce cela traîner, Mesdames et Messieurs les députées et députés ? Peut-on à la fois reprocher un certain nombre de réformes et, en même temps, reprocher au gouvernement qu'il prenne, lorsqu'il s'agit de débattre de l'opportunité d'un contre-projet, le temps de consulter, le temps d'ajuster ? Pour le gouvernement, face à des difficultés constatées dans le monde scolaire qui débordent de loin le champ de l'initiative, il s'agit aujourd'hui ni plus ni moins que de chercher à rassembler l'ensemble des enseignantes et enseignants, au-delà des conflits entre tenants et opposants à la rénovation. Le gouvernement soutient le mouvement de rénovation, parce qu'il estime également nécessaire de s'adapter à un mouvement qui traverse l'ensemble de la Suisse romande, l'ensemble du pays, mais également au-delà, quasiment la totalité des systèmes d'enseignement du monde occidental.

Le gouvernement entend donc respecter ce calendrier, avancer et, avant tout, respecter la constitution. Je me permets dès lors de dire, en conclusion puisque nous débattons sur les questions de forme, que votre commission de l'enseignement et de l'éducation qui aura, je le souhaite, à traiter de l'initiative, sera donc saisie d'une proposition de contre-projet à l'automne. Ce sont donc vous, Mesdames et Messieurs les députés, qui organisez le rythme et le temps du débat. Ne venez pas dire au gouvernement qu'il traîne, alors que selon la constitution nous avons plus de trente mois pour proposer un contre-projet ou, plus précisément, pour que le peuple vote. Ce n'est pas ce que j'appelle «traîner». Et celles et ceux qui en appellent au respect des normes feraient bien de prendre en considération les dispositions constitutionnelles, avant de faire pression de manière quelque peu inélégante et populiste sur le gouvernement, quitte à remettre en cause la qualité du travail de celui-ci.

Mesdames et Messieurs les députées et députés, je demande formellement que l'initiative soit renvoyée pour traitement à la commission de l'enseignement et de l'éducation, de manière que celle-ci puisse commencer à travailler dans la sérénité et sur la base des travaux que le gouvernement notamment pourra lui transmettre. Je me réjouis de ces débats devant la commission de l'enseignement et de l'éducation, et la plupart des arguments que j'ai entendus aujourd'hui me montrent à quel point il est nécessaire de mettre sur pied ce contre-projet, un contre-projet qui soit fédérateur et qui nous permette à toutes et tous qui nous disons sincères dans notre volonté de redresser l'école, de rétablir la confiance indispensable de la population en son système scolaire. Mesdames et Messieurs, merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 121-B.

L'initiative IN 121 et le rapport IN 121-A sont renvoyés à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

Le président. Le renvoi est automatique et prévu par la loi. Par ailleurs, le renvoi a été formellement demandé et aucune opposition ne s'est manifestée. (Protestation du rapporteur.)J'ai dit qu'il était pris acte du rapport, Monsieur le rapporteur.