République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1560
Proposition de motion de MM. Florian Barro, Hugues Hiltpold, Pierre Kunz concernant l'accueil et le logement des requérants d'asile

Débat

M. Pierre Kunz (R). Monsieur le président, les auteurs de la motion 1560 ont bien conscience qu'en abordant aussi directement la problématique de l'accueil des requérants d'asile, du logement de ceux-ci et de leur refoulement, ils proposent un débat dont beaucoup ne veulent pas... (Brouhaha.)N'en veulent pas ceux qui savent pertinemment... (Le brouhaha redouble d'intensité.)Je crois qu'il y a un problème, Monsieur le président. Si vous voulez le régler avant que je ne reprenne la parole, je vous en laisse volontiers le temps. Tout le monde a l'air de dire qu'il y a un problème concernant les votes précédents.

Le président. Effectivement, Monsieur le député, il y a contestation concernant le vote précédent puisque, apparemment, un comptage manuel donnerait un autre résultat. J'aimerais que l'on vérifie le système informatique; je dois être certain du résultat ! Il y a une demi-heure, j'ai demandé une vérification; on m'a dit que le système était sûr. Apparemment, tel n'est pas le cas ! Alors, je vous propose de revenir au point précédent et de voter par «assis-debout», sinon on ne va pas s'en sortir ! (Vives protestations.)Calmez-vous ! Je comprends que ceux qui ont remporté le vote précédent n'aient pas, contrairement aux «vaincus», envie que ce dernier soit recommencé... Je ne veux favoriser personne dans cette affaire, j'essaie juste de trouver une solution pour vérifier que le résultat est correct. On me souffle qu'il y a une possibilité de vérifier les listes. Est-ce vrai, Madame le sautier ? Peut-on procéder à cette vérification pour voir si le vote précédent était correct ?

Mme le sautier. Il faudrait arrêter le système durant cinq minutes pour pouvoir accéder aux données du dernier vote.

Le président. Il en sera fait ainsi, ce qui nous permettra de vérifier ces données. Et si nous voulons poursuivre nos débats, est-ce que ce sera sans micros ? (Brouhaha.)C'est tout de même beau, l'informatique ! Prenons une petite pause et revoyons-nous dans cinq minutes ! (Remarque.)Non ! Là n'est pas le problème, je ne veux pas faire revoter maintenant, Monsieur Brunier ! Et quand pourrons-nous travailler avec les micros ? (Remarque de M. Christian Grobet.)

Monsieur Grobet, je vous donne la parole. (M. Grobet commence à s'exprimer sans micro.)

Une voix. Mais on n'entend rien ! (Le président sonne la cloche.)

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais dire que nous avons repris dans cette salle le système électronique de vote du Conseil national... (Le micro est à nouveau enclenché.)Lorsque vous pressez sur le bouton, il arrive de temps en temps que le vote ne soit pas affiché, parce qu'il peut y avoir des pannes - ce qui m'est arrivé au Conseil national. Alors, à ce moment-là, vous devez lever la main - et avant la fin du vote ! - pour signaler que votre vote n'est pas enregistré. Ainsi, le président voit immédiatement que le vote d'une personne n'a pas été affiché et il rectifie le résultat. Je suggère que nous procédions de la sorte à l'avenir, on pourrait rappeler cela par une note écrite à tous - c'est le seul moyen, sinon les gens entrent et sortent... Tel est donc le procédé au Conseil national, et il n'y a pas le moindre litige ! Vous devez suivre le vote sur le tableau devant vos yeux et vous levez la main si votre vote n'est pas affiché !

Le président. Merci, Monsieur le député, je crois que vous avez tout à fait raison sur le fond. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé tout à l'heure avec M. Slatkine, dont le vote avait été bloqué. M. Slatkine s'est tout de suite manifesté, avant la fin du vote, pour signaler un problème.

Cela étant dit, je ne me soucie pas de ce point-là, mais de la fiabilité des résultats comptabilisés; j'aimerais donc les vérifier. Si tous les votes se sont correctement affichés à l'écran, mais que la comptabilisation est fausse, c'est qu'il y a un autre problème, auquel votre remarque n'est pas applicable.

Je souhaite donc qu'on arrête le système informatique pendant cinq minutes et qu'on vérifie si le vote est correct. Cela nous permettra d'éviter un nouveau vote qui pourrait être inéquitable pour la majorité. Je vous propose de suspendre nos travaux pendant cinq minutes, le temps de vérifier cela. A tout de suite !

La séance est suspendue à 18h08.

La séance est reprise à 18h20.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous laisse vous installer, la séance reprend.

Le suspense est insoutenable... car moi, je sais quel est le résultat du vote précédent ! (Rires.)Plus sérieusement, je tiens à disposition de ceux qui exprimeraient la moindre contestation la liste des votes que nous avons imprimée. Le vote précédent a été vérifié, il était correct. La motion 1554 a bel et bien été refusée par 40 non contre 38 oui.

Nous pouvons donc reprendre nos débats après ces vicissitudes informatiques... Monsieur Grobet, demandez-vous la parole ?

M. Christian Grobet (AdG). Oui, Monsieur le président. J'aimerais quand même que le Bureau examine la proposition que j'ai faite tout à l'heure et que le procédé suggéré soit connu dans cette salle. Parce qu'on peut se tromper de bouton - cela m'est arrivé - et que, pour que le résultat soit exact, il faut tout de suite lever la main !

Le président. Vous avez raison, Monsieur le député, et votre remarque de tout à l'heure n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Je pense qu'il faudrait que nous nous mettions d'accord sur ce point-là avec le Bureau et les chefs de groupes et, le cas échéant, que nous rédigions une note à l'intention de tous les députés. N'est-ce pas, Madame le sautier ?

Nous reprenons nos travaux au point où nous les avons laissés concernant la motion 1560.

Monsieur Kunz, vous avez été interrompu tout à l'heure, je suis navré de ces problèmes informatiques. Je vous redonne la parole.

M. Pierre Kunz (R). Merci, Monsieur le président. Je disais donc que les motionnaires, lorsqu'ils ont déposé leur texte, avaient bien conscience qu'en abordant aussi directement la problématique des requérants d'asile, en abordant aussi directement la question du logement de ceux-ci et de leur refoulement, proposaient un débat dont beaucoup ne veulent pas. N'en veulent pas ceux qui savent pertinemment que la manière dont la loi est actuellement appliquée n'est pas conforme à la volonté de la majorité des Genevois et des autorités communales. Ceux-là, invoquant des motifs honnêtes, humanitaires et sincères, ou alors, masquant des calculs politiques un peu moins avouables, affirment qu'il faudrait simplement accroître l'effort collectif actuel qu'ils considèrent comme insuffisant. N'en veulent pas non plus ceux qui reconnaissent que les interventions du Conseil d'Etat sont quelque peu incohérentes, contradictoires et qu'elles n'améliorent pas la situation. Mais ils préfèrent s'en laver les mains, ne rien dire pour ne pas avoir à s'exposer politiquement sur une question tellement délicate à leurs yeux qu'ils en font un tabou.

Mesdames et Messieurs, les motionnaires rejettent cet immobilisme et cette hypocrisie qui ont trop duré. Ils considèrent que Genève ne peut plus se satisfaire des interventions au coup par coup que nous connaissons actuellement, par une autorité dont on peut se demander quelle est la ligne politique, et qui, de surcroît, se fait sanctionner par le Tribunal fédéral - comme ce fut le cas récemment à ce sujet. Ils demandent donc à ce parlement de débattre dans toute son ampleur et en toute sérénité de la problématique des demandeurs d'asile, de tirer de ce débat une ligne politique claire, compréhensible par les Genevois, ainsi que des schémas de dialogue précis avec les communes.

Les motionnaires savent bien que le droit fédéral en la matière - le durcissement récent que nous connaissons - entraîne pour notre canton des difficultés considérables, mais ils trouvent dans ces difficultés des raisons supplémentaires pour s'écarter d'urgence d'un statu quo qui ne satisfait personne - ou plutôt seulement ceux qui veulent regarder ailleurs.

Voila pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions d'accepter d'envoyer cette motion - sans grand débat - en commission du logement. Merci d'avance !

Le président. Merci, Monsieur le député, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission du logement, raison pour laquelle, en application de notre règlement, la parole sera donnée à un intervenant par groupe.

M. Gilbert Catelain (UDC). J'avais demandé la parole non pas pour m'exprimer sur le projet de motion, mais à propos du point soulevé par M. Grobet: il faut prendre une décision rapidement, si possible pour la reprise de la prochaine séance.

Le président. Il en est pris acte.

M. Antoine Droin (S). On parle de «requérants», d'«émigrés», de «demandeurs d'asile», voilà bien des qualificatifs. N'oublions pas que derrière ces qualificatifs se cachent des femmes et des hommes, des êtres humains, des personnes, des gens comme vous et moi. Dans les questions de migration, des personnes souffrent et sont quelquefois dans la misère - misère qui n'est pas forcément matérielle, mais aussi spirituelle, sociale, etc. N'oublions pas que ces personnes sont déracinées, qu'elles ont quitté leur famille, leur environnement pour des raisons qui leur sont propres.

La politique suisse en matière d'asile est catastrophique: elle ne prend pas en considération les personnes à part entière, elle les prive de leur dignité. Cette dignité est de même bafouée dans de cette motion, qui invite le Conseil d'Etat à utiliser des moyens existants tels que les friches industrielles pour assurer une stabilité logistique... J'ai honte, et cela pour deux raisons: mettre en relation des personnes avec des questions de stabilité logistique n'est pas acceptable; vouloir parquer des personnes dans des friches industrielles est inadmissible !

A la quatrième invite, je lis: «rationaliser l'allocation de ces ressources en termes de logement d'accueil». Je suis là en plein cauchemar ! En plus de parquer des personnes dans des zones industrielles en friches, on veut rationaliser leur logement, comme s'il s'agissait de bétail !

A la cinquième invite, je lis: «distinguer l'hébergement de requérants en attente d'une décision administrative de celui de requérants déboutés». Là, c'est le bouquet, Mesdames et Messieurs ! En plus de la honte et du cauchemar, nous sommes face à de la discrimination, à travers des catégories qualificatives inacceptables.

Ici, je pose la question: ne serait-il pas plus harmonieux d'avoir de l'égard et du respect envers les personnes migrantes au même titre que n'importe quel autre humain, quel que soit son statut ? Si tout raisonnement en matière de migration consistait à valoriser et intégrer, même à court terme, ces personnes, nous pourrions valoriser au mieux leur potentiel. En conclusion, nous ne pouvons dire que non à cette motion, pour préserver la dignité humaine, dans la Genève que l'on veut internationale. Je vous invite à rejeter cette motion. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (AdG). Prendre en considération la pénurie de logements qui règne actuellement à Genève, se préoccuper de la complexité que revêt l'application de la politique d'asile sont en soi des intentions somme toute louables. Mais rapidement, à la lecture de la motion 1560, le malaise s'installe, notamment lorsque la mise en évidence de ces facteurs se fond dans des considérants qui évoquent autant les variations ponctuelles du nombre de requérants d'asile que des caractéristiques désignant ces derniers comme des délinquants potentiels ou avérés, ou encore lorsqu'on fustige ce que l'on qualifie d'absence de concertation dans la politique du DAEL avec les communes ou les riverains concernés.

Mais de quoi est-il donc question ? A priori, on pourrait croire cette proposition de motion destinée à mettre en question la précarité, la modicité, voire l'inconfort des conditions de logement réservées actuellement aux candidats à l'asile. On voudrait bien d'ailleurs pouvoir la soupçonner de dénoncer le phénomène de ghetto qu'induisent ces grands centres d'hébergement collectif ou ces concentrations de requérants. On la voudrait aussi généreusement portée à la concertation, afin de faire valoir toutes les sensibilités de tous les interlocuteurs concernés.

Eh bien non, ce n'est pas de cela qu'il s'agit! Cette proposition de motion promeut la création de petites structures d'accueil. Elle suggère de fondre dans le paysage les requérants d'asile, après avoir - il est vrai - séparé le bon grain de l'ivraie. Mais est-il réaliste de préconiser la mise en place de petites structures au détriment de grands centres, lorsque l'on sait pertinemment que la révision de l'ordonnance 2 sur l'asile a entraîné une baisse des forfaits fédéraux versés aux cantons pour l'assistance, l'hébergement et l'encadrement des requérants d'asile ? Ce postulat est-il innocent, lorsqu'il émane de ces tenants de la réforme de l'Etat en cours, qui prétendent financer l'accueil et l'hébergement des requérants d'asile sans adapter les subventions cantonales ? Affirmer encore qu'il faut promouvoir la concertation, n'est-ce pas se parer d'une vertu uniquement pour permettre à certaines communes, à certaines collectivités, de dire qu'elles ne veulent pas voir de requérants d'asile résider sur leur territoire et qu'il vaudrait mieux favoriser leur implantation ailleurs, là où l'on pourrait considérer que c'est moins dommage ?

Comment se départir de la méfiance que suscite instinctivement cette proposition de motion, lorsqu'on y trouve la suggestion d'affecter une vocation temporaire d'accueil aux friches industrielles dans le but avoué - il faut le reconnaître - d'écrêter la demande ? Qui d'entre nous accepterait d'aller vivre dans une friche industrielle ? Qui d'entre nous jugerait digne de proposer à un proche d'aller loger dans un abri de la protection civile ?

Mesdames et Messieurs les députés, faut-il croire que ce qui n'est pas bon pour nous le devient pour les autres ? N'y aurait-il pas là une manière de trahir la vocation de terre d'asile de Genève ? Sans doute, la réponse est oui - à plus forte raison lorsque l'on voit cette proposition de motion suggérer dans ses invites que le Conseil d'Etat définisse une politique globale en matière d'accueil des requérants d'asile. Il faut quand même savoir que c'est précisément ce qu'il a déjà fait, tel que peut en attester le procès-verbal de sa séance du 10 mai 2000.

A ce stade, nous ne pouvons que déplorer que cette proposition de motion reste muette sur ce qu'il conviendrait de développer pour favoriser réellement l'intégration des requérants d'asile. Il faut remarquer encore qu'une partie des voeux des motionnaires est d'ores et déjà exaucée, et c'est ce qui nous amène à dénoncer l'arrêté fédéral urgent, de même que les dispositions cantonales qui ont été prises en ce qui concerne les requérants d'asile déboutés. Nous ne pouvons que fustiger les conditions minimalistes d'existence qui leur seront proposées. Celles-là sont indignes d'une politique sociale qui se respecte, elles ne font pas honneur à la vocation humanitaire du canton de Genève. Par l'indigence des moyens mis à disposition, elles incitent les personnes concernées à basculer dans la clandestinité, voire elles les poussent au désespoir.

Parce que nous ne pouvons pas occulter notre responsabilité dans le fait que les politiques menées par les pays dont sont issus les requérants d'asile ne sont souvent que le fruit gâté d'une politique nord-sud à laquelle notre pays est partie prenante; parce que la problématique de l'asile est une chose trop complexe, trop douloureuse pour être abordée à coups de «yakas !»; parce que le drame de l'exil ne se traverse pas sans dommage; parce qu'il n'est pas acceptable que le pays d'accueil ajoute aux préjudices subis de nouvelles blessures, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur cette motion ! (Applaudissements.)

M. Florian Barro (L). Les deux personnes qui m'ont précédé, Mme Haller et M. Droin, ont fait une lecture très limitée des invites contenues dans cette motion. Bien entendu, l'aspect humain a été pris en compte dans la rédaction de cette motion, et c'est surtout sur les aspects de partage de responsabilités - notamment auprès des communes - que nous avons concentré notre effort. Il est évident que les obligations fédérales qui nous échoient, de même que le transfert de cette responsabilité auprès des communes, est un élément qu'il ne faut pas occulter, et surtout qu'il ne faut pas refuser. C'est la raison pour laquelle nous avons rédigé cette motion.

Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est la dernière invite, car il faut prendre conscience que c'est par des mesures concernant des dimensions appropriées qu'on arrivera à héberger le plus favorablement et au mieux ces requérants.

J'ajouterai un point de détail sur les friches industrielles. Je ne sais pas si vous le savez, mais toutes les friches industrielles ne sont pas toutes situées en zone industrielle; il y en a en zone urbaine, qui sont dans l'attente de modification de zone d'affectation. Je pense qu'il y aurait la possibilité d'utiliser dans ce cas-là des moyens existants, au lieu de mobiliser des terrains à d'autres fins. J'ajoute aussi pour exemple que le Centre des Tattes était initialement prévu pour les saisonniers, et que c'est au moment où le besoin à cet endroit-là n'a plus été effectif qu'est intervenu un centre pour requérants. Je pense que la commune de Vernier qui accueille ce centre n'a pas du tout le sentiment de faire oeuvre utile en ayant autant de personnes à cet endroit-là. Les dépôts d'autorisations de construire de centres importants qui ont été faits ces derniers temps sur notre canton ont bien démontré que la quantité n'est pas souhaitée, et les refus qui ont été enregistrés - jusqu'au Tribunal fédéral - sont la démonstration de la difficulté de faire prendre conscience, à la fois aux communes et à la population, de l'importance de ce dossier.

Si votre lecture, Monsieur Droin et Madame Haller, a été faite de manière aussi limitative, je le regrette pour vous, mais vous avez en tout cas mal compris mon intention. Elle consiste à faire transférer notre responsabilité d'accueil jusqu'aux communes. Certes, cela coûtera plus cher, mais je pense que c'est une réflexion sur les dimensions qu'il faut mener, sans quoi nous serons incapables de résoudre ce problème. Je répète que, selon moi, la quantité est la source des problèmes, source du refus de la population d'accepter pour voisins des requérants d'asile. Je vous remercie de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission du logement.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Patrick Schmied (PDC). A l'image de l'excellente intervention tout à l'heure du député Barro, qui ramenait un peu de calme et de sérieux dans ce débat - puisqu'il s'agit de résoudre des problèmes et d'améliorer une situation, plutôt que de se lancer dans des diatribes d'une autre époque et d'un autre lieu - je pense qu'il est urgent d'envoyer cette motion en commission. Il s'agit en effet de parler de choses réelles, telles qu'elles se passent.

En particulier, concernant la dernière invite, je ne comprends pas comment on arrive à fantasmer aussi extraordinairement sur une proposition de structures un peu plus petites plutôt qu'un peu plus grandes !? Si cela doit donner lieu à un débat idéologique sous forme de diatribes interminables, je trouve cela totalement exagéré et vous invite donc à renvoyer rapidement cette motion en commission.

M. Jean Rossiaud (Ve). L'accueil et le logement des requérants d'asile est effectivement un problème politique important à Genève, c'est pourquoi il est nécessaire et même prioritaire de définir une politique globale en matière d'asile et de logement pour les requérants. A la lecture du rapport de gestion du Conseil d'Etat, on s'aperçoit que le Conseil d'Etat en est conscient.

Je ne répéterai pas les arguments des socialistes et de l'Alliance de gauche dont je partage l'avis, et j'invite donc à rejeter cette motion. Si la motion en restait à la première invite, et donc à définir une politique globale en matière d'accueil des requérants d'asile, nous lui serions évidemment favorables. Je suis en revanche sceptique concernant les invites suivantes et les intentions qui s'y cachent, car je trouve que ces intentions, malgré ce qu'on vient de nous expliquer à l'instant, sont des arguments indignes de la politique d'accueil de Genève. Les Verts pensent qu'il est extrêmement important d'accueillir au mieux les personnes qui ont souffert chez eux de conditions de guerre et de troubles intérieurs. Pour cela, nous estimons qu'il faut éviter tout ce qui pourrait ressembler à une politique de ghettoïsation et essayer d'insérer au mieux les personnes acceptées dans notre République en leur fournissant des logements au milieu des citoyens genevois. Je vous propose donc de rejeter cette motion.

M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente, le but de mon intervention n'est pas de ramener la tempête dans cet hémicycle, parce que je suis persuadé que, si vous soumettez cette motion à des conseils administratifs de gauche de certaines communes confrontées à une forte population de requérants d'asile, vous seriez surpris de leur accueil: il serait probablement positif.

Je me souviens d'une prise de position d'une conseillère administrative AdG de la commune de Vernier - je ne vais pas la nommer - qui était scandalisée par la politique d'hébergement menée par l'Hospice général. Ce dernier visait à racheter ou à réquisitionner des logements dans des blocs locatifs, notamment au chemin de Poussy, pour y placer des familles de requérants d'asile - et c'étaient ses termes - qui jetaient leurs ordures par les fenêtres et qui ne respectaient rien. Cela mis à part, il est vrai que cela posait problème, car la commune avait aussi des familles à loger, des familles en situation régulière, or on donnait une préférence non pas nationale, ou disons «citoyenne» - dans le sens du citoyen légalement à Genève - mais on préférait des personnes qui venaient de l'extérieur.

Il y a effectivement un vrai problème d'hébergement; je crois qu'on ne peut pas le nier, puisque les communes qui sont confrontées à ce problème le reconnaissent. C'est faire un faux débat que de dire immédiatement que tout est mauvais, de mettre la tête dans le sable, de refuser de traiter le problème en refusant d'envoyer cette motion en commission. Les motionnaires ont au moins le mérite d'avoir exposé le problème, et on nous demande simplement de le traiter en commission - ça ne mange pas de pain ! Tout le monde parmi nous devrait être assez ouvert et objectif pour accepter de regarder s'il y a un problème et, cas échéant, pour chercher une solution.

Quant à la représentante de l'Hospice général, députée de l'Alliance de gauche - qui a un lien d'intérêts, n'est-ce pas ? - elle aurait mieux fait de se taire ! (Protestations.)J'ai passé trois cents jours de ma vie dans un abri de protection civile, et je peux vous dire que je n'en suis pas mort ! Dans l'hébergement, il y a deux étapes: l'hébergement pour les trois premiers mois, à la suite desquels les gens sont hébergés dans un logement normal et répartis entre les différents cantons. Quoi qu'il en soit, ils ne restent pas longtemps dans leur premier lieu d'hébergement. Si vous prenez le Centre des Tattes, les gens y passent au maximum cent jours, puis des logements leur sont attribués, dont ceux gérés par l'Hospice général. Il est d'ailleurs étonnant que dans ce canton, on en fasse beaucoup plus pour ce genre de population que pour les gens qui sont nés ici, qui ne trouvent toujours pas de logements et doivent aller dans le canton de Vaud ou ailleurs pour en trouver un...

Mme la députée de l'Alliance de gauche a mis en cause la politique genevoise en matière de traitement des requérants d'asile, et je trouve que cela est grave ! Personnellement, je ne suis pas en mesure - et vous pouvez le lire dans la motion Accorda - de payer une assurance complémentaire à ma femme et à mes enfants. Mais ce canton, malgré ses difficultés financières, le fait ! Avec beaucoup de générosité, il paie une assurance complémentaire pour l'ensemble des requérants d'asile et leur famille.

Une voix. C'est un mensonge !

M. Gilbert Catelain. Si, c'est le cas ! Lisez la motion Accorda, ce n'est pas un mensonge. La vérité blesse, c'est bizarre...

Cette année - et vous pouvez consulter les comptes 2003 - l'Hospice général a dépensé beaucoup plus que ce qui lui était imparti au budget.

Une voix. Hors sujet !

M. Gilbert Catelain. Cela veut dire que malgré tout, peut-être avec l'accord de la commission des finances - je n'en sais rien - bien qu'il y ait eu une diminution du nombre de requérants d'asile en 2003, ce canton a fourni un effort financier encore plus important que les années précédentes.

Ce n'est peut-être pas l'objet du débat, en effet, qui est de savoir si nous devons envoyer cette motion en commission ou non. Je dis simplement que si nous n'avions pas de problème d'hébergement, cela se saurait, car nous n'aurions pas besoin d'avoir une «politique globale», pour reprendre les termes de la motion, en matière d'accueil de requérants d'asile. A priori, on ne peut que constater - et on pourrait consulter la population sur ce thème - que nous avons un problème d'accueil et d'hébergement, et que nous avons donc besoin d'une politique d'accueil. Je rappelle que si ce canton pouvait faire appliquer les mesures de renvoi des requérants à qui l'Office des réfugiés a décidé de refuser le droit d'asile, on n'aurait probablement pas eu besoin de cette motion ! Mais comme dans ce pays on ne fait pas forcément appliquer les lois, parce qu'on ne peut pas le faire, parce qu'il y a des groupes de pression, etc., etc., il y a des gens qu'on héberge, alors qu'on sait très bien qu'ils n'ont pas le droit de résider ici ! Et on les héberge des années, pas seulement trois mois, six mois ou un an ! Jusqu'à cinq ans !

Une voix. C'est n'importe quoi !

M. Gilbert Catelain. Non, je ne dis pas n'importe quoi ! Pendant cinq ans, ces gens qui auraient dû quitter la Suisse, Genève en particulier, occupent un logement, au détriment peut-être d'un requérant qui est effectivement persécuté et pour lequel il n'y a pas de logement.

Pour toutes ces raisons, j'invite ce parlement à renvoyer cette motion en commission.

Mme Jocelyne Haller (AdG). Je tenais à réagir aux propos de M. Catelain. Je crois qu'il faut être correct: je ne demande pas à chacun des députés où il travaille et quel milieu il représente ! Je crois que les choses sont relativement claires pour chacun d'entre nous.

En revanche, ce qui est particulièrement évident, c'est au nom de qui nous sommes présents et qui nous représentons ici. Aussi, lorsque vous vous adressez à moi, je vous serais reconnaissante de me qualifier de représentante de l'AdG et non pas de l'Hospice général, puisque ce n'est pas cet élément-là que je représente ici.

Cela mis à part, la connaissance que je peux avoir d'un domaine ou d'un autre - je l'espère - ne m'ôte en rien le droit de m'exprimer ici, sans quoi nous serions nombreux à devoir nous taire ! Si vous avez des questions concernant la politique de l'Hospice général, je vous renvoie simplement chez lui. Merci ! (Applaudissements.)

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, depuis fort longtemps, la politique en matière d'asile est préparée pour le Conseil d'Etat par une délégation, formée du département de justice, police et sécurité, du département de l'instruction publique et du département de l'action sociale et de la santé. Il m'arrive d'y être invité, notamment lorsque la question du logement se pose.

Vous avez fait des lectures assez différentes de la motion qui vous est soumise. En ce qui le concerne, le Conseil d'Etat souhaite vous expliquer ce qu'il fait, vous dire comment il procède, et non pas - comme il nous est demandé - définir une politique. Cette politique est définie, Monsieur Kunz, soyez rassuré ! En revanche, nous pouvons fort bien vous la présenter et la discuter avec vous. De la même manière, lorsque vous demandez d'intervenir auprès des autorités fédérales pour accélérer les procédures, soyez assurés que nous l'avons déjà fait - nous pourrions simplement vous en préciser les circonstances et les résultats, d'une ampleur variable.

En ce qui concerne les problématiques de logement, je suis parfaitement prêt à venir vous dire ce que j'ai fait et ce que je n'ai pas fait, ce qui a réussi et ce qui a moins bien réussi. Parmi les questions pertinentes posées par votre motion - et M. le député Schmied y a fait allusion - se trouve celle de la taille des structures d'accueil. Cependant, comme vous demandez à la fois de petites structures et moins d'argent, cela devient difficile. Si l'on fait de grandes structures, ce n'est pas pour le plaisir - nous sommes bien conscients que ce n'est pas la meilleure méthode - mais si on les fait plus petites, elles sont plus chères. De ce genre de questions, nous débattrons très volontiers avec vous.

Je ne suis pas convaincu du tout que la commission appropriée soit celle du logement, parce que, dans tout le débat que j'ai entendu, il a été très largement question du sort de la politique d'asile en général, dont la question de l'accueil n'est qu'une petite partie. Il me semble que, dès lors que vous vous êtes tous réclamés d'un respect des principes du droit d'asile, la seule commission compétente est celle des droits de l'Homme ! J'y viendrai volontiers vous exposer la partie logement, on vous exposera chacun des aspects, mais c'est de toute évidence la seule commission qui soit compétente en la matière.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je peux vous indiquer ! Nous vous en dirons volontiers plus en commission des droits de l'Homme.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je précise que le Conseil d'Etat est habilité à faire toute proposition dans le cadre du débat. Nous sommes donc saisis de deux demandes différentes de renvoi en commission: la première, formulée par les auteurs du projet de loi, propose un renvoi en commission du logement, et la seconde, qui vient d'être formulée par M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot, propose le renvoi en commission des droits de l'Homme.

Nous votons tout d'abord sur la demande de renvoi en commission du logement. Nous procédons par vote électronique.

Mise aux voix, la proposition de motion 1560 est renvoyée à la commission du logement par 46 oui contre 40 non et 1 abstention.