République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9136
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30)

Préconsultation

Mme Michèle Künzler (Ve). Mon intervention portera sur les points 31 et 32 de l'ordre du jour. Il faut savoir que ces points nous reviennent de la Commission fédérale de l'aménagement. En effet, nous avions voté des dispositions non conformes concernant des projets de lois déposés lors de la précédente législature, projets de lois votés à l'unanimité, revenus, scindés... Enfin, on a déjà fait l'aller-retour à trois ou quatre reprises... Je précise que la devise de la commission de l'aménagement reste inchangée: «A faire et à défaire, on ne reste pas sans rien faire» ! (Rires.)

Le président. Attendez, pouvez-vous répéter ?! (Rires. Remarques.)Merci, Madame la députée. Je donne la parole à M. Gabriel Barrillier.

M. Gabriel Barrillier (R). Alors, «on tricote, on détricote»... on aurait pu traduire votre adage ainsi, Madame Künzler !

Mme Michèle Künzler. Mais ce n'est pas moi qui tricote !

M. Gabriel Barrillier. Je souhaite dire la chose suivante: ce projet de loi concerne la problématique des cultures hors sol, dont celles développées dans des serres. J'ignore ce que font les députés-paysans...

Une voix. Ils s'occupent des stations-service !

M. Gabriel Barrillier. Ils s'occupent des stations-service...

Une voix. N'aggrave pas ton cas !

M. Gabriel Barrillier. L'application de la dernière révision de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire concernant l'avenir des zones agricoles est complexe. Elle est complexe ! Je peux admettre que le droit fédéral concernant le précédent projet de loi était relativement simple et que la majorité s'est, en commission, quelque peu laissé entraîner. Le présent projet de loi concerne, en revanche, une matière nettement plus sensible, puisqu'il s'agit de la question des zones agricoles spéciales. On a voulu appliquer à ces zones agricoles spéciales la procédure de PLQ, mais les agriculteurs et les maraîchers n'en ont pas voulu. Dans ce cas précis, j'estime que la majorité n'a pas forcé outre mesure. Il s'agit là d'une matière compliquée qu'il conviendra d'examiner de façon extrêmement détaillée afin de déterminer si l'avis de droit de la Berne fédérale est véritablement applicable à Genève. Je vous rappelle que notre canton compte parmi les cantons qui abritent le plus grand nombre de maraîchers de culture hors sol. C'est donc l'avenir de tout ce secteur de l'agriculture et du maraîchage qui est en jeu ! Il est facile, Madame Künzler, de nous faire remarquer que l'on se trompe ! C'est en profondeur qu'il nous faudra étudier cette question !

M. Rémy Pagani (AdG). J'admire M. Barrillier: lorsque la situation est simple, il déclare qu'elle est compliquée et, lorsqu'elle est compliquée, il déclare qu'elle est simple !

Dans le cas présent, la situation est extrêmement simple, Monsieur Barrillier: le Conseil d'Etat avait, jusqu'à présent, adopté une position relativement claire au sujet des zones agricoles spéciales. Cette position consistait à affecter, ainsi que le prévoit la loi fédérale, une zone spéciale pour les serres. Malheureusement - et c'est là que, comme toujours, la situation se complique - un certain nombre d'agriculteurs ont réagi de la sorte: «Ah, mais non ! On a des serres à côté de chez nous et on souhaite que la situation demeure ainsi ! On doit donc se battre contre la zone définie pour pouvoir préserver nos petits privilèges !» Enfin, il s'agit là d'un résumé... Ces agriculteurs ont «pioché» avec certains de leurs amis avocats ou juristes très compétents pour faire en sorte que la loi que nous avions votée soit quelque peu bancale.

Nous le regrettons car, de fait, il n'était pas question de cela au départ: il était au départ question de définir une zone - comme on définit, dans notre canton, des zones telles que la zone industrielle - afin de permettre aux agriculteurs de profiter d'une synergie. On a, par exemple, auditionné l'Association des maraîchers; ces derniers ont traversé toutes les crises auxquelles ils ont été confrontés en se regroupant dans une association et en conjuguant leurs forces. Il ne s'agissait pas d'imposer, mais de donner la directive suivante: «Pour tenter de survivre, regroupez-vous et faites en sorte que cette zone devienne fonctionnelle et puisse dégager des richesses !» Et parce que certains veulent maintenir leurs privilèges en préservant - prétendument - la possibilité d'installer une serre à côté de chez eux, ils remettent en cause l'ensemble du projet. Je le regrette et je trouve cette attitude peu digne - et cela d'autant moins qu'il avait été proposé à ces quelques paysans un régime transitoire en préservant leur droit actuel à l'implantation de serres.

On aura l'occasion, en commission, de «ferrailler», si j'ose dire, sur cette affaire. Pour notre part, nous entendons maintenir cette option du gouvernement.

M. Jean-Claude Egger (PDC). Monsieur Pagani, il est inadmissible que vous déclariez que les agriculteurs jouissent de privilèges ! Ces gens-là ont bossé pour installer des serres autour de leur propriété, et vous leur demandez maintenant de déplacer leur domaine agricole et de l'installer dans une zone spécifique ?! Vous demandez tout simplement à ces gens d'arrêter d'installer des serres et d'y produire des légumes ! Alors, s'il vous plaît, ne dites pas qu'il s'agit de privilèges ! Il en va de l'avenir de certains producteurs. Ce projet de loi, qui nous cantonnera dans certains coins du canton est, à mes yeux, inadmissible !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je partage le souci de M. Barrillier que l'on traite les agriculteurs qui exploitent des serres de la manière la plus équitable possible et qu'on leur permette notamment de poursuivre leur exploitation. Le problème n'est pas là: il réside dans le fait qu'une disposition votée par votre Grand Conseil n'est pas conforme au droit supérieur. Et cela ne rendra service à personne, bien au contraire, de laisser une telle disposition dans la législation. Au niveau des principes, il n'est pas admissible, connaissant cette situation, qu'on laisse subsister cette disposition; au niveau pratique, il serait dommageable qu'une personne qui lirait cette disposition se croie fondée à y trouver des droits qu'elle n'as pas. Il nous faut par conséquent abroger cette disposition. En revanche, que l'on trouve - et, si possible, sans «ferrailler» - un système conforme au droit fédéral qui satisfasse les maraîchers, c'est évidemment le but visé par les travaux en commission !

Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.