République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1564
Proposition de motion de Mme et MM. Pierre Vanek, Jocelyne Haller, Rémy Pagani concernant la pénurie annoncée de places de stage dans la HES travail social

Débat

Mme Jocelyne Haller (AdG). Nous connaissons déjà, pour la majeure partie, l'effet que les réductions des subventions fédérales et cantonales vont exercer sur les institutions locales et sur leur fonctionnement.

En revanche, il est un aspect mal connu: celui que propose de mettre en exergue la motion 1564. Il s'agit de l'entrave que constituent ces restrictions budgétaires à l'ouverture de places de stage pour la HES travail social... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Ne vous laissez pas distraire, Madame la députée ! Il est vrai que l'ambiance est un peu électrique...

Mme Jocelyne Haller. J'ai beau parler fort, je n'arrive pas à couvrir le bruit que font les députés... S'ils pouvaient s'arrêter, ce serait parfait ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, laissez parler Mme Haller !

Nous allons attendre que les personnes qui souhaitent sortir de la salle le fassent... Ainsi, vous pourrez vous exprimer dans la quiétude la plus absolue, Madame la députée. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Mme Jocelyne Haller. Je crois que je vais reprendre... Si vous voulez bien m'écouter...

Faut-il rappeler ici à quel point il est indispensable de disposer de professionnels formés et compétents pour répondre aux besoins de populations en difficulté ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Est-il vraiment nécessaire de redire ici que, sans lieux de formation sur le terrain, sans places de stage en suffisance, la formation des travailleurs sociaux se trouvera amputée d'un de ses piliers, à savoir l'expérimentation pratique ?

Comme il est indiqué dans les considérants de cette proposition de motion, de nombreuses institutions ont d'ores et déjà annoncé devoir renoncer à recevoir des stagiaires. Il y a fort à craindre, en raison des contraintes induites par la situation budgétaire de notre canton, notamment des réductions du subventionnement OFAS, que ces désistements fassent tâche d'huile et que d'autres institutions ne renoncent à recevoir des stagiaires. Il faut savoir, de surcroît, qu'il était auparavant déjà particulièrement difficile d'assurer une place de stage pour tous les étudiants en formation...

Que faire, face à cette situation ? Tout d'abord, identifier le phénomène dans toute son ampleur afin d'y remédier adéquatement. C'est pourquoi nous, motionnaires, demandons à ce que cette question soit étudiée et, surtout, que des solutions transitoires soient mises en place en urgence, afin d'assurer le financement nécessaire au maintien de places de stage suffisantes.

Enfin, nous demandons que les options prises en faveur d'un enseignement de qualité par le truchement d'une HES-S2 se traduisent dans les faits par la garantie de financements y relatifs.

Dans cette attente, je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer la motion 1564 à la commission de l'enseignement supérieur. Et je ne vous remercie qu'à moitié de votre attention ! (Applaudissements.)

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. François Thion (S). Je dois dire que je n'ai pas tout à fait bien entendu tout ce que vous avez dit, Madame la députée, parce qu'il y avait un tel brouhaha dans la salle que c'était un peu difficile... Mais je crois que nous sommes d'accord...

Cette motion concerne l'Institut d'études sociales et les étudiants qui sont entrés dans une structure HES depuis la rentrée 2002 et qui vont sortir en juin 2005 avec un diplôme, d'éducateur ou d'assistant social ou d'animateur socioculturel.

Ces étudiants suivent donc à la fois des cours à l'Institut d'études sociales et des stages à l'extérieur, dans des fondations ou des institutions. Mais il se trouve qu'ils rencontrent un certain nombre de difficultés à l'heure actuelle, en raison des restrictions budgétaires, qu'elles soient fédérales ou cantonales, ce qui entraîne non seulement des coupes dans le domaine social mais aussi dans la formation des personnes qui vont y travailler... Un certain nombre d'institutions ne disposent pas des fonds sur lesquels elles comptaient au départ, et nous allons peut-être devoir renoncer à un certain nombre de places de stage.

Dans la société dans laquelle nous vivons - société de consommation, société de concurrence pour tous les salariés, société où le chômage, notamment à Genève, ne fait que croître - il y a des gagnants, mais il y a aussi des perdants... Et, à mon avis, nous aurons malheureusement de plus en plus besoin d'assistants sociaux, entre autres.

Cette motion est importante. Il faut d'abord que le Conseil d'Etat puisse faire la lumière sur cette situation. La pénurie est-elle réelle ou pas ? Je pense que oui. Il faut prendre des mesures transitoires assez rapidement pour que tous les étudiants de l'IES puissent trouver des places de stage. Et je pose la question de fond suivante au Conseil d'Etat: avons-nous les moyens d'assumer à long terme une formation HES avec des stages de qualité en alternance aux cours qui sont donnés dans les écoles ?

Le parti socialiste souhaite que cette motion soit renvoyée en commission de l'enseignement supérieur.

M. Claude Aubert (L). Je souhaite poser une question par rapport au manque de places de stage. Est-ce un problème interne aux services publics ou concerne-t-il aussi le secteur privé ? Si c'est un problème interne aux services publics, il serait en effet intéressant d'en connaître les causes.

La présidente. Madame Haller, vous avez la parole.

M. Gabriel Barrillier. Encore !

Mme Jocelyne Haller (AdG). Décidément, Monsieur Barrillier, vous êtes bien dissipé ce soir !

Je vais répondre brièvement à la question de M. Aubert, mais je pense qu'elle sera reprise plus en détail lors des travaux de la commission. Le manque de places de stage concerne effectivement le secteur public, mais aussi le secteur subventionné, et les institutions privées ont également de la peine à recevoir des stagiaires.

La présidente. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur... (La présidente est interpellée par M. Muller qui conteste cette décision.)Si, bien sûr, Monsieur Muller ! (Exclamations. M. Muller interpelle la présidente.)

Soit ! Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement supérieur. Le vote électronique est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement supérieur est rejeté par 26 non contre 24 oui.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant voter sur la motion... Oui, excusez-moi, Monsieur Pagani, je suis suis si occupée par... Je vous donne la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Je dois dire que je ne comprends pas... Il me semblait que l'objectif de cette motion était d'essayer de faire le tour de la question, d'auditionner un certain nombre des milieux privés et publics concernés et de les sensibiliser aux problèmex que pose le manque de places de stage pour les assistants sociaux et les éducateurs, dont nos institutions ont tant besoin.

J'aimerais que les personnes qui ont refusé de renvoyer ce projet de motion en commission nous disent quels sont leurs objectifs ! Soit elles veulent la renvoyer directement au Conseil d'Etat - ce à quoi nous ne sommes pas opposés - mais, pour ma part, je trouverais cela peu pertinent, car celui-ci ne pourra que prendre acte... Le Conseil d'Etat améliorera les choses à son niveau, mais il ne fera ni mieux ni moins bien que nous... Soit elles veulent la refuser - ce qui serait franchement ridicule, dans la mesure où la demande est réelle. Le besoin de places de stage est manifeste pour les éducateurs et pour les assistants sociaux - c'est un domaine que je connais très bien - et ces stages font partie intrinsèque de la formation. En somme, vous nous proposez simplement de mettre cette motion à la poubelle, sous prétexte que ces places de stage ne seraient pas nécessaires... Il faudrait que les personnes qui viennent de refuser de renvoyer ce projet de motion en commission nous expliquent ce qu'il en est, parce que je ne comprends pas vraiment leur position. Merci, Madame la présidente.

Le président. Avec mes excuses encore, Monsieur le député... Il s'agit de mon baptême du feu ! Je donne la parole à M. Jean Spielmann.

M. Jean Spielmann (AdG). Il semble que le plus sage serait de renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat, puisque le renvoi en commission a été refusé. Celui-ci nous présentera un rapport après avoir fait le tour du problème, de manière que nous puissions ensuite prendre une décision en toute connaissance de cause.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. «Souela Mouena».

M. Souhail Mouhanna (AdG). Merci, Madame la présidente. Heureusement, je me reconnais quand vous prononcez mon nom.

Je m'étonne juste de ce que les députés de droite s'opposent à cette motion qui ne demande rien d'autre que ce qu'ils prônent depuis toujours, à savoir qu'il faut absolument que les personnes qui suivent une formation professionnelle puissent accomplir des stages. Je suppose que c'est uniquement une réaction négative par rapport aux noms des signataires de cette motion...

Quoi qu'il en soit, je finirai par ne plus m'étonner du tout de la position des députés de droite... Au vu de ce qui est en train de se passer au niveau des HES, ce ne sont pas seulement les places de stage qui vont manquer, il n'y aura bientôt même plus de formation dans un certain nombre de secteurs ! Et c'est peut-être ce que souhaite la droite... Nous, nous voulons défendre la formation professionnelle ! (L'orateur est interpellé.)Prouvez-le !

Mme Jocelyne Haller (AdG). Je ne comprends vraiment pas ce qui a pu amener un certain nombre d'entre vous à refuser le renvoi en commission de cette proposition de motion...

Combien de fois certains d'entre vous n'ont-ils pas dit qu'ils s'étonnaient de la pénurie de travailleurs sociaux, d'infirmières et de tous ces métiers qui, aujourd'hui, peinent à recruter ?

Or, il est simplement question dans cette motion de permettre aux personnes qui le souhaitent de se former correctement ! En refusant cette motion, en refusant de prendre acte du fait qu'aujourd'hui il manque objectivement un certain nombre de places de stage, vous amputez la formation de tous ces métiers d'une partie de l'apprentissage !

Alors, il faut savoir ce que vous voulez: soit vous voulez des professionnels formés et compétents, soit vous ne leur donnez pas les moyens de se former, et vous allez au bout de votre raisonnement ! Mais prenez garde ! Avec ce type d'attitude - je le répète, je ne vois vraiment ce qui vous amène à refuser de vous pencher sur cette proposition de motion - vous allez véritablement à contresens ! Je vous prie donc de réfléchir et de bien mesurer la portée de vos actes !

A tout hasard, je propose à nouveau de renvoyer cette proposition de motion en commission, en espérant que vous aurez changé d'avis entre-temps.

M. François Thion (S). Je suis étonné que la droite ne veuille pas entrer en matière sur cette motion... Il faut peut-être reprendre les invites au Conseil d'Etat... Si vous regardez bien, elles ne vont pas très loin.

La première invite demande simplement: «à vérifier si cette pénurie de places de stage est effective et à en analyser l'ampleur le cas échéant;».

La deuxième demande: «à analyser les causes de cette pénurie, notamment à évaluer l'impact des baisses budgétaires sur cette problématique;». Mais peut-être est-ce cela qui vous gêne, parce que vous êtes toujours en train de faire des coupes dans les budgets !

La troisième stipule: «à mettre en place transitoirement des solutions rapides pour éviter de péjorer la formation des futurs travailleurs sociaux, notamment en débloquant des subventions extraordinaires à destination des places de stage, là où les fonds manquent;». Cela, s'il y a vraiment pénurie, il faut d'abord le vérifier !

La quatrième invite stipule: «à faire en sorte que l'engagement du canton en faveur d'une HES-S2 se concrétise dans les faits par des moyens mis à disposition, en cohérence avec l'intention énoncée;». Je fais partie de la commission de l'enseignement supérieur et je crois que nous avons toujours trouvé un consensus sur les HES, lesquelles supposent, évidemment, de faire des stages !

Et voici la dernière invite: «à rendre un rapport rapidement au Grand Conseil sur cette question.»

Tout cela ne me semble pas compliqué... En ce qui me concerne, si on m'avait demandé de signer cette motion, je l'aurais fait très volontiers !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Claude Aubert (L). Il s'agit donc, dans le cadre des HES, d'avoir un potentiel de places de stage pour que les personnes en formation puissent le faire dans la pratique. La seule question qui se pose est de savoir si ce problème concerne la commission de l'enseignement supérieur ou s'il concerne clairement l'Etat en tant que pourvoyeur de ces places de stage - probablement un très grand nombre.

C'est pourquoi le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement supérieur ne nous paraissait pas du tout adéquat ! Cela ne veut absolument pas dire que le problème des places de stage ne se pose pas, mais nous pensons simplement que c'est un problème interne à l'Etat.

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne comprends pas ce revirement...

En fait, la seule question posée par cette motion est de savoir si l'Etat doit se substituer à un moment ou à un autre aux carences de certains organismes, qu'ils soient privés ou publics... Pour notre part, nous trouvons essentiel d'en discuter en commission - à moins que le Conseil d'Etat n'ait la science infuse... - pour faire une analyse concrète de la situation, de manière à décider en toute connaissance de cause si nous invitons effectivement le Conseil d'Etat à s'engager davantage. Car, actuellement, ces stages sont pris en charge par des organismes publics et par le secteur privé. C'est le fond du problème, et c'est sur ce point que nous devons trancher.

Alors, que cette motion soit renvoyée à la commission sociale ou à la commission de l'enseignement supérieur... Ce n'est en définitive pas très important. Ce qui est important, c'est que la commission qui la traitera donne un signe. A moins que vous ne disiez aujourd'hui, maintenant sur le siège, que vous êtes d'accord que l'Etat s'engage davantage - ce qui ne pourrait que nous satisfaire... Ou à moins que vous ne vouliez simplement refuser cette motion, ce qui ne semble pas être le cas d'après l'intervention de M. Aubert.

Je reviens sur le fond... Si vous refusez fondamentalement cette motion - je le répète, ce n'est visiblement pas l'option que vous avez choisie - cela voudrait dire que le manque de places de stage ne vous intéresse pas, pas plus que le système de formation. En ce qui me concerne, je le trouve très pertinent, parce que les stages en emploi ont précisément une grande importance dans la formation des assistants sociaux et des éducateurs. Si cette motion est refusée, c'est l'Etat qui devra prendre en charge et assurer la formation concrète de ces personnes, soit en termes de stages soit en termes scolaire. Et, si tel est le cas, cela «coûtera bonbon" à l'Etat, si j'ose m'exprimer ainsi !

A mon avis, il serait plus judicieux de renvoyer cette motion soit à la commission sociale soit à la commission de l'enseignement supérieur - il ne faut en tout cas pas la renvoyer au Conseil d'Etat - pour discuter de la question de fond que pose cette motion et trancher.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Nous sommes typiquement en présence d'un vote imprévisible du Grand Conseil, décidé tout à coup, sur la base d'aucun argument particulier: une petite envie du moment. Si on peut la comprendre, ses conséquences peuvent être dommageables pour la République, car cette motion est essentielle !

En effet, il s'agit aujourd'hui de développer et de mettre en place les Hautes écoles spécialisées et d'intégrer la HES-S2, c'est-à-dire celle relative au domaine social et à la santé, à la HES-SO, Hautes écoles spécialisées de Suisse occidentale. Et pour y arriver, il est indispensable de pouvoir offrir des places de stage. Nous en avons besoin pour réussir le passage aux Hautes écoles spécialisées.

Cette motion au caractère tout à fait raisonnable prévoit dans une disposition un élément qui peut être contraignant pour l'Etat: palier les carences qui proviendraient des pourvoyeurs de stages - c'est-à-dire les pourvoyeurs d'emplois de demain.

Si vous ne revenez pas sur votre position quant au renvoi en commission de cette motion, vous avez le choix aujourd'hui soit de nous inviter à prendre en charge, quoi qu'il arrive, le coût de ces stages, soit, tout simplement, de donner le message selon lequel les places de stage ne vous intéressent pas et ne nous concernent pas. J'estime que c'est un facteur suffisamment important pour que vous le preniez au sérieux et pour reconsidérer votre décision, de manière à l'examiner en commission, afin que le Conseil d'Etat puisse rendre sagement ses conclusions sur un travail élaboré, fourni et réfléchi.

Le président. Nous avons été saisis d'une deuxième demande de renvoi en commission. Je vous soumets tout d'abord la proposition de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement supérieur - et non à la sociale - au moyen du vote électronique. Si cette demande est acceptée nous en resterons là; si elle est refusée nous nous prononcerons sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement supérieur recueille 37 oui, 37 non et 4 abstentions.

Le président. Puisqu'il y a égalité des voix, je dois trancher. J'ai appuyé sur le bouton, mais il ne se passe rien... (Le président est interpellé.)A votre avis ? Les paris sont ouverts ! (Rires et exclamations.)Oui ! Je suis pour le renvoi en commission... Allez hop ! (Applaudissements.)

Cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement supérieur.

Le président. Je vois que le système informatique fonctionne à nouveau... Nous passons maintenant au point 28 de notre ordre du jour.