République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1371-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour la sécurité et le bien-être des habitants, des passants et des commerçants de la rue de la Coulouvrenière, de la place des Volontaires et du quai des Forces-Motrices
Rapport de M. Jacques Follonier (R)
P 1379-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant la sécurité aux alentours de la place Cornavin
Rapport de M. Jacques Follonier (R)
P 1381-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant le trafic de stupéfiants aux alentours de la zone piétonne du Mont-Blanc
Rapport de M. Jacques Follonier (R)

Débat

M. Jacques Follonier (R), rapporteur. Tout d'abord, il est clair que la drogue est un problème important, par sa complexité et par l'insécurité qu'elle engendre, et il est évident que malheureusement notre canton n'y échappe pas. Nous avons réalisé un travail vraiment important en commission, parce que nous avons pu déterminer une filière différente de celle que nous avions pensé trouver, concernant le travail réel des dealers. Jusqu'à maintenant, nous pensions que les dealers étaient des personnes qui consommaient et, en même temps, revendaient de la drogue. Or, dans le cadre de nos auditions, nous nous sommes aperçus qu'une grande partie des dealers avaient complètement changé de «métier», si j'ose m'exprimer ainsi, et qu'ils étaient devenus des financiers, c'est-à-dire des non-consommateurs. Dès lors, nous avons mis au point ce qu'on appelle une nouvelle nomenclature, qui est celle des «dealers dealers». Et si on peut avoir beaucoup de sympathie, voire de compréhension, pour les personnes qui ont un problème de drogue et qui en consomment, il ne peut malheureusement pas en être de même pour les gens qui vivent de ça et qui en font du business.

Concernant ces problèmes d'insécurité, notre commission a montré une volonté réelle de trouver des solutions. Ces solutions ont été rapidement trouvées, puisque le département a déjà pris certaines mesures dans le cadre d'actions judiciaires et policières et dans le cadre des assignations territoriales. Cependant, j'aimerais souligner que, dans le cas des assignations territoriales, nous nous sommes aperçus que, s'il y avait une amélioration, elle était malheureusement passagère et qu'il s'agissait bien souvent d'une amélioration de transfert, c'est-à-dire que les lieux de revente changeaient et que les assignations n'avaient dès lors plus beaucoup de réalité.

En l'occurrrence, je crois qu'il est important que le département de justice et police puisse sereinement, clairement et nettement déterminer quelles sont les possibilités à sa disposition, pour qu'on puisse rapidement endiguer cette pandémie de la drogue, pour que notre canton ne devienne pas un lieu vraiment privilégié de revente de drogue.

Mme Esther Alder (Ve). Entre le dépôt de ces différentes pétitions et le présent rapport, la situation a passablement évolué. En effet, entre-temps, le département de justice et police a été repris par Mme Spoerri, pour qui les problèmes liés au trafic de drogue ont d'emblée été une priorité. Ainsi, grâce à une politique concertée avec les différents partenaires et grâce à la mise sur pied d'un dispositif conséquent sur le terrain, l'on peut dire que, concernant la place des Volontaires, la population revit et la situation n'a plus rien à voir avec ce qui se passait il y a encore quelques mois. Mais si, aujourd'hui, le vide a en quelque sorte été fait, il est primordial d'agir au niveau des aménagements et de l'animation du quartier. Les idées ne manquent pas et les habitants appellent de leurs voeux des places de jeux, des marchés permanents, et attendent que l'espace public soit véritablement revitalisé.

Dans le quartier de Cornavin, la situation est plus complexe. Il s'agit là de poursuivre les efforts sur des axes pluriels: la répression, certes, mais surtout la prévention et l'aide à la survie, avec des intervenants de proximité, à l'instar de ce qui s'est fait par exemple à Zurich et qui va être repris par Lausanne, à savoir des équipes qui ont pour tâche d'officier comme médiateurs sur la scène de la drogue, afin de désamorcer les violences et de tenter de remettre les toxicomanes en relation avec les structures de prise en charge existantes. Par ailleurs, j'en profite pour rappeler que les Verts ont soutenu la création de locaux d'injection et que si, aujourd'hui, ce dispositif existe, nous sommes convaincus que les horaires d'ouverture devraient être plus larges et ne pas se résumer aux après-midi.

Aborder la question des stupéfiants n'est pas simple et demande une réflexion constante avec tous les partenaires. Malheureusement, le trafic est très flexible et, découragé ici, il renaît aussitôt ailleurs, car la demande existe. La consommation de produits stupéfiants est un drame qui touche de plus en plus de personnes, toutes couches sociales confondues. On constate par ailleurs une explosion dramatique dans la consommation d'ecstasy et de cocaïne.

Pour conclure, je rappellerai que la politique de la Confédération en matière de drogue repose sur quatre piliers, soit la prévention, la thérapie et la réinsertion, la réduction des risques et l'aide à la survie et, enfin, la répression et le contrôle. Cette politique est partagée par les Verts, car nous sommes convaincus que c'est la meilleure manière de faire face à cette problématique complexe. Enfin, nous sommes pour le renvoi de ces différentes pétitions au Conseil d'Etat.

M. Gabriel Barrillier (R). Je ne partage pas l'optimisme de ma préopinante. Je reconnais que la commission avait une tâche difficile, celle d'examiner ces trois pétitions qui proviennent de citoyennes, de citoyens, de commerçants, d'habitants, qui pâtissent quotidiennement de la situation que nous connaissons à Genève. Dix auditions ont été conduites, extrêmement intéressantes les unes et les autres. Je pense que la commission a fait un travail d'inventaire extrêmement intéressant, un diagnostic qui, bien évidemment, confirme ce que nous connaissons et ce que nous voyons tous les jours, je veux parler de la scène ouverte de la drogue. Car il faut parler de «scène ouverte»! Je ne vais pas refaire le débat, je ne veux pas dramatiser la situation, mais, je le répète, je ne peux pas partager l'optimisme de ma préopinante. On lit les lettres de lecteurs, la presse se fait l'écho de l'inquiétude de la population, d'une majorité de nos concitoyens, des habitants de Genève, concernant la dégradation de cette situation. Alors, une fois de plus, jusqu'ici on n'a pas fait tout faux, mais on n'a pas fait tout juste. Prévention, répression. Je pense qu'il y a là un équilibre délicat à maintenir.

Ce que je regrette profondément, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que cette commission, qui a fait un excellent travail de diagnostic, conclut sur un compromis mou. En quoi est-ce un compromis mou ? Aucune injonction, aucune mesure proposée, aucune ligne politique claire à l'intention du gouvernement et de la population, de nos concitoyennes et concitoyens. Aucune mesure n'est proposée ! Les pétitionnaires attendent du législatif, de leurs représentants au plus haut niveau, qu'ils prennent des mesures pour changer cette situation inadmissible. Puisqu'on en est à la Coupe du monde de football, je dirais que la commission «a botté en touche» cette question, et moi, je souhaiterais que l'on reprenne la partie et que l'on joue les prolongations.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais que la belle unanimité de la commission soit utilisée pour donner un signal clair au gouvernement, pour lui signifier qu'il va dans le bon sens, Madame la présidente, mais qu'il doit accélérer le mouvement. Et cela servirait aussi à montrer à la population qu'on ne se désintéresse pas de cette question. Pour cette raison, j'aimerais que l'on renvoie ce rapport en commission, en l'invitant à finir le travail.

M. Alain Etienne (S). Je suis opposé au renvoi en commission. Je ne sais pas si je peux poursuivre sur ce que j'avais l'intention de dire...

Le président. Vous pouvez continuer sur le fond, si vous le voulez, mais il n'y aura qu'une seule intervention par groupe. Vous conclurez sur le refus du renvoi en commission.

M. Alain Etienne. Le parti socialiste soutient les conclusions du rapport. Nous pensons, en effet, qu'il faut aborder ce sujet avec précautions. Or, je vois que M. Barrillier a mis le feu aux poudres. Cette problématique repose sur trois piliers, Mme Alder l'a dit: la prévention, les soins et la répression. Aborder ce sujet uniquement sous l'angle de la répression ne peut que renforcer le sentiment d'insécurité. Il s'agit de faire travailler ensemble la police, la justice, les organismes de prévention, les éducateurs de rue, les associations de quartier et d'habitants. Nous avons déjà pu avoir quelques éléments de réponse, suite aux interpellations faites dans ce parlement, et Mme Spoerri s'est déjà exprimée à ce sujet. Des mesures ont déjà été énoncées, Monsieur Barrillier, et sont mise en oeuvre, comme l'assignation territoriale ou locale. A ce stade, je me demande à quoi servirait le renvoi en commission ! On peut du reste se demander comment cela se passait auparavant, car ces moyens existaient déjà avant l'arrivée de Mme Spoerri.

Ce que nous avons pu constater tout d'abord lors des travaux de la commission, c'est toujours cette opposition entre la justice, la police et la politique menée au niveau de la Confédération. Chacun se rejette la balle. La police nous dit qu'elle manque d'effectifs, la justice nous dit qu'il y a un manque de place en prison et qu'elle a des difficultés à appliquer les mesures de contrainte. Je dirais à cet égard que la proposition des libéraux de baisser toujours plus les impôts va à contre-sens de ces besoins qui sont signalés.

Il faut également prendre garde au déplacement de la scène de la drogue et là, Monsieur Barrillier, il est faux de parler de «scène ouverte» de la drogue. Il n'est pas question pour nous de favoriser certains quartiers par rapport à d'autres, ou de répondre aux préoccupations de certaines catégories socio-professionnelles dans certains quartiers seulement. Il faut prendre garde également à ne pas focaliser notre attention sur telle ou telle catégorie de la population, sur des origines particulières ou sur les requérants d'asile. Montrer du doigt telle nationalité particulière - cela a été évoqué en commission - jette le discrédit sur l'ensemble de la communauté qui s'intègre dans notre canton et qui en fait toute la richesse et la diversité. Concernant les requérants d'asile, il a été question de leur donner la possibilité de travailler et nous attendons, là aussi, une réponse à ce sujet de la part du Conseil d'Etat, même si cela est de la compétence fédérale.

Dans le problème du trafic, on reconnaît qu'il y a des vendeurs, mais il y a aussi des acheteurs. Je ne suis pas sûr que le consommateur soit toujours celui que l'on imagine. Je relève qu'il nous a été dit qu'une grande partie du deal se faisait en voiture. Qui sont ces gens? D'où viennent-ils? Concernant la place des Volontaires, il a été question, en Ville de Genève, de fermer la rue à la circulation. C'est là aussi une mesure que Mme Alder a évoquée tout à l'heure. Mais, au vu des réactions souvent négatives des milieux pro-voitures soutenus par les partis de l'Entente, cette mesure sera certainement difficile à mettre en place.

La question de la légalisation de certaines drogues a également été posée lors des auditions. Je ne veux pas ouvrir ici le débat, peut-être que la réponse du Conseil d'Etat fera le point sur la question, même via les discussions actuelles au niveau fédéral.

Concernant la sécurité, les socialistes tiennent à rappeler que ce sont souvent les politiques néolibérales qui constituent les causes premières de l'insécurité publique... (Brouhaha.)

Le président. Continuez à provoquer et on va pouvoir lever la séance bientôt !

M. Alain Etienne. La sécurité publique doit être garantie, mais la répression à elle seule ne suffit pas. L'urbanisme est aussi important: il faut rechercher la mixité dans les quartiers et permettre des animations, qui renforcent le tissu social. Les quartiers changent et le quartier de la place des Volontaires en est un bon exemple par l'attention particulière qu'on lui accorde en ce moment.

Le parti socialiste est donc favorable au renvoi au Conseil d'Etat et non pas à un renvoi en commission. Nous attendons avec impatience la réponse du Conseil d'Etat afin, d'une part, de rassurer la population et, d'autre part, de contrecarrer les amalgames et les caricatures trop faciles.

M. Claude Aubert (L). Lorsqu'on s'occupe de problèmes de toxicomanie et qu'on s'en occupe correctement, il y a en tout cas deux concepts qu'on doit retenir. Le premier concept est celui de la cohérence; la prise en charge de patients ou de familles qui souffrent de toxicomanie exige une cohérence dans la pensée et une cohérence dans l'action. Par conséquent, il est extraordinairement difficile de travailler actuellement, alors que l'on dit tout et son contraire. On peut et on ne peut pas fumer du hasch, le hasch cause et ne cause pas de dégâts, on va le libéraliser et ne pas le libéraliser. Il faut se rendre compte qu'au niveau des praticiens, soit ceux qui travaillent sur le terrain, ce qui est décidé au niveau politique a des répercussions directes. La commission - M. Barrillier pourrait, dès lors, s'apaiser - a remarqué qu'il fallait introduire de la cohérence et que cette cohérence nécessite d'avoir une ou quelques idées, qu'il faut faire durer très longtemps.

Le deuxième concept est un concept japonais qui s'appelle l'izuzu et qui demande d'avoir de la constance dans l'action, sur des mois et des années, et de la cohérence. C'est pour cela qu'il faut éviter des volte-face incessants dans la conduite d'une politique. Dans ce sens, le fait que le département s'engage dans quelque chose de constant et de cohérent sur de nombreux mois est une bonne chose. C'est seulement après coup qu'on verra une certaine stabilisation.

Je vous rappelle que la question de la toxicomanie ne date pas de ces derniers mois, mais que cela fait quarante ou cinquante ans qu'on s'en occupe. Si quelqu'un savait exactement comment faire, on le saurait. En ce qui me concerne, je pense que le fait qu'il y ait une politique qui commence à devenir cohérente, le fait qu'au niveau national on se décide à dire que oui, on légalise, ou que non, on ne légalise pas, le fait qu'on ne soit pas sans cesse entre l'un et l'autre, c'est là quelque chose d'extrêmement important, qu'il faut continuer. Par conséquent, il ne faut pas renvoyer ce rapport en commission mais, au contraire, laisser le département travailler.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je tiens d'abord à féliciter Mme la conseillère d'Etat, qui a très rapidement pris des mesures pour tenter d'apporter une réponse à cette problématique du trafic de drogue, sur les différents lieux exposés dans cette pétition. Comme l'a dit M. Barrillier, cette pétition a eu le grand mérite d'exposer un problème connu de tous et, surtout, de dévoiler les failles dans la cuirasse. M. Bertossa, pourtant de l'Alliance de gauche, me semble-t-il, a clairement dit lors des auditions, je le cite, «qu'il mettait en cause le discours politique qui empêcherait selon lui de trouver de bonnes solutions. Il nous confirme que les peines privatives de liberté, lors de l'arrestation d'un dealer, ne peuvent pas être appliquées par manque de place dans les prisons. Enfin, l'établissement de l'identité des dealers est complexe, ce qui rend l'application de mesures de contraintes souvent impossible.» Concernant les auteurs de ces deals, le représentant de l'office cantonal de la population a été très clair: pour la place des Volontaires, il s'agit, je cite, «de ressortissants du Maghreb pour une part et pour l'autre de requérants d'asile provenant d'Afrique de l'Ouest. Malgré le fait que ces personnes sont notoirement connues, il est extrêmement difficile de les expulser, dans la mesure où même si, d'aventure, leur pays d'origine est connu, ces pays n'en veulent pas».

On se rend effectivement compte que, pendant plusieurs années, la loi n'a pas été appliquée ou n'a pas pu l'être. Depuis les assignations territoriales, la situation est certes en amélioration, mais je rappellerai à cette assemblée que pour faire appliquer les assignations territoriales, il faut des moyens. Donc, pour rejoindre le principe de cohérence évoqué tout à l'heure, il faudra également que, dans ce domaine, ce parlement vote les crédits nécessaires pour faire appliquer les mesures que décidera de prendre le Conseil d'Etat.

J'ai été surpris tout à l'heure d'entendre qu'on apprenait, dans le cadre du traitement de ces pétitions, que le deal avait changé de forme. Je reviens donc à la proposition du groupe UDC, celle de créer une commission de sécurité, qui aurait permis de traiter bien plus tôt ce problème de la place des Volontaires, avant que la population ne doive agir par voie de pétition pour montrer ce qui ne fonctionne pas dans cette République.

Mme Anita Cuénod (AdG). Ce serait bien la première fois, Mesdames et Messieurs les députés, qu'on renverrait un rapport de la commission des pétitions à la commission des pétitions. Il faut savoir, pour ceux qui n'auraient pas eu le temps de lire ce rapport, que nous avons travaillé pendant quatre mois, que nous avons consacré énormément de temps et accordé une priorité à ces trois pétitions. Nous avons même auditionné Mme Cohen-Dumani, directrice de la sécurité publique à Lausanne, ainsi que le commandant de la police de Lausanne, pour avoir leurs témoignages et connaître leur façon de faire. Nous avons évidemment aussi auditionné en fin de travaux Mme la cheffe du département, Micheline Spoerri. Cette commission ne s'est cependant pas muée en commission d'experts donnant des recommandations sur le sujet et elle a, évidemment, voté à l'unanimité le renvoi de ces pétitions au Conseil d'Etat. Voilà ce que je voulais préciser.

M. Jacques Follonier (R), rapporteur. C'est un sujet qui prend aux tripes. On le voit ce soir et c'est exactement ce qui nous est arrivé en commission, lorsque nous avons commencé à traiter ces pétitions. C'est un sujet qui est difficile à aborder. Lorsqu'on apprend que les filières de la drogue sont connues, que ceux qui dirigent ce deal le sont aussi, lorsqu'on voit qu'un dealer est arrêté et effectivement relaxé, quelles qu'en soient les raisons, il est vrai que cela fait mal. Et, lorsqu'on est parent, on se pose des questions pour nos enfants; c'est normal. Cela, je pense, justifie le débat relativement chaud que nous avons ce soir.

Néanmoins, et pour calmer un peu les ardeurs, je crois que la commission a fait un travail exemplaire; nous avons effectivement, comme l'a souligné la présidente de la commission, auditionné un nombre suffisant de gens, qui nous ont permis de nous représenter très clairement ce qui se passait actuellement à Genève. Le message que nous avons transmis à travers ce rapport et que la commission a souhaité donner à Mme la cheffe du département de justice et police est à mon sens suffisamment clair; je crois qu'elle a maintenant largement compris, qu'elle sait parfaitement où elle doit aller. Je pense donc que c'est directement au Conseil d'Etat que nous devons envoyer ces pétitions.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le parti démocrate-chrétien est aussi extrêmement préoccupé et attentif au contenu de ces pétitions et il reconnaît que le travail fourni par la commission est tout à fait conséquent. Pour rester dans la notion de cohérence, qui est effectivement très importante, nous renverrons ce rapport au Conseil d'Etat. Il y a au moins une bonne raison de le faire: celle de dire que nous faisons confiance au Conseil d'Etat, que nous sommes extrêmement respectueux du courage politique de la cheffe du département de justice, police et sécurité, et que ce n'est qu'ainsi, par notre cohérence, que nous pouvons contribuer à soutenir cette politique, qui ne peut être que bénéfique pour la population.

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, qui vous passionnez à juste titre pour un débat beaucoup plus douloureux que ce qu'on peut penser. Plus on y entre, plus on s'en aperçoit et plus on a la conviction qu'il faut agir. Monsieur le député Barrillier, ne me donnez pas trop souvent l'occasion de vous dire qu'auparavant les mesures qui auraient pu être prises ne l'ont pas été. Ma patience a des limites et, si l'on veut être sérieux et conséquent, on doit admettre une première chose, dite par M. le rapporteur: nous sommes dans une première phase de travail. Mais je ne dirai pas, Monsieur le député Follonier, qu'il s'agit là d'une amélioration passagère. Ce n'est en tout cas pas ainsi que je l'entends. Il s'agit d'une première amélioration, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Certains d'entre vous ont souligné l'importance de la cohérence, du travail à long terme: j'ajouterai qu'il faudra que je n'aie jamais, à aucun moment, à reculer dans la politique qui a été entamée. Si tel devait être le cas, le travail entrepris aurait fait plus de mal que de bien.

C'est dire la détermination, Mesdames et Messieurs les députés, qui m'habite. Je vous le redis ce soir et je le redis à la population genevoise tout entière: c'est chaque jour qu'on me dit à la fois que c'est bien, qu'il faut faire mieux et qu'il faut continuer. Je suis, je crois, totalement et parfaitement consciente du problème. J'en profite aussi pour remercier la police, tous services confondus, et je corrigerai un peu le tir en disant que l'action coordonnée de la justice et de la police est beaucoup plus intense que vous ne pouvez le soupçonner. Mais il est vrai que, tant que ne se met pas en route un travail de réseau, on ne peut pas, du jour au lendemain, espérer des résultats. Quoi qu'il en soit, sachez que les premières mesures sont très encourageantes, compte tenu, naturellement, de la complexité du problème. On ne peut pas travailler de façon tout à fait linéaire. Je veux dire par là que les mêmes mesures ne donnent pas, à la place des Volontaires par exemple, les mêmes résultats qu'à Cornavin ou dans un autre quartier. Cela veut dire aussi qu'à la stratégie contre le deal doit se juxtaposer une stratégie beaucoup plus généralisée, à laquelle tels et tels partenaires doivent prendre part. C'est la raison pour laquelle nous travaillons constamment en réunissant autour de la table les gens concernés. La dernière rencontre de ce type s'est tenue à propos de Cornavin. Nous avons conclu ensemble, avec ceux qui étaient autour de la table, que nous ne pourrions pas stabiliser la situation à Cornavin, si nous n'y installions pas un véritable poste de police, actualisé aux besoins d'aujourd'hui. Et c'est un premier message, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous adresse.

Je ne veux pas allonger mon propos aujourd'hui, car nous ferons, à la rentrée, un bilan des mesures prises. Je veux simplement revenir sur le fait que les travaux de la commission des pétitions ont complété l'analyse que nous avions faite; je veux surtout rassurer les uns et les autres, les différentes institutions, les établissements d'enseignement, les parents, toutes les victimes du deal, en leur disant que je suis fermement déterminée à continuer dans ce sens-là. Nous ferons une évaluation et ajusterons nos stratégies d'année en année, sans quoi il ne sera pas possible de venir à bout de ce problème.

M. Gabriel Barrillier (R). Suite à la déclaration, je dirais pleine de dignité, mais aussi de fermeté, de la présidente du département de justice et police, et étant donné sa volonté de continuer son action avec le Grand Conseil pour assainir cette situation, je retire ma proposition de renvoi en commission.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi des pétitions 1371, 1379 et 1381 au Conseil d'Etat) sont adoptées.