République et canton de Genève

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PL 12394-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2019 (LBu-2019) (D 3 70)

Suite du deuxième débat

Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)

F - FORMATION

Le président. Nous continuons notre examen du budget avec la politique F «Formation» et je passe la parole à M. Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi du budget en commission. Pour mettre l'ambiance ! Ça réveille ! (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît ! Je passe la parole à M. François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. C'est la suite du feuilleton: bis repetita !

Une voix. ...non placent !

Le président. Plus personne ne demandant la parole, je vais faire voter cette proposition de renvoi.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12394 à la commission des finances est rejeté par 51 non contre 36 oui. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Le président. L'avantage de cette demande de renvoi aura été de vous réveiller ! Je passe la parole à M. Olivier Baud. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) S'il vous plaît !

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la politique publique F «Formation» est certainement une des plus importantes et elle concerne le département le plus vaste pour les postes, les usagers et la part du budget. Pourtant, année après année, nous devons faire le même constat, même si d'aucuns ici le nient: les moyens nécessaires à la conduite des différents projets sont insuffisants. Il vaudrait la peine, pour le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse - le DIP - de brosser un vrai tableau qui permettrait de visualiser concrètement les moyens faisant défaut et dans quelle direction devrait aller le navire. Pour l'instant, il faut, par exemple, continuer à devoir justifier l'inscription de postes supplémentaires alors qu'il y a des élèves en plus - et pas qu'un peu: plus de 1500 élèves à la rentrée 2018 ! C'est une aberration. Les ressources du DIP devraient augmenter de manière automatique, proportionnellement à la croissance de la démographie.

L'image de la politique liée à la formation reste donc floue, impressionniste ou - c'est selon - pointilliste. Tous les projets ne pouvant être menés de concert, les choix opérés donnent l'impression d'un saupoudrage, de moyens égrenés au fil des ans, composant pour finir un tableau qui relève davantage du micropointillisme, mais toujours inachevé. (Brouhaha.)

Le président. Une seconde, Monsieur le député, je m'excuse. S'il vous plaît ! A tous les retardataires qui veulent dire bonjour à tout le monde, je suggère plutôt de rester dans une attitude qui consiste à écouter notre collègue qui s'exprime !

M. Olivier Baud. Certes, les efforts réalisés ont permis de maintenir le bateau à flot; ils ne sont pas vains et tout n'est pas noir. Mais les priorités annoncées lors de l'élaboration des différents budgets s'accumulent, faute d'être traitées avec l'efficacité requise. L'école inclusive, les équipes pluridisciplinaires, la lutte contre le harcèlement, la prévention des discriminations, la santé des élèves et maintenant le numérique à l'école, entre autres, laissent penser pour finir que tout est prioritaire au DIP - et, donc, que rien ne le serait vraiment in fine.

Il est évidemment impossible de balayer entièrement le DIP en cinq minutes. A Ensemble à Gauche, nous avons fait le choix d'accepter cette politique publique à la condition que des améliorations ciblées dans les domaines du social et de la santé soient réalisées. Des avancées modestes, mais qui apporteront une bouffée d'oxygène aux entités concernées ! Il s'agit d'abord du service de protection des mineurs, le SPMi. Pour éviter le saupoudrage dénoncé, nous demandons l'équivalent d'environ quatre postes à temps plein pour la section d'accueil de première intervention. Le SPMi doit avoir les moyens de dégager les priorités, d'évaluer et de gérer les situations d'urgence, pour les enfants qui ne sont pas encore pris en charge. Les intervenants en protection de l'enfance de la section d'accueil ont besoin de forces supplémentaires. Il faut savoir qu'il y a de plus en plus de «clauses péril», des enfants qui sont retirés à leur famille, et aussi davantage de mineurs non accompagnés, qui ne sont pas des requérants d'asile, mais simplement des enfants qui n'ont pas d'adulte répondant. Ces situations requièrent du temps, beaucoup de temps: il faudrait trente heures par cas, le SPMi en est actuellement à vingt-cinq heures ! Comme quand il faut appeler tous les foyers pour rechercher une place, parfois en vain, se résoudre à une hospitalisation sociale, peu admissible en soi, et encore veiller au respect du droit des enfants à être entendus ! Cette petite aide précise d'un montant de 500 000 F doit être apportée à la section d'accueil et de première intervention du SPMi.

Le deuxième amendement, aussi d'un demi-million, concerne le service de santé de l'enfance et de la jeunesse, le SSEJ. Nous avions eu l'occasion de découvrir des chiffres effarants lors de l'étude de la pétition 2027 «pour des effectifs suffisants en personnel au SSEJ». En 2017-2018, il y avait en moyenne un poste d'infirmière pour 1804 élèves: les effectifs sont ainsi clairement insuffisants. Ce constat était partagé par le département, la direction générale du SSEJ et même le Conseil d'Etat qui écrivait le 28 mars 2018, je cite: «Pour l'avenir, des moyens supplémentaires devraient être prévus pour tenir compte de l'évolution de la démographie comme des besoins de prise en charge des élèves.» Alors, Mesdames et Messieurs les députés, convenez que ces deux amendements en faveur du SPMi et du SSEJ sont extrêmement raisonnables et nécessaires, et agiront comme un baume pour le DIP et ce budget qui en a bien besoin. (Applaudissements.)

Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, 195 nouveaux postes dans ce budget 2019, dont 20 autofinancés à l'interne: ça fait en général plaisir à une partie des bancs de le rappeler. Est-ce que c'est une folie ? Est-ce que c'est Noël avant l'heure ? Non, pour nous, ça permet juste de maintenir les prestations au DIP, de répondre aux obligations constitutionnelles et de continuer à développer quelques nouvelles prestations, dans des proportions tout à fait raisonnables, sans aucun excès mais de manière encourageante à nos yeux. Voyons plutôt !

Maintenir les prestations du DIP pour faire face à l'augmentation démographique, encore et toujours: il y aura mille élèves de plus dans le primaire l'année prochaine. Il y en a deux cents de moins au cycle d'orientation, me répondrez-vous; simplement, les élèves qui arrivent au primaire vont rester dans le système et ensuite arriver au cycle d'orientation, puis aller dans le secondaire II, et il faudra, là, être capable de répondre aux besoins. On en est encore loin !

Il faut ensuite répondre aux obligations constitutionnelles, soit continuer à mettre en oeuvre la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. Ce programme ambitieux a vu le jour concrètement lors de cette rentrée 2018 et il va continuer à déployer ses effets pour lutter contre le décrochage scolaire. C'est l'heure des premiers réajustements et de la pleine vitesse de ce programme essentiel pour aider des centaines de jeunes à terminer une formation - pas forcément une scolarité - et à trouver une voie professionnelle à l'aide d'un dispositif ciblé et individualisé. C'est à nos yeux un magnifique projet, qui doit être soutenu mais qui demande des moyens aujourd'hui et en demandera à l'avenir - c'est un véritable investissement pour demain !

Enfin, la poursuite de nouvelles prestations: c'est le renforcement des équipes pluridisciplinaires dans le primaire, avec des logopédistes, des éducateurs, des enseignants spécialisés qui travaillent de concert afin qu'on ait une palette d'outils en faveur d'élèves aux besoins différents. Cela s'adresse à tous les élèves et pas seulement à ceux en situation de handicap, comme certains aimeraient à le simplifier. C'est notamment le moyen de renforcer les compétences de base en lecture. Plus largement - et nous savons combien cela tient à coeur à la conseillère d'Etat chargée du DIP - c'est l'école inclusive: des moyens mesurés - mesurés dans ce budget 2019 - mais des moyens réels ! Il y a une progression de l'inclusion via une multitude de structures que j'ai trouvées pour ma part bien mieux décrites cette année, dans la sous-politique F03, que lors des précédents budgets, ce dont je félicite le département. Cette multitude de structures permet de répondre à la multiplicité des besoins en allant toujours plus dans le sens de l'inclusion dans l'enseignement régulier, avec le soutien nécessaire, de tous les élèves quels qu'ils soient. Je citerai encore ce dernier programme: le déploiement étendu du dispositif Go-Apprentissage dans les cycles d'orientation pour aider les jeunes à trouver des places d'apprentissage. Il y a de très beaux succès à la clé, les statistiques sont encourageantes, mais aussi, évidemment, encore du travail à faire pour étendre ce dispositif à tous les cycles d'orientation.

Je terminerai sur un point qui, pour une fois, me réjouit. Chaque année, je redis que la création de postes de personnel administratif et technique au DIP ne suit pas et cette demande n'est jamais entendue par une majorité de ce parlement, puisqu'on octroie des postes dits frontaux, des postes d'enseignants, mais pas de postes de conseillers sociaux, de conseillers en orientation, de psychologues, de secrétaires, d'assistants techniques, alors qu'il n'est pas difficile de comprendre que, quand on a chaque année 5% d'élèves en plus, on a besoin, bon an mal an, de 5% également de ces postes-là en plus pour faire fonctionner les écoles. Le problème reste entier, puisque globalement, il y aura encore des manques en personnel administratif avec ce budget 2019, mais il y a quand même une très bonne nouvelle, c'est l'amendement du Conseil d'Etat sur le SSEJ proposant plus d'infirmières scolaires dans les écoles. C'est encore insuffisant par rapport aux besoins du DIP, mais c'est tout de même 500 000 F de plus pour ce service qui en a bien besoin, comme l'a rappelé mon collègue Olivier Baud en évoquant l'étude récente de la pétition 2027, qui n'a malheureusement pas trouvé grâce aux yeux de la majorité.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons évidemment à accepter cette politique publique et à voter ce budget 2019 qui fait de petits pas, mais de petits pas dans la bonne direction. (Applaudissements.)

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts accepteront cette politique publique. Nous saluons l'entrée en vigueur de la formation obligatoire jusqu'à la majorité - voulue par notre constitution - via notamment l'augmentation des places d'apprentissage. Il s'agit d'une politique de revalorisation de l'apprentissage qui prend du temps et qui a pour but de lutter contre le décrochage scolaire.

La formation obligatoire jusqu'à la majorité est l'un des enjeux de cette législature. Pourquoi ? Non seulement c'est une obligation constitutionnelle, mais en plus, elle a pour objectif de permettre à chaque jeune de réussir une première formation. Cela concerne plusieurs dizaines de jeunes. Nous saluons dès lors les 195 postes qui permettront essentiellement de réaliser cette mesure ainsi que celle liée à l'école inclusive, dont l'objectif principal est de permettre aux élèves à besoins spécifiques d'avoir un avenir dans notre société. Ces élèves doivent pouvoir bénéficier de conditions adéquates et d'aménagements durant leur scolarité ainsi qu'avoir à disposition des personnes formées venant soutenir les maîtres de l'enseignement régulier. Pour mettre en application l'école inclusive de façon cohérente, il s'agit de renforcer l'école primaire par des moyens substantiels. Les Verts soutiennent donc le renforcement des équipes pluridisciplinaires dans les écoles. Ces équipes répondent à des besoins réels pour faire face à des élèves de plus en plus hétérogènes. En ce qui concerne les enseignants, les Verts souhaitent qu'on fasse preuve de plus de confiance envers ces professionnels, mais aussi que la bureaucratie qui les surcharge au quotidien s'allège.

En conclusion, afin d'obtenir des prestations de qualité et d'améliorer les conditions de travail, le budget proposé est nécessaire et les Verts l'accepteront. Nous accepterons aussi les amendements du Conseil d'Etat concernant le SSEJ et le SPMi.

Mme Katia Leonelli (Ve). Monsieur le président, les Verts accepteront cette politique publique. Je m'exprimerai essentiellement sur les hautes écoles qui occupent une place particulièrement importante aujourd'hui dans le développement technologique, mais également social: ce sont elles qui doivent répondre aux grandes questions de notre société, notamment le développement durable, mais aussi l'organisation de celle-ci par rapport à l'intelligence artificielle qui s'apprête à bouleverser le statu quo. Ainsi, il est important que l'Université de Genève se sente soutenue par l'Etat et qu'elle ne s'en remette pas trop aux financements privés qui s'élèvent déjà à plusieurs millions de francs, cela pour éviter les dérives que nous avons constatées ailleurs en Suisse.

Il est selon nous également nécessaire de soutenir et d'encourager le financement des échanges intercantonaux. De même, les échanges universitaires, qu'ils aient lieu à l'étranger ou au sein même de notre pays, constituent une opportunité d'enrichissement personnel et culturel sans égale. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais revenir sur la question du SPMi. Comme cela a été dit, nous allons bien sûr soutenir l'amendement relatif à ce service. Je voulais simplement vous rendre attentifs et attentives à l'excellent rapport 112 de la Cour des comptes qui concerne le placement d'enfants. Il ressort de ce rapport en substance que nous sommes très bons à Genève pour les mesures de protection, c'est-à-dire pour les mesures de placement; par contre, nous sommes un peu moins bons s'agissant du soutien à la parentalité, c'est-à-dire les dispositifs qui permettent justement d'éviter un placement et de préserver l'unité de la famille. Donc, dans une optique bien comprise de proportionnalité, nous encourageons le département à renforcer le soutien à la parentalité.

M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, on l'a dit plusieurs fois ce matin, la formation, c'est le coeur de notre avenir. Nous devons veiller à proposer une formation qui soit non seulement la meilleure, mais surtout la mieux répartie. De cette hétérogénéité qui fait la richesse de Genève, nous arriverons à obtenir l'homogénéité de notre société. Bien entendu, il faut soutenir cette politique ! Nous la soutiendrons non seulement avec ferveur, mais aussi avec enthousiasme.

M. Guy Mettan (PDC). Monsieur le président, comme cela a été dit, le PDC s'abstiendra sur cette politique publique pour diverses raisons. L'une est que nous sommes un peu frustrés en matière de soutien à l'université et aux hautes écoles: nous aurions souhaité obtenir un amendement - une fois n'est pas coutume - pour ajouter 4 millions de francs en faveur de celles-ci. Pourquoi ? Parce que l'Université de Genève est un centre d'excellence reconnu, cela a été dit plusieurs fois dans cette enceinte ! C'est aussi une pourvoyeuse d'emplois importante et, surtout, elle représente un investissement pour le futur puisqu'elle est destinée à former les élites de demain, en tout cas les meilleurs d'entre nous, tant en matière de recherche que de formation. Or, il se trouve que nous ne pouvons pas déposer cet amendement de 4 millions de francs. Cela nous paraît pourtant très important, parce que l'université est confrontée à des difficultés. Vous savez que nos relations avec l'Union européenne sont difficiles en ce moment à cause des bilatérales. Nous risquons de subir des coupes en matière de recherche; nous risquons d'être privés de fonds dans ce domaine, de ne plus avoir accès aux fonds européens. Il nous paraît particulièrement important de donner un peu d'air à l'université.

Une autre raison, c'est que nous, démocrates-chrétiens, pensons que la démocratisation des études universitaires doit être défendue, que l'accès à l'université doit être facilité, que les portes de l'université doivent rester ouvertes; or, la démocratisation des études est actuellement menacée. Comme vous le savez, beaucoup de sociologues ont reproché à l'université de reproduire toujours les mêmes élites, de pratiquer au fond l'autoreproduction et de ne pas favoriser l'émergence des classes populaires et leur accès aux études supérieures. Des chercheurs comme Christopher Lasch aux Etats-Unis l'ont dit. En France, d'autres chercheurs comme Emmanuel Todd ont également formulé cette critique. Je pense que c'est très important que nous gardions les portes de l'université ouvertes. (Brouhaha.) Si ça n'intéresse pas les autres députés, je vais m'arrêter, Monsieur le président ! Sinon, j'ai encore quelque chose à ajouter...

Le président. Continuez, nous sommes tout écoute, Monsieur le député !

M. Guy Mettan. Merci, ça me fait plaisir ! Je pense qu'il faut absolument réintroduire un peu d'émulation et de diversité à l'université.

Par ailleurs, nous pensons qu'il est important de remettre le savoir au coeur de la cité. Monsieur le président, vous qui êtes philosophe, vous vous souvenez que Diderot disait qu'il fallait rendre la philosophie populaire ! Nous, au parti démocrate-chrétien, nous pensons qu'il faut rendre beaucoup plus populaires la science, le goût du savoir, le goût d'apprendre et la curiosité de chercher ! En ajoutant ces 4 millions de francs, nous aurions pu entrer dans ce domaine; nous aurions pu favoriser cette appétence pour la science et le savoir.

Il se trouve qu'au Dies academicus, j'ai rencontré le professeur Denis Duboule, un de nos meilleurs chercheurs à l'Université de Genève. Ce professeur donne des cours au Collège de France, suivis dans toute la France grâce aux réseaux sociaux, et ces cours sont extrêmement populaires. Pourquoi n'en profiterions-nous pas pour créer à Genève l'équivalent du Collège de France ? On n'est pas payé quand on donne des cours dans cet établissement, c'est gratuit, mais ça donne une structure qui permet de rendre l'université accessible à l'ensemble de la cité et non pas exclusivement, par exemple, au troisième âge comme c'est le cas maintenant. Je pense donc que, dans la situation actuelle, il est très important que nous redonnions à notre alma mater cette capacité de communiquer le meilleur d'elle-même à l'ensemble de la population genevoise qui consent d'importants sacrifices pour elle. Il est très important de lui donner ces moyens supplémentaires - pour que la science et le savoir redeviennent populaires !

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, l'enseignement est aujourd'hui confronté à de nombreux challenges puisque l'école reste aujourd'hui pour chacun et chacune de nos enfants le meilleur moyen d'obtenir une place dans la société. C'est vrai, les enjeux sont grands: la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, l'introduction au numérique par les enseignants, cette école inclusive que tout le monde souhaite mais pour laquelle les moyens nécessaires manquaient, la formation des enseignants aussi - comment s'assurer qu'ils puissent répondre aux nouveaux défis posés par l'école aujourd'hui ? Enfin, l'intégration de l'enseignement du fait religieux ne sera pas des plus simples dans le cadre de l'application de la loi sur la laïcité. Autant de défis à relever pour le département de l'instruction publique qui a été doté de nombreux postes supplémentaires !

C'est peut-être un peu tôt, mais je me permettrai quand même de signaler la newsletter reçue de la part des syndicats ce matin qui parle de «budget d'austérité» et de «grand baratin» du Conseil d'Etat. J'espère que cette même majorité du Conseil d'Etat qui a passé un deal avec la gauche et qui a augmenté les dotations au sein de la fonction publique appréciera cette touche !

Une voix. Bravo !

Mme Delphine Bachmann. Je souligne également l'importance des formations HES qui sont de plus en plus demandées par la population et répondent à un besoin essentiel de l'économie.

Nous avions en effet présenté un amendement visant à favoriser et à prioriser la recherche au sein de l'université: c'est avec grand regret que nous le retirons, notamment au vu des programmes nationaux qui sont actuellement en train d'être décidés. De plus, dans la situation budgétaire actuelle, nous ne pouvons malheureusement pas maintenir cette mesure car la dépense n'est de loin pas couverte. Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien s'abstiendra lors du vote sur cette politique publique.

M. Patrick Saudan (PLR). Monsieur le président, j'aimerais très brièvement revenir sur deux points qui concernent les hautes écoles. J'aimerais souligner ce qu'a dit précédemment M. Mettan: aussi excellentes soient-elles, elles seront dans un avenir proche peut-être à la merci des remous qui agitent les relations entre l'Union européenne et la Suisse concernant le débat sur l'accord-cadre. La recherche risque d'être visée; or, l'université vit en partie grâce à des fonds tiers qui proviennent de l'Union. C'est donc un danger potentiel qu'il nous faut anticiper. Pour cela, le soutien du canton et de la Confédération sera primordial dans les années à venir.

Deuxième point, je vois que, dans les projets prioritaires, on souligne que l'université et les hautes écoles bénéficient de bâtiments de qualité. Je ne peux que m'en réjouir, mais je crois que j'avais déjà fait remarquer l'année dernière que, sur les cinq bâtiments de qualité cités, deux ont été réalisés grâce à l'appui d'une fondation dont on ne peut pas citer le nom. Je pense que même dans ce parlement, on sous-estime le poids de cette fondation qui permet à Genève de rayonner bien plus que son poids démographique ne le lui permettrait.

M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, en complément aux propos de mon collègue Patrick Saudan, j'aimerais insister et rendre le parlement attentif à la nécessité absolue de la collaboration des hautes écoles avec le secteur privé. Pourquoi faut-il absolument qu'il y ait cette collaboration ? J'ai entendu des propos assez surprenants de la part de Mme Leonelli. Dans la philosophie même des hautes écoles spécialisées, la haute école permet le perfectionnement professionnel dans la filière duale. C'est cela, sa genèse: avec la filière duale, dans tous les métiers, vous êtes en entreprise, vous faites l'acquisition d'une pratique professionnelle et, ensuite, vous vous perfectionnez. Là où il ne faut pas se tromper, c'est qu'il ne faut pas que les HES soient développées uniquement pour les filières académiques ou pour celles à plein temps: il est capital que le gros du potentiel des HES soit dans les filières duales, parce qu'elles ont été conçues pour ça. C'est la conception voulue pour la formation continue et même dans la révision des ordonnances d'apprentissage menée tous les cinq ou dix ans. Je crois qu'on ne doit pas perdre de vue cet objectif des hautes écoles, qui doivent mener une collaboration étroite avec le monde professionnel, pas pour des histoires d'argent ou de salaires mais pour contribuer au développement des acquisitions de savoirs. Je pense que ces deux filières - l'université et les HES - sont complémentaires, il ne faut pas les opposer.

Il est capital de maintenir cette connexion avec le secteur privé: la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, c'est très bien, mais tout le monde n'aura pas la possibilité d'aller au collège ou d'avoir des acquis suffisamment bons ! Ça passera par des formations en entreprise, pour obtenir des attestations fédérales de formation professionnelle ou des CFC. Vous devez donc absolument aider aussi les entreprises. J'aimerais qu'on les valorise un peu plus et j'aimerais ne pas seulement entendre à longueur d'année qu'elles exploitent les gens, qu'elles prennent des stagiaires sans les payer: un effort considérable est fait, l'implication va au-delà de ce que peuvent normalement faire les gens, notamment avec des entretiens d'embauche ou des simulations pour aider les jeunes. On ne fait peut-être pas assez de publicité pour ça, mais je crois que les entreprises jouent un rôle important et capital. Malheureusement, cette image n'est pas du tout valorisée: on nous voit souvent comme des patrons qui exploitent les gens alors que la transmission de savoir est notre objectif de fond. (Applaudissements.)

Mme Katia Leonelli (Ve). Puisque j'ai de nouveau la parole, je me permets de répondre à M. le député Hiltpold. Vous lui transmettrez, Monsieur le président ! Lors de mon intervention précédente, je ne m'exprimais pas du tout sur les collaborations dans les filières duales qui sont absolument nécessaires et qui n'ont pas uniquement lieu sur les bancs de l'université ou des hautes écoles à 100%. Les collaborations avec le secteur privé sont effectivement nécessaires, puisque nous poursuivons notre formation en son sein ! Je faisais essentiellement référence aux financements privés de grandes fondations et multinationales qui mettent parfois en péril l'objectivité de la recherche, comme nous avons pu le voir ces dernières années dans certaines grandes institutions de notre pays que j'éviterai de citer.

Comme il me reste encore un peu de temps de parole, je vais vous faire part de ce que j'avais envie de dire sur cette politique publique, qui paraît finalement assez irréprochable, en tout cas pour ce qui est des hautes écoles. Tout d'abord, je souhaite relever une des prémisses posées par le Conseil d'Etat, que je vous cite: «Ces institutions» - il s'agit donc des hautes écoles - «contribuent au développement culturel, social et économique de la collectivité, en favorisant notamment la démocratisation du savoir et en promouvant l'égalité des chances.» Un bel axiome, qui laisse cependant de côté un pan important de la réalité. En effet, les hautes écoles ont longtemps été et restent encore aujourd'hui un lieu particulièrement privilégié. Elles sont accessibles aux classes les plus aisées, laissant le plus souvent les personnes issues des autres milieux en dehors de ces institutions. Et quand elles y accèdent, les conditions sociales et économiques auxquelles elles sont confrontées leur sont extrêmement difficiles, si bien qu'elles peinent souvent à terminer leurs études. Or la précarité de ces étudiantes et de ces étudiants est totalement occultée. Les bourses d'études sont difficilement accessibles et le logement très onéreux, vous le savez. En ce sens, je me réjouis de voir ce qui sera mis en place pour promouvoir et développer - je cite encore une fois - un «campus urbain de qualité». A ce titre, j'ajoute que le développement d'un campus urbain de qualité passe aussi par la mise en place d'espaces libres pour les étudiantes et les étudiants, gérés par ces derniers, un cri qui a déjà été porté par de grandes associations comme la CUAE. Ces espaces leur permettraient d'échanger, de s'exprimer et de se rencontrer à l'intérieur des murs de l'université et des hautes écoles, sans avoir besoin d'aller dans le commerce pour obtenir un minimum décent d'interactions sociales. Les Verts disent donc oui au développement d'un campus urbain de qualité et non à la rationalisation économique excessive qui ne tient pas forcément compte du bien-être des étudiantes et des étudiants. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, que de beaux discours ! Le MCG sera quant à lui très attentif à la formation des apprentis. S'agissant des élèves qui décrochent, Madame la conseillère d'Etat, vous nous disiez il y a deux ans, suite au dépôt d'une motion MCG, qu'il était impossible de savoir ce qu'ils devenaient et où ils étaient dans la république. Eh bien je constate qu'aujourd'hui vous arrivez à les identifier et à les raccrocher, alors bravo, si c'est le cas ! On veillera à ce qu'il en soit bien ainsi, mais je me souviens parfaitement des propos que vous avez tenus à ce moment-là. On vous a donné des moyens supplémentaires pour le faire et pour mettre en oeuvre la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, et il faudra rester attentif à tout cela. Je crois qu'effectivement la filière de l'apprentissage ne doit pas être négligée. Je suis entièrement d'accord avec M. Hiltpold - ça ne m'arrive pas souvent, mais là c'est le cas... (Rires.) Je le reconnais ! - l'apprentissage dual est extrêmement important, et il n'y a pas d'élite, pas de formation supérieure s'il n'y a pas de base solide. Tout le monde ne peut pas aller dans une haute école ou à l'université, l'apprentissage et la formation constituent donc l'une des forces de la Suisse. Désormais, on peut toujours compléter sa formation par la suite grâce aux nombreux ponts qui le permettent, et nous resterons attentifs à tous ces programmes - je pense par exemple à CAP Formations ou Go-Apprentissage. C'est extrêmement important, et le MCG soutient tout cela. Cela ne veut pas dire qu'on ne soutient pas les hautes écoles et l'université, mais nous ne devons pas mettre toutes nos forces là-dedans et oublier ceux qui sont plus en difficulté, ceux qui ne peuvent pas aller dans ce genre d'établissements et doivent passer par un apprentissage, ce qui est tout à fait formateur. Merci.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ma remarque va plutôt concerner l'école primaire et notamment la façon dont les différents types d'écoliers sont traités. Bien entendu, je loue le fait que les élèves qui rencontrent certaines difficultés ou peut-être quelques problèmes de lenteur ou autre sont extrêmement bien pris en charge, mais rien - ou alors très très peu - n'est fait pour ceux qui ont de la facilité et qui ont tendance à aller beaucoup plus vite. Je pense donc qu'il est aussi important, si on veut garder l'élément fédérateur de l'école publique à Genève, de faire en sorte que les élèves ayant des facilités d'apprentissage ne migrent pas vers le privé, ce que l'on observe malgré tout de plus en plus, vu qu'actuellement l'école primaire en tout cas a plutôt tendance à museler ceux qui sont prêts à aller plus vite et à ne pas les laisser avancer à leur vitesse de croisière naturelle. Ce que je demande ici, c'est donc que l'on prenne également en compte les besoins des élèves ayant davantage de facilité, au risque - on le constate déjà aujourd'hui, et personnellement je le regrette - de les voir de plus en plus se tourner vers les écoles privées, notamment, parce qu'elles offrent plus de cours de langues ou pour d'autres raisons. J'espère que Genève et l'instruction publique genevoise prendront en compte ces éléments !

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Lors de l'examen du budget à la commission des finances, nous avons assisté à une scène assez étonnante: le PLR a proposé des coupes dans l'enseignement obligatoire peu après avoir demandé des hausses pour l'université. Heureusement, ils ont retiré leur amendement, celui-ci n'a donc pas été soumis au vote. Dans un sursaut d'intelligence, ils se sont dit qu'ils n'allaient pas attaquer l'école obligatoire alors que dans le même temps ils favorisaient l'université. Mais ça dénote une philosophie d'ensemble qui s'apparente un peu au système américain: on sacrifie l'instruction publique obligatoire, on sacrifie le tout-venant, on sacrifie le peuple à une éducation élitiste. C'est en quelque sorte dans les gènes du PLR et du PDC, on l'a très clairement vu. Eh bien c'est un axe politique que le MCG ne soutient pas, parce que nous estimons qu'il faut un enseignement obligatoire de la meilleure qualité possible. Nous ne sommes sans doute pas d'accord avec la manière dont le DIP gère certaines choses au quotidien, mais nous approuvons l'axe général: il faut favoriser l'école obligatoire, parce que c'est l'élément important, le lieu où s'acquiert le bagage que tous les jeunes doivent recevoir. Certes, il ne faut pas sacrifier l'université, mais on doit établir des priorités. En l'occurrence, il convient que l'instruction publique de manière générale ait le meilleur niveau de qualité en premier lieu au stade obligatoire, et ce pour chaque élève, quels que soient ses moyens, quelle que soit sa classe sociale, quel que soit le milieu culturel dans lequel il se trouve. C'est ce que la société lui donne, c'est une vieille tradition de la république, une tradition séculaire de notre démocratie, et nous devons à tout prix la conserver. Le MCG la soutiendra donc de manière déterminée ! Il faut vraiment que ce soit la priorité absolue dans la politique de formation, et nous ne devons pas favoriser certaines élites au détriment du peuple. C'est une ligne que le MCG ne suivra jamais. Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons bien évidemment cette politique publique, mais nous irons dans ce sens, parce qu'il est important d'affirmer ces valeurs démocratiques et républicaines, que le MCG défendra.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais abonder dans le sens des propos de notre collègue Cyril Mizrahi, qui a exposé une partie de la réalité s'agissant des places d'accueil en institution pour les mineurs qui font aujourd'hui défaut. Malheureusement, les praticiens des juridictions comme le TPAE, le tribunal pénal des mineurs, constatent que certains choix opérés par ces juridictions ne sont pas dictés par le bien de l'enfant, même s'il constitue leur souci principal, mais en fonction des places disponibles dans ces foyers - ils le disent du reste assez clairement - ce qui est évidemment contraire au bien de l'enfant, qui doit rester la priorité absolue en la matière. Les socialistes se réjouissent donc que le Conseil d'Etat ait pris toute la mesure du problème et qu'un nouveau foyer thérapeutique pour jeunes en grande difficulté voie le jour en 2019, car c'est absolument fondamental. Cela dit, il serait également bon de tenir compte du fait qu'une partie de ces foyers sont destinés aux garçons, alors que l'on constate aujourd'hui chez les filles aussi une certaine forme de délinquance, qui nécessite parfois des mesures thérapeutiques adaptées. Je pense donc que cet aspect doit être pris en considération, puisqu'il reste un parent pauvre au niveau romand.

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur l'université. Pour que la démocratisation des études soit une réalité, Mme Leonelli l'a dit, il ne suffit pas que les taxes soient bon marché. Il faut aussi réfléchir aux conditions d'études, et je vais citer deux aspects fondamentaux, en commençant par la question du logement. Les logements, même estudiantins, sont trop chers: le prix des chambres se situe entre 500 F et 1000 F, ce qui est énorme pour des personnes qui ne vivent pas à Genève. De plus, suite au passage au système de Bologne, la charge de cours au niveau du bachelor et du master est beaucoup plus importante qu'elle ne l'était par le passé, de sorte qu'il est bien plus difficile pour les étudiants de travailler en parallèle. Il existe donc le risque que les étudiants s'endettent, ce qui est évidemment problématique, parce que lorsqu'ils entrent dans le marché du travail - si tant est qu'ils y parviennent - ils se retrouvent avec des dettes assez importantes. C'est un point de rupture pour beaucoup de personnes. Et si les jeunes ne réussissent pas à trouver du travail ou échouent dans leurs études, leurs dettes retombent sur leur famille. La question du logement est donc une préoccupation majeure qui doit faire l'objet d'une attention particulière. Il faut plus de logements, mais également des logements meilleur marché.

Quant au second aspect, il concerne l'encadrement: il faut des moyens pour que l'université puisse engager des assistants et des professeurs qui encadrent les étudiants, mais pas uniquement dans le contexte des cours magistraux. Lors du traitement du rapport d'activité de l'université, la commission de l'enseignement supérieur a appris que certains cours - notamment des premiers cycles - devaient être répartis dans plusieurs salles car les bâtiments sont trop petits. Or cela engendre d'énormes difficultés, parce que dans les salles où les cours sont retransmis, les étudiants n'ont pas la possibilité de poser des questions aux enseignants, ce qui n'est pas admissible dans un contexte comme celui que l'on connaît à Genève. Je pense donc qu'il y a un effort à faire pour que l'excellence qui est celle de l'Université de Genève - on doit effectivement la lui reconnaître, et avec satisfaction - descende en quelque sorte sur terre. Il faut que les étudiants puissent accéder au savoir par le biais d'un cadre d'enseignement qui soit adéquat !

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Je partage l'essentiel de ce qui vient d'être dit par notre collègue Dandrès concernant d'abord la problématique des foyers et leur ouverture. Je me réjouis avec lui de cette prise en compte par le Conseil d'Etat ! Les réalités qu'il a exposées correspondent effectivement aux retours que j'ai de ce milieu. Je partage aussi son inquiétude par rapport à l'université et aux conditions dans lesquelles les choses peuvent se faire. Du reste, je suis scandalisé par les propos qui ont été tenus par mon collègue François Baertschi s'agissant de l'université. C'est une méconnaissance crasse de la situation, une méconnaissance crasse des rapports et des auditions qui ont eu lieu à la commission des finances, dans laquelle il siège. Il fait preuve d'une mauvaise foi que l'on ne peut absolument pas tolérer. J'aimerais rappeler très clairement que l'université a quant à elle fait l'objet de coupes, au contraire du DIP. Son budget a connu une augmentation vraiment infime et un report de charges concernant l'entretien des bâtiments a été décidé par l'ancien Conseil d'Etat, ce qui a fortement affecté les conditions-cadres de l'université ainsi que sa capacité à dégager des moyens. Si on avait donné les mêmes moyens à l'université qu'à l'école en général, la situation serait bien différente. L'université, qui est pourtant une institution à la pointe, extrêmement bien cotée et qui fait la fierté de notre canton, est aujourd'hui bien malmenée. Il faut donc la défendre et lui donner plus de moyens, et à ce titre je regrette que l'amendement du PDC n'ait pas été maintenu. Il devient indispensable de lui octroyer des moyens !

Je formule aussi un voeu, à savoir que notre collègue Delphine Bachmann quitte assez rapidement son poste d'infirmière pour aller dans les écoles, afin qu'elle puisse tenir exactement le même discours que celui qu'elle a tenu hier s'agissant du département de l'instruction publique. Aujourd'hui, la gestion de l'instruction publique est à la dérive et l'enseignant n'est plus face à l'élève, ou de moins en moins. La proportion d'enseignants et de personnel administratif et technique est de deux tiers-un tiers, or les engagements auxquels on procède sont dans la proportion exactement inverse. Nous sommes passés de l'instruction publique républicaine, fondée sur l'excellence, à un centre d'intégration sociale fondé sur le vivre-ensemble. (Exclamations. Protestations. Applaudissements.) Nous créons une usine à gaz et sommes incapables d'entreprendre les réformes nécessaires ! Nous sommes le canton romand dans lequel les enseignants passent le moins de temps face aux élèves. Le temps d'enseignement est le plus faible de l'école obligatoire ! Objectivement, la situation ne peut plus durer. La gestion du département est complètement laissée à vau-l'eau; on retrouve cinquante postes qui étaient à la dérive et qui n'ont pas été comptabilisés depuis des années et des années. Mais ce n'est pas la faute de la magistrate en place, car ça date d'une époque où elle n'était même pas encore là. Il faut quand même pouvoir le dire ! De nos jours, on décide d'un certain nombre de choses de façon tout à fait aléatoire, et il est urgent qu'on prenne les mesures nécessaires, qu'on remette l'enseignant face à l'élève et qu'on ne s'endorme pas sur un oreiller de paresse en se disant que si on accorde plus de moyens à l'école, les choses iront mieux. Ce n'est absolument pas comme ça qu'elle s'améliorera ! Si vous écoutez un peu les enseignants - et pas seulement les syndicalistes - vous les entendrez dire que les tâches administratives envahissent leur quotidien au point qu'ils n'ont plus le temps d'exercer leur métier. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Madame Emery-Torracinta, je propose de vous donner la parole à la fin du chapitre, juste avant le vote sur cette politique publique.

Chers collègues, nous sommes saisis d'un amendement du PLR au programme F02 «Enseignement secondaire II et formation continue», nature 30 «Charges de personnel»: -5 000 000 F (charges).

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 45 oui.

Le président. Monsieur Béné, vous avez demandé la parole ?

M. Jacques Béné (PLR). Oui, merci, Monsieur le président. C'était pour défendre cet amendement, mais je vois que c'est inutile ! (Rires. Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes maintenant saisis de deux amendements du Conseil d'Etat au programme F04 «Enfance, jeunesse et soutien à la parentalité». Le premier porte sur la nature 30 «Charges de personnel», «SPMi»: +500 000 F (charges).

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 51 oui contre 34 non et 9 abstentions.

Le président. Le second a trait à la nature 30 «Charges de personnel», «SSEJ»: +500 000 F (charges).

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 33 non et 12 abstentions.

Le président. L'amendement du PDC relatif à l'université ayant été retiré tout à l'heure, nous passons à celui du Conseil d'Etat concernant le programme F05 «Hautes écoles», nature 36 «Charges de transfert»: +1 135 000 F (charges).

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 44 non.

Le président. Nous traitons maintenant le dernier amendement du Conseil d'Etat, qui touche le programme F06 «Prestations transversales liées à la formation», nature 30 «Charges de personnel»: +97 199 F (charges).

Des voix. Les amendements ne sont pas affichés, Monsieur le président ! (Brouhaha.)

Le président. Oui, mais je les lis, vous pouvez donc écouter ! Bien, je recommence. Il s'agit d'un amendement du Conseil d'Etat au programme F06 «Prestations transversales liées à la formation», nature 30 «Charges de personnel»: +97 199 F (charges).

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 34 non et 10 abstentions.

Le président. Nous sommes arrivés au terme de ce chapitre, je passe donc la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, en la remerciant de sa patience !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, peut-être vous demandez-vous ce qu'il y a de commun entre la politique de formation au sens strict - c'est-à-dire l'école, les hautes écoles, etc. - et la protection des mineurs qui a été évoquée. Eh bien l'objectif du département est de permettre à chaque jeune de trouver sa place dans la société, et cela passe d'abord par l'obtention d'un diplôme. Je dis toujours: un jeune, un diplôme, un avenir. Aujourd'hui, sans certification, sans titre, quel qu'il soit, on ne trouve pas sa place dans la société, et toute la politique du département est orientée autour de cette priorité, Monsieur Baud. Ça commence déjà à l'école primaire. C'est en effet l'enjeu le plus fondamental, probablement, puisque l'on sait qu'un enfant qui n'aura pas appris à lire, à écrire ou à compter sera désavantagé pour toute la suite de son parcours scolaire, et c'est pour cette raison que depuis mon arrivée au département nous avons renforcé l'école primaire. Je vous donne un chiffre que j'ai déjà cité, mais qui augmente chaque année: lorsque je suis arrivée, il y avait 101 postes de soutien à l'école primaire pour les élèves en difficulté d'apprentissage, tandis qu'à la dernière rentrée scolaire on en comptait plus de 153, dont 40 exclusivement dévolus à l'apprentissage de la lecture, qui pour moi est extrêmement important.

Deuxièmement, il faut aussi qu'on puisse renforcer les équipes à l'école primaire. M. Aellen refait chaque année le même laïus en donnant une description de l'école absolument apocalyptique. La réalité est qu'aujourd'hui un enseignant ne peut plus être seul: les élèves font face à des difficultés scolaires, à des problèmes d'apprentissage - et parfois de comportement - qui nécessitent des compétences autres que celles des seuls pédagogues, d'où l'importance de doter les écoles d'équipes pluridisciplinaires, comme on les appelle, qui comprennent notamment des éducateurs, des logopédistes, etc. Ces derniers ne sont pas là pour soigner, mais pour identifier les problématiques et accompagner les enseignants, mais aussi les élèves et leur famille, afin de trouver des solutions. En l'occurrence, ce budget permettra d'augmenter les équipes pluridisciplinaires et de garantir que l'ensemble des établissements scolaires du canton soient dotés d'éducateurs, au plus tard à la prochaine rentrée scolaire.

J'en viens au cycle d'orientation, qui va constituer l'un des enjeux clés de cette législature. Le nouveau cycle d'orientation a vu le jour en 2011, il s'agit donc maintenant de procéder à son évaluation, une évaluation qui nous amène à constater deux éléments. D'une part, il ne répond pas réellement aux besoins des élèves en très grande difficulté scolaire, mais d'autre part - et à ce propos je rends hommage au député Fuhrmann - il y a aussi des choses à faire pour les élèves qui ont plus de facilité, et je reviendrai dans quelques mois avec des propositions qui permettront de répondre aux besoins de l'ensemble des élèves.

Nous avons également progressé en matière d'orientation, en lien avec les milieux professionnels. Comme vous le savez, nous avons revu ce qu'on appelle l'IOSP - l'information et l'orientation scolaire et professionnelle - encore une fois en lien avec les milieux professionnels, et je souhaite que ces derniers soient beaucoup plus présents à l'école pour que nous puissions développer la formation professionnelle en entreprise, car c'est l'un de mes objectifs.

J'aimerais à présent parler du secondaire II et de la formation professionnelle, plus précisément de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, qui constitue également un objectif essentiel pour le département. Dans les faits - et je vais vous répondre, Monsieur Sormanni - nous savons où sont les élèves, mais la formation obligatoire jusqu'à 18 ans peut se décliner de deux manières. Il s'agit d'une part d'empêcher que les élèves décrochent, c'est-à-dire de garder ceux qui sont dans le système. Eh bien grâce aux moyens que vous nous avez accordés dans le cadre du dernier budget, ce sont 400 jeunes qui, au lieu de décrocher à la rentrée scolaire 2018, ont trouvé des possibilités de formation, essentiellement professionnelle, avec des stages en rotation. Ce sont donc des jeunes qui ne sont pas largués dans la nature. C'est plus compliqué pour ceux qui sont déjà sortis du système, si j'ose dire. Pour ceux-là, nous avons renforcé - et c'est encore le cas dans ce budget - CAP Formations qui, en collaboration avec l'office cantonal de l'emploi et l'Hospice général, permet à 75% des jeunes suivis de trouver une formation professionnelle.

Voilà trois objectifs qui montrent bien que nous voulons offrir aux jeunes la possibilité de préparer leur avenir. Il s'agit également de s'adapter aux réalités de la société, et je pense notamment à la formation au numérique, qui vise à apprendre aux élèves comment utiliser les nouveaux outils, mais aussi comment se comporter dans une société numérique et développer des compétences dans ce domaine. C'est également l'un des objectifs de la législature, avec tout un plan qui sera décliné ces prochaines années et qui commence déjà dans le cadre de ce budget.

J'aimerais maintenant revenir sur la protection des mineurs. Je suis très sensible au fait qu'il faut développer ce secteur - c'est l'un de mes objectifs depuis la dernière législature déjà. Je suis également sensible au fait qu'il est compliqué d'enlever un enfant à ses parents. C'est compliqué pour la famille, mais aussi pour les professionnels qui font ce choix, il faut donc développer au maximum le soutien à la parentalité. Mais on le fait ! Des moyens conséquents ont été alloués ces dernières années à ce qu'on appelle l'assistance éducative en milieu ouvert, et nous avons par exemple développé une assistance éducative en milieu ouvert pour les tout-petits qui a permis d'empêcher certains placements. Je m'en réjouis, nous allons continuer dans cette voie, et je vous remercie d'avoir octroyé des postes au SPMi, parce que l'idée est bien de pouvoir développer cet aspect à terme.

Quelques remarques enfin sur les hautes écoles, sans entrer dans les détails. Certes, l'université aurait pu avoir plus de moyens, certes, on lui a transféré des bâtiments sans l'entier des moyens lors de la dernière législature, mais je rappelle qu'il y avait pour cela des majorités au Conseil d'Etat - dont je ne faisais pas forcément partie, d'ailleurs. Par conséquent, avant de mettre en cause le DIP, il faudrait aussi réfléchir aux choix politiques qui ont été faits à ce moment-là. Mais dans le cadre de ce budget, Mesdames et Messieurs les députés, aucune coupe n'a été effectuée - à l'endroit d'aucun subventionné, du reste - et 2 millions supplémentaires ont été alloués à l'université. Je précise que ces 2 millions concernent la convention d'objectifs, je ne parle pas des bâtiments ou autres. Il était important de le souligner.

Monsieur Baud, vous avez relevé qu'il n'y avait peut-être pas assez de postes au DIP. J'aimerais donc dire que ceux que vous nous accordez nous permettent non seulement de répondre aux besoins liés à la démographie, mais aussi de développer la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, avec des moyens conséquents: plus de 40 postes et 800 000 F pour encourager notamment les milieux extérieurs à prendre en charge des jeunes. Nous allons en outre pouvoir développer des moyens pour l'école primaire et intégrer ou inclure plus d'élèves à besoins particuliers. Donc ce budget n'est peut-être pas celui dont je pourrais rêver, mais il permet néanmoins d'augmenter véritablement les prestations.

Pour finir, je vais m'adresser à Ensemble à Gauche. Vous avez souhaité - et je m'en réjouis - faire partie de la majorité parlementaire qui soutenait ce budget, alors si vous pensiez qu'il ne contenait pas assez de postes pour l'école ou le SPMi, il ne tenait qu'à vous d'en accorder davantage... (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'ensemble de la politique publique F.

Mise aux voix, la politique publique F «Formation» ainsi amendée est adoptée par 52 oui contre 17 non et 28 abstentions.

G - AMENAGEMENT ET LOGEMENT

Le président. Nous passons à la politique publique G «Aménagement et logement». Je cède immédiatement la parole à M. le député David Martin.

M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)

Le président. Une seconde, une seconde ! (Un instant s'écoule.) Si le PDC pouvait éviter de tenir son caucus au milieu de l'allée, ça m'arrangerait et ça arrangerait l'orateur !

M. David Martin. Je vous le confirme.

Le président. Je vous repasse la parole, Monsieur Martin.

M. David Martin. Merci. Depuis bientôt vingt ans, notre canton connaît une croissance du nombre de ses habitants et de ses emplois de 1% à 2%. Cela représente entre 5000 et 10 000 nouveaux habitants chaque année, qu'il faut loger. (Brouhaha.) La croissance démographique de notre agglomération du Grand Genève... (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

M. David Martin. ...est une des plus élevées d'Europe; elle est deux fois plus forte que celle de l'agglomération de Zurich. On doit cette croissance au dynamisme économique de la région, et on peut s'en réjouir. On peut s'en réjouir, mais on peut aussi se demander si cette évolution est tenable sur la durée, si elle est durable. On peut par exemple se demander si on ne s'en tirerait pas tout aussi bien en calmant quelque peu l'attractivité fiscale du canton pour les entreprises et en privilégiant l'économie locale et durable. Nous aurons l'occasion d'en débattre très bientôt.

Quoi qu'il en soit, nous devons aujourd'hui répondre à cette croissance; c'est notamment la tâche de la politique publique G «Aménagement et logement». Une politique qui porte ses fruits puisque, depuis quatre ans, Genève construit deux mille logements environ par an et que plusieurs milliers sont dans le pipeline pour ces prochaines années, notamment dans les périmètres de grands projets tels que les Communaux d'Ambilly et le PAV. Il est normal que la production de ces nouveaux logements se reflète dans une augmentation de la charge de travail à l'office des autorisations de construire et, de façon plus générale, au sein du département du territoire. Les 5 ETP supplémentaires du budget 2019 sont donc bien justifiés, et ils seront couverts par les émoluments perçus par l'office. Ces postes permettront en particulier de répondre à la forte augmentation du nombre de dossiers traités, de poursuivre la dématérialisation des autorisations de construire et d'oeuvrer à la récupération de 60 hectares de surfaces d'assolement d'ici à 2023, condition nécessaire à la réalisation du plan directeur cantonal.

On peut saluer plusieurs engagements annoncés par l'office de l'urbanisme pour 2019 tels que l'amélioration de la coordination entre départements et avec les privés. Cela se fera notamment à travers la mise en place de structures de pilotage urbain, le développement de stratégies intercommunales d'aménagement du territoire, la coordination renforcée entre les PLQ et la stratégie foncière et, bien sûr, la mise en place de la fondation PAV, outil essentiel pour concrétiser la mutation de ce périmètre.

La politique publique G inclut aussi les instruments dont s'est doté notre canton à travers les lois LGL, LUP et LDTR afin d'améliorer les conditions d'accès au logement pour l'ensemble de la population. Là aussi, l'augmentation du nombre de logements en construction nécessite plus de forces vives au sein de l'office cantonal du logement et de la planification foncière, en particulier pour le suivi des logements soumis au contrôle de l'Etat en zone de développement.

Les Verts saluent par ailleurs les efforts du département en vue de soutenir les coopératives d'habitation, que ce soit à travers des prêts pour l'acquisition de parts sociales ou en matière de prospection foncière visant à construire des logements d'utilité publique. A Genève, les coopératives sont en effet exemplaires tant au niveau de la qualité urbaine, de la vie de quartier, des loyers que des performances environnementales.

Ce budget 2019 permettra aussi de lancer notre canton sur la voie de la «smart city» en complétant l'éventail de données fournies par l'excellent outil que constitue le système d'information du territoire, le SITG. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à l'explorer de suite sur internet si vous ne le connaissez pas encore. Par ailleurs, l'Etat pourra déployer la technologie BIM qui permet de concevoir et de gérer les bâtiments avec des maquettes numériques 3D.

Après ces louanges, quelques critiques. On peut en effet regretter que le budget de la politique publique G fasse très peu mention de deux enjeux essentiels. Le premier est celui des espaces verts, de l'arborisation et des espaces publics en général. Avec les changements climatiques, l'aménagement du territoire se doit en effet de mettre en place une planification ambitieuse de lutte contre les îlots de chaleur pour assurer une bonne qualité de vie dans les quartiers. Or force est de constater que les moyens actuellement déployés par les seules communes ne sont pas suffisants.

Le deuxième point concerne le Grand Genève: si nous saluons la reprise en main des programmes d'infrastructures du projet d'agglomération, il est regrettable de constater le peu de poids et de visibilité accordés à la coordination transfrontalière dans ce budget. L'aménagement de notre canton - ses logements et sa mobilité, mais aussi son environnement, ses activités économiques ou même son offre culturelle - n'est en effet plus dissociable d'une logique d'agglomération transfrontalière.

Les Verts vous invitent à voter la politique publique G «Aménagement et logement» et espèrent que les moyens à disposition permettent de loger l'ensemble de la population dans une agglomération compacte, verte et solidaire, où la qualité de vie soit placée au coeur des préoccupations. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous prenons note de la volonté du Conseil d'Etat de poursuivre son action de création de quartiers de logements afin de sortir de la pénurie persistante de logements abordables que connaît le canton. Nous saluons également son objectif de fournir des logements répondant aux besoins de toutes les catégories de demandeurs et notamment de la classe moyenne, qui recherche des logements à des prix accessibles. A ce sujet, nous étudierons avec attention la réforme des catégories de logements à construire proposant une répartition en un tiers de logements d'utilité publique, un tiers de locatif non subventionné et un tiers de PPE. Nous serons également attentifs à la volonté du gouvernement de valoriser la qualité des projets de logements, de redéfinir les prix admis et de simplifier les procédures.

Le Conseil d'Etat doit veiller plus attentivement à la mixité sociale, à la qualité urbaine, à l'offre des transports publics et au réseau de mobilité douce. Nous étudierons également - nous sommes en train de le faire en commission - la mise à jour du plan directeur cantonal permettant de lever les réserves émises par la Confédération en 2015. Et nous suivrons avec attention la réforme des processus d'autorisation de construire qui visera à numériser complètement ces processus et à introduire les premiers jalons pour le déploiement de la numérisation. Nous saluons également le désir du gouvernement de maintenir son action en faveur de la protection du patrimoine bâti.

Nous constatons toutefois avec étonnement l'augmentation du nombre des ETP dans cette politique publique. Tout d'abord à l'OCLPF, où 2 ETP supplémentaires sont budgétisés pour 260 000 F afin qu'il puisse maintenir ses prestations, et 5 ETP pour 730 000 F afin de maintenir le délai de trente jours pour la délivrance d'au moins 80% des permis issus de demandes APA. Les 3 ETP de plus, pour 520 000 F, à la direction de l'information du territoire et à l'office du registre foncier s'attacheront à mettre en place le programme de numérisation. Les 2,5 ETP fixes, pour 360 000 F, à l'office du patrimoine et des sites, sont quant à eux destinés à faire face à l'augmentation des autorisations de construire et des demandes de mise sous protection. Cela fait tout de même près de 13 ETP supplémentaires prévus en 2019, et nous nous demandons si toutes les pistes ont été explorées pour éviter ces nouveaux engagements, même si, du fait de la multiplication des dossiers à traiter, le coût de ces nouveaux postes devrait être compensé par la progression des émoluments perçus. Le groupe démocrate-chrétien s'abstiendra sur cette politique publique G. (Quelques applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, j'ai deux remarques sur l'aménagement du territoire et sur la construction de logements. Ma première remarque porte sur le plan directeur cantonal 2030. Les éléments à relever sont les suivants. Premièrement, ce plan directeur n'a pas été soumis au peuple, ce qui est regrettable pour un projet d'une telle importance. Deux, ce plan a été partiellement refusé par Berne. Trois, plusieurs communes l'ont rejeté. Quatre, certains déclassements - comme celui de Vailly à Bernex - ont été refusés à l'unanimité par le Conseil municipal et à l'unanimité par le Conseil administratif. Cinq, ce plan directeur cantonal a été changé et remodelé par le Conseil d'Etat. Dans un premier temps, il a été question de rechercher tous azimuts des SDA et de réaliser l'ensemble des projets, mais il semble y avoir une nouvelle doctrine. Dorénavant, il est question de redimensionner et d'abandonner certains projets en zone agricole. Sixième et dernier point, ce plan directeur cantonal aura épuisé jusqu'au dernier mètre carré de SDA. La question qui vient est: qu'est-ce qui se passera après ? Bref, cette politique d'écolo-bétonnage qui consiste par moments à construire à tout-va et par moment à sauvegarder tous azimuts chaque mètre carré en zone agricole est incohérente.

Ma deuxième remarque porte sur la construction de logements. Genève a une politique du logement excessivement et extrêmement dépensière. Aucun autre canton suisse n'offre autant de subventions. La surréglementation et l'ingérence excessive de l'Etat sont également uniques en Suisse. Si Genève appliquait une politique telle que celles de Zurich ou de Bâle, notre canton économiserait chaque année entre 100 et 120 millions de francs. Malgré ces coûts excessifs, la situation est très mauvaise: le taux de vacance à Genève est le moins élevé de Suisse. A Genève, la différence entre anciens et nouveaux loyers est la plus marquée du pays. Les coûts de la construction à Genève sont parmi les plus élevés de la Suisse. Bref, comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, plus de dépenses ne créent pas forcément une meilleure gestion !

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, si ce projet de budget, avec les amendements votés, peut exceptionnellement satisfaire le groupe Ensemble à Gauche, il ne nous dédouane pas d'un examen critique des politiques qui sont menées avec son appui. Or, sur la question du logement, le groupe Ensemble à Gauche est particulièrement insatisfait de la situation actuelle. Il est d'abord particulièrement insatisfait du contenu du budget de cette politique publique. Par exemple, la commission des finances a refusé l'amendement proposé par les socialistes visant à doter ce service de plus de personnel pour faire contrôler le peu de lois existantes liées à la politique sociale du logement, notamment la LDTR. Cet amendement a été refusé ! Donc, sur la forme même de ce budget, nous estimons qu'il ne répond pas à la mission de base de l'Etat, qui serait de contrôler l'application des lois dont nous disposons, de faire appliquer ces lois ! Cela permet bien sûr aux propriétaires de les contourner allégrement, de proposer des appartements à des loyers beaucoup trop élevés, ce qui appauvrit les locataires.

Mis à part ces questions, sur le fond, nous avons un problème avec la politique du logement à Genève parce que ce budget est un budget de fonctionnement, comme si tout allait bien par rapport à cette question. Comme si Genève ne connaissait pas de problème de logement ! Or, il semble que les Genevoises et les Genevois soient plus conscients que les conseillers d'Etat du fait que la problématique du logement constitue une réelle urgence sociale vu la pénurie organisée par la droite et les représentants des milieux immobiliers ici présents, vu aussi la hauteur des loyers qui grèvent les budgets des familles. Cette urgence sociale, elle devrait se traduire par une guerre sur la possession foncière dans ce canton. Je l'ai déjà rappelé la dernière fois, je ne peux malheureusement pas proposer l'abolition de la propriété privée ! (Rires.) Par contre, je peux proposer que l'Etat de Genève joue son rôle et acquière des terrains ! Oui, Monsieur Hodgers, ça vous fait sourire ! Monsieur le président, vous transmettrez au conseiller d'Etat, que ma remarque fait sourire, que son département ne fait rien pour acquérir des terrains et pour construire: il délègue aux privés en laissant le rendement et le profit au centre de la politique sociale du logement ! La traduction de cette politique, ce sont 8500 personnes qui attendent un logement social ! Ce sont des personnes qui dorment dehors; ce sont des gens entassés dans des centres pour réfugiés alors qu'ils pourraient bénéficier d'appartements. Ce sont ces résultats-là ! Cette tension sociale devrait s'inscrire dans une tension sur le territoire. Il y a une lutte des classes sociales, il devrait y avoir une lutte par rapport au territoire ! Or, l'Etat n'entre pas dans cette lutte et ne concurrence pas le secteur privé sur le foncier. Je vous le dis très simplement, le groupe Ensemble à Gauche votera cette année la politique publique G, mais c'est la dernière année que nous ferons ça !

Une voix. La première !

M. Pablo Cruchon. La première, peut-être, mais ce sera en tout cas la dernière, tant que le budget sera comme ça ! Tant que le département continuera de penser qu'il doit ordonner la construction, mais permettre aux privés de construire ! Tant qu'il n'accomplira pas une vraie politique du logement pour concurrencer le privé, pour récupérer la propriété foncière de ce canton et construire ! Il faut que les besoins prépondérants de la population et non pas les appétits représentés ici par ces messieurs soient au centre des préoccupations ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Marti. (Un instant s'écoule.) Vous avez un problème de micro, Madame la députée ?

Mme Caroline Marti (S). C'est bon ? Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste votera cette politique publique, comme il votera le budget qui semble sortir de ce débat budgétaire, mais il n'est pas inutile de revenir sur un point déjà évoqué par le député Cruchon tout à l'heure. Il s'agit de la question du service LDTR et des moyens dont dispose l'Etat pour contrôler les chantiers et, surtout, les loyers après travaux. On le dit à peu près chaque année dans le cadre de ces débats budgétaires, cela depuis des années: il manque des postes au département du territoire dans ce service LDTR, pour le contrôle des chantiers et des loyers. Le résultat est immédiat: certaines règles sont détournées, des loyers excèdent les loyers autorisés dans le cadre de l'application de la LDTR. Les loyers augmentent, notamment au centre-ville, et un phénomène de gentrification s'ensuit qui exclut des centres urbains nombre de personnes ainsi que certaines catégories de la population. Pour contrer ce phénomène, le groupe socialiste a déposé un amendement proposant d'ajouter 300 000 F au budget du service LDTR pour augmenter le nombre de postes dévolus à cette tâche de contrôle. Il s'agissait d'un amendement modeste qui, malheureusement, n'a pas rallié une majorité. Nous le regrettons, mais nous continuerons à être extrêmement attentifs à ce problème au cours des prochaines années et lors de l'examen des prochains budgets. (Applaudissements.)

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste soutiendra cette politique publique. Il tient à rappeler ici que l'aménagement se développe sur un temps long et que nombre de projets ont été lancés par des prédécesseurs du conseiller d'Etat Hodgers, qu'ils soient de gauche ou de droite. D'autres projets l'ont été par lui. Il est important pour le groupe socialiste de rappeler que cette politique publique doit générer des efforts conjoints sur le temps long pour aboutir.

De la même manière, le groupe socialiste relève qu'au nom du plan directeur, il est prévu que l'aménagement soit conçu en vue d'un développement multipolaire. Il est important de souligner que cela pourra se faire si l'on reconnaît que le territoire ne se transforme plus exclusivement dans l'hypercentre mais qu'on prend en compte divers lieux de développement de notre canton et, bien plus, de la région. Il y a aujourd'hui plusieurs centres, on peut citer le développement de la commune de Bernex. Nous devons changer de perspectives et regarder le territoire à cette échelle pour appuyer des projets conjoints.

Le deuxième élément tient à la politique des espaces verts et de la mise en réseau de ces mêmes espaces, comme l'a relevé mon collègue Vert. Il est important de pouvoir relier les divers espaces de notre territoire. Les relier, c'est aussi travailler sur le vide qui doit se développer avec autant d'intelligence que le plein. Ces espaces publics feront la qualité de notre ville, comme de l'ensemble de notre territoire et de la région. Un point manque peut-être, celui du financement de ces espaces: je rappelle que, par la voix de notre ancienne collègue Geneviève Guinand Maitre, le groupe socialiste avait en son temps déposé un excellent texte sur les espaces publics qui n'avait pas été voté par ce Grand Conseil. Aujourd'hui, on voit dans le temps combien il est important d'avoir ce type de projets pour structurer ces espaces. Le groupe socialiste appuiera tous les efforts qui refusent le mitage du territoire et visent à occuper le sol de manière rationnelle. Cela touche évidemment les aspects de la concertation: oui, il faut concerter, mais il faut le faire dans un cadre donné et, pour le groupe socialiste, il est hors de question de faire baisser la qualité des projets et de réduire leur densité pour permettre le développement de l'ensemble de l'agglomération.

Je terminerai en disant que ces efforts en faveur de l'intérêt général ne pourront être réalisés que si on ne prend pas en otage les projets au nom d'un combat contre le conseiller d'Etat ou contre d'autres intérêts, qu'ils soient publics ou privés. Les efforts doivent être conjoints si nous voulons un aménagement cohérent du territoire. En cela, le Conseil d'Etat peut être assuré de notre soutien. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame. J'en profite pour signaler la présence au fond de la salle de M. Houlin Zhao, secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications. (Applaudissements.) Nous continuons, la parole est à M. Daniel Sormanni.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutiendra cette politique du logement et de l'aménagement du Conseil d'Etat. Je pense en effet qu'il est important de continuer à construire des logements - des logements pour la classe moyenne. Nous avons absolument besoin que la classe moyenne reste habiter à Genève au lieu de partir dans le canton de Vaud ou dans la région frontalière. Je pense que c'est très important; la classe moyenne a été l'oubliée de ces dix dernières années.

Il faut aussi mettre l'accent maintenant sur cette catégorie de logements, sans oublier les autres qui restent aussi prioritaires, bien entendu. Genève a fait depuis quelques années un effort considérable dans la construction de ces nouveaux logements: plusieurs milliers sont terminés chaque année. On va dans la bonne direction, mais il faut le faire d'une manière raisonnable et raisonnée en protégeant la zone agricole.

Je crois aussi qu'il est temps de remettre sur le tapis la discussion sur la répartition des logements. A priori, la répartition un tiers-un tiers-un tiers proposée par le Conseil d'Etat mérite notre attention; il y a peut-être des aménagements à y apporter, mais je crois qu'il faudra que ce projet soit traité dès le début de l'année 2019 par la commission du logement afin de favoriser fortement la classe moyenne pour éviter son exode en France voisine. Le MCG soutiendra donc cette politique publique.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ma demande et ma remarque ne concernent pas tant le logement que l'aménagement du territoire, notamment pour les installations sportives. Ces dernières années, ces dernières décennies même, je constate que nous avons créé de nouveaux terrains de football. Ce sont des installations nécessaires qui reçoivent tout mon soutien, mais elles bénéficient principalement à notre population masculine, aux garçons et aux hommes adultes. Je pense qu'il est temps de redonner un peu de place dans ces dépenses d'investissement à des besoins plus féminins, pour certains sports qui ont pour l'instant été entièrement négligés, selon moi. J'aimerais à l'avenir voir plus d'efforts en faveur d'autres installations sportives, moins gourmandes en terrains mais tout aussi nécessaires.

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Monsieur le président, je tiens juste à rectifier un peu l'image présentée en particulier par mon préopinant d'Ensemble à Gauche, M. Pablo Cruchon. Il n'y a pas 8500 personnes à la rue recherchant un logement: parmi les 8500 personnes inscrites à l'OCLPF, beaucoup sont actuellement déjà logées.

Il y a aussi une idéalisation de l'Etat par rapport au privé et une diabolisation des privés: tous les privés ne sont pas mauvais et n'ont pas pour but de faire de la spéculation immobilière sur le dos des locataires. Il est important de se rendre compte que l'Etat est composé également de personnes qui, parfois, peuvent favoriser leurs amis pour trouver des logements et mal gérer leurs affaires. Je tenais à rectifier cette donnée.

Le président. Merci, Madame. La parole est maintenant à... (Remarque.) Ah, d'accord. Mesdames et Messieurs, je suspends momentanément le débat, parce que M. Zhao, secrétaire général de l'UIT, souhaite nous dire quelques mots. J'avais proposé qu'il le fasse après le vote de cette politique publique, mais il a peu de temps. Monsieur Zhao, je vous laisse prendre le micro qui se trouve à ma droite.

M. Houlin Zhao, secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications. Monsieur le président, chers députés, c'est un grand plaisir pour moi de m'adresser à vous dans la salle Popov de l'UIT. Je n'ai malheureusement pas préparé de discours, parce que je ne pensais pas vous arrêter maintenant, alors je vais juste vous délivrer un court message.

Je me suis installé à Genève en 1986, ça fait déjà trente-deux ans. Mais ma première visite ici remonte à 1979, je venais avec des délégués chinois pour une grande conférence, c'était il y a longtemps. Depuis, j'ai appris le français, mais je ne suis pas encore très bon. Heureusement, je peux quand même vous dire quelques mots !

Cette salle est la plus ancienne de l'UIT. On l'a rénovée il y a une dizaine d'années et on a installé un nouveau système informatique, mais on n'utilise jamais le vote. Je note que votre Conseil utilise souvent le vote, donc c'est à vous de nous dire si le système vous convient ou non... (Rires.) S'il faut apporter des améliorations, on le fera pour votre prochaine session. En tout cas, nous sommes très contents de vous accueillir dans notre salle de réunion, c'est un grand honneur de pouvoir aider votre parlement.

L'UIT, comme vous le savez, est une organisation très âgée. Elle a déjà cent cinquante-trois ans, c'est la plus ancienne des agences de l'ONU. En même temps, on reste les petits jeunes dans la famille de l'ONU, parce qu'on a toujours travaillé avec les nouvelles technologies. Par exemple, le secrétaire général de l'ONU m'a demandé de diriger les discussions sur l'intelligence artificielle. Notre organisation est basée en Suisse depuis des années: de 1865 à 1948 à Berne, puis dès 1949 à Genève. Depuis notre déménagement ici, nous avons toujours bénéficié d'un grand soutien de la part du canton et de la Ville de Genève, et nous vous sommes très reconnaissants pour l'hospitalité suisse.

En 2013, il a été question de déplacer notre bureau ailleurs, mais la majorité d'entre nous a préféré rester ici. En effet, Genève nous offre beaucoup d'avantages, les délégués trouvent que c'est facile de venir ici, parce que c'est une ville neutre, il n'y a pas de problèmes pour obtenir un visa, pour organiser les voyages, donc on préfère rester ici. En 2015, quand j'ai repris la fonction de secrétaire général, j'ai très vite stoppé les discussions sur un éventuel déménagement, j'ai dit non. Pour moi, les choses sont claires: on reste à Genève, c'est l'avis de la majorité de notre famille. Aujourd'hui, nous sommes très contents, parce que le gouvernement suisse nous octroie 150 millions pour rénover notre bâtiment de Varembé. Dans quelques années, si vous en avez encore besoin, vous pourrez profiter d'une nouvelle salle de réunion, bien plus moderne que celle-ci ! Je suis très heureux qu'on reste ici et qu'on puisse continuer à compter sur votre soutien.

Récemment, à Dubaï - c'était le 1er novembre - j'ai été réélu secrétaire général pour les quatre prochaines années, donc je reste encore au minimum quatre ans à l'UIT, quatre ans pendant lesquels on pourra continuer à développer l'amitié entre l'UIT et le canton de Genève. Je ne connais pas beaucoup d'entre vous, mais j'ai quand même identifié quelques personnes dans la salle, comme le maire de Genève et votre président précédent qui a signé le contrat avec l'UIT. Pour les autres, on s'est peut-être déjà croisés dans la rue ou dans les magasins. En tout cas, chers députés, c'est un grand plaisir de vous recevoir ici. Vous êtes très importants pour Genève, nous comptons sur vous pour le futur de Genève, mais aussi pour l'avenir des agences de l'ONU à Genève.

Je vais m'arrêter là, car je ne voudrais pas vous déranger dans votre séance. C'était un grand honneur de m'adresser à vous. Bienvenue chez nous, et si vous avez quelque chose à nous suggérer, n'hésitez pas à me contacter. Nous sommes très contents de travailler avec vous. Merci beaucoup, je vous souhaite une bonne séance ! (Vifs applaudissements. Les députés se lèvent, de même que les conseillers d'Etat et les personnes dans la salle.)

Le président. Merci beaucoup, Monsieur Zhao. Chers collègues, nous poursuivons nos travaux. Je propose que nous fassions la pause lorsque nous aurons terminé cette politique publique G «Aménagement et logement». Dans l'intervalle, je passe la parole à M. le député Pablo Cruchon.

M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à Mme la députée Barbier-Mueller que je suis désolé si je me suis mal fait comprendre. Je n'ai pas parlé de 8500 personnes à la rue, mais de 8500 personnes inscrites en attente d'un logement social. Il y a en plus des personnes qui sont à la rue et des personnes qui logent dans des centres.

Deuxièmement, je profite d'avoir la parole pour dire deux mots sur cette fameuse classe moyenne invoquée à tort et à travers. J'aimerais bien une fois avoir une explication autre que purement fantaisiste sur ce qu'est la classe moyenne ! On voit des personnes travaillant à 100% avec des salaires à moins de 4000 F à Genève, ou des ménages avec deux salaires cumulés n'arrivant pas à plus de 6000 F. Je ne vois pas en quoi ces personnes-là font partie de la classe moyenne ! Je m'excuse, quand on gagne 4000 F ou 3800 F par mois, on n'appartient pas à la classe moyenne ! Malheureusement, à Genève, avec de tels salaires, on fait partie des classes défavorisées. Cette classe moyenne plus ou moins fantasmée, dans laquelle tout le monde se reconnaît, est à mon avis une construction de l'esprit et ce sont des HBM et des HLM qu'on doit construire en priorité. Le reste suivra ! (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Les personnes inscrites à l'office social du logement sont au nombre de 8000 et seules 1500 personnes ou familles sont soit dans une situation urgente soit dans une situation précaire. Il faut également relever que, dans le parc actuel de LUP sociaux, 1500 à 1800 logements environ se libèrent chaque année. On ne peut donc pas dire que la crise est uniquement due à un manque de logements. La crise est également due à une mauvaise gestion et à un mauvais entretien dans le cadre de cette politique publique.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Juste pour répondre à mon collègue d'Ensemble à Gauche qui pense que la classe moyenne est un fantasme, pour une famille de deux adultes avec deux enfants de moins de 14 ans, le seuil se situe à 8200 F par mois. Avoir 8200 F de salaire par mois pour deux adultes avec deux enfants, ça vous paraît peut-être déraisonnable. En l'occurrence, quand on doit payer un loyer, qu'on paie à peu près 15 000 F d'impôts et des primes d'assurance-maladie tous les mois, on n'est pas riche ! Donc, la classe moyenne existe ! Ce sont tous ces gens qui ne touchent aucune aide parce qu'ils sont hors barèmes, mais ce sont aussi tous ces gens qui paient plein pot pour le reste. Il ne faut surtout pas nier leur existence: au contraire, ce serait une insulte ! (Applaudissements.)

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. On ne peut pas laisser dire ce que l'UDC a avancé tout à l'heure: elle nie la crise du logement, elle explique que les personnes en attente d'un appartement auprès de l'office du logement ou des fondations immobilières de droit public n'en ont en réalité pas besoin. Nier cette légitimité est quelque chose d'absurde ! Les attentes en matière de logement à Genève ne sont évidemment pas les mêmes qu'en Ukraine, il faut l'admettre, mais ce n'est pas pour autant qu'elles ne sont pas légitimes. Avoir un logement ne signifie pas simplement avoir un toit sur sa tête, mais disposer d'une certaine qualité et d'un certain niveau de vie. Evidemment, à Genève, c'est ça qu'il faut viser, ce n'est pas d'avoir une tente sur le trottoir ! De ce point de vue, vous me permettrez de jeter du poil à gratter sur le département: beaucoup de travail a été accompli, on l'en remercie, d'autres l'ont fait et je m'y associe, mais il y a quand même quelques aspects qui méritent une réflexion ou en tout cas une attention à l'avenir.

Le premier est la redéfinition des prix de sortie qui apparaît dans le cadre des débats menés au sein de la commission des finances, notamment en sous-commission. C'est quelque chose d'assez préoccupant: pourquoi ? Aujourd'hui, dans les mécanismes de contrôle disponibles en zone de développement, les plans financiers constituent l'élément essentiel. Ces plans financiers ont un avantage indéniable par rapport à la transparence: ils montrent réellement les coûts de construction, quels sont les postes que le loyer rémunère. Supprimer ce mécanisme ou laisser une marge de manoeuvre un peu plus importante supprimerait cette transparence et entraînerait aussi plus facilement une spirale à la hausse des loyers contrôlés en zone de développement. Ce n'est pas souhaitable ! Ce qui dérange dans les plans financiers, c'est le fait qu'on voie le bénéfice de promotion. Or, je pense qu'il y a une marge de manoeuvre pour diminuer le bénéfice de promotion dans le contexte actuel et j'incite vivement le département à en user.

Un autre aspect concerne une remarque de notre collègue Cruchon sur le manque de contrôles LDTR: c'est même un peu plus grave que ça ! Certes, il n'y a pas de contrôles LDTR liés aux travaux sans autorisations, mais il y a des difficultés même dans le traitement des dénonciations: plusieurs centaines de dossiers sont en attente ! Ces mécanismes de protection ne sont pas une coquetterie, ils ont un impact direct sur le loyer des locataires en place ainsi que sur les loyers futurs. C'est donc absolument essentiel et M. Pfeffer a rappelé tout à l'heure que des hausses de loyer substantielles survenaient lors du changement de locataire. Il y a aussi des hausses de loyer importantes lorsque des travaux de rénovation sont effectués - et parfois les deux coïncident ! Je pense que rendre ces mécanismes de contrôle effectifs est absolument capital.

On n'a pas parlé du dernier aspect, mais je crois que ça devra être un des chevaux de bataille pour la suite de cette législature: les évacuations judiciaires. Celles-ci continuent à Genève, et elles sont nombreuses ! Un travail assez important avait été effectué par M. Longchamp, à l'époque, avec la constitution d'un groupe de travail qui avait identifié les besoins et apporté une réponse; ce travail doit être refait aujourd'hui. Il faut que les paramètres soient réadaptés pour éviter que des personnes se retrouvent à la rue ou dans des situations d'extrême précarité, à devoir loger dans leur voiture, dans les abris PC, à l'hôtel ou chez des proches, sur le canapé. J'incite vivement le Conseil d'Etat à remettre cet ouvrage sur le métier. (Applaudissements.)

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Genève est le canton qui dépense le plus d'argent public pour le logement; Genève est le canton pourvu des lois les plus protectrices s'agissant du logement et des constructions; Genève est le canton qui fixe le plus de contraintes pour la construction de logements; Genève est le canton qui produit les logements les plus chers. Ça, c'est la réalité !

J'ai entendu mon collègue Dandrès faire l'apologie de la transparence des plans financiers et critiquer le principe d'un objectif de loyer. En réalité, aujourd'hui, le principe de la transparence prime sur le principe d'un loyer raisonnable. La marge de promotion n'est pas le bénéfice de promotion, il faut distinguer les deux choses. La promotion et la construction de logements ou de tout autre bâtiment sont des activités qui doivent être rémunérées, comme d'autres... (Commentaires.) Je ne vous ai pas interrompu ! (Brouhaha.) Monsieur le président ?

Le président. Oui, continuez, Monsieur le député !

M. Cyril Aellen. Les plans financiers tels qu'ils sont établis et la façon dont ils sont faits conduisent inévitablement à des loyers extrêmement onéreux. Remettre le critère de l'objectif, le critère du prix final, dans le cadre de la construction paraît l'élément essentiel et indispensable si l'on veut pouvoir contenir les prix de façon raisonnable.

Quand j'entends dire qu'il y a ou qu'il n'y a pas de crise du logement, ce n'est en réalité pas tout à fait poser la bonne question. La vérité, c'est qu'on doit poser les questions différemment. Aujourd'hui, il y a une croissance intrinsèque de notre canton correspondant à 600-800 logements et il y a une croissance extrinsèque qui vient du solde net de l'immigration dans notre canton et qui nécessite des logements supplémentaires. La question de la crise du logement n'est rien d'autre que celle de l'équilibre de cette situation, l'équilibre de l'offre et de la demande. C'est de cette façon qu'on doit poser la question pour déterminer comment on veut construire ainsi que le nombre de logements qu'on veut construire.

Enfin, quelques mots quand même sur l'amendement qui vous est proposé par le PLR - et qu'il dépose depuis cinq ou six ans - pour dénoncer une holding opaque, mais pas tout à fait, dans un souci de transparence de subvention. On a connu la carte de crédit pour les amis à la Ville de Genève, mais là, c'est le vote du crédit pour les amis ! C'est le Grand Conseil qui décide de verser une subvention à une partie d'entre eux, à savoir les partis politiques qui créent cette holding pour faire de la politique avec des syndicats et deux autres organismes. Ils disent: voilà, nous avons créé une holding et nous en sommes membres. Il s'agit des Verts, des socialistes et du parti du Travail. Ils disent souhaiter obtenir une subvention pour effectuer leur travail politique en plus de la subvention qui leur est octroyée en tant que partis politiques par ce Grand Conseil. Il se trouve qu'ils sont majoritaires et ils s'octroient donc ce crédit pour mener à bien la politique qui est la leur. «Rassemblement pour une politique sociale du logement», ce n'est que le titre ! Si vous allez sur le site internet, vous verrez qu'ils font aussi des tracts pour leurs conseillers d'Etat; ils font des classements pour qu'on vote pour leurs propres députés. Ils travaillent pour eux-mêmes et cette manière de faire est tout à fait scandaleuse ! Une année, nous avions réussi à faire en sorte que ce scandale cesse. L'année d'après, immédiatement, le Conseil d'Etat a décidé de les réintégrer dans son budget. Il est évident que c'est pour lui un avantage de pouvoir négocier avec certains partenaires: il les finance pour les rendre dépendants et il peut ensuite s'arranger avec eux. Il y a aujourd'hui un partenaire qu'on paie et d'autres avec lesquels on discute ! Le RPSL fait partie des partenaires qu'on paie et vous verrez aujourd'hui que ceux qui sont membres du RPSL seront ceux qui, pour l'essentiel, voteront le crédit qui leur revient ! (Applaudissements.)

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de première minorité. Je voudrais juste réagir à l'explication fournie sur les loyers raisonnables et sur les prix de sortie. M. Aellen a indiqué que les prix de sortie sont fixés légèrement en dessous de ceux du marché, mais le marché répond d'abord à la demande la plus solvable, à savoir la demande de ceux qui ont les revenus les plus élevés. C'est logique si le but est d'avoir un rendement maximum. Le problème est que cela exclut les autres - et les autres, c'est l'essentiel de la population !

Pour compenser ça, on a deux solutions. Soit on joue sur l'équilibre entre l'offre et la demande, mais, pour ça, vous devez bétonner la Champagne et il faudra peut-être trouver 40 ou 50 milliards de francs pour arriver à un taux de vacance suffisant. Je ne sais pas qui va investir ce montant ! C'est une absurdité, à la fois écologique, sociétale et économique ! Dans un contexte comme celui-là, même les économistes les plus libéraux - même les économistes classiques du XIXe siècle - considèrent que ce n'est pas la bonne solution en matière d'aménagement du territoire. On doit en prendre acte, c'est une réalité scientifique qu'on ne peut évidemment pas remettre en cause. Le mécanisme de contrôle prévu par l'Etat permet de limiter quelque peu les coûts grâce aux plans financiers pour qu'il n'y ait plus de ségrégation en matière d'accès au logement à Genève. Ce mécanisme avait d'ailleurs été mis en place par le parti radical qui avait une approche à mon avis intelligente sur cette thématique en 1957 - ça s'est un peu perdu depuis lors. Ce mécanisme, il faut le renforcer pour l'adapter à la situation de pénurie et de crise importantes que le canton connaît aujourd'hui.

Je voulais cingler une volonté de toujours: car ça fait des années, bien avant M. Hodgers, qu'il y avait une volonté de lâcher du lest, en quelque sorte, avec différentes motivations, la volonté de construire plus, celle de construire mieux, aujourd'hui; mais je pense qu'il est possible de construire mieux avec les plans financiers et en touchant le cas échéant à certaines marges relatives à l'accès au sol ou au bénéfice de promotion, qui ne sont pas la loi des Douze Tables qu'il faudrait vénérer au sein de ce parlement comme ailleurs !

Le président. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'un amendement du PLR dont a parlé tout à l'heure M. Aellen. L'amendement porte sur le programme G01 «Logement et planification foncière», nature 36 «Charges de transfert», «Subventions à des collectivités et à des tiers - Rassemblement pour une politique sociale du logement»: -49 005 F (charges).

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 43 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat au programme G02 «Aménagement du territoire et conformité des constructions et des chantiers», nature 30 «Charges de personnel»: +150 000 F (charges).

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 51 oui contre 39 non et 2 abstentions.

Le président. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons résumer les enjeux de cette politique publique en trois points: d'abord, la quantité; ensuite, la diversité sociale résultant de la construction; enfin, la qualité dans la manière de réaliser les logements et de créer des quartiers autour des nouveaux logements.

A propos de la quantité, je crois que le député Aellen a brièvement mis le doigt sur un des enjeux majeurs en expliquant la nécessité de construire autant. Dans une perspective purement «cantonaliste», pour ne pas dire nationaliste, en considérant notre natalité, nous n'aurions pas besoin de construire autant de logements. L'essentiel du volume - les deux tiers en gros - est lié à un phénomène migratoire. C'est une thèse bien connue et qu'on entend d'ailleurs plus souvent à l'UDC qu'au PLR. Allez jusqu'au bout du raisonnement ! Pourquoi y a-t-il une telle migration ? Parce que nous avons un développement économique extrêmement soutenu. Je souligne à nouveau la contradiction fondamentale des gens comme M. Aellen qui, d'un côté, disent qu'il faut développer l'économie, qu'il faut être attractif fiscalement, qu'il faut créer une dynamique de croissance économique et que c'est cela le sens de la prospérité, mais qui, d'un autre côté, n'acceptent pas d'assumer une des premières conséquences de cette prospérité économique, l'évolution démographique. M. Pfeffer est exactement dans la même contradiction: il se plaint de la construction à Genève en disant qu'il faut construire moins, qu'il faut bloquer les constructions et qu'il faut protéger les zones agricoles. Je partage son point de vue sur ce dernier aspect, mais son parti défend également une vision économique extrêmement expansive. Le résultat, en suivant ces personnes contradictoires, c'est l'explosion du nombre de frontaliers ! Chaque logement qui n'est pas construit sur notre territoire est un logement construit au-delà de nos frontières !

A un moment, il faudra assumer ce qui est arrivé ces vingt dernières années ! Qu'est-ce qu'on a fait durant ce temps ? On a peu construit ! Et quelle est la conséquence aujourd'hui ? Nous en sommes à 130 000 frontaliers, c'est-à-dire des personnes que l'on emploie ici mais qui n'habitent pas sur notre territoire. Quatre actifs sur dix à Genève n'habitent pas sur le territoire genevois ! C'est un «maldéveloppement», c'est de l'étalement sur les surfaces, notamment sur les surfaces vertes. Il y a des bouchons à n'en plus finir, les transports publics sont bondés, on subit des pertes fiscales, des pertes pour l'économie locale, parce que les gens dépensent leur salaire de l'autre côté de la frontière. Tout ça est un «maldéveloppement» et j'appelle ceux qui critiquent aujourd'hui la quantité - c'est-à-dire les objectifs quantitatifs en matière de constructions de logements - à ajuster leur discours en matière d'économie, sans quoi ils se montrent incohérents.

La quantité est au rendez-vous, Mesdames et Messieurs les députés ! En cette fin d'année, pour la première fois depuis vingt ans, nous allons annoncer que l'objectif de 2500 logements construits est atteint. Ça y est, Genève répond à ses engagements dans le cadre du projet d'agglomération de construire 2500 logements ! Ce qui vient après, ce sont des chiffres encore plus importants. Donc, nous avons aujourd'hui un boom dans la construction qu'on n'avait plus connu depuis les années 70. Ce n'est pas de la construction usuelle, nous sommes à un moment de forte croissance urbaine avec tous les effets négatifs et les corollaires que nous devons juguler.

J'en viens à la question de la diversité. Quels sont ces logements ? Ces dix dernières années, sur l'ensemble des logements construits, 50% ont été destinés à la propriété individuelle - villas et PPE - et 33% au logement social. C'est un chiffre important. En réalité, à Genève, nous n'avons heureusement pas une majorité de gens modestes. Nous avons majoritairement une classe moyenne, mais seulement 17% de logements locatifs non subventionnés. Mme Bachmann a parfaitement raison de souligner que cette classe moyenne existe; nous l'avons définie statistiquement. Il s'agit de considérer le salaire médian des ménages, qui se situe à 8600 F, un peu plus que le montant évoqué précédemment. C'est un choix statistique, on a considéré que les gens qui gagnent entre 70% et 150% de ce salaire médian constituent la classe moyenne. Or, ces gens-là n'arrivent pas à accéder aux logements subventionnés, sauf peut-être les familles plus nombreuses. Ils ne parviennent pas non plus à accéder à la propriété; ce n'est pas qu'ils ne le souhaitent pas, mais ils n'ont généralement pas suffisamment de fonds propres ou en tout cas pas les reins assez solides pour répondre aux obligations bancaires en matière de prêts. Ils n'ont obtenu que 17% des logements construits ces dix dernières années. Là, il y a un effort à faire ! Le Conseil d'Etat ne souhaite pas construire plus de logements sociaux que ce qu'il a fait: un tiers, c'est bien et c'est suffisant. Il faut peut-être revoir les modalités de ces logements, on peut faire mieux, mais pour la quantité, l'objectif n'est pas d'augmenter le pourcentage. En nombre absolu, on n'a jamais construit autant de logements sociaux que ces dernières années. Par contre, il est nécessaire de renforcer ces 17%, cette classe moyenne qui est la première à partir du côté de la France voisine ou dans le canton de Vaud. Voilà pour les objectifs !

Un des outils pour atteindre l'objectif d'accroissement du nombre de logements destinés à la classe moyenne est la promotion des coopératives d'habitation qui construisent des logements non subventionnés, mais à prix régulés - entre guillemets, «à prix corrects». Monsieur Cruchon, il s'agit d'une politique foncière qui est montée en puissance ces dernières années par le biais de la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l'habitat coopératif qui conduit son activité depuis dix ans, depuis les accords sur le logement, et permet aussi de construire du logement social.

Les enjeux du contrôle LDTR concernent toujours la question de la diversité. Mesdames et Messieurs, il est vrai que l'action de la cellule LDTR a été faible ces dernières années. Quand j'ai repris le département, il y a cinq ans, la cellule comptait quatre ETP et était tellement démembrée qu'en réalité une seule personne travaillait. Il a fallu toutes ces années pour remettre les équipes à flot: aujourd'hui, nous avons cinq personnes et la capacité existe enfin de mettre en oeuvre le contrôle qui correspond à la base légale de la LDTR. J'accepte la critique pour ces dernières années: l'Etat a été faible dans le contrôle LDTR, mais, aujourd'hui, il est en mesure de dérouler un plan beaucoup plus efficace.

L'aspect qualitatif est peut-être la priorité de cette législature. La quantité est là et elle amène des enjeux difficiles. Ce n'est pas toujours simple de voir de nouveaux quartiers construits. La qualité doit donc être la condition sine qua non de cette quantité. La qualité, ce sont les espaces urbains, c'est la lutte contre les îlots de chaleur, c'est la nature en ville, c'est la diversité des infrastructures publiques. Ces infrastructures sont souvent communales: les communes ont un rôle clé à jouer dans l'avènement de ces nouveaux quartiers. Ce sont les communes qui bâtissent les crèches, ce sont elles qui créent les clubs pour les aînés, ce sont elles qui aménagent les places publiques, en général. Ce sont elles encore qui s'occupent des équipements sportifs et culturels. Ceci me semble fondamental: je préfère renoncer à construire si ce n'est pas avec de la qualité. C'est dans ce sens que le département a revu la logique des prix de sortie, mais il ne l'a pas fait de manière opaque, il l'a fait en intégrant une variable. Jusqu'alors, le prix de sortie donné au promoteur était toujours le même. Et quel est l'effet pervers d'un prix unique ? C'est que le promoteur va faire un immeuble de qualité moindre pour obtenir une marge maximale ! Il y a donc un effet pervers. Or, avec cette réforme, nous donnons des points en plus aux promoteurs - qu'ils soient publics ou privés - qui proposent une qualité meilleure.

Cette qualité est objectivée par le biais d'une grille de points validée au niveau fédéral et suivie par la commission de l'architecture. Cette commission attribue des points au projet, qu'on peut défendre et justifier; on peut expliquer pourquoi certains immeubles ont reçu plus de points qualitatifs, qui permettent dès lors des prix de sortie plus élevés. Monsieur Dandrès, je préfère avoir un logement HBM qui coûte peut-être 10 F ou 20 F par mois plus cher aux locataires, mais dont la qualité d'ensemble est meilleure, avec beaucoup plus d'élégance, avec un balcon, avec des pièces légèrement plus grandes. Il ne faut pas que des immeubles soient perçus comme des logements sociaux dès leur construction: c'est la pire des stigmatisations ! L'objectif - un peu idéaliste, il est vrai - est qu'on ne sache pas lequel est l'immeuble social et lequel est l'immeuble non subventionné lorsqu'on se balade dans un quartier. Cela a quand même un coût, mais je pense que ce coût est bien investi, y compris pour les personnes modestes qui vont vivre dans ces logements.

Mesdames et Messieurs, j'espère avoir répondu à l'ensemble des questions qui ont été posées. Une dernière réponse au PDC: Monsieur Lance, il est vrai que la politique publique G a demandé cette année passablement de postes. Vous le savez, elle est l'une des rares à avoir diminué en francs absolus durant la dernière législature: le DALE coûtait moins cher en 2018 qu'en 2013. Aujourd'hui, on fait face à une augmentation des autorisations de construire de 30% ou 40%. On fait face aussi à une augmentation des plans financiers parce que, pour une autorisation, ce n'est pas que l'office des autorisations de construire qui entre en jeu, mais aussi l'office du logement, qui doit fournir des plans financiers. Il est aussi nécessaire de sortir des blocages relatifs au patrimoine, d'avoir une vision du patrimoine et de ne pas intervenir juste au dernier moment lors de recours. Il faut qu'on puisse cartographier cela. Les contrôles sont nécessaires, notamment LDTR, mais aussi en zone agricole où il y a énormément de violations de la loi sur l'aménagement. Pour faire face à tout cela et considérant les volumes beaucoup plus importants que nous avons à gérer, nous avons effectivement demandé cette dizaine de postes supplémentaires qui sont, comme vous l'avez dit, autofinancés par des émoluments liés à ces politiques publiques. Ils ne vont donc pas toucher le porte-monnaie des contribuables. J'espère me satisfaire de cela pour la durée de la législature; il n'y a pas de logique d'escalier, il s'agit vraiment de renforcer le personnel à un moment donné, au début de la législature, pour faire le travail qu'on doit faire. Vous me savez attaché à cela, je serai très attentif à éviter des évolutions trop importantes des ETP. Mesdames et Messieurs, merci d'adopter cette politique publique. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie et mets aux voix la politique publique G.

Mise aux voix, la politique publique G «Aménagement et logement» ainsi amendée est adoptée par 50 oui contre 33 non et 11 abstentions.

Cinquième partie des débats sur le budget 2019 (fin du 2e débat et 3e débat): Séance du vendredi 14 décembre 2018 à 10h15