République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2321-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Nathalie Fontanet, Jean Romain, Patrick Saudan, Raymond Wicky, Murat Julian Alder, Simone de Montmollin, Antoine Barde, Bénédicte Montant, Christophe Aumeunier, Michel Ducret, Pierre Ronget, Alexis Barbey, Magali Orsini, Jean-François Girardet, Jean-Marie Voumard, Florian Gander, Daniel Sormanni, Pascal Spuhler, Jean-Marc Guinchard, Jean-Luc Forni, Danièle Magnin, Béatrice Hirsch, Bertrand Buchs, Christian Flury, Geneviève Arnold, Marie-Thérèse Engelberts pour une prise en charge de qualité et harmonisée au niveau cantonal des cas de harcèlement scolaire

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle à présent la M 2321-B et je passe la parole à Mme Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci, Monsieur le président. Les auteurs de cette motion sont déçus de la réponse du Conseil d'Etat, pour plusieurs raisons. La première, c'est que tous les éléments rapportés dans cette réponse étaient déjà connus au moment du dépôt de cette motion en mars 2016. Les deux invites de cette motion telle qu'adoptée à l'unanimité de la commission demandaient deux choses: d'une part qu'une responsabilité soit confiée à des personnes de la direction générale, afin que l'on traite de façon équitable l'ensemble des cas d'enfants victimes de harcèlement dans les différents établissements et surtout qu'il n'existe plus de différence de traitement au gré des divers établissements, et d'autre part qu'il y ait une formation accélérée, de manière que le programme mis en place par Mme Emery-Torracinta - qui a été remerciée d'avoir instauré ce programme, car c'est une très bonne chose - soit précisément accéléré. Or que nous dit la réponse ? Eh bien notamment que les directions de chacun des établissements restent en charge de la gestion de ces cas de harcèlement. Cela ne nous convient pas, parce qu'à chaque direction sa manière de traiter ! Ce d'autant, Monsieur le président, que la mise en place de ce protocole - respectivement la formation des établissements - n'est de loin pas finie, puisqu'en juin 2017 seul un tiers d'entre eux aura été formé. Ce qui signifie que deux tiers de nos établissements scolaires continuent à faire ce qui se pratiquait jusqu'à présent, à savoir que chacun des établissements effectue comme il l'entend - comme il le peut, parce que je ne pense pas qu'il y ait de malice là derrière - la gestion de ces cas extrêmement pénibles et difficiles pour les enfants qui en sont victimes.

En conséquence, Monsieur le président, le groupe PLR souhaite renvoyer au Conseil d'Etat son rapport sur cette motion, pour lui demander de faire un effort supplémentaire. Il en va de l'avenir de nos enfants, parce que lorsqu'on est victime de harcèlement scolaire, il est extrêmement difficile de s'en remettre, et les premiers moments, l'intervention, la détection par les établissements scolaires, respectivement la gestion telle qu'elle est organisée, telle qu'elle doit être organisée et surveillée par la direction générale, tout cela est primordial. Merci, Monsieur le président.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire deux choses. Je prends note des arguments du PLR et de son courroux, son insatisfaction, sa déception... (Commentaires.) ...mais j'invite quand même la droite à lire ce rapport et à se rappeler - parce qu'elle le sait pertinemment - que si ce déploiement, cette formation, cette lutte contre le harcèlement sont si peu satisfaisants, c'est aussi par manque de moyens. En effet, cela se fait sur trois ans - alors que cela aurait pu être effectué en une année - et en soustrayant des moyens, notamment au service de santé de l'enfance et de la jeunesse, c'est-à-dire en affectant des infirmières, par exemple, à ces tâches de formation sur le harcèlement, alors qu'elles seraient utiles dans les écoles et qu'elles manquent déjà cruellement, puisque ces postes font défaut. J'incite donc la droite à être un peu plus cohérente par la suite dans ses votes sur les moyens. (Brouhaha.)

Deuxièmement, j'aimerais quand même dire au département que je l'invite à réaliser une évaluation sérieuse de cette formation, parce que les retours qui viennent du terrain, Madame la conseillère d'Etat - je suis désolé de le dire ainsi - sont assez catastrophiques. On soustrait donc des moyens et de surcroît ce n'est pas satisfaisant du tout, à tout point de vue. Je ne soutiendrai pas forcément le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport, mais je pense simplement qu'il faut prendre note de mes propos, des propos d'Ensemble à Gauche, et être un peu plus cohérent à l'avenir. Merci.

Mme Isabelle Brunier (S). Je pense que Mme Emery-Torracinta va répondre point par point, et elle le fera certainement très bien, mais j'aimerais quand même dire, en tant que membre de la commission de l'enseignement depuis maintenant trois ans et demi, que j'observe qu'il y a effectivement une forme de harcèlement de la part du PLR à l'égard de la conseillère d'Etat socialiste. Le nombre de motions et de textes déposés ainsi que de remarques formulées pendant ces trois ans et demi est impressionnant, et il est assez pénible de l'observer, d'une manière relativement neutre, parce que même si je suis socialiste, je ne suis pas particulièrement la défenseuse de la conseillère d'Etat. Mais là, vraiment, ça devient une forme de harcèlement ! (Brouhaha.) Je voulais attirer votre attention sur ce point. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien !

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je suis un peu étonné de la réaction du PLR, parce que d'habitude c'est un parti qui met en avant la responsabilité individuelle, la prise de responsabilité, justement, et la décentralisation. Il faut être conscient, et je le sais pour l'avoir vécu professionnellement, que chaque cas de harcèlement est un cas individuel et particulier, avec des spécificités liées au terrain et à l'endroit où il a lieu. Il faut aussi savoir qu'on ne traite pas le harcèlement sexuel s'agissant d'élèves du cycle comme on traiterait une infraction pénale s'agissant d'adultes; cela signifie que ce n'est pas seulement la victime qu'il faut traiter, mais aussi les agresseurs. Et dans ce cas-là, une direction générale ne peut être au courant de toutes les spécificités du terrain. Elle ne peut qu'appliquer, comme les juges le font, une espèce de code pénal qui, en l'occurrence, n'est pas pertinente. Il faut donc absolument laisser à chaque établissement et au responsable de chaque établissement la capacité de traiter les cas de harcèlement sexuel. La direction générale intervient par la suite, ainsi qu'il est prévu, comme organe de recours. Par conséquent, la conception du traitement telle que présentée par le PLR est totalement non pertinente à mes yeux, et je vous demande de ne pas renvoyer au Conseil d'Etat son rapport. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, contrairement à ce qui vient d'être dit, je pense qu'il y a effectivement eu une réponse donnée par Mme la cheffe du département, et je l'en remercie, mais qu'on pourrait faire mieux et aller un petit peu plus loin, notamment dans tout ce qui concerne la prévention du harcèlement scolaire des enfants qui sont dans nos classes. C'est une responsabilité qui mérite notre plus grande attention. Le MCG sera donc favorable au renvoi au Conseil d'Etat de son rapport, pour pouvoir aller encore plus loin, entre autres s'agissant de la formation des enseignants, à l'issue de laquelle nous demandons un bilan après une année ou deux d'expérimentation, afin de voir si des cas de harcèlement sont encore annoncés, avec la création d'une centrale d'alerte joignable grâce à un numéro bien connu de tous, à l'intention des enfants mais aussi des parents qui, eux, subissent souvent la situation sans rien oser dire, parce que la pression est telle que certains enfants n'osent même pas parler du fait qu'ils sont harcelés dans leur classe. Je pense que cette omerta est à bannir de nos écoles et qu'on doit vivre avec la meilleure transparence de manière que les enfants se sentent en confiance pour pouvoir dénoncer s'ils sont sujets au harcèlement scolaire dans leur classe. Je vous remercie.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je ne sais pas si je me sens harcelée par le PLR, mais je constate néanmoins que cette motion a été déposée après que le Conseil d'Etat - et le DIP en particulier - a présenté son plan de lutte contre le harcèlement. Je me dis donc que quand on voit d'où vient le vent, eh bien on s'engouffre dans ce sens-là !

Mesdames et Messieurs les députés, je vais donner quelques réponses aux remarques qui ont été formulées, et je citerai tout d'abord des chiffres s'agissant du déploiement de ce plan. Le département est grand, le département est immense ! Nous avons 58 établissements primaires, mais ces 58 établissements primaires représentent plus de 160 écoles, puisque vous savez qu'un établissement peut être composé - et l'est très souvent - de plusieurs écoles. Nous avons en outre 19 cycles d'orientation et près d'une trentaine d'établissements du secondaire II. Dès lors, même avec des moyens supplémentaires, parce que ce n'est pas qu'une question d'argent au sens strict, nous ne pourrions pas aller beaucoup plus vite, dans la mesure où pour pouvoir déployer ce plan il faut des personnes formées. En effet, ce que nous avons fait jusqu'à présent l'a été par le biais de réallocations internes à l'intérieur du service de santé de l'enfance et de la jeunesse ainsi que du service de médiation scolaire - le Point, et ce sont ces deux services qui ensemble ont mis en place ce déploiement, avec 30 établissements par année, ce qui fait qu'en trois ans nous allons y arriver. Mais nous ne pouvons pas aller plus vite ! Quoi que vous fassiez, nous n'avancerons pas plus rapidement, et je crois que vous devriez au moins vous féliciter qu'on ait saisi à bras-le-corps cette question qui est importante, qui me tient extrêmement à coeur, et sur laquelle nous allons avancer. Mais je crois qu'on ne peut matériellement pas aller plus vite dans un département aussi grand.

La deuxième remarque concerne le mécanisme lui-même. Il est extrêmement important de garder une responsabilité au sein des établissements. En effet, qui est le garant du climat scolaire, par exemple dans une école primaire ? C'est le directeur ou la directrice d'établissement, et les enseignants qui y travaillent. Si vous délocalisez tout à l'extérieur, vous aurez une situation qui reviendra à dire que dès qu'il y a un problème, hop, on le renvoie, on le signale, on se décharge, on n'est plus responsable. Et surtout vous renverrez le problème à des personnes qui ne connaissent pas la situation. C'est donc la mission première - même d'ailleurs au-delà de tout plan - le rôle premier d'un directeur ou d'une directrice d'établissement que d'être le garant du climat scolaire dans son établissement, et c'est normal qu'il le fasse. Cependant - et sur ce point vous avez raison, Madame la députée - il peut arriver que des situations n'aient pas été bien réglées ou que le directeur ou la directrice n'ait peut-être pas vu les choses; ça peut arriver, je ne le nie pas. Dans ce cas, l'instance supérieure est la direction générale. Et si ça ne va toujours pas, il y a le groupe «vie et climat scolaire», composé notamment de représentants du service de santé de l'enfance et de la jeunesse et des directions générales, qui est là pour les cas les plus compliqués qui sont remontés à la demande des directions générales. Voilà comment ça se passe aujourd'hui. Il est donc inutile d'avoir nominativement un Monsieur ou une Madame Harcèlement: nous avons ces trois échelons qui garantissent - et in fine ça irait jusqu'à moi - que les cas peuvent être traités. Ce qui est important, c'est que si les parents ou les enfants sentent qu'il y a un problème et qu'ils ont l'impression qu'il n'est pas traité, ils écrivent ou s'adressent au département par le biais du site internet.

La troisième remarque a trait à la prévention, à la formation des enseignants, etc. Monsieur le député, je vous invite à lire la conclusion de la réponse à cette motion, qui est la suivante: «Enfin, il est prévu qu'à terme cette formation» - donc la formation initiale, car il faut que tous les enseignants aient été formés aux questions de harcèlement et aux manières de le détecter, d'agir, etc. - «soit dispensée aux futurs enseignants durant leur cursus à l'institut universitaire de formation des enseignants de l'université de Genève (IUFE).» Du reste, quand à la commission de l'enseignement supérieur vous avez défendu la formation des enseignants primaires en trois ans au lieu de quatre - car vous faites partie de ceux qui défendent ce projet - je vous ai dit que ce qu'on ne ferait pas, c'est justement cela. En effet, ce que nous avons prévu de faire dans le cadre d'une formation en quatre ans, c'est de pouvoir déployer tout ce qui permet de prendre en charge les enfants. Voilà ce que j'appelle l'école inclusive. C'est la lutte contre le harcèlement, la prise en charge des élèves qui souffrent par exemple de dyslexie ou qui ont des difficultés de comportement, etc. Face à toutes ces situations, les enseignants sont aujourd'hui très démunis, parce qu'ils n'ont pas été formés pour cela. Historiquement, ça ne s'est pas fait. Nous avons donc prévu de renforcer tout cela et notamment de faire en sorte que tous les enseignants soient formés, alors soyez cohérents ! Si vous voulez que tous nos enseignants, nos futurs enseignants soient formés, il faut véritablement refuser que l'on diminue le temps de formation des enseignants du primaire.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à accepter ce rapport et à suivre avec nous ce qui se fait. J'ai toujours dit que j'étais à disposition de la commission de l'enseignement pour vous rendre régulièrement des comptes sur l'avancement de tel ou tel dossier. Je suis donc prête à revenir, mais je ne vois pas, en l'état, ce que le département pourrait vous promettre de faire de plus et de mieux par rapport à ce qu'il fait aujourd'hui et qu'il prend très au sérieux.

Enfin, une dernière remarque: de nombreuses écoles n'ont pas attendu le plan du département pour agir. Beaucoup d'entre elles avaient déjà des dispositifs, et même si nous avons mis en place un plan précis, ce plan est forcément adapté en fonction des réalités du terrain. On ne lutte pas contre le harcèlement au secondaire II de la même manière qu'à l'école primaire, et je vous rappelle qu'actuellement c'est d'ailleurs l'école primaire qui connaît, semble-t-il, le plus grand nombre de situations de harcèlement. Je vous remercie de votre attention et vous invite donc à accepter ce rapport.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat de son rapport qui a été formulée.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2321 est adopté par 46 oui contre 41 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2321 est donc refusé.