République et canton de Genève

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R 765-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Roger Deneys, Lisa Mazzone, Isabelle Brunier, François Lefort, Boris Calame, Sophie Forster Carbonnier, Yves de Matteis, Lydia Schneider Hausser, Jean-Charles Rielle, Frédérique Perler, Cyril Mizrahi, Christian Frey, Irène Buche, Michel Ducommun, Thomas Wenger, Salika Wenger, Magali Orsini, Bernhard Riedweg : Stop au secret des négociations de l'Accord sur le Commerce des Services (ACS) (Initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.
Rapport de majorité de M. Boris Calame (Ve)
Rapport de minorité de M. Edouard Cuendet (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à la R 765-A, classée en catégorie II avec quarante minutes de temps de parole. Je passe la parole à Mme Salima Moyard pour la lecture des courriers 3504 et 3496.

Courrier 3504 Courrier 3496

Le président. Je vous remercie, Madame Moyard. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Boris Calame.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, s'agissant des accords secrets sur la libéralisation des services actuellement en cours de négociation entre divers Etats, il faut reconnaître que la transparence voulue par notre système démocratique n'est pas respectée. Certains, à l'exemple du rapporteur de minorité, diront que la théorie du complot est de retour, eh oui ! La majorité de la commission de l'économie estime toutefois que notre service public pourrait être mis en danger et notre système démocratique détourné. Le SECO est venu nous dire en commission que le cadre initial de négociation de la Suisse était disponible sur son site - en anglais - et que tous les documents étaient publiés. Je suis retourné pas plus tard qu'hier sur le site du SECO pour voir si l'information disponible avait quelque peu augmenté depuis le mois de juin: rien de nouveau ! Le dernier communiqué du SECO relatif à cela date du mois d'août 2014. Est-ce à dire que les négociations ont été interrompues ou, plus justement, que les parties en négociation ont interdit à la Confédération de communiquer sur l'avancement des travaux ? Nous n'avons pas la réponse du moment que ces négociations sont secrètes et que, sous ce prétexte, le Conseil fédéral n'entend pas répondre aux questions, même récentes, des parlementaires fédéraux.

Alors il faut bien se demander s'il est concevable, dans notre système de démocratie, de vilipender pareillement les élus et le peuple suisse. Nous avons reçu pas plus tard qu'hier, à l'entrée de notre parlement, une lettre d'information du comité «Stop TiSA». Pour ne pas répéter le contenu de mon rapport du 1er septembre que vous avez lu toutes et tous avec attention, sans aucun doute, je vous propose quelques extraits de ladite lettre: «Mesdames et Messieurs les députés, les négociations concernant TiSA ont été engagées sous la pression des multinationales étasuniennes et européennes réunies dans le Global Services Coalition. Cet accord répond aux intérêts des multinationales et des milieux financiers qui veulent réduire au maximum toute intervention des Etats en matière d'économie, de protection sociale ou environnementale qui pourrait porter atteinte à leurs profits futurs. TiSA constitue une grave menace pour les petites et moyennes entreprises ou les entrepreneurs indépendants qui ne pourront régater avec les multinationales géantes dans un marché des services mondialisé. Qu'on songe à la compétition féroce qui s'ouvrirait à propos des marchés publics, avec des collectivités sommées d'adjuger le marché au moins-disant. Cette compétition déboucherait sur des suppressions massives d'emploi là où ils sont correctement rétribués et favoriserait partout le dumping salarial. Les syndicats eux-mêmes seraient totalement désarmés face à de tels pouvoirs. TiSA est une attaque en règle contre les services publics, contre le bien commun. Sous couvert de concurrence libre et non faussée, les cliniques et les écoles privées pourraient exiger d'être subventionnées au même titre que les hôpitaux et les écoles publiques et tout cela aux frais du contribuable. TiSA pousse à une nouvelle déréglementation dans le système financier. Ceci nous exposerait à de nouvelles crises financières mondiales. Tous les mécanismes de TiSA poussent implacablement dans un sens unique, celui de l'ouverture au commerce mondial. Impossible pour les Etats de revenir en arrière ou de choisir une autre voie, même en cas d'expérience catastrophique. TiSA constitue enfin une menace pour la démocratie, les gouvernements qui négocient cet accord tendent aujourd'hui à se déposséder eux-mêmes de leurs prérogatives politiques et, surtout, à brader les droits démocratiques de leurs populations. Ce dont nous avons besoin, ce sont des échanges entre les peuples fondés sur le principe de la réciprocité et de l'avantage mutuel et non ces traités de libre-échange basés sur la compétition qui consacrent la loi du plus fort et tuent la démocratie. Plusieurs villes et communes se sont déjà déclarées zones hors TiSA. Il s'agit à Genève des villes de Carouge, Meyrin, Plan-les-Ouates et Genève, mais aussi les communes de Puplinge ou de Meinier se sont exprimées dans le même sens. Les villes de Lausanne et de Renens se sont déclarées villes hors TiSA. Enfin, la Ville de Zurich vient elle-même de se déclarer "TiSA free zone". C'est pourquoi nous vous demandons qu'à l'instar de ces villes et communes et en vous inspirant de leurs prises de position, votre assemblée plénière vote en faveur de la résolution 765.» C'est signé par le comité «Stop TiSA».

La majorité de la commission de l'économie vous encourage aussi à voter cette résolution afin que les doutes soient levés et que nos systèmes démocratiques soient préservés.

Présidence de Mme Christina Meissner, deuxième vice-présidente

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Je dois dire que les auditions que nous avons faites à la commission de l'économie sur cette négociation étaient assez sidérantes: au fond, nous avons vu tout un défilé de personnes qui nous ont dit exactement la même chose puisqu'elles viennent du même comité et qu'elles nous ont répété le même texte que nous avons d'ailleurs de nouveau entendu ce soir. L'effet de répétition était lassant, surtout que nous avons auditionné à peu près la terre entière, même une personne qui est venue spontanément, sans qu'on lui ait rien demandé. Enfin bon, ça c'est la démocratie participative !

En revanche, les rares personnes que nous avons refusé d'auditionner se sont bruyamment manifestées, notamment le Mouvement vers la révolution citoyenne qui nous a expliqué que c'est lui qui avait remis le texte de la résolution à M. Deneys, premier signataire. C'est pour ça que je me suis permis de faire une petite remarque et de dire que c'était un peu surprenant que l'UDC, supposée attentive aux intérêts de l'économie, se rallie à ce mouvement. Elle se rallie d'autant plus qu'elle renforce la résolution: il ne faudra pas qu'ils nous disent après qu'ils sont le parti de l'économie !

Cela étant dit, après ces longues auditions de tous ces mouvements tiers-mondialistes d'extrême gauche, nous sommes revenus à un peu plus de modération et de rationalité avec le président du Conseil d'Etat François Longchamp qui nous a rappelé que ces négociations, si elles devaient aboutir, feraient l'objet d'un message du Conseil fédéral aux Chambres fédérales; que les commissions compétentes étudieraient le texte; que les Chambres fédérales le ratifieraient si elles l'estimaient bon et, autrement, le rejetteraient. Et, en cas de ratification, cela pourrait faire l'objet d'un référendum facultatif, conformément à nos institutions démocratiques. A cela s'ajoute que ce sujet a fait l'objet de rapports à la commission compétente des Chambres fédérales - cela a été confirmé, j'ai mis les références dans mon rapport. C'est donc assez clair.

M. Longchamp a aussi précisé que les services publics étaient spécifiquement exclus des négociations, qui ne portent que sur les services commerciaux, et il a quand même rappelé une chose assez importante: Genève, en tant que siège de l'OMC et de nombreuses organisations internationales, est le lieu où se déroulent de très nombreuses négociations multilatérales ou bilatérales, au niveau mondial. Cela donnerait évidemment un signe catastrophique pour la communauté internationale si Genève poursuivait dans la voie du rejet de ces négociations.

Ensuite, toujours dans le domaine du raisonnable, nous avons entendu l'ambassadeur Winzap du SECO qui nous a aussi expliqué que ces négociations portaient exclusivement sur les services commerciaux, que l'information était incluse dans les rapports à la commission sur l'économie extérieure et que les textes étaient disponibles sur le site du SECO. Seul péché majeur avoué: ces textes y figurent en anglais, mais dans un pays international accueillant des négociations internationales, je crois que ce n'est pas si criminel que ça. L'ambassadeur a aussi rappelé tout le processus démocratique qui prendrait place si cet accord aboutissait. Il a encore mentionné une chose très importante: le commerce de services est évidemment un enjeu majeur pour l'économie suisse puisque ce pays exporte pour 90 milliards de services et en importe pour 50 milliards. Ce n'est donc pas anecdotique, et l'ambassadeur M. Winzap nous a rappelé qu'il était très important que la Suisse ait accès à ces marchés.

Ensuite, je me suis permis de vous fournir dans mon rapport de minorité quelques données chiffrées, parce qu'on a parlé de grands principes, de cet affreux complot mondial contre les services publics, alors qu'ils sont exclus des négociations. J'ai donc donné quelques chiffres en rappelant que plus de 65% du PIB genevois résultait des services: nous dépendons fortement de ce secteur. En plus, nous sommes dans le domaine des services d'exportation et nous devons avoir accès à ces marchés étrangers très importants pour nous. D'ailleurs, la lettre qui nous a été lue par M. le rapporteur de majorité fustigeait les traités de libre-échange: je rappellerai ici par exemple que le traité de libre-échange signé récemment entre la Chine et la Suisse a été vivement salué par les autorités genevoises et par M. Maudet en personne. Cela a notamment favorisé la création d'une ligne aérienne directe entre Genève et Pékin et les marchés chinois sont extrêmement importants, tant pour nos produits manufacturés que pour nos services.

Pour conclure, il est faux de prétendre que ces négociations sont secrètes puisque les données sont fournies aux autorités politiques et qu'elles sont accessibles sur le site du SECO. Il s'agit de négociations interétatiques. L'invite qui demande d'inclure dans la délégation des représentants des milieux économiques, syndicaux et politiques est donc totalement hors de propos et ne correspond à aucune réalité du monde des négociations. Les services publics sont expressément exclus du champ de négociation, un référendum sera possible et je rappelle que la prospérité économique genevoise dépend fortement des services et de l'accès aux marchés par les prestataires de ces mêmes services. De plus, nous accueillons les organisations internationales et nous aurions tort de fustiger celles-ci ainsi que les négociations qui peuvent se dérouler chez nous. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir le rapport de minorité.

Un élément très important que nous a rappelé le président du Conseil d'Etat est le fait que les très nombreuses initiatives, résolutions et autres émanant du canton de Genève sont accueillies avec presque de la moquerie de la part de Berne, parce qu'on s'y est habitué à ce langage outrancier et «complotiste», en l'espèce. M. Maudet, qui revient des Grisons, a pu confirmer que Genève, dans ses excès - je pense à la grève, par exemple - était jugée de manière extrêmement goguenarde par nos amis helvétiques qui sont souvent beaucoup plus raisonnables que nous à tous points de vue.

Je vous invite donc à rejeter cette proposition de résolution et l'amendement déposé par le groupe UDC qui veut déclarer le canton de Genève zone hors TiSA: on peut déjà vous dire que ça va passionner les Chambres fédérales de recevoir cette résolution contenant cette invite qui n'a aucun sens, de toute manière et en particulier dans cette résolution adressée aux Chambres !

Mme Magali Orsini (EAG). Pour faire plaisir à M. Cuendet, je vais répéter une fois de plus l'essentiel de ce qu'ont dit jusqu'à présent les membres du comité unitaire. (Commentaires.) Je répète donc que TiSA ou ACS sont des accords commerciaux négociés en marge de l'OMC pour ouvrir entièrement le commerce des services à la concurrence. Le secteur des services représente 70% de l'économie de la Suisse. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, j'ai déjà vécu la période des premières négociations AGCS; l'ambassadeur suisse auprès de l'OMC trouvait par exemple normal de négocier la libéralisation ferme et définitive du secteur des assurances pendant que nous étions dans la rue en train d'essayer pour la première fois d'instituer une caisse unique. Si cet accord est signé, cela signifiera qu'il est irréversible; c'est une des caractéristiques de ce genre du traité. Donc, plus jamais il ne pourra y avoir une caisse maladie étatique, publique, en Suisse, simplement parce qu'on aura définitivement libéralisé le secteur des assurances.

Cette affaire n'est pas du tout une plaisanterie: je vous signale que la notion de service public n'existe pas à l'OMC. On y parle de services universels, et les trois fonctions de l'Etat - la part régalienne de l'Etat qui échappe à la notion de services universels - sont la police, la prison et les tribunaux. Pour le reste, tout est libéralisable, bien entendu y compris, surtout, l'école. On va commencer à nous dire que nos écoles publiques subventionnées font concurrence aux écoles privées puisqu'elles sont gratuites, que ça ne devrait donc pas exister, etc.

Notre souci principal, c'est évidemment le service public; nous n'avons rien contre la concurrence de prestations qui relèvent du secteur privé, mais le but avoué des multinationales, c'est d'échapper aux législations nationales, c'est de casser les législations des Etats-nations. C'est extrêmement grave, elles ne veulent plus que des tribunaux internationaux, arbitraux, qui, jusqu'à présent, ont systématiquement donné raison aux multinationales. Pour ces raisons, bien entendu, Ensemble à Gauche vous confirme son accord avec cette résolution.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les lettres dont vous avez entendu la lecture - comme d'ailleurs une bonne partie des débats à la commission de l'économie - ont montré une alliance claire des opposants à toute ouverture internationale et à tout traité international avec les opposants à toute libre entreprise. C'est une alliance curieuse et contre nature mais dont l'effet a été redoutable et efficace puisque la majorité de la commission a accepté cette résolution.

Je ne reviendrai pas sur ce que M. Cuendet a déjà précisé quant aux auditions et à leur côté folklorique, mais il est quand même intéressant de constater qu'il a fallu que le représentant du SECO, après le président du Conseil d'Etat, fasse quasiment une leçon de civisme pour l'éducation personnelle de certains députés en rappelant les processus démocratiques auxquelles sont soumises tant les négociations que la conclusion d'accords internationaux: il s'agit d'une négociation par des hauts fonctionnaires, pilotée par le Conseil fédéral, soumise aux Chambres et accompagnée d'un message, votée par les Chambres et, enfin, votée par le peuple en cas de référendum.

Le reproche le plus fort adressé à ces négociations et à nos négociateurs est le manque d'information. M. Calame a constaté tout à l'heure que le site du SECO n'avait pas bougé depuis 2014. C'est vrai que depuis 2014 ces négociations sont au point mort: elles ont commencé en 2012 et à l'heure actuelle, elles stagnent. Donc, il n'y a pas de raisons de modifier le contenu du site internet. Il faut rappeler que ce site était régulièrement mis à jour jusqu'à ce moment, mais il est clair aussi que les positions des différents négociateurs des différents pays ne figuraient pas sur le site, ce qui est normal. Toute négociation, surtout si elle est internationale, demande une certaine confidentialité voire un certain secret. Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant par rapport à cela. (Brouhaha.) Il faut rappeler peut-être aussi que le SECO rend compte... Monsieur Ivanov, s'il vous plaît ! Le SECO rend compte chaque trimestre des progrès de ces négociations à une commission où les syndicats sont représentés et il serait peut-être bon que le Cartel intersyndical se renseigne sur la présence des syndicats faîtiers à cette occasion. Il faut aussi préciser - cela a été dit et redit - que la négociation porte effectivement sur tous les services à l'exclusion des services publics.

Mesdames et Messieurs, des négociations de ce type impliquent obligatoirement une certaine confidentialité et un certain secret. Les processus démocratiques internes que nous connaissons en Suisse nous mettent à l'abri de toute mauvaise surprise par rapport à cela. J'ajouterai ensuite que la balance entre nos exportations et nos importations est positive pour la Suisse puisque nous exportons pour 90 milliards de francs de services et que nous en importons pour 50 milliards. Nous avons donc une balance positive de plus de 40 milliards de francs. Cette résolution est non seulement inappropriée et va à nouveau couvrir Genève de ridicule...

La présidente. Il vous reste quinze secondes.

M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Madame la présidente, je compte sur votre mansuétude ! Je conclurai simplement en citant la dernière invite qui vous est proposée par l'UDC et le MCG: «soutenir la présente résolution et déclarer le canton de Genève zone hors TiSA». J'avoue que deux cents ans après l'adhésion de Genève à la Confédération, ça fait un peu désordre de déclarer Genève hors TiSA, c'est-à-dire hors de Suisse !

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est au nom de la transparence et pour le respect de la démocratie qu'il est nécessaire d'agir. Je pense que ces deux seuls éléments prévalent largement sur un éventuel dégât d'image. Après les initiatives de villes qui se sont déclarées les unes après les autres zones hors TiSA, comme Genève, Carouge, Meyrin ou encore Plan-les-Ouates, le canton de Genève doit lui aussi donner un signal fort à Berne et promouvoir l'opposition à TiSA. L'accord TiSA se négocie en toute opacité, dans le plus grand secret, dans le cadre d'une coalition de pays volontaires: on ne sait pas bien ce qui s'y discute, par contre, on sait que notre service public est menacé. Cet accord sur le commerce des services est un accord de libre-échange qui prévoit la libéralisation de pans entiers du service public, que ce soient la santé, la formation, l'énergie et, également, l'agriculture. L'objectif est de placer ces domaines sous la compétence juridictionnelle de l'OMC - hors du contrôle des Etats, hors du contrôle de la population. Sommes-nous d'accord de laisser l'appétit des multinationales dévorer notre démocratie ? Voulons-nous réellement soumettre nos services aux lois du marché ? Parce que TiSA menace les normes sociales, les normes environnementales, la protection des consommateurs et la voix du peuple, les Verts soutiendront cette résolution, et je vous encourage, par respect pour notre démocratie, à en faire autant. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour l'Union démocratique du centre, la seule, la vraie question que l'on doit se poser est la suivante: comment est-ce possible qu'on arrive à perdre du temps pour discuter d'un objet qui attaque notre souveraineté helvétique ? Contrairement à ce que j'ai cru entendre, nos processus démocratiques ne nous protègent pas de tels accords. Je mentionne aussi la fâcheuse tendance prise par le Conseil fédéral de court-circuiter les Chambres en légiférant par ordonnances. Et ça, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons en être conscients ! Au-delà de cela, je me permettrai de citer notre conseiller national Yves Nidegger à propos de cette résolution: «Dommage que le contenu soit si mal écrit, mais sur le fond je voterais oui.» Oui, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le rapporteur de majorité, il est dommage - parce qu'on dit qu'on attaque les fonctionnaires - que vous preniez seulement enfin conscience des dangers de la perte de souveraineté pour la Suisse que vous êtes les premiers à accepter, lorsqu'il s'agit de soutenir ou d'entrer à pieds joints dans l'Union européenne et dans tout ce qui suit !

Mesdames et Messieurs les députés, par rapport à ces négociations, qu'en est-il ? On est en train de court-circuiter bien des choses. Comme l'a dit avec élégance le rapporteur de minorité, les marchés sont importants, nous ne pouvons pas nous en priver. Certes, il ne s'agit pas de s'appauvrir, mais est-ce la seule solution, faire profil bas et tout accepter parce que prétendument ce sont les marchés qui assurent la richesse de la Suisse ? (Commentaires.) Or, c'est ce qui se passe, c'est la volonté américaine, depuis MM. Reagan et consorts ! Nous n'en étions pas là et la Suisse s'en sortait bien. Aujourd'hui, Monsieur le rapporteur de majorité, non pas pour ce que vous avez dit ou écrit, non pas pour ce qui a été lu, mais pour des raisons de sauvegarde de notre nation, de sauvegarde de nos principes démocratiques, de sauvegarde de notre souveraineté helvétique, l'Union démocratique du centre soutiendra votre résolution.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Marc Falquet pour une minute trente.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Madame la présidente. L'Union démocratique du centre soutient l'économie, mais pas à n'importe quel prix ! Il s'agit vraiment d'un hold-up sur les PME. Je ne comprends pas le PLR et surtout le PDC qui parlent toujours de valeurs. Quelles valeurs défendez-vous là, exactement ? Je vous rappelle également que l'Uruguay vient de sortir des accords secrets, il y a environ trois semaines. Ce n'est donc pas pour rien ! Je vous suggère à tous de voter aussi l'amendement, ce qui permettra au canton de Genève également de se déclarer zone hors TiSA, comme l'ont déjà fait plusieurs communes dont la Ville de Genève.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet d'accord n'est effectivement pas une bonne chose. D'ailleurs, si les accords sont discutés en dehors de l'OMC, c'est parce que les parties n'ont pas réussi à le faire dans le cadre de l'OMC. L'objectif final, si l'accord survient, est de réintégrer cela dans l'OMC, de façon que cela s'applique à tout le monde. Sur le principe, conclure un accord de libre-échange: pourquoi pas ? Le seul problème est que là, on va tellement loin qu'on est prêt à brader les services publics, qu'on est prêt aussi à les soumettre au marché et que, s'il y a litige, ce soient des tribunaux privés qui tranchent. Non mais on va où, là ? Vers une perte totale de souveraineté, vers une perte totale de confiance ! Finalement, tout ça vient des Etats-Unis. On peut être un anti-Américains primaire, ce qui n'est pas mon cas, mais ce n'est pas une bonne chose et peut-être même que ça va manger l'Europe ! Finalement, lorsque tout aura été libéralisé dans ce monde, l'entité Europe que vous aimez beaucoup - en tout cas sur les bancs d'en face - aura même de la peine à exister face à des accords de libre-échange aussi larges et qui peuvent aller dans tous les domaines.

Je crois donc que c'est une bonne chose de prendre des distances avec ce type d'accord et le MCG soutiendra bien entendu cette résolution, comme nous avons soutenu la même proposition en Ville de Genève; nous avons vu que nombre d'autres communes ont également soutenu l'idée de devenir une zone hors TiSA, parce que c'est dans cette direction qu'il faut aller. Au bout du compte, on mettrait le doigt dans un engrenage qu'on ne maîtrisera plus, et ce ne sera pas la petite Suisse sur la scène internationale qui maîtrisera quoi que ce soit une fois qu'on aura mis le doigt dans cet engrenage, avec ces accords qui peuvent remettre en cause tous les services publics que nous avons ici, hormis les services de sécurité, sans possibilité d'avoir un véritable arbitrage puisque ceux-ci seront confiés à des tribunaux privés. Nous soutiendrons donc cette résolution telle que ressortie de la commission de l'économie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie tout d'abord le rapporteur de minorité Edouard Cuendet pour la mention des auditions faites en commission. Il est vrai que nous avons vécu de grands moments, rocambolesques, lors de ces auditions. Rocambolesques avec la participation de Mme Michu en invitée surprise; avec le contenu des déclarations de l'alliance du sud qui se trouve dans l'annexe 3 du rapport de majorité, datée du 1er juin 2016, donc dans quelques mois; et surtout, je relève le manque d'écoute de l'ensemble de la commission lors de l'audition du SECO. L'audition du SECO a été claire, formelle, protocolée dans un procès-verbal de commission. Je cite: «L'objet des négociations de TiSA concerne les services commerciaux, à l'exception des services publics.» Point, terminé ! Ça a été clair, net et précis en commission. Je ne sais donc pas par quel fantasme vous vous mettez dans la tête qu'on va traiter des services publics. Ensuite, je note avec une certaine satisfaction qu'à l'époque...

Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Serge Hiltpold. ...le président du Cartel intersyndical de la fonction publique écrivait encore en termes institutionnels à ce parlement, en s'adressant au secrétariat du Grand Conseil et à son président et non au «château des imbéciles»: je l'invite à réfléchir un peu plus et, en tant que représentant syndical, à s'adresser aux institutions correctement.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Serge Hiltpold. Ce qui est important, au niveau de la Genève internationale, c'est de ne pas se déclarer zone hors TiSA: Genève est le lien extérieur de la Suisse, elle ne peut donc pas se ridiculiser de la sorte.

Le président. C'est terminé, merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes accueillent avec intérêt et satisfaction le résultat des travaux de la commission de l'économie sur cette proposition de résolution. Pour les socialistes, ce qui importe aujourd'hui en priorité, c'est que, partout sur terre, les populations puissent s'exprimer sur les éventuelles privatisations et libéralisations des marchés et que ce ne soit pas une fatalité imposée par des multinationales. Mesdames et Messieurs les députés, on peut être pour ou contre les privatisations, pour ou contre les profits de telle ou telle entreprise, mais ce qui compte partout sur cette terre, c'est que les citoyennes et les citoyens puissent faire une pesée d'intérêts - pas comme des experts qui touchent une commission au passage - sur les risques de chômage, de salaires plus bas ou plus hauts, en fonction des accords signés. Je ne vois pas pourquoi on enlèverait ce droit, surtout dans un pays comme la Suisse, dans un pays qui est attaché aux droits démocratiques ! On enlèverait cette possibilité pour le peuple de s'exprimer ? J'ai entendu des députés PLR dire tout à l'heure: le SECO l'a dit. Le SECO ! J'ai connu des députés PLR un peu plus exigeants quand ils entendaient des fonctionnaires à la commission des finances et mettant en doute les propos tenus. Ici, parce que c'est un fonctionnaire fédéral qui conforte leur propos, ils disent: tout va très bien, Madame la Marquise ! Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas sérieux, venant de la part du PLR: ils peuvent être pour les privatisations, il n'empêche, il n'y a rien qui doive empêcher que le peuple s'exprime sur un tel objet ! Le peuple suisse doit être souverain en ce qui concerne son économie; il faut soumettre à la population les avantages et les inconvénients de l'ouverture des marchés. Mesdames et Messieurs les députés, c'est simplement une évidence, et le rappeler, même si un fonctionnaire vient le dire, c'est simplement normal pour un canton qui se préoccupe de l'emploi de ses citoyennes et citoyens. Je vous invite donc à soutenir l'amendement de l'UDC, qui est particulièrement adéquat, demandant de déclarer Genève zone hors TiSA, comme cela se fait dans certaines communes - c'est tout à fait approprié - et de soutenir la résolution ainsi amendée.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Baertschi pour une minute trente.

M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons là face à une question importante, comme sont importants d'autres accords internationaux qui nous tiennent dans notre vie quotidienne, qui ont une influence et contre lesquels on ne peut plus aller, qui créent ce que nous avons. On peut penser à l'Union européenne et aux accords passés avec elle, avec les malentendus entretenus d'une manière ou d'une autre: quelle que soit l'opinion de chacun sur l'Union européenne, il faut constater qu'il y a quand même eu force malentendus. On pensera notamment aux accords de Bologne, dans le domaine de l'enseignement, appliqués avec une géométrie variable et en tout cas pas de manière satisfaisante par tous les pays. J'arrêterai là la comparaison, mais pour le MCG, ce qui est important, c'est de rendre le pouvoir aux citoyens; c'est un peu notre raison d'être. Donc, nous ne pouvons pas cautionner cette bureaucratie, cette bureaucratie internationale. Alors j'entends certains partis, j'entends aussi les négociateurs des accords TiSA qui ont dit qu'il n'y avait rien de contraignant, que tout se passerait bien, qu'on allait uniquement dans un certain sens, consensuel et fédérateur. Malheureusement, cet accord, comme beaucoup d'autres, est truffé de pièges, notamment dans les annexes.

Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Il y a un certain nombre de choses que nous ne pouvons accepter dans cet accord. C'est un peu comme le loup dans... dans...

Des voix. Dans la bergerie !

M. François Baertschi. Dans le chaperon rouge ? (L'orateur rit.)

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député, avec ou sans loup !

M. François Baertschi. J'allais partir dans une petite fable, mais je vais abréger !

Le président. Je vous en remercie, Monsieur le député.

M. François Baertschi. Je vous demande donc de soutenir la présente résolution et, bien évidemment, l'amendement déposé.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur de majorité. Juste deux petites rectifications sur les propos de mon collègue rapporteur de minorité. (Commentaires.) Sans doute, Monsieur le député, vous pourrez répondre ! D'une part, il a oublié de répondre qu'il y a eu une mise à jour de la proposition de résolution initiale: la troisième invite proposant d'inclure dans la délégation suisse négociant cet accord des représentants des milieux économiques, syndicaux et politiques des cantons et de la Confédération a été supprimée à l'initiative de la majorité de la commission. Un deuxième élément a également été supprimé, celui qui demandait de s'opposer à tout accord qui conduirait de nouveau à une privatisation et au démantèlement des services publics en Suisse. Cela ne semblait simplement pas possible du moment que les accords n'étaient pas connus au moment de nos discussions. Le dernier point qui semble particulièrement important est la dernière invite aux autorités fédérales demandant de soumettre au référendum tout accord signé dans le cadre de ces négociations. Mon collègue rapporteur de minorité dit que, dans le cadre de l'audition de M. Winzap, il a été clairement affirmé que ces textes seraient proposés au référendum; or, il a été clairement dit: «il se peut» - il se peut - «qu'[ils soient] soumis au référendum», patati et patata. Dans la réponse formulée, c'était clairement une incertitude. Je rappelle aussi qu'avec le message du Conseil fédéral, il se peut que les parlementaires répondent de la même façon, et on n'a aucune certitude que ce traité soit effectivement soumis au référendum.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'a évidemment aucun état d'âme à vous voir voter dans un élan de patriotisme commun cette initiative cantonale qui semble unir aussi bien la gauche que la droite en passant par-dessus le parti libéral qui ne croit apparemment pas à la théorie du complot, si j'ai bien compris. Je vous rappelle tout de même qu'il s'agit de saisir les Chambres fédérales d'invites pour le moins particulières, puisque vous demandez aux autorités fédérales de lever le secret sur les négociations - sur les négociations: nous sommes à un stade préalable, sachant que tous les accords doivent ensuite être soumis aux deux chambres. A ces mêmes Chambres fédérales censées contrôler le respect des droits démocratiques, vous dites: nous n'avons pas confiance en vous, veuillez nous avertir de ce qui se fait en amont pour que nous puissions vous dire le moment venu dans quel sens vous devrez voter. Je vous laisse imaginer comment une telle demande pourrait être reçue.

Vous invitez ensuite à informer les Chambres fédérales de même que les parlements et gouvernements cantonaux et la population sur le contenu des négociations; à s'opposer à tout accord qui conduirait à de nouvelles privatisations et au démantèlement des services publics en Suisse alors que le SECO vous dit que ceux-ci ne sont pas concernés par les accords discutés, qui en sont au stade des simples négociations. Je veux bien que dans «Mouvement vers la révolution citoyenne», il y ait deux mots qui rappellent le nom d'un éminent parti de cet hémicycle, il n'en demeure pas moins que face aux déclarations du SECO, vous devriez admettre que précisément, les craintes que vous exprimez ne sont pas fondées. (Brouhaha.)

Enfin, vous invitez les Chambres fédérales à soumettre au droit de référendum tout accord signé dans le cadre de ces négociations. Excusez-moi, mais même si vos préoccupations sont légitimes, tout cela n'est pas très sérieux et ce n'est guère de nature à donner plus de lustre à l'image que les autorités fédérales ont de ce canton. Raison pour laquelle le Conseil d'Etat, sachant le sort qui sera immanquablement donné à cette démarche, vous suggère humblement d'y renoncer. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais d'abord vous faire voter sur l'amendement déposé par l'UDC et le MCG, qui annule et remplace l'invite destinée au Conseil d'Etat de la manière suivante:

«Invite (nouvelle teneur)

invite le Conseil d'Etat

à soutenir la présente résolution et déclarer le canton de Genève "Zone hors TiSA".»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 59 oui contre 31 non.

Le président. Nous votons à présent sur la proposition de résolution ainsi amendée.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est parfait, nous passons donc au vote nominal.

Mise aux voix, la résolution 765 ainsi amendée est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 60 oui contre 29 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 765 Vote nominal