République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2265
Proposition de motion de Mmes et MM. Caroline Marti, Alberto Velasco, Roger Deneys, Cyril Mizrahi, Romain de Sainte Marie, Lydia Schneider Hausser, Salima Moyard, Irène Buche pour des logements à la place d'un golf
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 16 et 17 avril 2015.

Débat

Le président. Nous allons maintenant étudier la proposition de motion 2265 en catégorie II, trente secondes, et je donne la parole à son auteure, à savoir Mme Caroline Marti. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Une voix. Trente secondes ?!

Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président, de l'honneur que vous me faites, mais il va me falloir un peu plus que trente secondes ! (L'oratrice rit.)

Le président. Excusez-moi ! Je voulais bien sûr dire: en catégorie II, trente minutes. Je vous rends la parole, Madame.

Mme Caroline Marti. Merci. La situation de pénurie de logements à Genève est bien connue... (Brouhaha.) Puis-je avoir un peu de silence pour m'exprimer ? (Le président agite la cloche.) ...de toutes et tous, et ses effets sont multiples. J'en citerai deux en particulier. D'une part, nous ne sommes plus capables de loger notre population, ce qui implique que de nombreux ménages sont obligés de partir s'établir notamment en France voisine; nombre d'entre eux souhaiteraient revenir mais ne le peuvent pas simplement parce que nous n'avons pas de logement à leur offrir. D'autre part, il y a la hausse du prix des loyers, qui grèvent considérablement le budget des ménages.

De manière générale, les projets de construction à Genève relèvent de deux types: soit on décide de construire par le biais de projets de déclassement de zones villas... (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

Le président. Mesdames et Messieurs, puis-je vous demander un tout petit peu de silence ? Monsieur Pistis ? (Un instant s'écoule.) Poursuivez, Madame.

Mme Caroline Marti. Merci, Monsieur le président. Nous avons donc deux types de projets pour construire du logement à Genève. Tout d'abord, des projets de déclassement de zones villas, c'est-à-dire de densification des zones villas par le biais de déclassements. Or on constate que ces projets ont trop souvent tendance à s'enliser en raison de multiples oppositions et prennent des années à se réaliser. Ils aboutissent en outre à des logements relativement chers étant donné que le prix du foncier est beaucoup plus élevé en zone villas. Ensuite, on a la possibilité de monter des projets de déclassement en zone agricole mais, vous le savez toutes et tous également, ceux-ci sont mis sur la sellette par Berne, qui nous impose un quota extrêmement strict de surfaces d'assolement à préserver - je pense qu'il n'est pas nécessaire de revenir plus précisément sur cela. Si on y ajoute les normes de protection contre les accidents majeurs et le bruit, qui excluent un grand nombre de terrains de la construction, les terrains à bâtir ou à densifier manquent considérablement pour remplir l'objectif qui est celui du Conseil d'Etat et qui a été énoncé lors du discours de Saint-Pierre, à savoir la construction de plus de 2500 logements par année.

Pour en venir maintenant à la parcelle du Golf Club de Genève, qui, contrairement à ce qu'on peut souvent entendre, ne se trouve pas sur le territoire de Cologny mais bien sur celui de Vandoeuvres, tout d'abord, il s'agit d'un terrain situé en zone agricole mais pas en SDA, c'est-à-dire que nous n'avons pas besoin de piocher dans le maigre contingent de SDA qu'il nous reste. De plus, c'est un terrain agricole ni cultivé - on ne retire pas de terres cultivables à l'agriculture genevoise - ni construit - il n'y a pas de bâtiment qui serait de nature à augmenter le prix du foncier ainsi que celui des logements hypothétiquement construits sur ce terrain. Par ailleurs, on parle d'une seule parcelle appartenant à un seul propriétaire, soit un seul interlocuteur pour le Conseil d'Etat qui devra négocier dans le cadre d'un processus de mutation de cette zone, rendant de ce fait les choses potentiellement plus rapides. Je voudrais encore préciser, s'agissant de la localisation, que cette parcelle est proche du centre-ville, ce qui constitue un avantage en termes de transport et permet de limiter le transit, tout en comblant quelque peu, peut-être pas suffisamment mais tout du moins quelque peu, le déséquilibre d'urbanisation entre la rive gauche et la rive droite du lac.

Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste considère que nous ne sommes plus dans une situation où nous pouvons faire la fine bouche, où nous pouvons cracher sur un terrain de 42 hectares. Il s'agit d'un terrain extrêmement vaste qui, au vu des considérations que je viens d'évoquer, permettrait de contribuer à la construction rapide de milliers de logements à loyer abordable. Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée, et vous indique que vous avez pris sur le temps du groupe. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Avant d'envisager de s'en prendre au terrain du Golf Club de Genève, les auteurs de cette motion auraient pu proposer le déclassement du parc La Grange ou de celui des Eaux-Vives, beaucoup plus proches du centre-ville, des écoles, des magasins et des transports publics genevois. La plaine de Plainpalais, le parc Bertrand, le bois de la Bâtie, le parc Mon Repos, le Jardin botanique et tant d'autres lieux bien placés seraient également des adresses enviées pour y loger les jeunes à la recherche de leur premier appartement, les familles monoparentales et recomposées ou celles désirant s'agrandir. Il n'y a qu'à demander, et les voeux de bien se loger sont exécutés, surtout s'il s'agit d'un lieu avec vue sur le lac dans une commune où le centime additionnel est l'un des plus favorables du canton et avec des conditions de logements d'utilité publique. Malheureusement, une certaine hiérarchie s'est installée dans le canton en matière immobilière, et seuls certains privilégiés ont accès aux plus beaux endroits. Le Golf Club de Genève est réservé à des sportifs qui sont aussi des hommes et des femmes ayant fait carrière et faisant partie des contribuables les plus sollicités par l'administration fiscale cantonale s'agissant de leurs revenus et de leur fortune. L'Union démocratique du centre vous demande de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement.

Mme Christina Meissner (UDC). Il fallait oser ! Il fallait oser, et le PS l'a fait: proposer le déclassement du Golf Club de Genève pour y construire du logement. Alors à titre personnel, j'y suis passablement défavorable parce qu'il s'agit d'un coin de nature extraordinaire où vivent tout plein de hérissons, et je ne suis pas vraiment favorable au fait de leur ôter cet habitat, parce qu'ils ont eux aussi droit à une place dans le canton de Genève.

Mais là, nous allons être démocratiques. Mon collègue, qui au demeurant est domicilié sur la rive gauche, s'est exprimé; pour ma part, au nom de l'UDC de la rive droite, je vais m'exprimer aussi en disant que ce n'est finalement peut-être pas une si mauvaise idée. Voyez-vous, du côté de la rive droite et notamment de la commune de Vernier, où je réside, avec les nuisances que nous subissons ainsi que vos zones réservées, Monsieur le conseiller d'Etat, qui concernent les habitants qui sont non seulement dans des zones villas mais en plus soumis au bruit des avions, nous ne pouvons plus rien faire ! Nous ne pouvons plus rien faire, pas même planter un clou pour optimiser notre maison. Si nous voulons déménager, nous ne pouvons pas...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Christina Meissner. ...car nos biens perdent de la valeur. Finalement, ces 42 hectares pourraient très bien convenir - pensez-y, Monsieur le conseiller d'Etat - à tous ces habitants de Vernier prétérités ! C'est dommage que M. le président du Conseil d'Etat ne soit pas là, lui qui me dit toujours: «Mais, Madame Meissner, vous savez bien que Vernier est inhabitable !» Eh bien justement, le parti socialiste...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Christina Meissner. ...nous donne ici l'opportunité de pouvoir reloger ces habitants à Vandoeuvres. Alors pourquoi pas ?

Une voix. Sinon, on peut aussi y mettre le Quai 9 !

M. Benoît Genecand (PLR). Il faut refuser cette proposition. C'est de la pure provocation, c'est dans la droite ligne de ce que fait le PS depuis quelques années: on lutte contre les forfaits, on se bat contre les multinationales, on désigne le Golf Club de Genève parce que les riches ont le malheur d'aimer jouer au golf et que c'est donc une cible facile, qui ralliera un peu tous les membres, et on se fiche des conséquences puisque, de toute façon, il y aura toujours de l'argent qui pousse aux arbres ou qui tombe du ciel pour financer notre Etat trop gras ! Non, c'est une idée absurde.

Je n'ai pas pris la parole tout à l'heure parce que l'ambiance était paisible mais, juste pour faire tomber les masques, si le parti socialiste veut vraiment faire du logement, qu'il essaie de dominer son groupe et d'éviter, la prochaine fois que ça se présentera, la pantalonnade des Semailles: le 19 septembre 2014, nous avons voté dans cette enceinte un texte qui a fait perdre 231 jours à une opération déjà vieille de quinze ans ! Ce sont sept à huit cents logements qui attendent d'être construits. Pourquoi est-ce qu'on a fait ça ? Parce qu'on se trouvait à la veille des élections municipales, qu'un député qui ne fait d'ordinaire jamais rien dans l'aménagement a soudain pris la parole pour dire que ce serait une bonne idée, simplement parce qu'il est de Lancy - il se reconnaîtra, Mesdames et Messieurs. Cela n'avait aucun intérêt, le Conseil d'Etat s'est d'ailleurs assis dessus et il a fort bien fait, on a simplement perdu 231 jours. Alors plutôt que de proposer des âneries avec le golf, vous feriez mieux d'être déterminés à appliquer le plan directeur cantonal et d'être de ceux qui, comme le PLR, veulent construire du logement.

M. Guy Mettan (PDC). Je dois dire que je partage assez l'avis de M. Genecand: cette motion est une sympathique provocation, une aimable plaisanterie, et on salue ici le sens de l'humour du parti socialiste. Comme il a été dit, on peut tout imaginer pour construire du logement: pourquoi ne pas construire au stade du Bout-du-Monde, histoire de compléter la liste que vous nous avez énoncée, Monsieur Riedweg ? Pourquoi pas au manège d'Onex, au centre sportif des Evaux ? Et puis il y a évidemment tous les terrains de foot du canton qui sont une base idéale pour construire du logement. Au fond, il y a tellement de place libre !

Non, je crois qu'il faut quand même être sérieux, ce n'est pas parce que c'est un golf qu'il faut brader les équipements sportifs pour du logement. Le problème du logement est une chose beaucoup trop sérieuse pour qu'on s'y attaque de cette façon. Notre parti n'est donc pas du tout enthousiaste quant à cette motion. Certes, nous accepterons de la renvoyer à la commission d'aménagement pour éventuellement lister encore une fois les terrains disponibles mais, par pitié, il ne faut pas entrer en matière sur cet objet. Il y a d'autres possibilités de zones comme à Meyrin ou à Thônex qui ont déjà été discutées plusieurs fois devant ce Grand Conseil et sur lesquelles on n'a toujours pas avancé, qui permettraient des densifications et des constructions beaucoup plus sérieuses.

Ce matin même, alors que je distribuais quelques tracts, une dame qui vit avec ses deux enfants dans un trois-pièces à la Gradelle m'a dit: «Mais comment est-ce que je fais ? Je ne trouve pas d'appartement !» Il y a des urgences, comme la modification proposée par le Conseil d'Etat pour la fameuse vente tronquée d'appartements qui avait été refusée, c'est aussi une mesure de salubrité pour aider la population genevoise à se loger. Mais ce projet-là n'est pas trop enthousiasmant; cependant, on peut se permettre de l'étudier un petit moment à la commission d'aménagement.

M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous accepterons le renvoi de cette motion en commission mais je dois dire que nous sommes assez d'accord avec les propos de M. Riedweg, qui nous a dressé une petite liste des parcs où l'on pourrait éventuellement construire du logement. Nous avons évoqué la pointe de la Jonction, où l'on voulait aménager un parc; finalement, je pense qu'un bâtiment de logements sociaux serait beaucoup plus utile qu'un énième parc à cet endroit-là. Je sais qu'il y a également d'autres propositions par rapport à ces dépôts de la Jonction, on pourrait y créer quelque chose de très intéressant en termes de construction.

Ce golf, pourquoi pas ? Eh bien, faisons-y des logements, ainsi que le proposent les socialistes. Mais on pourrait aussi y installer le Quai 9, on pourrait mettre plein d'autres choses là-bas. Pourquoi pas ? Allez, transportons les Pâquis à Cologny, ce n'est finalement pas plus mal. Comme on est en train d'y construire des appartements de luxe, ce sera le Cologny des Pâquis ! Voilà, on peut revisiter le canton dans toute sa splendeur, c'est magnifique ! Cela dit, nous voulons bien discuter de cette motion en commission et nous lui souhaitons bonne chance.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et cède la parole à M. Alberto Velasco pour une minute et trente secondes.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je ne comprends pas en quoi cette motion est une provocation. Sincèrement, j'aurais aimé que vous m'expliquiez par un raisonnement logique en quoi c'est une provocation, parce que, pour ma part, je ne vois pas. Si vous êtes empreints des notions du bien commun, de l'intérêt public, vous comprendrez que ce n'en est pas une. Monsieur Riedweg - vous permettez, Monsieur le président - vous avez demandé pourquoi on n'utilisait pas le parc La Grange: voyez-vous, Monsieur Riedweg, le parc La Grange est public, c'est une donation, tout le monde peut s'y rendre, et il en va de même de la plaine de Plainpalais ou d'autres lieux que vous avez cités, mais pas du Golf Club de Genève ! Il faut avoir un bon chéquier, mon cher député, pour y accéder ! Oui, un bon chéquier !

Par ailleurs, cher collègue, vous avez dit qu'il était important que les gens qui ont fait carrière puissent pratiquer ce sport d'élite - parce que ceux qui n'ont pas fait carrière peuvent aller habiter dans une décharge, pas vrai ? Eh bien, Monsieur, ces mêmes personnes possèdent normalement de belles bagnoles, des voitures intéressantes et puissantes, et ils peuvent tout à fait rouler quelques kilomètres de plus pour se rendre dans les golfs de l'autre côté de la frontière, qui sont parfaitement praticables et tout aussi bien. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une provocation. Ce qui est anachronique, Monsieur le président, c'est que dans un canton où il manque des terrains pour construire...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Alberto Velasco. ...un si bel endroit ne soit utilisé que pour une toute petite partie de la population.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco.  Ça, c'est anachronique ! Ça, c'est une provocation !

Le président. Merci...

M. Alberto Velasco. Mesdames et Messieurs, nous demandons que vous votiez le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de par ma fonction, j'ai visité de nombreuses villes, et j'en ai tiré en tout cas une leçon, c'est que personne ne maîtrise le développement d'une agglomération. Il est d'ailleurs extraordinaire, et Genève en est la démonstration, de voir des villes s'étendre puis se résorber, puis s'étendre à nouveau. Aucun individu ne peut prévoir ce qui va se passer - sauf celui qui a mis le feu à Rome pour liquider tout ce qui le gênait ! Mais si on n'utilise pas ce genre de méthode, les villes se développent contre toute attente. Nous nous trouvons dans une région qui se développe, et bien malin qui peut dire aujourd'hui à quoi ressemblera le golf d'Onex dans trente ans - à mon avis, il est juste et nécessaire de se poser la question.

Ce qui est tout à fait ironique, Mesdames et Messieurs, c'est que celles et ceux qui soutiennent la grande traversée de la rade ont bien compris que le Conseil fédéral attendait de voir s'urbaniser le canton, parce qu'un pont est prioritairement destiné à relier une rive à l'autre, des gens avec d'autres. Pour le Conseil fédéral et les Chambres, relier le Vengeron à quelque chose d'improbable de l'autre côté ne suffira pas à justifier cette grande traversée du lac. Celles et ceux qui soutiennent cette traversée devraient donc réfléchir à deux fois avant de prétendre que ce sont des stupidités et commencer à organiser l'urbanisation de ce secteur, parce que de toute façon, Mesdames et Messieurs, qu'on soit riche ou pauvre, on a besoin de terrains. Or, et nous avons malheureusement pu le constater lors du débat de ce matin, nous disposons de peu de terrains, donc celui-ci est nécessaire. En tous les cas, il est nécessaire de se confronter à ce terrain et de maîtriser notre développement si nous ne voulons pas être un jour piégés par notre propre croissance, car cette ville ne nous attendra pas pour se développer par elle-même ! Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à Mme Marie-Thérèse Engelberts. Vous avez une minute trente, Madame.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Je ne pense pas qu'il s'agisse forcément d'une provocation, mais l'image que j'en ai, très honnêtement, c'est comme la période surréaliste avec Salvador Dalí, qui trouve tout à coup une idée géniale et nous propose une montre un peu molle. Si on fait un plan d'urbanisme, ainsi que vient de le suggérer le préopinant, on ne fait pas une proposition sur un seul lieu donné ! Un plan d'urbanisme comprend l'ensemble du territoire et des environs, on définit un certain nombre de critères. Quels sont les critères qui vous ont fait opter pour le Golf Club de Genève ? Tiens, comme par hasard, Cologny ! Comme par hasard, le golf !

Ce que je suspecte, derrière votre proposition - appelons-la comme ça pour parler en termes positifs - c'est que vous n'acceptiez pas le fait que quelques personnes puissent faire autre chose que ce que vous avez envie de faire. C'est incroyable ! C'est comme pendant toute une période où les artistes n'avaient pas le droit d'être riches et devaient rouler en 2 CV ! Mais qu'est-ce que c'est que cette façon de penser ? Pensons plan directeur cantonal, pensons plan d'urbanisation, et à ce moment-là, on peut entrer en matière. Pour ma part, je trouve qu'il ne vaut pas la peine...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement, ce sont plutôt nos méninges qu'il nous faut aménager !

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cet après-midi, je parlais de la zone agricole cultivée; voilà un autre exemple de zone agricole qui n'est plus cultivée pour de la production vivrière, qui est plutôt cultivée comme un grand espace vert privé. Dans le contexte de pénurie de logements que nous avons largement évoqué aujourd'hui, on peut comprendre que cette zone de 42 hectares soit convoitée pour y construire du logement, c'est naturel, c'est raisonnable.

Cependant, ainsi que l'auteure l'a rappelé, ces 42 hectares sont aux mains d'un seul propriétaire, soit le Golf Club de Genève, et il est probable que cet unique propriétaire n'ait pas comme projet de valoriser son terrain sous la forme de 2000 logements dans un futur proche, et que, en dépit de l'enthousiasme de l'auteure, il ne se passe rien avant très longtemps. L'idée est amusante - il est vrai que j'ai beaucoup ri lorsque j'ai découvert cette motion il y a quelques mois - l'idée est simple, et je suis même étonné qu'elle ne figure pas dans le plan directeur 2030, parce que nous aurions pu la discuter pendant le traitement de celui-ci. L'idée est simple, mais il n'est pas sûr qu'elle ait une suite. Alors, pour faire simple également, je vous propose que nous renvoyions cette motion à la commission d'aménagement, juste pour en avoir le coeur net.

M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, tout le monde a compris que nous étions en plein débat dogmatique aujourd'hui. A ceux d'en face qui nous critiquent souvent en prétendant que nous faisons perdre du temps au parlement, je dis bravo, c'est vrai que nous sommes en train d'en gagner énormément dans l'avancement de nos travaux ! La première question qui m'est venue à l'esprit quand je vous ai entendus était la suivante: combien de membres du parti socialiste jouent-ils au golf de Cologny ? Je serais curieux de le savoir. Si je vous comprends bien, golf égale élite, élite égale riches, et vous avez la haine des riches, ceux-là même qui paient des impôts et permettent ainsi à la plupart d'entre vous, membres et cadres d'associations qui touchez passablement de subventions, de vivre.

En résumé, Mesdames et Messieurs, c'est ridicule, c'est pathétique. S'agissant des quelques-uns d'entre vous candidats au Conseil national voire à celui des Etats, j'espère que les électeurs et électrices qui vous écoutent en tireront les mêmes conclusions. C'est simple, Mesdames et Messieurs: l'un des meilleurs golfeurs suisses du moment s'appelle Julien Clément, c'est un Genevois, fils du concierge portugais du golf de Cologny, et il a aujourd'hui l'un des meilleurs handicaps d'Europe, c'est une valeur montante du golf mondial !

M. Benoît Genecand (PLR). Comme cela a été dit par M. Lefort, ce terrain se situe en zone agricole, ne figure pas dans le plan directeur cantonal et ne sera pas vendu par le propriétaire, donc ce projet n'a aucune chance. Notre parlement a renvoyé beaucoup d'objets en commission aujourd'hui, il semblerait que ce soit le nouveau chic. Pendant cette séance, on a reçu un e-mail nous annonçant que la commission d'aménagement, faute d'objets, ne siégeait plus: je soupçonne certains d'entre nous de s'être dit que c'était là une bonne occasion de discuter d'un truc sympa, de faire un tas d'auditions. Alors on va auditionner des golfeurs, des riches, des pauvres, des gens qui aiment bien aller au parc des Bastions... Ah, on peut en faire pendant cinq semaines, Mesdames et Messieurs, ça va coûter cher aux contribuables mais manifestement tout le monde s'en fout ! Et à la fin, on reviendra ici en disant que ce n'est finalement pas une super idée parce que c'est un terrain en zone agricole, qu'il ne figure pas dans le plan directeur cantonal, que le propriétaire ne veut pas vendre et que Berne, vraisemblablement, ne l'accepterait pas. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de civisme ! Dites non tout de suite ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin, à qui il reste vingt-huit secondes.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président, mais je crois que tout a été dit. En fait, je voulais simplement rappeler aux personnes présentes que les membres du Golf Club de Genève sont les contribuables qui paient le plus d'impôts à Genève. Alors pourrissez-leur la vie, faites-en tant et plus, ils finiront par s'installer à Monaco, comme beaucoup l'ont déjà fait, et on n'encaissera plus leurs impôts.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Saudan, vous avez dix secondes.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Au-delà de cette provocation que j'estime assez sympathique, je voulais demander à Mme Marti comment elle comptait financer l'expropriation du Golf Club de Genève, parce que même si le terrain se situe en zone agricole, j'imagine qu'il faudra exproprier. Or à Cologny, le prix du mètre carré s'élève à 3500 F, donc...

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.

M. Patrick Saudan. ...je vous laisse imaginer le prix de 420 000 mètres carrés en francs suisses ! J'aurais aimé savoir, j'aurais aimé avoir des précisions !

Le président. Merci. Monsieur Amaudruz, vous n'avez plus de temps de parole.

M. Michel Amaudruz. Je le regrette !

Le président. Moi aussi ! (Le président rit.) La parole va à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers pour trois minutes.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président, pour ces trois minutes - mon handicap au golf étant ce qu'il est, je n'en abuserai pas ! Mesdames et Messieurs, je vous l'ai dit tout à l'heure: le plan directeur cantonal, que le plan directeur cantonal, rien que le plan directeur cantonal ! Ce périmètre n'en fait pas partie, et en effet, le Conseil d'Etat n'a aujourd'hui ni envisagé d'urbanisation dans ce secteur ni prévu les infrastructures de transports publics nécessaires et conséquentes au développement d'un quartier de deux mille logements. Partant, il est plutôt sceptique quant à l'invite principale de cette motion.

Cela étant, ce texte soulève tout de même deux points intéressants relativement à la politique d'aménagement du territoire. Le premier, qui a été évoqué par Mme Meissner, est celui de l'équité territoriale. Vous savez à quel point certains secteurs de notre canton sont sollicités - on y installe des citernes, des activités aéroportuaires, des industries de nuisance - tandis que d'autres sont épargnés. Une question politique toute simple se pose dès lors s'agissant des avantages et inconvénients des infrastructures dont nous avons besoin: nous avons besoin de déchetteries, de beaucoup de choses plutôt désagréables mais aussi de choses agréables. Ce parlement estime-t-il normal de renforcer les inégalités territoriales dans notre canton ou, au contraire, trouve-t-il pertinent de partager les efforts, par exemple de construction de logements et de logements d'utilité publique notamment ? Cette notion d'équité territoriale est fondamentale car elle se trouve au coeur de la cohésion sociale de notre canton, de notre pays. Nous n'avons pas eu, et c'est heureux, les pratiques par exemple françaises des ghettos, des ghettos de pauvres d'un côté mais aussi des ghettos de riches de l'autre, qui provoquent une incompréhension des populations. Cette motion certes un brin provocatrice questionne cela.

Deuxièmement, et c'est encore plus clair, ce golf se situe à trois kilomètres du centre-ville. Mesdames et Messieurs, une majorité de ce parlement, et c'est aussi la position unanime du Conseil d'Etat, estime que nous devons boucler le contournement routier. Or dites-moi quelle ville ou métropole au monde possède un golf dix-huit trous au sein de son «ring» routier ? Posez la question ! Si, du point de vue genevois, cette discussion paraît anecdotique, je peux vous dire que Mme Leuthard la prend très au sérieux, parce que quand on demande plus de 3 milliards à Berne pour financer un ouvrage routier, si celui-ci dessert un secteur très peu dense - c'est surtout de la zone 5, de la zone agricole et beaucoup d'espaces de verdure - et qu'en plus s'y étalent 44 hectares - ce ne sont pas 42 mais bien 44 hectares - d'un terrain privé non densifié, la Confédération se pose des questions quant à son utilité. Cette motion met donc le doigt sur la contradiction qui est la nôtre à Genève: d'une part, on veut devenir une métropole et avoir un anneau routier, d'autre part, on souhaite préserver des espaces de ce type à proximité du centre-ville. Il ne s'agit pas de critiquer le golf, il s'agit de se poser la question de la croissance d'une métropole avec un golf à trois kilomètres du centre-ville. Vous aurez l'occasion de vous poser cette question en commission, et je vous souhaite de bons travaux !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Chers collègues, je soumets à votre approbation la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2265 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 45 oui contre 38 non et 3 abstentions.