République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11280-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Vincent Maitre, Anne Marie von Arx-Vernon, Michel Forni, Guy Mettan, Philippe Schaller, Henry Rappaz, Béatrice Hirsch, Bernhard Riedweg modifiant la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile (LSDom) (K 1 06) (Pour la mise en place d'un service d'hospitalisation à domicile (HAD))
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de minorité de M. Bertrand Buchs (PDC)

Premier débat

Le président. Nous abordons à présent notre dernière urgence, soit le PL 11280-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Conne.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé. (Brouhaha.)

Le président. Je n'ai pas entendu, Monsieur.

M. Pierre Conne. Je demande le renvoi de ce projet de loi à la commission de la santé.

Le président. J'en prends note. Monsieur Buchs, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ?

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité. Oui, nous demandons également le renvoi à la commission de la santé, s'il vous plaît.

Le président. Très bien. S'il n'y a pas de demande de parole du Conseil d'Etat, je vous fais voter le renvoi... (Commentaires. Remarque.) Non, Madame. Il y a une demande de renvoi en commission, vous n'avez donc pas la parole. Monsieur Poggia, vous pouvez vous exprimer.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Il semblerait qu'un renvoi en commission ait été discuté et accepté par les différents groupes. J'aurais évidemment souhaité savoir... (Commentaires.) Ecoutez, on verra au moment du vote qui l'accepte et qui le refuse ! Pour ma part, je suis étonné qu'un projet de loi comme celui-ci retourne en commission, une commission qui n'est pas totalement désoeuvrée et qui a bien assez d'autres sujets à traiter, ceci pour reparler d'un sujet qui a déjà été abordé et pour lequel une majorité a considéré que les structures actuelles étaient déjà suffisantes. Je m'explique.

Ce que l'on nous propose dans ce projet de loi, ce n'est ni plus ni moins qu'un changement cosmétique de la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile, en ajoutant la mention de soins «simples ou complexes», en donnant une définition de l'hospitalisation à domicile qui existe déjà et en ajoutant un bout de phrase à un autre article qui parle aussi de l'hospitalisation à domicile. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'hospitalisation à domicile n'est pas un nouveau sujet. D'ailleurs, M. Buchs est bien placé pour le savoir, puisqu'en 1997 déjà, il en était l'initiateur dans le cadre d'une association genevoise pour l'hôpital à domicile. Comme je le disais, cet hôpital à domicile fonctionne avec des structures comme l'IMAD, mais aussi Sitex, Proximos ainsi que l'ex-SOS Pharmacie. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Mauro Poggia. Certes, le système est perfectible, mais il existe. Je suis étonné que le corps médical et notamment l'Association des médecins du canton de Genève, pourtant prompte à prendre position sur divers sujets, ne s'organise pas davantage pour que cet hôpital à domicile fonctionne correctement. Il faut savoir qu'aujourd'hui, une personne hospitalisée à domicile - en lieu et place d'une hospitalisation dans nos hôpitaux publics - peut bénéficier de toute une série de soins, avec des médecins qui se déplacent, surtout son médecin traitant. Or l'AMG, qui grossit année après année compte tenu de la possibilité de s'installer, n'organise pas de permanence pour qu'on puisse donner aux personnes qui quittent l'hôpital les soins nécessaires: les médecins traitants ne travaillent pas le week-end. Personne ne s'occupe de ces gens. Et l'on voudrait, alors que les soins sont pris en charge... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Mauro Poggia. ...alors que les soins sont pris en charge... Merci, Monsieur le président. ...alors qu'en l'état actuel, les soins pour les personnes à domicile - qui peuvent être des soins soutenus, complexes - sont à charge de la LAMal, on voudrait faire grossir cette structure cantonale pour faire grossir tout autant le budget à charge du canton ? Je dis à l'AMG de s'organiser correctement pour offrir une qualité des soins aux personnes qui sortent de l'hôpital. En cela, je demande aussi à cette association de promouvoir MonDossierMedical.ch - l'ancien projet e-toile - qui permet justement de savoir, lorsqu'une personne quitte les hôpitaux publics, de quels traitements elle a bénéficié, de quels traitements elle doit pouvoir bénéficier, afin qu'il y ait un véritable suivi et une coordination entre les différents services. Au lieu de cela, on veut nous proposer un nouveau «machin» - pour paraphraser Charles de Gaulle - qui va coûter de l'argent à l'Etat, alors que les acteurs sont déjà sur place et peuvent très bien fonctionner avec un minimum de bonne volonté. Vous voulez renvoyer ce projet en commission ? Renvoyez-le en commission, si cela vous fait plaisir ! Mais la position du département ne changera pas. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons voter la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11280 à la commission de la santé est rejeté par 48 non contre 35 oui et 4 abstentions.

Le président. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Je suis très contente de ce non-renvoi en commission, parce que nous avons déjà traité ce projet de loi plusieurs fois. Il y a différentes manières de voir le monde et d'analyser la réalité. Nous avons un service qui s'appelle l'IMAD et d'autres - comme Spitex, etc. - qui travaillent depuis des décennies pour s'occuper des patients. Ils ont entre autres mis en place un service d'hospitalisation à domicile. C'est vrai que c'est une belle niche, l'hospitalisation à domicile. On n'a tellement pas envie d'aller à l'hôpital ! Et ça se comprend ! Or, comme par hasard, alors que nous avons des services qui fonctionnent admirablement bien et que les médecins de premier recours feraient mieux de s'investir dans leur propre travail en groupe ou en cabinet - c'est comme ils veulent - ils nous proposent maintenant de créer un service d'hospitalisation à domicile ! Mais il y en a déjà ! Et ça marche très bien ! Cette petite niche promet beaucoup sur le plan économique. On a d'ailleurs vu ce qui a été développé au niveau des cliniques privées, par exemple. Au final, on va nous proposer une privatisation des soins à domicile ! Ça suffit, maintenant ! En plus de ça, ils n'auront aucune fonction de formation ! L'IMAD se coltine la formation de tout le personnel soignant et d'accompagnement pour les personnes en soins à domicile. Je regrette que le PDC entre dans cette logique. Je suis triste de voir que le corps médical et les pharmaciens se mettent ensemble. C'est quasiment une mafia, ce n'est pas possible ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Aujourd'hui, il y a des services qui ont investi des décennies dans les compétences. C'est vrai que les infirmières ont besoin de l'aval du médecin pour pouvoir indiquer quel type de médicaments il faut recevoir. Or je crois savoir que le personnel infirmier est bien plus compétent dans le domaine des soins palliatifs. Voilà des décennies qu'on travaille dans le domaine de l'accompagnement des mourants, on n'a pas attendu que l'AMG nous dise comment il fallait faire ! C'est vraiment traiter un corps professionnel de manière inadéquate ! Tout ça pour gagner plus d'argent, parce que, tout à coup, on ne sait plus comment faire sur le plan du développement de la profession médicale. Je regrette beaucoup que mes deux collègues - que j'estime par ailleurs énormément - s'adonnent à ce type de propositions. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Présidence de M. Antoine Barde, premier vice-président

Mme Christina Meissner (UDC). Si le groupe UDC a refusé le renvoi en commission à l'instant, c'est simplement parce que du moment que le conseiller d'Etat s'est exprimé sur ce projet de loi en expliquant très clairement sa position - ce dont nous le remercions - il nous paraissait utile et indispensable que les rapporteurs s'expriment eux aussi. Sans cela, il n'est pas possible d'avoir l'expression de chacun, ses justifications, la raison pour laquelle il a pris le rapport de majorité ou de minorité. Ensuite, nous jugerons si ce projet mérite véritablement un renvoi en commission. En ce qui concerne le groupe UDC, nous apprécions énormément le travail qui est fait par l'IMAD en matière de soins à domicile et avons quelques doutes quant à la nécessité d'ajouter une couche de médecins au-dessus. Mais nous écouterons volontiers les deux rapporteurs avant de voter.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de minorité. Je suis un peu étonné par ce que j'entends. Il y a de la hargne, de la haine à propos d'un projet pour lequel il n'y a strictement aucune hargne ou haine à avoir. On demande simplement d'améliorer les soins. Si je suis bien placé pour en parler - comme l'a très bien dit M. Poggia - c'est parce que je m'occupe du problème de l'hospitalisation à domicile depuis 1997. Si nous avons demandé un renvoi en commission et si j'ai parlé à tous les groupes, il y a un mois, pour expliquer pourquoi nous demanderions ce renvoi en commission - j'ai aussi parlé au MCG, ainsi qu'à M. le conseiller d'Etat Poggia - c'est parce que je n'avais pas compris la position de l'IMAD quand ses représentants sont venus en commission. La directrice générale, Mme Da Roxa, m'a prié de demander un renvoi en commission pour pouvoir venir s'expliquer, parce qu'elle n'avait pas compris non plus le fond du projet de loi. Elle s'est arrêtée à l'exposé des motifs, où j'expliquais qu'on pourrait créer une fondation, et l'IMAD était absolument opposée à cela. Je lui ai dit que non, que le projet de loi veut uniquement introduire le terme d'«hospitalisation à domicile» dans la loi. Après, on fait ce que l'on veut. Cela donne le temps à l'Etat de mettre en place des structures.

L'hospitalisation à domicile, vous ne pouvez pas en faire ce que vous voulez. On en aura besoin ! La preuve, c'est que l'hôpital cantonal et l'hôpital de gériatrie nous demandent de pouvoir reprendre le plus rapidement possible des patients, parce qu'avec les nouveaux tarifs, on ne peut pas rester trop longtemps à l'hôpital. Il faut donc préparer des sorties rapides. Il faut aussi savoir que la plupart des personnes âgées ne veulent plus être hospitalisées. Après, on peut se fâcher contre les médecins de la ville qui ne font pas de gardes, qui ne travaillent pas le week-end. Je suis d'accord avec vous. Je suis entièrement d'accord avec vous, Madame Engelberts ! Je déplore depuis des années le fait que les confrères ne fassent pas ce qu'ils devraient faire. Mais on ne va pas les changer pour ça. Je suis aussi navré pour M. le conseiller d'Etat Poggia que le président de l'AMG ait dit une grosse bêtise aujourd'hui, lors de sa conférence de presse. Mais cela ne doit pas se répercuter sur le débat que l'on a maintenant.

Pourquoi a-t-on besoin d'hospitalisations à domicile ? Avec M. Segond, on avait parlé du fait qu'il faut absolument pouvoir administrer des soins complexes - M. Longchamp était secrétaire général à cette époque-là. L'IMAD le fait, je suis tout à fait d'accord. Mais, comme l'a très bien dit Mme Engelberts, les soins complexes nécessitent aussi la présence d'un médecin. Or l'IMAD n'a pas de médecins. L'IMAD n'a pas de médecins dans sa structure ! Quand nous avons créé l'association, nous avons demandé que l'IMAD puisse engager un ou deux médecins qui travaillent dans cette structure. L'IMAD ne l'a pas fait. Je rappelle que M. le professeur Waldvogel avait envoyé l'un de ses collaborateurs se former aux Etats-Unis sur l'hospitalisation à domicile. Ce collaborateur travaille actuellement aux urgences de l'hôpital et n'a jamais été employé dans son domaine de formation, ce qui est dommage, ce qui a coûté de l'argent à l'Etat. Je rappelle aussi que nous avons donné des cours de formation à plus de cent médecins sur l'hospitalisation à domicile, et ce pendant plusieurs années. Je ne veux pas me lancer des fleurs, mais je suis l'un des responsables de l'équipe des soins palliatifs. Nous avons créé cette équipe des soins palliatifs, qui marche très bien. Il ne s'agit pas d'opposer les infirmières aux médecins. Je dis simplement qu'on a besoin que l'Etat... Même si vous refusez ce projet de loi, il reviendra d'une façon ou d'une autre devant ce plénum, parce que nous avons besoin de pouvoir faire autre chose que ce que l'on fait maintenant et que le nouveau paradigme des soins va être de soigner les gens à domicile. Actuellement, nous n'avons pas les structures. C'est compliqué de le faire. Mais on aura ce besoin ! En proposant ce projet maintenant, cela donne le temps à l'Etat - cinq à dix ans - pour le faire.

Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une première étape: celle des soins à domicile avec les infirmières, qui a pris dix ans. C'était une étape fantastique, on a fait des choses extraordinaires à Genève, on a mis en place d'excellentes structures. Je dois d'ailleurs remercier toutes les personnes qui y ont participé. Maintenant, il faut passer à la deuxième étape. Nous proposons juste d'introduire des termes dans une loi, et puis de laisser l'Etat décider ce qu'il veut en faire. C'est tout ! Il ne faut pas commencer à y voir une espèce de prise de pouvoir des médecins, ce n'est absolument pas le cas pour moi. Merci beaucoup.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Chers collègues, il y a effectivement quelques rebondissements. A la demande de notre collègue Buchs, j'avais accepté le principe de renvoyer ce projet de loi en commission, alors que j'avais pris le rapport de majorité de non-entrée en matière avec une large majorité de la commission. J'avais d'ailleurs été, en commission de la santé également, l'un des intervenants ayant le plus plaidé le fait que ce projet de loi n'amenait strictement rien comme plus-value dans les soins à domicile. J'y reviendrai. Comprenez simplement qu'à partir du moment où l'on a une thématique importante - les soins à domicile - avec des enjeux de santé publique pour les personnes fragiles soignées à domicile, qu'on a une non-entrée en matière sur un sujet aussi important et que l'initiant vient nous dire qu'il y a des éléments d'information nouveaux qui n'ont pas été pris en compte, il me semble assez naturel de dire qu'on ne va pas, en l'état, rouvrir le débat en plénière: on reprend ces questions en commission de la santé. Vous avez refusé le renvoi à la commission de la santé. Maintenant, les choses sont claires. Vous avez compris la raison pour laquelle j'avais adhéré au fait de reprendre éventuellement des éléments nouveaux en commission de la santé: simplement par souci de bonne collaboration et d'intérêt sur le fond de la question. Cela ne se fera pas. Bien. Alors je remets mon habit de rapporteur de majorité et vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi pour des raisons qui ont déjà été présentées, notamment par le conseiller d'Etat Poggia. Mais je vais aussi reprendre les éléments de synthèse de la majorité de la commission.

Le premier élément, c'est que l'«hospitalisation à domicile» est déjà un terme impropre. On est hospitalisé à l'hôpital. Il y a déjà dans cette terminologie importée d'autres secteurs, d'autres lieux ou d'autres pays quelque chose qui crée des confusions. Ce projet de loi ne règle pas la question et entérine la confusion. Le deuxième élément, c'est que si on doit améliorer la qualité des soins à domicile, ce qui est nécessaire parce que les médecins et les infirmières à domicile accueillent des patients requérant des thérapies de plus en plus complexes avec des traitements techniques - des perfusions d'antibiotiques par exemple - cela nécessite de renforcer la coopération entre les secteurs, les hôpitaux, les médecins praticiens, les infirmières de soins à domicile. Aujourd'hui, il y a trop de silos existants. Dans le fond, c'est un message très explicite même si, pour certains, il est un peu subliminaire. Ce refus d'entrer en matière consiste à dire la chose suivante aux partenaires prestataires, que ce soient les médecins, les infirmiers à domicile ou les médecins de l'AMG - je reprends là l'un des éléments d'argumentation du conseiller d'Etat: collaborez entre vous, utilisez de façon plus efficace les moyens, les systèmes d'information comme MonDossierMedical.ch et mettez en place des instances de pilotage et de coordination des patients à domicile. Le fait d'inscrire dans la loi le terme «soins à domicile» n'apportera rien de plus. Aujourd'hui, les instances sont en place. La responsabilité est entre les mains des prestataires. Ils doivent s'organiser entre eux de manière à avoir une meilleure coordination pour assurer les soins à domicile. Compte tenu de ces éléments, il n'y a absolument aucune raison, sur la base des faits, des données à notre disposition aujourd'hui, d'entrer en matière sur ce projet de loi. Il faut renvoyer la question aux prestataires et aux auteurs en leur demandant simplement de se mettre au travail. Voilà la raison pour laquelle nous pouvons voter la non-entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Christian Frey (S). Le groupe socialiste confirme cette position et recommande la non-entrée en matière sur cette nouvelle structure. S'il est difficile d'aller contre une initiative qui vise à l'amélioration des soins à domicile, sachant que cela répond aussi à un besoin de la population, la création d'une nouvelle structure ou d'une nouvelle appellation n'apporte cependant, à ce stade, rien de nouveau. L'IMAD, qui a été entendue par la commission de la santé, fonctionne bien. Si l'IMAD estime que, comme l'a par exemple mentionné le rapporteur de minorité, il manque des médecins, nous nous référons à l'excellente présentation du rapporteur de majorité, qui a précisé qu'il s'agit plus d'une question de coordination entre services existants que de créer une structure nouvelle. Ceci nous permet aussi, à nous autres socialistes, de dire que nous ne cherchons pas absolument à créer des genevoiseries, c'est-à-dire des choses qui se font parallèlement, ou à créer de nouvelles structures. Nous sommes aussi conscients de la situation de l'Etat de Genève et de la santé, et nous cherchons également l'efficience et l'efficacité. Ce projet de loi n'amène rien de nouveau à ce niveau-là. Je vous remercie.

Mme Magali Orsini (EAG). Je voulais juste confirmer que si le groupe EAG avait refusé l'entrée en matière, c'est parce que les auditions des acteurs concernés nous ont convaincus du bon fonctionnement actuel du réseau et de la non-nécessité d'une organisation faîtière, qui n'apporte aucune plus-value.

M. Bernhard Riedweg (UDC). L'hospitalisation à domicile permet de faire baisser les coûts des soins hospitaliers, ce qui se répercute sur la taille des hôpitaux dont les capacités augmentent, les patients restant chez eux. La tendance est de raccourcir la durée de traitement des soins complexes, et même d'éviter une hospitalisation si possible, d'où une économie d'argent. Les auditions ont montré que la structure proposée dans ce projet de loi existe déjà, et par conséquent, il est inutile d'en créer une nouvelle de toutes pièces. En effet, l'institution genevoise de maintien à domicile - IMAD - regroupe 2000 collaborateurs et reçoit 144 millions de subventions de l'Etat sur un budget de 210 millions pour assurer le service dont parle ce projet de loi. Dans le cadre de cet organisme, 25 personnes sont en charge du service de l'hospitalisation à domicile et soignent 150 patients par mois, ce qui fait environ 1000 patients par année. Par conséquent, notre groupe vous demande de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

Présidence de M. Eric Stauffer, deuxième vice-président

M. Jean-Luc Forni (PDC). Je crois qu'il y a une petite confusion dans le débat que nous avons ce soir. Etant moi-même créateur de la société Proximos - vous allez me dire que j'ai un conflit d'intérêts mais, rassurez-vous, je suis président des pharmaciens et non pas président de Proximos - je voudrais simplement dire que l'hospitalisation à domicile a été créée il y a une vingtaine d'années. C'était une nouvelle prestation. Dès le départ, nous avons immédiatement collaboré avec les instances infirmières existantes, à savoir l'IMAD - qui s'appelait autrefois la FSASD - et la Coopérative de soins infirmiers, qui regroupe les infirmières privées. Le but était de prendre en charge les patients, d'adapter les sorties d'hôpital et d'éviter que des patients qui n'ont pas la nécessité d'aller à l'hôpital ne s'y retrouvent malgré tout. La structure de soins complexes s'articule maintenant aussi autour de MonDossierMedical.ch, où l'on regroupe les médecins hospitaliers, l'IMAD, la Coopérative de soins infirmiers, les laboratoires, les pharmaciens et les pharmaciens tels que ceux de Proximos, qui assurent les soins complexes. Tout le monde gravite autour de cette structure.

Ce que l'on aimerait ce soir, c'est réactiver ce noyau HAD - hospitalisation à domicile - même si ce terme peut paraître impropre à Genève. Cela fait quand même vingt ans qu'il existe. En France et dans les pays européens, il est largement développé. Le but n'est pas de créer une nouvelle structure, mais de rendre l'existante plus efficiente et d'améliorer la collaboration interdisciplinaire entre tous les intervenants, parmi lesquels l'IMAD. L'IMAD ne peut pas tout faire. On a parlé de mafia médecins-pharmaciens. J'aimerais juste rappeler que les soins à domicile représentent +5,6% dans le budget de la santé. Les pharmaciens sont relativement à l'aise, puisqu'on est à +0,7%. Les médecins, quant à eux, représentent environ +5%. Je crois que le but n'est pas d'augmenter les coûts de la santé mais, bien au contraire, d'essayer de les freiner. On ne les arrêtera jamais - tout le monde le sait - en raison du vieillissement de la population et des traitements les plus complexes. Le but était plutôt de trouver une structure qui soit plus efficiente, dans laquelle il y ait un peu plus de répondant des médecins. Il arrive en effet des cas où le médecin à domicile, le médecin de ville se trouve un peu perdu dans des situations complexes. Le but était de trouver une structure qui ressemble à celle que nous connaissons déjà dans les soins palliatifs. On a une structure ambulatoire de soins palliatifs qui intervient aussi à domicile et qui collabore avec les médecins traitants. Le but n'est pas de créer une nouvelle structure, mais de rendre un bout de structure qui existe déjà depuis vingt ans - je le répète - un peu plus efficient. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Les Verts regrettent également que nous n'ayons pas renvoyé ce projet de loi en commission s'il y a effectivement de nouvelles informations et de nouveaux éléments. Il aurait également pu être poli d'écouter l'IMAD qui avait de nouvelles choses à nous dire. C'est vrai que cela ressemblait un peu à une tentative désespérée du PDC pour nous faire changer d'avis sur ce projet de loi. Quand bien même, pourquoi ne pas retourner écouter les différents intervenants ? Puisqu'on doit en discuter maintenant, les Verts ne souhaitent pas non plus entrer en matière sur ce projet de loi, ceci pour plusieurs raisons.

D'abord, à cause de l'incohérence totale entre le projet de loi tel quel et l'exposé des motifs. En effet, le projet de loi demandait d'inscrire dans la loi le principe d'hospitalisation à domicile, ce qui n'est pas forcément une mauvaise idée. Il y avait aussi l'argument que cela pourrait déstabiliser les assurances-maladie et faire en sorte d'empêcher les assureurs de ne pas rembourser ce type de soins. Or il nous a été démontré que les arguments utilisés n'étaient finalement pas ceux-là et que cela ne changerait pas la situation. S'il avait été important de défendre l'hospitalisation à domicile, c'est surtout parce que la liberté de choix du patient est pour nous essentielle. Elle est essentielle, mais il faut malheureusement se rendre compte qu'elle n'existe pas. C'est impossible d'avoir une liberté de choix totale, d'une part parce que la liberté de choix du patient qui souhaite rester à la maison se reporte forcément sur les proches aidants. Il y a quand même des personnes qui en pâtissent, qui n'ont peut-être ni les compétences ni la capacité ni la volonté de faire ce choix extrêmement pesant. D'autre part parce que les patients n'ont pas toujours la mesure d'appréciation de la situation de leur état de santé. Enfin, il n'est pas toujours possible de les soigner à la maison.

Par contre, le terme «hospitalisation à domicile» n'est pas forcément galvaudé pour moi. On défend là une idée différente du simple maintien à domicile. Ce qui est voulu, avec ce terme, c'est justement d'amener l'hôpital à la maison. Le terme n'est donc pas totalement faux. Finalement, ce projet de loi voulait surtout inscrire dans la loi - par son exposé des motifs - une vraie usine à gaz, qui consiste à rajouter des échelons supplémentaires, des intermédiaires entre le patient et le médecin. A notre sens, c'est une très mauvaise idée.

Pour finir, le grand regret que je peux formuler quant à tout le travail que nous avons eu en commission, c'est que celle-ci a refusé d'auditionner d'autres associations, par exemple de proches aidants ou de patients. On a entendu les prestataires et les professionnels nous dire que l'hospitalisation à domicile à Genève marche extrêmement bien en ce moment. Evidemment que le prestataire nous dit que ça marche bien ! J'aurais trouvé intéressant d'entendre aussi le bénéficiaire pour savoir si c'est vraiment le cas. Nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi, même si l'hospitalisation à domicile est quelque chose qu'il faut encore développer à Genève; mais à notre sens, ce projet de loi est contre-productif.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute et vingt secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste lire ceci, dans le rapport de commission: «Cette nouvelle structure sanitaire cantonale serait dirigée par une nouvelle fondation pour l'hospitalisation à domicile [...]». Celle-ci serait gérée à parts égales entre un certain nombre de partenaires, dont l'Institution de maintien à domicile et les infirmières indépendantes, qui ne sont pas très nombreuses dans notre canton. Quand on nous dit que ce n'est pas quelque chose de nouveau, je crois que c'est faux. La commission a pris connaissance de cela et a beaucoup discuté, même deux fois avec M. le député Buchs. Je crois qu'on a été... L'idée n'est pas de ne pas développer les soins à domicile. Mais il faut savoir par exemple que dans le cadre de l'hospitalisation à domicile, les infirmières restent 24h/24h. Je n'ai encore jamais vu de médecin qui reste 24h/24h à domicile.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Cela sera peut-être le cas avec la nouvelle fondation ! Notre groupe s'abstiendra, n'entrera pas en matière sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia. Merci, Monsieur le président...

Le président. Ah, excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat ! M. Rielle souhaite encore s'exprimer.

M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président de séance, de lire votre tableau. C'est ce que j'ai fait pendant une année ! Monsieur le président de séance, Mesdames et Messieurs les députés, je remercie Christian Frey d'avoir expliqué, au nom du parti socialiste, les choses qui se sont passées en commission et ce que nous avons décidé. Mais je ne peux pas laisser passer un sujet comme celui-là sans vous faire connaître ce que m'avait dit le professeur Bailly, il y a à peu près vingt-cinq ans. C'est important, la sémantique ! On parle beaucoup de soins extra-hospitaliers. Or la norme, ce n'est pas l'hôpital. La norme, c'est la maison, le domicile. C'est donc quand on est à l'hôpital qu'on devrait parler de soins extra-domicile. Cette sémantique est extrêmement importante, parce qu'ensuite vient le problème de savoir où on met les fonds en matière de prévention, en matière d'hôpital - qui a besoin d'argent pour les soins prodigués - et puis maintenant en matière de soins à domicile. Parlons donc de soins extra-domicile lorsqu'on est hospitalisé ! J'ai bien aimé cette parole du professeur Bailly, il y a plus de vingt-cinq ans.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le deuxième vice-président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne voudrais pas faire croire, dans mon intervention, que le projet qui vous a été soumis n'a pas pour fondement un élan que nous partageons. Aujourd'hui, avec le vieillissement de la population, il y a en effet une réelle problématique consistant à chercher des structures intermédiaires. Nous en parlons pour trouver des alternatives aux EMS, bien évidemment. Que M. le député Buchs, qui est l'un des signataires de ce projet de loi, soit rassuré: sa préoccupation est prise au sérieux par le Conseil d'Etat. Nous considérons simplement que la proposition telle qu'elle est faite n'est pas opportune.

J'en entends certains parler de liberté de choix du patient et du fait que le patient doit pouvoir rester à domicile s'il le souhaite. Je voudrais bien volontiers les suivre sur cette voie. Malheureusement - ou heureusement parce que, sinon, où seraient les freins ? - il faut savoir que l'article 32, alinéa 1 de la LAMal précise tout de même que les soins doivent être efficaces, appropriés et économiques. Il est vrai que l'économicité a pris un rôle certainement exagéré dans le domaine de la médecine. Il n'en demeure pas moins qu'elle est là. Dans un arrêt du 6 mars de l'année dernière, le Tribunal fédéral a considéré que lorsque les soins à domicile sont excessifs par rapport à un placement en EMS, il faut opter pour l'EMS. Sinon, c'est la personne elle-même qui doit assumer financièrement son choix. C'est donc bien joli de dire que nous avons le choix ! Mais qui peut se payer tout ce qui dépasserait 108 F par jour, qui est le coût d'un EMS ? Qui pourrait se l'offrir, selon le Tribunal fédéral ? Qui pourrait se l'offrir lui-même, puisque l'assurance-maladie ne le prend pas en charge ?

Ne mettons pas la charrue avant les boeufs. Avant d'organiser de nouvelles structures comme celle qui est proposée, qui devrait être dans des complexes plus grands - il ne s'agit évidemment pas de transporter une installation hospitalière dans un appartement - il faut créer des structures intermédiaires qui puissent recevoir ces installations. Je pense qu'il faut négocier avec nos assureurs pour trouver avec eux des solutions intermédiaires, qui soient aussi économiques. Sinon, vous aurez automatiquement un report de charges de la LAMal sur la collectivité par l'intermédiaire des prestations complémentaires. L'idée était bonne. Mais une idée n'est bonne que pour autant qu'elle puisse être financée et que son financement soit supportable. C'est malheureusement une leçon que nous devrons de plus en plus apprendre dans le cadre de cette prochaine législature, et sans doute les suivantes. Aujourd'hui, on ne peut plus simplement décider ce qui est bien et bon, il faut aussi décider ce qui est supportable financièrement. Ce qui est proposé ici ne l'est pas. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11280 est rejeté en premier débat par 75 non contre 10 oui et 1 abstention.