République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2185
Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Sophie Forster Carbonnier, Marie-Thérèse Engelberts, Guy Mettan, Renaud Gautier, Eric Leyvraz, Irène Buche visant à ériger un monument en hommage à Nelson Mandela et à son action en faveur de la paix
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 23 et 24 janvier 2014.

Débat

Le président. Nous passons au point 53 de notre ordre du jour, la proposition de motion 2185. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Christian Grobet.

M. Christian Grobet (EAG). Je serai très bref. Cette proposition de motion présentée conjointement par un membre de chacun des partis vise à ériger un monument en hommage à Nelson Mandela et à son action en faveur de la paix. On sait à quel point cette personne fut extraordinaire. Cette motion devrait gagner une grande majorité de notre Grand Conseil, puisqu'un député de chaque parti l'a signée. Pour ma part, je considère que Nelson Mandela est un exemple de paix et d'engagement pour nous tous. Il mérite d'être honoré à sa juste valeur dans une ville symbole de paix et de défense des droits humains comme Genève. Il s'agira ensuite de choisir le type de monuments et son emplacement. A ce sujet, la future réalisation pourrait trouver sa place dans le parc de l'Organisation des Nations Unies, proche de l'avenue de la Paix. Un autre site pourrait être le Centre oecuménique des Eglises, ce d'autant plus que Nelson Mandela s'y est rendu le 9 juin 1990, quelques mois seulement après sa remise en liberté après vingt-sept ans de détention. Par ailleurs, il y a un monument en hommage à Gandhi en bordure de l'avenue de la Paix. Enfin, nous proposons que le Conseil d'Etat se charge de ce monument par un crédit. J'espère, Monsieur Longchamp, que vous ferez en sorte d'amener ce crédit, et ce assez rapidement. J'en serais très heureux. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je ne vais pas ajouter grand-chose à ce que mon collègue vient de dire, si ce n'est insister sur les valeurs de démocratie et de lutte pour la liberté que Nelson Mandela a honorées pendant toute sa vie. Certains m'ont dit que c'étaient là des réactions un peu gentillettes suite à son décès. Ça crée de l'émotion, et c'est pour ça qu'on dépose ce genre de motions. Or ce n'est vraiment pas le cas. Comme disait Giacometti, plus un homme ou une femme s'élève par ses réalisations, plus son ombre portée est grande. Je pense que pour tout homme qui, comme Nelson Mandela, s'est élevé très haut, il peut ainsi y avoir une certaine ombre portée à son action. A cet égard, je voudrais vous lire un extrait des «Cinq méditations sur la beauté» de François Cheng. Il s'agit d'un académicien français qui relie en quelque sorte la beauté au bien:

«Ajoutons aussitôt que cette beauté, en tant que valeur absolue, n'est nullement un astre inaccessible suspendu dans un ciel idéal. Elle est à portée de l'humain, mais se situe bien, nous l'avons dit, au-delà d'un quelconque état de délectation et de "bons sentiments". Elle comporte la prise en charge de la douleur du monde, l'extrême exigence de dignité, de compassion et de sens de la justice, ainsi que la totale ouverture à la résonance universelle. Cette exigence et cette ouverture impliquent, de la part de celui qui cherche, un effort à creuser en lui sa capacité à la réceptivité et à l'accueil, au point de devenir le "ravin du monde", de se laisser brûler par une intense lumière. Cette lumière est seule apte à faire tomber les oripeaux qui lui encombrent corps et esprit; elle est la condition nécessaire à l'advenir d'une authentique ouverture.»

Je trouvais ce texte parfaitement approprié à la personnalité lumineuse de Nelson Mandela, qui non seulement par ses paroles mais surtout par ses actes a osé se déterminer, dans la durée, pour la démocratie et la liberté des êtres humains. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Cette motion vise à ce que Genève rende hommage à un homme exceptionnel, devenu une véritable icône du XXe siècle. Ce qui rend cet homme si remarquable, c'est qu'il a défendu la cause la plus juste qui soit, à savoir l'égalité entre les hommes, sans céder au sentiment de revanche. En plus de sa victoire sur l'apartheid, c'est aussi sa volonté de réconcilier les différentes communautés qui impressionne. La commission de la vérité et de la réconciliation créée sous la présidence de Nelson Mandela évita au pays de sombrer dans la violence tout en permettant aux victimes de pouvoir témoigner des crimes et des exactions politiques commis sous l'apartheid. Nous estimons qu'en raison de la vocation internationale de Genève, il serait bon et adéquat que notre république rende hommage à Nelson Mandela. Nous vous invitons donc à soutenir cette motion. Je vous remercie.

M. Vincent Maitre (PDC). Le PDC soutiendra cette motion pour les excellentes raisons qui sont mentionnées dans l'exposé des motifs. Elles ne seront pas répétées ici. Néanmoins et puisque la motion n'en parle pas, le PDC se préoccupe des coûts qu'une telle statue pourrait potentiellement engendrer. Mais à ce sujet, nous faisons entièrement confiance au Conseil d'Etat, qui saura faire preuve de proportion. Nous pensions par exemple à une alternative qui pourrait être le nom d'une rue. La question du coût en serait ainsi réglée. Ce n'est évidemment pas l'objet de la motion et, comme je l'ai dit, nous la soutiendrons malgré tout. Nous nous en rapportons à la sagesse du Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Weiss... qui n'est pas là. Je passe donc la parole à Mme la députée Irène Buche.

Mme Irène Buche (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, derrière l'homme qu'était Nelson Mandela et son action inlassable pour l'abolition de l'apartheid et pour la démocratie, il y a des valeurs fondamentales auxquelles nous sommes tous attachés, des valeurs d'égalité, de paix, de solidarité, de liberté et de démocratie. L'objectif de cette motion n'est pas de glorifier un homme ni de le mettre sur un piédestal, mais bien de rappeler en tout temps les valeurs qu'il a défendues jusqu'à la fin de sa vie et que nous devons défendre aussi avec toute la force qui nous habite. Le monument proposé doit donc être un symbole de ces valeurs. Genève, ville des droits de l'Homme, est particulièrement bien placée pour agir dans le sens demandé et accueillir un tel monument à valeur de symbole.

L'érection de ce monument n'est d'ailleurs pas incompatible avec la proposition faite par l'UDC, à travers son premier amendement, de renommer une partie de l'avenue de la Paix. Nous pourrions accepter cet amendement à la seule condition que cette invite se rajoute à celle proposée dans la motion. Si cet amendement vise à annuler et remplacer l'invite proposée par la motion, nous refuserons l'amendement. Je voudrais aussi m'exprimer sur le deuxième amendement proposé par l'UDC, qui vise à mandater la HEAD pour la réalisation. Je pense que ce n'est pas du ressort de notre Grand Conseil de décider qui doit être mandaté pour cela. Nous appellerons donc à refuser cet amendement. Pour le surplus, je vous invite à faire bon accueil à cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Je ne vais pas revenir sur Nelson Mandela lui-même. Je crois que tout a déjà été expliqué, et nous sommes entièrement favorables à lui rendre un hommage pour tout ce qu'il a accompli. Je vais donc parler directement des amendements. Si nous avons proposé un premier amendement, c'est justement pour la raison qu'a évoquée M. Maitre, à savoir la question des coûts. Comme vous le savez, la proposition telle que faite dans la motion aura un certain coût. Il va falloir lancer un concours, parce que je vois mal comment on va instaurer l'affaire sans ça. Un concours coûte cher. Après, il va falloir se mettre d'accord pour l'emplacement. Ça va nous prendre du temps, ça va être une bagarre. Il va certainement y avoir des oppositions parce que certains voudront la statue à tel ou tel endroit plutôt qu'à un autre. Cette histoire ne va pas avancer vite. Le problème du monument, c'est qu'il y a les frais d'entretien en plus. On le voit par exemple au Grand-Saconnex, où il y a eu un débat concernant une fontaine qui était censée commémorer un événement. Actuellement, les conseillers municipaux sont en pleine bagarre pour les coûts engendrés par une simple rénovation de cette fontaine, qui s'élèvent à plusieurs centaines de milliers de francs. On le constate aussi avec le monument Brunswick. Même s'il a sa raison d'être, il occasionne un certain coût pour sa réfection et son entretien. C'est la raison pour laquelle nous proposons, par un premier amendement, que l'hommage consiste à renommer une partie de l'avenue de la Paix, qui est un endroit symbolique pour Genève. La portion qui serait renommée se situe entre la rue de Lausanne et la place des Nations. Voilà pourquoi nous avons proposé, par souci de coût, cette alternative. Finalement, je suis d'accord d'entrer en matière pour que cette proposition devienne une deuxième invite, et non pas qu'elle annule et remplace la première comme nous l'avions demandé. Ça deviendrait donc une deuxième invite.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Stéphane Florey. Comme ça, le Conseil d'Etat aurait un choix supplémentaire pour initier cet hommage. Concernant le deuxième amendement, si nous avons demandé de mandater la HEAD...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. J'aimerais juste expliquer l'amendement...

Le président. Non, vous avez épuisé votre temps. Par contre, si vous voulez modifier votre amendement premier, il vous faut passer vers M. Koelliker pour le signer. Monsieur Riedweg, vous ne pouvez plus vous exprimer car votre groupe a épuisé son temps de parole. Monsieur Weiss, c'est à vous.

M. Pierre Weiss (PLR). Merci, Monsieur le président. En trois phrases: j'aimerais tout d'abord dire mon soutien complet à cette proposition de motion, y compris à sa première invite. Deuxièmement, j'espère que régnera ici la même unanimité lorsque nous parlerons des Arméniens. Et puis le troisième point - et c'est l'intervention de M. Florey qui m'en a donné l'idée - j'aimerais qu'il y ait peut-être, si vous le jugez bon, un arrêt de bus ou de tram qui porterait le nom de Mandela dans le secteur des Nations Unies. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). On a rarement eu dans le monde un homme comme Nelson Mandela. C'est extrêmement rare d'avoir des gens qui osent dire non, qui osent tenir leur parole et toujours dire non. C'est un courage immense que de savoir dire non. Des fois, on doit aussi l'apprendre au sein de ce parlement. Il est très important de pouvoir aller de temps en temps à contre-courant. (Brouhaha.)

Le président. Chut !

M. Bertrand Buchs. Concernant les coûts, on peut facilement résoudre ce problème. Je propose que le jour où le Conseil d'Etat veut ériger une statue, on lance une souscription nationale - comme on l'a fait pour la plupart des monuments historiques à Genève - et que les gens donnent quelque chose pour cette statue. Merci.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion que vous vous proposez d'adopter, le Conseil d'Etat vous propose de la lui renvoyer pour qu'il puisse y apporter une réponse positive. Nous partageons l'opinion des motionnaires sur la nécessité de marquer, dans la ville internationale par excellence qu'est Genève, l'action de Nelson Mandela non seulement à l'endroit des citoyens de son pays mais à l'ensemble d'un continent et, de manière générale, à l'ensemble du monde. Comme vous le savez, nous avons une règle qui nous impose un délai de cinq ans avant d'attribuer le nom d'une personne à une rue. Cette règle est très bonne, parce qu'elle nous permet d'avoir le recul nécessaire pour laisser tomber l'émotion. Dans le cas de M. Mandela, la situation est inverse. Il est d'évidence que, dans cinq ans encore, M. Mandela restera un homme d'Etat et une figure historique marquants des XXe et XXIe siècles. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous fera un certain nombre de propositions qui seront de nature à vous permettre de répondre aux invites de cette motion. Un monument est une façon marquante de souligner l'action déterminante qu'a jouée Nelson Mandela dans l'histoire du XXe siècle. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous sommes saisis d'un amendement de l'UDC, qui vient d'être modifié. Il consiste non pas à annuler et remplacer la première invite par les mots suivants, mais à les ajouter comme seconde invite: «à renommer, dès que possible, la partie de l'avenue de la Paix située entre la rue de Lausanne et la place des Nations, avenue Nelson Mandela.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 18 non et 14 abstentions.

Le président. Monsieur Florey, le deuxième amendement proposé par l'UDC consistant à mandater la HEAD pour la réalisation du monument est-il toujours d'actualité ? Il y est en effet mentionné qu'il serait déposé en cas de refus du premier.

M. Stéphane Florey (UDC). Vous ne m'avez pas laissé trente secondes pour l'expliquer ! (Exclamations.) Mais si vous me donnez trente secondes, je veux bien expliquer le pourquoi de cet amendement.

Le président. J'ai juste besoin de savoir si vous le maintenez ou non, Monsieur.

M. Stéphane Florey. Il est maintenu, parce que si la...

Le président. Très bien, je vais le faire voter, Monsieur le député. (Rires.)

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 39 non contre 21 oui et 21 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2185 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 79 oui et 4 abstentions.

Motion 2185