République et canton de Genève

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R 758
Proposition de résolution de Mmes et MM. Renaud Gautier, Eric Stauffer, Antoine Barde, Jean-Michel Bugnion, Marc Falquet, Sandra Golay, Béatrice Hirsch, Christian Zaugg Conditions de détention : des normes plus souples pour que la solidarité confédérale ne reste pas lettre morte
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 13, 14, 27 et 28 mars 2014.

Débat

Le président. Nous traitons maintenant la résolution 758. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Nous sommes saisis de deux amendements, dont le premier est de Mme Jocelyne Haller. Je vous le lis:

«Ajouter les invites suivantes à la résolution de la commission des visiteurs officiels:

- Développer les peines à domicile en se dotant des moyens idoines.

- Favoriser, lorsque ces mesures sont indiquées, les travaux d'intérêt général et les peines pécuniaires.

- Examiner la possibilité que des personnes soient transférées dans leur pays pour exécuter leur peine dans le cadre de la convention pour le transfèrement des personnes condamnées (RS fédéral 0.343) ratifiée par tous les pays du Conseil de l'Europe.

- Interpeller les autorités fédérales pour qu'elles concluent des accords sur le transfèrement réciproque des condamnés avec les pays dont ressortissent nombre de détenus en Suisse.

- Libérer toutes les personnes incarcérées uniquement pour les infractions à la loi sur le séjour des étrangers.»

Nous sommes également saisis d'un amendement de M. Jean-Michel Bugnion, dont la teneur est la suivante:

«Invite (nouvelle teneur)

- à négocier avec les autorités fédérales un assouplissement temporaire des normes régissant l'exécution des peines privatives de liberté dans les établissements pénitentiaires, afin d'autoriser un dépassement du taux d'occupation, limité dans son ampleur et sa durée, sans péjorer l'octroi de subventions par la Confédération. Subsidiairement, à intervenir auprès de la CLDJP afin de coordonner un assouplissement des règles qui ne concernerait évidemment pas l'établissement de détention préventive qu'est la prison de Champ-Dollon.»

La parole est au numéro 117, mais je ne vois pas... Ah, la parole est à Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution interpelle ce parlement et le Conseil d'Etat sur la surpopulation carcérale. M. Maudet disait précédemment qu'il ne s'agissait justement pas de surpopulation carcérale, mais de sous-dotation en postes d'incarcération. Nous ne sommes pas forcément de cet avis; nous estimons qu'il s'agit aussi d'une dynamique de surcriminalisation des délits actuellement.

La réalité de Champ-Dollon est connue de longue date; il aura fallu toutefois les récents conflits auxquels nous avons été confrontés et auxquels l'actualité a rendu un large écho pour que, finalement, on s'inquiète de cette situation. Il aura fallu également que le Tribunal fédéral considère que les conditions de détention sont intolérables, qu'elles sont contraires à la Convention des droits de l'Homme et qu'elles sont illicites. Ainsi, en vertu des droits fondamentaux des détenus - car ils en ont encore - et par respect pour le personnel pénitentiaire, il s'impose de prendre des mesures, toutes affaires cessantes, pour pallier une situation qui est inacceptable. La résolution 758 de la commission des visiteurs... (Brouhaha.) ...propose une piste pour répondre à cette nécessité. Cependant, notre groupe estime que d'exporter une part de la surpopulation carcérale genevoise vers d'autres cantons, sous peine de détériorer les conditions de détention de ces derniers, n'est pas une solution. Se limiter exclusivement à faire baisser le taux d'occupation de la prison de Champ-Dollon, sans poser le problème de la surpopulation carcérale, risque de n'être qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Il ne faut pas se bercer d'illusions: l'accroissement du potentiel de places d'exécution de peine par la mise en service des établissements de La Brenaz II et des Dardelles n'est pas à attendre avant un certain temps. Quoi qu'il en soit, cette perspective d'augmentation du nombre de places de détention ne nous dispense pas de réfléchir à une autre manière d'appliquer la justice ! Il convient donc de comprendre le fonctionnement de la justice genevoise... (Brouhaha.) ...et d'envisager des alternatives, notamment l'alternative à l'exécution de peine lorsque cela est opportun. Pour ce faire, il est impératif de connaître exactement... (Remarque.) Je vous remercie de me laisser parler, Monsieur. Il est impératif de savoir exactement quels sont les effectifs carcéraux et quelles sont les typologies des peines, et de connaître la durée de détention des uns et des autres.

On pourrait aussi se demander pourquoi, à Genève, le taux de détention préventive figure parmi les plus élevés de Suisse. Pourquoi y a-t-on recours plus que dans d'autres cantons ? On peut également s'interroger sur le fait qu'à Genève, le taux de peines privatives de liberté est particulièrement plus élevé que dans le reste de la Suisse, où l'on trouve généralement un taux de 10% alors qu'il est de 25% dans notre canton. Pourquoi ne pas être plus circonspect en la matière, et ne pas recourir plus fréquemment à des peines alternatives ?

Nous demandons donc que soient identifiées les caractéristiques de la population actuellement en détention, à savoir, pour chaque détenu en exécution de peine, connaître: la nationalité et le statut légal en Suisse, la durée de la peine totale et la durée restant à exécuter, le motif de la détention... (Brouhaha. Commentaires.) ...et la description précise des antécédents judiciaires.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. Oui. Aussi, pour aller dans ce sens, nous proposons toute une série de mesures dans l'amendement qui vous est soumis, notamment: développer les arrêts domiciliaires en se dotant des moyens idoines, favoriser, lorsque c'est indiqué, les travaux d'intérêt général et les peines pécuniaires, examiner la possibilité que des personnes soient transférées dans leur pays pour exécuter leur peine dans le cadre de la convention pour les transfèrements...

Le président. Il vous faut conclure, Madame, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Haller. ...des personnes condamnées - je vais terminer. Et cela, évidemment, compte tenu des conditions qui y sont liées, pour autant que ces personnes y consentent. Nous proposons également d'interpeller les autorités fédérales pour qu'elles concluent des accords sur le transfèrement réciproque des condamnés avec les pays dont elles ressortissent, et de libérer les personnes incarcérées uniquement pour des infractions à la loi sur le séjour des étrangers.

Le président. C'est terminé, Madame, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Haller. Et nous soutiendrons également l'amendement de M. Bugnion ! Merci.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, lorsque le groupe de gauche, là, prétend défendre la population et les plus démunis, il faut qu'il reconnaisse que la criminalité touche les plus défavorisés ! Ce sont les gens aisés qui peuvent se payer des services de sécurité privés et qui évitent de subir le préjudice de la criminalité ! Donc il n'y a pas d'autre solution que l'incarcération des criminels multirécidivistes pour protéger la population ! L'autre solution - et c'est ce que l'UDC demande - c'est que soient refoulés... (Commentaires.) ...non, soient expulsés les criminels étrangers qui causent la grande majorité des préjudices à la population, et qui font souffrir un grand nombre de gens parmi les plus défavorisés ! Mais ce n'est pas en libérant les criminels qu'on va protéger la population ! Il faudra m'expliquer cette théorie !

D'autre part, l'UDC a déposé déjà depuis longtemps une motion concernant les modalités d'exécution de peines, c'est la motion 2176 qui se trouve actuellement à la commission judiciaire.

Une chose encore, c'est que l'augmentation de la population n'a rien à voir avec l'augmentation de la criminalité. La criminalité est en immense partie due aux étrangers, et en très grande partie aux étrangers en situation irrégulière, qui font déjà l'objet de mesures d'expulsion mais qu'on n'expulse pas car on n'a pas les accords de réadmission.

Donc ce qu'on demande, c'est qu'un signal fort soit envoyé aux autorités fédérales afin, pour l'instant, de soulager Champ-Dollon, et soulager également les gardiens. On ne va pas trop s'apitoyer sur les criminels, bien que le but ne soit pas d'en faire des bêtes sauvages. Mais il faut préciser que ces gens, avant d'être incarcérés, ont commencé par être délinquants; ce n'est donc pas la prison qui les a rendus ainsi. C'est leur mode de fonctionnement, ce sont des gens qui préfèrent se reposer sur le travail des autres... (Remarque.) ...car c'est beaucoup plus facile que de se lever tous les matins. Donc le groupe UDC demande que le Conseil d'Etat envoie un signal très fort aux autorités fédérales qui, justement, aujourd'hui, ont établi un rapport dans le même sens pour dire que la situation d'incarcération n'allait pas du tout en Suisse, et qu'il fallait maintenant, effectivement, dispatcher les détenus non pas dans le cadre du concordat latin, mais dans le cadre de la Suisse entière. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, pour citer un ancien résident étranger à Genève: que faire ? Que faire face à cette résolution, qui aurait dû être une résolution de commission, n'eût été la mauvaise volonté des socialistes et pour eux le député Deneys ? Il faut peut-être rappeler ce qu'est le sens et la mission de la commission des visiteurs. La commission des visiteurs, c'est une institution relativement unique en Suisse; peu de cantons ont de pareilles institutions parlementaires. Elle s'occupe de la problématique des conditions de privation de liberté. Point à la ligne. (Remarque.) Petite analyse verbale: les conditions, c'est la manière dont celles et ceux qui sont condamnés par les tribunaux - ce qui ne concerne pas, je le répète, cette commission - sont traités dans le cadre de leur privation de liberté. Tout autre débat ou discours sur ce que fait la justice, sur la directive de Pierre, Paul, Jacques ou Olivier, est non pertinent dans le cadre de cette commission. Cette commission s'occupe des conditions de détention. A ce jour, les conditions de détention à Champ-Dollon ne sont pas satisfaisantes, même le Tribunal fédéral le reconnaît - le conseiller d'Etat aussi, soit dit en passant. Donc je reviens à ma question initiale: que faire ? Nous savons les compétences de notre conseiller d'Etat, on ne peut pas repousser les murs avec les mains pour augmenter le nombre de mètres carrés; on ne peut pas non plus décider aujourd'hui que l'on va libérer telle ou telle partie de ceux qui sont privés de liberté pour satisfaire tel ou tel banc de ce parlement. Il faut donc trouver objectivement des solutions, fussent-elles transitoires et temporaires, de façon qu'effectivement, celles et ceux qui n'ont rien à faire à Champ-Dollon, à savoir celles et ceux qui purgent leur peine, puissent effectivement le faire. C'est la raison pour laquelle cette résolution propose simplement de vérifier dans quelle mesure les lieux d'exécution de peine ne pourraient pas, toutes choses égales par ailleurs, accepter quelques détenus de plus, la très légère péjoration des conditions de celles et ceux qui exécutent leur peine entraînant, par définition, un avantage plus que proportionnel par rapport à celles et ceux qui sont à Champ-Dollon. Il y a urgence, Mesdames et Messieurs, à faire quelque chose, car la situation, aujourd'hui, de Champ-Dollon, est effectivement une situation de type pré-insurrectionnel... (Brouhaha.) ...dans laquelle n'importe lequel des plus petits éléments peut potentiellement entraîner un drame que tout le monde, ensuite, ici, condamnera.

Venons-en donc maintenant aux amendements. Alors j'apprécie particulièrement les professeurs - voire les coqs - Verts, mais je leur suggère de lire les textes ! Il s'agit effectivement de Champ-Dollon ! Donc je ne vois pas l'intérêt de rajouter le terme «Champ-Dollon» alors qu'il s'agit de cela. C'est probablement un problème de grammaire, j'imagine. Quant à la kyrielle d'amendements de la gauche, une fois de plus, on est à côté du sujet ! On a déjà répondu ici sur le fait qu'une population relativement faible peut avoir un bracelet électronique, parce que les conditions pour avoir un bracelet sont relativement contraignantes; nous savons tous ici que dans la mesure du possible, oui, il faudrait pouvoir, dans le cadre des accords de renvoi, renvoyer les gens. Mais savez-vous, Mesdames et Messieurs, que le plus vieux prisonnier de Suisse est à Genève ? Qu'il est français et suisse, qu'il a demandé son rapatriement en France, et que la France l'a refusé au prétexte qu'il était trop âgé ? Donc même dans le cas d'accords de renvoi, certains pays ne les appliquent pas. On ne peut pas les forcer ! Indépendamment du fait que l'essentiel de ces gens qui sont privés de liberté sont pour la plupart sans franche ou claire affiliation à tel ou tel pays. Donc, Mesdames et Messieurs, oui, donnons un conseil, donnons les éléments pour que le Conseil d'Etat puisse aller négocier avec ses collègues, de façon qu'effectivement la situation de Champ-Dollon s'améliore. Ce qui ne veut pas encore dire qu'elle sera parfaite, nous sommes tous d'accord.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, concernant l'amendement, vous connaissez la position des Verts: nous nous sommes opposés à la politique d'incarcération maximale voulue par le Ministère public, et nous craignions donc une lecture de cette résolution allant dans le sens d'une péjoration des conditions à Champ-Dollon. Malgré la parfaite exégèse de mon estimé collègue Gautier, j'aimerais simplement dire, pour nous rassurer, que je vous invite à voter cet amendement qui ne mange pas de pain.

Maintenant, en ce qui concerne le fond, j'aimerais m'arrêter sur une problématique qui n'a peut-être pas encore été abordée. Vous savez que l'esprit d'emprisonnement, c'est clairement mettre quelqu'un en mesure de purger sa peine, de régler sa dette, pour pouvoir se réinsérer dans la société ensuite. Or, lorsque vous avez des mauvaises conditions d'incarcération, loin de stimuler l'esprit, l'envie de se réinsérer, vous allez faire naître chez les détenus un sentiment contraire: celui de révolte, celui de payer doublement leur peine, ce qui risque fort - je ne suis pas spécialiste en droit ou en criminalité mais tout de même - d'entraîner un plus haut taux de récidive à la sortie.

Ensuite, je voulais vous dire qu'à mes yeux - malgré l'habileté de notre magistrat maniant l'oeuf et la poule - je reste persuadé que c'est toute la classe politique qui est responsable de la suroccupation de Champ-Dollon, bien que j'admette une sous-dotation en lieux de détention. (Brouhaha.) Mais le problème est le suivant: ça fait des années que nous le savons, ça fait des années que nous n'avons rien fait ! Cette résolution a au moins le mérite de montrer aussi bien aux détenus qu'aux gardiens et à tout le personnel de Champ-Dollon que pour une fois nous cherchons des solutions concrètes, si possible vite opérationnelles, qu'on s'en préoccupe et qu'on s'en occupe enfin, en tant que politiciens. Je vous invite donc à voter mon amendement pour rassurer tout le monde, et surtout à appuyer la résolution.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ou on ne parle pas de la même chose, ou il y en a qui font exprès de ne pas comprendre. Alors une fois n'est pas coutume, je vais faire miens les propos de Renaud Gautier, qui vous a expliqué à quoi servait la commission des visiteurs officiels. Bon. Il est vrai aussi, et c'est à noter, qu'à part M. Gautier et moi-même, il n'y a que des bleus dans cette commission, qui n'en ont peut-être pas forcément saisi les subtilités. (Commentaires. Protestations.) Alors quand on entend la gauche venir dire: non mais attendez, il faut qu'on trouve des solutions alternatives... (Brouhaha.) ...à l'incarcération, moi je veux bien ! Eh bien oui, vous savez, ce voyou, ce criminel qui a pris un sac à l'arraché à une vieille dame qui s'est cassé le col du fémur en tombant, on va lui dire: mon petit, ce n'est pas bien ce que tu as fait ! Mais on te remet dehors, surtout ne recommence pas ! Et puis à la deuxième ou troisième fois, on lui dira: ce n'est vraiment pas bien, ce que tu as fait, mais tu peux quand même rentrer chez toi ! Non, écoutez, franchement, ce genre de discours, ça ne va plus, je crois qu'on ne doit pas vivre dans la même ville. En tout cas en ce qui nous concerne nous, au MCG, eh bien nous saluons l'effort qui a été fait par le gouvernement et le conseiller d'Etat en charge du département de la sécurité, notamment en matière d'incarcération. Evidemment, ça pose quelques petits problèmes au niveau de la surpopulation carcérale. Mais à ce sujet - mon cher collègue Renaud Gautier s'en souviendra - nous sommes allés nous promener au Tessin, où j'ai failli créer un incident diplomatique tellement je me suis énervé à la phrase du directeur de la prison, qui nous a dit: vous comprenez, nous avons dû fermer une aile faute de détenus ! (Exclamations.) Trois petits points... Là, franchement, je me suis énervé, même si c'est vrai que la prison de La Stampa, au Tessin, ne fait pas partie du concordat latin. Il faut le savoir, c'est comme ça. Donc, j'ai retransmis ces remarques en commission, M. le conseiller d'Etat en a pris note et il s'est renseigné, effectivement. Maintenant, la prison de La Stampa au Tessin est en train de modifier une aile pour pouvoir accueillir des détenus au principe de la solidarité intercantonale. Donc cette résolution que nous vous demandons de voter découle du bon sens, découle simplement de la volonté de donner une puissance de tir au conseiller d'Etat pour aller négocier avec les autres cantons et dire qu'il faut qu'ils prennent les détenus qui sont en exécution de peine, parce que nous avons des problèmes à Genève, et que Genève ne peut pas être le souffre-douleur de toute la Suisse romande, ou plus largement de toute la Suisse. Alors, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser toute forme d'amendement, à voter cette résolution en l'état. Et puis, pour les bobos selon qui, aujourd'hui, il faut légaliser la drogue...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît.

M. Eric Stauffer. ...légaliser la criminalité - je vais conclure - et puis peut-être enfermer les riches qui gagnent trop d'argent... (Protestations.) ...et libérer les criminels, eh bien, Mesdames et Messieurs, ce matin je n'adhère pas à vos propos, et je dirais même, je les vomis !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Je ne sais pas si j'ose prendre la parole à ce sujet, étant une totale bleue et n'ayant pas les connaissances de M. Stauffer ni de M. Gautier, mais je vais juste me permettre quelques petites remarques en tant que personne qui a participé aux travaux concernant cette résolution.

Au vu des débats, il y a deux choses sur lesquelles tout le monde est d'accord dans cette enceinte: surpopulation à Champ-Dollon, et conditions indignes de détention. Jusque-là, comme je l'ai dit, tout le monde est d'accord. On peut parler politique de sécurité - manifestement c'est ce qu'un certain nombre d'entre nous ont envie de faire aujourd'hui - mais ce n'était, à l'origine, pas du tout l'objectif de cette résolution et de la très grande majorité de la commission des visiteurs, puisque ce que nous avons bel et bien cherché à faire était de trouver des solutions qui puissent être des solutions rapides. Parce que comme M. Gautier a déjà eu l'occasion de le dire, la situation à Champ-Dollon est plus que préoccupante. (Brouhaha.)

Cette résolution demande donc que le Conseil fédéral encourage un minimum de solidarité confédérale à l'égard des personnes condamnées, parce que - ça a aussi été dit lors des débats concernant cette surpopulation - la vraie problématique à Champ-Dollon, c'est l'exécution de peine, ce n'est pas la détention provisoire. Il s'agit donc que les gens qui ont été condamnés puissent purger leur peine dans un établissement prévu à cet effet et non pas à Champ-Dollon, qui n'est pas destiné à cela. L'assouplissement des normes de sécurité demandé dans cette résolution concerne l'exécution de peine et le fait qu'il puisse y avoir, pour des condamnés qui en plus de cela peuvent sortir de leur cellule pour aller travailler, non pas une personne par cellule mais temporairement deux, alors qu'à Champ-Dollon ce sont des gens qui sont dans leur cellule vingt-trois heures sur vingt-quatre, et qui sont parfois à six dans une cellule prévue pour trois. C'est donc uniquement de cela qu'il s'agit; le groupe PDC acceptera cette résolution sans aucun amendement. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Bernhard Riedweg, pour deux minutes et dix secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). C'est largement suffisant, merci, Monsieur le président. La prison de Pöschwies, dans le canton de Zurich, envisagerait de mettre à disposition 20 à 40 places pour les détenus de Champ-Dollon. L'établissement de Bois-Mermet s'est proposé de prendre trois détenus, et le pénitencier de Bostadel, dans le canton de Zoug, serait prêt à recevoir deux détenus. (Commentaires.) C'est bien peu pour satisfaire notre ministre de la sécurité et pour soulager Champ-Dollon, mais on va en tout cas dans le bon sens ! Toutefois, ne tombons pas dans le piège en devenant moins sévères avec les détenus, qui méritent d'être enfermés, car la plupart sont des récidivistes ! Ces individus semblent se plaire à Champ-Dollon puisqu'ils ne demandent qu'à y retourner. Nous voterons cette résolution, merci.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont accueilli avec intérêt cette proposition de résolution, parce qu'évidemment nous sommes très sensibles à la question de la surpopulation actuelle à la prison de Champ-Dollon et aux conditions dans lesquelles les détenus exécutent leur peine. Je crois qu'ici il ne s'agit pas d'offrir des conditions privilégiées, des cadeaux ou autres avantages qui seraient anormaux aux détenus, il s'agit simplement de respecter le minimum, les standards en matière de droits humains. Les détenus qui sont dans une situation comme à Champ-Dollon ne peuvent plus exercer la moindre activité, certains doivent dormir par terre... (Commentaires.) ...et, en fait, ils ne peuvent simplement pas envisager ne serait-ce que l'hypothèse d'une réinsertion ! Je crois que le but de la société n'est pas d'entretenir les détenus dans le système de la délinquance, mais bien de leur permettre, dans l'idéal, de revenir à une vie régulière et de ne plus commettre de délit. Je crois que c'est un objectif qui est légitime pour la société, et dans ce sens-là les conditions actuelles de suroccupation à Champ-Dollon posent problème.

Maintenant, c'est vrai que cette résolution n'a pas reçu la bénédiction des socialistes... (Commentaires.) ...et je crois qu'il ne faut pas en faire une question de principe personnel; je regrette que le président de la commission des visiteurs en soit à ce niveau de débat. En l'occurrence, la formulation de cette résolution pose problème parce qu'elle n'est pas très claire. Effectivement, si elle exprime le souci de davantage de solidarité confédérale - et ça c'est un souhait que nous pouvons partager - le fait qu'elle mentionne dans son titre «des normes plus souples» pourrait laisser penser, avec les considérants, qu'en fait on vise aussi à assouplir les normes à Champ-Dollon, typiquement que la question du nombre de mètres carrés par détenu n'est pas problématique, qu'on peut réduire encore cette surface - un mètre carré par détenu pendant qu'on y est - et cela constitue une ambiguïté dans la formulation de ce texte. (Brouhaha.) Pour cette raison, les socialistes n'ont pas souhaité signer cette résolution; ils vont voter les amendements qui sont proposés parce qu'ils permettent de préciser, justement, l'intention louable des auteurs de ce texte...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. ...et dans ce sens-là, avec les amendements, nous pouvons tout à fait voter cette résolution. Mais je crois qu'il n'y a pas de procès d'intention à faire à qui que ce soit, le but étant évidemment que les conditions d'exécution de peine soient les meilleures possible, et que la solidarité confédérale et intercantonale ne reste pas lettre morte.

M. Renaud Gautier (PLR). Monsieur le président, je prends acte des leçons de grammaire de M. le député Roger Deneys; je m'engage dorénavant, avant de sortir mon stylo, à le consulter... (Commentaires.) ...pour être bien sûr que ce soit suffisamment clair afin que l'ensemble du parti socialiste comprenne. Et je rajouterai juste que quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) ...j'aimerais ici dire très solennellement, au nom du Conseil d'Etat, qu'il n'y a à peu près aucune espèce d'ambiguïté. Nous savions les conditions de détention à Champ-Dollon dégradées, nous le savons tous depuis de nombreuses années, nous savons dorénavant qu'aux yeux du Tribunal fédéral elles sont dégradantes. Cette situation n'est pas acceptable, d'ailleurs nous n'avons pas attendu le jugement du TF pour y travailler; aujourd'hui il n'y a plus personne qui dort par terre, par exemple, à Champ-Dollon. Nous ne pouvons évidemment pas repousser les murs, mais nous prenons des dispositions autant que faire se peut - je vais y revenir dans un instant - pour que ces conditions de détention reviennent à un niveau suffisant. Nous sommes conscients, d'abord, que pour la bonne administration de la justice - parce qu'on parle d'une prison qui, sur quelque 836 détenus ce matin, en abrite un peu plus du tiers à titre préventif, c'est-à-dire qu'il s'agit de présumés innocents - notamment pour éviter le phénomène de collusion, cette situation n'est pas admissible, et qu'il convient donc de revenir à des normes plus tolérables.

Nous convenons avec vous, et cela a été dit par plusieurs, qu'un des objectifs de la prison, la réinsertion, postulée par le code pénal - encore faut-il avoir été pour cela, à la base, inséré, et faire partie d'une population insérable, mais enfin - ne peut pas se faire dans ces conditions. Le but n'est pas de transformer des gens qui arrivent en prison et de les faire ressortir pires qu'ils n'y sont entrés. Et puis surtout - c'est un élément essentiel et j'insiste là-dessus, parce que le gouvernement est aussi un employeur - c'est important de signaler que les conditions actuelles ne permettent pas de remplir de façon satisfaisante les exigences de sécurité, pour les détenus et pour le personnel. Tout ça, c'est un cocktail, je dirais, de situations que l'on connaît, qui encore une fois ne sont pas acceptables, mais qui font que - je le dis ici très formellement - une privation de liberté ne doit pas correspondre à une privation de dignité et à une privation de sécurité. Alors vous allez me répondre que le dire, c'est bien, mais qu'est-ce qu'on fait ensuite ? Et c'est là, Mesdames et Messieurs, que cette résolution est intéressante. Elle est intéressante parce qu'elle postule un certain nombre de pistes. Mais elle dit aussi, dans son énoncé, que la marge de manoeuvre est limitée !

Le premier élément, Mesdames et Messieurs, c'est que le Conseil d'Etat a déposé, en novembre 2012, une planification pénitentiaire, avec des séquences bien précises qui pour le moment, en tout cas de façon majoritaire, ont été respectées par ce parlement s'agissant de crédits de construction, de crédits d'études. La Brenaz +100, contrairement à ce qui se disait tout à l'heure, ce n'est pas dans de nombreuses années, c'est l'année prochaine ! Les recours ont été levés, le chantier a débuté, les arbres sont abattus, et nous espérons pouvoir, à l'horizon de la fin du printemps ou du début de l'été prochain, inaugurer ces cent places supplémentaires. Le premier élément de réponse, et cette résolution le dit, c'est donc la planification pénitentiaire. Et je vous enjoins ici de soutenir le gouvernement dans ses efforts.

Le deuxième élément de réponse, en termes de marge de manoeuvre, c'est effectivement - et le député Stauffer l'a dit tout à l'heure - essayer d'utiliser au maximum la capacité de placer des détenus dans d'autres prisons. La prison de La Stampa prévoit la réfection d'une aile pour de l'exécution de peine, effectivement, nous allons en profiter. Pöschwies, c'est un pénitencier en Suisse alémanique, à Zurich, qui aujourd'hui connaît 100% d'occupation. C'est typiquement un des espaces pénitentiaires sur lesquels, si la Confédération acceptait un léger assouplissement, l'on pourrait surcharger un petit peu, sans porter préjudice aux détenus qui y sont aujourd'hui mais en répartissant différemment les détenus sur l'ensemble de la Suisse. Le Bois-Mermet, cité tout à l'heure, près de Lausanne, c'est 170% de taux d'occupation. C'est dire si cette prison est déjà surchargée, et c'est bien sympathique de prendre deux ou trois détenus de plus mais vous voyez que c'est une marge de manoeuvre extrêmement faible que nous avons. (Remarque.)

Autre marge de manoeuvre, et ça, la résolution ne le dit pas - je comprends bien pourquoi mais je le cite quand même ici - c'est la capacité d'optimiser nos expulsions. Eh oui ! Parce que c'est une réalité ! Nous avons, je le redis ici, et ce n'est plus un tabou, 75% de personnes en situation irrégulière, qui commettent des délits voire des crimes, et qui n'ont plus rien à faire dans notre pays une fois qu'ils ont purgé leur peine. Améliorer cette capacité d'expulsion, nous y travaillons intensivement; c'est aussi une façon de répondre à la surpopulation carcérale, car ce sont des signaux que l'on donne. C'est un message précis, et nous croyons ici à la vertu non seulement de la prison, mais aussi de la politique criminelle en général quant à ses effets en matière de prévention.

Le transfèrement est également cité ici, et c'est aussi quelque chose sur lequel nous travaillons à moyen et long terme. La difficulté, vous le savez, c'est d'obtenir préalablement le consentement de la personne détenue. Inutile d'être actif dans les associations militant pour la promotion des droits de l'Homme pour se rendre compte qu'en termes de comparaison, des prisons dans des pays du Maghreb ou des prisons plus à l'est de notre pays sont dans des situations nettement plus dégradées que les nôtres aujourd'hui; le consentement préalable du détenu est donc difficile à obtenir. (Commentaires.) Mais nous avons quelque espoir s'agissant par exemple du Kosovo; une convention complémentaire a été signée entre la Suisse et ce pays, qui prévoit de se dispenser du consentement du détenu sous réserve, évidemment, que les conditions de détention soient élevées dans ce pays. Voilà typiquement une orientation de la coopération et du développement sur laquelle nous pouvons concrètement travailler.

Nous pouvons également, je l'ai dit tout à l'heure, assouplir les normes, c'est ce que propose la résolution et je vous invite à la soutenir de ce point de vue là.

Enfin, nous pouvons agir par une série de petites mesures qui ont toutefois leur coût - et je regarde ici mon collègue en charge des bâtiments, qui le sait parce que ces améliorations ne viennent pas comme ça mais nécessitent un travail fin et un soutien au niveau des finances. Nous avons un projet particulier s'agissant de réaffecter l'aile de la Pâquerette qui a été vidée au sein de la prison de Champ-Dollon et qui, comme vous le savez, va muter du côté de Curabilis, afin de nous permettre de gagner un petit peu de marge de manoeuvre. Mais à terme, Mesdames et Messieurs les députés, et je tiens à le dire ici, là aussi, très solennellement, le Conseil d'Etat vous enjoint, au-delà de cette résolution, de soutenir sa politique de développement pénitentiaire, une politique qui se met en place au niveau suisse, qui se partage avec les autres cantons. Tous les cantons aujourd'hui sont appelés à faire des efforts, et nous espérons pouvoir, à l'horizon 2017, comme annoncé en 2012, sortir de cette situation de crise chronique, et en sortir évidemment sans trop d'encombre, on l'espère tous dans cette salle. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je rappelle que nous avons été saisis de deux amendements. Je mets d'abord aux voix l'amendement proposé par Jocelyne Haller, d'Ensemble à Gauche, que je vous relis:

«Ajouter les invites suivantes à la résolution de la commission des visiteurs officiels:

- Développer les peines à domicile en se dotant des moyens idoines.

- Favoriser, lorsque ces mesures sont indiquées, les travaux d'intérêt général et les peines pécuniaires.

- Examiner la possibilité que des personnes soient transférées dans leur pays pour exécuter leur peine dans le cadre de la convention pour le transfèrement des personnes condamnées (RS fédéral 0.343) ratifiée par tous les pays du Conseil de l'Europe.

- Interpeller les autorités fédérales pour qu'elles concluent des accords sur le transfèrement réciproque des condamnés avec les pays dont ressortissent nombre de détenus en Suisse.

- Libérer toutes les personnes incarcérées uniquement pour les infractions à la loi sur le séjour des étrangers.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 28 oui et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter l'amendement suivant de M. Bugnion, pour les Verts:

«Invite (nouvelle teneur)

- à négocier avec les autorités fédérales un assouplissement temporaire des normes régissant l'exécution des peines privatives de liberté dans les établissements pénitentiaires, afin d'autoriser un dépassement du taux d'occupation, limité dans son ampleur et sa durée, sans péjorer l'octroi de subventions par la Confédération. Subsidiairement, à intervenir auprès de la CLDJP afin de coordonner un assouplissement des règles qui ne concernerait évidemment pas l'établissement de détention préventive qu'est la prison de Champ-Dollon.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 33 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 758 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 68 oui contre 1 non et 20 abstentions.

Résolution 758