République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1821-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition concernant la décision de suspendre la progression des annuités

Débat

Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, autant le rapport sur l'aéroport était très beau, autant celui-ci est un peu maigre, tant au niveau des arguments que de la profondeur. Je commencerai par les arguments.

Il reprend l'argument que, pour l'Etat, c'était nécessaire de diminuer l'annuité 2012, mais ne revient absolument pas sur les arguments qui étaient énumérés par les pétitionnaires. L'annuité pose un problème pour les revenus à long terme des fonctionnaires, car c'est une perte de revenu qui se répercute notamment sur la retraite et qui n'est pas rattrapable à long terme. Les annuités ont déjà été rallongées lors des dernières années: on est passé de 15 à 22 annuités, ce qui fait que chaque annuité a diminué, alors si en plus on commence à la suspendre une année sur deux, le fonctionnaire n'aura jamais son salaire.

La comparaison qui est faite avec les autres cantons est quelque part fallacieuse, car on prend les salaires d'entrée et on dit qu'il y a trois cantons qui offrent des salaires d'entrée inférieurs à Genève, et également en fin de carrière. Mais il fallait comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire les salaires des villes-cantons telles que Bâle, Berne ou Zurich, parce que, excusez-moi, comparer Genève avec le Jura c'est tout simplement faux !

Et ce que l'on a aussi oublié de dire, c'est que maintenant les enseignants commencent à enseigner à 50% en classe 18 - ce qui équivaudrait à 100% à 7462.35 F par mois durant le IUFE - mais que d'habitude ils ne travaillent qu'à 50%. Ça veut dire que ces gens-là, alors qu'ils sont au bénéfice d'une licence ou d'un master universitaire, commencent à travailler à 27 ou 28 ans avec un salaire qui n'est vraiment pas très chic. Et maintenant on les empêche encore d'avoir des annuités ! Je trouve que là, Mesdames et Messieurs les députés, il faut vraiment que l'on réfléchisse à ce que l'on veut faire. Je vous propose donc de refuser ce rapport.

M. Roger Golay (MCG). Je remercie ma collègue socialiste d'être déjà intervenue à ce sujet. On se retrouve avec une pétition qui est obsolète, puisqu'elle concernait les années 2011-2012, mais lors de la présentation sur le budget qui nous a été faite hier, on a vu de nouveau qui sont les premiers touchés lorsqu'il s'agit de réaliser des économies, et c'est la fonction publique, car on parle déjà de suspendre ses annuités. Et c'est là que ce n'est pas tolérable: avant même que ce rapport du Conseil d'Etat sur l'état financier du canton arrive à la commission des finances - et on a vu qu'il y avait 31 millions de boni et qu'il était quasiment équilibré, sachant que l'équivalent des annuités, c'est 30 millions - donc avant même de faire un quelconque effort, on tape déjà sur la tête de la fonction publique, en lui disant qu'on va toucher à ses mécanismes salariaux et qu'elle va devoir encore faire un effort, parmi les dizaines d'autres qu'elle a déjà dû faire ces dernières années. A un moment donné, il faut dire stop, on a du respect pour les fonctionnaires, on a des engagements auprès d'eux, il doit y avoir un respect mutuel. Malheureusement, ce n'est pas le cas de la part du gouvernement à cette heure, et j'espère qu'il changera d'avis à ce sujet.

Et comme l'a dit ma collègue socialiste, quant au fait de comparer les salaires des Genevois avec ceux des Jurassiens, pourquoi ne pas les comparer demain avec ceux du Bangladesh, pendant qu'on y est ! (Commentaires.) Pourquoi pas ?! Moi je pense que si le Conseil d'Etat a l'outrecuidance de comparer les salaires des Genevois avec ceux des Neuchâtelois, qu'on compare aussi les revenus des conseillers d'Etat avec ceux de leurs collègues du Jura et d'ailleurs, et également nos indemnités de députés, pendant qu'on y est, avec celles des députés d'autres cantons de Suisse ! (Commentaires.) Moi je pense qu'on a quand même un sacré culot de faire ce type de comparaisons, et je suis alors aussi d'avis, comme les socialistes, de refuser ce rapport et de le renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Francis Walpen (L). J'interviens pour qu'il soit noté au Mémorial l'intérêt que j'ai porté aux propos de Mme Sobanek. Elle a parlé d'or et sait exactement de quoi elle parle, mais c'est normal, elle est fonctionnaire !

Mme Marion Sobanek. Oui, mais je ne vais pas voter !

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Tout d'abord, je tiens à préciser à notre cher collègue M. Golay que les Jurassiens ou les Neuchâtelois ne sont pas des gens si éloignés de nous, donc on peut se comparer un tout petit peu à eux. D'ailleurs j'ai l'impression que ma collègue Lydia Schneider Hausser nous ressemble étrangement ! (Rires. Commentaires.)

Nous accepterons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, mais pas du tout pour les mêmes motifs que vous: nous estimons simplement que le fait de ne pas accorder l'annuité n'est pas une bonne mesure, et dans ce cas-là nous voulons signaler ce fait en renvoyant son rapport au Conseil d'Etat.

M. Jacques Jeannerat (R). J'aimerais déclarer que notre groupe est entièrement satisfait de ce rapport, qui répond parfaitement aux préoccupations relatives à ce sujet. Effectivement, Lapalisse aurait dit la même chose, la rémunération des fonctionnaires est liée au budget de l'Etat, et quand l'Etat doit faire un certain nombre d'économies, eh bien on arrête d'augmenter automatiquement le revenu des employés de l'Etat. Dans une période de difficultés économiques comme celle que nous traversons, bon nombre de salaires dans le secteur privé stagnent depuis plusieurs années, quand ils n'ont pas baissé ! Donc mon groupe aimerait souligner l'excellent rapport que nous a fourni le Conseil d'Etat sur ce sujet. Et alors les comparaisons données par M. Golay sont magnifiques, mais il a oublié de parler des comparaisons intercantonales des salaires de la police !

Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Monsieur Cerutti, s'il vous plaît ! Il y a donc une demande de renvoi au Conseil d'Etat de son rapport, que je mets aux voix.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 1821 est adopté par 28 oui contre 26 non et 1 abstention.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1821 est donc refusé.