République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9170-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pascal Pétroz, Anne Marie von Arx-Vernon, Claude Blanc, Nelly Guichard, Jean-Claude Egger, Guy Mettan, Pierre-Louis Portier, Stéphanie Ruegsegger, Patrick Schmied modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires (I 4 05)
Rapport de majorité de M. Christophe Aumeunier (L)
Rapport de minorité de M. Mario Cavaleri (PDC)

Premier débat

Le président. J'invite à la table des rapporteurs M. Christophe Aumeunier et M. Serge Dal Busco, déguisé en Mario Cavaleri... Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

Présidence de Mme Elisabeth Chatelain, deuxième vice-présidente

M. Christophe Aumeunier (L), rapporteur de majorité. Merci ! Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi mérite que nous rappelions très brièvement les deux philosophies existantes en matière de subventionnement de logement... L'aide personnalisée est un subventionnement du locataire: une partie du loyer est prise en charge, si celui-ci représente un taux d'effort situé entre 20 et 26% des revenus, en fonction du taux d'occupation, c'est-à-dire du nombre de personnes qui occupent le logement. Il s'agit donc de payer une partie du loyer au propriétaire en subventionnant le locataire, et c'est un subventionnement à fonds perdu.

L'autre philosophie est l'aide à la pierre. L'ancien système de l'aide à la pierre, c'est le système HLM, qui voulait subventionner la construction et l'exploitation des immeubles pendant une période de vingt-cinq ans, afin d'abaisser les loyers. Le hic, s'agissant de ce système, c'est qu'au bout de vingt-cinq ans il n'y a plus de contrôle, ce qui ne permet pas d'assurer la pérennité du logement subventionné. (Brouhaha.)

Un nouveau système d'aide à la pierre est apparu: il s'agit de la loi sur les logements d'utilité publique, pour lesquels 25 à 50% de tous les périmètres sont dédiés à de nouvelles réalisations de logements d'utilité publique, qui restent propriété de collectivités publiques... (Brouhaha.) Madame la présidente, oserais-je solliciter la police de l'audience ? Je vous prie de demander un peu de silence, parce que l'on ne s'entend plus !

La présidente. Vous avez parfaitement raison ! (La présidente agite la cloche.)

M. Christophe Aumeunier. Merci, Madame la présidente ! J'indiquais donc que le nouveau système d'aide à la pierre veut que l'on réalise des logements d'utilité publique qui restent propriété des collectivités publiques. C'est un système différent de la subvention à fonds perdu, puisque les fonds investis par l'Etat sont ainsi pérennisés.

Le choix de la commission de refuser ce projet de loi se fonde sur des constats. Le premier, c'est que l'aide personnalisée existe et fonctionne déjà: plus de 6000 foyers en sont bénéficiaires et elle n'a jamais été refusée parce que les fonds à disposition dans les budgets sont encore là. Deuxièmement, l'aide personnalisée n'incite pas à la construction et, troisièmement, ce projet de loi, singulièrement, augmenterait les dépenses de l'Etat de quelque 40 millions. En effet, 20 millions sont consacrés actuellement à l'aide personnalisée, mais les services de l'Etat nous ont indiqué que cette dépense atteindrait 60 millions si le projet de loi devait être adopté, ce qui est considérable.

Au contraire, le système des logements d'utilité publique constitue une incitation à construire, puisque 50 à 75% des logements sont construits en libre dans les périmètres, ce qui a permis finalement de doper la construction dans les PLQ. Si nous n'avions pas voté cette loi et si nous n'avions pas changé le système des deux tiers/un tiers, malheureusement nous n'en serions pas à construire péniblement 1200 à 1300 logements: nous serions contraints de construire 400 à 500 logements, parce que la situation était totalement bloquée. Le système des LUP a débloqué cette situation. Il s'agit en définitive de constituer un parc de logements d'utilité publique pour répondre aux besoins de la population la plus défavorisée et inciter à la construction. Pour cette raison, la majorité de la commission vous recommande de rejeter ce projet de loi.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

M. Serge Dal Busco (PDC), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi a été déposé en 2004 - il est bon de le rappeler - par le groupe démocrate-chrétien, et c'est un député de la précédente législature, notre estimé ami Mario Cavaleri, grand expert s'il en est en matière de logement, qui a rédigé ce rapport de minorité, suite précisément au refus d'entrer en matière par la commission.

Certains sujets, lorsqu'ils sont traités par ce parlement après des années, ne sont de toute évidence plus d'actualité. Ce n'est vraiment pas le cas pour ce projet: les thèmes et les problèmes abordés sont plus que jamais d'actualité. Pourquoi le groupe démocrate-chrétien a-t-il décidé de présenter un rapport de minorité ? Comme je viens de l'indiquer, parce que les raisons qui prévalaient lors de la présentation en 2004 sont non seulement toujours valables, mais d'une actualité encore plus brûlante. La grave pénurie de logements qui sévit depuis longtemps à Genève - et qui va, hélas, en s'aggravant - fait que beaucoup de nos concitoyens ne trouvent pas d'appartements correspondant à leurs moyens financiers, voire n'en trouvent pas du tout.

Certes, comme l'a indiqué le rapporteur de majorité, dans l'intervalle est intervenue la conclusion d'un accord sur le logement, ainsi que l'adoption par le Grand Conseil de cette fameuse loi sur les logements d'utilité publique. Dans le cadre de ces nouvelles dispositions, force est de constater que, si l'ancien système n'aurait pas produit les logements escomptés, le nouveau système ne remplit pas non plus les objectifs que nous nous étions fixés. Le nombre de logements est toujours insuffisant, ce qui fait que beaucoup de familles, dans le sens large du terme, continuent à devoir consacrer une part très importante - trop importante - de leurs ressources financières pour le loyer.

La solution, on la connaît: c'est poursuivre une politique volontariste, mettre à disposition des terrains, simplifier les procédures, mettre en place des mécanismes financiers pour favoriser l'acceptation de nouveaux programmes de logements, notamment par les communes, et j'en passe. Et le parti démocrate-chrétien s'engage sans relâche pour atteindre cet objectif et remédier à une situation que je n'hésite pas à qualifier de désespérante pour beaucoup de nos concitoyens, pour notre canton, et aussi pour son économie.

Et donc ce projet de loi - que j'essaie de défendre aujourd'hui - propose l'élargissement de l'allocation logement contenue dans la loi générale sur le logement, au moins pendant un certain temps, précisément pour pallier ce manque de logements et répondre concrètement aux besoins de ceux qui connaissent des situations très difficiles, situations qui vont malheureusement perdurer encore un certain temps.

C'est d'autant plus vrai que de nombreux projets concernant des périmètres en voie de développement sont toujours empêchés d'être réalisés. On ne peut qu'espérer que les obstacles rencontrés soient bientôt levés mais, dans l'intervalle et à la lumière de ces réalités, la pertinence de ce projet est évidente. C'est une solution d'allégement des budgets pour les familles et cela offre aussi - c'est un autre élément qu'il convient de mettre en lumière et que la loi sur les LUP devrait également permettre de concrétiser lorsqu'elle aura atteint son rythme de croisière - la fameuse mixité dans les périmètres, à laquelle notre parti tient vraiment beaucoup.

Il est fort regrettable que la commission n'ait pas perçu ces enjeux ou, en tout cas, pas de la même manière que nous. Ce n'est certes pas la panacée universelle face à la pénurie de logements, mais cela pourrait occasionner, favoriser une aide temporaire aux locataires qui en ont vraiment un urgent besoin. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à revenir sur la position de la commission et à accepter ce rapport de minorité.

Mme Irène Buche (S). Si son objectif est louable, à savoir aider des locataires d'immeubles non subventionnés aux ressources modestes à payer leur loyer, ce projet de loi - qui date de 2004, il faut le rappeler - est aujourd'hui dépassé et ne constitue pas une solution aux problèmes posés.

En particulier, l'entrée en vigueur de la LUP a changé la donne. Cela est d'autant plus vrai que la LGL prévoit déjà un système d'allocations de logement pour les locataires de logements non subventionnés, cela à certaines conditions, bien évidemment. Tous les efforts de l'Etat doivent maintenant être concentrés sur la création de logements d'utilité publique et, bien sûr, sur l'octroi d'allocations de logement au sens de la LGL actuellement, mais surtout sur la construction de logements, étant donné la grave pénurie qui sévit actuellement à Genève et que personne ne conteste, bien évidemment.

Je vous invite donc à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, qui est dépassé et qui est devenu inutile étant donné la situation actuelle.

M. Christo Ivanov (UDC). Le projet de loi 9170, déposé par nos collègues du PDC, date de 2004. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts: une loi adoptée par le Grand Conseil sur les LUP - les logements d'utilité publique - est entrée en vigueur avec efficacité.

Votre projet de loi, qui veut instituer un subventionnement supplémentaire pour certaines catégories de locataires, aura un coût estimé à 60 millions de francs par an - c'est un nouveau tonneau des Danaïdes annuel ! - alors que la loi sur les LUP est active, efficace et suffisante. J'attire votre attention sur le fait que vous allez alourdir le budget 2012 dont l'équilibre est plus que précaire, sans parler des budgets suivants. Pour ces raisons, le groupe UDC refusera ce projet de loi, estimant que la loi sur les LUP est amplement suffisante.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le PDC soutient ce projet de loi simplement parce qu'il est toujours d'actualité, parce que les gens ont de la peine à payer leur loyer, parce que les gens doivent quitter Genève pour se loger ailleurs, que ce soit en France voisine ou dans le canton de Vaud, où les loyers sont bien meilleur marché. Je connais même des personnes qui sont allées vivre dans le Bas-Valais et qui font tous les jours le trajet pour venir travailler à Genève. Il faut donc aider les familles, aider la classe moyenne: c'est de notre responsabilité, et il convient d'accepter ce projet de loi.

Mme Nathalie Schneuwly (R). Une aide à la personne plutôt qu'une aide à la pierre n'est pas une mauvaise idée en soi. Le PLR y avait déjà pensé... Certains magistrats de nos communes défendent aussi cette idée, et la Chambre genevoise immobilière a effectivement indiqué en commission que, depuis quelques années, elle soutenait cette aide.

Par contre, le Rassemblement pour une politique sociale du logement a expliqué ne pas être favorable à ce projet, car il estime que lorsque l'on subventionne des personnes, on perd le contrôle des loyers. L'ASLOCA n'est pas non plus favorable à ce projet, considérant que l'aide à la pierre a permis de construire, au cours de ces dernières années, beaucoup de logements et qu'il faut persévérer dans cette voie.

Ce projet dépasse donc les clivages politiques, et on ne pourra pas nous accuser de défendre les milieux immobiliers. La problématique du logement est bien complexe, et elle mérite des solutions plus appropriées que ce projet. Aujourd'hui, Genève subit une véritable pénurie du logement, toutes catégories confondues. Il faut donc construire et, pour cela, il faut déclasser intelligemment et délivrer des autorisations de construire.

En ce qui concerne les logements sociaux, il faut favoriser la construction pérenne plutôt que de verser... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...des allocations à fonds perdu.

Ce projet, comme cela a été dit, qui date de 2004, avait déjà été jugé trop coûteux à l'époque... Les dépenses seraient passées de 20 à 56 millions. Je vous pose la question aujourd'hui: quelle serait l'augmentation en période de crise ?

Enfin, depuis le dépôt de ce projet, cela a été indiqué, la loi sur les LUP - les logements d'utilité publique - a été votée, et il faut lui laisser le temps de produire ses effets. Ce n'est pas le moment de voter une telle loi, et une loi à titre transitoire, comme le préconisait le PDC, n'est pas une bonne idée: c'est une mesure en demi-teinte, qui ne satisfait pas le PLR. Pour toutes ces raisons, tant le groupe radical que le groupe libéral vous invitent à refuser ce projet de loi.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets l'entrée en matière du projet de loi 9170.

Mis aux voix, le projet de loi 9170 est rejeté en premier débat par 62 non contre 6 oui et 1 abstention.