République et canton de Genève

Grand Conseil

M 2005-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Pierre Weiss, Fabiano Forte, Antoine Barde, Daniel Zaugg, Francis Walpen, Edouard Cuendet, Olivier Jornot, Beatriz de Candolle, Christiane Favre, Serge Hiltpold, Fabienne Gautier, Nathalie Fontanet, David Amsler, Alain Meylan, Renaud Gautier, Christophe Aumeunier, Claude Aubert, Eric Leyvraz, Patrick Saudan, Anne Marie von Arx-Vernon, François Gillet, Stéphane Florey, Frédéric Hohl, Christo Ivanov, Patricia Läser, Gabriel Barrillier, Jacques Jeannerat, Michel Ducret, René Desbaillets, François Haldemann, Charles Selleger, Christina Meissner, Philippe Morel, Jean Romain, Nathalie Schneuwly, Serge Dal Busco, Mathilde Chaix, Bertrand Buchs, Eric Bertinat, Antoine Bertschy, Jacques Béné, Pierre Losio, Pierre Conne, Ivan Slatkine, Céline Amaudruz, Michel Forni, François Lefort, Guy Mettan, Roger Golay, Olivier Norer, Catherine Baud, Esther Hartmann, Patrick Lussi, Mauro Poggia, Emilie Flamand, Morgane Gauthier, Christian Bavarel, Sophie Forster Carbonnier, Jacqueline Roiz, Manuel Tornare, Marie Salima Moyard, Vincent Maitre ad majorem linguae latinae et culturae classicae gloriam respectu scriptorum et verborum septuumviri genevensis coram populo atque senatu

Débat

M. Pierre Weiss (L). Je crois qu'il y a lieu d'être satisfait, parce que la réponse donnée par le Conseil d'Etat à la motion - et, implicitement, à la pétition concernant le même objet - est globalement positive. Vous vous rappelez de la question... Le Vatican, combien de divisions ? Aujourd'hui, on sait le latin: combien de légions ? Alors, trois ou six, peu importe, Monsieur Leyvraz, on sait qu'il y en a beaucoup ! On sait que quasiment 20 000 personnes se sont intéressées à cette question et défendent ce pan de notre culture !

J'aimerais toutefois indiquer ici que la réponse comporte des points qui posent problème.

Le premier concerne le tableau de la page 7. On peut en effet avoir l'impression que les cantons alémaniques ne connaissent pas d'enseignement du latin dans le cycle secondaire inférieur: c'est faux ! C'est uniquement parce que les écoles prises en considération ne sont pas du type Progymnasium. Si cela avait été le cas, la perspective aurait été très différente. A Soleure, mon canton d'origine, cinq heures par année y sont consacrées dans chacune des années du secondaire inférieur, soit quinze heures au total. Vous le voyez, c'est plus qu'à Genève ! Nous nous sommes entretenus de cela avec le DIP et - faut-il le dire ici ? - la faute est celle du SRED. Mais nous n'insisterons pas sur ce point.

Pas plus que nous n'insisterons sur une éventuelle faute de raisonnement logique que l'on peut trouver dans le rapport, qui laisserait à penser que les filles sont moins nombreuses dans les sections scientifiques du collège, parce qu'elles sont plus nombreuses à faire du latin. Or, comment peut-on expliquer que le plus grand nombre d'entre elles fassent du latin en Suisse allemande, où il n'y a pas de latin ? Voilà un petit problème qui se pose ! C'est une affirmation fallacieuse pour expliquer une contradiction, affirmation qui pourrait venir d'une lecture exagérée des facteurs qui amènent les jeunes filles à aller dans les sections latines, et pas dans les sections mathématiques.

Un élément très positif figure également dans ce rapport. On nous explique en effet, page 27, que l'absence de notation est mauvaise pour la considération que les élèves donnent à un enseignement. Et, précisément, cet enseignement de langue et de civilisation latines sera noté selon des modalités qu'il appartiendra au DIP de déterminer. C'est une très bonne chose, parce que ce qui n'a pas de prix n'a pas de valeur et, donc, ce qui n'a pas de note n'a pas de valeur. Je suis reconnaissant au département de l'avoir rappelé, je le répète, à la page 27.

Les quatre invites initiales trouvent une réponse, une réponse essentiellement positive pour les deux premières. Je ne vais pas commenter la troisième et la quatrième. J'indiquerai simplement que nous avons obtenu, grâce au dialogue qui a pu s'instaurer avec le DIP - notamment via le Conseil interprofessionnel pour la formation, dont je suis, par hasard, le président - une heure de langue et de civilisation pour tout le monde et une deuxième heure, pendant deux semestres, pour ceux du regroupement 3.

S'il fallait chercher la petite bête ou chercher l'erreur, je relèverai que le département a oublié de répondre à la cinquième invite, qui avait été votée en séance. Il ne répond en effet qu'à quatre d'entre elles. Mais, au fond, peu importe qu'il ne réponde pas à cette cinquième invite, faisant comme si elle n'avait pas existé, puisque qu'elle ne pouvait devenir menaçante que si les réponses aux deux premières n'étaient pas positives. Dans la mesure où les réponses sont positives pour ces deux premières invites, faute sans effet est au tiers pardonnée ! Voilà une manière de réparer ce petit oubli.

Reste qu'il va falloir donner une réponse sur deux points, et je suis intéressé par la position du département à cet égard. Le premier est: qui va dispenser cette heure de langue et de civilisation latines ? Des enseignants de latin en regroupement 1 et 2 ? Sont-ils en nombre suffisant ? Des enseignants de français, qui n'ont pas forcément la formation - en tout cas en ce qui concerne les questions de civilisation ? Des enseignants d'histoire, qui, en étymologie, n'ont pas forcément la formation ? Voilà un point concret qui devra être résolu !

Deuxième point concret: qui va donner, ou, plus exactement, comment va être prise l'heure supplémentaire pendant deux trimestres pour le regroupement 3 ? S'agira-t-il d'une heure supplémentaire pendant deux trimestres ? Sera-t-elle prise dans l'enseignement d'autres disciplines ? Voilà un autre point concret auquel le département devra apporter une réponse, en tout cas en cours d'année ou d'ici à la rentrée.

Je suis conscient que cette motion - la pétition aussi - pose des problèmes concrets, mais je sais que le département aura à coeur d'y apporter une réponse tout aussi concrète.

Si je dois terminer mon intervention maintenant, je dirai que le Conseil d'Etat a fait preuve de sapientia dans sa réponse et que le Grand Conseil fera preuve de patientia jusqu'à l'année prochaine. Nous verrons bien, à ce moment-là, comment l'exercice 2011-2012 se sera passé.

Ce qui est certain, c'est que nous avons quasiment réussi à maintenir la dotation horaire pour le latin et la place de la culture latine à Genève. Je pense que si les professeurs savent - j'en suis convaincu - enthousiasmer leurs élèves, eh bien, l'expérience devra être renouvelée pour les années suivantes. Je suis également persuadé que l'auteur de la pétition, Mme Arpin - à qui je rends hommage publiquement aujourd'hui - saura faire en sorte que les professeurs de latin s'y emploient de leur mieux.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le député... Pardon ! Mesdames et Messieurs les députés - je dois m'adresser à l'ensemble de l'assemblée - et Monsieur le président, vous avez rappelé à juste titre que la note était une condition, mais, également, un élément indispensable de la motivation. Merci pour la note satisfaisante qui a été octroyée au Conseil d'Etat et sachez qu'elle nous aura largement, au-delà des divisions et des cohortes, stimulés.

Permettez-moi au passage d'indiquer que si nous avons effectivement fait vite - nous avons fait vite dans la mesure où vous nous avez interpellés lors de la dernière session, avec une motion urgente inscrite à ordre du jour, laquelle a donné lieu à un débat, ce qui fait que vous avez des éléments de réponse - ce n'est pas parce que nous nous prenons pour Guy l'Eclair, mais tout simplement parce que les conditions d'application l'exigeaient. Si nous n'avions pas fait aussi vite, toute application à la rentrée eût été impossible.

Et j'aimerais préciser que le Conseil d'Etat a eu à coeur de mettre en oeuvre les souhaits du Grand Conseil sur un certain nombre de points - j'y reviendrai - et de procéder à des modifications à la rentrée. Mais, malgré notre volonté, les choses sont difficiles. A cet égard, je tiens à rendre un hommage respectivement à la direction générale et aux directions d'établissements, lesquelles ont dû travailler dans des conditions extrêmement difficiles pour modifier la grille horaire, à quelques mois de la rentrée. Ce qui implique également des modifications en termes de dotations, d'horaires et, aussi - vous le savez - d'enseignement, c'est-à-dire d'emploi, du point de vue des répartitions entre les différentes catégories d'enseignants. Je leur rends donc hommage pour tout ce travail d'adaptation.

Maintenant, j'aimerais vous indiquer que la voie choisie est tout simplement réaliste. Tout d'abord, l'heure de langue et culture latines pour tous, regroupements 3, 2, 1 - ou 1 2, 3, comme vous voulez - est garantie. Cet élément avait fait l'objet de nombreux travaux dès la CO1 - c'est-à-dire la commission sur le cycle d'orientation - avant même que les initiatives 134 et 138 soient lancées. Il a fait l'objet de discussions, à la fois au Conseil d'Etat, au Grand Conseil, en commission, avec l'ensemble des acteurs, et, finalement, la solution retenue va à la rencontre d'un point important qui est la réflexion du Grand Conseil sur la place du latin.

De manière très pragmatique, cette heure va être intégrée du point de vue de l'évaluation, qui est obligatoire - merci de l'avoir relevé ! - à la moyenne de français en fin d'année. Maintenant, de manière à prévenir toute confusion, c'est-à-dire pour éviter qu'un enseignant qui enseignerait tout puisse, tout à coup, en fonction de l'urgence, déprogrammer l'heure de langue et culture latines, nous avons très clairement indiqué la priorité des enseignants de latin pour enseigner la langue et culture latines.

Quoi qu'il en soit, Monsieur le député, Mesdames et Messieurs les députés, j'attire votre attention sur un point: nous n'avons pas forcément le nombre suffisant d'enseignants de latin. Et si tel est le cas - nous nous engageons, du reste, dans cette voie - il conviendra alors, pour le regroupement 1, de compléter la dotation des enseignants de latin par des enseignants de français, en cherchant, évidemment, à garantir que le cours de langue et culture latines soit bel et bien enseigné à chacune et à chacun.

Cet élément nous permet d'affirmer que le processus d'orientation est garanti, n'est pas bloqué, et qu'on n'entravera pas, en cours de première année du cycle, de neuvième HarmoS - l'actuelle septième - les possibilités de réorientation des élèves. Je salue donc la réaction finalement très mesurée et positive du Grand Conseil par rapport à la motion.

Je voudrais préciser un point à M. le député Weiss, en ce qui concerne les erreurs - il s'agit d'ailleurs plus d'approximations que d'erreurs. Vous avez raison, Monsieur le député, de les avoir relevées, et je vous remercie de nous les avoir transmises: nous faisons le maximum pour les corriger. Elles proviennent du fait que pratiquement aucune statistique précise à ce sujet n'existe au niveau suisse et de ce que, par vos souhaits - que je salue - nous nous trouvons engagés dans une voie de pionniers, ce qui fait qu'il est difficile d'établir des comparaisons quant à la place du latin dans les systèmes d'enseignement de l'école obligatoire ou de l'enseignement postobligatoire.

Mais ne confondons pas les deux, Monsieur le député ! Votre analyse de tout à l'heure, par rapport aux jeunes filles, était à mon avis incomplète. Je vous le dis très modestement. Pourquoi ? Parce que nous avons essayé de démontrer - et je crois nous l'avons fait par rapport aux chiffres - que ce n'est pas parce qu'on peut offrir plus d'heures pour le latin, à l'école obligatoire, que plus nombreux sont les élèves, au niveau de l'enseignement postobligatoire et au collègue, à le choisir ! Preuve en est que dans les cantons, par exemple, du Valais - où, en dehors de l'ORRM, il n'y a pas d'enseignement du latin - et, également, de Bâle et de Zurich, respectivement 14, 12 et 10% des jeunes choisissent le latin comme option spécifique, alors qu'à Genève ou dans le canton de Vaud - où l'on garantit un maximum d'heures de latin à l'école obligatoire - ils sont moins nombreux à le choisir.

Alors j'aimerais dire - nous le faisons régulièrement, mais je me permets de vous le répéter aujourd'hui - que, en se fondant sur PISA, nous constatons que les filles sont largement meilleures en lecture, mais que, en ce qui concerne les mathématiques, cet écart est en faveur des garçons, écart incomparable à celui des autres cantons. Et comme on évalue les élèves non pas lors de l'enseignement postobligatoire, mais à la fin de l'école obligatoire, il faut quand même bien se demander pourquoi l'écart est si important à Genève. Eh bien, à Genève, depuis des décennies, la seule section - en tout cas en septième - qui fait l'essentiel de l'orientation est la section latine ou l'option latin, qui attire systématiquement les meilleurs élèves, ceux-là étant représentés essentiellement par les filles. A partir de là, les filles - qui représentent donc un grand nombre des bons élèves - choisissent les filières littéraires - je parle bien de l'école obligatoire avec le latin - plutôt que les disciplines scientifiques. Cela est propre à la situation genevoise, et je me permets de le répéter.

Dans d'autres cercles, en commission ou ailleurs, il serait sans doute très intéressant de reprendre cette discussion, parce que le plus important - c'est en toile de fond - c'est de savoir comment on peut arriver à promouvoir la place du latin également au Collège de Genève. Je sais que nous avons un certain nombre de préoccupations communes en ce qui concerne l'organisation de la maturité, alors peut-être conviendrait-il de réfléchir à la manière dont, respectivement, les profils au Collège de Genève, mais également, d'une manière générale, l'interrogation d'une place de section devraient être reconsidérés du point de vue de notre volonté partagée, donc commune, de faire en sorte que la langue et culture latines, mais également les langues antiques, plus généralement le grec, continuent à faire partie de notre enseignement, avec la vitalité nécessaire.

Merci d'avoir attiré notre attention par votre motion et merci de réserver un bon accueil à notre rapport.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2005.

Présidence de M. Renaud Gautier, président