République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1438-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Janine Berberat, Thomas Büchi, Jeannine De Haller, John Dupraz, Pierre Froidevaux, Janine Hagmann, Pierre Weiss, Philippe Glatz, Jocelyne Haller, Jacques Follonier, Blaise Bourrit, Jacques Jeannerat, Claude Aubert, Gabriel Barrillier, Gilbert Catelain, Robert Iselin, Anne Mahrer, Pierre Schifferli exigeant la transparence des caisses maladie pratiquant l'assurance-maladie obligatoire, telle que prévue par la LAMal notamment par les articles 21 et 21a

Débat

M. Pierre Froidevaux (R). Je remercie beaucoup le Conseil d'Etat d'avoir répondu à la motion 1438... (Bruit de larsen.)Ce sont de nouveaux appareils, c'est pourquoi il y a des interférences !

Je suis aussi satisfait des travaux de la commission des affaires sociales. En effet, suite à sa demande, nous aurons un document émis chaque année par le Conseil d'Etat, qui permettra de se faire une idée très précise sur le mouvement et les coûts couverts par nos assurances-maladie de base.

Je ne sais pas, chers collègues, si vous avez eu l'occasion de voir le nouveau document qui a été émis par le département - disponible sur Internet depuis une semaine - dont il est fait référence dans cette motion... Il est normal que les chiffres du département ne soient pas actualisés, puisque cette motion a été déposée, selon l'ordre du jour, le 17 août. Je le répète, les chiffres actualisés se trouvent sur Internet, sur le site du service de l'assurance-maladie, où vous pourrez y trouver toutes les explications utiles.

Je rappellerai une dernière fois à ce parlement - c'est vraiment la toute dernière fois - qu'en tant que médecin privé je ne suis pas responsable de l'augmentation des coûts des primes... (L'orateur est interpellé.)Pourquoi l'article 24 ? Expliquez-moi !

Vous pouvez voir dans ce document que, depuis l'introduction de la LAMal, les statistiques montrent que l'ensemble des coûts à la charge de l'assurance-maladie de base n'ont pas augmenté de 1996 à ce jour ! Et si, même, on tenait compte de l'effritement de la valeur monétaire, nous devrions ajouter 50 millions de plus. Or, en francs constants, nous en sommes toujours à près de 365 millions: parfois moins, parfois un peu plus, mais la variation depuis une dizaine d'années est quasiment nulle.

Je voudrais vous rendre attentifs à un autre élément perturbateur dans la compréhension de ces mécanismes. Avant 1996, nous étions soumis à un autre régime - la LAMA - et nous - corps médical privé - avons été victimes de ce qu'on a appelé les «AFU», c'est-à-dire les arrêtés fédéraux urgents, qui ont bloqué le niveau des prestations depuis 1993 ! Je vous affirme donc, chers collègues, que depuis cette date - soit plus de dix-huit ans ! - le corps médical n'est pas à l'origine de l'augmentation de vos primes d'assurance-maladie... Les chiffres figurent dans ce document.

En 1996, le montant des primes à Genève était d'environ 900 millions pour atteindre aujourd'hui 1,2 milliard. En votant la LAMal, le peuple a soutenu un catalogue de prestations qui représente une augmentation de la facture de 300 millions pour les seuls citoyens genevois ! Le problème est de savoir où sont allés ces 300 millions, et cela fait l'objet d'un débat qui devient parfois très pénible, puisque l'on s'accuse mutuellement d'avoir «attrapé» ces 300 millions...

Je vous le dis une nouvelle fois: ces 300 millions se trouvent dans les grandes institutions, tant publiques que privées ! Premier poste, le plus important: ce sont les établissements médico-sociaux qui ont pu se financer à Genève à raison de presque 100 millions - 95 millions exactement. C'est la nouvelle prestation que nous avons votée avec la LAMal.

Il ne reste donc plus qu'un peu plus de 200 millions à trouver... Sur cette somme, 150 millions sont liés aux établissements publics médicaux, d'une part sous la forme de la FSASD, d'autre part sous la forme des soins ambulatoires, et, enfin, une petite partie représente une augmentation pour les soins stationnaires.

Le dernier poste en augmentation est un poste également très institutionnel, très puissant sur le plan politique, je veux parler de l'industrie pharmaceutique. L'industrie pharmaceutique a pu récupérer environ 60 millions sur le dos des Genevois !

Voilà donc les chiffres, Mesdames et Messieurs les députés ! Reste à savoir, maintenant, si nous voulons bien assumer ces augmentations et cesser d'affirmer que les uns ou les autres seraient à l'origine de ces augmentations...

Pour ma part, j'accepte l'idée que nous ayons les EMS les plus beaux de Suisse - sans doute les plus beaux du monde... En tout cas, ils sont les plus chers au monde ! J'accepte l'idée que notre hôpital coûte le plus cher de Suisse, d'Europe et, même, du monde... J'accepte volontiers toutes ces notions, mais je n'accepte pas que l'on critique inutilement ceux qui, tous les jours, sont actifs auprès des patients et qui sont plus faibles parce que plus autonomes, plus indépendants !

Je lance encore une dernière idée dans ce parlement. Le problème est donc institutionnel et cantonal - M. Couchepin l'a rappelé en disant que la moitié du montant des primes était liée à l'activité politique cantonale... Nous avons beaucoup de difficulté à faire évoluer les révisions de la LAMal en raison des intérêts cantonaux très divergents. Alors, je me pose franchement la question suivante: ne devrions-nous pas envisager un jour d'abandonner la politique cantonale des institutions hospitalières au profit d'une politique purement fédérale, comme cela a été le cas pour les écoles polytechniques fédérales, et décider courageusement de laisser cette compétence à la Confédération ? Cela me paraît être la solution pour que nos concitoyens n'aient pas à subir régulièrement une augmentation de leurs primes d'assurance-maladie !

Mme Jocelyne Haller (AdG). Mesdames, Messieurs les députés, je dirai à ceux qui étaient présents, mardi dernier, à la commission des affaires sociales, et à ceux qui en ont en entendu parler, que, s'agissant de l'article 24, M. Froidevaux se moque du monde. En fait, à propos de la question du conflit d'intérêts de M. Froidevaux et de moi-même, c'est l'hôpital qui se «fout» de la charité !

Quant au texte dont il est question, j'aimerais simplement relever que la question de la transparence n'est de loin pas réglée et qu'elle nous préoccupe à divers égards. Toutes les explications qui nous ont été fournies jusqu'à maintenant ne nous permettent pas, finalement, de comprendre véritablement où sont les coûts réels, comment sont utilisés ces fonds !

En ce qui concerne la question des réserves, nous ne comprenons toujours pas pourquoi celles-ci ne suivent pas les assurés. Nous avions eu l'occasion d'en discuter ici, lors d'un débat sur la prime moyenne cantonale, et nous avions remarqué - M. Unger nous l'avait confirmé - que les réserves ne suivaient pas les assurés, que ceux-ci étaient amenés à transhumer d'une caisse à l'autre et que les nouvelles caisses étaient obligées de reconstituer des réserves, ce qui contribuait à la hausse des coûts.

Enfin, je constate au travers d'une pratique quotidienne que la concurrence, que l'on a voulu faire jouer entre les caisses maladie n'a finalement pas eu l'effet escompté et a engendré une situation de quasi monopole, dans la mesure où ce sont presque toujours vers les mêmes caisses - qui sont pour le moment les moins chères - que l'on fait transiter les personnes à revenus modestes ! Il faudrait, à mon avis, rester extrêmement attentifs au phénomène que nous sommes en train de créer, sous couvert, effectivement, d'un encouragement des autorités !

En conclusion, tout ceci m'amène simplement à rappeler la préoccupation qui était la nôtre: la création d'une caisse cantonale unique, avec des primes proportionnelles aux revenus !

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mon propos n'est pas d'intervenir directement sur ce sujet, mais, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, je tiens à dénoncer l'intervention tonitruante de M. Froidevaux en commission, lors des auditions de certaines personnes, en faisant état de l'article 24 pour rappeler à l'une d'entre elles qu'il y avait conflit d'intérêt ! Et maintenant, il se permet, à l'occasion de ce débat, de se justifier, lui et sa corporation, par rapport aux problèmes des coûts de la santé ! Qu'il ait raison ou tort, je trouve qu'il est fort malvenu de donner des leçons aux autres !

De temps en temps, on peut remarquer que la cohérence est à géométrie variable chez certaines personnes ! (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste. Sont inscrits: M. Pierre Froidevaux, M. Souhail Mouhanna, M. Claude Aubert et M. Christian Bavarel.

M. Pierre Froidevaux (R). Chers collègues, vous pouvez véritablement vous rendre compte du problème que pose ce débat... Je m'exprime en tant qu'expert; après avoir travaillé le sujet, je présente des chiffres qui sont crédibles, et vous arrivez à dénaturer mes propos pour la simple raison que je dis des choses vraies, mais qui dérangent ! Je suis extrêmement gêné pour vous, Madame Haller et Madame Fehlmann Rielle, que vous vous soyez laissées aller à m'agresser personnellement, et de n'avoir pas accepté le vrai débat.

Madame Fehlmann Rielle, vous avez pu le constater, Mme Haller s'est permis d'interroger son directeur général en commission lors d'une audition... Je ne peux pas m'imaginer que cela ait été «arrangé» ou «conflictuel»: ce n'est pas de la politique ! Je vous demande, Madame la présidente de le comprendre et de demander au Bureau que les règles soient revues, parce que ce qui s'est passé est tout à fait inadmissible !

Chers collègues socialistes, je voudrais bien, dans ce débat important - puisqu'il porte sur un poste qui correspond au tiers du revenu familial - que vous vous montriez plus cohérents et que vous cessiez de mettre en exergue des petits détails, qui ne sont que des broutilles ! Parlez des chiffres, parlez de ces 300 millions, cherchez à savoir où ils se trouvent, et trouvons ensemble des solutions pour le bien de nos concitoyens ! (Applaudissements.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Ce que vient de dire M. Froidevaux m'incite tout de même à lui répondre, ne serait-ce que sur deux points...

Premier point. M. Froidevaux s'imagine qu'un député, élu par le peuple, doit s'interdire d'intervenir lorsqu'un adversaire politique lui ordonne de se taire en utilisant un prétexte futile - tel celui qui vient d'être évoqué, selon lequel Mme Haller se serait permis de poser des questions à son directeur général qui était auditionné... Vous oubliez, Monsieur, que, lorsque des personnes sont auditionnées en commission, nous les entendons en tant que députés, en tant que représentants du peuple, et non pas en tant que leurs subordonnés ! Vous n'avez strictement rien compris aux structures et au fonctionnement démocratique de notre parlement ! (Exclamations.)Mais puisque dès que je prends la parole vous commencez à vous agiter, je vous dirai ceci, Monsieur Froidevaux: vous venez de faire la démonstration du peu de respect que vous portez aux principes dont vous essayez de faire croire que vous les défendez ! C'est la première chose que je voulais dire.

Deuxième chose: les députés qui représentent les milieux immobiliers font des projets de lois et interviennent à tort et à travers en matière de logement; et on voit ce qui se passe ! Lorsque des députés viticulteurs dénoncent un projet de loi sur l'interdiction de la vente de vin dans les stations-service... (Brouhaha.)... eh bien, là, personne ne dit quoi que ce soit ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche avec vigueur.)Lorsque l'on parle d'impôt sur la fortune, et alors que vous devriez tous vous cacher ,eh bien, vous intervenez et vous vous agitez !

La présidente. Monsieur Mouhanna, vous êtes hors sujet !

M. Souhail Mouhanna. Arrêtez cette hypocrisie ! C'est indigne ! C'est indécent ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Ce que je reproche à M. Froidevaux, ce n'est pas d'intervenir comme il l'a fait tout à l'heure pour défendre le corps de métier auquel il appartient. Ce que je lui reproche, c'est ce qui s'est passé à la commission sociale ! C'était indigne et indécent de la part de quelqu'un qui, quelques jours après, se permet l'intervention qu'il vient de faire !

Mais je dirai à M. Froidevaux que je suis de ceux qui pensent que, effectivement, le corps médical n'est pas responsable de l'augmentation des primes d'assurance... (L'orateur est interpellé par M. Froidevaux. La présidente agite la cloche.)Vous le voyez, je suis quelqu'un de correct, de juste et de rigoureux, Monsieur ! (Exclamations.)Je ne suis pas comme vous, à géométrie variable ! (Exclamations.)

La présidente. S'il vous plaît, laissez l'orateur s'exprimer !

M. Souhail Mouhanna. Il n'est pas pertinent de faire le parallèle entre l'augmentation des coûts de la maladie et l'augmentation des primes: il y a un écart considérable ! Et cette différence, on le constate, ne bénéficie pas au corps médical, mais à certaines officines comme les compagnies d'assurance-maladie ou aux industries pharmaceutiques !

Et j'ajouterai tout de même ceci: M. Froidevaux préconise que tout ce qui concerne l'assurance-maladie, les hôpitaux et les soins en général, soit sous l'autorité fédérale... Alors, quand on sait qui dirige ce département au niveau fédéral - je veux parler de M. Couchepin - on pourrait craindre le pire ! Le coût des primes d'assurance-maladie risquerait bien de prendre l'ascenseur, et cela encore plus vite que ce n'est le cas. En effet, nous connaissons bien les positions de M. Couchepin en la matière: il est favorable à la rationalisation, à la diminution de la qualité des soins, à l'étendue des couvertures, à la privatisation et à la fermeture d'hôpitaux ! Et c'est ce que M. Froidevaux est en train de préconiser. Eh bien non, Monsieur Froidevaux, nous ne vous suivrons pas ! Et nous vous suggérons de faire un testament politique, puisque c'est la dernière session de cette législature !

M. Claude Aubert (L). C'est extraordinaire de voir de quelle manière, en l'espace de quinze ou vingt minutes, on arrive toujours à la même situation ! Il n'est en effet pas possible d'écouter sereinement un groupement parler des coûts de la santé. On passe toujours par différents stades, de cinq, six ou sept minutes chacun: d'abord les invectives personnelles, ensuite les invectives au niveau des groupes et, après, les changements de sujets... Et les choses se passent d'une telle manière qu'il semble impossible d'aborder véritablement le problème du coût de la santé, parce que personne n'est prêt à se concentrer sur un point bien précis. J'ai parfois le sentiment qu'il y a dans les groupements des troubles de l'attention et de la concentration - c'est une maladie au sens du DSM-IV, mais je ne l'ai pas dit en raison de l'article 24... - qui rendent les choses difficiles. Et là, je ne m'occupe pas de médecine !

Par ailleurs, ayant suivi depuis quasiment trente-cinq ans le problème de la santé, je constate que nous avons toujours, tous les quatre ou cinq ans, trouvé «la» solution, et puis il y a eu, évidemment, la LAMal... la solution.

A mon avis, le problème réside dans le fait que les personnes qui discutent du coût de la santé ne peuvent jamais se concentrer plus de quinze secondes sur un sujet précis... (Rires.)Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir le duel entre M. Couchepin et M. Maillard: c'était absolument symptomatique, il leur était impossible de se concentrer ! Par conséquent, il faudra encore de nombreuses années pour nous mettre d'accord sur un problème et faire quelque chose de très simple, cela s'appelle une hypothèse, ensuite procéder à un examen de la situation, puis arriver à un résultat.

J'en viens très concrètement au sujet qui nous occupe maintenant. Il s'agit d'un problème qui pourrait être susceptible d'intéresser tout le monde et sur lequel on pourrait se centrer. En admettant que ce problème est de moyenne importance... Je dis bien que ce problème est relatif, mais le danger, dans un tel débat, c'est que l'on veut tout résoudre à la fois. Et je pose la question suivante: des experts et des économistes peuvent-ils nous dire si le fait d'encourager les patients - les assurées et les assurés - à changer de caisse chaque année pour profiter des primes les plus basses est une très bonne chose - parce qu'on a observé que cela permettait de stabiliser les primes - ou est-ce une très mauvaise chose - parce que le bateau «assurance-maladie» zigzague encore plus ?

Pour conclure, je me réjouis des prochaines discussions sur les coûts de la santé et, aussi, d'avoir la chance, une fois dans ma vie, de voir qu'un groupe de trois ou quatre personnes est capable de se concentrer pendant plus de deux minutes sur un point précis... (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Ayant écouté le Dr Aubert plus de deux minutes, j'ai atteint mon niveau de concentration maximum... Je vais donc tout simplement renoncer à intervenir ! (Rires.)

M. Pierre Froidevaux (R). Je voudrais simplement intervenir...

La présidente. Attendez, Monsieur Froidevaux  ! La liste était close.

M. Pierre Froidevaux. Je sais bien, mais je voudrais signaler... (Exclamations.)

La présidente. Non, j'ai clos la liste !

M. Pierre Froidevaux. ... que nous n'avons pas décidé du devenir de cette motion Et je voulais vous faire une proposition, vu la teneur des débats...

Une voix. N'en rajoute pas !

M. Pierre Froidevaux. Ce n'est pas pour en rajouter, c'est précisément pour que le débat puisse se dérouler normalement ! Le département ne doit pas en prendre ombrage: je propose que cette motion soit renvoyée à la commission des affaires sociales pour qu'on puisse la compléter par les éléments chiffrés, déjà fournis par le Conseil d'Etat à travers le portail internet de l'Etat, et l'examiner avec l'attention qu'elle mérite, comme l'a souhaité M. Aubert.

Je demande donc formellement le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales. Je le répète, ce n'est pas par défiance vis-à-vis du rapport du Conseil d'Etat, mais c'est pour qu'un débat serein puisse avoir lieu.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je constate qu'on n'a pas beaucoup parlé du sujet de la motion ni de la réponse donnée, ce que je ne peux que déplorer dans la mesure où l'une des demandes portait précisément sur la transparence...

J'espère tout de même que vous conviendrez, tous partis confondus, qu'avec les moyens dont dispose le canton la transparence a été assurée, à tel point que la commission des affaires sociales a pu consulter les comptes, tels qu'ils nous avaient été donnés par l'Office fédéral de la santé publique, pour se faire une opinion. Ces comptes ont été livrés - vous avez pu le constater, Mesdames et Messieurs - dans des conditions que je qualifierai de «paléomarxistes»... (Rires.)En effet, nous avons reçu le 22 août une quinzaine de classeurs fédéraux non numérotés, non étiquetés, concernant les quatre-vingts caisses maladie à Genève, dont les comptes étaient mélangés, en n'ayant que trois jours pour répondre ! Voilà la manière dont un office fédéral traite les cantons et collabore avec eux ! C'est un pur scandale, mais ce scandale est à ce point répétitif que, désormais, c'est au début de l'été que nous listons les questions auxquelles il faudra essayer de répondre durant ces trois jours et trois nuits, car les journées ne suffisent pas pour éplucher ces gros classeurs fédéraux et répondre aux questions.

S'agissant de la transparence, puisque c'était l'objet de votre motion, les chiffres que nous sommes en mesure de vous fournir, comme chaque année, paraissent dans un document et sur internet. C'est la raison pour laquelle je ne vois pas ce que le renvoi en commission de cet objet apporterait de nouveau, mis à part la distribution de ce document, qui se fera de toute manière lors de la prochaine réunion de la commission des affaires sociales.

En revanche, nous avons pu observer, dire et démontrer, que la transparence n'est pas assurée... Vous trouverez, dans les chiffres qui vous sont livrés cette année, deux ou trois choses qui sont tout de même troublantes... En 2003, les caisses ont estimé les dépenses, d'une part, et, d'autre part, la constitution de réserves dont elles avaient besoin pour constituer la prime. Eh bien, on s'est rendu compte que, dans les chiffres 2005 sur les comptes 2004, la corrélation entre les prévisions de dépenses et les prévisions de réserves étaient fausses dans 100% des cas - 95%, devrais-je dire - puisqu'une assurance - mais peut-être est-ce le hasard... - a tout de même fait des prévisions correctes !

De cela, nous devrions parler ! D'autant plus qu'une caisse qui dépense moins d'argent que ce qu'elle avait prévu constitue parallèlement - évidemment - plus de réserves, au lieu de faire ce qui s'imposerait, c'est-à-dire baisser les primes l'année d'après, puisque ses dépenses ont été moins importantes que prévu. Voilà des choses qui me semblent tout à fait éloquentes dans les chiffres que nous vous montrons cette année.

J'ai écrit à l'Office fédéral de la santé publique pour une deuxième chose, mais je n'ai pas encore reçu de réponse à ce jour, ce qui est normal, car les questions sont nombreuses et relativement complexes. Comment expliquer, dans les comptes qui nous sont fournis, que les subsides cantonaux n'apparaissent pas dans les subventions d'une dizaine de caisses ? Et il ne s'agit tout de même d'une somme anodine ! Du reste, cette année, nous avions pris un certain nombre de précautions, respectivement de faire contrôler par l'Inspectorat cantonal des finances le montant des subsides versés par le service d'assurance-maladie à chacune des caisses, qui pratique dans le canton de Genève. J'estime donc que la certification de l'ICF rend plus que probable que les sommes versées par le SAM soient parvenues à ces caisses. Pourtant, 108 millions sur les 240 millions de subsides versés n'apparaissent pas dans les comptes de ces caisses ! Je ne prétends pas, Mesdames et Messieurs, que les caisses aient volé cet argent, mais il faut savoir où il est. Dans la constitution des primes ? Dans les réserves ? Dans les provisions ? Dans les valeurs immobilières pharaoniques de certaines caisses qui, en plus, mettent, en guise de promotion, la photo de leur nouvel immeuble - probablement comptabilisé d'ici quelques années à la valeur au bilan de un franc, puisqu'il sera amorti ?

Voilà, Mesdames et Messieurs, des questions que nous devons examiner ensemble ! Et nous ne nous opposons pas à la Confédération dans ce domaine: nous lui demandons de prendre les mesures utiles pour qu'elle puisse - puisqu'elle en a le mandat légal - exercer des contrôles, que nous ne pouvons exercer dans les conditions d'examen qui sont les nôtres.

Monsieur Aubert, vous avez demandé si les changements de caisse étaient une bonne chose... Plusieurs réponses sont possibles, Monsieur le député. On peut en tout cas observer que le mécanisme de concurrence entre les caisses ne fonctionne pas. La preuve en est que l'écart entre la caisse la moins chère et la plus chère est toujours de 1 à 4 ! Ce qui n'est pas possible, quel que soit le système concurrentiel où tôt ou tard les prix se rejoignent. Mais, de concurrence, qui en attendait dans un marché captif ? Puisque l'assurance est obligatoire au tarif fixé, puisqu'il est régulé par TARMED et les tarifs hospitaliers, avec une liste des prestations exhaustive puisqu'elle n'est pas limitée. C'est un peu une lapalissade ! La seule concurrence qui puisse s'exercer est sur la chasse aux bons risques. Et c'est celle que toutes et tous nous pouvons constater année après année.

Nous pouvons disserter à l'infini... Le Conseil d'Etat a pris une décision mercredi dernier, suite à une consultation sur les mécanismes de compensation des risques. Il a estimé, si nous sommes dans un système concurrentiel, qu'il faut alors supprimer les mécanismes de compensation des risques, de manière que les gros absorbent les petits, que les bons absorbent les mauvais, et pour qu'à terme il n'y ait plus que deux ou trois caisses, mais une seule caisse sur laquelle nous pourrions exercer des contrôles. S'il en reste trois, il en restera trois... Mais il n'est pas de système concurrentiel qui n'ait besoin d'un mécanisme de compensation des risques ! Avez-vous jamais vu telle ou telle grande marque de voiture japonaise provisionner 10% de son chiffre d'affaires pour aider telle ou telle autre marque de voiture française, à laquelle elle ne serait pas affiliée ? Bien sûr, cela pourrait être le cas entre Nissan et Renault... C'est absurde ! Notre système n'est pas concurrentiel, et c'est la raison pour laquelle il convient de faire un choix. Le mien est fait, ce n'est pas celui de tout le monde. Soit on opte pour un système de concurrence, réel, et par définition les chiffres seront transparents, parce qu'il n'y a pas de concurrence possible sans transparence - c'est une autre preuve de l'absence de concurrence actuelle - soit on opte pour un autre système. Mais le système actuel est hybride, malsain: il induit la méfiance et il rend le pilotage impossible ! (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons procéder au vote sur le renvoi de cette motion à la commission des affaires sociales... Monsieur Froidevaux, s'agit-il d'une erreur ? Vous avez déjà eu la parole... Bien, je vous la donne !

M. Pierre Froidevaux (R). Vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, ce sujet me tient très à coeur... M. le président du département a fait toute une série de remarques complexes et techniques, et je ne souhaite pas revenir dessus, parce que je suis sûr que je rendrai ce sujet, qui l'est déjà bien assez, encore plus opaque.

Je voudrais simplement rappeler à ce parlement que si le groupe radical, et ses collègues de la droite, a déposé cette motion, c'était précisément pour rendre plus claire la situation des caisses, car ce problème est récurrent. Et avec les articles 21 et 21a de la LAMal, vous aviez le droit, Monsieur le président, si une caisse ne vous donnait pas tous les chiffres nécessaires, de l'interdire sur le plan cantonal. Toute cette problématique est de la compétence du département. Si celui-ci admet que la caisse a le droit d'assurer des citoyens genevois, c'est qu'il estime que ses comptes sont exacts. Si tel n'est pas le cas, le Conseil d'Etat doit exiger la transparence des caisses, et il n'est pas utile de débattre pour savoir si c'est judicieux ou non ! Je le répète il s'agit des articles 21 et 21a de la LAMal. Je demande simplement qu'ils soient appliqués pour rendre le débat plus clair. Il ne faut pas rendre les choses encore plus confuses en essayant d'expliquer tous ces mécanismes très complexes comme celui de la compensation. Je le ferai volontiers en séance de commission, je vous le promets, mais pas ici !

C'est la raison pour laquelle je vous confirme mon souhait que la commission des affaires sociales se saisisse à nouveau tranquillement de ce dossier pour éclairer les zones d'ombre et qu'il soit traité en plénière, en toute connaissance de cause. Cela nous permettra de passer du brouillard au soleil !

La présidente. Monsieur Mouhanna, la liste est close, malheureusement... Voulez-vous intervenir pour un problème de forme ? Si c'est pour donner votre position, la liste est close ! (M. Mouhanna répond hors micro.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je voulais seulement vous faire remarquer que la liste était close depuis longtemps, et que vous avez tout de même donné la parole plusieurs fois à M. Froidevaux ! Et quand je vous demande la parole, vous me dites que la liste est close... C'est tout ce que je voulais dire.

(Exclamations.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat M 1438-B à la commission des affaires sociales est rejeté par 54 non contre 8 oui.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.