République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9066-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les statuts de la Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA)

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur. Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, le but de ce projet de loi est le suivant: il s'agit de verser un pont AVS aux enseignants du primaire jusqu'à ce qu'ils touchent leur rente et de le confirmer dans les statuts de la CIA, leur caisse de pension. En effet l'âge de la retraite pour les enseignantes et les enseignants du primaire a été maintenu à 62 ans. Puis l'âge de l'AVS, qui est toujours fixé à 65 ans pour les hommes, est passé à 63 et 64 ans pour les femmes.

M. Pierre Kunz (R). Est-ce parce que les uns et les autres, à l'image de son président, M. Daniel... Michel - pardon ! - Ducommun - Daniel, c'est un autre homme... - considèrent encore que la CIA est une caisse de pension en pleine santé, qui n'a pas besoin d'être assainie ? Est-ce parce que la culture des droits acquis a tellement pris racine dans notre canton ? Est-ce parce que certains croient encore que le contribuable genevois est taxable à merci ? Ou, finalement, est-ce - plus prosaïquement - parce que le Conseil d'Etat et la commission des finances sont tellement débordés de travail qu'ils n'ont plus le temps de traiter les problèmes avec la précision requise ? Toujours est-il - on le sent bien - qu'aucune analyse approfondie du problème posé n'a été effectuée en l'occurrence !

Parce que - nous dit M. Lescaze dans son rapport - le syndicat des enseignants a froncé les sourcils, parce qu'il a fait mine de hausser le ton de son discours - que, personnellement, je qualifie de corporatiste, de conservateur et à courte vue - personne n'a, semble-t-il, posé les questions que tout gestionnaire avisé devrait poser dans cette affaire, à savoir:

premièrement, Les moyens financiers disponibles permettent-ils encore d'assurer la prestation offerte ? Deuxièmement: s'agissant de l'âge privilégié, Mesdames et Messieurs les députés, de la retraite des enseignants du primaire, une retraite à 62 ans se justifie-t-elle encore en 2004, alors que le nombre d'années d'enseignement s'est, au cours de ces vingt dernières années, réduit de deux ans pour la catégorie concernée ? Troisièmement: est-il équitable que ce soit toujours l'employeur, en l'occurrence l'Etat, en l'occurrence le citoyen, qui finance les avantages offerts aux fonctionnaires ? Une contribution de leur part ne se justifierait-elle pas, surtout à l'heure actuelle ? Quatrièmement: s'agissant toujours de l'âge de la retraite des enseignants, ne serait-il pas intelligent de mettre sur pied, à l'occasion de l'augmentation de l'âge de l'AVS - des femmes, bien sûr, pour le moment - un système de retraite à la carte, par exemple, de 58 à 65 ans ?

Mais non, Mesdames et Messieurs, rien de tout cela ! Une fois de plus, on a paré au plus pressé; on a fait dans la cosmétique - cosmétique coûteuse - au lieu d'aborder le fond du problème ! Et le fond du problème, Mesdames et Messieurs les députés, reste le grave déséquilibre qui existe entre, d'une part, les prestations de retraite promises, et, d'autre part, les moyens à disposition de la caisse. Une caisse - la CIA - qui n'a tout simplement pas les moyens de ses promesses ! Or, ce constat général devrait présider à toute décision partielle sur le sujet !

Mesdames et Messieurs, tel qu'il nous est présenté, le projet de loi 9066 accroît, augmente, multiplie, les difficultés de la CIA ! Alors, je vous le demande: est-ce bien raisonnable ?

M. Souhail Mouhanna (AdG). Une fois de plus, Monsieur Kunz vous vous donnez comme mission divine d'attaquer ce que vous appelez «les droits acquis» ou «les acquis sociaux»... Et ce n'est pas la première fois ! Vous allez apparemment partir à la retraite dans quelques mois, et je ne sais pas quel âge vous aurez... Je suppose que vous aurez 62 ans, Monsieur Kunz... En tout cas, je sais que je suis plus âgé que vous...

M. Pierre Kunz. Je donne une nouvelle orientation à ma carrière ! (Rires.)

M. Souhail Mouhanna. D'accord ! Quoi qu'il en soit quoi, Monsieur Kunz, la Migros fixe l'âge de la retraite à 62 ans! Alors, vous être très mal placé pour nous donner des leçons ! C'est une première chose. (Commentaires. La présidente agite la cloche.)

Deuxième chose, Monsieur Kunz: je ne vous ai jamais entendu vous indigner, par exemple, de la Banque cantonale de Genève, qui va coûter 2,7 milliards aux contribuables genevois !

M. Pierre Kunz. Je ne les ai pas votés, moi ! Je n'y étais pas !

M. Souhail Mouhanna. Je ne vous ai jamais entendu vous en indigner, Monsieur Kunz ! Je le répète, vous êtes très mal placé pour nous donner des leçons ! Quand on engage des personnes en leur disant qu'elles ont un contrat, il faut le respecter, comme le propose ce projet de loi... Si tel n'est pas le cas, l'Etat faillit à sa parole, et il ne sera plus crédible !

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC a effectivement péché par maladresse lors de la séance de Bureau, car nous aurions dû demander le retrait des extraits de ce projet de loi...

Il y a effectivement eu unanimité au sein de la commission, mais, dans le cadre du caucus, nous avons décidé de ne pas soutenir ce projet de loi, et ce, pour les raisons suivantes, qui ont en partie été exposées. Il est vrai que le problème des caisses de retraite est dramatique, et il faudra bien l'empoigner un jour ou l'autre. Mme la présidente du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, est parfaitement au clair sur ce point et sait exactement ce qui se passe au niveau de la Berne fédérale pour remettre de l'ordre dans les caisses de pension, pour assurer un financement à long terme et introduire, notamment, la primauté des cotisations, ce qui est loin d'être le cas à Genève, où l'Etat paie les deux tiers des cotisations. Il ne sera peut-être pas possible de continuer dans cette voie, surtout, que c'est encore l'employeur qui paie l'indexation des rentes.

Cela étant dit, ce qui nous dérange dans ce projet de loi, ce sont les incidences comptables: on ne connaît pas - peut-être que Mme la présidente du département ou M. le rapporteur ont une information à ce sujet - l'ampleur exacte des charges financières à court, à moyen et à long terme. Et le rapport ne permet pas de les identifier.

Sur cette base, il ne nous est pas possible de voter un chèque en blanc !

Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. J'aimerais répondre à un certain nombre de remarques et faire une suggestion... Je vais commencer par la suggestion en m'adressant à M. Mouhanna concernant un point: je propose que dans ce parlement on arrête de citer à tout propos la Banque cantonale de Genève ses difficultés. «A tout propos», je le dis clairement ! (M. Mouhanna interpelle Mme Brunschwig Graf.)Non, Monsieur Mouhanna, et je vais vous en expliquer la raison ! Je suis d'accord que le dossier de l'âge de la retraite ne soit pas traité de la façon évoquée dans cette enceinte - et je répondrai à M. Kunz sur ce point. Mais, préalablement - je le répète - je trouverais judicieux, quelles que soient les idées des uns et des autres, que la Banque cantonale de Genève ne soit pas mise à toutes les sauces, car c'est lui faire encore un peu plus de tort que d'évoquer à tout propos une situation que chacun connaît ! Pour les investisseurs, les actionnaires, futurs et actuels, ce n'est pas le meilleur moyen d'aider à son rétablissement - hormis ce que nous faisons au nom de l'Etat... Ce n'est vraiment ni habile ni pertinent !

J'en viens au fond du problème. L'autre jour j'étais à la commission de contrôle de gestion, et j'ai parfois l'impression que ce que j'y dis n'a pas la même signification pour tout le monde... Le Conseil d'Etat a annoncé sa volonté de mettre en place un système qui devrait permettre de prendre des décisions, s'agissant du pilotage des caisses de pension dans la durée, et, y compris, d'avoir un débat sur les problématiques de leur financement à moyen terme. Cela a été présenté en détail pendant deux heures à la commission de contrôle de gestion, et nous devrons y revenir de façon circonstanciée aussi.

Mais je dis clairement que l'on ne peut pas traiter de la problématique de l'âge de la retraite, de quelque profession que ce soit, au hasard de ce projet de loi et par le biais d'une discussion sur un pont AVS qui s'est avéré nécessaire dans un cadre particulier. Je dois tout de même rappeler que les accords à ce sujet ont été conclus en 2002, que, pour des raisons X ou Y, ce projet de loi a été déposé en 2003 et qu'il a fait l'objet d'un rapport le 5 octobre 2004 - et nous sommes en janvier 2005...

L'âge de la retraite des enseignants du primaire doit faire l'objet d'une discussion globale, en prenant en considération certains éléments comme l'évolution, l'âge auquel ils entrent dans la profession, la réévaluation de leur statut et d'autres points qui sont traités actuellement. Il n'est pas possible de traiter un élément de l'âge de la retraite isolément, et ce, pour aucune profession, que ce soit dans le privé ou dans le public, et je n'ai jamais vu que l'on pouvait le faire sur le siège ! Cela n'est pas pertinent, ni dans ce cas ni dans d'autres ! J'avais moi-même dit qu'il fallait discuter de ce problème: ce n'est pas le choix du département des finances de l'époque, mais j'en assume la responsabilité. Je vous le redis: ce débat ne peut avoir lieu de façon sectorielle et sans mener une réflexion sur la durée des cotisations et toutes sortes d'autres éléments.

Je vous demande instamment de voter ce projet de loi, car cette situation d'incertitude ne peut perdurer plus longtemps, ce n'est pas acceptable ! J'avais dit ici que le débat sur les caisses de pension... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... aurait lieu en temps opportun, cette année, mais certainement pas par le biais d'une modification ponctuelle !

La présidente. Monsieur Mouhanna, je vous donne la parole, mais ce n'est pas la tradition de s'exprimer après un conseiller d'Etat...

M. Souhail Mouhanna (AdG). Merci, Madame la présidente. Si j'ai parlé de la Banque cantonale de Genève, c'est tout simplement pour rappeler que les agissements de sa direction vont coûter 2,7 milliards aux contribuables...

M. Kunz, qui éprouve une haine absolument irrépressible à l'égard de tous les travailleurs, qu'ils soient du public ou du privé, ne se prive jamais dans cette enceinte de les attaquer. Je trouve cela insupportable ! Mais, heureusement, il y a des personnes ici pour relever le défi et répondre à M. Kunz et à tous ceux qui manifestent une telle haine à l'égard des travailleurs ! Vous n'avez pas d'état d'âme pour les milliards que nous coûte la Banque cantonale de Genève, qui sont le résultat de manipulations de comptes et de cadeaux aux petits copains, mais vous venez dire aux travailleurs, qui ont quarante années de carrière et à qui on a promis une retraite, que ce qui leur a été assuré ne le sera pas ! C'est inacceptable ! Eh bien, Monsieur Kunz, vous ne serez pas toujours seul ici: il y aura toujours des gens pour vous répondre !

La présidente. Vous renoncez à répondre, Monsieur Kunz... C'est raisonnable. (Exclamations.)Vous voulez la parole ? Je vous la donne ! Vous secouiez la tête, alors j'ai cru que vous renonciez.

M. Pierre Kunz (R). Non, je voulais attirer votre attention, Madame la présidente !

La présidente. Mais je vous avais vu, Monsieur le député !

M. Pierre Kunz. Je ferai tout d'abord remarquer que, lorsque ce parlement a voté la loi qui a effectivement conduit à abandonner ces 2,7 milliards de créances, je n'en faisais pas partie ! Et, depuis le début des années 90, je me suis bien souvent opposé à la politique menée dans ce parlement et au Conseil d'Etat, s'agissant du pseudo sauvetage de la BCG, je pense notamment à la fusion des deux établissements. Je voulais vous le rappeler. Alors, ne me mettez pas sur le dos des charges qui ne me concernent pas !

D'autre part, Monsieur Mouhanna, vous avez une grande aptitude à défendre à court terme les dossiers qui vous préoccupent et vous avez également une grande aptitude à prétendre défendre les «petites gens», comme vous les appelez: les travailleurs, etc. Mais vous devriez réfléchir à la chose suivante: il faut arrêter de faire des équations - peut-être est-ce votre métier qui vous y pousse ? - sur un espace temps très limité... Il faut vous préoccuper de l'avenir des gens, de leur famille, de notre collectivité !

C'est ce que moi j'essaie de faire, Monsieur Mouhanna, sans populisme, sans démagogie, en disant clairement les choses telles qu'elles sont. Je continuerai à le faire, et je me réjouis que vous me contestiez, parce que cela me permettra de le dire à nouveau ! (Applaudissements.)

Mise aux voix, la loi 9066 est adoptée en premier débat par 52 oui et 5 abstentions.

La loi 9066 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9066 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui et 4 abstentions.