République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9011
Projet de loi de Mmes et MM. Renaud Gautier, Pierre Weiss, Olivier Vaucher, Mark Muller, Gabriel Barrillier, Thomas Büchi, Hugues Hiltpold, Janine Berberat, Jacques Jeannerat, Stéphanie Ruegsegger, Janine Hagmann, Guy Mettan, Christian Luscher, Blaise Matthey, Claude Aubert, Jean-Michel Gros, Alain Meylan, Claude Blanc, Jean Rémy Roulet, Michel Halpérin sur les subventions

Préconsultation

Le président. Je donne la parole à M. Droin.

M. Antoine Droin.Je vous remercie, Monsieur le président, mais peut-être les dépositaires de ce projet de loi souhaitent-ils s'exprimer avant moi ?

Le président.Monsieur le député, seuls vous-même et Mme Morgane Gauthier sont pour l'instant inscrits. Personne d'autre n'ayant appuyé sur son bouton, c'est à vous !

M. Antoine Droin (S). Merci, Monsieur le président.

A la première lecture, nous pourrions penser que ce projet de loi est «le» projet de loi que nous avons toujours voulu avoir sans jamais oser le préparer. A la deuxième lecture, ce n'est plus «le» projet de loi que nous avons toujours voulu avoir sans jamais oser le préparer, mais bien «un» projet de loi ordinaire des bancs d'en face. A la troisième lecture de ce projet de loi que nous avons toujours voulu avoir sans jamais oser le préparer, il nous semble proposer un grand coup de lessive avec une marque connue qui lave en profondeur jusque dans les noeuds...

Pourtant, le but présenté dans l'exposé des motifs est louable. Je cite: «Les buts que poursuit le projet visent en particulier à assurer que les subventions soient allouées selon des principes uniformes et équitables, qu'elles soient adaptées aux possibilités financières de l'Etat et qu'elles atteignent leurs objectifs de manière économique et efficace». Bien. Mais ensuite, nous découvrons un mélange des genres étonnant: les subventions sont classées en deux catégories. La première, la bonne, appelée «indemnités», s'adresse aux institutions qui accomplissent une tâche prescrite par l'Etat, comme les TPG, l'Hospice général ou encore l'Hôpital. Une indemnité parce qu'il y a au bout une prestation reconnue d'utilité publique «noble»... Soit, en bref: une prestation = une indemnité. La seconde catégorie, touchante de bonnes intentions, est appelée «aides financières» et est destinée à assurer ou promouvoir des tâches choisies librement par des bénéficiaires comme les associations de toutes sortes. Une aide parce qu'il y a au bout un gentil groupe de personnes probablement idéalistes qui n'offrent pas de prestation noble... Soit, en bref: une tâche = une aide. Le milieu associatif ne peut donc obtenir qu'une aide. Quel affligeant paternalisme ! Notez qu'en mélangeant les deux on peut obtenir: une aide de prestation = la tâche d'une indemnité. En ce qui nous concerne, nous préférons utiliser le terme de «prestation extérieure» pour le sens large, celui de «crédit de fonctionnement» pour la première catégorie et celui de «subvention» pour la seconde.

Mais le problème ne se focalise pas uniquement sur des questions de termes. La vraie question qui doit être posée - et qui n'apparaît pas dans le projet de loi - est de connaître l'importance et le bien-fondé de l'utilisation des fonds étatiques, et ceci quelles que soient les catégories que nous voudrions aider. Lorsque je lis à l'article 1, alinéa 2, lettre c que la loi assure que les subventions cantonales «atteignent leurs objectifs de manière économique et efficace», je me pose des questions sur l'importance de ce qui définira les critères d'évaluation qui feront référence. L'approche qui a été faite ne l'est que sous l'angle d'une constatation purement mathématique consistant à affirmer que les 40% du budget de l'Etat, soit les subventions, sont traités sur 5% des pages du budget. Il eût été intéressant de se poser les vraies questions sur le bien-fondé du système actuel d'octroi des fonds publics, sur l'importance de la qualité des prestations fournies, sur le rôle social de celles-ci, sur le mode d'attribution des subventions, sur la valeur des prestations fournies dans les institutions publiques et dans les milieux associatifs, sur le gain financier et en prestation de services que l'Etat fait en appuyant les associations, sur la valorisation de la société active et sur son apport incomparable en matière de compétences et de savoir-faire.

Mais gardons à ce projet de loi le mérite, nous l'espérons, de traiter la question récurrente des modes d'attribution et de suivi; le mérite de faire la chasse aux multiples financements de l'Etat; le mérite d'introduire une transparence nécessaire - je dirais même indispensable. N'en oublions pas un élément: le financement du monde associatif ne représente qu'une miette du budget de l'Etat. Alors d'accord, faisons le ménage - avec Omo si vous voulez - mais n'oublions pas non plus d'attribuer les vraies subventions de fonctionnement à ceux qui ménagent les fusibles de la société ! Dans cet esprit, nous nous réjouissons de traiter ce projet de loi en commission. (Applaudissements.)

Le président. Je vous rappelle que nous sommes en débat de préconsultation. La parole est donc limitée à cinq minutes par orateur. La parole est à Mme Morgane Gauthier.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Le groupe des Verts réserve un accueil plutôt froid à ce projet de loi déposé par l'Entente. Les intentions ainsi que l'écriture de ce projet de loi sont à modérer. A sa lecture, on pourrait en effet croire que le Conseil d'Etat accorde des subventions à tour de bras sans effectuer de contrôle. Or, des filtres existent, que ce soit notre parlement - lequel peut accepter ou refuser des projets de lois accordant des subventions - l'administration ou encore l'inspection cantonale des finances - laquelle peut aller vérifier ce qui se passe sur mandat ou de son propre chef. Les entités subventionnées doivent également produire des comptes ainsi que des rapports d'activités. Dire que ce système est parfait est impossible. Je tiens cependant à vous rappeler qu'un projet de loi visant à instituer une Cour des comptes est à l'examen devant la commission des finances.

Aux yeux des Verts, il est souhaitable que le contrôle des organismes subventionnés soit différencié en fonction des montants. Les comptes d'une petite association ou, par exemple, ceux de l'Hospice général doivent évidemment être soumis à des examens différenciés. Nous nous demandons si des contrôles pour tout et tout le monde n'en viendront pas à paralyser des services ou des associations et, finalement, à coûter beaucoup plus cher à l'Etat.

Pour conclure, je ferai remarquer que ce projet est axé principalement sur la rentabilité économique, l'efficience et les capacités financières de l'Etat. Il existe cependant des prestations fournies par des associations, des fondations ou des organismes subventionnés qui sont difficilement estimables sous ce seul angle ! C'est laisser de côté bien des aspects du développement durable qui doit être présent dans chaque projet ainsi que dans chaque projet financier !

Nous avons une multitude de remarques à formuler mais je vous rassure, Monsieur le président: nous les ferons en commission.

M. Renaud Gautier (L). Qu'il est difficile d'essayer de construire un projet qui n'est sous-tendu par aucun projet politique sans tomber immédiatement dans le débat interpartisan ! Mon cher voisin, vous me bataillez sur des mots. Je vous l'accorde: on pourra peut-être remplacer tel mot par tel autre. Ce n'est cependant pas là que réside le débat ! Quant à vous, ma chère collègue, vous me faites évidemment, puisque je suis libéral, le procès de la rentabilité. Mais le débat ne réside pas là non plus: en aucune manière ce projet de loi sur les subventions ne tend à vouloir réduire le principe des subventions - lesquelles, ainsi que le précise ce projet de loi, sont parfaitement nécessaires et reconnues comme telles. Il propose simplement de soumettre au même traitement l'ensemble des comptes de l'Etat, pour lesquels différentes commissions de ce parlement passent beaucoup de temps à vérifier l'usage qui en est fait. Les procédures qui ont été mises en place dans le temps varient en effet d'une entité à l'autre.

Je le répète: si l'on essaie de trouver à l'Etat l'efficience du travail réalisé, s'il a été fait référence dans le cadre du discours de Saint-Pierre au contrat de prestations, cela suppose, par exemple, des moyens d'évaluation tant quantitatifs que qualitatifs. Grand bien nous fasse ! Sur ce point, nous serons tous d'accord. Mais comment et pourquoi ne pas appliquer les mêmes critères dont nous souhaitons doter les services de l'Etat à des entités extérieures à l'Etat qui, pour les travaux nécessaires - voire remarquables - qu'elles accomplissent, obtiennent des moyens de l'Etat selon d'autres modalités ? Je vous donnerai un exemple très simple: la commission des finances a eu l'occasion, pas plus tard qu'il y a deux jours, de traiter un certain nombre de demandes. Or, cette même commission s'est posé, dans un cas particulier, la question de savoir si elle était l'instance la plus adéquate à laquelle adresser cette demande de subvention. Il n'y a donc dans ce projet de loi rien d'autre qu'une volonté de mettre à plat une procédure existant ailleurs.

Je répète très clairement que ce projet de loi ne possède aucune volonté de limiter ou de diminuer le principe des subventions, d'autant plus que les libéraux comprennent parfaitement et admettent le principe selon lequel un certain nombre de tâches peuvent, et doivent, être déléguées par l'Etat à d'autres entités. En face de moi se trouve le président d'une institution qui remplit exactement ce rôle, et qui le fait fort bien.

Voilà la raison pour laquelle je vous suggère de transmettre rapidement ce dossier à la commission des finances.

M. Robert Iselin (UDC). Lorsque notre groupe est entré dans ce Grand Conseil, il a agité le problème des subventions après avoir découvert un monde extensible à souhait: à peu d'exceptions près, n'importe quelle personne adressant une demande de subvention la reçoit ! Je suis très content que l'on se soit fait chiper notre sujet par le parti libéral, lequel a présenté cette problématique dans une excellente forme. Nous soutiendrons ce projet de loi en demandant son renvoi à la commission des finances.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Odier pour le groupe radical.

M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical accueille favorablement ce projet de loi, auquel il reconnaît plusieurs mérites.

Je souhaite en premier lieu relever la nécessité de distinguer, parmi les subventions, celles qui sont destinées à des entités autonomes publiques, celles qui sont octroyées à des associations, celles qui sont versées en échange d'un contrat de prestations ou encore celles qui permettent de remplir un mandat légal - y compris un mandat attribué par la Confédération. Ces distinctions n'existent actuellement pas. Notre budget contenant un fourre-tout de subventions, la ligne budgétaire que nous votons dans le cadre de l'octroi d'une subvention peut être de sept cent quatre-vingt millions s'il s'agit des HUG comme elle peut être de quatre-vingt mille francs s'il s'agit d'une simple association. Le premier mérite de ce projet de loi est donc d'établir des distinctions nous permettant par ailleurs de disposer d'un contrôle plus précis.

En deuxième lieu, il est vrai que l'ouverture d'une ligne budgétaire pour une subvention constitue une pratique perpétuelle d'octroi de subventions dont les montants ne font que s'accroître année après année, avec de rares justifications s'il faut maintenir l'une ou l'autre de ces subventions. Ce projet de loi doit donc permettre d'étudier et de mettre en place un outil jouant véritablement un rôle de contrôle.

En troisième lieu, je tiens à relever que, lorsqu'on traite de subventions, il n'est pas facile de refuser l'octroi d'une subvention plutôt que d'une autre, car nous sommes tous, dans cette enceinte, plus ou moins favorables à certains subventionnés. Il faudra donc que l'on parvienne à mettre en place un système exigeant une réelle justification du maintien d'une subvention dans le temps.

Au-delà de ces quelques éléments, il me semble que nous devons également mener une réflexion sur le rôle de l'Etat. Je ne suis pas en train d'affirmer que nous devrions diminuer les subventions dans un secteur ou dans un autre. J'estime toutefois qu'une telle réflexion est indispensable. L'Etat est en effet omniprésent et tentaculaire: il s'agit d'un Etat-Providence auquel on s'adresse dans n'importe quel cas. Or, je ne conçois pas forcément le rôle de l'Etat ainsi. C'est pourquoi nous devrions, à mon sens, réellement nous interroger sur le rôle primordial de l'Etat ainsi que sur les tâches prioritaires que nous voulons le voir effectuer ou organiser. Au-delà de ces missions, de nombreuses tâches devraient être remises à la maîtrise des associations elles-mêmes - quitte à trouver d'autres sources de financement - ou simplement au secteur privé.

Le président. La parole est à M. Souhail Mouhanna pour l'Alliance de gauche.

M. Souhail Mouhanna (AdG). L'Alliance de gauche accueille avec beaucoup de méfiance ce projet de loi, car la droite nous a habitués à s'attaquer à toute activité à caractère social effectuée par l'Etat. Lorsqu'on aborde la question du rôle de l'Etat, d'aucuns pensent que l'Etat doit se limiter à deux ou trois activités. Parmi ces activités figureraient notamment la protection d'un certain nombre de privilégiés et le maintien d'un minimum vital dans certains secteurs. L'Alliance de gauche reconnaît pour sa part l'importance majeure du rôle assumé par de très nombreuses associations, entre autres sur les plans social et culturel. Nous considérons que ces activités sont indispensables à la collectivité. Il faut par conséquent également tenir compte du rôle assumé par des organisations et des associations effectuant un travail qui incombe normalement à l'Etat.

Par ailleurs, nous trouvons ce projet de loi relativement flou. L'exposé des motifs indique par exemple qu'un montant de 2,8 milliards de francs est accordé à titre de subvention. Mais on ignore si ce projet de loi tente de remettre en cause la totalité des organismes bénéficiant de ce montant ou s'il cherche simplement à assurer une cohérence dans l'octroi des subventions versées par l'Etat. En ce qui concerne la première hypothèse, je rappelle que l'Hospice général, l'hôpital, l'université, les HES et bien d'autres institutions figurent dans les rubriques des subventions. Ces activités sont-elles, oui ou non, indispensables ? Relèvent-elles du rôle de l'Etat ? J'affirme pour ma part que oui. En revanche, si ce projet de loi ne cherche qu'à assurer une cohérence dans l'octroi des subventions sans pour autant remettre en cause la finalité de ces subventions, nous n'y voyons aucun problème. Nous verrons donc, lors des discussions au sein de la commission des finances, quels sont les objectifs visés par ce projet de loi, et nous veillerons à ce que le rôle social de l'Etat ne soit en aucune manière mis en cause.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Schmied pour le groupe démocrate-chrétien.

M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien soutient ce projet de loi, je dirais presque avec enthousiasme, pour deux raisons au moins.

En premier lieu, ce projet permettra de mettre de l'ordre dans un domaine où, comme certains l'ont fait remarquer tout à l'heure, on mélange les subventions octroyées aux hôpitaux universitaires avec celles versées à de petites associations dont, comme l'a relevé ma collègue Morgane Gauthier, on ne peut calculer les prestations, mais qui coûte tout de même de l'argent au moment de la demande de subvention. Il est donc important de mettre de l'ordre dans la définition des subventions.

En deuxième lieu, ce projet garantira une transparence qui nous est, à tous et à toutes, tellement chère. Grâce à cette transparence et selon la maxime «les bons comptes font les bons amis», nous saurons exactement qui reçoit quoi et pour quel motif. On pourra ainsi, du moins je l'espère, éviter que les uns et les autres ne soupçonnent le Conseil d'Etat ou le président du département de l'autre bord de favoriser tel ou tel ami ou amie d'une association.

Nous soutenons donc pleinement ce projet de loi, qui permettra de mettre de l'ordre dans les subventions et qui garantira une certaine transparence.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'ai fait un rêve ou, plutôt, je ferai un voeu.

Ce projet de loi possède des avantages et, certainement, des éléments dont il conviendra de débattre. Il possède toutefois au moins le mérite de nous permettre, si nous le souhaitons, d'instaurer un cadre légal moderne, utile et efficace pour traiter les transferts de l'Etat dans les prochaines années. Je rappelle que le Conseil d'Etat s'est, de son côté, saisi du dossier sur les mandats de prestations et sur le traitement des institutions subventionnées en ces termes. Il rejoint ainsi une partie des préoccupations exprimées dans ce projet de loi. Un mandat ayant été donné et des travaux ayant été conduits, nous devrions connaître d'ici la fin de l'année les contours des principaux points et des principaux enjeux.

J'en viens maintenant à mon voeu, ou plutôt à ma demande: l'idéal serait que la commission qui examine ce projet de loi parvienne à travailler de façon transversale entre les partis politiques afin de parvenir à un accord sur le cadre légal et sur la manière de contrôler les institutions. Votre débat devrait porter sur «combien de subventions, à qui». C'est votre politique qui vous y engage. Mais j'imagine qu'un accord devrait pouvoir être trouvé quant à la façon dont l'Etat doit gérer les deniers publics et contrôler les transferts. Je ne saurais trop vous recommander de rechercher au moins un accord sur la façon de faire. Vous vous livrerez ensuite bataille, les uns et les autres, comme vous en avez l'habitude, sur la façon dont il faut les attribuer, sur les montants, sur les priorités et sur toutes ces choses qui font la joie de la vie politique de notre canton...

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.