République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9037-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire (E 2 40)

Premier débat

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. La commission des finances a siégé mercredi pour examiner ce projet de loi. Vous ne trouverez donc bien entendu pas de rapport écrit sur vos tables, puisque c'est un rapport oral que je vous ferai.

Ce projet de loi concerne un problème relativement simple, mais qui n'est pas sans poser quelques problèmes mineurs. Vous savez peut-être que la systématique d'engagement des fonctionnaires était la suivante pour l'ensemble de la fonction publique: ceux-ci étaient engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. Or, de récents accords entre la fonction publique et le Conseil d'Etat ont modifié cette pratique: les fonctionnaires ne sont désormais plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction. D'autres accords doivent encore survenir pour modifier cet état de fait.

S'agissant des magistrats du pouvoir judiciaire, l'on ne peut bien entendu pas modifier par voie réglementaire les pratiques d'engagement inscrites dans la loi et les salaires. Bien qu'élus par le peuple, les magistrats ne sont pas classés dans leur classe de fonction immédiate. Suite à la décision du Conseil d'Etat d'instaurer un règlement prévoyant l'engagement des fonctionnaires deux classes en dessous de leur classe de fonction, notre Grand Conseil a en effet voté une loi stipulant que les magistrats devaient également être engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. Malheureusement, les délais d'une loi étant beaucoup plus longs que ceux d'un règlement, un mois avant que nous ayons commencé à appliquer la nouvelle loi d'engagement des magistrats, les normes d'engagement des fonctionnaires avaient changé, puisque ces derniers n'étaient plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction ! C'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui une nouvelle modification de la loi. Cette modification prévoit que l'engagement des magistrats se fasse non pas deux, mais une classe en dessous de leur classe de fonction. Nous vous proposons en outre d'en faire une loi rétroactive au 1er janvier de cette année pour permettre de verser aux magistrats les classes de fonction correspondant à une, et non à deux classes en dessous de leur classe de fonction, comme le prévoit la loi.

La question qui pourrait se poser - et qui l'a d'ailleurs été en commission - est la suivante: est-il légitime que le Grand Conseil modifie la classe de fonction des magistrats étant donné que ces derniers sont élus par le peuple ? La commission a eu une discussion à ce sujet. La majorité de la commission a néanmoins décidé d'accepter ce projet de loi et d'introduire dans la loi la disposition suivante que vous pouvez lire à la page 2 du document qui se trouve sous vos yeux: le traitement des magistrats situés en classe 29 est fixé une classe en dessous de la classe prévue. C'est la proposition que le Conseil d'Etat vous fait et que la majorité de la commission a approuvée.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Mouhanna, qui va vous présenter l'amendement qu'il avait déjà proposé à la commission des finances et que vient, en partie, d'expliquer M. Spielmann.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Ce projet de loi suscite un certain nombre de remarques et de commentaires.

En premier lieu, l'exposé des motifs précise que ce projet a pour objectif l'alignement des mécanismes de traitement des magistrats du pouvoir judiciaire sur ceux des membres de la fonction publique. Or, je tiens à souligner que, même si ce projet de loi était adopté, l'analogie entre ces deux groupes n'est pas aussi totale qu'on pourrait l'imaginer, notamment s'agissant des questions liées aux caisses de retraite et aux cotisations.

En deuxième lieu, l'Alliance de gauche trouve injuste d'engager en dessous de leur classe de fonction des personnes appelées à assumer une charge dans une fonction donnée. Prenons à titre d'exemple le cas des magistrats élus par le peuple pour exercer une fonction: il est absurde de les recruter pour remplir une fonction donnée tout en les engageant une ou deux classes en dessous de leur classe de fonction ! Le peuple les ayant jugés aptes à exercer ces fonctions, nous n'avons pas à faire en sorte que ces fonctions se trouvent dévaluées ou dévalorisées ! Ce projet de loi manque à cet égard de cohérence dans la mesure où il propose, dans le même temps, la prise en compte d'une expérience professionnelle. De deux choses l'une: soit les magistrats exerçant une fonction possèdent un niveau de compétence suffisant - voire supérieur, puisque des annuités pour expérience professionnelle sont prévues. Soit tel n'est pas le cas. Je comprends dès lors mal comment un même projet de loi peut émettre simultanément ces deux propositions !

En troisième lieu, je rappelle que les conseillers d'Etat qui, tout comme les magistrats du pouvoir judiciaire, sont élus par le peuple ne sont pour leur part pas engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. L'Alliance de gauche considère que l'ensemble des membres des différents corps de l'Etat et de ses services devraient être directement engagés dans leur classe de fonction.

Pour conclure, je ferai une remarque d'ordre juridique. Ce projet de loi fait référence à un règlement puisque, comme vous le savez, les normes d'engagement dans la fonction publique font partie d'un règlement du Conseil d'Etat concernant le personnel de l'Etat. Or, en cas de modification dudit règlement suite à des négociations entre le Conseil d'Etat et les syndicats de la fonction publique - il se peut par exemple qu'un accord intervienne au niveau de l'engagement dans la classe de fonction - nous nous trouverions une nouvelle fois amenés à modifier ce projet de loi.

C'est pour toutes ces raisons que je proposerai, à titre d'amendement, l'engagement des magistrats du pouvoir judiciaire directement dans la classe de fonction. Je formule bien évidemment en même temps le souhait que ce procédé soit appliqué à l'ensemble des membres de la fonction publique et des employés des différents secteurs subventionnés de l'Etat.

Le président. Merci, Monsieur Mouhanna. Je vous rappelle que ce projet de loi est déposé en urgence à la demande des magistrats de l'ordre judiciaire.

M. Albert Rodrik (S). Ce projet de loi du Conseil d'Etat a effectivement pour but la mise en conformité du traitement des magistrats du pouvoir judiciaire à celui des membres de la fonction publique. M. Mouhanna vous a toutefois rappelé un certain nombre de points qu'il convient de prendre en considération.

J'ai pour ma part été engagé dans la fonction publique trois classes en dessous de ma classe de fonction. Il semblerait cependant qu'au terme d'un long cheminement il n'y aura plus, à partir de l'année prochaine, de purgatoire. Il s'agit là d'une excellente chose. La suggestion d'harmonisation nous évitant de remettre l'ouvrage sur le métier l'année prochaine me paraît logique, et nous l'avons votée en commission. S'agissant de charges élues, l'on peut toutefois se demander si le parallélisme avec la fonction publique est d'une pertinence totale. Je laisse la question ouverte, car je ne voudrais pas que l'on infère de mes paroles une quelconque infériorité de la fonction publique. Il n'en demeure pas moins qu'un magistrat élu et un fonctionnaire engagé et nommé ne rentrent pas tout à fait dans la même catégorie.

Enfin, nous ne nierons pas qu'il est parfaitement louable de vouloir tenir compte de l'expérience professionnelle dans la magistrature comme ailleurs. Dans beaucoup de partis, des voix se sont d'ailleurs élevées pour disposer de magistrats expérimentés. Il a cependant également été dit en commission que les mécanismes que prévoit ce souci louable de vérification de l'expérience nous paraissent pour le moins abstraits, compliqués et aux effets douteux. Je laisse en partage au Conseil d'Etat, à la magistrature et à sa commission de gestion le soin d'étudier la manière de concilier ce légitime souci de disposer de magistrats d'expérience avec de tels mécanismes.

Pour le surplus, nous voterons l'amendement présenté par M. Mouhanna, et nous accepterons ce projet de loi lors du vote final.

M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi présente en effet un certain intérêt, puisqu'il vise à harmoniser la manière dont sont respectivement calculés le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire. Il nous manque cependant un élément important dans son évaluation: il s'agit du coût qui découlera de son application. Ce projet est fondé sur une modification de la loi d'engagement du personnel de l'ensemble de la fonction publique visant à faire face à un manque de personnel. Or, la situation s'est probablement modifiée au cours de l'année compte tenu de l'évolution économique; il doit donc, à mon sens, être beaucoup plus facile qu'auparavant d'engager du personnel.

La question que nous devrions plutôt nous poser est la suivante: la mesure prise il y a deux ans d'engager respectivement une classe en dessous et directement dans la classe finale est-elle encore d'actualité au vu, d'une part des finances publiques, d'autre part du coût engendré par une telle mesure ? Le groupe UDC se penchera sur cette question et proposera certainement un projet de loi modifiant les mesures prises il y a deux ans.

Je suis personnellement très sceptique quant à l'adaptation à la magistrature des mesures décidées pour la fonction publique. En revanche, je souhaite obtenir une réponse à la question du coût consécutif à l'application de ce projet de loi.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Je fournirai des éléments de réponse aux diverses questions qui ont été posées.

La première question, posée par M. Rodrik, concernait la manière dont serait prise en considération l'expérience des futurs magistrats. J'y répondrai ainsi: il a été précisé en commission - et les représentants du pouvoir judiciaire l'ont très clairement affirmé - que les connaissances techniques de l'office du personnel seraient utilisées pour l'évaluation des personnes et des expériences mais que la décision finale quant à la classification des magistrats serait du ressort du pouvoir judiciaire. Il s'agit donc simplement d'une aide qui est demandée à l'administration. Dans la loi telle qu'elle est prévue, les renvois à la loi sur la fonction publique ne figurent qu'à titre indicatif et consultatif. C'est la magistrature qui restera responsable de la fixation du traitement des magistrats.

S'agissant des questions soulevées par M. Catelain, j'apporterai deux éléments de réponse. En premier lieu, il est inexact de déclarer que l'on va mettre à plat la situation et que l'on va supprimer l'année de moins pour les magistrats comme cela est le cas pour la fonction publique. Je vais vous expliquer quel est l'objectif de ce projet de loi: l'ensemble des membres de la fonction publique étaient jusqu'alors, par voie de règlement, engagés deux classes en dessous de leur classe de fonction. Quand des accords entre le Conseil d'Etat et les associations du personnel sont intervenus et que les membres de la fonction publique n'ont plus été engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction, les magistrats ont demandé à bénéficier du même traitement. Mais la loi sur le traitement des magistrats avait déjà été modifiée au préalable pour que l'engagement de ces derniers se fasse deux classes en dessous de leur classe de fonction, et cette loi n'est entrée en vigueur que peu de temps avant que les fonctionnaires ne soient plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction. La loi concernant les magistrats retarde donc toujours d'une année par rapport au traitement des membres de la fonction publique. Ce que nous vous proposons aujourd'hui, ce n'est pas de supprimer l'engagement des magistrats dans une classe inférieure - proposition faite dans l'amendement de M. Mouhanna - mais c'est de mettre en adéquation le traitement des magistrats avec celui de la fonction publique, et ceci afin que les magistrats ne soient pas pénalisés de deux classes. Deux arguments viennent à l'appui de cette mesure: tout d'abord, les magistrats étant élus par le peuple, il est plus discutable de les engager deux classes en dessous de la classe de la fonction pour laquelle ils ont été élus. Ensuite, il n'y a aucune raison de les pénaliser davantage que la fonction publique.

L'autre question qui demeure en suspens, c'est de savoir si l'on veut aujourd'hui modifier la loi pour une classe de fonction alors que l'on sait que cette mesure va être adaptée et qu'il faudra modifier une nouvelle fois la loi dans quelques mois. Il s'agit d'une question que notre Grand Conseil devra trancher en se prononçant sur l'amendement de M. Mouhanna.

Quant au coût de cette mesure, il faut savoir que cette disposition ne touche pas l'ensemble de la magistrature, mais uniquement les nouveaux magistrats. Si l'on modifie la loi, seuls les nouveaux magistrats seront directement engagés dans leur classe de fonction dès l'année prochaine; les anciens magistrats poursuivront pour leur part leur cursus. Voilà, Mesdames et Messieurs, les éléments sur lesquels vous pouvez prendre position.

Concernant le chiffrage, il faut également savoir que la loi proposée aujourd'hui possède un effet rétroactif au 1er janvier 2003. Les fonctionnaires ayant été engagés une classe en dessous de leur classe de fonction bien avant les magistrats, ces derniers demandent un traitement identique. Du fait de l'effet rétroactif de la loi, la nouvelle mesure touchera les magistrats des nouvelles juridictions que le Grand Conseil a décidé de mettre en place ainsi que les magistrats engagés au cours de l'année 2003. Seuls ces magistrats bénéficieront de cet effet rétroactif. Voilà quelles sont les conséquences financières de ce projet de loi, conséquences sans commune mesure avec celles engendrées par les nouvelles dispositions d'engagement de l'ensemble de la fonction publique: il ne s'agit ici que de quelques magistrats entrés au cours de l'année 2003.

Le président. Merci pour vos précisions, Monsieur le rapporteur. Il est vrai que cet objet est relativement compliqué pour les députés qui ne siégent pas à la commission des finances. Le projet de loi concerne donc uniquement les magistrats, tandis que l'amendement de M. Mouhanna tente, lui, d'étendre un certain nombre de points à la fonction publique.

M. Jean-Marc Odier (R). Nous approuverons ce projet de loi, car il vise à rectifier une situation illogique et il demande une égalité de traitement entre les magistrats - notamment du pouvoir judiciaire - et les membres de la fonction publique de manière que tous soient, pour l'instant, engagés une classe en dessous de leur classe de fonction dans l'échelle de traitement des salaires de l'Etat.

Nous ne pouvons en revanche approuver la proposition de M. Mouhanna, car la situation serait dès lors plus favorable aux magistrats qu'à la fonction publique. Une telle situation ne laisserait que peu de marge de manoeuvre au Conseil d'Etat, lequel devrait négocier avec la fonction publique et les syndicats afin de rétablir une égalité de traitement. Nous estimons pour notre part que le Conseil d'Etat doit avoir les mains libres pour négocier l'ensemble des salaires de la fonction publique. Or, en votant l'amendement proposé par M. Mouhanna, nous ne lui en laisserions pas la possibilité. Je vous invite donc à rejeter vivement la proposition d'amendement de M. Mouhanna.

M. Souhail Mouhanna (AdG). L'argumentation de M. Odier ne tient pas la route, et ceci tout simplement parce que les magistrats du pouvoir judiciaire sont élus par le peuple pour occuper une fonction. Ils se trouvent donc exactement dans la même situation que le Conseil d'Etat, également élu par le peuple pour exercer une fonction. Or, les conseillers d'Etat ne sont pas engagés deux classes en dessous de la classe de fonction qui est la leur ! Il existe donc, à mon sens, un problème sur ce point. Je rappelle d'autre part que l'analogie entre les magistrats du pouvoir judiciaire et les membres de la fonction publique n'existe pas d'une manière aussi étendue que certains tentent de nous le faire croire. La caisse de retraite des magistrats du pouvoir judiciaire est, par exemple, beaucoup plus favorable que celle des membres de la fonction publique.

Cela étant, je ne suis pas en train de plaider la cause des membres du pouvoir judiciaire. Le seul point, à mon sens tout à fait logique, sur lequel je souhaite insister est le suivant: il existe une fonction, et des individus ont été élus pour l'exercer. Je ne comprends dès lors pas pour quelle raison le traitement affecté à cette fonction se trouve réduit de deux classes, parce que le Conseil d'Etat a décidé, de manière incorrecte, d'imposer à la fonction publique un engagement deux classes en dessous de la fonction exercée par les membres du personnel ! Il y a là une injustice vis-à-vis de la fonction publique, et cette injustice peut être corrigée par une modification du règlement du Conseil d'Etat. Il appartient au Grand Conseil de faire en sorte que cette irrégularité à l'encontre des membres du pouvoir judiciaire soit rectifiée. Je propose cet amendement précisément dans le but d'éviter cette irrégularité, en espérant que le Conseil d'Etat décidera d'en faire de même pour les membres du personnel de la fonction publique.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Compte tenu de la façon dont vous bouleversez parfois l'ordre du jour, je n'ai pas le projet initial sous les yeux. Je n'ai donc pas pu trouver sur le siège le montant exact de la rétroactivité. Je souhaite en revanche vous faire part de quelques points.

Je tiens en premier lieu à souligner que le projet en lui-même, tel qu'il figure sous vos yeux, est indispensable, car il rétablit une situation qui n'a pas été désirée en tant que telle. Je m'explique: à l'époque où avait été prise la décision concernant la classe de fonction pour la fonction publique, il n'avait probablement pas été remarqué que la loi sur le pouvoir judiciaire devait être modifiée afin de prendre la même disposition pour les magistrats. Lorsque le Conseil d'Etat a déposé ce projet de loi, il estimait qu'il était important de rétablir ce parallélisme.

J'aimerais vous rappeler une deuxième chose. Si vous voulez traiter la problématique du pouvoir judiciaire, de sa rétribution, de son niveau et de la question de savoir s'il devrait faire l'objet d'un traitement séparé ou non, il me semble que vous devriez en faire l'objet d'un débat en tant que tel. Je ne pense pas qu'il faille introduire de nouveaux éléments à l'occasion de ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes limités au rattrapage d'une année, et non de deux, dans la classe de fonction.

Je profite de cette occasion pour vous informer des discussions du Conseil d'Etat à l'heure actuelle. Si je vous en informe, c'est parce que celui-ci a eu l'occasion d'en faire part aux associations du personnel. Tout est, de par les obligations légales, un dû. Depuis le début des années 90, nous avons vécu des années de déficit qui nous ont contraints à prendre un certain nombre de mesures. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation où - nous l'espérons de façon passagère - il nous faut faire face à de nouvelles difficultés financières. Le Conseil d'Etat avait chiffré l'entrée dans la classe de fonction avec un palier d'une année à 16 millions. Lorsqu'il a franchi le pas, ce chiffrage n'était pas encore définitif. J'ai observé le coût de cette mesure pour une demi-année en 2002. Ce chiffre figurant dans les comptes, vous savez que cette disposition a coûté près de 8 millions. Le chiffrage pour la totalité de l'année 2003 se monte quant à lui à 15 400 000 F. Nous avons déclaré aux associations du personnel qu'au vu des difficultés dans lesquelles nous nous trouvions, nous n'avions pas comme première priorité l'introduction d'une deuxième année dans la classe de fonction. Il s'agira d'avoir un débat à ce sujet - et ce d'autant plus que, comme l'a très justement rappelé M. Odier, la situation du marché du travail a évolué entre le moment où a été prise cette décision et le moment présent. Revenir en arrière sur les événements qui se sont produits il y a deux ans nécessiterait un autre débat, car il est dangereux de faire des aller-retour et il faut savoir, à un moment donné, s'arrêter en chemin.

Je peux d'ores et déjà affirmer qu'à moins que le Grand Conseil n'en prenne la décision - mais ce dernier ne peut pas modifier la loi - il est fort probable que le Conseil d'Etat n'introduise pas dans le budget 2004 les éléments supplémentaires qu'entraînent les 15 à 16 millions nécessaires à une nouvelle progression dans la classe de fonction. Vous devez comprendre cette décision. Comme vous mènerez des débats sur cette question, je préfère le dire très clairement aujourd'hui. Cette décision rend à mon sens la discussion sur l'amendement de M. Mouhanna inutile pour l'instant. Nous aurons toujours, le cas échéant, la possibilité de modifier la loi au moment opportun. D'autres discussions devront alors également être menées par rapport à la problématique du pouvoir judiciaire.

En conclusion, je vous demanderai de voter aujourd'hui la loi telle qu'elle a été présentée et de ne pas y introduire d'amendement. Si vous le faites, vous introduirez une autre inégalité. De surcroît, c'est sciemment que vous l'introduirez, en pensant que le Conseil d'Etat en fera de même pour les membres de la fonction publique ! Mais cela coûterait 15 à 16 millions qui, je vous le dis, pèseront lourd dans le budget 2004 !

Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix l'entrée en matière en premier débat de ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1 (nouvelle teneur).

Le président. M. Mouhanna propose un amendement à l'article 18. Cet amendement consiste à supprimer l'alinéa 3, l'alinéa 4 devenant l'alinéa 3. Je mets aux voix cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Le président. Je m'excuse, Monsieur Mouhanna, mais je crois être allé un peu trop vite en besogne: j'ai oublié de mettre aux voix le premier de vos amendements, lequel consiste à supprimer l'article 2, alinéa 3. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez prendre la parole ?

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Oui, Monsieur le président. Les choses vont parfois vite, parfois lentement. En ce qui concerne la loi que nous sommes en train de modifier, il est vrai qu'elle possède plus d'une année de retard par rapport à la fonction publique, puisque cela fait maintenant plus de deux ans que nous avons, pour cette dernière, ramené la carence de deux ans à une année. Comme les dispositions relatives à la fonction publique sont précisées par un règlement, le changement est plus rapide que pour les magistrats, dont les normes d'engagement sont définies par une loi. Or, au moment où le Grand Conseil a décidé d'engager les magistrats deux classes en dessous de leur classe de fonction, le personnel de la fonction publique n'était déjà plus engagé qu'une classe en dessous de sa classe de fonction. La magistrature souffrait donc d'une année de retard. Les lois qui se trouvent actuellement dans les salles du Grand Conseil ne portent d'ailleurs pas encore cette modification. C'est pourquoi l'amendement de M. Mouhanna ne proposait au départ pas la suppression de l'article 2, alinéa 3: il a fallu le rajouter après avoir retrouvé la loi mise à jour entre-temps...

Selon cette dernière, le traitement des nouveaux magistrats est fixé à la classe 29, ce qui correspond à une classe en dessous de leur classe de fonction. Une question pertinente peut néanmoins être posée: le nombre de nouveaux magistrats étant extraordinairement limité, vaut-il vraiment la peine d'effectuer maintenant cette modification pour une année s'il faut ensuite reprendre la suppression de la classe d'en dessous pour les trois ou quatre nouveaux magistrats nouvellement entrés en fonction ? C'est cette question que nous invite à nous poser l'amendement de M. Mouhanna. Si nous le refusons et que le Conseil d'Etat modifie son règlement, j'espère que la prochaine loi qui sera proposée ne le sera pas avec deux ans de retard...

Le président. Madame la conseillère d'Etat, quel est votre avis à ce sujet ?

Mme Martine Brunschwig Graf. Je n'ai rien compris, Monsieur le président ! (Rires.)

M. Jean Spielmann. Le projet de loi que le Conseil d'Etat nous propose a été déposé environ deux ans après la décision d'engager les fonctionnaires deux classes en dessous de leur classe de fonction. Ce projet est passé dans tous les arcanes du Grand Conseil et a été voté. Cependant, au moment de son application, le règlement du Conseil d'Etat avait déjà changé, et la fonction publique n'avait plus qu'une année de carence ! C'est pourquoi nous corrigeons maintenant la loi concernant les magistrats afin qu'ils ne connaissent, eux aussi, plus qu'une année de carence. La loi actuelle possède une année de retard par rapport au règlement relatif à l'engagement du personnel de la fonction publique. Comme il est prévu, dans le futur, d'engager les fonctionnaires dans leur classe de fonction, il faudra modifier une nouvelle fois la loi concernant les magistrats. La prochaine fois, il serait bien de ne pas modifier cette loi avec deux ans de retard...

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ce projet de loi a été déposé au début de l'année. D'après ma mémoire, lorsque je suis arrivée en fonction, nous en avons discuté, car nous nous sommes aperçus de la différence de traitement entre la fonction publique et la magistrature. Le Conseil d'Etat a donc déposé ce projet en toute connaissance de cause et au cours de la même année. Aujourd'hui, si j'ai bien compris, M. Spielmann souhaite anticiper le moment où nous discuterons de l'entrée dans la classe de fonction avec une nouvelle année pour la fonction publique afin d'éviter une nouvelle modification de la loi. Est-ce bien exact ?

Une voix. Oui.

Mme Martine Brunschwig Graf. Mais je vous ai précisément invité, lors de ma précédente intervention, à ne pas suivre cette proposition ! Ainsi, le jour où nous devrons prendre des décisions s'agissant d'un nouveau palier pour entrer dans la classe de fonction et, partant, d'une mise à niveau, il sera toujours temps de décider de ce que nous entendons faire par rapport à la modification de la loi sur le pouvoir judiciaire. Je demande donc que l'on n'apporte aucun nouvel amendement au projet qui vous est soumis. Mon intervention avait précisément pour but de vous informer que la position du Conseil d'Etat n'avait nullement changé s'agissant de la somme consacrée à la fonction publique dans le budget 2004. Si le Grand Conseil lance une autre proposition, il devra trouver les moyens supplémentaires pour garantir la couverture; il ne pourra d'autre part pas modifier la loi. Pour l'heure, il ne me paraît pas raisonnable d'apporter des modifications.

Le président. Je donne la parole à M. Mouhanna, puisque la discussion sur son amendement a été rouverte.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Mon intervention sera très brève. Il convient de rectifier: mon amendement n'a pas seulement pour objectif de parer au décalage temporel existant, mais il vise à la suppression d'un système absurde et injuste qui consiste à payer les personnes deux classes en dessous de la classe correspondant à la fonction qu'elles sont appelées à exercer. Pour ce qui concerne le pouvoir judiciaire, il s'agit d'une élection par le peuple, et je trouve totalement absurde que le traitement se situe deux classes en dessous du traitement affecté à cette fonction !

Cependant, je déduis des propos de Mme la présidente que les perspectives qui nous permettraient d'espérer l'abolition de ce système absurde sont plutôt sombres. Au vu du vote précédent, je suppose en outre que le parlement va poursuivre dans cette voie. Comme il me semble inutile de maintenir cet amendement, je le retire.

M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur. Je tiens simplement à préciser que je ne veux rien du tout, mais que je me contente d'exposer la situation dans laquelle le Conseil d'Etat nous place par rapport à cette loi. Il est vrai que vous avez récemment déposé ce projet de loi, mais il y a deux ans que la situation a évolué ! La loi que nous avons modifiée visait à engager les magistrats deux classes en dessous de leur classe de fonction. Or, lorsque nous avons voté cette loi, il y avait déjà un mois que les fonctionnaires n'étaient plus engagés qu'une classe en dessous de leur classe de fonction ! Et lorsque la nouvelle loi sera entrée en vigueur et que des nouveaux magistrats seront engagés, il est probable que les fonctionnaires ne seront plus engagés une classe en dessous de leur classe de fonction... Vous reviendrez dès lors avec un projet de loi. J'espère simplement que l'on n'attendra pas deux ans !

Le président. Au bénéfice de ces explications, je mets aux voix l'amendement de M. Mouhanna.

Des voix. Il vient de le retirer !

Le président. C'est juste ! Je mets donc aux voix les articles 2 et 18 ainsi que les articles 1 et 2 soulignés.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 18.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 9037 est adoptée en troisième débat, par article et dans son ensemble.

Le président. Nous passons maintenant à la suite des urgences dans l'ordre suivant: les points 52, 56 et 53; puis le point 103 ter; enfin, puisque la présence de M. Cramer sera nécessaire, le point 115.