République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8526-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Pierre Ducrest, René Koechlin, Olivier Vaucher, Florian Barro, Jean-Marc Odier, Michel Ducret, Nelly Guichard, Michel Parrat, Pierre Marti modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (L 5 05)
Rapport de M. Mark Muller (L)
Projet: Mémorial 2001, p. 5520

Premier débat

Le président. Nous procédons, maintenant, comme nous l'avions annoncé, à l'examen des objets du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Nous avons dix-sept minutes de retard... J'en suis désolé vis-à-vis de M. Moutinot, mais, au moins, nous avons pu terminer cet objet. Nous prenons donc maintenant le point 63.

Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport, brièvement ? Je vous donne la parole.

M. Mark Muller (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Le projet de loi 8526 est un projet de loi relativement ancien, puisqu'il date de la précédente législature.

Lorsque nous l'avons examiné en commission, nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre des propositions qu'il contenait n'étaient pas conformes au droit fédéral, plus particulièrement en ce qui concerne la possibilité de renoncer à la délivrance d'une autorisation de construire pour exécuter des travaux. Nous nous sommes demandé en commission s'il valait la peine de maintenir ce projet de loi ou si nous devions purement et simplement le retirer. Comme l'une ou l'autre des propositions qui figuraient méritait quand même tout notre soutien, nous avons décidé de le maintenir. Mais nous l'avons réduit à la portion congrue, puisque nous ne faisons que proposer l'adjonction d'un alinéa à l'article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses.

Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi.

M. Gabriel Barrillier (R). Ce projet de loi semble être une évidence... Toutefois, à bien y réfléchir et pour tenir compte de la pratique et des longueurs des procédures, il me semble nécessaire de confirmer dans la loi, avec toute la force du législateur, qu'une autorisation de construire doit être délivrée sans délai et sans conditions ou atermoiements, dès lors que toutes les conditions légales sont réunies.

Mesdames et Messieurs les députés, s'il n'y avait jamais de problèmes, cette proposition serait évidemment superfétatoire. Mais ce n'est pas le cas. C'est la raison pour laquelle il incombe au législateur, avec toute l'autorité voulue, d'obtenir que les procédures se déroulent dans la sécurité du droit et dans l'intérêt bien compris de tous les participants à l'acte d'aménager et de construire.

Le parti radical votera donc cette loi.

Le président. Monsieur le député, pour ne pas effrayer nos collègues qui n'auraient pas lu le texte, je leur précise bien que «sans atermoiements» ne figure pas dans le texte qu'ils vont être appelés à voter...

Monsieur le député Etienne, vous avez la parole.

M. Alain Etienne (S). Un certain nombre de projets de lois ont été déposés par les partis de l'Entente en vue de simplifier les procédures. Si nous sommes favorables à l'amélioration de ces dernières, cette amélioration doit se faire avec précaution et, dans le cas présent, nous pouvons une nouvelle fois avoir quelques doutes...

Je dois tout d'abord dire que le rapport est un peu succinct. M. Muller ne nous relate pas les larges discussions que nous avons eues sur les lenteurs supposées reprochées au département dans le traitement des requêtes d'autorisation de construire, et c'est bien dommage. Car si M. Muller avait fait état de nos discussions dans son rapport, nous aurions pu y lire, par exemple, que la longueur du traitement des dossiers n'est pas due à la lenteur de la police des constructions, mais, notamment, à un arsenal législatif important, que la police des constructions traite un grand nombre de dossiers et qu'il arrive souvent que des compléments soient demandés. Il arrive souvent aussi que les mandataires soient eux-mêmes à l'origine des retards: parfois des plans manquent, un plan d'assainissement, une étude d'impact, et tout ceci ne se fait pas dans les dix jours.

Voyant le projet de loi un peu faible et contraire, comme l'a rappelé M. Muller, aux exigences légales fédérales, il a été fait appel comme d'habitude au département pour proposer des mesures pour accélérer les procédures, mesures qui figurent en annexe, et nous remercions le département pour le travail fourni. M. Muller ne nous dit pas non plus dans son rapport pourquoi des articles ont été retirés, mais il l'a fait au début de son intervention.

Par exemple, en ce qui concerne la publication, article 3, alinéa 2: que demandait le projet de loi ? Que lorsque la requête en autorisation de construire était conforme au PLQ, l'autorisation ne soit pas publiée... La belle affaire ! Mais c'est tout simplement contraire à la LIPAD et à la loi fédérale sur l'environnement qui exige le droit de regard sur les dossiers ! Rien dans ce projet de loi n'était compatible avec les exigences fédérales et cantonales, et c'est pourquoi les articles ont été retirés... Alors que reste-t-il, en définitive, de ce projet de loi déposé en grandes pompes en pleine période électorale? Eh bien, pas grand-chose ! Il ne reste plus que l'article 1, alinéa 2, dont le texte initial: «Lorsque les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.» a été remplacé par: «Dès que les conditions légales sont réunies...». Ainsi, on a remplacé «lorsque» par «dès que»... Voici la modification légale que nous propose aujourd'hui la majorité de ce Grand Conseil !

Monsieur le président, c'est un peu faible. Alors qu'il nous est souvent reproché de rallonger les débats, vous en conviendrez, nous aurions pu éviter cette perte de temps !

De notre point de vue, ce projet de loi, tel qu'il ressort de la commission, aurait dû être retiré par ses auteurs.

En conséquence, le parti socialiste ne participera pas à cette comédie. Nous nous sommes abstenus en commission au vote final. Nous nous abstiendrons encore aujourd'hui, car ce travail législatif n'est pas sérieux ! (Applaudissements.)

Le président. Quand on n'est pas là pour les rapports, on doit faire confiance aux résultats des votes. Madame Michèle Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). L'intérêt de ce projet de loi est sans doute inversement proportionnel à l'intérêt porté aux bouteilles qu'on présente au fond de la salle...

Le président. C'est vrai, Messieurs Blanc, Serex, Desbaillets: vous pourriez faire votre exposition viticole ailleurs ! Allez-y, Madame Künzler.

Mme Michèle Künzler. Comme l'a dit M. Etienne, on nous a annoncé de grands changements, car la droite était enfin au pouvoir, mais, dans ce projet, elle s'est contentée de changer une conjonction pour une autre ! De toute façon, ce projet de loi est non conforme au droit supérieur, et c'est ainsi que tous ses projets sont construits. En partant d'idées reçues ou d'idées qui sont dans l'air, elle élabore un projet de loi, et, finalement, elle se contente de remplacer «lorsque» par «dès que» ! Et tout cela a coûté plusieurs heures de commission ! C'est vraiment ridicule ! C'est pourquoi nous nous sommes abstenus, et nous continuerons à nous abstenir, parce ce que, franchement, cela ne vaut même pas la peine de discuter de ce projet de loi !

Le président. Merci, Madame la députée, mais la discussion continue... Monsieur le député Barro, puis M. le rapporteur Muller, puis M. le conseiller d'Etat, Laurent Moutinot vont s'exprimer. Monsieur Barro, allez-y.

M. Florian Barro (L). L'intervention persifleuse de M. Etienne, doublée de celle de Mme Künzler, me donne l'occasion de réagir, puisque - vous le savez - dans le cadre des autorisations de construire, il est maintenant possible pour les mandataires et tout un chacun de suivre l'évolution des dossiers sur Internet: leurs manquements, les réponses qui sont données, les préavis qui sont récoltés par la police des constructions, et aussi de voir, une fois que l'instruction est terminée, quel laps de temps il faut pour obtenir une autorisation de construire.

Je me permets de vous donner deux petits exemples, qui sont purement d'actualité. J'ai déposé deux requêtes en autorisation de construire complémentaires - je parle bien d'un complément et non d'une demande d'autorisation de construire... Une instruction s'est terminée le 27 mars et l'autre le 1er ou le 2 avril: eh bien, j'attends encore aujourd'hui l'autorisation, et nous sommes le 2 mai ! Il faut plus d'un mois pour délivrer une autorisation de construire complémentaire, alors que les instructions sont terminées !

Alors, vous pouvez vous gausser à propos du «dès que» ou du «lorsque», mais avouez qu'il n'est pas normal qu'il faille trente jours pour publier une autorisation de construire dont l'instruction est terminée ! Surtout que ces deux compléments d'autorisation de construire ont nécessité, eux, trois mois d'instruction au sein du département auquel, il est vrai, nous n'avons pas réclamé le traitement accéléré. Mais, je le répète, depuis un mois, j'attends paisiblement et tranquillement ces autorisations de construire ! Et vous pouvez appeler: vous ne tomberez jamais sur la personne responsable qui serait capable de vous donner la date à laquelle ces autorisations de construire seront délivrées !

Il me semble tout de même qu'il devrait être possible d'améliorer quelque peu les choses à ce niveau, et, d'ailleurs je pense que l'instrument mis à disposition des mandataires et du public pour voir à quel stade se trouvent les autorisations de construire est un bon instrument propice à accélérer les choses. En tout cas, je salue l'initiative du département dans le but de permettre aux mandataires de mieux connaître l'évolution de leur dossier.

Pour ma part, je vous propose quand même de soutenir ce projet de loi, même si c'est pour un mot. Mais un seul mot peut permettre de faire prendre conscience aux gens qu'il faut que les piles de dossiers diminuent.

Le président. La parole est à M. Pagani, puis à M. Muller, puis à M. Moutinot.

M. Rémy Pagani (AdG). M. Barro a du mal à justifier cette petite modification, mais je le comprends, car, bien évidemment, il doit sauver l'honneur...

Après avoir déposé un projet de loi de deux pages pour modifier l'ensemble des procédures et après les travaux de commission, vous accouchez d'une petite souris - et quand je dis d'une petite souris, je devrais dire de rien du tout... (Rires.)Il est donc bien sûr un peu délicat, Monsieur Barro, voire difficile, de justifier cette importante modification consistant à changer «lorsque» en «dès que»...

Cela étant, nous nous sommes opposés - nous, l'Alliance de gauche - à cet amendement, parce que nous trouvons tout cela ridicule, Mesdames et Messieurs les députés ! Combien d'heures avons-nous passé sur ce projet de loi, Monsieur Muller ? (L'orateur est interpellé.)Oui, mais tout de même une séance... (Exclamations.)Non, trois séances, quatre séances !

Toujours est-il que nous avons demandé au département de nous fournir des statistiques pour vous montrer que ce n'est pas le département qui bloque les dossiers. Les retards se prennent en amont, c'est-à-dire que ce sont souvent les propriétaires qui n'arrivent jamais à se mettre d'accord avant de déposer des projets, et aussi en aval, pour des raisons de déclassements ou parce que les promoteurs n'ont pas l'argent pour réaliser leurs projets, ce qui les bloque. Alors, Monsieur Barro, vous dites que le département a très bien fait de permettre aux mandataires de suivre l'évolution de leur dossier sur Internet, car cela améliorera les choses... Certes, cette mesure proposée par le département va apporter certaines améliorations, mais il faut tout de même relever que vous discutez pour un retard - si retard il y a - d'un mois ou deux pour la délivrance d'une autorisation de construire ! Je comprendrai que vous discutiez, que vous exprimiez votre colère et que vous déposiez des projets de lois vigoureux pour des retards de six mois ou une année ! Mais là, vous faites toute une histoire pour un petit mois de retard ! Je me réjouis d'entendre l'intervention de M. Moutinot, parce que j'imagine qu'il y a des problèmes spécifiques qui se posent.

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons pu poser des questions aux représentants du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, et nous avons eu des réponses, des statistiques sur des projets concrets, et nous avons été convaincus - et vous aussi, à voir ce qu'il en est ressorti de commission - que les problèmes des délais pour requêtes administratives ne résidaient pas au niveau de l'administration, mais en amont ou en aval. Je crois donc que nous pouvons nous féliciter d'avoir une administration qui fonctionne encore, Monsieur Barro, alors que vous essayez par tous les moyens, notamment par le biais d'autres projets, de supprimer des postes dans l'administration, ce qui réduira sa capacité de répondre efficacement aux besoins de la population.

M. Mark Muller (L), rapporteur. Il n'est tout de même pas anodin de prévoir dans la loi que l'autorisation est délivrée «dès que» les conditions légales sont réunies... En effet, vous savez que le département dispose d'un délai de soixante jours pour répondre à une requête en autorisation de construire. Ce délai n'est pratiquement jamais respecté, et quand il l'est, c'est l'exception.

En tant que rapporteur, j'aimerais corriger l'affirmation de M. Etienne, appuyé par Mme Künzler, par rapport à un point technique... Nous n'avons pas seulement modifié une conjonction, nous avons introduit dans la loi un nouvel alinéa, que nous avons effectivement amendé en remplaçant une conjonction de subordination par une autre en commission. Et ce nouvel alinéa est donc une nouveauté, selon laquelle, en effet: «Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.»

Les débats que nous avons eus en commission n'ont pas été inutiles, outre cette modification - qui est loin d'être anodine à nos yeux - dans la mesure où la réflexion que nous avons menée a conduit le département à faire un certain nombre de propositions concrètes pour accélérer les procédures. Elles ne se traduisent pas pour l'instant par des modifications légales, mais vous pouvez trouver la liste de ces propositions intéressantes faites par le département en annexe au rapport. Je crois que c'est grâce aux débats relatifs à ce projet de loi que nous avons pu obtenir ces propositions, et j'en remercie ici le département.

Dernier point, Monsieur Etienne, vous vous étonnez de la petite avancée des partis de droite... Mais, Monsieur Etienne, si vous avez d'autres propositions à faire pour accélérer les procédures, nous les accueillerons avec beaucoup de plaisir !

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Le projet de loi que vous allez voter précise que: «Dès que les conditions légales sont réunies le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire.» Je comprends ce projet comme une codification de la pratique, parce que j'imagine assez mal que l'on délivre des autorisations de construire si les conditions légales ne sont pas réunies ou qu'on ne les délivre pas si elles le sont...

Tout le débat portait sur le «dès que». Il va de soi que nous souhaitons être le plus diligents possible et que vous avez maintenant effectivement le moyen de le contrôler systématiquement, puisque j'ai fait mettre dans le domaine public le traitement des dossiers depuis leur enregistrement jusqu'à la délivrance de l'autorisation. Vous pouvez, par conséquent, savoir où en sont les choses, comment elles se passent, quel préavis nous attendons, quelle demande a été faite au mandataire, etc.

Maintenant, en ce qui concerne les retards - ou, plutôt, les prétendus retards - je reçois relativement peu de plaintes à ce sujet. Et s'il faut considérer, Monsieur Barro, les cas que vous avez cités comme des retards, vous m'obligeriez en me donnant les numéros des dossiers, de manière qu'ils puissent être traités. En effet, dans la plupart des cas qui m'ont été signalés ou dénoncés par les requérants - il peut arriver qu'il y ait du retard, c'est vrai - soit ces retards étaient explicables soit il n'y avait carrément pas matière à reproches...

Je vous cite, et je ne l'ai pas choisi, le tout dernier cas de plainte qui m'a été adressée: il s'agissait d'un cas où l'autorisation n'avait pas été délivrée dans les temps parce que le requérant n'avait jamais déposé la requête en abattage d'arbres, bien qu'il ait été rendu attentif au fait qu'il fallait déposer cette requête lors du rapport d'entrée - il entendait en effet construire là où il y avait des arbres. A partir de là, le retard qu'il imputait au département devait lui être imputé, puisqu'il n'avait pas fait la démarche qu'il devait faire. Et en vertu du principe de la coordination des procédures, je ne pouvais pas délivrer l'autorisation, qui était au demeurant prête à être délivrée, tant que la requête en abattage d'arbres n'avait pas été déposée, instruite et fait l'objet d'une décision.

Mesdames et Messieurs les députés, la loi que vous allez voter est donc pour moi un encouragement à continuer à délivrer les autorisations qui nous seront demandées avec le plus de célérité possible.

Le président. Conformément à notre règlement, nous allons procéder au vote de ce projet de loi au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

La loi 8526 est adoptée par article.

La loi 8526 est adoptée en trois débats dans son ensemble par 38 oui contre 7 non et 16 abstentions.